1 F. Braudel, E. Labrousse (dir.), Histoire économique et sociale de la France, Paris, PUF, 1970, t. 2, Des derniers temps de l’âge seigneurial aux préludes de l’âge industriel (1660-1789), p. 651.
2 L’expression « Ancien Régime industriel » ne doit pas laisser croire que les corporations sont des structures archaïques et sclérosées, ni que l’encadrement réglementaire de l’industrie reste figé à une époque marquée par la montée du discours libéral. Pour une approche critique, voir Ph. Minard, La fortune du colbertisme. État et industrie dans la France des lumières, Paris, Fayard, 1998.
3 En 1686, il fut interdit non seulement d’importer d’Inde des toiles peintes mais encore de fabriquer en France des toiles imprimées (E. Depitre, La toile peinte en France aux xviie et xviiie siècle, Paris, M. Rivière, 1912).
4 Nous empruntons cette expression à B. Roy, Une capitale de l’indiennage, Nantes, Nantes, Musée des salorges, 1948. Les travaux de S. Chassagne sont essentiels : La manufacture de toiles imprimées de Tournemine-lès-Angers, 1752-1820 : étude d’une entreprise et d’une industrie au xviiie siècle, Paris, Klincksieck, 1972 ; le coton et ses patrons. France, 1760-1840, Paris, EHESS, 1991. Les recherches menées pour notre thèse intègrent de nouvelles perspectives et mobilisent de nouvelles sources (La Révolution des ouvriers nantais. Le façonnement d’une identité sociale et culturelle, des années 1760 aux années 1830, Université Rennes 2, 2006, sous la direction d’A. Croix).
5 Voir par exemple, J.-M. Roland de La Platière, Encyclopédie Méthodique, Paris-Liège 1785 – Section manufactures, arts et métiers, art. « impression sur toiles ».
6 Les picots sont les points de raccord qui permettent à l’imprimeur d’ajuster correctement son dessin.
7 Arch. dép. Loire-Atlantique, 1 ET-A 20, « mémoire de L. Favre aîné sur les moyens de relever les manufactures d’indiennes et [les] causes de leur anéantissement prochain », 25 prairial an VII.
8 Cette éclosion a déjà été présentée dans le détail : voir E. Depitre, la toile peinte, op. cit. ; H. Clouzot, Histoire de la manufacture de Jouy et de la toile imprimée en France, Paris, G. van Oest, 1928 ; B. Roy, Une capitale de l’indiennage, op. cit. ; S. Chassagne, La manufacture de toiles imprimées de Tournemine, op. cit. Les sources sont essentiellement des archives notariales, déjà présentées par S. Chassagne.
9 S. Chassagne, Le coton, op. cit., p. 146.
10 ADLA, 4 E 2-1063, minute de maître Hérault, 6 avril 1762.
11 ADLA, 4 E 2-762, minute de maître Fouquereaux, 28 février 1763.
12 ADLA, C 749, « mémoire présenté à Nosseigneurs des États de Bretagne… », 1766 ?
13 Les grandes manufactures des années 1780 apparaissent dans l’enquête de 1785 (Arch. nationales, F 12-1404-A, état transmis par l’inspecteur Watier, 19 novembre 1785) ou dans le Calendrier du Commerce pour 1790.
14 AN, F 12-1404 A, « état des généralités dans lesquelles sont établies des fabriques de toiles peintes ou imprimées, des lieux où elle sont situées, de la quantité approximative de pièces imprimées annuellement dans chacune d’elles », novembre 1785 ?
15 ADLA, 1 ET-A 20, « mémoire de L. Favre aîné… », 25 prairial an VII.
16 La correspondance des inspecteurs des manufactures de Rennes et de Nantes montre que l’enquête est réalisée très rapidement – or, la rapidité n’est pas un gage de fiabilité – et qu’en l’absence d’états de production pour le début des années 1780, elle ne repose que sur « les déclarations conjecturales » des manufacturiers (AN, F 12-1404-A, lettre de l’inspecteur Watier au Bureau du commerce, 19 novembre 1785).
17 La législation de 1785 introduit un contrôle, si bien que nous disposons d’états de production qui reflètent l’activité du bureau de marque de Nantes : celui de 1786 signale 73 141 pièces (Arch. dép. d’Ille-et-vilaine, C 1552, 22 janvier 1787).
18 En 1786, dans une supplique adressée aux Etats de Bretagne, les indienneurs se disent « plus de deux mille » (Arch. mun. Nantes, HH 34, plainte des ouvriers indienneurs contre l’introduction dans le royaume des indiennes étrangères, 15 novembre 1786).
19 En 1788, Petitpierre engage un graveur sur planches de cuivre, le véritable artiste Pierre Joseph Maader (ADLA, 4 E 22-47, minute de maître Briand-Dumarais, 28 juillet 1788). La description de la manufacture Gorgerat vers 1810, publiée par S. Chassagne, distingue deux imprimeries à la planche de bois, d’une autre à la planche de cuivre (Le coton, op. cit., p. 168).
20 Dès 1784, l’inventaire de la production de la manufacture métallurgique de Saint-Sébastien indique que six rouleaux ont été remis à une indiennerie (ADLA, 4 E 2-498, minute de maître Girard, 13 octobre 1784).
21 H. Clouzot indique que L. Favre aîné installe, sous le Premier Empire, une machine à imprimer aux cylindres (Histoire de la toile imprimée, op. cit., p. 165).
22 L’extension spatiale des indienneries répond non seulement à leur essor mais encore à cette exigence nouvelle d’organisation de l’espace. Ailleurs, aussi la « création d’une nouvelle entreprise, surtout inspirée par la volonté de rationaliser les opérations, ne pouvait se faire qu’à la périphérie des villes, là où se rencontraient les terrains disponibles, et si possible près d’une rivière » (S. Chassagne, le coton, op. cit., p. 157).
23 Cependant, cette abbaye sera incendiée durant la guerre civile (ADLA, 1 ET-A 20, renseignements sur la manufacture d’orillard, floréal-prairial an III ?).
24 ADLA, 4 E 2-947, minute de maître Girard, 16 novembre 1779.
25 ADLA, L 2080, plainte de Gorgerat frères, 12 prairial an IV. L’organisation de l’espace reste donc moins poussée dans les indienneries nantaises que dans la manufacture de Jouy où, dès 1765, « l’espace productif s’organise selon un modèle rationnel » (A. Dewerpe, Y. Gaulupeau, La fabrique des prolétaires. Les ouvriers de la manufacture d’Oberkampf à Jouy-en-Josas, 1760-1815, Paris, PENS, 1990, p. 39).
26 En 1787, les imprimeurs, sans travail à la morte-saison, souhaitent être embauchés dans la manufacture d’orillard, au détriment des ouvrières qui y travaillent (AMN, HH 34, billet du sieur Fourny, octobre 1787 ?).
27 En 1761, à l’issue de l’apprentissage, un salaire à la pièce est prévu, qui varie en fonction de la complexité des indiennes confectionnées. De plus, cette reconnaissance de la qualification s’accompagne d’une large autonomie, les imprimeurs dirigeant explicitement leurs auxiliaires (ADLA, 4 E 2-928, minute de maître Girard, engagement de trois apprentis imprimeurs-rentreurs, 6 mai 1761). En revanche, en 1775, aucune perspective de progrès n’apparaît dans le contrat d’apprentissage d’un jeune rentreur (ADLA, 4 E 2-430, minute de maître Briand, 2 septembre 1775).
28 AMN, FF 257, interrogatoires de Pierre Barrateau et de Pierre Guillet, 6 juin 1775.
29 AMN, HH 34, plainte d’Orillard, Guillou et Metzener contre les imprimeurs, 8 octobre 1787.
30 Toutes les marchandises de traite ne sont pas de piètre qualité, mais l’utilisation de lin et de coton du Levant filé au rouet (et non des îles, de qualité supérieure, et filé à la mécanique, donc plus homogène), ainsi que la technique de la réserve pour l’application des couleurs, attestent de la médiocrité de ces toiles (ADLA, 1 ET-A 20, renseignements sur la manufacture d’Orillard, floréal-prairial an III ? ; AMN, HH 34, plainte d’orillard, Guillou et Metzener, 8 octobre 1787).
31 J.-B. Huet, Recherches économiques et statistiques sur le département de la Loire-Inférieure, an XI, Nantes, Malassis, an xII, p. 155.
32 A. Young, Voyages en France, 1787, 1788, 1789, Paris, A. Colin, 1976, t. 3, p. 972.
33 Ph. Haudrère, La compagnie française des indes au xviiie siècle (1719-1795), Paris, Libraire de l’Inde, 1989, p. 417.
34 ADLA, C 750, « note au sujet de la fabrique d’indiennes ou toille peinte en général que le sieur Louis Langevin, a entrepris et commencé à Nantes en 1759… », 14 août 1766.
35 ADIV, C 3929, mémoire de l’inspecteur de Coisy concernant le commerce et la fabrique des différentes toiles, 1751.
36 M. Gournay, Tableau général du commerce, 1789, p. 491.
37 Ph. Minard, La fortune du colbertisme, op. cit.
38 Nous suivons ici l’analyse d’E. Depitre, La toile peinte, op. cit.
39 ADLA, 4 E 2-431, minute de maître Briand, 24 février 1779 ; AMN, GG 508, registre des baptêmes et des mariages de l’Église réformée, 6 mars 1779.
40 AMN, I2, registre des livrets remis en l’an XII. En 1803, sous le Consulat, une loi restaure l’obligation, introduite en 1781, pour les ouvriers de détenir un livret mentionnant les entrées et les sorties des ateliers ou manufactures successivement fréquentés. Cette obligation vise à imposer le respect du délai de préavis de départ et, au-delà, à empêcher les cessations immédiates du travail, donc à brider l’action ouvrière.
41 G. Gayot, Ph. Minard (éd.), Les ouvriers qualifiés de l’industrie (xvie-xxe siècles). Formation, emploi, migrations, Revue du Nord, hors-série n° 15, Villeneuve d’Ascq, 2001, Université Lille III ; en particulier S. Chassagne, « La mobilité des ouvriers qualifiés de l’indiennage (1760-1860) », p. 65-81.
42 Des contremaîtres apparaissent furtivement dans différentes sources : une procédure judiciaire pour un vol d’indiennes (ADLA, B 8745-v, déposition de Pierre Boucher, 31 octobre 1788) ; un inventaire après décès (ADLA, B 6916-III, inventaire de Jean Baptiste Leroy, 20 avril 1780) ; le registre de la capitation de 1789 (ADLA, B 3530).
43 ADLA, B 3530 et B 3532, rôles de capitation de Nantes et de la paroisse de Saint-Sébastien, 1789 ; AMN, 1 E 47, registre des mariages des sections Lepelletier et Beaurepaire, an II.
44 73 capités déclarent un métier de l’indiennage : quatre dessinateurs, dix graveurs, vingt-sept imprimeurs, une pinceauteuse, ainsi que deux « contremaîtres aux indiennes », un chimiste et vingt-huit « indienneurs ». Sans doute faut-il rattacher aux indienneries de nombreux journaliers. Graveurs, imprimeurs et indienneurs versent en moyenne quatre livres dix sols, trois livres et trente sols, tandis que les journaliers ne sont capités qu’à une livre.
45 ADLA, B 6 916-III, inventaire après décès de Samuel Kiburt, 20 mai 1780. Imposé par la Coutume de Bretagne, l’inventaire après décès liquide la communauté que formaient les époux.
46 ADLA, B 6 925-II, inventaire après décès d’Antoine Chaudé, 9 mai 1789.
47 ADLA, C 749, « mémoire présenté à Nosseigneurs des États de Bretagne… », 1766 ?
48 ADLA, L 1628, observations sur le commerce et les fabriques de Nantes, décembre 1795 ; 1 M 2125, lettre de L. Favre aîné au préfet, 17 février 1806. Cependant, la production nationale s’avère insuffisante, si bien que des toiles sont importées, de Suisse notamment (ADLA, 1 ET-A 20, réponse de Petitpierre à l’enquête du printemps de l’an III, 24 floréal an III).
49 Parmi les 500 métiers qui emploient du coton vers 1789, une petite moitié travaille dans la fabrique dispersée des basins, les autres se consacrant donc à la production de cotonnades de qualité.
50 Non seulement les importations de coton augmentent au cours de la seconde moitié du xviiie siècle dans le port de Nantes (ADLA, C 724, états des importations, 1763-89), mais encore le coton en laine prend une place importante à côté du coton filé (ADLA, 1 ET-A 25, mémoire sur le commerce de Nantes, an X).
51 AMN, D 3-C 4-D 18, lettre de L. Saget, 7 pluviôse an VIII.
52 ADLA, L 1628, « réponses des citoyens Saget et compagnie, entrepreneurs d’une filature de coton et fabriques d’étoffes à Nantes, à celles des questions proposées par le comité de salut public, qui concernent les fabriques et manufactures où le coton est emploié (sic) », brumaire an IV ?
53 Attestée dans les années 1800 (ADLA, 1 M 2125, état des filatures de coton établies dans le département de la Loire-Inférieure, 25 février 1806), la mull-jenny semble avoir été introduite en 1798 (ADLA, L 1628, observations sur les manufactures par le conseil d’agriculture, arts, manufactures et commerce du département de Loire-Inférieure, an Ix ? ; 1 M 2124, réponse des ouvriers fileurs de coton à l’enquête de 1848).
54 Chez Pelloutier, « le coton pour les chaînes s’exécute au moyen de mécaniques dont la plupart filent 70 brins à la fois » (M. Gournay, Tableau général du commerce, op. cit.). Ainsi, « une seule ouvrière peut filer en un jour plus de coton que dix fileuses à la main n’en pouvoient fournir » (ADLA, L 1628, « réponses des citoyens Saget et compagnie… », brumaire an IV ?).
55 ADLA, C 750, mémoire contre l’introduction des toiles d’Alsace dans le royaume, 1788 ?
56 ADLA, L 1628, mémoire de Saget adressé au Département, 21 ventôse an IV.
57 ADLA, L 1628, « réponses des citoyens Saget et compagnie… », brumaire an IV ?
58 A. Young, Voyages en France, op. cit., p. 972.
59 ADLA, L 1628, « réponses des citoyens Saget et compagnie… », brumaire an Iv ? (les indications et citations suivantes sont tirées de ce document).
60 « Avec ces trois sortes de machines, on peut filer du coton dans toutes les qualités, depuis les numéros les plus bas jusqu’aux plus hauts qu’il est possible d’atteindre. On entend par numéro la quantité d’échevaux de 700 aunes dont une livre est composée. Ainsi une livre de coton filé au n° 12 contient 12 échevaux de 700 aunes, faisant 8400 aunes ; et, par la même raison, le coton au n° 50 est celui dont il faudroit 50 échevaux de 700 aunes ou 35 mille aunes pour composé la livre. On peut filer jusqu’au n° 150 et même au-delà. »
61 P. Verley souligne le caractère pionnier des indiennes pour l’apparition de la consommation de masse (L’échelle du monde. Essai sur l’industrialisation de l’Occident, Paris, Gallimard, 1997).
62 ADLA, C 749, « mémoire présenté à Nosseigneurs des États de Bretagne… », 1766 ?
63 D. Roche, La culture des apparences. Une histoire du vêtement, xviie-xviiie siècles, Paris, Fayard, 1989.
64 Sur la question du bilan économique de la Révolution, voir F. Hincker, La Révolution française et l’économie. Décollage ou catastrophe ?, Paris, Nathan, 1989.
65 Ce tournant correspond à un regain de l’industrialisation, qui intervient en réaction à la crise de la traite négrière, dans la seconde moitié des années 1820 (O. Pétré-Grenouilleau, Histoire de Nantes, Plomelin, Palantines, 2003).
66 D. Woronoff, Histoire de l’industrie française du xvie siècle à nos jours, Paris, Seuil, 1994.
67 ADLA, C 660, mémoire d’Augustin Daniel. Sur ce problème crucial du contrôle des fileuses, voir W. Reddy, « Modes de paiement et contrôle du travail dans les filatures de coton en France, 1750-1848 », Revue du Nord, n° spécial, « Aux origines de la Révolution industrielle », 1981-1, p. 135-146. Plus largement, dans un chapitre consacré à « la rationalisation du travail à domicile », D. Terrier écrit que « contrairement à ce que l’on aurait envie de faire prime abord, il faut se garder d’opposer le monde de l’usine, soumis à des transformations rapides, au gré des apports technologiques nombreux et variés, et un monde du travail à domicile immuable, indifférent aux contraintes de la pression productiviste » (Les deux âges de la proto-industrie. Les tisserands du Cambrésis et du Saint-Quentinois, 1730-1880, Paris, EHESS, 1996, p. 170).
