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Du Teikei aux AMAP

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Hiroko Amemiya

Deuxième partie. Analyses de structurations nouvelles en France

En Nord-Pas-de-Calais, des réseaux tissés par des agriculteurs pratiquant le porte à porte

Frédéric Lescureux

Texte intégral

1Nous quittons la Bretagne et les cinq chapitres qui suivent vont analyser des formes de vente directe dans d’autres régions françaises. Nous commençons par le nord de la France avec la zone transfrontalière des Monts de Flandre. Nous y avons enquêté sur une forme particulière de la vente directe de produits fermiers locaux, celle de la vente itinérante. Après présentation de la démarche et du cadre, nous montrerons que l’itinérance a pour origine la nécessité de trouver des débouchés dans des circonstances peut être propres à la région. Nous essaierons ensuite de comprendre s’il y a divers types d’agriculteurs itinérants, de « navetteurs ». Nous pourrons faire apparaître que, par cette pratique de vente directe l’agriculteur qui en quelque sorte se détourne des champs, devient quelqu’un qui tisse sa toile de relations et œuvre à une structuration nouvelle.

La démarche et le cadre des observations

  • 1 Delfosse C. et Vaudois J., « Les dimensions et les enjeux territoriaux de la transition agricole » (...)
  • 2 Il y a vente directe si et seulement si un même produit n’est pas revendu plus d’une fois : autrem (...)

2Engagés dans la transition agricole, que C. Delfosse et J. Vaudois1 définissent comme « le passage progressif de l’agriculture de la période industrielle aux formes plurielles d’une agriculture multifonctionnelle mises en place pour fournir des réponses appropriées aux aspirations de la société », des agriculteurs diversifient leurs activités et pratiquent la vente directe de leurs produits. Or, si les recompositions du Complexe agro-industriel et alimentaire (CAIA) tendent à dé-territorialiser l’agriculture et les agriculteurs en distendant leurs liens au territoire, nous supposons que, dans des campagnes vivantes, la pratique de la vente directe2, elle, concourrait à les re-territorialiser, conditionnant par ailleurs leur maintien dans l’espace.

  • 3 En étudiant le cas de 151 agriculteurs, dont un tiers de Belges, dans vingt-huit communes de Fland (...)

3Investissant le champ de la géographie sociale nous avons testé cette hypothèse3 dans la région transfrontalière des Monts de Flandre. à l’échelle des vingt-huit communes françaises étudiées, seulement 15 % des 614 exploitations en activité pratiquent la vente directe contre 25 % en moyenne dans le département du Nord, où elle reste traditionnelle. Entre les deux derniers recensements généraux agricoles (1988-2000) le rythme de disparition des fermes faisant de la vente au détail (-4,2 % par an) dans les huit cantons concernés fut même une fois et demie supérieur au rythme de disparition de toutes les fermes. L’agriculture y est anciennement productiviste et la diversification ne s’y impose donc pas à la différence d’espaces agricoles en difficulté.

  • 4 Additionnées, qu’elles soient dominantes ou secondaires, les variantes itinérantes sont les plus n (...)

4Les résultats que nous présentons ici portent sur l’analyse de vingt-six cas français de vente directe itinérante aux domiciles de particuliers. Soucieux de différencier les types de vente directe par leur caractère géographique nous suggérons ainsi de les appréhender sous l’angle de la mobilité et proposons de distinguer les pratiques immobiles, c’est-à-dire n’impliquant qu’un seul lieu à savoir, le site de l’exploitation agricole elle-même, des pratiques itinérantes c’est-à-dire avec un déplacement depuis l’exploitation agricole. Et de toutes les pratiques itinérantes, la tournée aux domiciles de particuliers est celle qui laisse à l’agriculteur la plus grande marge de manœuvre. Elle repose sur des trajets « curvilignes », avec des haltes aux domiciles de particuliers pour y livrer les produits qu’ils ont commandés ou leur en proposer (pratique dite du « porte-à-porte »), en excluant ici les haltes dans des commerces d’alimentation générale, des restaurants, des friteries, des supérettes etc., autant de lieux où les produits de la ferme seront revendus par les gérants. Un même agriculteur pratique une fois sur deux plusieurs types de vente directe (à la ferme, sur les marchés, en agroboutique…) et tire de chaque un revenu dominant ou secondaire4.

Quand la recherche de débouchés passe par l’itinérance

Une diversification par défaut dont les revenus sont indispensables dans deux tiers des cas

5La vente directe de produits de la ferme est un processus enclenché ou entretenu (hérité) par un agriculteur, un acteur, qui a donc un mobile originel et suit une démarche personnelle. Ce processus s’inscrit dans un contexte spatiotemporel (influences possibles du milieu géographique et de l’époque), prend différentes formes (une ou plusieurs pratiques jusqu’alors inédites) et se traduit par la mutation de son entreprise (processus de diversification-tertiarisation). Qu’est-ce qui a motivé l’amorce de la vente directe ? Quel en fut l’évènement décisif, le mobile originel ? D’après nos enquêtes il s’avère que sa justification est d’abord économique.

6Dans le cas des tournées le mobile originel le plus fréquent correspond à une diversification par défaut c’est-à-dire pour court-circuiter les intermédiaires tels que négoces ou coopératives et s’affranchir de difficultés d’insertion dans les circuits longs (trop faible tonnage, variété moins prisée…) ou enfin en l’absence de débouchés (excédent de lait, produits déclassés…). L’agriculteur s’affranchit alors des débouchés du Complexe agro-industriel et alimentaire et s’organise seul pour valoriser sa production. Vient ensuite la diversification résultant d’une nécessité structurelle (micro-exploitation, substitution d’un atelier de production…) ou conjoncturelle (remboursement d’emprunts…). Il s’agit d’une diversification vitale, sans laquelle l’exploitation ne pourrait pas se maintenir en activité dans l’espace. Les situations de diversification par opportunité arrivent en troisième position. Elles ont été stimulées de l’extérieur de l’exploitation (un agriculteur cherchant à céder une tournée, des clients souhaitant des produits…) ou de l’intérieur mais alors par les conjointes.

7L’itinérance comme mode dominant de vente directe caractérise les exploitations dont les chefs sont à la recherche de (meilleurs) débouchés et illustre le mieux ce glissement vers l’aval pour court-circuiter la chaîne des intermédiaires ou compenser les maillons manquants ou inaccessibles des filières correspondantes. Notons toutefois que la vente itinérante aux domiciles de particuliers se transmet souvent en héritage. Elle est alors l’affaire d’agriculteurs ayant davantage d’ancienneté et qui profitent de débouchés « acquis » de longue date.

8Quelle place la vente directe occupe-t-elle dans l’exploitation à travers l’intérêt que lui prêtent l’agriculteur et sa famille et l’utilité qu’ils lui reconnaissent ? Pourraient-ils se passer des revenus de la vente directe ? La diversité des utilités est grande mais dans deux tiers des cas la diversification-tertiarisation est indispensable : qu’elle apporte un confort à la famille dont elle améliore l’ordinaire et la qualité de vie, qu’elle soit préventive et sécurisante face au risque de fluctuation des cours, qu’elle soit l’objet du développement de l’exploitation et sa ressource, qu’elle soit juste une alternative à l’agrandissement ou qu’elle assure la survie de l’entreprise en complétant ses revenus. Ainsi M. K., avec moins de 12 ha et sans élevage, ne pourrait pas vivre sans sa vente itinérante faite de deux tournées hebdomadaires. Bien que ce célibataire et sa vieille mère vivent de peu, et à l’écart.

9La diversification participe aussi à la qualité de vie des ménages agricoles les plus ouverts sur leur environnement et prend dès lors un sens social, souligné par les femmes, au-delà de l’utilité économique : « cela nous permet de voir du monde en dehors de notre milieu professionnel », « de voir autre chose ». Les fonctions de vente en tournées sont d’ailleurs généralement assumées par les femmes avec l’aide d’un homme quand leur longueur le justifie.

Des exploitations assez typiques du modèle flamand pour lesquelles la vente en tournées est une réponse individuelle, locale et circonstancielle au problème global de la transition agricole

10La localisation des sièges d’exploitations ayant une activité itinérante explique-t-elle le choix de ce type de vente directe ? En effet la répartition, inégale, des variantes de vente directe selon qu’elles sont immobiles ou itinérantes intrigue. Quelles sont les raisons de l’itinérance et quelle influence l’espace dans lequel l’exploitation diversifiée est située exerce-t-il sur l’agriculteur ? Dans quelle mesure l’a-t-il contraint à se déplacer pour vendre ses produits ?

11Plus de la moitié des sièges d’exploitation des agriculteurs faisant des tournées chez des particuliers se concentrent dans cinq des vingt-huit communes étudiées (Bailleul, Boeschepe, Steenvoorde, Méteren et Caëstre), dont trois sont frontalières ce qui limite a priori leur aire de chalandise à 180°. Ces sièges d’exploitation sont par ailleurs situés à l’écart des principaux axes routiers et en marge des espaces les plus densément bâtis et peuplés. L’itinérance se remarque donc dans les communes à population résidante insuffisante et/ou déjà fortement polarisée par une ville-centre facilement accessible par une voie rapide. Une contrainte forte (population insuffisante, trafic faible dans le chef-lieu…), telle qu’ils se la représentent, dicterait donc aux agriculteurs leur comportement. Mais la survivance des tournées de produits laitiers notamment doit beaucoup aux modes de vie, d’achat et de consommation, à caractère territorialisant, des populations locales, et âgées en particulier.

12La situation géographique des exploitations conditionne le choix du mode de vente directe sans déclencher cette pratique de diversification laquelle apparaît plutôt comme une réponse locale, individuelle et circonstancielle à un problème global, celui que pose la transition agricole.

13Les exploitations agricoles étudiées correspondent assez bien au modèle d’excellence en Flandre à savoir des fermes d’élevage à forte dimension familiale et présentent peu de différences structurelles avec les exploitations sans vente directe. Elles participent des mêmes dynamiques d’agrandissement et d’intensification. Les systèmes de polyculture-monoélevage laitier caractérisent les exploitations se livrant à la vente directe itinérante aux domiciles de particuliers. Ces exploitations, parmi lesquelles il y a proportionnellement peu de sociétés civiles agricoles, ont en commun de faire vivre les familles les plus nombreuses et de s’être fort agrandies, sans toutefois entrer dans la démarche de contractualisation agro-industrielle (légumes de plein-champ…).

14Ces exploitations sont d’abord le fait de ménages agricoles avec encore une forte cohabitation des générations (lieu de résidence identique, cogestion intergénérations et parfois même exercice d’ingérence par les parents). Parmi les agriculteurs, vieillissants, faisant des tournées, la proportion de ceux n’ayant aucune formation ou seulement une formation primaire est remarquable.

15Les exploitations avec vente directe chez des particuliers sont plutôt grandes, que ce soit en terme de SAU (52 ha en moyenne) ou de quotas laitiers (235 000 litres en moyenne). C’est en effet l’option prise par les plus motivés des vendeurs directs (diversification « réactive… aux quotas laitiers ») aux étables les plus grandes et devant se défaire d’un trop-plein de lait causé par l’introduction des quotas au milieu des années 1980. Ils s’efforcent alors de vendre ce qu’ils sont en capacité de produire pour ne pas avoir à modifier leur système de production, pour le maintenir en l’état. C’est pourquoi ils se rendent mobiles pour démarcher les clients et n’hésitent pas à baisser leurs prix. Plus floue, compte tenu des déplacements consentis par les producteurs à destination du domicile des acheteurs, la vente directe du lait, au caractère si traditionnel, concerne ainsi une catégorie plus homogène d’éleveurs qui comptent fortement sur elle.

16Leur précarité, relative à leur caractère locatif (forte proportion de bâtiments et de terres) et au taux de chefs entrevoyant la retraite (40 %), pose toutefois la question de leur avenir à court terme.

17Les produits vendus se classent en huit familles : lait (entier cru ou battu), produits laitiers (beurre, yaourts, fromages…), pommes de terre (de conservation ou primeurs…), volailles et lapins (poulets, dindes, pigeons…), œufs, légumes, fruits (pommes, poires…) et plus rarement « divers » (miel, gaufres fourrées ou sèches…). Les pommes de terre, production typiquement flamande et de grande consommation, les œufs puis le lait et les produits laitiers et les volailles-lapins sont les plus couramment vendus par les agriculteurs en tournée, à la différence de la famille « divers » la plus rare. Ces produits sont ceux qui « voyagent » le plus et le plus loin.

18La qualité selon les vendeurs directs se décline en termes d’ancienneté, de soin, de sécurité et de conseil. Les tournées portent sur des quantités prévisibles, le client précisant d’un jour à l’autre ses besoins. L’agriculteur, par la répétition de ses passages, à intervalle régulier, imprime le rythme des achats qu’il stimule en quelque sorte. Plus le produit est banal plus la clientèle est sensible à son prix de vente. Plus sa présence sur les étals est longue plus son prix doit être lisse, quasi indifférent aux fluctuations du marché de gros. Les vendeurs directs veillent donc à la constance des prix et les arrondissent pour qu’ils se mémorisent mieux. Il faut surtout éviter leur augmentation brusque. La fixation des prix, qui tient compte de ce que les autres font ailleurs mais à proximité, est donc un vecteur d’intégration horizontale, spatiale.

Les tournées aux domiciles de particuliers font de l’agriculteur un « navetteur »

Temporalités et espaces : une vente régulière de fin de semaine et de proximité

19Qu’est-ce qui concourt au caractère territorialisant de la vente directe en tournée ? L’étude des rapports que leurs praticiens entretiennent avec l’espace doit nous permettre d’avancer une réponse à cette question.

20Dans la perspective d’appréhender les rapports de l’agriculteur-praticien à l’espace et la nature plus ou moins territorialisante de ceux-ci, la question de sa mobilité, jaugée à partir de la fréquence de ses déplacements et de leur amplitude notamment, nous préoccupe fortement. La sélection, par l’agriculteur, des lieux qu’il va desservir donne à sa tournée sa personnalité. Si l’infinité de lieux lui rend le choix d’autant plus difficile, elle le charge encore plus de sens.

21L’intervalle des tournées varie d’un exploitant agricole à un autre. De même leur itinéraire et leur déroulement relèvent de son initiative. En fait le jour de la semaine choisi par tournée est le paramètre le moins changeant.

22à l’exception d’un arboriculteur qui en fait une par mois, les agriculteurs assurent de une à six tournées par semaine, la moitié se déplaçant une à deux fois par semaine (tableau 10-1). Les agriculteurs vont ainsi à la rencontre de leurs clients à intervalle régulier.

Nombre de tournées hebdomadaires

1

2

3

4

5

6

Nombre d’agriculteurs

6

7

3

4

2

3

Tableau 10-1 – Nombre de tournées hebdomadaires. Source : Lescureux F., Les relations des agriculteurs au territoire au travers de la vente directe et de l’accueil à la ferme. Le cas de la région des Monts de Flandre, Thèse Géographie, université de Lille 1, 602 pages, 2003.

2380 % des tournées ont lieu le matin. La durée moyenne des tournées est de trois heures et quart. Les plus courtes durent environ une heure, contre plus de cinq heures pour les plus longues (25 % des cas). Cela demande donc un gros investissement en temps. Les tournées ont lieu principalement les vendredi et samedi, comme les marchés. La vente directe itinérante est une vente de fin de semaine.

24En moyenne chaque agriculteur se rend dans trois communes. Au total les agriculteurs observés desservent ainsi quarante-quatre communes différentes, dont dix-huit à plusieurs (et parfois jusqu’à sept dans la même commune !), et d’abord selon une logique de proximité (tableaux 10-2 et 10-3).

Moins de 5 km

5-10 km

11-20 km

21-30 km

31-40 km

41-50 km

51 km et +

Nombre d’agriculteurs

8

5

4

4

0

4

1

Tableau 10-2 – Distance de la commune la plus éloignée des tournées. Source : Lescureux F., 2003, op. cit.

Moins de 10 mn

11-20 mn

21-29 mn

30-39 mn

40-49 mn

50-59 mn

1 h et +

Nombre d’agriculteurs

12

5

1

4

2

0

2

Tableau 10-3 – Distance-temps jusqu’à la commune la plus éloignée des tournées. Source : Lescureux F., 2003, op. cit.

25Plus d’un tiers des agriculteurs desservent leur commune d’habitation ou une commune limitrophe. De l’observation des faits bruts que sont les déplacements dans l’espace des agriculteurs en tournée, nous déduisons qu’ils privilégient les lieux proches de leur ferme. Compte tenu de l’assiduité qu’impose cette pratique et du temps qu’elle prend cela n’est guère surprenant. La distance coûte.

26On distingue trois types spatiaux de tournées, avec par ordre décroissant d’importance :

  • les tournées « proches » dans les limites de la Flandre intérieure ou « mordant » sur sa périphérie, dans l’Audomarois et la Vallée de la Lys ;
  • les tournées « lointaines », jusque dans le Pays « minier » ;
  • les tournées « mi-proches mi-lointaines », dessinées à l’intérieur et à l’extérieur des limites de la Flandre intérieure.

Cinq types de vendeurs directs selon l’étendue et le balayage de leurs tournées

27Une tournée c’est un itinéraire, soit une longueur (durée, kilométrage), et un nombre de clients – des « places » –, soit une séquence (suite d’arrêts). La fréquence de la tournée varie en fonction de la nature des produits vendus, de la valeur et de la régularité des commandes et de la disponibilité de la personne qui en a la charge dans l’exploitation.

28Une tournée c’est un ordre établi de longue date – donc des automatismes – et une exploitation centrale (un nœud), point de départ et d’arrivée. L’agriculteur chemine et ravitaille « quartier après quartier », depuis si longtemps qu’il connaît sa tournée « par cœur » et la récite.

29Une tournée c’est aussi une ancienneté et un processus de stratification. Le choix des lieux doit beaucoup au passé. à leurs débuts, plus de la moitié des agriculteurs ont repris une tournée à un proche (voisin, ami…) ou en ont hérité de leurs parents. Tout en s’appropriant ces tournées souvent résiduelles, ils les ont confortées. Il n’empêche que, plus d’une fois sur deux, les tournées d’aujourd’hui, résultant d’un processus double, de sédimentation et d’érosion, empruntent toujours à celles d’hier. Cette réalité, marquante, participe du caractère territorialisant de la vente directe en tournée dont l’inscription dans l’espace, en surface, se double en effet d’une inscription dans le temps, en profondeur, et dans le territoire ainsi co-produit.

30Une tournée c’est encore des changements d’échelles et des rectifications. La tournée traduit la capacité d’adaptation et la flexibilité géographique de l’agriculteur. L’agriculteur rectifie son trajet par élimination, substitution ou adjonction de « places » auxquelles correspondent des localités. C’est une construction à géométrie variable.

31L’étude du détail des tournées, que font les vingt-six exploitants agricoles, nous montre que cette pratique de la vente directe est plurielle. En effet, en centrant notre attention sur le nombre d’horizons (ou échelles) emboîtés par l’agriculteur et l’échelle géographique la plus petite (donc le plus grand espace) à laquelle il « tourne », nous distinguons cinq cas de figure d’importance quasi-équivalente en terme d’effectif (tableau 10-4).

32Pour notre objet d’observation, en l’absence de déplacements transfrontaliers (frontière imperméable aux tournées), quatre échelles (ou horizons) s’avèrent pertinentes à savoir :

  1. l’échelle intracommunale : l’unique commune desservie étant celle où l’agriculteur a son siège ;
  2. l’échelle intercommunale : c’est-à-dire grosso modo celle de l’ancien arrondissement d’Hazebrouck ;
  3. l’échelle Flandre-Lys des communes périphériques enveloppant celles que nous étudions : donc le reste de la Flandre intérieure et la Plaine de la Lys au sud ;
  4. l’échelle de la région Nord-Pas-de-Calais dans ses limites administratives qu’aucun agriculteur ne transgresse.

33Aucun agriculteur n’emboîte plus de trois de ces quatre horizons. Aux types d’emboîtements correspondent des pratiques différentes dont le caractère territorialisant est graduel. Outre la diversité des horizons emboîtés (l’amplitude) et l’échelle de desserte la plus petite, nous avons retenu la quantité de communes de destination, la masse de domiciles-clients (les « places »), le nombre de tournées hebdomadaires et enfin leur ancienneté pour critères de graduation du caractère territorialisant. Il s’agit en effet d’appréhender l’étendue maximale des tournées (l’espace qu’elles embrassent) de chaque praticien et leur balayage (l’intensité de l’étreinte).

Tableau 10-4 – L’étendue et le balayage des tournées à travers six variables. Source : Lescureux F., 2003, op. cit.

34Plus l’agriculteur emboîte d’horizons (exemple des « grands migrateurs »), plus son carnet d’adresses est rempli, plus ses destinations sont nombreuses et plus la rotation hebdomadaire de ses tournées est courte. En revanche moins son ancienneté est grande.

35Plus l’étendue des tournées s’accroît plus le balayage territorial est fin, plus la pratique est prenante.

36Le nombre de « places », donc de liens avec les habitants du territoire, varie assez peu avec l’étendue. En fait c’est la multiplication des tournées qui augmente le nombre de « places » mais plus les tournées sont nombreuses, moins elles sont longues. Les agriculteurs qui doublent marchés et tournées se situent plutôt parmi les « sélectifs ».

37Les « Grands migrateurs » articulent le plus d’échelles, se déplacent le plus loin et le plus fréquemment et couvrent le plus grand nombre de communes. Leurs tournées sont les plus denses en nombre de « places ». à l’inverse les « Casaniers », eux, centrés sur leur commune d’habitation « s’économisent ». La typologie illustre bien la diversité des situations.

38La pratique de la vente directe en tournées transforme l’agriculteur en migrant alternant qui balaie ainsi l’espace à intervalle régulier.

L’agriculteur se détourne des champs pour la ville et se tisse des réseaux de proximité

La ville, un lieu « obligé » pour les agriculteurs-forains

  • 5 Di Meo G., L’Homme, la société, l’espace, Paris, Anthropos Economica, 1991.

39D’après Di Meo5 les « dispositifs spatiaux » (semis des villages, réseau des routes…) « socialisent l’espace et résultent d’une intense activité sociale ». C’est notamment à ces « dispositifs spatiaux » que ces praticiens font appel. Les lieux où ils vont d’eux-mêmes les agriculteurs aux fonctions diversifiées se les approprient d’autant plus qu’ils en ont le choix.

40Alors que la vente directe à la ferme, immobile, est plutôt « tributaire » de son environnement la géographie de la vente directe itinérante, elle, est une géographie « prioritaire ». En effet, les lieux qu’elle investit et met en scène sont sélectionnés sur des critères propres aux agriculteurs-forains qui leur reconnaissent une valeur et leur en donnent une à l’usage. En ces lieux choisis l’agriculteur va proposer son service et déployer ses produits pour répondre à un besoin (être ravitaillé en vivres) qu’il a ressenti ou dont on lui a fait part. De sa capacité d’attention aux autres, aux habitants d’un territoire qui n’est pas systématiquement le sien mais finit souvent par le devenir, de sa volonté d’aller à leur rencontre et des moyens qu’il se donne pour remplir au mieux sa mission de ravitaillement, dépend son pouvoir de territorialisation.

41Voyons sur quels critères les praticiens de la vente directe itinérante segmentent l’espace qu’ils fréquentent.

42Les agriculteurs vont d’abord se rendre en ville mais à sa périphérie. Spontanément ils se tournent vers la ville qu’ils assimilent à leur marché. Les agriculteurs entretiennent avec elle des relations ambivalentes, entre dégoût et fascination. Ils l’approchent tels des courtisans mais la fuient dès qu’elle leur a accordé ses faveurs. Ils aimeraient pouvoir l’ignorer mais ils s’honorent de lui rendre service. Les agriculteurs choisissent la ville en fonction de son accessibilité, de son éloignement (temps de trajet) mais aussi d’après les représentations qu’ils ont des lieux.

  • 6 Brunet R., Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Paris, Reclus-La Documentation frança (...)

43D’après les agriculteurs, la ville, « la vraie », c’est d’abord une masse de bouches à nourrir. Outre la taille de la ville qui augure le volume des ventes, l’habitat – « l’ensemble et l’arrangement des habitations dans un espace donné » d’après R. Brunet6 – guide également le choix des agriculteurs qui se fient à la densité des habitations et à leur disposition. Ils sont nombreux à cibler « pâtés de maisons », lotissements, rangées de maisons jointives ou immeubles, qui sont autant de viviers de clients dans lesquels puiser prend moins de temps que de courir la campagne où l’habitat est plus dispersé et la « cueillette » d’acheteurs plus aléatoire.

44Pour autant, les vendeurs itinérants investissent rarement le centre-ville parce que la densité des commerces y est maximale, parce que le stationnement, plus que la circulation, y est problématique mais aussi par souci de discrétion. Y livrer c’est être vu forcément, et donc susciter la curiosité publique, s’exposer aux contrôles des autorités.

45Les agriculteurs prennent l’habitat pour indice de pouvoir d’achat des habitants. C’est l’image que l’habitat renvoie de l’espace qui accroche l’œil de l’agriculteur et le fait s’arrêter et prospecter en un lieu. Les béguinages, ces lotissements pour personnes âgées, sont ainsi très visités, leur public à fort pouvoir d’achat et à mobilité réduite étant susceptible d’être intéressé et toujours intéressant. En fait la clientèle doit paraître « abordable » au vendeur, d’autant plus sensible aux refus essuyés qu’il éprouve « le sentiment de faire de la mendicité ».

46Chacun des agriculteurs étiquette la ville à sa façon, en fonction de ses préjugés, de sa sensibilité, de l’idée qu’il se fait in situ de sa population et des quartiers qu’il en fréquente. Ce que les exploitants agricoles disent des villes dans lesquelles ils diffusent leurs produits témoigne de leur sensibilité au regard des autres, de leur quête de reconnaissance. L’accueil qu’on leur réserve et l’hospitalité dont on fait preuve à leur égard les touchent beaucoup et pèsent dans le choix de leurs destinations. Tandis qu’en certains quartiers de la banlieue lilloise ils confient se sentir peu en sécurité (les femmes y vont accompagnées) et redouter les vols, ils admettent ainsi « être toujours bien reçus dans les mines » où, en effet, il existe une longue tradition de vente ambulante et où la Flandre jouit d’une très bonne image de marque.

47Leur pratique de la ville devrait permettre à ces agriculteurs de se forger une opinion sur ce qu’elle est vraiment, sur le quotidien de ceux qui y vivent. Mais, alors qu’on s’attendait à ce que leurs avis soient dès lors plus tempérés et nuancés que ceux des exploitants qui n’ont pas de raisons de la fréquenter, les témoignages que nous avons recueillis montrent que ces agriculteurs noircissent volontiers le tableau de l’urbain et qu’ils entretiennent avec lui une relation de défiance.

48Des pratiques de vente directe observées, la tournée aux domiciles de particuliers et la vente à la ferme « au voisinage » et sans publicité, « à l’ancienne », nous paraissent d’autant plus territorialisantes qu’elles modifient le rapport des agriculteurs aux Autres et qu’elles cimentent des liens sociaux. Nous allons chercher ici à qualifier les relations humaines sur lesquelles ces pratiques reposent ou qu’elles stimulent avant de sonder la nature des réseaux qui sous-tendent la vente directe en particulier.

49La vente directe en tournée et la vente à la ferme discrète figurent une tradition locale. Une tradition que, jusqu’alors, les agriculteurs ont volontiers perpétuée pour rendre service, répondre aux besoins exprimés par une clientèle d’habitués qu’ils se refusent généralement à délaisser. Ainsi certains d’entre eux font-ils vivre la tradition sans que leur tournée les fasse vivre, eux.

50Les agriculteurs faisant des tournées insistent sur le service qu’ils rendent à leurs clients. Cette clientèle les agriculteurs ont appris à la connaître foyer par foyer. Force est de constater que, répondant à la demande d’un public aujourd’hui âgé – « avec lequel on a vieilli » note un praticien – ces agriculteurs véhiculent des produits « d’autrefois », fabriqués et conditionnés « comme autrefois ». Les agriculteurs se voient assigner par leurs vieux clients une mission de conservation de leur patrimoine culinaire. Ils se sentent donc investis d’un devoir de mémoire. En leur rendant visite à intervalle régulier les agriculteurs rythment l’existence de leurs clients et ce, d’autant plus qu’ils sont âgés et esseulés. Certains comparent même leur visite à celle du facteur toujours attendu avec impatience et bien reçu. Et quelques personnes âgées vont même jusqu’à diversifier leurs sources d’approvisionnement pour multiplier les temps de rencontre.

51Un vendeur direct en tournée ce sont un visage, une voix, une silhouette, une existence, un terroir… en chair et en os ! L’agriculteur et sa personnalité primeraient sur le produit et sa qualité. Lors de sa visite le vendeur direct, bien que pressé, se doit de faire « la causette », de parler « de tout et de rien », de recueillir les confessions et d’écouter « les p’tites misères » des retraités qui ont le temps pour ça et le cœur à ça. La tournée tire un trait d’union entre vendeur et acheteur. Elle insère l’agriculteur au tissu social qu’il dessert et permet au client âgé et esseulé de se raccrocher à quelqu’un. L’un et l’autre se tiennent compagnie le temps d’une livraison.

52L’allusion au risque d’impayés montre que la confiance – parfois trahie par un client méconnu – est au cœur de la relation commerciale, affective très souvent. Cette confiance prend sa source dans la proximité, l’interconnaissance. Il est fréquent que les agriculteurs, fidèles, suivent leurs (meilleurs) clients quand ceux-ci déménagent, non sans démarcher simultanément leurs successeurs lesquels les introduiront chez d’autres etc.

Des réseaux territorialisants reposant sur la proximité sociale ou géographique

  • 7 Il s’agit encore de vente directe à condition toutefois que ces produits ne transitent pas par plu (...)
  • 8 Veltz P., Des lieux et des liens, La Tour d’Aigues, éditions de l’Aube, 2002.

53Le vendeur direct peut commercialiser ses propres productions ou recourir à l’achat-revente, importer ou exporter lorsque le chef fournit des revendeurs (autres agriculteurs, commerçants, artisans, GMS7…). Ces situations nous intéressent parce que les flux de produits ainsi générés sont sous-tendus par des réseaux de relations à caractère économique. Ces réseaux mobilisent ouvertement ou discrètement (réseaux souterrains) des acteurs, qui maîtrisent leur insertion, ou des agents, qui exécutent ce pourquoi on les missionne, en différents lieux et donc à différentes échelles. « Le territoire compris comme système social et non simplement spatial, est à l’évidence un fournisseur privilégié de ces ressources relationnelles » explique P. Veltz8 au sujet de la coopération entre les parties du système de production.

54La réflexion que suscite la mise à jour de ces réseaux porte sur ce qui les fait (fondements), ceux qui les font (acteurs/agents) et ce qu’ils disent des lieux qu’ils unissent/relient, donc des espaces qui les créent ou qu’ils produisent. Ainsi, pour l’agriculteur, qui n’était jusqu’alors qu’un fournisseur de matière première intégré au CAIA, la vente directe peut être une source d’élargissement de son champ de relations économiques.

55Or, 85,7 % des vendeurs directs français (contre 57,5 % des belges) sont acheteurs et/ou fournisseurs de produits (tableau 10-5).

Nombre d’agriculteurs fournisseurs

Agriculteurs revendeurs

Commerçants

(Artisans boulangers bouchers…)

Restaurants auberges…

Cantines

GMS

Friteries

sistes Gros

100 % France

40,4 %

31,9 %

12,8 %

27,7 %

12,8 %

12,8 %

6,4 %

4,3 %

Tableau 10-5 – L’importance des types de débouchés en proportion du nombre d’agriculteurs.
Source : Lescureux F., 2003, op. cit.

56L’inventaire des débouchés existants, de leur nature et de leur importance relative nous renseigne quant aux opportunités que les vendeurs directs saisissent en se montrant attentifs à ce qui les entoure. Les vendeurs directs fournissent le plus souvent d’autres agriculteurs (plus de 40 % des débouchés) mais les commerçants et les restaurateurs leur offrent aussi fréquemment des débouchés.

5750 % des vendeurs directs français acheteurs et/ou fournisseurs commercent avec d’autres professions, en dehors du CAIA et de leur milieu et selon des règles différentes.

58D’après notre enquête le choix des fournisseurs, quand ils sont agriculteurs (cas le plus fréquent), relève d’une série de quatre facteurs dominants : la proximité géographique (« ils sont du coin ») dans 40,5 % des situations, l’interconnaissance (même village d’origine, coopérative identique…) pour 22 %, la parenté pour 20,5 % et le démarchage par la presse agricole spécialisée pour 17 %.

59La diffusion des produits mis en vente directe doit beaucoup aux réseaux informels : des réseaux de démarcheurs, de dépositaires et d’entremetteurs officieux. Ces réseaux sont invisibles, parfois éphémères mais souvent anciens. Leur genèse s’explique mal, sinon par des concours de circonstances. Les témoignages qui les ont mis à jour donnent l’impression que ces réseaux, partis de rien, tiennent à peu de choses.

60Ces réseaux ont d’abord pour terreau la famille du vendeur direct. C’est le principal vecteur de diffusion de produits par détournement, c’est-à-dire en dehors des lieux de vente habituels. Ensuite, c’est à l’échelle du voisinage que la vente directe peut être stimulée par des médiateurs insoupçonnés. Enfin le milieu professionnel est aussi activateur. Ceux qui vont de ferme en ferme, les marchands d’aliments, les conseillers etc. sont autant d’entremetteurs et de diffuseurs potentiels.

  • 9 Lollivier D., « Les producteurs fermiers acteurs du développement local », in Producteurs fermiers (...)

61Au travers de ces réseaux, la mobilisation de lieux nouveaux et le tissage de liens avec d’autres acteurs du territoire concourent à la territorialisation des vendeurs directs. « Le producteur fermier est un catalyseur du développement local car en lien avec les mondes paysans, artisans, consommateurs et élus locaux. C’est le maillon indispensable à la réinsertion de l’agriculture dans la société9. »

Conclusion

62La vente directe itinérante résiste difficilement à l’avènement de nouvelles formes de circuits courts (AMAP, agro-boutiques…). Dans les années 1990 elle a ainsi fortement diminué, notamment sous l’effet de l’accroissement des normes de conditionnement et du vieillissement de la clientèle attachée à ce mode d’achat. Le retrait des parents, même progressif, a souvent posé des problèmes d’organisation voire l’extinction de la pratique d’autant plus qu’ils en étaient souvent les initiateurs dans l’exploitation.

63Cette vente directe-là modifie grandement le rapport des agriculteurs à l’espace, et en particulier à la ville. En rendant un service à la population ils se projettent différemment dans l’espace et portent aux lieux et aux Autres une attention nouvelle. En allant vers eux ils se les approprient et les intériorisent, d’où le caractère territorialisant que nous reconnaissons à leurs pratiques. Ces agriculteurs-là, en retenant de l’espace ce dont ils ont le plus besoin, deviennent faiseurs de territoires.

64De même au travers des liens sociaux et des réseaux qu’ils nouent dans l’exercice de leurs nouvelles fonctions ces agriculteurs, remplissant une mission à caractère social, peuvent se façonner une nouvelle identité territoriale, plus métissée bien que forgée dans la proximité qu’elle soit géographique ou sociale. Finalement la diversification-tertiarisation vient épaissir leur territoire d’un nouveau feuillet et le recomposer, et en particulier l’étirer.

Notes

1 Delfosse C. et Vaudois J., « Les dimensions et les enjeux territoriaux de la transition agricole », Hommes et Terres du Nord, 2000-4, p. 189-191.

2 Il y a vente directe si et seulement si un même produit n’est pas revendu plus d’une fois : autrement dit, si et seulement si sa commercialisation implique au plus un intermédiaire.

3 En étudiant le cas de 151 agriculteurs, dont un tiers de Belges, dans vingt-huit communes de Flandre intérieure et trois du Westhoek (B).

4 Additionnées, qu’elles soient dominantes ou secondaires, les variantes itinérantes sont les plus nombreuses dans l’espace étudié. La conjugaison par un même vendeur direct de tournées et de marchés est rare (quatre cas).

5 Di Meo G., L’Homme, la société, l’espace, Paris, Anthropos Economica, 1991.

6 Brunet R., Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Paris, Reclus-La Documentation française, 3e édition, 1993.

7 Il s’agit encore de vente directe à condition toutefois que ces produits ne transitent pas par plus d’un intermédiaire avant d’être proposés aux consommateurs.

8 Veltz P., Des lieux et des liens, La Tour d’Aigues, éditions de l’Aube, 2002.

9 Lollivier D., « Les producteurs fermiers acteurs du développement local », in Producteurs fermiers mieux se connaître et se reconnaître, Actes des 3e rencontres nationales, Dijon, 31 mars et 1er avril 1998, Paris, FN CIVAM, 1998, p. 53-54.

Table des illustrations

Légende Tableau 10-4 – L’étendue et le balayage des tournées à travers six variables. Source : Lescureux F., 2003, op. cit.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/53958/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 147k

Auteur

Géographe, TVES, université de Lille 1

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