Timothée de Milet
|Timothée de Milet IV. Le poète, 2. Les Perses
Texte intégral
Comme d’un ruisseau chuchotant, chaque poème s’accompagne de sa marge confidente. Poèmes de la totalité illuminée, de la résurrection insensée. Mais je ne suis pas toujours sûr de ce qui, ici, s’ajoute.
René Char (1953).
- 1 Fr. 1-12 Bernabé (p. 191-196). Michael A. Flower estime que les deux poèmes de Choirilos et de Timo (...)
- 2 Lycophron, Alexandra, v. 1283-1450.
- 3 « Wandering poetry, ‘travelling’ music : Timotheus’ muse and some case-studies of shifting cultural (...)
- 4 Paul Maison, dans son édition d’Eschyle (I, Paris [Belies Lettres], 1921), p. 56.
- 5 Hérodote, VI, 21.
1La seule œuvre de Timothée dont on puisse parler avec une certaine confiance est Les Perses, au succès desquels dut n’être pas étrangère l’importance gardée si longtemps par le souvenir des guerres médiques et de l’incroyable victoire sur le grand empire asiatique : Choirilos de Samos, que Timothée put côtoyer à Pella, est également l’auteur d’un poème sur la Perse (Περσιϰά)1, et Lycophron, au IIIe siècle avant J.-C., fera de ce conflit un épisode majeur de la rivalité ayant opposé non pas deux pays, mais deux continents, l’Europe et l’Asie, depuis l’enlèvement d’Iô jusqu’aux réconciliations voulues par Alexandre2. Lucia Prauscello voit au reste dans Les Perses « the manifesto par excellence of Greek freedom from the barbarians3 ». Autre cause de ce succès : l’émotion qui devait se dégager d’une évocation qu’avaient précédée celles, non moins poignantes, d’Eschyle, en 472, et de Phrynichos, dont les Phéniciennes (476 ?) « semblent avoir été moins une tragédie qu’une sorte de cantate, dont les romances plaintives restèrent populaires pendant tout le Ve siècle4 ». Milésien, Timothée devait même être d’autant plus enclin à ressentir et faire ressentir cette émotion qu’elle s’associait d’elle-même à celle qu’avait causée, en 494, la prise de Milet, également évoquée par Phrynichos : cette autre pièce aurait fait verser tant de larmes aux Athéniens qu’on interdit de la représenter à l’avenir et que son auteur fut condamné à verser une amende de mille drachmes5.
- 6 Cf., par exemple, Peter van Minnen, « The Performance and Readership of the Persai of Timotheus », (...)
- 7 Théodore Reinach, « Les Perses de Timothée », Revue des Études Grecques, 16 (1903), p. 63 ; Peter v (...)
- 8 Wilamowitz, op. cit., p. 5.
2Les Perses de Timothée nous sont bien connus grâce au papyrus, aujourd’hui à Berlin (P. Berolinensis 9875 = 1537 Mertens-Pack3), trouvé par Ludwig Borchardt le premier février 1902 près d’une tombe d’Abousir, l’antique Bousiris, au nord-ouest de Memphis et, dit Hérodote (II, 59), « au milieu du delta ». La tombe, située dans un cimetière antérieur au milieu du IVe siècle avant J.-C., était celle d’un homme âgé paraissant avoir appartenu à la communauté grecque de Memphis (les Hellénomemphites6), alors vieille de plus de deux siècles. Quel rapport, s’il y avait un rapport, entre cet homme et le papyrus ? On ne sait pas répondre. La présence, également, près de la tombe, des restes d’une éponge, parmi d’autres objets, a fait penser que le défunt était un scribe, mais Wilamowitz a déjà exprimé des doutes7. Toujours est-il que là se trouvait un rouleau de papyrus long d’un peu plus d’un mètre (1,11 m) au moment de sa découverte, et large de 21,5 cm, dont Wilamowitz put affirmer qu’il était un livre de l’époque d’Alexandre8, assurément le plus ancien papyrus littéraire grec.
- 9 Art. cit., p. 65. Description de cette écriture dans le livre de J. H. Hordern, p. 65-67, et déjà d (...)
- 10 S. E. Bassett, « The Place and Date of the First Performance of the Persians of Timotheus », Classi (...)
- 11 P. van Minnen, art. cit., p. 248 ; cf. p. 258.
3Ce rouleau comportait six colonnes hautes (sauf la dernière) de 18,5 cm, et de grande largeur : respectivement 25,5, 23,5, 21, 23,5 et 20,5 cm pour les colonnes II à VI, la première, encore plus mutilée que la deuxième, se réduisant à de minuscules fragments. Les autres sont en revanche bien conservées et très lisibles : l’écriture (29 lignes pour la colonne II, 27 pour la III, 26 pour les deux suivantes et 4 pour la dernière), une scriptio continua où les vers eux-mêmes ne sont pas distingués, est à peu de choses près celle des inscriptions peintes de la fin du IVe siècle avant notre ère, selon Théodore Reinach9. Mais S. E. Bassett pense aux environs de 350, et C. H. Roberts au troisième quart du IVe siècle, Ove Hansen au deuxième, j, H. Hordern au deuxième ou troisième, avant la mort d’Alexandre10. Seul Peter van Minnen daterait le papyrus du début du IVe siècle, où Fauteur était toujours en vie11.
- 12 La qualité de l’écriture permettrait difficilement d’y voir une copie à usage privé, faite par un a (...)
- 13 Annie Bélis, « Harmonique », dans Le Savoir grec, nouvelle édition, sous la direction de Jacques Br (...)
- 14 La Chanson grecque dans l’Antiquité, Paris (CNRS Éditions), 1992, p. 8-9.
4Comment, pourtant, ne pas regretter que ce papyrus ne soit que littéraire, dépourvu de toute notation musicale ? Et comment ne pas s’en étonner ? Mais, pour passer sur les difficultés supplémentaires et le coût d’une copie joignant la musique aux paroles12, n’est-ce pas que la notation musicale était mutile dans un volumen assez soigné, mais destiné à des lecteurs ordinaires et non point à des musiciens ou même de véritables connaisseurs ? Dire cela n’est pas prétendre que ces lecteurs ordinaires privilégiaient le texte, en attachant peu d’importance à la musique. C’est rappeler que, même à Athènes ou Thèbes, le citoyen, le simple honnête homme, ne savait ni déchiffrer ni écrire la musique qu’il jouait sur sa lyre13. Et à quoi bon lire une musique vraisemblablement transmise ad orecchio, ou plus exactement devenue populaire au point qu’il était aisé de retrouver sous les paroles des airs appréciés jusqu’en Égypte ? Les mélodies d’Euripide connurent de la même façon un durable succès14.
- 15 Henri-Irénée Marrou, « ΜΕΛΟΓΡΑΦΙΑ », L’Antiquité classique, 15 (1946), p. 289-296, et Histoire de l (...)
5Henri-Irénée Marron a montré l’importance de la transmission ad orecchio, d’autant mieux compréhensible que la musique est d’abord chant dans la Grèce antique15. Et l’on rapprochera volontiers la situation d’une certaine France rurale au temps de Nerval, celle du Valois, où de jeunes paysannes préféraient s’habiller en demoiselles, lire des romans et oublier les chansons naïves d’autrefois :
- 16 Gérard de Nerval, Les Filles du Feu (Sylvie), dans les Œuvres complètes de la Bibliothèque de la Pl (...)
« — Alors chantez-moi la chanson de la belle fille enlevée au jardin de son père, sous un rosier blanc. — On ne chante plus cela. — Seriez-vous devenue musicienne ? — Un peu. — Sylvie, Sylvie, je suis sûr que vous chantez des airs d’opéra ! — Pourquoi vous plaindre ? — Parce que j’aimais les vieux airs, et que vous ne saurez plus les chanter. » Sylvie modula quelques sons d’un grand air d’opéra moderne... Elle phrasait16 !
6Gageons que, peu d’années après la mort de Timothée, a fortiori de son vivant, bien des Grecs étaient capables, eux aussi, de moduler quelques sons d’un grand air des Perses ou d’une autre œuvre entrée dans ce qu’Aristote, encore une fois, appelait le « grand répertoire chanté », considérablement enrichi au IVe siècle, surtout par les « opéras » de notre auteur. Cela, sans doute, au détriment de la chanson traditionnelle.
- 17 419 et 396 sont les dates extrêmes données par les savants : J. H. Hordern, op. cit., p. 15-17, et (...)
7Les Perses furent en effet créés par un poète ni jeune ni vieux, ainsi qu’il le dit lui-même dans le vers 213-214 — par un poète âgé vraisemblablement de plus de trente ans, de moins de cinquante17. Mais les arguments avancés pour en préciser la date, souvent en cherchant des ressemblances ou des réminiscences dans les pièces d’Euripide, n’ont guère de valeur : seul un terminus ante quem peut être fixé, en 396, grâce à la Vie d’Agésilas de Plutarque (voir ensuite le fragment 790).
- 18 Cf. Janet Fairweather, « Fiction in the biographies of ancient writers », Ancient Society, 5 (1974) (...)
- 19 Voir déjà S. E. Bassett, art. cit., p. 154-155, 157-159 et 162. Les Perses peuvent d’autant moins a (...)
- 20 « He did not need to identify the Greeks involved in the defeat of the Persians at Salamis, especia (...)
8Il est pourtant un témoignage dont on s’est débarrassé trop vite, en rappelant le peu de crédit mérité souvent par les biographies d’auteurs anciens18 : celui, déjà cité, de Satyros, où l’on ne peut soupçonner une plaisanterie d’auteur comique, comme dans l’allusion aux douze « cordes » de Mélanippidès et Timothée. La ville de Thémistocle, vraisemblablement invoqué dans le premier vers (fr. 788), celle dont la flotte et donc le peuple, jusqu’aux citoyens les plus modestes, qui ramaient sur les trières, avaient joué un tel rôle dans la victoire de Salamine, Athènes, a toute chance d’avoir été le lieu de la création des Perses19. Peu importe que n’en figure pas le nom dans ce qui reste du nome20 : celui de Salamine est également absent. Et, si le don, par Euripide, d’un prélude qui aurait contribué au succès de son confrère reste incertain, rien n’empêche de dater les Perses des années ayant précédé le départ du Tragique, en 408.
9Premier succès athénien de Timothée, les Perses auraient ainsi été créés entre 427 ou 417 — selon que l’on préfère, pour la naissance du poète, l’hypothèse la plus haute ou la plus basse — et 408, la période allant de 417 à 408 étant la plus vraisemblable. Et, qu’il faille ou non rattacher ce nome à un festival tel que les Mounikhia (Μουνιχία), célébrées à Athènes chaque année, au printemps, en l’honneur d’Artémis, son auteur aurait voulu, par un coup d’éclat, convaincre de son talent un public de qualité, mais souvent injuste.
- 21 Ne manquent à cette édition qu’une traduction, remplacée par une paraphrase en grec, comparable à c (...)
10La découverte du papyrus d’Abousir et la belle editio princeps que Wilamowitz en donna dès l’année suivante21 attirèrent l’attention sur un poète dont on connaissait seulement, jusque là, une trentaine de vers. On put enfin porter un jugement sur son œuvre, ou plutôt sur la partie littéraire de son œuvre, jugement plus d’une fois sévère, excessif, témoignant de la surprise éprouvée face à la nouveauté du poème, et jugement de savants trop enclins à oublier que, sans être un simple libretto, le texte des Perses était inséparable de sa musique.
- 22 Ces articles ont été réunis commodément, avec d’autres textes, par Laurent Calvié (TIMOTHÉE DE MILE (...)
11Il n’est que de voir, en France, les articles de Théodore Reinach et Maurice Croiset, dans la Revue des Études Grecques de 1903. Le premier parle d’un « art factice » où la virtuosité prendrait « la place laissée vide par l’émotion ». Car « les Perses de Timothée ne sont qu’une succession habile de morceaux de bravoure, tableaux de bataille, scènes de mœurs barbares, discours pathétiques ou burlesques ». Pire encore, ses « laborieuses énigmes » annonceraient déjà « l’ombre menaçante de l’Alexandra » : « Eschyle, Timothée, Lycophron, autant d’anneaux de la chaîne qui va des Védas à l’abbé Delille en passant par l’Euphuïsme et les Précieuses ». Et le second est sensible à « l’étrangeté du style de Timothée, son horreur du mot propre, son goût pour les périphrases qui ressemblent à des énigmes » ; sensible également à son « prosaïsme fondamental » et sa « verbosité », tout en remarquant des « qualités de langue » qui peuvent se résumer en un mot : « la langue de Timothée est musicale ». Et le même auteur d’ajouter : « ce que nous sentons très bien, c’est que ses mots et ses phrases ont des qualités particulières de sonorité, de couleur et d’éclat »22. On peut le croire en effet : les mots devaient chanter, et la musique parler, dans les meilleures œuvres de Timothée.
Les fragments connus par la tradition indirecte (fr. 788, 789, 790, 790A23
- 23 C’est imprudemment que J. M. Edmonds (306 et 307) et S. H. Bassett (art. cit., p. 156) leur ajouten (...)
12Plutarque, Vie de Philopoimen, 11 :
- 24 La bataille de 207 avant J. C., au cours de laquelle le stratège de la ligue achéenne vainquit et t (...)
Au moment, dit-on, où se tenait la fête communautaire néméenne, Philopoimen, alors stratège pour la seconde fois, et qui venait de remporter la bataille de Mantinée24 [...], entra dans le théâtre pendant le concours des citharèdes. Il était à la tête de ses jeunes gens, portant leur tenue militaire et une tunique de pourpre, tous au mieux de leur forme physique et proches par l’âge, qui laissaient voir une grande déférence envers leur chef et une fierté juvénile, née de nombreux et beaux combats. Ils venaient d’entrer lorsque le citharède Pyladès, qui chantait les Perses de Timothée, se trouva entonner (ἐνάρξασθαι) :
Κλεινòν ελευθερίας τεύχων μέγαν’Ελλάδι κόσμον
Artisan, pour la Grèce, de la grande parure, glorieuse, de la liberté...
Et à l’éclat de sa voix s’accordait la majesté accompagnant la poésie (τη λαμπρότητι της φωνῆς τοῦ περὶ ποίησιν όγκου συμπρέψαντος). De partout, dans le théâtre, les regards se tournèrent vers Philopoimen, et l’on applaudit en manifestant sa joie : les Grecs recouvraient en espérance leur ancienne dignité ; la fierté de jadis leur était presque rendue par la confiance retrouvée.
13Pausanias (VIII, 50, 3) rapporte aussi l’anecdote, en ajoutant quelques autres précisions :
Peu après, comme les Argiens célébraient les jeux Néméens, Philopoimen se trouva dans l’assistance lors du concours des citharèdes. Et Peladès — l’homme, originaire de Mégalopolis, était un citharède des plus habiles en ce temps et avait été victorieux aux jeux Pythiques —, interprétait alors un nome de Timothée de Milet, Les Perses. Lorsqu’il en chanta les premiers mots (ϰαταρξαμένου της ᾠδῆς),
Κλεινόν ελευθερίας τεύχων μέγαν Ἑλλάδι κόσμον
Artisan, pour la Grèce, de la grande parure, glorieuse, de la liberté...,
- 26 On eut tort d’en douter, comme encore Dietmar Korzeniewski (« Die Binnenresponsion in den Persern d (...)
- 27 On a parlé d’Arès, Zeus et Apollon, voire de Lysandre et de la bataille elle-même : Théodore Reinac (...)
- 28 Cf. Aristote, Poétique, 1457 b 6-16.
14Classique quant à la forme, cet hexamètre dactylique (fr. 788) ouvrait avec majesté — le mot utilisé par Plutarque, όγκος, peut même désigner l’emphase — le nome de Timothée26. Et, que l’« artisan » évoqué indirectement par le participe τεύχων (« façonnant ») ait été le peuple athénien ou Thémistocle — d’autres hypothèses, peu vraisemblables, ont été avancées27 —, on doit remarquer la place qui lui est donnée, exactement au milieu du vers, après la coupe penthémimère. Sept syllabes le précèdent, en détachant l’essentiel : la liberté (ελευθερίας), synonyme de gloire (cf. κλεινόν) ; sept autres le suivent. Le poète, assurément, savait user en virtuose du vers épique, dont on imagine le contraste avec les vers « libres » (ἀπολελυμένα) constituant l’essentiel du fragment d’Abousir. La présence d’une métaphore, dès le troisième mot est, toutefois, aussi remarquable : Homère, s’il use volontiers de comparaisons, recourt peu à ce type de « transfert » (μεταφορά)28.
15Le second fragment des Perses (fr. 789) est assez différent :
16Plutarque, Comment le jeune homme doit entendre les poèmes, 32 d :
Il lui [à Homère] paraît normal que soient courageux les hommes raisonnables, l’honneur détournant d’agir honteusement, et qu’ils soient capables de dédaigner les plaisirs et affronter les dangers. C’est du même point de vue que Timothée exhortait aussi les Grecs de belle façon, dans les Perses :
σέϐεσθ’ αἰδῶ συνεργòν ἀρετᾶς δοριμάχου
- 30 Voir, par exemple, Birger Hutzfeldt, op. cit., p. 172.
17Faut-il placer ce vers dans la bouche de Thémistocle haranguant les épibates (l’infanterie embarquée)30 ? Car, assure Hérodote (VIII, 83),
Les propos de Thémistocle furent, entre tous, remarquables. D’un bout à l’autre ils consistèrent à mettre en parallèle le meilleur et le pire à propos de tout ce qui relève [...] de la nature de l’homme et de sa condition. Il exhorta à y choisir ce qui vaut le mieux et acheva son discours. Puis il ordonna d’embarquer sur les vaisseaux.
- 31 Hérodote, VIII, 84 (cf. Eschyle, Perses, v. 401-405).
18Faut-il, moins vraisemblablement, le placer dans la bouche du fantôme de femme qui serait apparu aux Grecs31 ? Quoi qu’il en soit on y reconnaît aisément un trimètre iambique de facture un peu libre, du fait de la présence d’un dactyle au cinquième pied, sans coupe fortement marquée :
19soit trois mesures que l’exemple du fragment de Contrapollinopolis suffirait à empêcher de vouloir interpréter plus finement du point de vue rythmique.
20Plutarque semble prouver la célébrité de cette exhortation en y revenant dans le traité Sur la fortune des Romains, 323 e :
Celles-ci [les « actions les plus connues » et les « guerres les plus fameuses »], qui n’admettrait qu’elles supposent beaucoup d’audace et de courage, et « l’honneur secondant la vaillance guerrière », comme dit Timothée ?
- 32 Cf. Aristote, Poétique, 1457 a 32 - 1457 b 1, puis 1457 b 2 et 33-35.
- 33 SEG, 34 (1987), no 281 (e) (col d’amphore corinthienne daté de 575 à 550). Le Lexicon of Greek pers (...)
21Peut-être banale aux yeux d’un moderne, elle donnait une forme remarquable à un topos, surtout grâce à un mot « inventé » (πεττοιημένος), qui de plus est « double » (διπλοῦς)32. L’adjectif composé δοριμάχου (littéralement « de la bataille [μάχη] avec la lance [δόρυ] » ou « qui fait combattre avec la lance ») est en effet un néologisme, bien que l’anthroponyme Dorimakhos soit attesté à Corinthe, au VIe siècle avant J.-C.33.
22Comme les deux précédents, le fr. 790 est un vers que l’on ne pouvait manquer de retenir. Le début en est même devenu proverbial, à moins que Timothée n’y ait repris, inversement, une brève sentence consacrée par l’usage.
23Plutarque, Vie d’Agésilas, 14, 4 (à propos du séjour d’Agésilas, le roi de Sparte, en Asie mineure, notamment à Éphèse, entre 396 et 394) :
Mais le spectacle le plus agréable pour les Grecs établis en Asie était celui des gouverneurs et généraux dont l’autorité pesait depuis longtemps, insupportables, pourris par la richesse et par le luxe, qui craignaient et courtisaient un homme se promenant vêtu d’un modeste manteau, et qui se conformaient à une simple parole, brève, laconique, en se pliant à son avis. Aussi venait-il à l’esprit de beaucoup de dire, avec Timothée :
Ἄρης τύραννος· χρυσόν δ’’Ελλὰς οὐ δέδοιϰε
Arès est le maître ; l’or ne fait pas peur à la Grèce,
24Les premiers mots, dont Hésychios d’Alexandrie (s. u. Ἄρης τύραννος) confirme le caractère proverbial, sont à nouveau cités par Plutarque dans sa Vie de Dèmètrios (42, 8). Mais surtout Zénobios, au IIe siècle de notre ère, ne laisse aucun doute sur sa provenance : Zénobios (recension athonite), 2, 47 (V, 2, p. 102-108 Bühler) :
- 34 Selon Photios, « du succès dû au chant » (διὰ την επί της ᾠδῆς ευημερίαν, au lieu de διὰ την ἐπὶ †τ (...)
« Arès est le maître » : cette courte expression (ϰομμάτιον) est tirée des Perses de Timothée. L’importance, à Athènes, du succès...34 fit qu’elle passa en proverbe. Ménandre fait mention de celui-ci dans Thaïs ( ?).
- 35 Macarios, 2, 39 ( = II, p. 147 Leutsch-Schneidewin).
25Ajoutons la brève notice de la Souda, reprise par le parémiographe Macarios Chrysocéphalos (XIVe siècle)35 : « “Arès est le maître” : à propos de ceux qui sont forcés de faire quelque chose ».
- 36 Thucydide, VIII, 18, 1. Si l’accord entre Perses et Spartiates dut être un « choc » pour les Athéni (...)
- 37 Birger Hutzfeldt affadit l’expression en voyant dans l’or « eine Metonymie für Persien » (op. cit.,(...)
26Il n’est pas sûr que Timothée ait entendu le dicton de cette manière. L’or en question étant, à l’évidence, celui du roi de Perse, dont on sait l’influence que ses ressources lui permirent d’exercer durant des siècles dans les cités grecques — on pense avant tout à l’aide qu’il apporta aux Spartiates, à partir de 412, en échange de la reconnaissance de ses droits sur « tout le territoire et toutes les cités que le Roi détient » ou « que les ancêtres du Roi ont détenus »36 —, ne vaut-il pas mieux comprendre que le combat seul décidera, la richesse ne pouvant rien contre le jugement des armes37 ? Autre difficulté : le texte pourrait être altéré. On y reconnaît en effet ce schéma métrique :
27ou mieux, en supprimant le δ’des manuscrits, soit un dimètre iambique en synaphie avec une tripodie iambique catalectique, à moins que la fin ne soit gâtée. Car une correction vient immédiatement à l’esprit : δέδιε au lieu de δέδοιϰε — ce qui donne un trimètre iambique, avec, pour dernier pied, un tribraque, comme dans d’autres vers iambiques de Timothéee. On peut donc préférer :
Άρης τύραννος·χρυσόν [δ’] Ἑλλὰς ού δέδιε.
- 38 M. Croiset, art. cit., p. 329.
- 39 Philodème, Sur la Musique, IV, col. 131,1. 3 ( = II, p. 251 Delattre).
28Ces deux derniers fragments, provenant peut-être de la même exhortation, et dans lesquels Maurice Croiset trouve « une fermeté de ton et une certaine beauté de sentiment38 » que n’aurait pas la partie conservée du poème, ont chance d’avoir été, comme le premier, de ces citations que les maîtres de rhétorique enseignaient à leurs élèves, ou que ceux-ci trouvaient dans les chrestomathies, dont l’existence est attestée déjà par Philodème de Gadara, au premier siècle avant J.-C.39. Ils ne prouvent donc pas que Plutarque avait une connaissance directe et personnelle des Perses, encore que celle-ci reste possible. Tel n’est pas le cas du dernier fragment, incertain, que nous devons à la tradition indirecte.
29Denys d’Halicarnasse, La Composition littéraire, 17, § 13 (fr. 790A Hordern = fr. adesp. 1027 (f) Page) :
Il est encore un genre de rythme trisyllabique. Il est constitué de deux longues et une brève, et possède trois formes. Si la brève est au milieu et les longues à l’extérieur, on parle d’un crétique, et il n’est pas sans noblesse (oὐϰ ἀγεννής). Un exemple :
οι δ’ἐπείγοντα πλωταῖς ἀπήναισι χαλϰεµϐόλοις
Eux s’élancaient avec leurs chariots flottants à l’éperon de bronze.
- 40 Cf. Alphonse Dain, Traité de métrique grecque, Paris (Klincksieck), 1965, § 98 et 100, et W. J. W. (...)
30On peut voir dans ce vers, soit une pentapodie péonique, ou théopompeion, ayant pour base le péon (παιάν ou παιών), qui correspond à cinq temps de brève, surtout de mise dans la comédie40, soit, beaucoup plus vraisemblablement, avec Denys d’Halicarnasse, une suite de cinq crétiques, liés par la synaphie :
31En effet le crétique (ϰρητιϰός), probablement usuel dans la danse crétoise traditionnelle et valant six temps de brève, est une cellule rythmique, de forme ♩ ♪ ♩. ou ♩ ♪ ♩, fréquente aussi bien dans les vers iambiques que dans les vers trochaïques des Perses.
- 41 Art. cit., p. 117-118.
32Cité sans nom d’auteur, le fragment retient surtout l’attention par sa métaphore, bien dans le style de Timothée, et par un composé, doublet du féminin χαλϰεμϐολάς d’Iphigénie à Aulis (v. 1319), que l’on daterait donc sans difficulté de la fin du Ve siècle ou du début du IVe. Ce fragment pourrait également avoir eu sa place après la harangue dont semblent provenir les fragments 789 et 790, et cela d’autant plus qu’il s’accorde mieux que ceux-ci ou le fragment 788 avec le long passage gardé par le papyrus d’Abousir. Aussi n’est-il pas trop imprudent de suivre J. H. Hordern et Elena Firinu41, eux-mêmes précédés par Hermann Usener (1899), Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff (1921), Ernst Diehl (1925) et J. M. Edmonds (1927), en le rattachant aux Perses de Timothée.
Le papyrus d’Abousir (fr. 791)
33Le hasard — mais n’est-ce qu’un hasard, ou la conséquence de l’emploi qu’on en pouvait faire dans les classes ? — a fait que trois des quatre vers cités précédemment (fr. 788, 789 et 790) devaient figurer dans l’exhortation du début du poème, dont on aimerait préciser la longueur. Les colonnes III, IV et V du papyrus d’Abousir contiennent à elles trois un peu plus de 175 vers, ou plutôt de 175 côla, ce qui, en supposant que les deux premières étaient de longueur à peu près identique, et en ajoutant la colonne VI, donnerait un total d’environ 300 « vers ». Le chiffre est assez vraisemblable, surtout pour une œuvre lyrique dont un même homme était à la fois l’auteur, le compositeur, l’interprète et l’accompagnateur. Car
- 42 Théodore Reinach, art. cit., p. 77-78.
l’on frémit à la pensée des multiples talents qu’il[le nome] exigeait du poète, du compositeur, du virtuose réunis dans une seule et même personne. Rien dans l’art moderne — M. de Wilamowitz en a fait justement l’observation — n’est comparable à un pareil effort ; Wagner lui-même ne chantait pas ses opéras42.
34Rappelons, à ce propos, que les dithyrambes de Bacchylide ont de 35 à 132 côla, et la plus longue de ses épinicies — de celles dont on peut parler — 200. Et si la IVe Pythique de Pindare dépasse largement ces chiffres, avec 533 cola, les autres ont de 23 à 220 côla, et les Olympiques de 21 à 188, les Néméennes de 40 à 170, les Isthmiques de 31 à 153.
35Ce chiffre de 300 « vers » serait supérieur à ceux que suggère la notice d’Étienne de Byzance, citée dans le premier chapitre : « dix-huit livres de nomes citharédiques, donnant un total de huit mille vers épiques », soit moins de 450 par livre et moins de 150 ou 225 par nome, en supposant que chaque livre ne rassemblait que deux ou trois poèmes. Mais quel importance faut-il attacher au témoignage d’un auteur qui ne savait pas, en fait, ce qu’étaient les nomes de Timothée, sans quoi il n’aurait pas parlé seulement de « vers épiques » ?
- 43 Dietmar Korzeniewski, en considérant que le nome de Timothée était constitué de six parties se corr (...)
- 44 Wilamowitz, TIMOTHEOS, Die Perser, p. 3. Mais cf. J. H. Hordern, op. cit., p. 70.
36Autre possibilité, plus vraisemblable : Timothée n’aurait pas été l’auteur de « dix-huit livres de nomes citharédiques », mais de dix-huit nomes, ou bien de dix-neuf, comme le pensait Hésychios de Milet. Si l’on peut toujours retenir le chiffre de 8 000 vers, ou plutôt 8 000 côla, chaque nome en aurait donc compté 420 ou 445 en moyenne, à peine plus que les parties lyriques d’une pièce telle que les Perses d’Eschyle, où, il est vrai, les chants sont répartis entre le chœur et le personnage de Xerxès43. Semblerait aller dans ce sens l’hypothèse de Wilamowitz, selon laquelle le papyrus d’Abousir serait amputé de son début, ce qui expliquerait l’étroitesse (0,5 cm) de la marge gauche de la première colonne, ou plutôt de ce qu’il en reste — à peu près rien44.
- 45 Jean Irigoin, Recherches sur les mitres de Sa lyrique chorale grecque, Paris (Klincksieck), 1953, p (...)
37Mais surtout, que les Perses aient compté environ 300 « vers » ou bien entre 400 et 450, les vers en question, souvent, n’étaient pas des vers, au sens propre du terme, mais des « membres (de vers) », des côla (ϰῶλα). Or — faut-il le rappeler ? — « le côlon, adopté par les éditeurs alexandrins pour des raisons de commodité, ne présente pas une valeur métrique réelle45 », Son seul intérêt est d’aider à comprendre la structure d’un vers. Nous adopterons donc une disposition parfois différente de celle des éditions antérieures, en renonçant à séparer des cola indiscutablement liés par la synaphie, la « continuité » (συνάφεια), qui « paraît fondamentale dans la métrique grecque » :
- 46 Jean ïrigoin, op. cit., p. 92 ; cf. p. 16.
l’intérêt majeur qu’elle présente est de nous permettre une analyse métrique et rythmique du vers lyrique, fondée, non plus sur des théories, mais sur des faits précis. En tenant compte de la synaphie, nous pouvons distinguer les éléments qui constituent le vers, étudier les conditions de leur assemblage et déceler leurs particularités rythmiques. Malgré la perte de la notation musicale et des indications orchestiques, il est désormais possible de connaître avec une grande certitude la structure et le rythme du vers lyrique grec46.
- 47 Voir par exemple W. J. W. Koster, op. cit., p. 18-19.
38Cela signifie-t-il que la méthode est infaillible ? Nous ne le prétendons pas. En effet, nul ne peut assurer que Timothée n’a jamais eu recours à ce qu’il est convenu d’appeler l’εἶδος σοφόκλειον, la « figure sophocléenne » consistant à placer en fin de vers un mot élidé, qui fait normalement bloc avec le suivant, ou à répartir un même mot (composé) entre deux vers47.
39De plus, certains mètres autorisant la diérèse entre les éléments qui les composent, il y a parfois quelque chose d’oiseux dans les interrogations des métriciens. On peut ainsi voir dans les vers ( ?) 209, 211 et 230 des glyconiens suivis par des phérécratiens (vers [ ?] 210, 212 et 231), ou réunir ces éléments deux à deux (vers [ ?] 209-210, 211-212, 230-231) pour en faire des priapéens, comme les vers 204-205, 216-217, 219-220, 227-228 et 232-233. Et ce genre de question préoccupait-il les Anciens ? On en peut douter en constatant qu’une scriptio continua, excluant toute indication stichométrique, a pu les satisfaire. Le texte manuscrit des Perses se présente en effet comme une suite de blocs graphiques où des signes de fin de vers auraient été à la fois inutiles et fâcheux, en découpant le texte d’un chant ininterrompu.
40Cette scriptio continua est même d’autant moins surprenante que, lorsqu’il citait le fragment 543 (Page) de Simonide, Denys d’Halicarnasse le disposait comme il aurait disposé un texte en prose, sans recourir aux « intervalles » ou « séparations » (διαστολάς) qu’Aristophane de Byzance, s’il s’agit bien de lui, avait employés, dans la première moitié du II® siècle avant J.-C., pour distinguer les côla. Denys utilisait seulement les « intervalles » que réclame le langage « pédestre », à la « démarche » normale (ὁ πεζòς λόγος). Aussi, prévient-il,
- 48 Denys d’Halicarnasse, La Composition littéraire, 26, § 14.
le rythme du chant t’échappera et tu ne pourras reconnaître ni strophe ni antistrophe ni épode, mais ton impression sera celle d’un récit d’un seul tenant, que l’on dirait (λόγος εἱς εἰρόμενος)48.
- 49 D. L. Page distingue 240 côla, mais Wilamowitz 253.
41Les habitudes modernes sont pourtant différentes. Elles imposent de distinguer les vers, ce que nous ferons en restant fidèle, dans la mesure du possible, à la numérotation de D. L. Page, bien qu’elle soit celle des côla49. Il n’a pas semblé utile, en effet, même pour les colonnes III à VI, d’introduire une double numérotation, par côla et par vers, comme il est d’usage de le faire pour Pindare depuis l’édition d’August Bœckh (1811 - 1821). Cela pour deux raisons : (1) ne pouvant commencer qu’après les premières lignes de la colonne II, la numérotation est, de toute manière, trompeuse, sans même parler des lignes trop mutilées pour être analysées ; (2) la disposition du texte est parfois sujette à caution pour la raison exposée plus haut, à propos de certains vers de la σφραγίς des Perses.
42Encore une chose : nous nous sommes appuyé sur les lectures de Wilamowitz, D. L. Page et J. H. Hordern, qui a revu le papyrus à Berlin, lectures vérifiées grâce aux reproductions photographiques publiées par le premier de ces savants, en 1903. Mais les compléments, apportés surtout par Wilamowitz, ont le plus souvent été laissés de côté, un vide prudent semblant préférable à une hypothèse peut-être séduisante, mais discutable.
43La leçon du papyrus a également été préférée dans les vers 70-71 (μιμούμενος), 75-76 (αὐγαῖς), 144 (ἂγει), 150 (έπω), 190 (ὂχημα) et 225-226 (τεύξε). Seuls deux compléments nouveaux ont été introduits,’Ορφεὺς et κα<λην>, dans les vers 223 et 225-226, avec une correction, qui éclaire tout un passage : λαόν, dans le vers 209-210, au lieu du nominatif λαός, vraisemblablement entraîné par le participe qui le suit (ἐτηφλέγων). Nous avons toutefois également suggéré en note une restitution du vers 127 (λισσ<οίμαν λῦσ>ον) et du vers 221-222 (Πρῶτος ποιϰιλόμουσος τὰς ἀοιδὰς συνετέκνωσεν ou, mieux, Πρῶτος ποικιλόμουσος ἀοιδὰς συνετέκνωσεν).
44Il n’a donc pas semblé nécessaire d’accompagner le texte d’un apparat critique, qui se serait presque réduit à une suite d’hypothèses non retenues. Les notes, en revanche, apporteront toutes les précisions nécessaires pour justifier les choix retenus.
45Enfin, rappelons que les crochets droits ([]) délimitent une lacune, comblée ou non ; les doubles crochets droits ([[]]) un passage supprimé par le copiste lui-même ; les crochets obliques (< >) un oubli dudit copiste ; les accolades ({}) ce qu’il faut retrancher du texte ; les croix (††) un locus desperatus, pour lequel aucune correction suffisamment vraisemblable n’a été proposée.
***
46On ne retrouve pas la trace des fragments 789 à 790A dans ce qui reste de la première colonne, ni même celle du vers initial, le fr. 788. Rien qui provienne, semble-t-il, de l’ouverture ; rien qui provienne du début de l’ὀμφαλός et de la harangue de Thémistocie. Il devait pourtant, comme on s’en doute, y être fait allusion aux navires (fr. 3,1. 3 :]στοιχο[ ; fr. 8,1. 6 :]λινοιοδ..[, à propos de leurs lignes [στοῖχοι] et des voiles de lin [λίνοιο] ? ; fr. 1 + 4, 1. 6 : συ. δρομ[ = συ[ν]δρομ[, « qui se heurtent ? ») et au tumulte guerrier (fr. 1 + 4, 1. 4 :]. ουροθωι] =]ou ῥόθῳ ?). Autre allusion, à une nymphe ou jeune femme (fr. 1 + 4, 1. 3 : vυμφα), dont on ne sait s’il faut la mettre en rapport avec un véhicule « aux bonnes roues » (fr. 1 + 4, 1. 4 : ]επ. υϰυϰλ[ = ἐπ’ [ε]ὐϰύϰλ[ ?). Ce serait toutefois prendre un risque excessif que l’identifier au fantôme évoqué précédemment, bien qu’on puisse alors prêter à cette νύμφα une exhortation telle que celle du fragment 789. Quant à la Muse ou aux Muses (fr. 1 + 4, I. 12 : ]μουσα[, qui pourrait tout aussi bien se lire, par exemple, ἀνέ]μους α[), cette présence divine est d’autant moins certaine qu’était invoqué dans le premier vers un « artisan » très certainement humain. Et le poète était un autre artisan, qui n’avait pas besoin d’une inspiration venue d’ailleurs : le « sceau » de l’œuvre le confirmera en laïcisant « une Muse de facture nouvelle » (v. 202-203), déjà « façonnée » par les chants de Terpandre (v. 225-226), et « variée » dès l’époque d’Orphée (v. 221-222). On s’en étonnera d’autant moins que si, pour Eschyle, la défaite perse est due à Zeus, Timothée ne la fait plus attribuer, par Xerxès lui-même, qu’aux « brûlants vaisseaux des Grecs » (v. 178-179).
47Restent quelques autres lambeaux où l’on peut tenter de reconnaître un mot : fr. 1 + 4, l. 5 : επ. υθυφ[ = ἐπ’[ε]ὐθυφ[(d’εὐθυφερής, « qui mène droit », ou d’εὐθύφρων, « aux sentiments droits » ?), fr. 1 + 4, l. 12 :]παλιμμ[ = πάλιμ μ[ ? (à moins de penser à l’adjectif παλιμμήϰης, « de double longueur »), fr. 7, l. 3 :]πιφοϐαι[ = ἐ]πίφοϐα ι[(« effrayant(e)s » ?), fr. 7, l. 4 :]εοξυ[ =]ε ὀξυ[, fr. 8, l. 5 :]αρουκοιλ[ =]αρου ϰοιλ[(à propos du creux [ϰοῖλον] d’un vaisseau ?), fr. 8, l. 8 :]γυιαελ[ = γυῖα ελ[ (« des membres » ?), fr. 9, l. 8 :]ιοσϰολιο[ =]ιo σϰολιο[ (« oblique » ?), fr. 9, l. 9 :]ασειχον =]ας εἷχον (« avaient » ?).
- 50 Quelle que soit k manière dont on prétend compléter γειτ[]ç (Wilamowitz [18], proposait γείτ[ονε]ς, (...)
48Les premières lignes de la deuxième colonne sont à peine mieux conservées, On peut lire seulement, avec plus ou moins de sûreté, à la ligne 2 : σ]ύν [ἐμ]ϐόλ.[οισ]ι γειτ[]ς [.] υ[] ἀντίαι (ou ἐναντίαι) (« avec leurs éperons... [les navires] qui faisaient face... »50), et, à la ligne 3 : ἐχάρα[ξ]αν π. ι δὲ γε[]λογχο[] ἀμφέθ[ε]ντ’ὀδόντων (« fendirent... lance ( ?)... ceignirent... de dents »). Les quelques lettres, plus petites, que l’on peut déchiffrer dans la marge de droite, à côté de la ligne 3, (χιων [ ]ε τωνηραϰλειας ( ?), « ... des... d’Héraclée » ( ?), ne sont d’aucun secours.
49C’est donc seulement à partir de la ligne 4 de la deuxième colonne que l’on peut tenter de lire le fr. 791 :
αἱ δ[ὲ] ϰυρτοῖ[σι] ϰρασὶν[
5-6... [χε]ῖρας παρέσυρον ἐλα[τίνα]ς· ἀλλ’εἰ μέν[ἐ]νθένδε []ιστος ἐπ[ιφ]έροιτο πλαγὰ
9-10 ρηξι[]ος, πάντες []ανέπι[πτον] ἐϰεῖσε να[ῦ]ται
11-12 εἰ δ’ἀντίτοιχος ἀϰτ[]oç[Ιξειεμ [πο]λυϰρότο[υς
]σιμους πεύϰας, πάλινἐφέροντο·
αΐ δε[]αι[.]η γυῖα [δ]ιαφέρουσα[ι
15-16 πλ]ευρὰς λιν[ο]ζώστους ἔφαινον τὰς μ[έν]ις
σϰηπ[] ἐπεμϐάλλ[ο]υτες ἀνε[χ]αίτιζου, αἱ δε πρα[
19-20]ας ἀπηγλαϊσμένα[ι] σιδα[ρ]ῷϰράνει.
ἴσος δέ πυρὶ δαμ[
]ν ἀγϰυλένδετ[ο]ςμεθίετο
χερσίν, ἐυ δ’ἔπιπτε γυίοις αἰθε[]ωμα διαϰρα[[ι]][δ]αίνων·
25-26 στερεοπαγῆ δ’ἐφέρετο φόνιά []α[] τα τε περίϐολα πυρὶ φλεγόμεν’ έν ἀποτομάσι
βουδο[] βίοτος
29-30 έθύετ’ἀδιν[ò]ς ὑπò τανυπτέροισι χαλϰόϰρασι νευρε[
31-33 σμαραγδοχαίτας δὲ πόντος αλοκα ναΐοις ἐφοινίσσετο
σταλά[γμασι,
ϰρ]αυγᾷ βοὰ δέ [συ]μμι[γ]ὴς ϰατεῖχεν.
35 ὁμσῦ δ[ὲ] νάϊος στρατός
βάρϐαρος ἀμμι[
37-38 ἀντεφέρετ’έ[π’ ἰχ]θυ[ο]στεφέσι μαρμαροπ[τύχ]οις
ϰόλποισιν [Ἀμφητρί]τας.
Eux (ou elles), avec des têtes arrondies ( ?)...
- 54 J. H. Hordern explique (141): « ‘on the other side’, not ‘side to side’ (Janssen) ». Le contexte ne (...)
- 55 Les navires en bois de pin, Cf, v. 76-78 et Lycophron, Alexandra, v. 32.
- 56 J. H. Hordern comprend qu’il s’agit de vaisseaux aux nombreux bancs de rameurs (cf, μονόϰροτος, διϰ (...)
- 57 J. H. Hordern traduit (142) « when the ships, tearing away... ».
11-12 Et si un(e)... contre-bord ( ?)54... les pins55 Qui retentissaien.fi56, ils étaient entraînés dans l’autre sens.
Les (vaisseaux)... dont ballottaient57 les membres
- 59 Peut-on rapprocher ce casque des « têtes arrondies » du vers 4 ?
- 60 Allusion à un javelot, qu’une courroie fixée vers son milieu permettait de lancer avec plus de forc (...)
- 61 Ou peut-être, plus généralement, « sur les corps ».
19-20... privés de leur parure par un casque de fer59.
Égal au feu,...
... à la courroie lié60, était lancé
Par des mains, et s’abattait sur les membres61
... faisant s’agiter...
- 62 Peut-être des flèches enflammées, s’il ne s’agit pas d’ancêtres des feux grégeois — lesquels ne dat (...)
- 63 Il est possible que les couteaux à écorcher les bœufs (ssouδόρoι), utilisés dans les corps à corps, (...)
25-26 On recevait des (balles de plomb ?) durcies, meurtrières,...
Et des gaines où brûlait le feu, sur des bois coupés ( ?)62...la vie63
- 64 Celle, probablement, des flèches.
29-30 En abondance était sacrifiée par... aux longues ailes, à la tête d’airain64
- 66 Suivait probablement un mot de la famille de ἂμμιγα, exprimant l’idée de confusion (ἀμμι[).
35 En même temps l’armée navale
Barbare66...
37-38 Se portait à la rencontre, sur des creux aux guirlandes de poissons, aux plis
[étincelants,
Creux d’Amphitrite.
- 67 Cf. déjà, Wilamowitz, TIMOTHEOS, Die Perser, p. 57-59.
50Il apparaît assez clairement que ce récit provient du « nombril » (ὀμφαλός) du poème. Il est celui des premiers combats dans le détroit de Salamine, vraisemblablement imaginés à l’image de ceux de la fin du Ve siècle avant J.-C., avec ces javelots, ces balles de plomb « durcies, meurtrières », lancées avec des frondes, ces flèches ou autres engins permettant d’incendier les vaisseaux67. Si l’on va au contact de l’ennemi en tâchant de l’éperonner ou d’en emporter les « bras de sapin », afin de l’immobiliser, voire de le détruire, on le combat aussi à distance. Guerre moderne dont l’horreur, mais aussi l’ample clameur sont évoquées, avec sa beauté tragique — celle d’une mer-femme, ou plutôt déesse, dont l’ample vêtement orné, « aux plis étincelants », montre en ses creux la lutte des hommes.
- 68 Hérodote, VIII, 89. Cf. Edith Hall, « Drowning by Nomes : the Greeks, Swimming, and Timotheus’Persi (...)
51Ce plan large est suivi d’un gros plan sur un noble perse que la bataille a précipité dans les flots, gros plan continué du vers 40 jusqu’au vers 83-85. Terrien devenu « insulaire » (v. 44-46), maître d’un immense domaine continental devenu un naufragé, tentant de sauver sa vie dans un élément qui lui est d’autant moins familier que les barbares, à commencer par les Perses et les Mèdes, ne savaient habituellement pas nager, à la différence des Grecs68, il est le vivant témoignage des revers de fortune dont la destinée peut frapper les plus puissants.
40 Ἔυθα τοι τ[ις]πέδιος
41-42 ἀνὴρ ἀμεροδρόμοιο χώρας άναξ [
]μϐρίαν α.[
44-46 ττοσί τε χ]ερσίν τε παίω[ν ἔ]πλει νησιώτας []ς θεινομε[
] διεξόδους μ[]v
ισόρροπα τε παλευο[
]ηλ[]ων
50 ϰάλει θ[]σιον θεòν
πατέρα τ[
]νo[]φι[]ϰεπ[.]. []λασσων
]ασπ[]τε[]μεγαν[.]ον[]απερσαν[
].. εφασ[.]. ρ. j]αντεχειαι[]νιν ϰελαι.
[55]βλυδωπιρον[]ς ϰατεσσφραγ[]. στα
]πεπα[]ολλ[]υτεκ,. τος[]. νωτου
]ε διαπαλεύων[[που βάσιμον[]νδίοδον
]εσμ[.]ς’[ἄπ]ειρος[]φι ναΐοις τρυ[]λιχθεις
]υλακ[]φον[.]ζευμα[
64-65 ἐχεῖτ’· ἐπεὶ δ’ἀμϐόλιμος ἅλμα στόματος ὑπερέθυιεν,
ὀξυπαραυδήτῳ φωνᾷ
παραϰόπῳ τε οοξα φρενῶν
ϰαταϰορὴς ἀπείλει
†γόμφοις† ἐμπρίων,
- 70 Correction de Wikmowitz pour θαλασας.
70-71 μιμούμενος λυμεώνι σώματος θαλάσ<σ>ᾳ70.
Ἤδη θρασεῖα ϰαί πόρος
73-74 λάθραν αὐχέν’ἔσχες ἐμ πεδα ϰαταζευχθεῖσα λινοδέτω τεόν 75-76 νῦν δέ σ’αναταράξει ἐμòς άναξ έμός
πεύϰαισιν ὀριγόνοισιν,
ἐγϰλῄσει δὲ πεδία πλόιμα νο{μ}μάσιν αύγαῖς,
83-84 βλοσυρὰν δ’έξέβαλλεν άνναν ἐπανερευγόμενος 85 στόματι βρύχιον ἃλμαν,
40 C’est là qu’un...
50 Invoquait le dieu...
Père...
52Dans la suite, si mutilée (les lignes 22 à 29 de la deuxième colonne du papyrus, considérées comme les vers 52 à 59), il est apparemment question de quelque chose ou quelqu’un de grand (μέγαν ?) et des Perses (Περσᾶν ?) dans la ligne 23 ( = v. 53), d’un lieu accessible (βάσιμον) et d’un passage (δίοδον) dans la ligne 27 ( = v. 57), où le naufragé pourrait sembler attiré dans un piège (cf, διατταλεύων, qui est un hapax, s’il ne résulte pas d’une fausse lecture). Suit apparemment une allusion à un homme sans expérience (ἂπειρος ?), comme le naufragé dans ce milieu hostile, et roulé (par les flots ?), si l’on veut bien lire ἑλιχθείς à la fin de la ligne 28 ( = v. 58), avec une autre allusion à on ne sait quoi de naval (ναΐοις). Le reste (v. 60 à 85), à partir du haut de la troisième colonne, est beaucoup mieux conservé.
- 74 L’estomac du naufragé.
60 Chaque fois qu’ici faisaient relâche les souffles du vent,
Là ils allaient s’abattre l’un après l’autre.
... une pluie ne devant rien à Bacchos,
Mais qui dans le vase nourricier74
- 75 On ne sait que faire des « chevilles » (γόμφοις ?), γόμφος n’ayant nulle part le sens de son dérivé (...)
64-65 Était versée. Et, quand de sa bouche la saumure rejetée débordait en
[bouillonnant,
D’une voix rendue perçante par le délire,
Jugeant d’un esprit que frappait la démence,
À satiété il menaçait
En mordant ( ?)...75,
- 78 Ses vaisseaux, comme dans le vers 13.
- 79 La périphrase peut n’être pas seulement décorative : pour ce terrien, ce continental, ce sont les p (...)
- 80 Le texte (νομμασιναυγαις) est habituellement corrigé en νομάσι ναύταις, « grâce à scs marins errant (...)
75-76 Et maintenant va te bouleverser mon seigneur à moi,
Avec ses pins78 nés de la montagne.
Il va tenir fermées tes plaines à naviguer79, par ses nomades éclats80,
- 81 C’est-à-dire « objet aimé et pris dans ses bras par... » (cf. Lycophron, Alexandra, v. 308).
- 82 Le sens de l’hapax ϰλυσιδρoμάς est incertain (« qui galope et bouillonne » [Th. Reinach], « billow- (...)
79-80 Vieil objet de haine aux furieux transports, traîtreux embrassement81
D’un souffle courant baigner (le rivage) ( ?)82 ! »
Il parlait, épuisé par la difficulté de respirer,
83-84 Et rejetait une affreuse écume, sa bouche vomissant
85 La saumure des profondeurs.
53De nouveau un plan large, pour évoquer la flotte du grand Roi tentant d’échapper à son destin :
86-87 Φυγᾷ δὲ πάλιν ἵετο Πέρσης στρατòς βάρϐαρος ἐπισπέρχων.
ἂλλα δ’ἂλλαν θραῦεν σύρτις μαϰραυχενόπλους,
90-92 χειρῶν δ’ἔγϐαλλον ὀρείους πόδας ναός, στόματος δ’ἐξήλλοντο
μαρμαροφεγγεῖς παῖδες συγϰρουόμενοι.
κατάστερος δέ πόντος έγ λιποπνόης
95-96 λιπ[.]στερέσιν έγάργαιρε σώμασιν,
ἐδρίθοντο δ’ἀϊόνες.
οι δ’ἐπ’ ἀϰταῖς ἐνάλοις
ἣμενοι γυμνοπαγεῖς
100-101 αϋτά τε ϰαι δαϰρυσταγεῖ [γ]όῳ
στερνοκτυποι γοηταὶ
θρηνώδει ϰατείχοντ’ὀδυρμῷ.
104-105 άμα δὲ [γᾶν] πατρίαν ἐπανεϰα[λ]έοντ’· ἰὠ Μύσιαι
δενδροέθειραι πτυχαί,
[ῥύ]σασθέ μ’ἐνθένδε· νῦν ἀήταις
φερόμεθ’· ού γὰρ ἔτι ποτ’ἀμόν
[σῶ]μα δέξεται []ις.
110 ϰ[]. εγ γάρ χερὶ να. ε[.] νυμφαιογόνον
[]ιov άντρον ο[]αιστακαπε[] ονειτεο
βαθύ[τ]ερον πόντοιο χ[άσμ]α·
ἂπεχε μάχιμο[ν] α[] πλόϊμον †ελλαν†.
116-117 οὐ γάρ ἂ[ν Τμ]ῶλον οὐδ’ἂστυ Λύδιον [λι]πὼν Σάρδεων
ήλθον (Ἕ]λλαν’ἀπέρξων Ἂρ[η·
119-120 νϋν] δέ πᾷ τις δυσέϰφευϰ[τ]ον εὓρῃ γλυϰεῖαν μόρου καταφυγήν ;
121-122 Ἰλιοπόρος ϰαϰῶν λυαία μόνα γένοιτ’αν,
εί δυνα {σ} τὰ πρòς μελαμπεταλοχίτωνα Ματρòς οὐρείας
125 δεσπόσυνα γόνατα πεσεῖν
εὐωλένους τε χεῖρας ἀμφόϐάλλων
†λισσων† χρυσοπλόϰαμε
θεὰ Μᾶτερ ίϰνοῦμαι 129-130 έμόν έμόν αἰῶνα δυσέϰφευϰτον, ἐπεί μ’αὐτίϰα λαιμοτόμῳ τις
ἀποίσεται ενθάδε μήστορι σιδάρῳ
ἢ ϰαταϰυμοταϰεῖς ναυσιφθόροι αὖραι
137-138 ἒνθα κείσομαι οἰϰτρός, ορνίθων ἒθνεσιν ώμοϐρῶσι θοίνα.
- 85 Le second adjectif n’est pas à suspecter, mais suggère que l’armée dite perse est caractérisée par (...)
- 86 Ce long coi est le passage par lequel tentent de s’échapper les σύρτιδες, évoquées juste avant, σύρ (...)
86-87 La sutie en arrière faisait s’élancer l’armée perse barbare85 qui se pressait.
Un péril broyait un autre péril en naviguant dans un long col86.
- 87 Les avirons, faits avec du bois coupé dans la montagne, qui lui permettent de « marcher » (cf. v. 5 (...)
- 88 La phrase a embarrassé. Un fait est quasi certain : cette bouche n’est pas celle, métaphorique, des (...)
90-92 De leurs mains ils repoussaient les pieds montagnards du vaisseau87 ; de leur
[bouche sautaient
Des serviteurs à l’éclat resplendissant, qui s’entrechoquaient88.
- 89 La lecture de λιπ[.]στερέσιν n’est pas sûre, et l’on penserait à une dittographie (cf. J. H. Horder (...)
- 90 La petite île de Psyttaleia, à la sortie du détroit de Salamine et non loin du Pirée, dut recevoir (...)
95-96 Fourmillait de corps privés de ( ?)...89 ;
Les rivages en étaient pleins90
D’autres, sur les côtes marines escarpées
Assis nus, figés,
- 91 « Les larmes peuvent être une épithète du goos », lequel désigne la lamentation traditionnelle du d (...)
- 92 De même, « quand il confie au chœur l’évocation des larmes collectives, Euripide aime passer d’un p (...)
- 93 On a proposé de lire ϰόν]ις, πόλ]ις et πάτρ]ις. Mais penser à la poussière oblige à supposer que le (...)
100-101 En criant et poussant de larmoyants gémissements91,
Gémisseurs qui frappaient leur poitrine, Se laissaient envahir par une douloureuse lamentation.
104-105 Et en même temps ils invoquaient leur terre ancestrale : « Ah ! vallonnements
De Mysie aux chevelures d’arbres, Tirez-moi de ce Heu92. Les vents, maintenant,
Nous emportent, car plus jamais notre
Corps de notre (patrie ?)93 ne sera l’hôte.
- 95 Allusion aux ponts de bateaux que Xerxès a fait établir sur l’Hellespont.
115... ouvrant complètement le passage95, mon maître !
116-117 Car le Tmôlos et Sardes, la ville de Lydie, je n’aurais pas quittés
Tour venir écarter l’Arès grec.
- 97 Par allusion aux forêts épaisses de l’Ida, près d’Ilion ?
121-122 Elle qui fait aller vers Ilion, seule libératrice de mes malheurs elle serait,
Si possible était de tomber aux genoux, que vêtent des feuilles sombres97,
- 98 A savoir Cybèle, la déesse Mère dont le culte, en Grèce, « est un cas plutôt complexe, puisque les (...)
- 99 L’expression εὐωλένους τε χεῖρας (« de bras aux beaux bras » ?) est recherchée en ce qu’elle distin (...)
- 100 Aucune correction vraiment satisfaisante n’a été proposée pour †λισσων†. Celle de Wilamowitz (λῦσον (...)
125 De la Maîtresse, Mère de la montagne98,
Et si, en les entourant de mes beaux bras99...100 « Toi dont les tresses sont d’or,
Déesse Mire, je viens à toi,...
- 101 Δυσέϰφευϰτον (cf. v. 119-120) peut sembler confirmer la suggestion faite à l’instant, le naufragé r (...)
- 102 Parce qu’une épée n’est pas un simple objet, un outil, mais influence celui qui la possède, en pouv (...)
129-130 Αία vie, ma vie, dure à quitter101. Car à l’instant, avec, trancheur de gorges,
Ce fer inspirateur102, ici même on m’emportera,
Ou les souffles briseurs de navires, qui dans les flots anéantissent,
137-138 Ici, misérable, je vais être gisant, festin offert aux troupes d’oiseaux mangeuses
[de chair crue.
- 104 L’état du papyrus explique qu’il n’y en ait pas avant.
54Une ligne creuse, puis une courte paragraphos (παράγραφος), indiquent ici la fin du passage, comme après les vers 161 et 199-201104. Car ensuite viennent les propos d’un simple soldat, d’un Phrygien qui voudrait ne pas perdre sa liberté, très relative, dans une guerre qui n’est pas la sienne.
Τοιάδ’ ὀδυρόμενοι ϰατεδάϰρυον
140 ’Επεὶ δέ τις λαβών ἂγοι
πολυϐότων Κελαινᾶν
οἰϰήτορ’ὀρφανòν μαχᾶν σιδαρόϰωπος Ἕλλαν,
ἂγει κόμης ἐπισπάσας,
145 ο δ’ἀμφὶ γόνασι περιπλεϰεὶς
ἐλίσσετ’, Ἑλλάδ’εμπλέκων
Ἀσιάδι φωνᾷ, διάτορον
σφραγίδα θραύων στόματος,
Ἰάονα γλῶσσαν ἐξιχνεύων
150 Ἕπω μοί σοι κώς καί τι πρᾶγμα ;
αὖτις οὐδάμ’ἔλθω·
καί νυν ἐμòς δεσπότης
δεῦρό μ’ ἐνθάδ’ἢξει.
τὰ λοιπὰ δ’ούκέτι, πάτερ,
155 ούκέτι μαχέσ’αὖτις ἐνθ<ά>δ’έρχω,
άλλα ϰάθω.
Εγώ σοι μὴ δεῦρ’, ἐγὼ
158-159 ϰεῖσε παρὰ Σάρδι, παρὰ Σοῦσ’, Ἀγϐάτανα ναίων.
160 Ἂρτιμις ἐμòς μέγας θεòς
παρ’Ἒφεσον φυλάξει.
Ainsi se lamentaient-ils en versant des larmes.
- 105 Ville de Phrygie, près de la source du Méandre, où se trouvait un grand domaine royal. Dans cette v (...)
- 106 Ou « privé des combats ». L’expression ne laisse pas d’embarrasser (cf. J. H. Hordern, p. 200-202). (...)
- 107 Le dictionnaire de Liddell-Scott propose « armed with iron », J. H. Hordern « armed with an iron sw (...)
- 108 La correction, souvent reprise, de βγει en ἂγεγ ( = ἦγεν) est inutile : T. H. Janssen l’a montré (1 (...)
140 Et quand était pris et emmené
Un habitant de Kélainai105 aux abondants pâturages,
Orphelin des combats106,
Par un Grec à la poignée de fer107
— il l’emmène108 en le tirant par les cheveux —,
- 109 C’est-à-dire allant, dans l’aigu, au-delà de ses limites habituelles, le « sceau » étant ce qui clô (...)
- 110 Le verbe ἐξιχνεὑειν (« suivre à la piste ou à la trace ») s’emploie habituellement à propos d’un ch (...)
145 Celui-ci, blotti aux genoux [du Grec]. qu’il embrassait,
Suppliait, mêlant la langue grecque
A celle de l’Asie, brisant
lue sceau perçant de sa bouche109,
Se mettant en quête110de la langue ionienne :
155 Plus jamais revenir ici faire la guerre.
Mais rester tranquille.
Moi pas là pour toi, moi
- 114 Eschyle, Perses, v. 466-467 ; Hérodote, VIII, 90 ; Plutarque, Vie de Thémistocle, 13, 1, Cf. Peter (...)
55Après une autre ligne creuse et une autre paragraphos commence un nouveau plan large (l’ensemble de la flotte dite perse), avant une focalisation sur Xerxès, qui a observé le combat depuis une hauteur dominant le détroit, sur les pentes inférieures du mont Aigaléos114 puis, en contraste, une brève image des vainqueurs :
162-163 Οι δ’ἐπεὶ παλίμπορον φυγήν ἔθεντο ταχύπορον,
- 115 Le mètre s’impose pas obligatoirement la correction ἔρ{ρ}ιπτον.
164-165 αὐτίϰα μεν ἀμφιστόμους ἄϰοντας έχ χερῶν ἔρριπτον115 ορύπτετο δέ πρόσωπ{ον}’ ὂνυξι.
167-168 Περσίδα στολήν περὶ στέρνοις ερεικον εὐϋφῆ,
σύντονος δ’αρμόζει’Ἀσιὰς
- 116 Faut-il proposer παλιμπόρευτον, pour unifier l’orthographe (cf. τταλίμπορον, dans le v. 162-163) ?
170 οἰμωγὰ πολυ<γλώσσῳ> στόνῳ.
Κτύπει δε πᾶσα Βασιλέως πανήγυρις
φόϐῳ το μέλλον εἰσορώμενoι πάθος.
Ὁ οὲ παλινπόρευτον116 ώς ἐσεῖδε{ν} Βασιλεύς
174-175 είς φυγήν ὁρμῶντα παμμιγῆ στρατόν,
γονυπετής ᾄϰιζε σῶμα,
φάτο δε ϰυμαίνων τύχαισιν
178-179 Ἰὼ ϰατασϰαφαὶ δόμων σείριαί τε νᾶες’Ελλανίδες,
180-181 αἳ ϰατά μεν ἣλιϰ’ὠλέσαθ’ἤϐαν νέων πολύανδρον
πυρòς δ’αἰθαλόεμ μένος ἀγρίῳ
185 σώματι φλέξει{ς}, στονόεντα δ’ ἄλγη
ἔσται Περσίδι χώρᾳ.
<ἰ>ὼ βαρεία συμφορά,
ἅ μ’ές Ἑλλάδ’ἤγαγες·
ἀλλ’ἴτε, μηϰέτι μέλλετε,
190 ζεύγνυτε μέν τετρά<ορ>ον ἵππων ὄχημα,
191-192 οἱ δ’άνάριθμον ὄλϐον φορεῖτ’επ’ἀπήνας·
πίμπρατε δὲ σϰ ηνάς,
194-195 μηδέ τις ήμετέρου γένοιτ’ὄνησις αὐτοῖσι πλούτου.
Οι δέ τρόπαῖα στησάμενοι Διòς
197-198 άγνότατον τέμενος, Παιᾶν’ἐϰελάδησαν ἰήϊον
199-201 ἄναϰτα, σύμμετροι δ’ἐπεϰτύπεον ποδῶν ὑψιϰρότοις χορείαις.
162-163 Les autres décidèrent une retraite précipitée, permettant un prompt passage,
167-168 Autour de leur poitrine, le vêtement persique, bien tissé, par eux était déchiré ;
Aiguë, s’accordait l’asiatique
- 119 La correction suggérée par D. L. Page, et admise par David À. Campbell (πολυᐸγλώσσῳ στόνῳ), a paru (...)
- 120 Nous traduisons platement, l’« article » ayant habituellement, dans les Perses, une valeur pronomin (...)
170 Lamentation avec un gémissement exprimé dans mainte langue119.
Bruis sait toute la cour du Roi,
De peur, au vu de ce qu’elle allait subir.
Et le Roi120, lorsque dans une retraite précipitée il vit
174-175 En désordre se hâter l’armée,
Tombant à genoux meurtrit son corps.
Et il dit, soulevé par la vague de ses malheurs :
182-183 Les vaisseaux ne conduiront pas le voyageur du retour,
Mais du feu l’âme ardente
190 Attelez les chevaux à mon quadrige,
191-192 Et que les autres portent mes richesses incalculables dans les chariots.
Brûlez aussi les tentes,
- 124 Les Grecs et d’abord les Athéniens, qu’il n’était pas nécessaire de désigner plus précisément.
194-195 Et puisse aucun profit n’être, pour eux, de notre richesse. » Mais ceux-ci124, après avoir dressé des trophées, de Zeus
199-201 Tous en mesure ils faisaient haut retentir les pas sonores de leurs danses.
56Le dessin trouvé juste après, dans la marge gauche du papyrus, à côté de la paragraphos (une sorte de huppe ?), n’est pas dû à une simple fantaisie du copiste, heureux d’avoir presque achevé son labeur. Il fait de cette paragraphos l’équivalent d’une corônis (ϰορωνίς), indiquant la fin du chant, proprement dit, des Perses, et le passage à tout autre chose. C’est en effet de lui-même et de son art que parle Timothée dans les derniers vers, ceux de la σφραγίς (« sceau »), que suit un bref envoi, devant correspondre à l’επίλογος.
202-203 Ἀλλ, ὦ χρυσεοϰίθαριν ἀέξων μοῦσαν νεοτευχῆ,
204-205 ἐμοῖς ελθ’επίκουρος ὕμνοις, ἰήϊε Παιάν.
210 έλα τ’ αἴθοπι μώμῳ,
ὅτι παλαιοτέραν νέοις
ὕμνοις Μοῦσαν ἀτιμῶ.
213-214 Ἐγὼ δ’ούτε νέον τιν’οὔτε γεραον οὔτ’ἰσήϐαν
215 εἴργω τώνδ’ἑϰὰ<ς> ὕμνων
216-217 τοὺς {ο}δε μουσοπαλαιολύμας, τούτους δ’άπερύκω,
λωϐητῆρας ἀοιδᾶν,
219-220 κηρύκων λιγυμαϰροφώνων τείνοντας ἰυγ{γ}άς.
- 128 Wilamowitz corrige ainsi : πρῶτος ποιϰιλόμουσον’Ορφεύς χέλυν έτέκνωσεν (« le premier, Orphée fit na (...)
- 129 Corriger τεῦξε en ζεῦξε (« mit sous le joug, lia »), comme on le fait depuis Wilamowitz, est d’auta (...)
221-222 Πρῶτος ποικιλόμουσος †οριυσυν† ἐτέϰνωσεν128 υιός Καλλιόπα<ς Ὀρφεὺς> ;
Πιερίας ἐνὶ < > ;
225-226 Τέρπανδρος δ’ἐπὶ τῷδε κα<λην> τεῦξε Μοῦσαν έν ῷδαῖς129 ·
227-228 Λέσβος δ’Αίολία ν<ιν> Αντίσσα γείνατο κλεινόν
νυν δέ Τιμόθεος μέτροις
230 ῥυθμοῖς τ’ἑνδεϰαϰρουμάτοις
κίθαριν ἐξανατέλλει,
232-233 θησαυρòν πολύυμυον οἴξας Μουσᾶν θαλαμευτό[[σ]]ν.
Ἀλλ’έϰαταϐόλε Πύθι’ἁγνὰν
ἔλθοις τάνδε πόλιν σὺν ὄλϐῳ,
πέμπων ἀπήμονι λαῷ
240 τῷδ’εἰρήναν θάλλουσαν ευνομία.
202-203 Ab ! toi par qui grandit une Muse de facture nouvelle, à la cithare d’or,
204-205 Viens au secours de mes chants, Ièios Péan !
- 132 La deuxième épithète, μαϰραίων, semble autoriser à comprendre qu’il s’agit de la γερουσία, le Conse (...)
- 133 La traduction ne rend pas la disjonction μ(ε)... δονεί... έλα τ(ε), ni, surtout, l’anastrophe et le (...)
206-207 Car le noble grand guide de Sparte à la longue vie132,
Possédant à foison les fleurs de la jeunesse.
Me133 tourmente en embrasant le peuple,
210 Et me poursuit d’un reproche enflammé :
La Muse plus ancienne
Par mes chants nouveaux est méprisée !
213-214 Mais moi, jeune, vieux, de mon âge,
215 Je ne repousse personne loin de ces chants.
216-217 Les antiques fléaux de la Muse, en revanche, ceux-là je les écarte,
Qutrageurs de mélodies
221-222 Le premier à la Muse variée, (des chants ?)fut aussi le père
Le fils de Calliope, Orphée,
Dans... de Piérie ( ?).
225-226 Terpandre, après celui-ci, façonna une belle Muse dans ses chants.
- 135 C’est, semble-t-il, à tort que J. H. Hordern voit dans Ἀντίσσα un datif locatif (« à Antissa »).
227-228 Lesbos l’Éolienne le fit naître pour la gloire d’Antissa135,
Mais à présent Timothée, avec des mètres
- 138 Allusion à la confédération des douze cités ioniennes, qui avaient pour sanctuaire commun le Panion (...)
- 139 Homérisme pour « les Grecs », implicitement opposés aux orientaux, non plus troyens mais surtout pe (...)
- 140 Le sens de l’épithète ἑϰατηϐόλος, que l’on a pu rattacher à εκατόν (« cent »), et même à ἑϰών (« qu (...)
- 141 On pense évidemment, toujours, à Milet, ou bien à Athènes. Toutefois, pour T. H. Janssen (147), « τ (...)
234-235 Milet est la cité qui l’a nourri, celle du peuple Aux douze remparts138, le premier parmi les Achéens139.
Ah ! Pythien qui atteins de loin ( ?)140,
Puisses-tu venir vers cette ville sainte141en compagnie de la Prospérité,
En amenant à ce peuple, exempté de souffrances,
Notes
1 Fr. 1-12 Bernabé (p. 191-196). Michael A. Flower estime que les deux poèmes de Choirilos et de Timothée peuvent avoir reflété un sentiment, à la fois hostile aux Perses et panhellcnique, alors grandissant (« From Simonides to Isocrates : the Fifth-Century Origins of Fourth-Century Panhellenism », Classical Antiquity, 19 [2000], p. 90 ; cf. Birger Hutzfeldt, Das Bild der Verser in der griechischen Dichtung des 5. vorchristlichen Jahrhunderts, Wiesbaden [Ludwig Reichert], 1999, p. 205).
2 Lycophron, Alexandra, v. 1283-1450.
3 « Wandering poetry, ‘travelling’ music : Timotheus’ muse and some case-studies of shifting cultural identities », dans R. Hunter et I. Rutherford (éd), Wandering Poets in Ancient Greek Culture, Cambridge University Press, 2009, p. 186.
4 Paul Maison, dans son édition d’Eschyle (I, Paris [Belies Lettres], 1921), p. 56.
5 Hérodote, VI, 21.
6 Cf., par exemple, Peter van Minnen, « The Performance and Readership of the Persai of Timotheus », Archiv für Papyrusforschung 43 (1997), p. 248-249 et 257-258, ou Sofia Torallas Tovar, « Linguistic Identity in Graeco-Roman Egypt », dans The Multilingual Experience in Egypt from the Ptolemies to the ‘Abbâsids, edited by Arietta Papaconstantinou, Fanham (Ashgate), 2010, p. 18-21.
7 Théodore Reinach, « Les Perses de Timothée », Revue des Études Grecques, 16 (1903), p. 63 ; Peter van Minnen, art. cit., p. 257-258. Mais voir Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff, TIMOTHEOS, Die Perser, Leipzig (J. C. Hinrichs), 1903, p. 4, et encore J. H. Hordern, The Fragments of Timotheus of Miletus, Oxford University Press, 2002, p. 65.
8 Wilamowitz, op. cit., p. 5.
9 Art. cit., p. 65. Description de cette écriture dans le livre de J. H. Hordern, p. 65-67, et déjà dans celui de Wilamowitz, p. 6-7 et 9-10.
10 S. E. Bassett, « The Place and Date of the First Performance of the Persians of Timotheus », Classical Philology, 26 (1931), p. 153 ; C. H. Roberts, Greek literary hands, Oxford (Clarendon Press), 1956, p. 1 (cf. Ulrich Wilcken, Urkunden der Ptolemäerzeit (ältere Funds), I, Berlin et Leipzig [W. de Gruyter], 1922 - 1927, p. 97); O. Hansen, « The First Performance of Timotheus’ Persae », Philologus, 128 (1984), p. 135 ; J. H. Hordern, op. cit., p. 67-68.
11 P. van Minnen, art. cit., p. 248 ; cf. p. 258.
12 La qualité de l’écriture permettrait difficilement d’y voir une copie à usage privé, faite par un amateur (cf. Wilamowitz, p. 6 et 9, ou Peter van Minnen, loc. cit.).
13 Annie Bélis, « Harmonique », dans Le Savoir grec, nouvelle édition, sous la direction de Jacques Brunschwig, Geoffrey Lloyd et Pierre Pellegrin, Paris (Flammarion), 2011, p. 380 (cf. p. 394).
14 La Chanson grecque dans l’Antiquité, Paris (CNRS Éditions), 1992, p. 8-9.
15 Henri-Irénée Marrou, « ΜΕΛΟΓΡΑΦΙΑ », L’Antiquité classique, 15 (1946), p. 289-296, et Histoire de l’éducation dans l’Antiquité., nouvelle édition, Paris (Seuil), 1965, p. 207-208.
16 Gérard de Nerval, Les Filles du Feu (Sylvie), dans les Œuvres complètes de la Bibliothèque de la Pléiade, III (Paris, 1993), p. 560. La nouvelle a été publiée pour la première fois eu 1853.
17 419 et 396 sont les dates extrêmes données par les savants : J. H. Hordern, op. cit., p. 15-17, et surtout Ove Hansen, art. cit., p. 135-137, qui opte pour une période allant de mai 410 à avril 409. Cf. S. E. Bassett, art. cit., p. 158-162 (entre 412 et 408), T, II. Janssen, TIMOTHEUS, Persae ; a commentary, Amsterdam (Adolf M. Hakkert), 1984, p. 21-22 (en 407 ou peu avant), Peter van Minnen, art. cit., p. 252 (entre 410 et 408), M. A. Flower, art, cit., p. 90 (entre 412 et 406), Elena Firinu, « Il primo stasimo dell’Ifigenia Taurica euripidea e i Persiani di Timoteo di Mileto : un terminus post quem per il nomos ? », Eikasmόs, 20 (2009), p. 109-131 (après 413/412, s’il faut bien y reconnaître des souvenirs d’Iphigénie en Tauride).
18 Cf. Janet Fairweather, « Fiction in the biographies of ancient writers », Ancient Society, 5 (1974), p. 231-276, ainsi que Mary R. Lefkeowitz, « The Poet as Hero : fifth-century Autobiography and subsequent Biographical Fiction », The Classical Quarterly, 28 (1978), p. 459-469, et The Lives of the Greek Poets, Londres (Duckworth), 1981.
19 Voir déjà S. E. Bassett, art. cit., p. 154-155, 157-159 et 162. Les Perses peuvent d’autant moins avoir été composés pour les Milésiens, comme Fa pensé Wilamowitz, que les Ioniens combattirent à Salamine, avec cent vaisseaux, du côté des Perses (Hérodote, VII, 94).
20 « He did not need to identify the Greeks involved in the defeat of the Persians at Salamis, especially in front of an Athenian audience », remarque Peter van Minnen (art. cit., p. 257). On peut voir, cependant, Wilamowitz, TIMOTHEOS, Die Perser, p. 61.
21 Ne manquent à cette édition qu’une traduction, remplacée par une paraphrase en grec, comparable à celles qui accompagnent le texte de l’Alexandra de Lycophron dans certains manuscrits, et une photographie de tout le papyrus. Mais cette dernière a été publiée par Wilamowitz presque en même temps, chez le même éditeur (Der Timotheos-Papyrus, Leipzig [J. C. Hinrichs], 1903).
22 Ces articles ont été réunis commodément, avec d’autres textes, par Laurent Calvié (TIMOTHÉE DE MILET, Les Perses. Grandeur et décadence d’un papyrus grec, Toulouse [Anacharsis], 2010). Il a déjà été rappelé, en renvoyant à Eric Csapo et Peter Wilson (« Timotheus the New Musician », dans The Cambridge Companion to Greek Lyric, p. 278-279), que les savants anglo-saxons n’ont pas été plus indulgents.
23 C’est imprudemment que J. M. Edmonds (306 et 307) et S. H. Bassett (art. cit., p. 156) leur ajoutent le fr. 800 Page.
24 La bataille de 207 avant J. C., au cours de laquelle le stratège de la ligue achéenne vainquit et tua de sa main Machanidas, tyran de Sparte.
25 Littéralement « ce qu’il y avait de grec » (τò ελληνικόν). Cela tend à laisser penser que d’autres (Macédoniens, voire Romains) assistèrent à cette manifestation de fierté patriotique.
26 On eut tort d’en douter, comme encore Dietmar Korzeniewski (« Die Binnenresponsion in den Persern des Timotheos », Philologus, 118 [1974], p. 37-38), sous le prétexte que le nome devait commencer par une invocation à Apollon ou quelque autre dieu : cf. J. H. Hordern, op. cit., p. 127-128, et déjà Théodore Reinach, art. cit., p. 66 et la note 1.
27 On a parlé d’Arès, Zeus et Apollon, voire de Lysandre et de la bataille elle-même : Théodore Reinach, art. cit., p. 66, note 1 (Arès, Lysandre ou la bataille) et Maurice Croiset, « Observations sur Les Perses de Timothée de Milet », Revue des Études Grecques, 16 (1903), p. 328-329 (Zeus libérateur ou Apollon). Cf. H. Hordern, op. cit., p. 128.
28 Cf. Aristote, Poétique, 1457 b 6-16.
29 Et le verbe et son complément (αἰδῶ) ont une connotation religieuse que la traduction rend mal, comme elle rend mal l’adjectif composé δοριμάχου.
30 Voir, par exemple, Birger Hutzfeldt, op. cit., p. 172.
31 Hérodote, VIII, 84 (cf. Eschyle, Perses, v. 401-405).
32 Cf. Aristote, Poétique, 1457 a 32 - 1457 b 1, puis 1457 b 2 et 33-35.
33 SEG, 34 (1987), no 281 (e) (col d’amphore corinthienne daté de 575 à 550). Le Lexicon of Greek personal Names de P. M. Fraser et E. Matthews, signale également un Dorimakhos à Rhodes, en 68 avant J.-C., et un autre, non daté, en Attique.
34 Selon Photios, « du succès dû au chant » (διὰ την επί της ᾠδῆς ευημερίαν, au lieu de διὰ την ἐπὶ †τὴv σωτηριώδη† ευημερίαν). Le dernier mot (Θαΐ†a†) est également incertain.
35 Macarios, 2, 39 ( = II, p. 147 Leutsch-Schneidewin).
36 Thucydide, VIII, 18, 1. Si l’accord entre Perses et Spartiates dut être un « choc » pour les Athéniens, il parait imprudent d’en faire, pour le nome de Timothée, un terminus post quem (malgré Irene Huber, « Der Perser-Nomos des Timotheos — Zwischen Unterhaltungsliteratur und politischer Propaganda », dans Monika Schuol, Udo Hartmann, Andreas Luther [éd.], Grenzüberschreitungen : Formen des Kontakts zwischen Orient und Okzident im Alterum, Stuttgart [Franz Steiner], 2002, p. 178).
37 Birger Hutzfeldt affadit l’expression en voyant dans l’or « eine Metonymie für Persien » (op. cit., p. 173 et 185).
38 M. Croiset, art. cit., p. 329.
39 Philodème, Sur la Musique, IV, col. 131,1. 3 ( = II, p. 251 Delattre).
40 Cf. Alphonse Dain, Traité de métrique grecque, Paris (Klincksieck), 1965, § 98 et 100, et W. J. W. Koster, Traité de métrique grecque, 4e édition révisée, Leyde (A. W. Sijthoff), 1966, p. 257-267.
41 Art. cit., p. 117-118.
42 Théodore Reinach, art. cit., p. 77-78.
43 Dietmar Korzeniewski, en considérant que le nome de Timothée était constitué de six parties se correspondant deux à deux, estime qu’il a dû compter environ 436 « vers » (art. cit., p. 39). Mais S. K. Bassett, pour lequel nous n’aurions que le second rouleau, incomplet, d’une édition en comportant deux — Wiiamowitz le pensait déjà —, croyait donc le poème long de plus de 600, voire 700 « vers », dont près des deux tiers auraient disparu (art. cit., p. 153, et la note 2, p. 157). David A. Campbell parle encore d’environ 650 « vers », en admettant aussi la perte d’un premier rouleau (dans son édition, p. 95), et, pour Peter van Minnen (art. cit., p. 250), « the preceding part of the poem [...] may have been several times as long ».
44 Wilamowitz, TIMOTHEOS, Die Perser, p. 3. Mais cf. J. H. Hordern, op. cit., p. 70.
45 Jean Irigoin, Recherches sur les mitres de Sa lyrique chorale grecque, Paris (Klincksieck), 1953, p. 46 ; cf, p. 11-12, 44-46, 77 et 84.
46 Jean ïrigoin, op. cit., p. 92 ; cf. p. 16.
47 Voir par exemple W. J. W. Koster, op. cit., p. 18-19.
48 Denys d’Halicarnasse, La Composition littéraire, 26, § 14.
49 D. L. Page distingue 240 côla, mais Wilamowitz 253.
50 Quelle que soit k manière dont on prétend compléter γειτ[]ç (Wilamowitz [18], proposait γείτ[ονε]ς, ce qui permettrait d’identifier un premier vers ou côlon, le dimètre iambique σὺν ἐμϐόλοισι γείτονες, mais on a également pensé à des « éperons voisins » (σ]ὺν [ἐμ]ϐόλ[οισ]ι γειτ[νιῶ]-σ[ι), l’idée de voisinage des navires, que l’étroitesse du détroit de Salamine empêchait de manœuvrer librement, semble avoir été présente. On estime qu’environ 750 mètres pouvaient alors séparer Haghios Georgios de la plus petite des Pharmakoussai, entre lesquels dut avoir lieu le premier heurt, soit de quoi constituer une ligne de front de seize à vingt embarcations seulement. Voir, par exemple, Peter Green, Les Guerres médiques (1996), traduction française, Paris (Tallandier), 2008, p. 267, 272 et 275-276.
51 Selon Théodore Reinach (art. cit., p. 68-69), « des machines placées sur le parapet arrachent les “mains” des navires ennemis à l’aide de têtes recourbées [...]. Le mot mutilé doit peut-être se lire στονυχαί pour στόνυχες, “tenailles” », et Paul Mazon propose (art. cit., note 2, p. 209) : « Les [bossoirs] couronnés de têtes crochues entraînaient les mains de sapin (les rames des vaisseaux qui se frôlaient) ». Cf. J. II. Hordern (135) : « they swept away the firwood arms with the bulging heads », et Elena Firinu (art. cit., p. 111-113), pour laquelle Sa périphrase, à rapprocher de celle d’Euripide dans Iphigénie en T’amide, V. 407, appartiendrait « alla categoria delle kenningar “without explanation” studiate da Waern » (Ingrid Waem, Γῆς ὀστέα. The Kenning in Pre-Christian Greek Poetry, dissertation inaugurale de l’Université d’Uppsala, 1951, p. 47-51).
52 J. H. Hordern explique (139): « ‘on one side’, contrasted with 11 ἀντίτοιχος ».
53 D. L. Page propose [ἀπρόσο]ιοτος et ῥηξί[ϰωπ]ος : « si un coup imparable depuis un lieu était porté, casseur de rames, tous les marins, etc. ». J. H. Hordern suggère (140) que les rameurs sont couchés à la renverse à cause du choc reçu par les avirons. Mais ils peuvent aussi bien se coucher eux-mêmes, en ramenant les avirons vers la coque, pour tenter d’empêcher que ceux-ci ne soient brisés ou arrachés, La lecture ἀλλ’εἰ (pour ΑΔΛΕΙ ?) au début du vers 7, est incertaine,
54 J. H. Hordern explique (141): « ‘on the other side’, not ‘side to side’ (Janssen) ». Le contexte ne permet pas, en fait, de préciser le sens de l’hapax ἀντίτοιχος.
55 Les navires en bois de pin, Cf, v. 76-78 et Lycophron, Alexandra, v. 32.
56 J. H. Hordern comprend qu’il s’agit de vaisseaux aux nombreux bancs de rameurs (cf, μονόϰροτος, διϰροτος et τριϰροτος). Mais voir Elena Firinu, art. cit., p. 114-117.
57 J. H. Hordern traduit (142) « when the ships, tearing away... ».
58 On a proposé de lire σϰητττ[οὺς], σϰηπτ[ῶν] ou σϰηπτ[οῖς], que préfère J. H. Hordern, l’iota étant, dit-il (143), « clearly legible in the papyrus ». Il faut admettre, dans ce cas, que manque le complément direct d’ἐπεμϐάλλοντες.
59 Peut-on rapprocher ce casque des « têtes arrondies » du vers 4 ?
60 Allusion à un javelot, qu’une courroie fixée vers son milieu permettait de lancer avec plus de force et de précision, en lui imposant une rotation (cf. A. M. Snodgrass, Arms and Armour of the Greeks, Londres [Thames and Hudson], 1967, p. 80).
61 Ou peut-être, plus généralement, « sur les corps ».
62 Peut-être des flèches enflammées, s’il ne s’agit pas d’ancêtres des feux grégeois — lesquels ne datent que du VIIe siècle après J.-C, —, des engins incendiaires lancés à la main ou au moyen de frondes. Quoi qu’il en soit, cette manière de combattre, ignorée d’Eschyle et d’Hérodote dans leur description de la bataille, paraît anachronique.
63 Il est possible que les couteaux à écorcher les bœufs (ssouδόρoι), utilisés dans les corps à corps, après l’abordage, soient évoqués au début de ce vers 28 (βουδο[). Cf. J. H. Hordern, « Some Observations on the Persae of Timotheus (PMG 791) », The Classical Quarterly, 49 (1999), p. 436-437.
64 Celle, probablement, des flèches.
65 Peut-être le cri de guerre (βοή) des Grecs, mêlé à la clameur (κραυγή) plus ou moins désespérée des Perses et de leurs alliés.
66 Suivait probablement un mot de la famille de ἂμμιγα, exprimant l’idée de confusion (ἀμμι[).
67 Cf. déjà, Wilamowitz, TIMOTHEOS, Die Perser, p. 57-59.
68 Hérodote, VIII, 89. Cf. Edith Hall, « Drowning by Nomes : the Greeks, Swimming, and Timotheus’Persians », dans II. A. Khan (éd.), The Birth of the European Identity : the Europe-Asia Contrast in Greek Thought 490 - 322 B.C., Nottingham (Nottingham Classical Literature Studies, 2), 1994, p. 44-80 (notamment p. 57-71), et Birger Hutzfeldt, otit., p. 194-195.
69 Ου αφρωι[[σ]]δε (lecture de J. IL Hordern, « although the scribal expunction of sigma [...] is not quite clear »)? La leçon du papyrus est incertaine, le haut de la feuille étant endommagé. Ont été proposés αφρώδης (Wikmowitz), ἄφρει (Danielsson [1903], puis J. H. Hordern), ἄφριζε(ν) et ἀφρῷ δ(ὲ), qui s’imposerait s’il ne fallait alors, vraisemblablement, ajouter un verbe (cf. J. H. Hordern, « Some Observations on the Persae of Timotheus (PMG 791) », p. 437-438). Quoi qu’il en soit, le poète devait faire allusion à l’écume (ἀφρός) avalée par le naufragé (cf. v. 83-84).
70 Correction de Wikmowitz pour θαλασας.
71 La correction de παλεομισημα en παλαιομίσημ(α) est sûre, ne serait-ce que pour des raisons métriques. Voir également μουσοπαλαιολύμας (v. 216-217).
72 L’auteur pourrait penser aux messagers qui portaient ordres et nouvelles à travers l’empire perse, encore que ces messagers aient été des cavaliers (Hérodote, VIII, 98).
73 T. H. Janssen estime avec raison que l’épave sur laquelle ce personnage a pu se hisser, et qu’il tâche de faire avancer en battant des mains et des pieds, est considérée comme une île (TIMOTHEUS, Persae : a commentary, p. 48-49). On comprendrait ensuite qu’il est « battu » par les flots, si le papyrus ne permettait de lire peut-être στεινόμε[νος (« gêné, embarrassé » par son vêtement oriental, trop ample ?) plutôt que θεινόμε[νος.
74 L’estomac du naufragé.
75 On ne sait que faire des « chevilles » (γόμφοις ?), γόμφος n’ayant nulle part le sens de son dérivé, γομφίος (« molaire ») : seul Hésychios semble connaître cet emploi, et l’on attendrait plutôt, dans ce cas, un accusatif à côté de ἐμπρίων. Aussi J. IL Hordern écrit-il, après Sitzler (1907), γόμφους έμπρίων (« gnashing his teeth »).
76 Le participe μιμούμενος, souvent corrigé (ont été proposés βριμώμενος, θυμούμενος, μιγνύμενoς, δινούμενος, λαιμού μένος, μύλου μένος, sur lesquels il suffit de renvoyer à l’édition de J. H. Hordern, p, 164 ; ajouter μισουμένῳ [Maurice Croiset, art. cit., p. 345 et la note 1]), peut être gardé à condition de lui prêter une valeur passive, bien attestée chez Hérodote et Platon : non pas « imitant, faisant comme », mais « imité (par) ». La mer, en maltraitant le corps de cet homme, ne ferait que rendre le mai qu’il lui fait en la mordant, au propre ou au figuré. Wilamowitz, qui rattache μιμούμενος à ce qui précède, paraphrase ainsi (21) : διὰ μιμήσεως γουν τοῖς ὀδοῦσι ϰαταπρίων (γίνουν ὁ τη θαλάσσῃ ϰαταπνιγόμευος ἐφαίνετο οἶον θηρίον ὀδὰζ ἐχόμενος τοῦ ἀντιστάντος).
77 Cf. Hérodote, VII, 33-36. La mer a montré sa violence prétentieuse dans un passé récent, en détruisant les deux premiers ponts jetés sut l’Hellespont, remplacés par un « joug » qui a tenu bon, des ponts de bateaux liés à la fois par deux cables de lin blanc (λευϰόλινον) et quatre de papyrus. Ces cables furent ensuite emportés par les Athéniens, en guise de trophée (Hérodote, IX, 121).
78 Ses vaisseaux, comme dans le vers 13.
79 La périphrase peut n’être pas seulement décorative : pour ce terrien, ce continental, ce sont les plaines qui offrent des voies de passage.
80 Le texte (νομμασιναυγαις) est habituellement corrigé en νομάσι ναύταις, « grâce à scs marins errants ». Mais cette leçon, proche du pléonasme, est d’une telle platitude que l’on est en droit de préférer celle du papyrus. Reste pourtant à expliquer ces « nomades éclats ». Faut-il prendre αὐγαῖς au sens, bien attesté, d’« éclats des yeux », d’où simplement « yeux », en pensant à la surveillance exercée sur la mer, ou bien aux yeux peints sur les vaisseaux, ici désignés de façon métonymique ? C’est probablement chercher trop loin, comme le remarque J. H. Hordern (171). Prenons donc αὐγαῖς dans son sens premier, ce qui est d’autant plus facile que brillent sur les vaisseaux des armes telles que les « serviteurs à l’éclat resplendissant » (μαρμαροφεγγεῖς παῖδες) du v. 93. Le Perse doit vouloir dire que la puissance du Roi, immédiatement visible, éclatante à tous les sens du terme, lui permettra de contrôler les « plaines à naviguer ».
81 C’est-à-dire « objet aimé et pris dans ses bras par... » (cf. Lycophron, Alexandra, v. 308).
82 Le sens de l’hapax ϰλυσιδρoμάς est incertain (« qui galope et bouillonne » [Th. Reinach], « billow-coursing » [J. M. Edmonds], « hurrying along over the waves » [T. H. Janssen], « that races to dash you » [D. A. Campbell], « drenching and speeding » [J. H. Hordern] ; paraphrase de Wilamowitz : ταχέως ἐπερχομένης ὣστε με ϰαταϰλύσαι ; de D. L. Page : ἐπιτρεχούσης ώστε ϰλύζειν). Δρομάς (« qui court ») est pourtant bien attesté ; quant au premier élément (cf. ϰλύζειν, « baigner, verser de l’eau pour nettoyer », ϰλύσις, « arrosage, rinçage », etc,), la notion d’agitation de l’eau, si claire dans ϰλύδων (« agitation des flots, vague », d’où « agitation, trouble » en général), s’y retrouverait à côté de celle de lavage : le vent laverait le rivage grâce à l’eau « embrassée » par lui, qui l’agite et la pousse. Cf. Elena Firinu, art. cit., p. 121-123.
83 Le découpage de ce passage lacunaire (lignes 22 à 25 de la colonne III, censées correspondre aux vers 110 à 115) est sujet à caution.
84 Ou peut-être διαρ<ρ>αίσονται (cf. J. H. Hordern, p. 196). Mais cette correction n’est pas indispensable (G. F. Brussich, « La lingua di Timoteo », Quaderni Triestini per il lessico della lima corale greca, 1 [1970], p. 63), et la leçon du papyrus semble confirmée par le mètre.
85 Le second adjectif n’est pas à suspecter, mais suggère que l’armée dite perse est caractérisée par un mélange de peuples entraînant une confusion des langues (cf. v. 170) : βάρϐαρος, qui repose sur une onomatopée, se dit notamment de la manière de s’exprimer.
86 Ce long coi est le passage par lequel tentent de s’échapper les σύρτιδες, évoquées juste avant, σύρτιδες dont J. H. Hordern (p, 177) comprend, comme Wilamowitz ou Paul Mazon, qu’elles sont des files de navires, ce que pourrait justifier le sème commun à σύρμα, συρμός, σῦρσις, σύρτης, σύρω, etc. (« traîner, tirer »). Hésychios fait pourtant du mot l’équivalent de φθορά et λύμη (« ruine, dommage »), et surtout, même en latin, on pouvait parier métaphoriquement d’une syrte : à l’expression « syrte d’un patrimoine » (syrtim patrimoni), Cicéron (De l’orateur, III, 41, 163 ; cf. Virgile, Enéide, I, v. 111 et 146) préfère ainsi « écueil du patrimoine » (scopulum patrimoni). Car il s’agit bien de la Syrte (Σύρτις), grande ou petite, des deux golfes, près de la côte de Cyrénaïque, dont les bancs de sable et les coups de vent étaient redoutés (cf. Wilamowitz, TIMOTHEOS, Die Perser, p. 44). Notre traduction est donc approximative, mais l’image fait bien de chaque navire un danger pour les autres, un danger qui est lui-même en danger, comme Eschyle l’avait déjà rappelé (Perses, v. 412-416).
87 Les avirons, faits avec du bois coupé dans la montagne, qui lui permettent de « marcher » (cf. v. 5-6).
88 La phrase a embarrassé. Un fait est quasi certain : cette bouche n’est pas celle, métaphorique, des natures (l’avant, la proue), mais celle des marins, στόματος se trouvant sur le même plan que χειρῶν. Ces « enfants » (παῖδες) seraient-ils donc leurs dents, à l’extraordinaire blancheur (μαρμαροφεγγεῖς), qui s’entrechoqueraient du fait de la peur, au point de sauter ( ?), ou peut-être heurtées par les avirons que les marins ont lâchés (voir le commentaire de T. H. Janssen [73-74], lequel estime finalement qu’il s’agit des éperons des navires, et celui de J. H. Hordern [178-179]) ? On aurait peine à s’en convaincre, comme on aurait peine à faire de ces « enfants » des « figures », avec Maurice Croiset, qui traduit (art. cit., p. 333) : « De l’avant se détachaient en s’entrechoquant les figures qui y étaient sculptées, décoration éclatante ». Mais revenons à παῖδες. Le mot désigne fréquemment de jeunes esclaves attachés à leur maître, qu’ils suivent partout, d’où l’idée que ces « enfants à l’éclat resplendissant » pourraient être les coutelas ou sabres d’abordage (voire les couteaux à écorcher les bœufs, s’il faut lire quelque chose comme βouδόρoς dans le v. 28) que les rameurs, dont les deux mains étaient employées, devaient tenir entre leurs dents en attendant un éventuel assaut. Que l’on pense aux pirates et corsaires du XVIIe ou XVIII’siècle, et même à l’évocation, par Victor Hugo, de la charge des cuirassiers, à Waterloo (Les Misérables, 2e partie, I, 10 = p. 345 dans l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade) : « Ventre à terre, brides lâchées, sabre aux dents, pistolets au poing, telle fut l’attaque ». Rien que de normal dans cet usage, et l’image du coutelas ou du sabre serviteur de son propriétaire est assez naturelle. La cohérence du passage est parfaite : les marins, dont le bateau va sombrer, repoussent brutalement leurs avirons, se débarrassent au plus vite de leurs fidèles « serviteurs », des armes devenues inutiles et encombrantes (cf. v. 164-165), qui tombent bruyamment en s’entrechoquant (συγϰρουόμενοι), puis ils sautent à la mer ou y sont précipités.
89 La lecture de λιπ[.]στερέσιν n’est pas sûre, et l’on penserait à une dittographie (cf. J. H. Hordern, p. 179). Quant au second élément, il semble devoir être rattaché à la famille de στέρομαι, στερέω, etc., exprimant l’idée de manquer, perdre, être privé. Par ailleurs sa ressemblance avec le second élément de κατάστερος (v. 94), « étoilé, constellé » (cf. ἀστήρ), est remarquable. La conjecture de S. Sudhaus (« Zu den Persem des Timotheos », Rheinisches Museum, 58 [1903], p. 487-488), λιν[ο]στέρεσιν (« privés de vêtements »), reste séduisante et trouverait un semblant de confirmation dans le v. 136, mais il s’agirait d’un néologisme.
90 La petite île de Psyttaleia, à la sortie du détroit de Salamine et non loin du Pirée, dut recevoir des naufragés « perses », qui bien souvent étaient phéniciens, ioniens, etc., et des épaves (cf. Hérodote, VIII, 76), comme les îles Pharmakoussai, dans le détroit, et la côte de l’Attique, au nord de Pérama. Les naufragés grecs qui n’avaient pas été recueillis par d’autres vaisseaux s’efforcèrent de gagner la côte de Salamine, où furent rejetés aussi les corps de nombreux ennemis tués (Eschyle, Perses, v. 272-273 ; cf. v. 302-303, 306-307, 419-421, 568-570).
91 « Les larmes peuvent être une épithète du goos », lequel désigne la lamentation traditionnelle du deuil, remarque Dominique Arnould (Le Rire et les larmes dans la littérature grecque d’Homère à Platon, Paris [Belles Lettres], 1990, p. 147) en renvoyant à l’Odyssée, IV, v. 801, XVII, v. 8, XIX, v. 213 et 251, XXI, v. 57, XXIV, v. 323.
92 De même, « quand il confie au chœur l’évocation des larmes collectives, Euripide aime passer d’un pluriel indifférencié à un singulier à valeur générale » (Dominique Arnould, op. cit., p. 61).
93 On a proposé de lire ϰόν]ις, πόλ]ις et πάτρ]ις. Mais penser à la poussière oblige à supposer que les naufragés ont perdu tout espoir de survie, et la cité est une réalité trop grecque. On penchera donc pour la patrie, sans certitude.
94 T. H. Janssen, qui lit πλόιμον Ἕλλαν, traduit « The navigable Hellespont » (82). Il s’agirait d’une métonymie doublée d’une kenning.
95 Allusion aux ponts de bateaux que Xerxès a fait établir sur l’Hellespont.
96 Plus exactement « dont il est difficile d’être chassé ». Le mot est repris dans le v. 129-130, où nous l’avons traduit différemment Un refuge dont il est difficile d’être chassé sauverait en effet une vie dont il est également difficile (ou pénible) d’être chassé, bien que la destinée (μόρος, qui est souvent le destin mauvais, la mort) soit inéluctable.
97 Par allusion aux forêts épaisses de l’Ida, près d’Ilion ?
98 A savoir Cybèle, la déesse Mère dont le culte, en Grèce, « est un cas plutôt complexe, puisque les traditions locales, minoennes et mycéniennes, s’y sont entremêlées avec un culte directement importé du royaume phrygien d’Asie Mineure ». Mais une déesse de la montagne paraît déjà figurée sur un sceau de Cnossos (Walter Burkert, La Religion grecque à l’époque archaïque et classique [1977], Paris [A. et J. Picard], 2011, p. 247 ; cf. p. 49 et 371).
99 L’expression εὐωλένους τε χεῖρας (« de bras aux beaux bras » ?) est recherchée en ce qu’elle distingue l’ensemble constitué-par la main et le bras (χείρ) de la partie médiane qui se plie, grâce au coude (ωλένη), la seule qui reste visible quand on se prosterne à la manière orientale, en enserrant les jambes d’un grand personnage ou d’une statue. Cette allusion à leurs « beaux bras » peut suggérer que ces guerriers ont quelque chose d’efféminé (cf., par exemple, Birger Hutzfeldt, op. cit., p. 186).
100 Aucune correction vraiment satisfaisante n’a été proposée pour †λισσων†. Celle de Wilamowitz (λῦσον) fournirait un verbe, dont αἰῶνα (v. 129-130) serait le complément (« Déesse Mère aux tresses d’or, je viens à toi, défais [ = mets fin à] ma vie... »). En manquerait cependant un autre, signifiant « dire, supplier, etc. », pour introduire l’ensemble de ces paroles. Belle suggestion de D. L. Page (λίσσ<οιτο· λῦσ>ον), mais on attendrait, pour commencer, une première personne du singulier. Aussi pourrait-on essayer de lire, en tirant aussi profit d’une suggestion de M. L. West : λίσσ<οίμαν. λῦσ>ον (« Et si [...] je suppliais : “Déesse Mère défais [ = mets fin à| ma vie.. ». Resterait à justifier la distance mise entre λΰσον et son complément, et l’intercalation de ἱϰνοῦμαι.
101 Δυσέϰφευϰτον (cf. v. 119-120) peut sembler confirmer la suggestion faite à l’instant, le naufragé regrettant de ne pouvoir se jeter aux genoux de la déesse pour lui demander une mort difficile à accepter, comme toute mort, mais qui lui éviterait un destin encore plus douloureux.
102 Parce qu’une épée n’est pas un simple objet, un outil, mais influence celui qui la possède, en pouvant faire de lui un héros aussi bien qu’un assassin, un « trancheur de gorges » ? Sur cette expression problématique, on peut voir Elena Firinu, art. cit., p. 125-126. Μήστωρ est un mot essentiellement homérique.
103 Plus littéralement « toute la forme tissée de mes membres », c’est-à-dire les vêtements trempés, qui moulaient le corps des naufragés.
104 L’état du papyrus explique qu’il n’y en ait pas avant.
105 Ville de Phrygie, près de la source du Méandre, où se trouvait un grand domaine royal. Dans cette ville aurait également été exposée la peau de Marsyas, écorché par Apollon (Hérodote, VII, 26 ; Xénophon, Anabase, I, 2, 7-9).
106 Ou « privé des combats ». L’expression ne laisse pas d’embarrasser (cf. J. H. Hordern, p. 200-202). Faut-il comprendre tout simplement, trop simplement, que ce Phrygien a été enlevé aux combats par sa capture ? L’explication de Maurice Croiset (art. cit., p. 335), selon lequel il s’agirait d’un non-combattant, « probablement quelque valet d’armée », séduirait si le verbe du v. 155 (μαχέσ(αι)) ne semblait indiquer le contraire.
107 Le dictionnaire de Liddell-Scott propose « armed with iron », J. H. Hordern « armed with an iron sword », et David A. Campbell « steel-bladed ». Κώπη, dont est tiré le second élément de cet hapax (σιδαρόϰωπος), ne désigne pourtant que la poignée, et plus souvent celle d’une rame que d’une arme, d’où la rame tout entière. Aucun témoignage, à notre connaissance, ne permettrait de comprendre « à la poigne de fer ».
108 La correction, souvent reprise, de βγει en ἂγεγ ( = ἦγεν) est inutile : T. H. Janssen l’a montré (101).
109 C’est-à-dire allant, dans l’aigu, au-delà de ses limites habituelles, le « sceau » étant ce qui clôt normalement le registre vocal ? Διάτορος se dit de ce qui est perçant (notamment un son) ou entre dans la chair, plus souvent que de ce qui est percé ou entamé (un seul exemple : Sophocle, Œdipe Roi, v. 1034). L’interprétation de David A. Campbell (« shattering his mouth’s seal in piercing cry » serait donc déjà préférable à celle de J, H. Hordern (« breaking the seal of his mouth so that it was pierced » : un sceau n’est percé ni avant ni après sa rupture, et l’ordre des idées serait mauvais, le mélange des langues grecque et barbare (v. 146-147) précédant la prise de parole qu’il suppose. Paul Mazon (art. cit., p, 212 et note 7) comprend « brisant le sceau de clarté du langage », en renvoyant à la valeur de τόρος dans Eschyle, Agamemnon, v. 616, et Maurice Croiset (art. cit., p. 346 et la note) propose de ponctuer après διάτορον, dont il fait un adverbe (« mêlant la langue de l’Asie à celle de la Grèce, d’une voix perçante, essayant de rompre la gêne qui scellait sa bouche »). Mais D. L. Page, d’accord avec Wilamowitz, explique (410) : quod genuinum est notat sphragis : oris sphragida corrumpit, qui lingua aliena non nativa loquitur.
110 Le verbe ἐξιχνεὑειν (« suivre à la piste ou à la trace ») s’emploie habituellement à propos d’un chien de chasse.
111 Ἕπω, auquel a déjà pensé G. A. Longman (« Timotheus, Persae 162 ». The Classical Review, n. s., 4 [1954], Ρ· 208-209), doit être un barbarisme pour ἕπομαι, ἕπωμαι ou ἕψομαι, et il justifie σοι, qui a lui-même entraîné μοί, au lieu de έγώ (à moins de corriger pour lire ἕπωμαί σοι). D. L. Page préfère επω, avec un esprit doux (« quid dicam » ; D. A. Campbell : « How me speak you »). Quoi qu’il en soit, la lecture de Wilamowitz (έγώ) paraît erronée (cf. T. H. Janssen, p. 105-107).
112 Ou, si l’on veut, Ecbatane. La forme Ἀγϐάτανα est également préférée par Eschyle (Perses, v. 16) et Hérodote (I, 98 ; III, 64 ; IV, 92, etc.).
113 On relève dans ce discours bon nombre de barbarismes. Outre επω, déjà signalé, ἔλθω au lieu de ἦλθον, μαχέσ(αι) au lieu de μάχεσθαι, ἔρχω au lieu de ἔρχομαι, χάθω au lieu de ϰάθημαι : notre Phrygien ignore la conjugaison moyenne, comme il semble d’abord ignorer l’emploi du futur (v. 151, 155 et 156). Le confirme a contrario ἤξει (v. 153), au lieu de l’aoriste ἦξε(ν), ce à quoi on opposera peut-être φυλάξει (v. 161). Mais la flexion nominale est également défaillante : au μοί du v. 150, il faut ajouter l’emploi du masculin à propos d’Artémis (v. 160), ainsi que Σάρδι, au lieu de Σάρδεις (v. 158-159), qui peut être cependant une forme proche du nom lydien de Sardes. Cette explication vaut pour Ἂρτιμις (v. 160) : la déesse honorée par les Éphésiens (cf. fr. 778 (a) et (b)) était probablement d’origine orientale. Ajoutons, au point de vue syntaxique, l’emploi de παρὰ avec l’accusatif là où le datif serait préférable (v. 158-159 et 161), et, pour finir, τί πρᾶγμα, au lieu de τί ou διὰ τί (v. 150), ainsi que les deux adverbes redondants, δεῦρο... ἐνθάδ(ε) (v. 153). Pour un possible rapport avec ce monologue des propos du messager phrygien, à la fin de l’Oreste d’Euripide, voir John R. Porter, Studies in Euripides’ Orestes, Leyde-New York-Cologne (E. J. Brill), 1994, p. 199-207 ; cf. p. 86, 243-244 et 296, et Birger Hutzfeldt, op. cit., p. 199-201. Mais la pièce date de 408.
114 Eschyle, Perses, v. 466-467 ; Hérodote, VIII, 90 ; Plutarque, Vie de Thémistocle, 13, 1, Cf. Peter Green, op. cit., p. 271.
115 Le mètre s’impose pas obligatoirement la correction ἔρ{ρ}ιπτον.
116 Faut-il proposer παλιμπόρευτον, pour unifier l’orthographe (cf. τταλίμπορον, dans le v. 162-163) ?
117 L’expression a semblé rude, et J. H. Hordern (222) propose de lire όπισσοπόρευτόν <viv> (ce pronom renvoyant à ἥϐαv, dans le vers précédent). Mais la parfaite symétrie du vers, le fait aussi qu’on y retrouve pratiquement le schéma métrique du deuxième vers du fr. 802, n’invitent pas à reprendre un complément simple, mais non indispensable. On accepterait plus volontiers la correction ὀπισθοπόρευτόν.
118 Plus littéralement « avec une bouche (capable de mordre ?) des deux côtés » (αμφίστομους), à cause de leurs deux pointes, l’une pour frapper, l’autre pour planter l’arme, inutilisée, en terre.
119 La correction suggérée par D. L. Page, et admise par David À. Campbell (πολυᐸγλώσσῳ> στόνῳ), a paru suffisamment vraisemblable pour être retenue,
120 Nous traduisons platement, l’« article » ayant habituellement, dans les Perses, une valeur pronominale (J. H. Hordern, p. 50-51). La disjonction entre celui-ci et Le nom (βασιλεύς) est également remarquable.
121 Non pas, vraisemblablement, à cause des flèches enflammées que les Grecs ont pu lancer, mais dont le rôle ne fut pas essentiel dans la défaite perse. Σείριος qualifiant ce qui dessèche bien plus que ce qui incendie, le feu de ces vaisseaux doit être métaphorique : la force qui a réduit à néant toute une jeunesse, comme le soleil peut détruire, en la desséchant, toute une végétation. Wilamowitz paraphrase (26) ὢ τῶν Ἑλληνιϰῶν νεῶν των φθαρτιϰῶν (σειριουσῶν).
122 Littéralement « l’égale en âge vigueur juvénile de jeunes, abondante en hommes ». Ἥϐη désigne moins la jeunesse, en tant qu’étape de la vie ou partie de la société, que sa vitalité, voire, plus précisément, la puberté,
123 Vivant, pourvu d’un μένος, le feu a donc également un corps, qui lui obéit, sans quoi son μένος resterait virtuel, sans plus de réalité que les « âmes » (ψυχαί) rencontrées par Ulysse dans les enfers. Car « Mènos par exemple, est la force que l’on ressent dans ses membres, quand on éprouve l’envie de s’attaquer à quelque chose, c’est l’élan » (Bruno Snell, La Découverte de l’esprit [1946, puis 1975], traduction française, Combas [Éditions de l’Éclat], 1994, p. 40).
124 Les Grecs et d’abord les Athéniens, qu’il n’était pas nécessaire de désigner plus précisément.
125 Le τέμενος est un espace découpé (cf. τέμνω) consacré à une divinité, d’où, secondairement, le « sanctuaire ». Loin de n’être qu’un amas d’armes et d’objets divers pris à l’ennemi, les trophées sont sanctifiés par leur consécration à Zeus et occupent un espace lui aussi sanctifié. Le τέμενος en question devait se trouver sur le promontoire de Cynosoura (« Queue-de-chien »), à l’extrémité est de l’île de Salamine, en face du Pirée.
126 L’épithète ἰήιος, que l’on retrouve dans le v. 204-205 (voir aussi le fr. 800), dérive du cri traditionnel ἰή ou, souvent, ίη παιών, et ne devait pas avoir, à l’origine, de signification. Le rapprochement avec ἵημι (« je lance ») est dû à l’étymologie populaire, et comprendre « guérisseur », comme l’ont fait les Tragiques, est encore moins légitime. C’est pourtant ainsi que pouvait l’entendre Timothée.
127 La correction de λαòς en λαòν permet de résoudre tous les problèmes d’interprétation ou, simplement, de construction grammaticale posés par le texte (cf. T. H. Janssen, p, 18-20, et J. H, Hordern, p. 235-236). Simple, efficace, elle vaut mieux que les tentatives faites pour rattacher λαòς au v. 206-207, en affaiblissant le sens de μακραίων. Et comment faire du peuple lacédémonien le « grand guide » d’une cité qui, pour l’ensemble de la Grèce, était le parangon du régime aristocratique ? L’échec fameux rencontré à Sparte par Timothée devient également plus compréhensible. Autre chose : δονεί n’évoque aucunement l’idée d’un acte administratif ou politique, d’un décret d’expulsion comparable à celui que Boèce a cité. Son idée première est celle d’agitation (par exemple, chez Homère [Made, XVII, v. 55], des feuilles des arbres), d’où celle de trouble pouvant inciter à fuir (cf. Odyssée, XXII, v. 300). Le tout interdit de croire que le nome a été composé pour les Spartiates aussi bien que pour les Athéniens, malgré M. A. Flower, art. cit., p. 91-92.
128 Wilamowitz corrige ainsi : πρῶτος ποιϰιλόμουσον’Ορφεύς χέλυν έτέκνωσεν (« le premier, Orphée fit naître une lyre à la Muse variée [ = à la musique variée] »), D. L. Page πρῶτος ποιϰιλόμουσος Ορφεύς χέλυν έτέκνωσεν (« Le premier, Orphée à la Muge variée fit naître une lyre »), et J. H. Hordern, déjà plus prudemment, πρῶτος ποιϰιλόμουσον’Ορφεύς †υν† έτέκνωσεν. Pourtant, le nom d’Orphée ne figurait-il pas dans le v. 223, la partie corrompue du v. 221-222 dissimulant l’indication de quelque nouveauté attribuée au divin poète ? Et l’on peut sauver une partie du locus desperatus en lisant συνετέϰνωσεν (« fit naître avec, fut aussi le père »). Mais surtout le souvenir de Pindare (Pytbiques, IV, v. 177 : φορμιγϰὰς ἀοιδᾶν πατήρ), invite à lire ces deux glyconiens en synaphie : Πρῶτος ποικιλόμουσος τὰς ἀοιδὰς συνετέκνωσεν, ou un phérécratien 4-un glyconier. : Πρῶτος ποιϰιλόμουσος ἀοιδὰς συνετέϰνωσεν, le préverbe étant justifié par le partage de cette paternité entre les Muses et Apollon, voire Hermès, et Orphée.
129 Corriger τεῦξε en ζεῦξε (« mit sous le joug, lia »), comme on le fait depuis Wilamowitz, est d’autant plus imprudent que la leçon du papyrus trouve un appui dans l’adjectif νεοτευγῆ du v. 202-203. Et lire ἑπὶ τῷ δέϰα... έν ᾠόαῖς a conduit a abuser à la fois du texte et de la tradition faisant de Terpandre l’inventeur de la lyre à sept cordes, et non pas dix, en comprenant « en dix notes ». On aimerait déjà mieux la solution indiquée par Paul Mazon (art. cit., note 3, p, 214) : « L. Laloy propose [...] d’entendre que Terpandre avait en dix chants typiques, en dix nomes, rassemblé les divers rythmes et modes usités de son temps : c’étaient, en quelque sorte, des canons musicaux. Il existait certainement une tradition qui attribuait dix nomes à Terpandre, car Pollux, IV, 65, prétend la réfuter, et ne reconnaît que huit nomes citharodiques à Terpandre, les deux autres étant, dit-il, des nomes aulétiques ». Pourtant, ἑπὶ τῷδε semblant s’imposer, le plus simple n’est-il pas de supposer un oubli du copiste dans ce vers, comme dans les trois précédents et dans le suivant, ϰα<λὴν> τεΰξε ? Leçon parfaite pour le sens, et qui ne présente pas les inconvénients de la correction ϰατηῦξε, admise par T. H. Janssen (139 et 154-155) mais rendant même difficile l’analyse métrique du vers (et le mot serait un néologisme).
130 Le texte peut être corrompu, son analyse métrique étant malaisée.
131 Ce mot (πρωτεύς, qui peut être un dérivé inverse de πρωτεύω), parfois suspecté, doit être une variante ionienne de πρωτεῖος (cf. T. H. Janssen, p. 145).
132 La deuxième épithète, μαϰραίων, semble autoriser à comprendre qu’il s’agit de la γερουσία, le Conseil des Anciens de Sparte, toujours soucieux des traditions (cf. G. F. Brussich, « Il decreto spartano contre Timoteo e la σφραγίς dei Persiani », dans Per Carlo Corbato, a cura di Bruno Gentili, Alberto Grilli, Franca Perusino, Pise [ETS], 1999, p. 42). Le vers est trop pompeux pour n’être pas ironique, comme le suivant. Car ces vieillards auraient gardé de la jeunesse les « fleurs » les moins belles : un caractère de feu (cf. έπιφλέγων et αἴθοπι) et une certaine propension à condamner trop vite, en ignorant la sagesse prêtée à leur âge. L’image, déjà présente chez Homère [Iliade, XIII, v. 484), Hésiode (Théogonie, v. 988), Mimnerme (fr. 1 West, v. 4, et fr. 2, v. 3), Tyrtée (fr. 10 West, v. 28), Solon (fr. 25 West, v. 1), et d’autres, comme Simonide, Théognis, Eschyle ou Pindare, est donc ici rajeunie.
133 La traduction ne rend pas la disjonction μ(ε)... δονεί... έλα τ(ε), ni, surtout, l’anastrophe et le caractère expressif de l’ordre des mots.
134 Littéralement « de hérauts à la forte et éclatante voix », voix qu’ils « tendent » (τείνοντας) en la forçant. Richard Scaford est imprudent lorsqu’il affirme que les v. 215 à 219-220 sont de style dithyrambique (« The ‘Hyporehema’ of Pratinas », Maia, 29-30 [1977 - 1978], p. 90).
135 C’est, semble-t-il, à tort que J. H. Hordern voit dans Ἀντίσσα un datif locatif (« à Antissa »).
136 Timothée ne prétend donc aucunement avoir inventé la cithare à onze cordes, dont on a déjà vu qu’elle était vieille d’au moins un demi-siècle à l’époque de scs débuts. « Prima testimonianza esplicita del divorzio tra metrica e musica », remarque également Bruno Gentili, « Metro e ritmo nella dottrina degli Antichi e nella prassi della “performance” », dans La musica in Grecia, édité par B. Gentili et R. Pretagostini, Rome-Bari (Laterza), 1988, p. 10.
137 L’hapax θαλαμευτόν (cf. θαλάμευμα et θαλαμεύειν) qualifie exactement ce qui est dans la chambre conjugale (θάλαμος) ou une dépendance de celle-ci, dans le lieu le plus sûr et le plus secret de la maison, où est gardé, par exemple, l’arc fameux d’Ulysse, dans l’Odyssée.
138 Allusion à la confédération des douze cités ioniennes, qui avaient pour sanctuaire commun le Panionion du cap Mycale (Hérodote 1, 141-148 ; cf. VII, 95). 11 importe assez peu que cette confédération n’ait peut-être plus existé à la fin du Ve siècle, et qu’après k disparition du royaume de Lydie les Milésiens aient conclu un traité avec Cyrus, ce qui les dispensa, au moins dans un premier temps, d’édifier une enceinte, quand les onze autres cités envoyaient des députés à Sparte, dont ils espéraient la protection contre les Perses (Hérodote, I, 141 et 143). Ce dernier fait, vieux d’un siècle et demi, était, au reste, moins embarrassant que l’aide apportée par les Ioniens aux Perses, qui n’étaient pas des marins (cf. Hérodote, I, 143), lors de la bataille de Salamine,
139 Homérisme pour « les Grecs », implicitement opposés aux orientaux, non plus troyens mais surtout perses ? Cependant, estime Elena Firinu (art. cit., p. 129), « la definizione di Mileto corne appartenente alla dodecapoli ionica e corne “prima tra gli Achei” [...] può richiamare la rcale origine peloponnesiaca degli Ioni d’Asia [...] — in opposizione alla presunta affinità etnica con gli Ateniesi su cui si fondavano i legami tra la maggior parte degli alleati della legs delio-attica con Atene — e puô far pensare a una datazione successive a 413/412, anno della defezione di Mileto dalla suddetta lega e del suo passaggio nell’orbita di Sparta ». Cf, déjà, Wilamowitz, TIMOTHEOS, Die Perser. p. 62-64.
140 Le sens de l’épithète ἑϰατηϐόλος, que l’on a pu rattacher à εκατόν (« cent »), et même à ἑϰών (« qui agit de son plein gré »), plutôt qu’à ἑϰάς (« loin »), est incertain. Mais rapprocher le « trait qui frappe au loin » (έκαδόλον... βέλος) du fr. 800. Il peut s’agir d’un autre homérisme.
141 On pense évidemment, toujours, à Milet, ou bien à Athènes. Toutefois, pour T. H. Janssen (147), « τάνδε πόλιν is the city where the performance took place, regardless of the question whether this was the first performance or a later one ». Et en effet cet envoi pourrait être une fin « passe-partout », sa thématique se retrouvant notamment dans le refrain du péan delphique à Dionysos (cf. Théodore Reinach, art. cit. p. 76) et même, par exemple, dans une œuvre aussi différente que l’Eirésiônè sartrienne, une chanson de quête citée dans deux biographies d’Homère, celle dite d’Hérodote (Vita Herodotea) et celle de la Souda (cf. La Chanson grecque dans l’Antiquité, Paris [CNRS Éditions], 1992, p. 354-355). Il serait donc vain d’y chercher un rapport avec l’actualité, athénienne ou autre, de la fin du Ve siècle — la guerre du Péloponnèse et ses conséquences, telles que l’instauration du pouvoir des Quatre-Cents (411), puis des Trente (404) —, et plus vain encore d’y chercher la confirmation de la théorie faisant des Perses une œuvre de propagande panhellénique (M. A. Flower, art. cit., p. 90-92), ou bien en rapport avec un courant oligarchique hostile aux Perses et aux esclaves ou métèques orientaux qui leur étaient plus ou moins assimilés, mais favorable aux Spartiates (Irene Huber, « Der Perser-Nomos des Timotheos —’Zwischen Unterhaltungsliteratur und politischer Propaganda », notamment p. 185-192).
142 Ce qui vient d’être dit invite à ne pas attacher trop d’importance à cette eunomia, dont le souhait est banal.
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