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Collaborations et réseaux

 | 
Jean-Laurent Viviani
, 
Laurent Bironneau

Deuxième partie. Les réseaux comme solution à certains problèmes des organisations

Le développement des IAE au sein des universités françaises : un travail d’institutionnalisation

David Alis et Laetita Laude

Texte intégral

Introduction

  • 1 Nous tenons à remercier Frédérique Chédotel pour la qualité de ses remarques qui a permis d’amélior (...)

1Au début du XXe siècle, l’enseignement en gestion à l’université est inexistant. Les pratiques de gestion sont essentiellement enseignées dans des écoles de commerce (Meuleau, 1992)1. Les premiers instituts d’administration et d’entreprise (IAE) sont créés en 1955. En 2014, le réseau rassemble 31 IAE au sein des universités françaises et constitue un réseau de référence universitaire en sciences de gestion. Les enseignements en gestion se sont fortement développés non seulement au sein des IAE mais également au sein des universités. Comment expliquer ce développement des IAE en France ? Quels ont été les acteurs de ce développement ?

2Au moment de fêter les 60 ans de l’IGR-IAE de Rennes, cet article vise à rendre compte du développement des IAE au sein des universités françaises.

3Les IAE ont pour mission dans les universités le développement des enseignements et de la recherche en gestion, soit un double projet pédagogique et scientifique.

4Au sein des universités, les IAE se distinguent des départements tertiaires de gestion des entreprises et des administrations (GEA) des instituts universitaires de technologies (IUT), qui valorisent l’enseignement technologique. Ils se distinguent également des écoles supérieures de commerce, dont l’engagement scientifique est beaucoup plus récent (à l’exception de quelques grandes écoles) et qui pratiquent des droits spécifiques élevés à la différence des IAE qui limitent les droits d’inscription dans la quasi-totalité aux droits universitaires, en conformité avec leur appartenance universitaire et en liaison avec leur rôle utile de mobilité sociale.

5Peu de travaux se sont intéressés aux « entrepreneurs institutionnels » qui se sont mobilisés pour faire reconnaître les IAE, à l’exception notable des travaux de Laude (2005) et de Chessel et Pavis (2001). Cet article vise à rendre compte du travail d’institutionnalisation des IAE, en s’inscrivant dans une perspective néo-institutionnaliste et en mobilisant le concept d’entrepreneur institutionnel. Il met également en lumière l’importance des mécanismes de coopération et de réseau et analyse ainsi l’évolution la légitimité des sciences de gestion et de leur enseignement à l’université.

6La recherche repose ainsi sur une étude historique et qualitative.

7Nous distinguerons trois phases dans le développement des IAE qui correspondent aux étapes du travail d’institutionnalisation : l’émergence basée sur la légitimité de leur projet pédagogique (1955-1968), la montée en puissance basée sur la légitimité scientifique en cours de renforcement (1969-1990) et le déploiement basée sur cette double légitimité pédagogique et scientifique (1991 à nos jours). Nous évoquerons enfin les champs de tensions qui caractérisent ce travail d’institutionnalisation toujours en cours.

Comment changent les institutions ? L’importance du travail institutionnel

8Comme l’explique Dubet (2006), « entendue dans un sens large, la notion “d’institution” désigne la plupart des faits sociaux dès lors qu’ils sont stables, se transmettent d’une génération à l’autre et s’imposent aux individus. Dans ce cas, on appellera “institutions” les mœurs, les coutumes, les règles du marché, les religions »… Cet auteur reprend la définition de Durkheim : « On peut appeler institution toutes les croyances et tous les modes de conduite institués par la collectivité. » Les institutions ne sont donc pas seulement des « faits sociaux » et des pratiques collectives, mais aussi des cadres cognitifs et moraux. Les travaux des sociologues néo-institutionnalistes (Lawrence et Suddaby, 2005) s’inscrivent dans cette perspective socialement construite des institutions et de cadre cognitif. Ainsi, Jepperson (1991) considère les institutions comme des procédures organisées et établies socialement, construites par des règles et programmes, routines qui définissent des « règles du jeu ». Friedland et Alford (1991, p. 243) évoquent des « modèles supra-organisationnels de l’activité humaine aux travers desquels les individus et les organisations produisent et reproduisent leur réalité matérielle et organisent le temps et l’espace ».

  • 2 Max Weber indique à la fin de son ouvrage sur L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (199 (...)

9Les travaux sur les institutions se sont longtemps focalisés sur le développement des règles, des faits et des processus formels dans les organisations. L’expression « cage de fer » (« iron cage ») a ainsi été créée par Max Weber pour caractériser le développement des institutions. Max Weber montre comment l’état d’esprit valorisant la profession, le travail, l’efficacité pratique a fait évoluer les attitudes traditionnelles et favorisé le développement du capitalisme2. La théorie du néo-institutionalisme élaborée à la fin des années 1970 a mis l’accent sur deux concepts clés qui expliquent le maintien et le développement des institutions : les concepts de légitimité et de mimétisme (DiMaggio et Powell, 1983 ; Huault, 2008).

10Le concept de légitimité permet de comprendre pourquoi les organisations adoptent des mesures qui n’apparaissent pas rationnelles du point de vue économique, mais s’expliquent par des valeurs ou des processus considérés comme légitimes dans le champ concerné. La légitimité renvoie à ce qui est considéré comme juste, équitable, raisonnable, conforme au droit naturel. La légitimité est acquise en adhérant aux systèmes, règles, croyances, valeurs du système considéré. Les institutions survivent parce qu’elles reçoivent du soutien de larges publics qui les considèrent comme légitimes. Cette notion de légitimité peut s’opposer aux notions d’efficacité et d’efficience : dans un environnement organisationnel donné, les organisations sont considérées comme légitimes parce qu’elles utilisent des procédures et règles considérées comme acceptables, mais pas nécessairement efficaces ou efficientes.

11Le processus d’homogénéisation des institutions s’explique par le concept d’isomorphisme. Au sens chimique, l’isomorphisme correspond à la propriété que possèdent deux ou plusieurs corps de constitution chimique analogue d’obtenir des formes chimiques voisines. L’isomorphisme correspond ainsi au mouvement d’homogénéisation des institutions tendant à adopter des structures identiques du fait de différents types de pressions. L’isomorphisme peut être coercitif, lié aux lois et règlements en vigueur qui s’imposent aux organisations. Il peut être aussi normatif avec un système de normes ou de chartes qui orientent les comportements sans caractère contraignant (ainsi le développement des politiques de certification qualité dans les entreprises). L’isomorphisme peut être enfin mimétique lié notamment au phénomène de parangonnage (les entreprises tendent à adopter les modes d’organisation et de structure des organisations auxquelles elles souhaitent ressembler ou dont elles pensent qu’elles sont plus performantes).

12Ces travaux sur les institutions basés sur les concepts de légitimité, d’isomorphisme et de mimétisme tendent à valoriser l’inertie plutôt que le changement, la ressemblance plutôt que la différence, la conformité plutôt que l’innovation.

13Cette perspective a été critiquée. Des recherches empiriques ont ainsi mis à mal cette orientation tournée vers l’inertie et la ressemblance : les institutions évoluent et divergent. Même dans le secteur éducatif fortement institutionnalisé aux États-Unis, l’étude de Kraatz et Zajac (1996) montre les limites de l’approche néo-institutionnelle focalisée sur l’inertie et le mimétisme. Cette approche ne permet pas de prédire les changements à l’œuvre dans le secteur des collèges et des arts libéraux. D’autres modèles explicatifs apparaissent nécessaires.

14En réponse à ces critiques, de nombreux travaux ont cherché à mieux intégrer la notion de changement dans la perspective néo-institutionnelle, notamment à l’aide des notions de travail et d’entrepreneur institutionnel.

15La notion de travail institutionnel peut être définie comme « l’action intentionnelle des acteurs ou des organisations visant à créer, maintenir ou déstabiliser les institutions » (Lawrence et Suddaby, 2006). L’institutionnalisation est ici définie comme un processus et les chercheurs sont invités à se focaliser sur les mécanismes plutôt que sur les résultats de ce processus. Adopter une approche processuelle implique de suivre de plus près les pratiques des acteurs et le mouvement de l’adoption des pratiques et des formes organisationnelles. Greenwood et al. (2002) ont ainsi construit un modèle d’analyse des processus de changement institutionnel composé de six étapes.

16Une crise est à l’origine d’une remise en cause des pratiques établies. Elle conduit à une phase de désinstitutionalisation qui marque l’entrée des entrepreneurs institutionnels (DiMaggio, 1988). Ceux-ci mobilisent des ressources pour créer de nouveaux arrangements institutionnels et les imposer face aux arrangements préexistants (Maguire et al., 2004), dans une phase de pré-institutionnalisation, propice au bricolage institutionnel. Un travail de justification des nouvelles pratiques caractérise la cinquième étape du processus, la théorisation. Elle fonde et conduit à la diffusion des nouvelles pratiques afin de créer un consensus et à la phase de ré institutionnalisation qui les stabilise.

17Ce modèle met en évidence l’action des « entrepreneurs institutionnels ». Ce concept a été proposé par le sociologue DiMaggio en 1988 pour analyser le changement institutionnel et montrer comment une personne – même impliquée dans une structure et dont le comportement est orienté, déterminé par cette structure – peut contribuer à la faire évoluer.

18Selon la formule de DiMaggio (1988) : « De nouvelles institutions émergent lorsque des acteurs organisés avec des ressources suffisantes (entrepreneurs institutionnels) considèrent une opportunité pour atteindre des intérêts qu’ils valorisent fortement. » Cependant, considérer l’action d’un seul individu ou entrepreneur institutionnel comme un héros ou « deus ex machina » apparaît problématique. Comme le soulignent Ben Slimane et Leca (2010) dans une récente synthèse, la focalisation sur « un » acteur héros détourne l’attention du rôle que peuvent jouer d’autres acteurs dans le changement et écarte la possibilité d’appréhender le changement institutionnel comme un processus collectif.

19La réalité du travail institutionnel apparaît davantage comme un processus collectif où interviennent diverses catégories d’acteurs poursuivant des intérêts divergents. La théorie néo-institutionnelle ne s’intéresse plus alors seulement aux effets sur les organisations des arrangements institutionnels préétablis mais adopte une vision dynamique en appréhendant le processus d’institutionnalisation dans lequel l’action intentionnelle des acteurs tient une place centrale (Lawrence et Suddaby, 2006). Comme le soulignent Ben Slimane et Leca (2010), le changement institutionnel s’opère au niveau local et la recherche doit alors s’intéresser aux comportements et aux interactions entre les acteurs (individus et organisations).

20L’objet de cette contribution est d’évoquer les grandes étapes du développement des IAE au sein des universités en mobilisant ce concept de travail d’institutionnalisation. Nous mettrons en valeur l’action des entrepreneurs institutionnels, pour faire reconnaître les sciences de gestion comme un champ scientifique à part entière, et asseoir la légitimité des IAE et des sciences de gestion dans le cadre d’un double projet pédagogique et scientifique.

  • 3 Deux numéros récents de la revue Entreprise et histoire (Arena, 2011) et de la Revue française de g (...)

Encadré 1. – Méthodologie
Nous nous appuyons sur les données recueillies lors d’une thèse de doctorat (Laude, 2005). La méthodologie repose sur l’analyse de trois cas d’IAE créés en 1955 (analyse des archives, entretiens et observations in situ), des entretiens avec des enseignants-chercheurs considérés comme les fondateurs des sciences de gestion en France des IAE, ainsi qu’une collecte de données par questionnaire auprès du réseau des IAE. Au total, 97 entretiens avec 52 personnes sont mobilisés (72 entretiens auprès de 37 enseignants chercheurs, tous statuts confondus ; 19 entretiens menés auprès de 12 représentants des corps administratifs, techniques et 6 entretiens menés avec des administrateurs étudiants et des personnalités extérieures du conseil des IAE considérés).
Le recueil de données historiques par entretien présente l’avantage d’une histoire vivante, illustrée d’exemples, parsemée d’anecdotes. Pourtant, la rationalisation des événements a posteriori présente des biais importants. La mémoire, tout d’abord, est sélective : la personne interrogée a le plus souvent recours aux souvenirs « fixés », c’est-à-dire à des expériences réinterprétées. Elle a naturellement tendance à se souvenir des événements qui l’ont marquée affectivement, qu’ils aient été agréables ou non. Elle a tendance à se mettre au centre de l’événement (biais d’attribution). Ces biais ont notamment été pris en compte par le fait de proposer plusieurs entretiens avec la même personne (triangulation interne) et par la comparaison des informations issues de différentes sources (triangulation externe).
De nombreux documents d’archives ont ainsi été examinés : procès-verbaux de conseils d’administration ; réunions des directeurs des IAE ; correspondances ; plaquettes d’information ; dossiers de la FNEGE (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) (lettre d’information, enquêtes quantitatives et qualitatives) ; articles de revues (Revue française de gestion, Enseignement et gestion…).
Cette recherche qualitative a également été complétée grâce à l’expérience d’un des co-auteurs comme directeur d’IAE et vice-président du réseau des IAE de 2004 à 2008, acteur des évolutions des IAE durant cette période.
Nous avons également mobilisé les travaux de référence de Chessel et Pavis (2001) et Pavis (2003, 2010) sur le rôle de la Fnege dans ce développement des IAE et des sciences de gestion.3

Les IAE : un processus de changement institutionnel

Tableau 1. – Les étapes du travail d’institutionnalisation des IAE

21Nous présenterons le processus de changement institutionnel (Greenwood et al., 2002) et le travail d’institutionnalisation en trois périodes. L’émergence des IAE correspond à la première période caractérisée par les deux premières phases du processus (crise et désinstitutionalisation). La montée en puissance, deuxième période, rend compte des étapes de pré-institutionnalisation et de théorisation de l’IAE, théorisation appuyée par le développement des sciences de gestion. Enfin, le déploiement, troisième période, marque la diffusion et la ré-institutionnalisation des IAE bénéficiant de la légitimité des sciences de gestion à l’université.

22Ces trois périodes peuvent donner l’impression d’une unité temporelle et d’un développement linéaire. La réalité est plus proche d’une succession ou superposition de configurations temporelles en ruptures relatives les unes par rapport aux autres. Ce processus est toujours en cours, comme nous le verrons à l’aune des champs de tensions à l’œuvre.

L’émergence entre 1955 et 1968 : crise et désinstitutionnalisation

La crise

23Le travail d’institutionnalisation et l’émergence des IAE comme structures d’enseignement de la gestion à l’université résultent de la conjoncture d’un certain nombre de phénomènes.

24Les efforts de reconstruction et de relance économique qui ont suivi la première, puis la Seconde Guerre mondiale, ont renforcé la préoccupation pour les questions économiques et gestionnaires.

25Dès 1917, des politiques de concentration industrielle ont été mises en place. Elles ont été renforcées après 1945, pour satisfaire aux exigences de la consommation de masse. Ces politiques de concentration ont comme conséquence de mettre, entre les mains des dirigeants, des entreprises à taille de plus en plus importante et de les confronter à des problèmes d’administration de plus en plus complexes.

26Henri Fayol défendait déjà dans son ouvrage Administration industrielle et générale publié en 1916 une conception exigeante du chef d’entreprise. Cette conception implique que les dirigeants des secteurs de l’industrie ou du commerce bénéficient de formations adaptées. En découle le besoin, dans le monde des affaires, de pouvoir recruter des cadres qui soient éduqués autrement que « sur le tas ».

27Au plus haut niveau de l’État, les décideurs prennent conscience du retard de la France en matière de gestion, en particulier en comparaison avec l’Angleterre, l’Allemagne ou les États-Unis, ce dont témoignent les missions d’observation qui sont organisées par la direction générale de l’enseignement ou le commissariat général à la productivité.

28Peu à peu, le débat engagé dès le début du siècle sur l’introduction d’une formation aux affaires à l’université a fait son chemin.

29Néanmoins, la gestion souffre d’un déficit de légitimité à l’université française, au contraire des États-Unis. Elle dispose alors d’un statut pratique et non universitaire, proche du monde des affaires et éloigné des disciplines universitaires. Par tradition, l’université revendique le caractère noble de ses enseignements, au sens du latin nobilis (au-dessus du commun). De ce point de vue, la gestion restait une discipline vulgaire parce qu’exempte de fondements théoriques généraux. Pour en transmettre les contenus, on s’était longtemps contenté d’un apprentissage sur le tas, qui paraissait suffisant à une certaine époque. Mais l’évolution des affaires demandait progressivement des savoirs plus complexes, par conséquent un nouveau type de professionnalisation appuyé sur des bases scientifiques. Il convient de former les cadres et les chefs d’entreprise aux savoirs théoriques. La gestion est en quête de légitimité.

La « fin de l’idéologie de l’homme pratique » permet la création en 1955 des IAE

30Il faut donc en finir avec « l’idéologie de l’homme pratique » selon l’expression de R. Locke (1984), auteur de l’ouvrage The End of Practical Man : Entrepreneurship and Higher Education in Germany, France and Great-Britain, 1880-1940. Selon cet auteur, le développement industriel repose sur la formation en nombre d’ingénieurs et d’économistes qualifiés capables de moderniser les entreprises. Cet auteur souligne le retard français en la matière par rapport à l’Allemagne notamment.

31Cette vision est bien en rupture avec la croyance antérieure selon laquelle il suffit d’un apprentissage sur le tas pour diriger une entreprise ou une organisation et que la formation menée dans quelques grandes écoles suffit au développement industriel. C’est la reconnaissance de l’importance d’une formation académique avec des savoirs spécifiques faisant l’objet d’enseignements systématiques à un public large (Gouadain, 1997).

32« La fin de l’idéologie de l’homme pratique » montre les limites de l’enseignement en écoles de commerce adossées aux chambres consulaires (ces écoles s’inscrivent à l’époque dans le cadre de l’idéologie de l’homme pratique, c’est-à-dire la croyance que l’apprentissage sur le tas accompagné des seuls témoignages de professionnels suffisent), ainsi que certaines limites des enseignements classiques des facultés de droit et de sciences économiques du début du XXe siècle peu tournés vers l’entreprise et donc insuffisants pour former les cadres en gestion.

33C’est bien la fin de cette idéologie de l’homme pratique et cette reconnaissance du besoin de renforcer la création et la transmission de savoirs universitaires (et pas seulement pratiques) pour de larges publics qui explique la création des IAE. Ceux-ci n’ont pas été créés ex nihilo mais construits à partir de 1955 et greffés sur l’organisation des facultés de droit et de sciences économiques.

  • 4 Devenu le certificat d’aptitude à l’administration des entreprises (CAAE), ce diplôme s’appelle auj (...)

34La formation universitaire à la gestion est ainsi adossée à des composantes reconnues. Cette formation pour être considérée comme légitime, doit également déboucher sur un diplôme. La formation à la gestion a ainsi été sanctionnée par l’obtention d’un diplôme de troisième cycle, le certificat d’administration de l’entreprise (CAE)4. L’acte de naissance des IAE est ainsi celui du CAE (devenu plus tard CAAE, certificat d’aptitude à l’administration des entreprises).

35Le décret du 28 juillet 1955 et l’arrêté ministériel du 21 décembre 1955 donnent ses fondements juridiques au CAE, dans le cadre des instituts d’administration des entreprises appelés aussi à l’époque instituts de préparation des affaires (IPA).

36Cette entrée de la gestion à l’université se fait ainsi en respectant les règles universitaires (création de diplômes et adossement à des facultés de droit et des sciences économiques reconnues), avec un phénomène d’isomorphisme à l’œuvre sur les règles de création de diplômes.

37Les enseignants-chercheurs issus des facultés de droit et de sciences académiques créateurs de ces premiers IAE « historiques » en 1955 et 1956 avec le soutien des représentants du monde socio-économique et de l’administration peuvent être considérés comme des « entrepreneurs institutionnels académiques ».

38Qui sont ces entrepreneurs institutionnels qui ont réussi à créer ces nouvelles institutions et permis la naissance de la discipline à l’université ?

39La formation de troisième cycle en gestion a été impulsée par Gaston Berger, à l’époque directeur des enseignements supérieurs. Ce directeur général au profil atypique (professeur de philosophie et chef d’entreprise, très proche des États-Unis) souhaitait adapter l’université à un monde en changement, ouvrir l’université, afin de la mettre en relation avec l’extérieur et notamment le monde des entreprises (Berger, 1962).

40Malgré les résistances, il souhaitait rompre les oppositions et bâtir des ponts entre l’université et monde socio-économique et l’exprimait ainsi : « N’oublions jamais que nos amphithéâtres ne sont faits que pour être traversés. » Il s’agissait d’une profonde remise en question du rôle de l’université.

41Pour Gaston Berger, l’objectif du CAE est « d’armer les étudiants de toutes origines en vue de l’emploi, à réaliser à cette occasion un brassage entre jeunes gens venus des disciplines les plus diverses et hommes de tous âges engagés dans des professions et désireux de s’élever. Il s’agit de décloisonner les anciennes facultés, de créer aussi des contacts constructifs entre universités et responsables d’entreprises. Ces rencontres n’auront pas simplement des conséquences didactiques, elles seront surtout génératrices de vues nouvelles, de recherches utiles et originales ». L’intuition de Gaston Berger se révèle pertinente : dès sa création, le CAE répond aux besoins de compléments de formation aux élèves ingénieurs et étudiants de discipline scientifique, mais aussi aux étudiants en droit et en lettres, afin de mieux répondre aux attentes du monde socio-économique.

42L’idée de Gaston Berger marque ainsi un début de réponse au débat qui s’était amorcé dès le début du siècle. Si la reconnaissance juridique du CAE est acquise, tout reste à faire sur le terrain.

43Dès le début des années 1950, certains enseignants-chercheurs s’engagent aux côtés de Gaston Berger sur la voie pionnière qu’il propose. À l’intérieur de leurs facultés d’origine, ils ont choisi de se distinguer, convaincus qu’il existait un retard en France en matière d’enseignement de la gestion et qu’il fallait offrir des apports novateurs et appropriés aux besoins des cadres d’entreprise, rompant avec cette idéologie de l’homme pratique (Djelic, 2004). Leur conviction initiale a été relayée, au plus haut niveau de l’État, par Gaston Berger. En même temps, le contexte local pouvait être lui aussi incitatif en incitant à des expérimentations.

44En sciences économiques, la bataille pour la reconnaissance de la discipline s’était traduite, notamment, par l’appellation de « faculté de droit et des sciences économiques », qu’il avait fallu conquérir de haute lutte. La création d’un IAE a permis, à certains, de sortir d’un giron trop rigide en leur donnant les moyens d’ouvrir des voies nouvelles (Tabatoni, 1996).

45Le « récit » des entrepreneurs institutionnels au niveau local comme au niveau national met en scène cet engagement (encadré 3). Ce témoignage illustre l’action d’entrepreneur institutionnel. Le récit participe ainsi à la légitimation des IAE et des sciences de gestion, tout en montrant les difficultés spécifiques rencontrées, face à l’hostilité ou l’impérialisme de certaines disciplines fondatrices d’une part, de la concurrence d’enseignements consulaires d’autre part. Précisons qu’à Rennes, comme dans de nombreuses autres villes de province, il n’existait dans les années 1950 aucune formation ou structure d’enseignement à la gestion.

  • 5 Témoignage de Jeanne Krier, le 24 mars 1995, à l’occasion du quarantenaire de l’IGR-IAE de Rennes.

Encadré 3. – La création de l’IAE de Rennes grâce à l’action de pionners très impliqués
Dans l’équipe d’universitaires réunie autour de Gaston Berger pour réfléchir à la construction d’un enseignement supérieur en gestion sur le modèle des business schools américaines, se trouve Jeanne Krier, professeur d’économie à la faculté de droit et de science politique de Rennes au début des années 1950. À l’instar d’autres fondateurs des IAE, son époux Henri Krier est impliqué dans l’enseignement des affaires au sein du CPA (Centre de préparation aux affaires). Ce Centre a été mis en place par la chambre de commerce de Rennes. Les Krier se définissent comme progressistes. Forts de leur expérience, convaincus que l’université doit ouvrir ses portes et ne pas rester confinée, ils entreprennent de créer un nouvel espace d’enseignement des affaires au cœur du service public universitaire.
Jeanne Krier prend en charge cette mise en œuvre à la faculté de Rennes. Mais l’université dans son ensemble et ses collègues économistes en particulier ne croient guère au projet. Ils ne considèrent pas pertinent d’introduire des enseignements spécifiques de gestion à l’université.
Voici comment Jeanne Krier témoigne de l’ambiance de l’époque5.
« En 1950, on démarrait une quantité de formations à l’université. Un homme, Gaston Berger, a eu l’idée de faire entrer l’université dans la formation des gestionnaires d’entreprises. En 1952 ou 1953, quand on a créé cet enseignement, il n’y avait rien d’autre que l’idée : pas de structure, pas de programme, pas de locaux, pas de professeur, pas de méthode d’enseignement, pas de matière première, pas de stage, il n’y avait rien.
Sauf qu’il y avait des oppositions à l’intérieur et à l’extérieur de l’université À l’intérieur un collègue disait : “Laissez-les faire, ils se fatigueront.” Mais “ils” ne se sont pas fatigués.
Un peu ahuris, étonnés et inquiets étaient les doyens, les anciens professeurs qui se demandaient ce que l’on allait faire de cette nouvelle discipline et si en s’ouvrant sur l’extérieur, elle n’allait pas faire perdre toutes les qualités de la vieille université. Et il y avait à l’extérieur les écoles de commerce qui disaient que ce que nous avions l’intention de faire existait déjà depuis longtemps. Elles le faisaient et le faisaient bien.
On a navigué entre ces écueils et au bout de quelques années (fin 1955), l’IAE de Rennes a vu le jour avec quatre autres.
On a commencé en 1955, sans structure ni professeur propre. Ensuite la structure de l’institut d’université nous a donné plus d’autonomie et des rapports directs avec le ministère, notamment par rapport aux instituts de facultés. Des professeurs se sont formés et on en accueillait d’autres de l’extérieur, des psychologues, des hommes d’affaires. Nous-mêmes sommes allés aux États-Unis. Nous faisions partie des centres de perfectionnement. Nous essayions de traduire des cas, d’en construire. On a réussi à en faire une matière première qui nous a permis, en 1956, de former 12 titulaires du CAE (certificat d’aptitude aux affaires) dont j’ai vu la réussite professionnelle assez remarquable après. Cela a fini de me convaincre.
Dans les premières années, à Rennes, on a été favorisé par un esprit d’entreprise des doyens de droit et des recteurs qui nous a beaucoup facilité la tâche. D’autre part, il a été surprenant de voir à la direction de l’IAE une femme car on a beaucoup parlé d’anti-féminisme et un certain anti-féminisme régnait effectivement dans les professions industrielles et commerciales. Je n’en ai pas souffert et je dois remercier les hommes d’affaires qui ne m’ont pas fait sentir de différence.
Même si c’est moi qui ai eu cette initiative […], Henri Krier (de son côté) avait œuvré dans le groupe du Centre de préparation aux affaires, pendant plusieurs années […]. Il a créé le CERF, Centre de recherche et de formation économiques, qui s’occupait d’économie régionale, de promouvoir cette économie et d’essayer de former les cadres. Ce système a permis d’organiser des réunions avec le secteur privé et de démarrer l’IAE.
On faisait un peu de tout, et on a ainsi pu lancer l’institut. Évidemment, cette ère de pionniers était un peu fatigante et ce qui a fait le succès de l’IAE de Rennes, c’est que chaque fois qu’un directeur s’est senti un peu fatigué, il a su redonner le flambeau (même les héros se fatiguent) à ceux qui étaient encore plein d’enthousiasme. »

Le rôle des réseaux et des partenariats : 1955 à 1968

  • 6 1955 : Création des 5 premiers IAE : Aix-en Provence, Bordeaux, Dijon, Rennes et Toulouse, 1956 : c (...)

46Entre 1955 et 1968, 19 des 31 IAE existants aujourd’hui sont créés, ce qui favorise une couverture nationale6. Ces créations sont stimulées par les encouragements de la direction générale de l’enseignement et du Commissariat général de la productivité.

47L’association nationale des IAE (qui deviendra le réseau des IAE) voit ainsi le jour dès 1957, à l’initiative du professeur Goetz, directeur fondateur de l’IAE de Paris. Elle a pour but de permettre aux instituts de communiquer et de se coordonner. Ce réseau présente une volonté d’intégration mais permet aussi une différenciation. Il permet de diffuser des bonnes pratiques, d’harmoniser des positions et de favoriser des partenariats sur certaines activités ou diplômes, mais c’est aussi l’expression des conflits d’intérêt, d’objectifs ou de perspectives entre les IAE.

48Jusqu’à la fin de cette période, à quelques exceptions près, les IAE ne délivrent en formation initiale que le diplôme fondateur. Mais, très rapidement, des initiatives apparaissent sur le plan de la formation continue : organisation de séminaires de réflexion, cycles de perfectionnement des cadres. Au plan local, les partenariats entre les IAE et les entreprises se renforcent. Un travail de coopération et de réseau au niveau local se met en place.

49R. Percerou (ancien directeur de l’IAE de Rennes et de l’IAE de Paris) favorise en particulier le développement de ces deux IAE sur la formation continue (l’IAE de Paris se focalisant uniquement sur ce champ). Il témoigne et justifie ce positionnement :

« Le développement d’actions de formations permanentes dans un IAE relève d’une nécessité évidente. La formation permanente entre dans la vocation même d’un IAE. Elle constitue un moyen privilégié d’ouvrir un terrain de rencontre entre enseignants et hommes d’action […] ainsi – ce qui est peut être moins noble mais pas moins important à une époque où il est admis qu’un organisme de formation – fut-il public – doit s’autofinancer très largement – qu’un moyen d’obtenir les ressources financières nécessaires à un IAE. »

50L’IAE de Paris bénéficiera d’un traitement à part au sein du réseau des IAE puisqu’il s’agit du seul établissement public administratif (EPA), au statut d’autonomie renforcée, au sein du réseau.

51Un intérêt croissant pour la formation continue se manifeste dès l’émergence des IAE, soit une quinzaine d’années avant l’époque de son institutionnalisation par la loi de 1971.

52Dans cette période, l’apparition d’une série de diplômes nationaux vient consacrer l’émergence de la gestion à l’université, à la fois en deuxième et en troisième cycle. Il faut citer la mise en place d’un diplôme de gestion de deuxième cycle (la maîtrise de gestion, qui deviendra la MSG) avec l’université de Rennes en pilote. L’offre de formation se développe ainsi avec un cursus de deux ans en gestion en deuxième cycle. L’isomorphisme de l’offre de formation des IAE se met en œuvre. La MSG complète ainsi l’offre de diplôme du CAE (devenu CAAE) qui reste un diplôme de double compétence en troisième cycle. Là encore pour mener à bien cette initiative, le soutien du ministère au niveau national et du milieu socio-économique au niveau local est nécessaire. La proximité « d’entrepreneur institutionnel » comme Claude Champaud à Rennes avec le ministère et le monde socio-économique favorise cette innovation.

53Il devient donc nécessaire de recruter un corps professoral permanent dans cette discipline. En 1962, les pouvoirs publics créent une agrégation des techniques économiques de gestion (agrégation du secondaire), pour faire face aux besoins de recrutement dans la discipline. Un tel concours « agrégation du secondaire » contribue à renforcer la reconnaissance de la gestion, mais il se révèle insuffisant : la « montée en puissance » des IAE caractérise les deux décennies 1970 et 1980.

Le travail d’institutionnalisation scientifique et pédagogique : l’impulsion étatique de la FNEGE et la naissance d’une profession (1969-1989)

54La fin des années 1960 marque ainsi la montée en puissance des IAE avec la pré-institutionnalisation des IAE sur le plan pédagogique et organisationnel, mais aussi sur le plan scientifique (pour favoriser une légitimité universitaire).

55La FNEGE (Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises) est créée en 1968 dans le cadre de la loi sur la formation professionnelle pour promouvoir cette spécialité dans l’enseignement supérieur. Cette fondation crée à l’initiative de l’État et non du monde patronal s’impose comme un facteur central de travail d’institutionnalisation de l’enseignement et de la recherche en sciences de gestion (Chessel et Pavis, 2001). Au-delà des conditions structurelles de massification de l’enseignement supérieur, la naissance de la FNEGE correspond à une conjoncture particulière au ministère de l’Économie et des Finances et à l’Éducation nationale au milieu des années 1960. Son existence n’aurait pas été possible sans une « histoire réformatrice » au sein même de ces ministères. La réforme des enseignements de gestion a d’ailleurs été longuement préparée par les travaux du Plan. Le développement des sciences de gestion tient ainsi à l’action non seulement d’universitaires, mais aussi de certains réformateurs issus de la haute administration (Michel Debré, ministre de l’économie et des Finances de 1966 à 1968, est ainsi l’un des « pères » de la FNEGE), et de certains acteurs du monde socio-économique qui ont soutenu le développement de la FNEGE.

56C’est bien cette alliance d’entrepreneurs institutionnels issus de l’université mais aussi issus de la haute administration et de l’entreprise qui explique le développement des enseignements en gestion.

57Pendant cinq ans, la Fondation consacre la quasi-totalité de ses moyens financiers à la formation à l’étranger (aux États-Unis et au Canada notamment) des enseignants-chercheurs en gestion. L’objectif est ainsi de mettre en place cette théorisation des sciences de gestion et de favoriser cette légitimité académique par la formation d’enseignants-chercheurs capables non seulement de transmettre mais également de créer des savoirs en gestion sur la base de travaux de recherche rigoureux.

58Au niveau organisationnel, la FNEGE construit un partenariat privilégié avec les IAE et l’université expérimentale Dauphine, créée elle aussi après 1968. Selon Chessel et Pavis (2001), on assiste ainsi à la « naissance d’une profession » : enseignant-chercheur en sciences de gestion, avec une reconnaissance officielle au sein des disciplines universitaires. C’est chose faite en 1969 : les sections des conseils nationaux des universités (CNU) passent de 5 disciplines (droit et sciences économiques, lettres et sciences humaines, sciences, médecine, pharmacie) à 47 disciplines. La section « sciences de gestion » est ainsi créée, à l’instar de la section de « sciences économiques ».

59La légitimité scientifique doit être renforcée par la création d’un corps de professeurs d’universités. Si le droit et la science politique d’une part, les sciences économiques d’autre part bénéficient de concours d’agrégation du supérieur, ce n’est pas le cas des sciences de gestion. Le programme de formation lancé par la FNEGE qui a permis de former des enseignants-chercheurs dans les universités nord-américaines doit être complété par un programme spécifique qui permette le développement de la recherche.

60C’est en 1976 que se met en place « un concours de recrutement de professeurs agrégés des disciplines de gestion » (dite « agrégation du supérieur ») après la création en 1962 de l’agrégation du secondaire.

61Ce concours d’agrégation du supérieur constitue un moyen de stimuler la recherche en valorisant le statut et la carrière des enseignants chercheurs en sciences de gestion.

62Les modalités du concours d’agrégation en sciences de gestion sont structurées par mimétisme sur le modèle de celles du concours de droit et de sciences économiques. Selon P. Tabatoni interrogé par Chessel et Pavis (2001, p. 141), ne pas adopter le concours d’agrégation aurait constitué une position hétérodoxe très difficile à tenir dans le contexte français. C’est bien le choix du mimétisme dans l’institutionnalisation – avec l’adoption des mesures et règles qui paraissent pertinentes et reconnues dans le champ académique – qui est privilégié. L’entrepreneur institutionnel qu’est P. Tabatoni a été partisan de l’isomorphisme dans la fixation des modalités du concours d’agrégation pour favoriser le développement de cette discipline. Isomorphisme et innovation ne s’opposent pas nécessairement : l’innovation (création d’un nouveau concours pour une nouvelle discipline) prend la forme des concours déjà existants.

63Le travail institutionnel se poursuit pour une reconnaissance académique. En 1982, le CNRS reconnaît la gestion comme discipline scientifique faisant l’objet d’une section (aujourd’hui la section 37, économie et gestion). Le label du CNRS favorise également cette reconnaissance dans le champ des sciences humaines et sociales.

64Ce travail d’institutionnalisation produit ses fruits et amène un changement de cadre de réflexion sur la formation des chefs d’entreprises et des cadres. Le travail d’institutionnalisation a une double réalité : symbolique et matérielle. La réalité symbolique renvoie à la reconnaissance et la légitimité des sciences de gestion à l’université : c’est le nouveau cadre cognitif. La reconnaissance matérielle concerne la place de la structure des IAE dans les universités. La reconnaissance matérielle des IAE est permise par la nouvelle réalité symbolique et ce nouveau cadre cognitif qui légitime l’entrée des sciences de gestion à l’université.

65Le travail de coopération et de mise en réseau par la FNEGE se poursuit tout au long des années 1980. Celle-ci diversifie ses actions pour jouer un rôle de carrefour. Elle accueille les professeurs, les responsables de formation et les personnalités extérieures. Elle continue à offrir des bourses d’études. Elle construit des dispositifs de perfectionnement pour les enseignants. Elle exerce également une fonction d’études et de diffusions à travers des publications (citons notamment Enseignement et gestion et la Revue française de gestion).

66La fondation Ford favorise également cette mise en réseau et le développement international des institutions de gestion françaises et européennes (Gemelli, 1994). La création de l’EIASM (European Institute for Advanced Studies in Management) en 1971 à Bruxelles participe aussi à cette dynamique européenne et internationale sur le plan de la recherche. Cette dynamique d’enseignement et de recherche pour moderniser la gestion des entreprises en France et Europe est aussi à rapprocher du « défi américain », ouvrage au fort retentissement publié en 1967 par J.-J. Servan-Schreiber et traduit en quinze langues.

67Au niveau organisationnel, dans le cadre de la loi Faure de 1969, la principale transformation est la création des UER. L’expression Unité d’enseignement et de recherche désigne une catégorie juridique. Les UER sont rattachées à une université de tutelle, ce qui pose la question des relations entre l’IAE et l’université, notamment sur le soutien éventuel en moyens et en ressources humaines.

  • 7 À cette époque, les UER deviennent des UFR.

68Après la loi Faure, la loi Savary réorganise les universités7 en 1984. Le statut dérogatoire des IAE est conforté par l’article L. 713-9. Les mots-clés de la loi sont la professionnalisation des formations, l’association étroite de l’enseignement et de la recherche, l’intégration de la formation continue dans les activités courantes de l’université, le développement de la contractualisation des rapports des universités avec le ministère. Les IAE sont en phase sont avec ce nouveau contexte.

  • 8 1974 : création de l’IAE d’Amiens, 1985 : création de l’IAE d’Orléans, 1988 : création de l’IAE de (...)

69Entre 1969 et 1989, trois nouveaux IAE sont créés, sur la base du CAAE8. Le développement des IAE prend une nouvelle dimension. Jusqu’à la fin des années 1960 (1968-1971), les formations proposées ou les enseignements dispensés font preuve d’une certaine homogénéité (du moins dans la structuration affichée). Il existe un petit nombre de formations et la construction des enseignements se fait sur les mêmes bases. L’hétérogénéité se développe avec la création de nouvelles formations. Les IAE se structurent différemment (en intégrant ou non des deuxièmes cycles, voire un premier cycle – c’est le cas, unique au sein du réseau, de l’IAE de Lyon) et développent leurs appétences selon des logiques territoriales et de diplômation divergentes.

70Ce développement de la gestion ne se limite pas aux IAE, comme le rappelle Gouadain (1997, p. 18) :

« Les IUT sont lancés en 1966, l’université Paris Dauphine est créée en 1968, des formations de deuxième et troisième cycle apparaissent : maîtrise de sciences de gestion, maîtrise d’informatique appliquée à la gestion des entreprises (MIAGE), maîtrise des sciences et techniques dans le domaines de la gestion, en particulier maîtrise des sciences comptables techniques et financières (MSTCF), diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS), Instituts universitaires professionnalisés (IUP), développement de la gestion dans les filières universitaires générales (maîtrise de sciences économiques, option économie d’entreprise, maîtrise d’administration économique et sociale) ainsi que dans les instituts d’études politiques (section économique et financière). »

71Cette montée en puissance et ce déploiement de la gestion se font ainsi non seulement dans les IAE, mais aussi dans d’autres composantes de l’université ouvertes au monde socio-économique. Les mécanismes d’isomorphisme normatif et mimétique expliquent ce mouvement.

  • 9 Elle deviendra la MSG (maîtrise de sciences de gestion) par arrêté du 26 mars 1971.

Encadré 4. – De l’IAE de Rennes à l’institut de gestion de Rennes ou un ancrage territorial et des relations avec le monde socio-économique renforcés
Devenu directeur en 1968, succédant à Jeanne Krier et Roger Percerou, Claude Champaud impulse une dynamique de développement de la formation initiale, avec notamment la création d’un diplôme de deuxième cycle9 (la maîtrise de gestion), en 1969, et celle d’un diplôme de doctorat en administration des entreprises (troisième cycle), en 1971.
Pour lui, « l’IAE est une école universitaire au service des entreprises, et il est nécessaire pour les enseignants d’être intégrés dans les milieux économiques et de rester en phase avec les chefs d’entreprises ». Cette conviction est sans doute à l’origine du changement de dénomination de l’IAE qui devient, en 1969, l’institut de gestion de Rennes (IGR) pour marquer sa proximité avec le tissu socio-économique local. L’appellation IAE reste accolée pour rappeler l’appartenance au réseau national des IAE.
Le mandat de Claude Champaud rompt avec une tradition qui avait présidé à la création des IAE, à savoir leur positionnement exclusif sur le créneau de la double compétence ou de la spécialisation en fin de cursus universitaire.
Se déploient les deuxième cycles (maîtrise de sciences de gestion et maîtrise de sciences techniques comptables et financières), diplômes phares tant en formation initiale que continue.
Pour Claude Champaud, il s’agit d’offrir une alternative aux écoles de commerce, dans les conditions du service public, c’est-à-dire à un coût accessible et de répondre aux besoins du tissu socio-économique en termes de compétences.
« Les IAE, et particulièrement l’IGR, ont été un instrument de démocratisation de l’enseignement de la gestion. Il n’y a qu’à analyser l’origine sociale des étudiants, par rapport aux écoles. J’ai contribué à faire fonctionner l’ascenseur républicain et au renouvellement des classes dirigeantes des entreprises, qui sont la force d’un pays. »
Élu président de l’université de Rennes 1 en 1971, il occupera ensuite deux nouveaux mandats de directeur entre 1978 et 1984 avec le souci du développement de la formation, de la recherche et de l’internationalisation des cursus et une ouverture renforcée vers le monde socio-économique.
Cette création de deuxièmes cycles apporte à l’IGR une taille critique, en termes de budget, de personnels administratifs et d’enseignants. Les formations à la recherche et les « enseignements longs de gestion » constituent une autre innovation. C. Champaud a su faire de Rennes le terrain d’expérimentation de ce qui deviendra la MSG. Les leviers de l’action résident ici dans l’inventivité et l’engagement.

72Ce travail d’institutionnalisation est mené au niveau national (Chessel et Pavis soulignent dans cette perspective l’action de P. Tabatoni), mais doit être mené conjointement au niveau local dans chaque université par ces « entrepreneurs institutionnels locaux », notamment professeurs et directeurs d’IAE.

Encadré 5. – Le témoignage d’un directeur sur la politique de développement de l’IAE
Dans les mélanges intitulés Formation et sciences de gestion (Albouy, 1995) en l’honneur d’André Page, ancien directeur de l’IAE de Grenoble, Marcel Capet, ancien directeur de l’IAE de Lille et de Paris, explique « l’envers du décor » et les stratégies qu’il a dû déployer pour développer la légitimité et le rayonnement des IAE de Lille et Paris.
Ce témoignage rare décrit le contenu du travail universitaire pour faire vivre et développer les sciences de gestion. Loin d’une vision éthérée ou abstraite des relations académiques, le travail des directeurs d’IAE apparaît concret et politique pour faire vivre et reconnaître les sciences de gestion à l’université. L’action menée porte à la fois sur le projet pédagogique et scientifique, ainsi que l’action sur les parties prenantes : stratégie au niveau du conseil d’université, enseignants extérieurs, étudiants, diplômés…
« Il ne faut pas seulement choisir un domaine […] et établir une stratégie [pour l’IAE] ; il faut également créer une organisation qui secrète une supériorité par rapport aux concurrents actuels ou potentiels. D’où le nom de politique que nous lui donnons. Nous en avons, au cours de ces vingt dernières années, décelées plusieurs qui peuvent se combiner :
– demander le monopole de la gestion à l’intérieur de l’université. À côté du CAAE, contrôler le DEA, les DESS et la formation permanente. On représente alors un poids important aux yeux de l’université ;
– avoir le maximum d’enseignants universitaires (voire d’étudiants) pour avoir du poids au conseil d’université, et avoir des moyens. Parmi ces enseignants, certains pourront avoir des relations politiques ou un renom scientifique dont profitera éventuellement l’unité ;
– ne recruter que des étudiants de haut niveau. Aussi bien à Lille qu’à Paris j’ai constaté que chaque fois que le niveau était relevé, il y avait plus de candidats ; d’où une sélection et une organisation des études plus efficace […] ;
– privilégier dans le recrutement une spécialité, par exemple le marketing ou la finance, et donner les moyens de publier pour gagner un certain prestige scientifique ; d’où des moyens dans l’université ;
– se brancher sur les États-Unis en envoyant dans une université d’outre-Atlantique des enseignants. Ceux-ci connaissent alors les enseignements du pays qu’ils peuvent reproduire en France, des enseignants prestigieux qu’ils feront venir, assurant aussi une promotion de l’organisme ;
– avoir pour étudiants des cadres qui doivent faire un mémoire, du reste pour eux très formateur, sur un de leurs problèmes. Les enseignants sont alors au courant des pratiques : ils peuvent donc indiquer aux élèves et à leurs entreprises les différentes solutions […] ;
– employer des enseignants extérieurs qui connaissent la pratique. Mais il est nécessaire d’avoir un secrétariat pédagogique qui décharge ces enseignants de tous les tracas administratifs. »
Ce témoignage montre bien l’intérêt d’une approche mobilisant les concepts de pouvoir et de légitimité pour penser le développement des IAE au sein des universités.

Le déploiement 1990 à 2014

73Le déploiement des IAE se poursuit. Il passe par une diffusion des enseignements et de la recherche en sciences de gestion, ainsi qu’une ré-institutionnalisation de la discipline et du positionnement de l’IAE à l’université. Pavis (2003) évoque ainsi « l’institutionnalisation universitaire de l’enseignement de la gestion en France » qui aboutit à ce déploiement.

74Les années 1990 marquent une période clé de cette institutionnalisation et de ce déploiement, caractérisé notamment au niveau pédagogique par :

  • la montée des spécialisations en gestion ;

  • l’internationalisation des cursus ;

  • le développement de l’alternance.

La spécialisation des formations

  • 10 . Décret no 2002-482 du 8 avril 2002 portant application au système français d’enseignement supérie (...)

75Le CAAE a toujours constitué depuis la création des IAE un facteur de convergence et de notoriété institutionnelle. Sur le plan de la communication, il favorise l’image de marque des IAE. Dans le cadre de la réforme de l’offre de formation licence master doctorat lancée en 2002 et étalée sur plusieurs années en France10, l’effort réussi (non sans difficultés) pour transformer globalement ce diplôme en master d’administration des entreprises (MAE), marque la dimension nationale et fédératrice du diplôme.

76À côté de la formation générale à la gestion, apparaissent des besoins d’approfondissement et de spécialisation. Ils sont relayés par le développement des spécialités de recherche. Se développent ainsi des formations de troisième cycle de plus en plus spécialisées en liaison avec les grandes fonctions de l’entreprise (marketing, finance, GRH, comptabilité ou contrôle, etc.) et les différents secteurs d’activité.

L’internationalisation des cursus

77Au début des années 1990, la mondialisation de l’économie se traduit également, dans les IAE, par un développement de partenariats et des formations tournées vers l’international : création de centres biculturels rattachés aux IAE (franco-britannique à Lille, franco-italien à Lyon, franco-allemand à Metz, franco-espagnol à Bordeaux ; franco-américain à Caen, franco-chinois à Nantes, franco-japonais à Rennes) ; développement de programmes avec des universités étrangères. Les formations s’internationalisent, avec le développement de masters en langues étrangères avec apprentissage de la langue et de la culture françaises et ce en devançant la loi Fioraso du 22 juillet 2013 qui valide cette orientation en lui donnant un cadre juridique adapté. Le cas de l’IAE d’Aix-en-Provence est emblématique de cette ouverture internationale en formation et recherche.

Le développement de l’apprentissage et de l’alternance

78La loi du 23 juillet 1987 consacre l’apprentissage comme une véritable filière de formation professionnelle initiale en augmentant la durée de formation en centre de formation. Entre les années 1995 et 2009, le nombre d’apprentis des niveaux III (préparation d’un diplôme bac + 2), II et I (préparation d’un diplôme de 2e, 3e cycle ou grande école) passe de 20500 à 103100 apprentis : cette croissance s’est accélérée avec l’apparition de la licence professionnelle et du master. Ce dispositif d’apprentissage est prisé par les entreprises et les étudiants et les IAE contribuent à ce développement.

79Ces trois évolutions (spécialisation des formations, internationalisation et développement de l’apprentissage et de l’alternance) marquent aussi l’engagement des IAE dans des stratégies de partenariats, coopérations et réseaux.

80La ré-institutionnalisation constitue la dernière étape dans le cadre du déploiement. Cela signifie que les IAE disposent d’une légitimité au sein de l’université appuyée au niveau disciplinaire par les sciences de gestion.

81À cet égard, les enseignants-chercheurs des IAE jouent un rôle moteur dans la création et le développement d’associations savantes francophones. Les associations académiques représentatives de la recherche en gestion se développent en se focalisant sur un territoire de spécialisation : l’AFM (en marketing) créée en 1984, l’AFFI (en finance) créée en 1979, l’AFC (en comptabilité et contrôle de gestion) créée en 1979, l’AGRH (en gestion des ressources humaines) créée en 1990, l’AIM (en systèmes d’information) en 1991, l’AIMS (en management stratégique) en 1991 et l’académie de l’entrepreneuriat. On peut ajouter l’AIR-MAP (en management public) créée en 2010 qui a succédé au réseau RECEMAP créé en 2000, ainsi que de nouvelles associations en nombre croissant. Une liste quasi exhaustive est disponible de ces associations est disponible sur le site web de la FNEGE, celle-ci jouant un rôle de lien et de lieu fédérateur. Ces associations conduisent au lancement de revues de qualité dans différentes disciplines.

82Par ailleurs, la réelle progression des effectifs enseignants en sciences de gestion témoigne de la reconnaissance institutionnelle de la discipline par le ministère, les créations de postes accompagnant le développement de la professionnalisation des enseignements universitaires.

83R. Le Duff (1994, p. 11), ancien directeur de l’IAE de Caen et ancien président du réseau des IAE, témoigne du rôle moteur des IAE dans cette phase de théorisation et de justification des sciences de gestion à l’université. Comme l’indiquent Ben Slimane et Leca (2010), les entrepreneurs institutionnels utilisent les récits à des fins clairement stratégiques. Ils s’impliquent dans la construction de discours et cadres de pensée qu’ils utilisent pour défendre leurs intérêts. Ils construisent les raisons et les justifications – réorientent les cadres de pensée collectifs à leur avantage – et les communiquent aux autres acteurs. Ce discours de R. Le Duff (encadré 6) illustre concrètement ce travail de théorisation et de construction d’un cadre de pensée collectif au service de la légitimité pédagogique et scientifique des IAE à l’université.

Encadré 6. – Le rôle clé des IAE dans le développement de la recherche en gestion
« L’émergence des enseignements qui prirent le nom de gestion ne les prédisposait pas forcément à l’acquisition d’un tel statut. La gestion était considérée essentiellement comme un enseignement d’adaptabilité à des responsabilités concrètes venant en complément d’une discipline majeure, que cette dernière fut celle de l’ingénieur ou du psychologue. Son rôle était donc à la fois celui d’une aide apportée aux futurs cadres et conséquemment celui d’une transmission d’expérience, c’est-à-dire de réalités, quitte à ce que cette transmission fût critique. Il s’agissait donc de gagner du temps en accélérant le vécu des entreprises comparativement à ce qu’eût été un apprentissage grandeur nature. On peut donc sans exagération prétendre que ce type d’enseignement était naturellement éloigné de la recherche académique et plus encore, à l’évidence, de toute recherche fondamentale […]. Au cours des dernières décennies, les sciences de gestion ont su utiliser un stock accumulé d’observations pour conceptualiser, pour modéliser, pour recouper, pour synthétiser […]. Une telle démarche de recherche s’est tout naturellement accompagnée d’un infléchissement des activités des IAE […]. Nous sommes passés de l’ère où il suffisait de transmettre pédagogiquement ce qui avait fait ses preuves à l’ère où il faut innover parce que les connaissances sont, compte tenu de l’environnement, arrivées à leur phase de déclin […]. La part que représentent dans les IAE les activités de recherche (enseignements de DEA et post-doctoraux, préparation de thèses, contrats de recherche) se manifeste dans les nombreuses publications. »

84Au niveau organisationnel, la ré-insitutionnalisation se traduit par un positionnement des IAE axé sur la qualité des enseignements dispensés. En 2004-2005, le réseau des IAE a mis en place un outil d’évaluation pour les formations universitaires de gestion, référentiel de certification de services permettant d’obtenir le label Qualicert et de garantir la qualité d’un certain nombre d’activités. Cette démarche a été reconnue et encouragée par les autorités de tutelle, en particulier la DGES (Direction générale des enseignements supérieurs) et la CPU (conférence des présidents d’université). Le réseau IAE utilise ainsi cette certification dans une logique de distinction des IAE par rapport aux autres composantes universitaires ou consulaires d’enseignement en gestion.

Les IAE : des champs de tensions au cœur du processus d’institutionnalisation

85L’analyse du mouvement de développement des IAE et des sciences de gestion conduit à penser que le travail d’institutionnalisation au sein de l’université est achevé, au terme d’une évolution assez linéaire, à l’instar d’un « travail » d’accouchement qui n’aurait pas duré neuf mois, mais plus d’un demi-siècle.

86Selon nous, il n’en est rien et le travail d’institutionnalisation est toujours en cours avec des phases de dés-institutionnalisation et de ré-institutionnalisation. L’analyse néo-institutionnelle nous conduit en particulier à identifier certains champs de tension caractéristiques de ce travail d’institutionnalisation. Le concept d’isomorphisme se révèle utile pour analyser ces tensions, les IAE perdant une partie de l’originalité de leur projet pédagogique et scientifique du fait de la généralisation des enseignements et des sciences de gestion dans et hors de l’université.

Tensions entre logique d’établissement et logique facultaire

87Les années 1990 et 2000 sont marquées par le développement de logiques d’établissement dans les universités et un renforcement du management interne (Musselin et Migot-Gerard, 2003 ; Rose, 2003). Ce processus a été renforcé par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007.

  • 11 . Selon Chessel et Pavis (2001, p. 194), les quatre universitaires aixois interrogés oscillent entr (...)

88Ce nouveau contexte marque le renforcement de l’université comme établissement et diminue le poids des traditions facultaire et disciplinaire au profit de la dynamique d’établissement. Dans ce contexte, les IAE ont édité un livre blanc en 2008 qui fait état de leurs spécificités et de leur souhait d’accompagnement. Dans ce livre blanc, les IAE revendiquent « une autonomie institutionnelle afin de faire face aux exigences de la concurrence internationale ». Ils demandent « la reconnaissance de la personnalité morale, leur permettant de contractualiser ». Ces tensions sont déjà anciennes. Chessel et Pavis (2001) évoquaient ainsi l’impossible « management » des IAE qui ne géraient ni leurs ressources humaines (fonctionnaires d’État), ni leurs locaux, ni leurs ressources financières de façon autonome11.

89La loi sur les responsabilités et compétences élargies marquée par le transfert de la masse salariale et des responsabilités renforcées renforce le pilotage de l’université dans le cadre d’une logique d’établissement aux responsabilités accrues. Les demandes des IAE d’autonomie renforcée apparaissent contradictoires avec cette évolution marquée par cette montée en puissance de l’université comme établissement. Les logiques de regroupement et d’harmonisation initiées par la loi Fioraso du 22 juillet 2013 confortent ce rôle des universités et des communautés d’universités et d’établissement (COMUE) au détriment des logiques facultaires et disciplinaires. La stratégie de chaque IAE est ainsi intégrée dans le cadre de la stratégie de l’université (notamment avec un contrat d’objectifs et de moyens entre l’IAE et l’université), la stratégie et le projet de l’université s’inscrivant eux-mêmes dans un cadre plus large, en lien avec le projet de la COMUE. Ces évolutions amènent aussi de nouvelles opportunités, comme des possibilités de rapprochement au sein de COMUE.

Isomorphisme entre IAE et autres composantes universitaires lié au mouvement de professionnalisation de l’université

90Les universités évoluent vers une reconnaissance renforcée de leur rôle dans le développement socio-économique :

  • ainsi la loi de 1988 qui apporte ses fruits à partir de 1991 sur l’apprentissage sur l’alternance ;

  • la loi de 1999 sur la valorisation qui favorise la création d’entreprise et le transfert ;

  • la loi de 2007 qui met officiellement l’insertion professionnelle comme mission au sein des universités ;

  • la loi de 2013 qui prévoit la possibilité de développer des diplômes en langue étrangère à condition qu’ils soient accompagnés d’un apprentissage de la langue et de la culture française.

91Les IAE sortent paradoxalement renforcés et fragilisés de ces évolutions réglementaires. Ces évolutions valident la pertinence de leur positionnement « entrepreneurial » au sein de l’université : développement de la formation tout au long de la vie (formation continue, en apprentissage, en ligne et à distance), souci de l’insertion professionnelle et du développement des compétences des étudiants, renforcement des liens entre l’université et le monde socio-économique. Ces évolutions banalisent cependant ce positionnement de l’IAE. Les chaires et les fondations ne sont pas l’apanage des IAE mais bien de l’université tout entière. De même le souci de l’insertion professionnelle et la mise en avant des compétences développées caractérise l’ensemble des filières universitaires.

92Les enseignements de gestion caractérisent maintenant de nombreuses composantes de l’université. Un double mouvement s’est en effet produit selon Pavis (2008) qui favorise l’homogénéisation des disciplines de 1960 à 2000 : d’un côté, un phénomène d’académisation des disciplines « utiles », avec l’institutionnalisation des sciences de gestion à l’université, de l’autre, une pression à la « professionnalisation » des disciplines savantes.

93De nombreuses filières générales sont ainsi professionnalisées. Le souci de favoriser la transition du diplôme vers l’emploi amène les responsables à enrichir le contenu des curricula et maquettes pédagogiques. Cette évolution concerne aussi les écoles d’ingénieurs et les instituts d’études politiques, qui dispensent des filières de management. Ce développement des filières pose ainsi le problème du contenu des sciences de gestion et fait l’objet de critiques dans le livre blanc du réseau des IAE de 2008. « On constate assez souvent le recours abusif au mot “management” dans l’intitulé de certaines spécialités dans le but de contribuer à un meilleur signalement de leur caractère professionnel. Cet usage détourné tend à nuire aux sciences de gestion, à les discréditer lorsqu’il est dévoyé et à tromper les étudiants sur le contenu et les débouchés des formations qui leur sont offertes. » (Réseau IAE, 2008, p. 30.) Cette tension est selon nous destinée à s’accroître, les formations de gestion et du management étant de ce fait victimes de leur succès. Le projet pédagogique des IAE est ici repris par d’autres composantes universitaires.

Isomorphisme source de rapprochements et de tensions entre IAE et écoles de commerce

94Le développement de la recherche dans les écoles de commerce favorise aussi une évolution du champ académique avec des évolutions paradoxales : les écoles de commerce cherchent à intégrer les regroupements universitaires pour renforcer leur légitimité académique, alors que les IAE ont pris pour nouvelle appellation en 2014 la dénomination « école universitaire de management » pour renforcer leur positionnement. Ce positionnement « école » caractérise aussi l’université Paris Dauphine (Batsch, 2013) devenue grand établissement qui vient de demander et d’obtenir en 2014 son admission à la conférence des grandes écoles (CGE) en plus de celle à la conférence des présidents d’université (CPU). Le rapprochement entre certains IAE et grandes écoles est aussi à l’œuvre dans des logiques de complémentarité et de taille critique (cf. la création de l’École de management de l’université de Strasbourg).

  • 12 . Les phénomènes de mimétisme entre IAE et écoles sont réguliers et fonctionnent dans les deux sens (...)

95Les frontières sont ainsi poreuses et les phénomènes de mimétisme récurrents12. Cette porosité s’explique par le souhait des IAE et des écoles de cumuler différentes sources de légitimités dans le système d’enseignement supérieur et de recherche.

96L’originalité du projet scientifique des IAE : la création (et pas simplement la transmission) de savoirs rigoureux en sciences de gestion est aussi remise en cause du fait de cet engagement des écoles de commerce en faveur de la recherche en sciences de gestion. IAE et écoles partagent ainsi ce projet scientifique.

Des tensions dans l’ambition scientifique et pédagogique

97Les IAE vivent une tension entre leur projet pédagogique et leur souhait de légitimité scientifique. Les sciences de gestion ont longtemps fait l’objet d’un procès en légitimité. Leur proximité avec le monde de l’entreprise les a desservies. Selon Pavis (2008), parce qu’il s’agit d’une discipline « utile » la légitimité des sciences de gestion est parfois contestée.

« En tant que corps ou individuellement, leurs tutelles leur reprochent ou de trop se prendre au “jeu académique” : la théorisation est jugée excessive, l’inutilité des savoirs les guette ou, à l’inverse, on leur reproche de trop se prendre au “jeu entrepreneurial” : l’utilité trop directe des savoirs leur permet en particulier de valoriser leur conseil et leur connaissance directement aux entreprises, sans la médiation de l’institution universitaire. »

98Cette tension amène des débats. Comment éviter l’académisme stérile sans se jeter dans des formations triviales ou opportunistes ? Comment lier entre elles les connaissances produites, afin d’être utile aux acteurs dans leurs besoins de diagnostic et décision de mise en œuvre ? Ce débat entre approche pragmatique et ambition scientifique est caractéristique des sciences de gestion. De la création des écoles de commerce jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, on peut dire que le pragmatisme l’emporte qu’il y a peu d’essais d’introduction d’une démarche scientifique. Peu à peu cependant, la démarche scientifique est prise en compte dans les formations des gestionnaires avec la création d’un corps professoral à temps plein, la valorisation des activités scientifiques et des publications. Mais il n’est pas sûr que la démarche scientifique réussisse véritablement à s’imposer partout ; l’exigence de praticité est parfois vue comme antagoniste avec l’exigence scientifique. Derrière le consensus autour d’une nécessaire recherche en gestion, plusieurs dénoncent le flou qui règne en matière de définitions normatives et de contenus effectifs. La plupart des disciplines qui constituent aujourd’hui l’enseignement de la gestion ne se sont constituées théoriquement que tardivement par rapport aux différentes disciplines scientifiques. Cette tension est toujours d’actualité, comme le montre le débat sur l’intérêt et la nécessité de concilier rigueur et pertinence en sciences de gestion (Laroche, 2007 ; Alis et al., 2013).

Des tensions entre les buts institutionnels et buts stratégiques

99De nombreux IAE maintiennent un équilibre délicat entre leurs missions universitaires traditionnelles (des enseignements en formation initiale adossés à une recherche scientifique) et leurs activités sur le marché de la formation continue et de l’alternance.

100Selon Laude (2005, p. 375), les IAE font ainsi coexister des buts institutionnels et des buts stratégiques. Les buts institutionnels correspondent aux missions de service public en matière de formation et de recherche. Les contenus et conséquences opératoires de ces missions dépendent largement des politiques suivies par un jeu complexe d’organes de décision à différents niveaux, depuis le ministère jusqu’aux universités. Elles incluent l’enseignement et la recherche en gestion mais aussi le respect des règles de fonctionnement public (sur le plan budgétaire notamment), ainsi que la transparence sur la gestion de l’établissement, supervisée par l’université de tutelle.

101Les buts stratégiques sont le produit des marges de manœuvre des IAE dans le cadre institutionnel. Elles leur permettent d’innover dans la production de programmes de formation et de recherche, en fonction de leurs environnements et de leurs partenaires d’action. Cette dimension recouvre les actions de développement spécifiques (formation continue, programmes en langues étrangères, apprentissage, contrats de recherche et d’expertise…). C’est une sphère de créativité, avec des innovations ou de l’opportunisme, dans laquelle des alliances économiques locales sont souvent trouvées. C’est aussi un espace d’expérimentation pour de nouveaux programmes de recherche ou d’enseignement qui seront ensuite reconnus à part entière et développés dans le cadre institutionnel (par généralisation de trouvailles locales). C’est enfin une série d’actions portant sur l’image et la notoriété, en rapport avec des besoins de se positionner par rapport à des prospects, à des clients ou à des concurrents.

102La poursuite conjointe de buts institutionnels et stratégiques rend nécessaire un tissage entre logiques différentes (formation initiale et permanente, apprentissage, expertise-conseil, recherche et valorisation) source de tensions potentielles.

Des tensions vécues aux niveaux organisationnel et individuel

103Selon Pavis (2003) qui analyse certaines de ces tensions à l’œuvre : « Les tensions entre logique d’entreprise et logique universitaire apparaissent de multiples façons entre institutions (on peut distinguer un pôle académique/pôle entrepreneurial), à l’intérieur des institutions (où l’on retrouve les mêmes oppositions). »

104Ces tensions se vivent également au niveau individuel. La communauté des enseignants-chercheurs fait l’objet de tensions, prise entre les exigences d’investissement pédagogique, administratif et de recherche. Une étude récente montre les tensions liées à la forte demande en enseignements de gestion liées au développement de la professionnalisation à l’université qui conduit les enseignants-chercheurs en sciences de gestion à être très « sollicités » (Musselin et Becquet, 2004, p. 21-22) : « Ainsi, la demande de formation pèse fortement sur l’activité des gestionnaires. Par rapport aux autres disciplines, les gestionnaires sont les plus sollicités par l’environnement. Leur activité d’enseignement les conduit d’ailleurs à être très régulièrement en contact avec les entreprises : recherche d’intervenants, organisation des stages, valorisation de la formation, etc. » Comme le dit C. Musselin, cette reconnaissance a des conséquences sur l’activité de recherche.

  • 13 . 1990-1991 : création des IAE de Corse, Perpignan et Rouen, 1996 : création des IAE de Tours et Va (...)

105Ces tensions favorisent également des tensions organisationnelles au sein des IAE avec des phénomènes de distinction et une hétérogénéité forte. Si les créations d’IAE se poursuivent13, on constate un mouvement de diversification des IAE, renforcé par les différences de taille et de positionnement. La réflexion porte ainsi sur la création de grands IAE capables d’assumer pleinement cette double mission d’enseignement et de recherche dans le cadre de partenariats. Cette réflexion sur la taille critique en lien avec la massification de l’enseignement supérieur fait l’objet de débat dans les IAE : on peut citer l’exemple de l’IAE de Nantes qui a fusionné avec la faculté de sciences économiques de gestion pour donner naissance à l’institut d’économie et de management de Nantes (IEMN-IAE) en 2007, ainsi qu’à Strasbourg la fusion entre l’IAE et l’IECS (institut européen d’études commerciales supérieures) pour donner naissance à l’école de management de Strasbourg, en 2007. La différenciation par la qualité (Mottis et Thevenet, 1999) et le label Qualicert est aussi une voie privilégiée par le réseau des IAE : ce débat identitaire reste ouvert et la logique de qualité constitue une stratégie de différenciation.

Conclusion

106L’analyse historique montre l’intérêt d’adopter la théorie du changement institutionnel et de ces six étapes pour penser la dynamique du changement, même si ce travail d’institutionnalisation n’est jamais achevé. Le rôle des entrepreneurs institutionnels (qui ne sont pas que des universitaires mais sont aussi issus du monde de l’entreprise et de l’administration, comme le montre les travaux de Chessel et Pavis) est aussi mis en évidence. L’originalité des sciences de gestion est que le projet pédagogique a précédé le projet scientifique. Ce projet pédagogique (formation des cadres et participation au développement économique après guerre) s’est révélé insuffisant pour asseoir une légitimité académique. Les IAE ont ainsi été en quête de légitimité au moment de leur création. Ils ont dû se conformer aux normes institutionnelles de leur environnement universitaire pour mobiliser des structures et pratiques acceptables tant en formation qu’en recherche. Le travail d’institutionnalisation a reposé le mimétisme académique avec des disciplines reconnues. Ces effets d’hétéronomie ont été mis en évidence. L’effet réseau est mis en évidence dans ce développement : la FNEGE, mais aussi le réseau national des IAE avec ses réunions de directeurs, les colloques annuels. Comme l’indique Fridenson (2001), le développement des IAE et des sciences de gestion est bien le fruit d’un travail de coopération et de mise en réseau d’acteurs sociaux pur faire avancer la France sur la voie du management, caractérisé par « une hybridation complexe entre des institutions et des méthodes bien françaises et des analyses venues d’outre-Atlantique ». Cependant, les tensions à l’œuvre perdurent. La légitimité du projet pédagogique d’une part, du projet scientifique d’autre part continue à faire l’objet de débat et de tensions.

107Au niveau théorique et méthodologique, de telles recherches basées sur la théorie néo-institutionnelle gagnent selon nous à être menées sur l’entrée de nouvelles disciplines à l’université comme la linguistique, les sciences de l’éducation, les mathématiques appliquées, la géophysique, la biochimie et l’informatique (Fridenson, 2001, p. 7) : « Comme elles, la gestion se cale en partie sur la structuration des disciplines existantes tout en se trouvant en butte à leur impérialisme, comme elles la gestion cherche son émancipation, mais en reprend une bonne partie des méthodes ainsi que la structure des carrières universitaires. » Reprenant le souhait de Fridenson, ces analyses (Chessel et Pavis 2001 ; Laude, 2005) s’inscrivent dans un projet plus vaste d’histoire de l’introduction de ces disciplines et des composantes de formation et de recherche nouvelles dans l’enseignement supérieur universitaire français.

108La réflexion épistémologique et théorique sur les sciences de gestion gagne à intégrer ces dimensions historiques et politiques. Selon la formule de Marx reprise par Aron, les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font. La nouvelle théorie institutionnelle apparaît ainsi un cadre adapté pour penser les phénomènes de continuité et de changement dans des sociétés en évolution. Il convient selon nous de se focaliser sur les ressources des entrepreneurs institutionnels qui expliquent le succès de leurs entreprises et de la conduite du changement mené. Ces travaux montrent aussi la complémentarité possible entre histoire et sciences de gestion (Cailluet et al., 2013 ; Bouilloud et Lecuyer, 1994 ; Djelic, 2004). Selon la formule du poète breton Per Jackes Helias, « Sans aujourd’hui et sans demain, aujourd’hui n’est rien. »

109Au niveau pratique, il faut souligner l’intérêt pour une université de reconnaître et d’accompagner ses « entrepreneurs institutionnels » dans toutes les disciplines. Il existe une tension potentiellement contradictoire mais une nécessité pour une université d’avoir le contrôle des projets à développer mais aussi son intelligence pour favoriser et/ou rendre possible un travail institutionnel innovant. L’identification de ces « entrepreneurs institutionnels » est aussi un enjeu pratique pour les universités qui évoluent vers un modèle plus entrepreneurial (Fondation, valorisation, transfert de technologie, engagements dans les programmes européens type Horizon 2020 ou Erasmus Plus, programme investissement d’avenir, etc.). Les universités gagnent à soutenir l’action de ces « entrepreneurs institutionnels » qui favorisent le développement de l’université et l’atteinte de ces objectifs inscrits dans le cadre de la stratégie de l’établissement tant en formation qu’en recherche. Les logiques de coopération et de réseau mises en place par ces entrepreneurs institutionnels peuvent ainsi favoriser utilement l’innovation scientifique et pédagogique, comme le montre ce travail d’institutionnalisation des IAE et des sciences de gestion à l’université.

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Notes

1 Nous tenons à remercier Frédérique Chédotel pour la qualité de ses remarques qui a permis d’améliorer grandement la qualité de cette contribution, les imperfections restant de notre fait. Plusieurs interprétations et analyses lui doivent beaucoup.

2 Max Weber indique à la fin de son ouvrage sur L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1991) : « Le souci des biens extérieurs ne devait peser sur les épaules qu’à la façon d’“un léger manteau” […] mais la fatalité a transformé ce manteau en une cage d’acier […] l’idée d’accomplir son “devoir” à travers une besogne hante désormais notre vie, tel le spectre de croyances religieuses disparues. » La « cage d’acier » appelée aussi « cage de fer » renvoie ainsi aux croyances et aux institutions qui marquent le développement du capitalisme, avec le privilège accordé aux notions de spécialisation et de métier.

3 Deux numéros récents de la revue Entreprise et histoire (Arena, 2011) et de la Revue française de gestion (Nioche, 2007) apportent des éclairages utiles sur ce travail d’institutionnalisation et d’internationalisation de la gestion.

4 Devenu le certificat d’aptitude à l’administration des entreprises (CAAE), ce diplôme s’appelle aujourd’hui MAE (master d’administration des entreprises) depuis la mise en œuvre de la réforme sur la licence master doctorat (LMD).

5 Témoignage de Jeanne Krier, le 24 mars 1995, à l’occasion du quarantenaire de l’IGR-IAE de Rennes.

6 1955 : Création des 5 premiers IAE : Aix-en Provence, Bordeaux, Dijon, Rennes et Toulouse, 1956 : création des IAE de Caen, Grenoble, Lille, Montpellier, Paris et Poitiers, 1957 : création de l’Association nationale des IAE (Réseau des IAE) et des IAE de Lyon, Nancy et Strasbourg, 1958 : création d’une antenne de l’IAE de Rennes à Nantes qui deviendra l’IAE de Nantes en 1969, 1963 : création des IAE de Pau-Bayonne et de La Réunion, 1966-1967 : création des IAE de Clermont-Ferrand et de Nice.

7 À cette époque, les UER deviennent des UFR.

8 1974 : création de l’IAE d’Amiens, 1985 : création de l’IAE d’Orléans, 1988 : création de l’IAE de Metz.

9 Elle deviendra la MSG (maîtrise de sciences de gestion) par arrêté du 26 mars 1971.

10 . Décret no 2002-482 du 8 avril 2002 portant application au système français d’enseignement supérieur de la construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur.

11 . Selon Chessel et Pavis (2001, p. 194), les quatre universitaires aixois interrogés oscillent entre un sentiment de réussite – ils ont activement contribué à la réalisation d’un IAE au caractère exceptionnel – et un sentiment d’échec – « la normalisation universitaire » sortant victorieuse du combat.

12 . Les phénomènes de mimétisme entre IAE et écoles sont réguliers et fonctionnent dans les deux sens. Ainsi, les écoles supérieures de commerce (ESC) ont pris le nom d’écoles supérieures de commerce et d’administration des entreprises (ESCAE) au début des années 1970 en référence à la dénomination des IAE.

13 . 1990-1991 : création des IAE de Corse, Perpignan et Rouen, 1996 : création des IAE de Tours et Valenciennes, 2001-2002 : création des IAE de Brest et Toulon, 2007 : création de l’IAE de Créteil – Gustave Eiffel, 2007 : création de l’IAE de Limoges, 2013 : création de l’IAE de La Rochelle.

Table des illustrations

Légende Tableau 1. – Les étapes du travail d’institutionnalisation des IAE
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Auteurs

Professeur des universités à l’IGR-IAE, université de Rennes 1 et CREM (UNR CNRS 6211), [david.alis@univ-rennes1.fr].
Professeur de management public, EHESP Rennes, Sorbonne Paris Cité – EA 7348 MOS, [laetitia.laude@ehesp.fr].

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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