1Le fondateur Henri-Philippe Plon (1806-1872) s’installe comme imprimeur à Paris en 1833, en association avec Maximilien Béthune et Thermidor Belin1. En 1845, il reprend l’imprimerie à son compte et crée, avec ses frères Charles et Hippolyte, la société en nom collectif et en commandite « Plon frères et Cie ». Dix ans plus tard, Henri Plon reste seul à la tête d’une entreprise qui, constituée d’une imprimerie (transférée à Nanteuil-les-Meaux en 1899), d’une librairie et d’une fonderie de caractères, va s’imposer rapidement dans le paysage éditorial français. La Librairie Plon publie d’abord des livres liturgiques illustrés, puis des livres de jurisprudence, quelques ouvrages de médecine et des livres d’histoire, avant de s’ouvrir à la littérature, mais aussi aux récits de voyages et aux livres d’art. Après la mort d’Henri Plon, son fils Eugène (1836-1895) et son gendre Louis-Robert Nourrit (1833-1894) deviennent en 1873 associés gérants ; dès 1883, Robert Nourrit fait entrer dans la société ses deux gendres, Pierre Mainguet (1855-1926) et Henri-Joseph Bourdel (1856-1945), puis son propre fils Adolphe-Eugène-André Nourrit (1869-1915). La Librairie Plon devient SARL en 1926 – elle est alors dirigée par Joseph Bourdel, Maurice Bourdel son fils, Robert Mainguet (fils de Pierre), le docteur Pierre-Henri-Nicolas-Benjamin Halmagrand et Robert-Adolphe-André Delaroche-Vernet (tous deux gendres de Pierre Mainguet) ; en juillet 1935, elle se constitue en société anonyme, les actions étant presque exclusivement souscrites par les membres de la famille. La maison Plon est ainsi parvenue à traverser plusieurs décennies en conservant une position dominante dans le champ éditorial ; l’histoire et la littérature vont rester les deux piliers d’un fonds construit autour d’une même sensibilité idéologique, catholique et conservatrice.

Une maison d’édition catholique

2Alors que le livre religieux est une spécialité propre à certains éditeurs, il occupe d’emblée une place importante dans la production de la Librairie Plon, ce choix s’inscrivant dans la politique éditoriale d’une maison tournée vers un public conservateur. « Imprimeur-éditeur du catéchisme du diocèse de Paris, de livres liturgiques illustrés, du Chemin de la croix, etc. », Plon publie notamment une « Bibliothèque des familles chrétiennes et des maisons d’éducation », sous le patronage de Monseigneur l’Archevêque de Paris et sous la direction de l’abbé Marie-Patrice Cruise, ainsi qu’une « Bibliothèque approuvée », dirigée par Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy et dont « aucun volume ne paraît sans l’approbation épiscopale2 ».

3La collection la plus importante naît toutefois pendant l’entre-deux-guerres, alors que la France connaît un mouvement de « renaissance littéraire catholique ». La collection « Le Roseau d’or : œuvres et chroniques » est lancée en mai 1925 par Henri Massis et le philosophe thomiste Jacques Maritain, avec la collaboration de Stanislas Fumet et Frédéric Lefèvre. Son nom fait allusion au roseau d’or utilisé par l’ange de l’Apocalypse chargé de mesurer la Jérusalem céleste ; son projet éditorial est de « grouper les œuvres les plus originales et les plus significatives – études critiques, essais, romans, poèmes, drames, etc. – des écrivains qui travaillent au redressement spirituel de notre époque3 ». Il est prévu de publier tous les mois – sauf en août et en septembre – un volume in-8 ° de 200 à 400 pages avec une présentation demi-luxe, tiré entre 3 300 et 6 600 exemplaires et vendu à un prix variant de 9 à 15 francs. Les directeurs de la collection annoncent leur volonté de « réunir pour un témoignage commun des écrivains par ailleurs très différents les uns des autres, voire opposés, rassemblés cependant par un même souci spirituel très supérieur à toute littérature ». Tous deux convertis au catholicisme et proches de Charles Maurras, Massis et Maritain font appel à des écrivains catholiques : Sous le soleil de Satan (1926), premier roman de Georges Bernanos, Le Gant de crin de Pierre Reverdy, Adrienne Mesurat et Leviathan de Julien Green, ainsi que les œuvres de Gilbert Keith Chesterton donnent à la collection à couverture bleue un grand rayonnement. Selon Jean-Pierre Maxence, « pour la jeunesse littéraire comme pour le public, paraître au “Roseau d’or” était, en dehors de toute question d’idéologie, une garantie de qualité4 ». Mais si « Le Roseau d’or » entendait rivaliser avec la NRF – les auteurs se regroupant autour de l’un ou de l’autre selon leurs convictions et leurs amitiés –, le combat était inégal car Plon avait dans son catalogue, selon le constat de Stanislas Fumet, « peu de noms d’auteurs à offrir au “Roseau d’Or” » :

Des auteurs nous échappaient ; ce qui est plus grave, des auteurs amis. Ainsi nous ne pûmes obtenir de Gaston Gallimard un livre entier de Paul Claudel, à l’exception de sa Correspondance avec Jacques Rivière. Pas un Max Jacob, pas un Reverdy (sauf Le Gant de crin, trop confessionnel pour la N.R.F.). Bernard Grasset, de son côté, accaparait d’autres écrivains enrôlés d’office dans nos rangs5.

4Les directeurs du « Roseau d’or » eurent alors l’idée d’insérer dans la collection des numéros de Chroniques « permettant de donner des essais, des poèmes, des fragments d’ouvrages propres à mieux déployer l’éventail littéraire du “Roseau d’Or”6 ». Si ces Chroniques eurent moins de succès que les romans, elles servirent toutefois « plus ou moins de manifestes » et le premier numéro, qui contenait Le Soulier de satin – Première journée de Paul Claudel, fut « sensationnel » selon Stanislas Fumet7. « Le Roseau d’or » va aussi se faire l’écho de la crise qui déchire les catholiques maurrassiens après la condamnation de l’Action française par Pie XI en 1926. Les deux directeurs de la collection font des choix opposés : Jacques Maritain quitte l’Action française et se prononce pour la soumission au pape dans Primauté du spirituel (1927), tandis qu’Henri Massis prône la résistance au Vatican et proclame sa fidélité à Charles Maurras dans Défense de l’Occident (1927)8. Massis quitte alors le comité de direction, laissant Maritain seul directeur d’une collection qui va peu à peu s’essouffler. « Le Roseau d’or » publie en 1932 son 51^e et dernier titre, La Tunique sans couture de Maurice Baring, tiré à seulement 750 exemplaires.

5C’est l’approche de la guerre qui va donner naissance à une nouvelle collection de confession chrétienne. « In Hoc Signo » entend trouver dans la foi les réponses aux « inquiétudes » d’un conflit désormais imminent : « Par ces mots immortels, le Christ a promis la victoire à ceux qui luttent en son nom. “In Hoc Signo : tu vaincras par ce signe9”. » L’essai du cardinal et archevêque de Paris Jean Verdier, Problèmes sociaux, réponses chrétiennes, ouvre une collection qui se veut « le témoignage de la réalité vivante du catholicisme dans le monde d’aujourd’hui ». Elle ne comptera que quatre titres, tous publiés en 1939.

L’histoire : la grande affaire de Plon

6Henri Plon avait notamment développé sa « Bibliothèque historique » avec portraits gravés et fac-similés d’autographes, les deux périodes privilégiées étant la Révolution française et le Premier Empire. S’y ajoute rapidement une série d’ouvrages relatifs aux « événements douloureux » de 1870-1871. Alors que la chute de l’Empire aurait pu être fatale à celui qui portait depuis 1852 le titre d’« imprimeur de l’Empereur » et que les éditeurs parisiens attendaient prudemment des temps plus apaisés, Henri Plon vit tout le profit qu’il pouvait tirer des événements pour sa maison d’édition. Dès la fin du conflit contre la Prusse, il mena une série de démarches auprès des principaux chefs militaires pour préparer la publication d’une grande collection d’ouvrages sur la guerre de 1870-1871. Les auteurs de la collection furent ainsi « ceux-là mêmes qui avaient pris la part la plus considérable aux événements » : les généraux Antoine-Eugène-Alfred Chanzy, Louis Aurelle de Paladine, Charles-Gabriel-Félicité Martin des Pallières, le comte de Palikao, Joseph Vinoy, l’amiral La Roncière-Le Noury, le maréchal François-Achille Bazaine, l’ancien ambassadeur de France en Prusse le comte Vincent Benedetti, le ministre des Affaires étrangères Jules Favre10. La « Bibliothèque de la guerre de 1870 » se fit le porte-parole de ceux qui attribuaient la défaite à la supériorité du système éducatif allemand, appelant de leurs vœux une réforme du système éducatif français et, avant tout, de l’enseignement de l’histoire11 :

Une nation qui prétend se gouverner elle-même doit être instruite en politique, et […], pour l’être, elle doit avant tout connaître sa propre histoire. C’est pour avoir méconnu les grandes traditions du passé de notre nation, que des hommes d’État malavisés ont fait sortir la France de sa voie politique naturelle et l’ont jetée dans les aventures, causes des plus épouvantables désastres. Mais la France peut et doit se relever12.

7La Première Guerre mondiale permet de renouveler le catalogue avec des écrits qui collent au plus près de la réalité. Paru dès 1915, La Bataille de la Marne (6 au 12 septembre 1914) du journaliste Gustave Babin est un grand succès : elle en est à sa huitième édition en 1916. La « Collection de la Grande Guerre » offre entre autres les écrits d’Henry Bordeaux, de Louis Madelin, de Gabriel Hanotaux, de Raymond Poincaré, mais aussi Le Sacrifice : 1914-1916 d’Henri Massis (1917), ainsi que des ouvrages sur la révolution russe – notamment, en 1919, le livre de Serge de Chessin, Au pays de la démence rouge : la révolution russe (1917-1918). Elle se poursuit jusqu’au milieu des années 1920 avec de nombreuses rééditions.

8Mais alors que la production de livres d’histoire se redresse peu à peu dans l’édition française, la Librairie Plon choisit de porter l’essentiel de ses efforts sur la littérature. La décennie 1920 ne voit la création que d’une seule collection de biographies, « Nobles vies. Grandes œuvres », qui s’adresse à la jeunesse et à « tous ceux qui n’ont que peu de loisirs pour la lecture ». Dirigée par Marguerite Baldensperger – épouse du professeur Fernand Baldensperger, pionnier de la littérature comparée –, elle offre à partir de 1925 dans des volumes in-8 ° à 5 francs (puis 6 francs) « quelques vies rayonnantes et l’histoire des grandes œuvres humaines13 ». Sont ainsi proposées les biographies de grands personnages : Guynemer par Henry Bordeaux, Victor Hugo par Mary Duclaux, Charles de Foucauld par René Bazin, Démosthène par Georges Clemenceau ou La Pérouse par André Bellesort. Au total, 19 titres sont publiés jusqu’en 1928.

9C’est dans les années trente que Plon, constatant que « le goût du public pour les livres d’histoire » est « de plus en plus vif14 », renouvelle véritablement son catalogue. Avec « Les Grandes Figures coloniales » (1930-1932), l’éditeur ne cache pas son objectif de tirer profit de l’année coloniale qui se prépare et qui a pour but de convaincre la population française du bien-fondé de la grande œuvre coloniale de la III^e République. Organisée par le maréchal Hubert Lyautey, l’Exposition coloniale internationale est un grand succès populaire et n’attire pas moins de 8 millions de visiteurs de mai à novembre 1931 à la Porte Dorée à Paris. Ce moment de grande exaltation pour l’Empire colonial français n’est-il pas « particulièrement bien choisi pour glorifier ceux qui ont, par leur énergie, leur courage, contribué à le constituer15 » ? C’est en tout cas ce dont Plon est convaincu et ce sont les portraits de dix « Grandes Figures coloniales » qui sont publiés, dont Brazza, Jacques Cartier, Bugeaud ou Champlain, dans des volumes de petit format (in-16) vendus 15 francs.

10Malgré la crise, l’année 1933 voit la création de plusieurs collections à destination de différents publics. La collection « Figures et souvenirs » s’adresse aux « amateurs de récits historiques » qui ne peuvent parfois satisfaire leur goût par « crainte d’entreprendre la lecture d’un ouvrage de sèche et ennuyeuse érudition ». C’est pourquoi elle vise à offrir « des ouvrages attrayants, exacts, et souvent plus romanesques que les romans les plus audacieux16 » : les Souvenirs de la princesse Pauline de Metternich, 1859-1871 sont suivis du Roman tragique de l’empereur Alexandre II par Maurice Paléologue, de La Vie orageuse de Mirabeau par Henry de Jouvenel, des Braves Gens. La Chevauchée au gouffre (Sedan) de Paul et Victor Margueritte, de Madame Lafarge, voleuse de diamants de Louis André. 24 titres, uniquement des rééditions, paraissent jusqu’en 1934. Son prix la destine également à un large public : 5,75 francs pour des volumes reliés de format in-8 °. Plon reprend ainsi un genre déjà exploité : notamment par Fayard avec « Le Roman dans l’histoire » dont les ouvrages se vendent beaucoup plus cher (7,50 francs en 1924, année de sa création, mais 12 et 15 francs dans les années 193017), et surtout par Flammarion qui a lancé en 1932 « Hier et aujourd’hui », collection à 3,75 francs dirigée par Octave Aubry.

11Héritière de la « Bibliothèque historique » chère au fondateur de la maison Plon, la « Bibliothèque historique Plon » se destine quant à elle à « un public désireux de posséder des œuvres plus importantes, mais que leur prix élevé (de 30 à 40 francs) lui avait interdit jusqu’ici de se procurer ». Composée « d’élégants volumes d’environ 320 pages, sur beau papier, bien reliés et illustrés », vendus 15 francs, elle a aussi pour but de « rendre les questions historiques accessibles au plus grand nombre18 ». La collection « s’attache surtout à ressusciter l’Histoire dans ses manifestations “humaines”. Elle éclaire le passé de façon inoubliable “par le dedans” si l’on peut dire ainsi. À travers elle, l’Histoire apparaît tantôt comme un roman, tantôt comme un drame, et tantôt comme une aventure. Et rien n’est parfois plus invraisemblable que sa vérité19 ». Le Roi chez la reine, ou Histoire secrète du mariage de Louis XIII et d’Anne d’Autriche d’Armand Baschet, La Vie privée de Talleyrand de Bernard de Lacombe, Le Divorce de Napoléon d’Henri Welschinger voisinent ainsi avec Le Siège, la prise et le sac de Constantinople par les Turcs en 1453 de Gustave Schlumberger ou avec L’Europe et la fondation de l’Empire français, d’Albert Sorel.

12Cette même année 1933 voit la naissance des « Témoins de l’épopée : mémoires, souvenirs et documents du Premier Empire », collection qui s’inscrit pleinement dans la tradition éditoriale de la maison. Six titres paraissent jusqu’en 1936. « L’Histoire racontée par ses témoins » prend alors le relais avec pour objectif de « recueillir pour chaque époque de notre histoire les documents les plus révélateurs : témoignages directs de ceux qui ont assisté aux événements ou portraits que nous ont laissés ceux qui ont connu les hommes dont l’œuvre est la France20 ». Constituée de volumes brochés au prix assez élevé de 35 francs, la collection illustrée de « remarquables documents iconographiques » se veut « la plus vivante et la plus émouvante évocation de l’histoire de France ». Après les portraits des grands rois (Louis XIV, Louis XIII, Louis XV et Louis XVI), trois volumes seront consacrés à La Révolution française (1941-1944) ; la figure de Napoléon, d’Ajaccio à Austerlitz, viendra clôturer la collection en 1951.

13À partir de 1935, une nouvelle collection de biographies, « Les Grandes Figures », offre, dans des volumes brochés in-8 ° de moins de 100 pages pour la plupart et sous une couverture en héliogravure en noir et blanc, des récits retraçant la vie de rois et de papes, ainsi que celle de diverses figures historiques, laïques ou religieuses : Lyautey d’André Maurois, Hélène Boucher, aviatrice de Jacques Mortane, Jean Mermoz du même auteur, Bernadette de Lourdes de Gaston Marchou, Le Soldat inconnu de Léo Larguier, mais aussi Les Cadets de l’Alcazar d’Henri Massis et Robert Brasillach, un récit à la gloire des nationalistes espagnols. La collection vise le grand public, avec un prix modique – même s’il augmente peu à peu avec l’inflation : de 2,50 francs, il passe à 3 francs en 1937, 3,50 francs en 1939 – et une présentation des œuvres qui se veut accrocheuse : telle La Reine Astrid : « princesse de légende et d’amour » (de Gaston Marchou, 1935) ou La Princesse Marina, duchesse de Kent : « un conte de fée moderne et romantique » (de Pierre Belperron, 1936). En 1936, l’éditeur affirme qu’un demi-million d’exemplaires a été vendu en moins de six mois.

14La dernière collection à voir le jour avant la guerre est consacrée à l’un des auteurs de la maison, Jacques Bainville, décédé en 1936. Dès son décès, l’académicien maurrassien connaît une postérité fulgurante et c’est une véritable « bainvillomania » qui se développe21. Ses « disciples » entreprennent de rassembler en volumes dans une « Collection bainvillienne » les nombreux articles que Bainville avait publiés à L’Action française, à La Liberté, au Petit Parisien, au Capital et à La Revue universelle. Dirigée par Jean Marcel, Jacques et René Wittmann22, la collection publie cinq volumes de 1937 à 1940 et les éditeurs ne manquent pas de se féliciter d’avoir fait preuve d’opportunité :

Les événements actuels confèrent à l’œuvre de Jacques Bainville une importance capitale. En effet, ce qu’il avait annoncé est arrivé ; les avertissements qu’il avait donnés correspondaient à la plus exacte des réalités, et l’événement les a confirmés ; les remèdes qu’il avait indiqués étaient et restent les seuls efficaces. Son œuvre est celle du plus lucide des prophètes, en même temps que celle d’un des plus clairvoyants et des plus grands serviteurs de la Patrie et de la Civilisation23.

15La « Collection bainvillienne » se poursuivra après la guerre avec la publication, en 1948 et 1949, du Journal de Bainville en quatre volumes.

16Pendant l’entre-deux-guerres, Plon prend donc part à la diffusion d’une historiographie de droite, en faisant appel à des auteurs qui revendiquent leur appartenance politique à la droite la plus conservatrice. Cette période constitue néanmoins une évolution dans la politique éditoriale de la maison qui, si elle entend rester un éditeur de référence en publiant de lourdes séries historiques – lesquelles peinent parfois à s’écouler –, ouvre aussi son catalogue à la « petite histoire » et aux ouvrages de vulgarisation, visant un public moins averti et aussi moins fortuné. Il s’agit de répondre à la fois à l’intérêt de Français désireux de mieux comprendre la période troublée dans laquelle ils vivent, mais aussi de satisfaire leur désir d’évasion et de distraction en leur proposant des biographies qui relatent les amours, les victoires et les échecs des grands personnages politiques.

Les essais politiques et économiques

17La période de l’entre-deux-guerres voit la création de plusieurs collections d’essais politiques et économiques. La collection « Les Problèmes d’aujourd’hui », sous la direction d’Alfred de Tarde, naît en 1921 du constat que « l’épreuve de la guerre a mis en évidence de grandes lacunes dans l’esprit public de notre pays. Elle a révélé notamment notre insuffisante connaissance des pays étrangers, de leurs mœurs, de leur politique, et notre réelle ignorance des questions économiques ». Composée de volumes de petit format (in-16), vendus entre 4 et 7 francs, la collection traite de « toutes les grandes questions qui intéressent l’opinion » ; parmi elles : la question allemande, l’actualité turque, la place de la France dans le monde, la création de la SDN, mais aussi Qu’est-ce que l’art moderne ? de François-Jean Desthieux.

18Après l’abandon des « Problèmes d’aujourd’hui » en 1925, il faudra attendre quelque dix années avant que Plon ne relance une nouvelle collection d’essais. La collection « Actualités » s’ouvre en 1936 avec un ouvrage consacré à un fasciste belge, Léon Degrelle et l’avenir du Rex de Robert Brasillach, suivi l’année suivante de Doriot et ses compagnons de Raymond Millet et du Dorgères et le Front paysan du journaliste Louis-Gabriel Robinet. Ce sont des volumes bon marché à 3 francs, mais qui ne comptent que 95 pages, ce qui a contraint l’éditeur à faire des « coupures importantes » dans la traduction de l’ouvrage d’Andrew Smith – J’ai été ouvrier en U.R.S.S (1932-1935) –, laquelle avait été publiée quelques mois plus tôt (en 1937) dans un volume de 318 pages à 18 francs. Cependant, la formule n’est sans doute pas satisfaisante puisque la collection s’arrête après la publication du sixième titre en 1938.

19Surtout, en 1937, Daniel-Rops (pseudonyme d’Henri Petiot, 1901-1965) crée la collection « Présences », de format in-16, dont le dernier volume paraîtra en 1954. Daniel-Rops songea d’abord à « des ouvrages où des hommes qualifiés porteraient un témoignage sur le métier qu’ils exerceraient24 ». Mais le projet éditorial évolua assez rapidement vers la dénonciation de la crise de l’Occident et la diffusion des idées personnalistes de l’Ordre nouveau que Daniel-Rops avait rejoint en 1931.

À la base de toute action créatrice, il y a une doctrine, une philosophie. On nous parle beaucoup, aujourd’hui, de « refaire la France » : mais sur quoi ? sur quelle conception ? En essayant de lui rendre son rôle de championne de la personne humaine, de combattante au service des vraies valeurs de l’homme ? Soit, mais que signifie la « personne humaine », quel est son sens, quelles sont ses valeurs ? C’est à ces questions que cherchent à répondre, sans dogmatisme, les cahiers de « Présences »25.

20Parmi les premiers auteurs sollicités, le colonel de Gaulle que Daniel-Rops avait rencontré à l’automne 1935 et dont le style l’avait « enthousiasmé ». La France et son armée paraît le 27 septembre 1938, mais ne connaît guère de succès : selon Daniel-Rops, à la déclaration de la guerre, la première édition n’était pas encore épuisée26. L’ouvrage sera réimprimé durant l’automne 1944 et rencontrera cette fois le succès lié au prestige de son auteur qui n’était plus l’obscur colonel d’avant-guerre. Parmi les autres essais critiques de la collection, relevons notamment L’Amour et l’Occident de Denis de Rougemont (1939), La Fin et les moyens d’Aldous Huxley (1939), ou encore Le Communisme et les chrétiens, avec la contribution de François Mauriac, qui entend poser « la question communiste comme un jugement de certaines erreurs, un appel à une action plus humaine, plus rayonnante, plus chrétienne en un mot27 ».

La littérature, l’autre pilier de la maison

21Henri Plon fait une première incursion dans le domaine des belles-lettres avec la « Collection des classiques français » : de 1861 à 1881, y sont publiés, en 61 volumes in-32, les grands auteurs des XVII^e et XVIII^e siècles sous un « élégant cartonnage or et étoffe28 ». Si la maison s’oriente d’abord vers la publication d’ouvrages de luxe et de classiques destinés aux bibliophiles, l’arrivée de Robert Nourrit dans la société va faire évoluer le catalogue vers le roman contemporain. Créée en 1876, « La Bibliothèque des romans » offre notamment les œuvres d’Henry Gréville – pseudonyme d’Alice-Marie-Céleste Durand née Fleury – ; Robert Nourrit fit une excellente affaire en recrutant, puis en s’assurant la fidélité de cet auteur prolifique, dont les œuvres connaîtront un rapide et grand succès. L’année 1889 voit la parution d’un autre best-seller de la maison Plon, Mon oncle et mon curé de Jean de La Brète (pseudonyme d’Alice Cherbonnel). Couronné par le prix Monthyon de l’Académie française, il atteint sa 244^e édition en 1927 ; porté à l’écran en 1939, il sera constamment réédité jusqu’en 1959.

22Mais c’est la « Bibliothèque Plon », lancée en 1919, qui hisse la maison au rang des grands éditeurs de littérature. Deux titres paraissent chaque mois dans des volumes de format in-16 vendus au prix de 3 francs. Alors que les problèmes économiques sont toujours présents et que le prix moyen du livre ne cesse d’augmenter pendant l’entre-deux-guerres, la Librairie Plon fait le pari d’une collection d’ouvrages à bon marché, tentative audacieuse qui vise à prendre de court des concurrents déjà bien établis dans un domaine – celui de la littérature – où elle entend s’imposer. La « Bibliothèque Plon » reprend les œuvres des auteurs à succès de la maison – Henry Bordeaux, Paul Bourget, Edmond Jaloux, Paul Margueritte, J.-H. Rosny aîné ou Jérôme et Jean Tharaud – et publie des œuvres parues chez d’autres éditeurs, mais offre aussi quelques révélations, tel Ernest Pérochon (auteur de Nêne, prix Goncourt en 1920) et surtout Germaine Acremant. Ces dames aux chapeaux verts est un best-seller en France et outre-Atlantique : sans cesse réédité, traduit en 25 langues, il est adapté au théâtre par Germaine et Albert Acremant en 1929, puis trois fois au cinéma (1929, 1937 et 1949). En 1926, la « Bibliothèque Plon » est déclinée en une nouvelle série, la « Bibliothèque reliée Plon », qui vise à proposer des « œuvres maîtresses » à la présentation élégante – reliées et sous une couverture illustrée – au prix d’avant-guerre de 3,50 francs. Dix ans plus tard, 200 titres ont été publiés et l’éditeur annonce avoir vendu 15 millions d’exemplaires. En 1937, la « Nouvelle Bibliothèque Plon » prend à son tour le relais de la « Bibliothèque reliée Plon » avec le même objectif : « mettre à la portée du plus grand nombre de lecteurs les meilleurs “titres” » du fonds romanesque de la maison29. Plon s’attache plus particulièrement à la « bonne littérature » avec « La Liseuse », « collection de romans à mettre entre toutes les mains » (ou « pouvant être mis entre toutes les mains »), c’est-à-dire plus spécifiquement destinés aux jeunes filles. On y retrouve notamment Henri Ardel, Henry Bordeaux, Paul Bourget, F. Champol et Henry Gréville dans des volumes in-16 à bon marché (2,50 francs, puis 3 francs), sous couverture illustrée en couleurs. 125 titres, souvent des rééditions, sont publiés entre 1921 et 1931.

23Par ailleurs, la maison ouvre son catalogue plus largement aux littératures étrangères avec la « Collection d’auteurs étrangers », créée en mai 1922 et confiée à Charles Du Bos. Celui-ci va alors entreprendre de faire paraître les grandes œuvres de la littérature étrangère en volumes de format in-16, d’abord vendus 7 francs ou 7,50 francs. Si les Œuvres complètes d’Anton Tchekhov traduites par Denis Roche (17 volumes, 1922-1934) ouvrent la collection – et la ferment –, le choix est rapidement fait de publier des œuvres relativement courtes. Edith Wharton se vit ainsi signifier que son ouvrage Un fils au front, qui comptait 368 pages, était trop long pour être vendu au prix de 7,50 francs. Comme il était inconcevable d’augmenter le prix du livre, ce qui aurait compromis les ventes, les éditeurs Plon-Nourrit lui proposèrent par conséquent de modifier le traité qu’elle avait signé30. La réponse d’Edith Wharton ne nous est pas connue mais son ouvrage, publié en 1924, ne comptant plus que 312 pages, il apparaît qu’elle s’est résolue à raccourcir son roman plutôt que de voir diminuer ses droits d’auteur. Les œuvres retenues se destinaient, par le choix exigeant de Charles Du Bos, davantage à des lecteurs avertis qu’à un large public et il fut rapidement convenu avec Maurice Bourdel que la collection n’aurait qu’un tirage limité. Cette exigence concernait également le choix d’œuvres qui ne devaient pas choquer les lecteurs. Valery Larbaud ne parvint ainsi qu’à grand-peine à convaincre Charles Du Bos de publier Gens de Dublin de James Joyce. Du Bos réussit à son tour à obtenir l’accord des dirigeants de la maison Plon avant de se souvenir que cela faisait trois ans qu’il n’avait pas lu le livre et d’éprouver « une peur panique qu’il fût un tissu d’obscénités31 » ! En décembre 1926, Charles Du Bos prend la direction de la collection « Écrits intimes » aux Éditions de la Pléiade et abandonne la « Collection d’auteurs étrangers » entre les mains de son ami Gabriel Marcel. Celui-ci va l’infléchir dans une orientation un peu différente et lui donne le titre et le sous-titre de « Feux croisés : Âmes et terres étrangères ». En faisant le choix d’« œuvres vivantes » plutôt que d’œuvres académiques, la ligne éditoriale de « Feux croisés » rejoignait celle du « Cabinet cosmopolite » créé par Stock en 1925. Gabriel Marcel avait pour programme de publier chaque année six volumes, dans le format in-8 °, tirés de 2 200 à 5 500 exemplaires tous numérotés. Inaugurée en octobre 1927 par La Nymphe au cœur fidèle de Margaret Kennedy (dans une traduction de Louis Guilloux), la collection a publié, en 1940, 73 titres de 51 auteurs de 16 pays différents. Les auteurs anglo-saxons sont les plus nombreux (24, soit près de la moitié) : notamment Graham Greene, Aldous Huxley, Elizabeth Goudge, Rosamond Lehmann ou Younghill Kang d’origine coréenne (l’auteur d’Au pays du matin calme, 1936). Gabriel Marcel apportait aussi appui aux intellectuels qui, fuyant l’Allemagne nazie, s’étaient réfugiés à Paris32 : parmi eux, Joseph Roth, dont La Marche de Radetzky paraît dans « Feux croisés » en 1934, et Ernst Erich Noth33 (leurs ouvrages figureront, comme ceux de Jakob Wassermann34, sur la liste Otto pendant l’Occupation). Gabriel Marcel dirigera la collection jusqu’à sa mort en 1973.

24C’est aussi au début des années vingt que Plon, suivant la vogue des cinéromans, lance « Le Film » (1922-1934) qui comptera au total 33 romans illustrés de 80 pages, vendus au prix modique de 2,50 ou 3,50 francs (4 francs pour le dernier volume). On y rencontre des auteurs phares de la maison : Henry Bordeaux (La Neige sur les pas), Paul Bourget (André Cornélis), ou Germaine Acremant (Ces dames aux chapeaux verts et La Sarrasine ou Tourbillon de Paris), mais aussi Napoléon vu par Abel Gance (1928)35. Maurice Bourdel refusera cependant de publier la suite, Napoléon à Sainte-Hélène, pour des raisons « d’ordre moral » comme il s’en explique dans un courrier à Abel Gance :

Vous vous êtes tenu certainement très près de la vérité historique, mais la vérité elle-même est souvent difficile à publier. Nous devons tenir compte que nous avons été et que nous sommes encore les éditeurs d’ouvrages touchant de très près les héritiers de l’Empereur et que nous avons, par suite, une clientèle bonapartiste très fidèle et relativement importante. D’ailleurs, d’une façon générale, dans notre public habituel, nous aurions à craindre une réaction contre votre évocation trop pénible, peut-être même d’ailleurs, trop vraie, de Napoléon. Nous ne nous sentons pas, par suite, qualifiés pour faire rendre au livre ce qu’il peut donner. Nous serions gênés pour le soutenir lors de sa mise en vente craignant d’augmenter les réactions en sens contraire des intéressés et de notre clientèle36.

25La maison ne pouvait donc renier son attachement passé à l’Empereur, trahir son identité et risquer par-là de perdre une partie de sa clientèle. Maurice Bourdel préférait perdre un auteur, fût-il l’auteur d’un monument du cinéma. En définitive, Sainte-Hélène parut chez Tallandier dans sa collection « Cinéma-Bibliothèque ». Quant aux carnets d’Abel Gance, pour lesquels Maurice Bourdel avait manifesté son intérêt37, ils furent publiés par Gallimard en 1930.

26En octobre 1931, Plon va tenter de se faire aussi une place sur le nouveau marché des livres à 6 francs38, tout en se risquant dans le domaine du roman d’aventures et du roman policier. Avec des auteurs tels que Zane Grey, Louis Chadourne, Basil Carey, Jack London ou H. J. Magog39, la collection « Aventures » prétend correspondre « à un goût marqué du public ». Elle ne parvient toutefois pas à s’imposer sur un marché très concurrentiel, alors que le public boude les collections à 6 francs, préférant acheter les nouveautés ou attendre les soldes dont la pratique se généralise dans un contexte économique marqué par la crise. Celle-ci finit par emporter les collections à 6 francs, Plon mettant fin à la sienne dès 1933 après avoir publié 30 titres.

27Si la Librairie Plon investit le domaine des collections à bon marché pendant l’entre-deux-guerres, elle ne renonce pas pour autant aux collections plus prestigieuses, de diffusion restreinte, mais qui lui permettent de consolider son image de maison de grande littérature. Lancée en 1925, « L’Aubier : collection de romans et d’essais », sous la direction de Gaston Chérau, Henri Massis et François Le Grix, a un programme ambitieux : « révéler des auteurs s’annonçant comme de ceux qui comptent dans une génération et imposer au plus grand nombre de lecteurs possible certains qui, malgré leur talent, n’ont pas acquis encore la notoriété qu’ils méritent40 ». Huit titres sont publiés en deux années, dans des volumes vendus entre 8 et 12 francs, dont Mont-Cinère, le premier roman de Julien Green. En novembre de la même année est lancé « Le Roman des grandes existences », qui publie 37 volumes au prix de 10 ou 12 francs jusqu’en 1932. Consacrée aux grands hommes, la collection entend répondre au goût du public pour le roman historique et se place ainsi dans la mouvance des vies romancées – « rien n’est plus émouvant que de découvrir leur vie intime, ou secrète, si différente parfois de ce que nous l’imaginons41 ». La Prodigieuse Vie d’Honoré de Balzac de René Benjamin ouvre la collection, suivie de La Vie aventureuse de Jean Arthur Rimbaud de Jean-Marie Carré et de Mon ami Robespierre d’Henri Béraud. Plus originales, « Les Conversations » (1928-1930) proposent « les conversations et dialogues perdus dans notre littérature et souvent introuvables42 », présentées par les « meilleurs écrivains » contemporains et vendues 30 francs sur papier d’Arches. Dirigée par Henri Massis et Maximilien Vox, la collection ne comptera toutefois que cinq titres, dont Casanova chez Voltaire par Henri de Régnier et le Souper de Beaucaire de Napoléon I^er par Jacques Bainville. Dominique Braga lance alors « La Grande Fable : chroniques des personnages imaginaires », collection tout aussi originale mais meilleur marché avec des volumes in-16 vendus entre 9 et 12 francs ; elle ne comptera cependant elle aussi que cinq titres (1930-1932) – notamment Mémoires de l’Ogre par Jean Cassou, Charlot par Philippe Soupault et Un Raskolnikoff par Emmanuel Bove. Quant à « L’Abeille Garance », elle visait de façon plus traditionnelle à offrir « des œuvres maîtresses en une belle présentation typographique43 ». Collection de demi-luxe, avec des volumes de format in-8 ° tirés à 1 200 exemplaires numérotés sur vélin pur fil du Marais, elle ne parvient pas non plus à s’imposer, sans doute en raison de son prix élevé (45 ou 60 francs) : cinq titres paraissent en 1928, dont Les Innocents de Francis Carco et La Relève du matin d’Henry de Montherlant, et un seul l’année suivante. « La Palatine » va prendre en quelque sorte le relais : composée « d’éditions originales et de grande littérature », elle s’adresse également aux « amateurs de beaux livres44 », mais avec un prix nettement moins élevé (12 francs). On y retrouve Maurice Barrès, Robert Brasillach, Georges Bernanos (Journal d’un curé de campagne, 1936, qui connaît d’emblée un grand succès45), Julien Green, Émile Henriot, Henri Troyat ou Paul Morand, ainsi que la Correspondance générale de Marcel Proust (6 volumes, 1930-1936). « La Palatine » devient rapidement l’une des collections phares de la maison, et ce sont plus de 80 titres qui sont publiés de 1929 à 1940.

28Ayant d’abord construit son fonds et sa renommée sur les livres d’histoire, Plon réussit en outre à s’imposer peu à peu comme une maison d’édition littéraire. Avec des auteurs tels que Barrès, Bordeaux ou Bourget, la maison revendique son attachement aux valeurs conservatrices et témoigne de sa frilosité, voire de sa répugnance, à s’ouvrir aux avant-gardes. L’entre-deux-guerres constitue un tournant : l’arrivée de Georges Bernanos et de Julien Green amorce le renouvellement du catalogue ; dans les années trente, la maison devient aussi l’éditeur de deux jeunes auteurs, Robert Brasillach (né en 1909) et Henri Troyat (né en 1911). Malgré tout, le côté « académique » de la maison persiste et ses dirigeants veillent à l’entretenir. Si le fonds de la maison Plon se caractérise par la grande diversité de ses collections, cet éclectisme répond à un même projet éditorial, encore réaffirmé par Maurice Bourdel au début des années cinquante : « Nous avons toujours en vue une sorte de rassemblement de tous les écrivains de talent ayant un idéal commun de défense de la civilisation occidentale46. »