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  • Le Trégor et le lin 1550-1950
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    Plan détaillé Texte intégral Origine et développement de l’industrie textile trégorroise : 1550-1680 Première reconversion du Trégor : 1660-1830 Seconde reconversion du Trégor : 1824-1950 Notes de bas de page Auteur

    Du lin à la toile

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Le Trégor et le lin 1550-1950

    Jean Martin

    p. 21-42

    Texte intégral Origine et développement de l’industrie textile trégorroise : 1550-1680 Des prédispositions naturelles et un produit de qualitéLe marché flamandLe marché anglaisLe marché espagnol Première reconversion du Trégor : 1660-1830 La production trégoroise de linLes différents intervenants Seconde reconversion du Trégor : 1824-1950 Le temps des incertitudes 1824-1840Efforts de modernisation 1840-1880La survie d’une proto-industrie 1880-1950 Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Alors qu’aujourd’hui le nom du Trégor est généralement associé à des termes technologiques évoquant la téléphonie, l’électronique, l’informatique, il peut paraître paradoxal de vouloir évoquer, pour cette région, quatre siècles d’histoire économique associant producteurs de lin et tisserands. Il faut cependant rappeler qu’entre 1550 et 1950, le Trégor a connu un développement linicole, et trois grandes phases de ce passé peuvent être retrouvées. La première période qui débute au milieu du xvie siècle et se termine dans le dernier quart du xviie siècle, a fait du Trégor l’hinterland industriel de Morlaix, la région associant production et tissage du lin. Tout différent est le cycle suivant qui s’ouvre cent ans plus tard et se clôt après 1830. On observe alors une quasi-disparition de l’activité toilière trégorroise et une modification des circuits commerciaux. Précédemment la matière première était utilisée aussi bien localement que dans les manufactures des crées ou des bretagnes, mais dès les débuts du règne de Louis XIV on a vu soudain croître les besoins du centre-Bretagne. On explique le phénomène par un accroissement des importations espagnoles et latino-américaines auprès des tisserands installés entre Quintin et Loudéac1. Une troisième évolution peut enfin être retrouvée, des années 1830 jusqu’à 1950. Au début du xixe siècle, l’accession à l’indépendance des colonies d’Amérique latine et leur fermeture aux productions bretonnes a provoqué la disparition des zones de tissage, conduisant les producteurs de lin du Trégor à opérer une nouvelle reconversion et à devenir les fournisseurs attitrés des grandes filatures du Nord et de Normandie.

    Origine et développement de l’industrie textile trégorroise : 1550-1680

    Des prédispositions naturelles et un produit de qualité

    2S’interroger sur les raisons qui ont pu faciliter le développement d’une proto-industrie textile sur les rivages de la Manche, c’est aussi reconnaître l’importance des influences naturelles et humaines qui ont pu s’y exercer. À l’exemple d’autres développements apparus à l’Époque Moderne et favorisant la culture du lin, on retiendra la richesse des sols du Trégor enrichis par des amendements marins (goëmon et maërl) utiles à une plante exigeante, tout comme la douceur du climat caractérisé par une humidité constante. Il s’agissait de facteurs favorables à la croissance du lin, à son rouissage, au blanchiment de ses fils. Selon Henri Touchard, dès le xve siècle, certains marchands lannionais auraient établi des relations commerciales avec certains ports anglais2 ; mais à l’époque qui nous intéresse, hormis la période de La ligue en Bretagne3, le commerce toilier du Trégor a toujours été sous la dépendance des armateurs morlaisiens. Ceux-ci ont intégré dans une même aire de production les crées4 du Léon et les graciennes5 du Trégor, remplissant à l’envi les cales de leurs navires.

    3Bien que la plupart des toiles produites sur la côte aient été tissées à une longueur de 100 aunes, soit environ 122 mètres6, il existait cependant des différences entre leurs largeurs ou laises. L’ordonnance de 15477 nous permet de savoir que les toiles « daoulas » avaient une largeur estimée à 3/4 d’aune de Paris (0,94 m), tandis que celles de l’évêché de Tréguier ne dépassaient pas 2/3 d’aune (0,84 m). Si le législateur a éprouvé le besoin de mentionner ces différentes laises8, c’est qu’elles servaient à établir auprès des acheteurs une hiérarchie entre les différents tissus, l’essentiel des productions étant destiné à l’exportation. Il est donc intéressant de retrouver ces différentes contrées vers lesquelles faisaient voiles les lourdes nefs bretonnes9.

    Le marché flamand

    4La principale destination des navires bretons, à la fin du Moyen Âge, semble avoir été les Flandres, puisque dès 1440 le duc Jean V avait conclu un traité de commerce entre son état, la Hollande, la Zélande et La basse-Frise10. Bien que les Bretons aient fréquenté Bruges jusqu’au milieu du xvie siècle, de longue date ils faisaient déjà escale à Middelburg et Arnemuiden, deux avant-ports d’Anvers. Leur présence souvent attestée de façon indirecte permet cependant de retrouver les liens qui existaient lors entre les Flandres et la Bretagne11. On notera, à cet effet, qu’en 1496, sur les 150 navires ayant relâché à Middelburg, 145 venaient d’Armorique. Trois ans plus tard deux facteurs bretons, représentants attitrés d’un marchand morlaisien sont signalés dans ce même port. À propos d’un différent survenu entre les Flamands et les Bretons, une lettre signée par Claude de France nous apprend qu’il existait en 1519, dans l’église d’Arnemuiden, une chapelle privative dédiée à Saint-Yves. Le désir exprimé par la souveraine que les édiles de Middelburg traiteraient les Bretons « de mieulx en mieul ensuivant l’ancien amour et longue continuacion de marchander les ungs les autres » semble avoir été exaucé comme le confirment les statistiques de ce port12.

    5Tout au long du xvie siècle de nombreux navires bretons ont fait relâche à Middelburg et, en 1574, on note même la présence de cinquante embarcations venues de Saint-Pol-de-Léon. Bien que les nefs bretonnes aient continué à décharger une partie de leur cargaison à Middelburg et à Arnemuiden, Anvers est devenu leur objectif principal entre 1545 et 1585. Dans son étude de la capitale brabançonne au xvie siècle, Émile Coornaert a relevé les noms de 334 marchands bretons qui ont travaillé avec leurs collègues anversois. Il a aussi établi qu’ils venaient majoritairement de quatre zones principales : Penmarc’h13, Morlaix, Saint-Malo, Nantes. La position occupée par le groupe trégorrois ne pouvait manquer d’attirer l’attention. Constitué de ressortissants venus surtout de Saint-Pol-de-Léon et de Roscoff, il présentait l’originalité d’associer marchands et marins, comme nous le fait découvrir cette statistique de 1585 qui évoque 16 commerçants pour seulement 6 capitaines de navires.

    6Le commerce breton avec les Flandres a été florissant jusqu’à la fin du xvie siècle, mais deux causes ont alors provoqué son affaiblissement. La première découle des événements politiques qui ont affecté cette région et conduit à la prise et au pillage d’Anvers par les troupes de Farnèse en 1585, provoquant la fuite d’au moins trente mille habitants vers Amsterdam. La seconde doit être recherchée dans une évolution des techniques maritimes et commerciales. On observe en effet, depuis le milieu du xvie siècle, un perfectionnement du tonnage et de la vitesse des navires hollandais et hanséatiques, modifications qui les ont placés en position de force, face à leurs concurrents bretons. Enfin ces derniers ont été peu à peu éliminés des marchés de la mer du Nord lorsque les importateurs d’Amsterdam se sont mis à acheter, à Hambourg, des toiles concurrentes dont le bas prix compensait une moindre qualité14.

    Le marché anglais

    7Les relations commerciales qui ont existé aux xve et xvie siècles entre le Trégor et l’Angleterre semblent avoir suivi un type d’évolution assez proche de celui qui a pu être observé pour les Flandres. Selon Jean Tanguy qui a particulièrement étudié l’exemple anglais, même si un commerce toilier est attesté dès le xive siècle entre Morlaix et Exeter, il a fallu attendre le traité de Picquigny (1475) pour voir ces relations croître en volume15. Un tel accord n’a pas seulement officialisé la fin de la guerre de Cent Ans, il marquait aussi un retour à la liberté des échanges entre les deux rives de la Manche. L’embellie commerciale qui en a résulté s’est prolongée jusqu’au milieu du xvie siècle. À partir de cette période, pour des raisons aussi bien religieuses qu’économiques, et observables dans les deux pays, on assiste à un recul très sensible du commerce entre Morlaix et l’Angleterre. Il faudra attendre le xviie siècle, et la montée en puissance de Londres au détriment d’Anvers, pour retrouver un flux régulier d’exportation des toiles crées outre Manche.

    8Dans un mémoire rédigé vers 175116, l’inspecteur des manufactures de Bretagne, de Coisy, évoque les relations commerciales qui existaient, avant le règne de Guillaume III (1689-1702), entre leTrégor et l’Angleterre : « On a encore connaissance qu’[…] il n’y avait pas de jour dans l’année […] qu’il ne sortît de Morlaix quelque barque ou petit batiment chargé de toiles pour ce royaume. » Les tissus importés n’étaient pas seulement destinés aux consommateurs britanniques ou irlandais, ils prenaient aussi la direction de la Nouvelle-Angleterre, des Barbades, de la Virginie, de la Jamaïque. Il faut en effet savoir qu’à partir de cette île, les productions bretonnes étaient introduites clandestinement dans les colonies espagnoles d’Amérique17.

    9Les Anglais n’ont pas été uniquement importateurs de toiles, on signale aussi leur présence à Morlaix, tout au long du xviie siècle, où ils s’étaient faits les importateurs de produits nationaux destinés au marché breton : drap, plomb, étain, charbon de terre18. Les sources notariales de cette période évoquent la présence d’une soixantaine de familles anglaises établies à Morlaix et permettent de connaître l’insertion de ces expatriés dans l’activité marchande locale, puisqu’on les retrouve dans l’armement et l’assurance des navires. Mais, à son tour, le marché anglais s’est fermé aux productions bretonnes. C’était le résultat d’une guerre commerciale entamée par Colbert et soutenue par Louis XIV. Rappelons brièvement l’historique des événements : de 1664 à 1687, le gouvernement français a régulièrement accru les taxes qui se percevaient sur les draps anglais, en limitant leur importation par les seuls ports de Calais et de Saint-Valéry-sur-Somme. En représailles, les marchands de Londres ont d’abord obtenu un embargo sur les marchandises françaises, puis une loi de 1689 a interdit tout commerce avec notre pays. Les guerres de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697) et de Succession d’Espagne (1702-1714) ont fini par réduire à néant les liens commerciaux qui pouvaient exister entre le Trégor et l’Angleterre. Cette dernière, après avoir développé le tissage du lin en Écosse et en Irlande, s’est définitivement détournée des importations bretonnes.

    Le marché espagnol

    10Depuis longtemps déjà des importateurs espagnols installés à Nantes faisaient provision des différentes toiles tissées dans la France de l’Ouest19, et l’on comprendra aisément qu’à leur tour certains Bretons aient vu tout l’intérêt qui pouvait résulter d’un commerce direct avec la péninsule ibérique. La conservation des comptes d’un commerçant morlaisien20 qui a fréquenté les ports andalous vers 1530, apporte quelques éclaircissements sur cette tentative de pénétration d’un nouveau marché. Embarqué sur le navire de « maistre Jehan Le Goyc », le jeune marchand emmenait avec lui deux variétés de toiles : des crées et des bretagnes. Il a d’abord séjourné quelque temps à Cadix où il y a vendu 22 pièces de « Locrenan » et de « Daoulas » et 500 varres21 de « Pondivi », et ses transactions peuvent être estimées à un peu plus de 211 ducats, soit 327 livres en monnaie française de l’époque. Mais l’essentiel des ventes du commis-voyageur a eu pour cadre l’avant-port de Séville, Sanlucar-de-Barrameda. Il y a loué un dépôt-vente dans lequel il a commercialisé, tant en gros qu’au détail, et pendant deux mois, ce qui lui restait de son « emplette ». Si l’ensemble des différentes transactions réalisées par le jeune homme peut être estimé à un peu plus de 1 100 livres, il ne s’agit nullement d’une somme dont il pouvait disposer. Il a dû en effet s’acquitter, dans chacun des deux ports fréquentés, de droits de douanes auxquels s’adjoignaient les frais de stockage. Conservant les ducats de certains commanditaires, le jeune homme a aussi commencé les achats qui lui avaient été conseillés. On le voit ainsi acquérir des tonneaux de vin, du savon, du sel, des câpres, et même une épée.

    11Le commerce morlaisien s’est prolongé tout au long des xvie et xviie siècles et quelques informations relevées par Jean Tanguy méritent d’être rapportées22. Cet historien signale tout d’abord la présence à Cadix d’un bourgeois morlaisien, François Morquine, puis, dix ans plus tard, l’arrestation en Andalousie de deux navires de Pempoul, ancien port de Saint-Pol-de-Léon, avec pour 600 000 livres de « crées et autres toiles ». Même si Jean Tanguy, à propos de ces informations, écrit qu’il s’agit de « bribes documentaires », elles présentent cependant un double intérêt. D’une part elles confirment la prolongation des liens commerciaux entre la côte nord de la Bretagne et l’Espagne, d’autre part elles permettent de comprendre la participation des Morlaisiens au commerce toilier trans-océanique. Entre 1586 et 1608, le nombre des crées embarquées sur les vaisseaux ou sur les galions espagnols utilisés dans les relations commerciales avec les colonies américaines est passé de 274 pièces à 6386. Un tel accroissement a permis aux Morlaisiens d’occuper le deuxième rang pour les toiles importées de France, derrière les productions rouennaises. Cette faveur s’est prolongée jusqu’au milieu du siècle, puisque vers 1640, elles étaient même préférées à leurs concurrentes normandes. Toutefois ce sont d’autres productions provinciales qui les ont peu à peu supplantées en Espagne. En 1686, selon le rapport de Patoulet, sur 13 millions de livres de toiles que la France de l’Ouest exportait vers l’Andalousie, la valeur des produits rouennais était estimée à 4,75 millions, chiffre équivalent à celui des toiles de la manufacture des bretagnes, mais les importations de crées ne s’élevaient plus qu’à 1,42 million23.

    Première reconversion du Trégor : 1660-1830

    12Alors que depuis le xvie siècle la manufacture des crées, avec pour centre de gravité Morlaix, associait les évêchés du Léon et de Tréguier, aussi bien dans la production du lin que dans son tissage, on a assisté après les années 1660 à une spécialisation progressive du Trégor. Délaissant le tissage24 au profit d’autres zones, il a peu à peu acquis le monopole de la culture du lin sur les côtes de la Manche. C’est ce qu’il importe de redécouvrir et d’analyser, afin d’en découvrir les conséquences sociales pour cette région.

    La production trégoroise de lin

    13Jusqu’au début du xviie siècle, la plante textile qui poussait sur la côte nord de la Bretagne était issue d’une souche indigène caractérisée par sa petite taille ; or sous la régence de Louis XIII les armateurs de Roscoff ont massivement importé des graines de lin qui croissaient jusque-là en Lettonie et en Lituanie25. Une telle modification dans l’approvisionnement des semences présentait pour les agriculteurs un double intérêt. D’une part, ils obtenaient ainsi une plante haute de trois ou quatre pieds susceptible de fournir plus de filasse, d’autre part sa culture nécessitait moins de travail et d’engrais. Roscoff importait donc des graines de lin vendues localement ou redistribuées par barques vers les ports de Morlaix, Tréguier, Pontrieux, voire Saint-Quay et Le Légué. Toutefois, la présence bretonne sur les rives de la Baltique a été de courte durée et les importateurs provinciaux ont été rapidement évincés par leurs concurrents lübeckois et hollandais. Ces derniers sont même devenus les intermédiaires obligés entre la zone de production des graines de lin et la côte nord de la Bretagne.

    14Les analyses de la Société d’agriculture, de commerce et des arts de Bretagne, publiées en 1760 et 1772 sous le titre Corps d’observations26, fournissent des renseignements sur les différents mécanismes de ce commerce. À Koenigsberg, Riga, Windau, Memel, Libau, se tenaient de grands marchés de graines de lin où « des paysans et des juifs de Pologne » venaient vendre leur production aux bourgeois et aux négociants locaux. Ceux-ci la revendaient à des commissionnaires étrangers ou se chargeaient eux-mêmes de l’exportation. La qualité du produit était certifiée par un expert-juré appelé « braqueur » qui apposait une marque sur chaque baril exporté. Les productions de Libau étaient les plus estimées et leur appellation « à la couronne brûlée » provenait d’une couronne imprimée au fer rouge dans le bois des tonneaux. La période des ventes s’effectuait de novembre à mars.

    15En novembre 1760 à Riga, le baril de grain de Courlande et de Livonie oscillait entre 15 livres 18 sols et 16 livres 18 sols. Selon les statistiques réalisées par Jean Tanguy27, l’essentiel du commerce destiné à la Bretagne était passé entre les mains des Lübeckois, et c’est bien cette domination que stigmatisaient les rédacteurs du Corps d’observations, regrettant l’absence de maisons françaises à Riga. Il faut en effet savoir qu’à sa commercialisation à Roscoff le prix du baril atteignait régulièrement une valeur estimée entre 33 et 36 livres, soit un prix double de celui qui avait été pratiqué lors des échanges sur les rives de la Baltique. Une telle hausse était attribuée aux facilités de crédit offertes aux revendeurs provinciaux ; en effet les graines qu’ils importaient n’étaient payables « qu’au bout de l’an », les importateurs se chargeant de transporter les invendus en Zélande, afin de les transformer en huile.

    16En 1750, selon le rapport de Coisy déjà évoqué, Roscoff aurait importé 12 000 barils pesant chacun 160 livres28. 7 000 barils étaient destinés au Trégor, 3 000 au Léon, 2 000 au Goëlo. Grâce aux informations fournies par les rédacteurs du Corps d’observations, nous découvrons aussi le monopole provincial détenu par quelques intermédiaires bretons. En position dominante ils spéculaient quand des vents contraires différaient les accostages des navires hollandais, ou lorsque la dislocation du convoi provoquait un retard de livraison. Ce contretemps était aussitôt mis à profit par les marchands-détaillants, qui ne recevaient alors que de six à dix barils de graine. Devant une foule de paysans qui avaient fait jusqu’à 20 lieues pour acquérir la précieuse graine, les commerçants ne pouvaient résister au plaisir d’augmenter leurs prix. Alors le coût du baril pouvait s’élever jusqu’à 75 livres.

    17La suspicion à l’égard des différents intermédiaires provinciaux était grande puisqu’on les accusait aussi de tromper les paysans sur la qualité des graines vendues. C’est ainsi que, dans le Léon, il leur était reproché de fournir sous l’appellation « graine du nord », un produit dégénéré originaire du Trégor qui aurait dû normalement être exporté vers la Zélande afin d’y être transformé en huile ; mais comme semblable critique était formulée dans le Trégor, ceci en atténue la portée, bien que ce procédé n’exemptât point les coupables. C’était aussi oublier que chaque année près de 36 000 barils de graine de lin étaient mis en terre sur la côte nord de la Bretagne et que seul un tiers de ce volume pouvait prétendre à l’appellation de « graine neuve ».

    18Si aux yeux des notables provinciaux une telle situation créait un état de dépendance défavorable à la paysannerie, elle favorisait surtout l’augmentation du prix des toiles destinées à l’exportation. C’est bien ce qui ressort du tableau suivant, où chacun des stades de la filière du lin apparaît avec l’importance qu’il occupait dans le coût d’une aune de toile :

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    19Note29

    20Note30

    21Bien que des différences puissent être observées dans les pourcentages concernant l’évaluation du coût de la transformation du lin en toile blanche, on notera aussi des constantes. Tout d’abord, 1742 et 1842 n’occupent la même place dans l’histoire de la manufacture des bretagnes : la première date correspond à une phase d’extension, alors que la seconde correspond à un arrêt définitif de ses exportations toilières vers les marchés espagnols et américains. On retiendra ensuite l’accroissement du prix du filage qui nous semble un peu exagéré pour 1842, si on le compare à d’autres sources commerciales31. Au chapitre des ressemblances on gardera les deux pourcentages concernant le lin en bois et le tissage. Ils permettent de comprendre pourquoi les producteurs du Trégor se sont portés vers la culture du lin plutôt que vers sa transformation, ce qu’une statistique officielle de 1852 confirme32 :

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    22Il était donc plus rentable de consacrer un hectare au lin qu’à une céréale commune à la région, même si dans la rotation des cultures la plante textile ne pouvait revenir qu’une année sur six à Lézardrieux, une sur sept à Étables, une sur huit à Tréguier33. L’absence de relevés anciens concernant la culture du lin dans le Trégor ne permet pas de se faire idée précise de l’importance de ces emblavures, aussi avons-nous fait appel aux statistiques agricoles de 1836, c’est-à-dire au-delà de la période étudiée34 :

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    23Les informations qui peuvent être retirées de ce tableau affichent clairement la suprématie linière du Trégor, lequel a donné naissance, sous le Consulat, aux arrondissements de Lannion et de Guingamp. Cette prépondérance s’observe aussi bien dans les surfaces cultivées en lin que dans le tonnage récolté. Quant à l’arrondissement de Saint-Brieuc mentionné par le document, il faut comprendre qu’il s’agit de sa frange littorale comprise entre son chef-lieu et Paimpol, laquelle est connue sous le nom de Goëlo. La statistique de 185235 déjà utilisée nous apprend aussi que les terres destinées au lin recevaient alors les plus grandes dépenses en amendement : 509 100,95 F pour l’arrondissement de Lannion36, 397 650 F pour celui de Saint-Brieuc, 387 227 F pour celui de Guingamp, et seulement 167 763 F dans le pauvre arrondissement de Loudéac quasi-exclusivement consacré à la production toilière.

    Les différents intervenants

    24Les pratiques agricoles concernant la culture du lin sont bien connues pour le xviiie siècle et elles s’accompagnaient souvent d’appréciations flatteuses portées les contemporains37. Les terres destinées au lin étaient travaillées à trois reprises (labourage, hersage, sarclage), afin d’obtenir une terre aussi fine que possible. Les semailles étaient réalisées en mai, et un baril de graine ensemençait « un jour de terre » (0,48 ha). Avant la Saint-Jean, alors que le lin atteignait de deux à cinq pouces, on choisissait une période humide pour procéder à un nouveau sarclage. En juillet, lorsque les feuilles basses commençaient à jaunir on récoltait le lin en arrachant les tiges à la main. Ramené à la ferme il était alors « égrugé » à l’aide d’un peigne de fer, c’est-à-dire que l’on récoltait les précieuses graines On procédait ensuite au « rouissage », opération qui consistait à immerger le lin, afin de dissoudre la gomme qui agglutinait les fibres de la plante. Désignés sous le nom de « routoirs » ces trous d’eau étaient de vastes cuves en pierre installées au sortir d’une fontaine ou sur le cours d’un ruisseau, un relevé de 1855 nous apprend que le seul arrondissement de Lannion en possédait 3 60538. La durée d’immersion était d’une à deux semaines puis le lin était mis à sécher une dizaine de jours en plein air, avant d’être remisé dans une grange.

    25C’est alors que le paysan recevait la visite du « linier » ou « linotier », commerçant intermédiaire entre les producteurs de lin et les fileuses. Cinquante habitants de Lanvollon s’étaient fait une spécialité de cette activité, ainsi que nous permet de le découvrir le recensement de 183639. Sauf exception, il s’agissait d’une activité familiale puisque les Le Masson étaient représentés par dix individus, les Sallou par six, les Le Caer et les Tanguy par quatre, les Lariven, les Le Douarec, les Le Mezec et Les Plusquellec par trois. La mention du nom des épouses permet aussi d’observer l’endogamie du milieu. À titre d’exemple signalons les demoiselles Le Masson qui ont épousé l’une un Plusquellec et les deux autres des frères Sallou. Habasque40 a décrit ses contemporains qui conduisaient quotidiennement leurs 200 chevaux lourdement chargés vers Quintin, Uzel, Moncontour, Loudéac, Rennes, Nantes, mais aussi jusque dans le Maine et en Normandie, autant de lieux où ils rencontraient d’autres marchands qui se chargeaient d’approvisionner les filandières locales41.

    26Les statistiques de 181642 nous apprennent que le département des Côtes-du-Nord abritait alors 30 000 fileuses se répartissant comme suit : arrondissements de Saint-Brieuc 9 000 ouvrières, de Dinan 6 000, de Guingamp 5 500, de Lannion 5 000, de Loudéac 4 500. Leur travail était estimé valoir 3,375 millions. Un essai d’interprétation, à partir des recensements de 1836 concernant les communes du Trégor et du Goëlo43 où l’on cultivait plus de 50 hectares de lin, nous apporte quelques informations sur le profil des filandières de lin. C’était une profession féminine dans laquelle on entrait jeune, puisque les agents du recensement ont comptabilisé les jeunes filles dès l’âge de dix ans. Si l’on observe fréquemment que ce type d’activité représentait un complément de revenu pour de nombreuses familles aux faibles revenus, il est aussi de nombreux exemples où le filage du lin était la seule ressource de la filandière, que celle-ci ait été célibataire ou veuve. Il est même des cas où les employées d’une exploitation agricole ont seulement été qualifiées de « filandières ». Bien que ceci induise à penser que tous les recenseurs n’ont pas agi avec le même sérieux, il se dégage cependant des informations obtenues un profil général des ouvrières du Trégor et du Goëlo qui semble assez proche de ce que devait être la réalité dans le premier tiers du xixe siècle.

    Les filandières du Trégor et du Goëlo en 1836

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    27Il faut aussi évoquer les derniers intervenants du Trégor et du Goëlo, les « filotiers ». On désignait par ce terme de petits intermédiaires qui achetaient le fil produit par les filandières, puis le commercialisaient auprès des tisserands du centre-Bretagne ou des environs de Morlaix. Le recensement de 1836 nous permet de retrouver ces individus :

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    28À l’exemple de ce qui a été dit pour Lanvollon et la domination de ses linotiers, La Roche-Derrien semblait être le principal centre des filotiers. On observera cependant, comme pour les filandières, la dispersion des individus s’adonnant à ce petit commerce, puisque beaucoup résidaient au plus près des ouvrières les approvisionnant. La conservation de quelques statistiques révolutionnaires44 nous apprend aussi qu’il s’agissait d’une activité fortement influencée par la demande. On découvre ainsi qu’en 1796, Plourivo avait 9 filotiers, Ploubazlanec 8, Plounez 2, Plouëc 1, autant de communes où plus personne n’exerçait cette activité en 1836. Le peu de représentativité économique des filotiers est évident, quand on dispose encore de certains registres de capitation45. Ainsi, à La Roche-Derrien en 1776, au plus fort de l’exportation des toiles bretagnes, sur les 17 filotiers recensés, 15 payaient moins de 5 livres et le plus imposé n’atteignait que 9 livres. Cette faible imposition des commerçants en fil de lin se retrouve aussi bien à Tréguier en 1785 qu’à Lannion en 178746. Leur situation, ainsi que celle des filandières ne s’est pas améliorée dans la première partie du xixe siècle. La statistique industrielle de 1816 fait état d’une baisse du kilo de lin à 40 centimes47, mais ce n’était que le début du déclin, le même produit ne valait plus que 22 centimes en 183648. La chute des manufactures des crées et des bretagnes, victimes la disparition de leur principal lieu de consommation qu’était l’Amérique latine et incapables de moderniser leurs productions, risquait d’entraîner celle de la zone de culture du lin. Une nouvelle reconversion s’imposait donc si le Trégor voulait survivre.

    Seconde reconversion du Trégor : 1824-1950

    Le temps des incertitudes 1824-1840

    29En unissant étroitement sa destinée à celles des manufactures des crées et des bretagnes, la zone de liniculture a connu toutes les vicissitudes qui ont affecté le tissage et son exportation, en particulier lors des guerres maritimes qui ont opposé la France et l’Angleterre entre 1715 et 1783. De telles interruptions du commerce entre l’Armorique et Cadix n’étaient pas définitives et, après chaque conflit, les affaires reprenaient normalement leur cours, pour les uns comme pour les autres. Il en est allé tout différemment de 1793 à 1815, période pendant laquelle le marché espagnol s’est fermé, tout ou partiellement, aux toiles bretonnes. Cela s’est traduit par l’expulsion des commerçants français installés à Cadix, la spoliation de leurs biens, voire la destruction de leurs marchandises. Comme le centre-Bretagne connaissait aussi de 1793 à 1802 une guerre civile née d’une opposition religieuse et d’un refus de la conscription, on ne s’étonnera pas que le nombre de ses tisserands ait alors diminué d’un tiers49. Une telle réduction du nombre des ouvriers a inéluctablement influé sur les emblavures consacrées au lin dans le Trégor.

    30Bien que les années de la Restauration aient pu laisser croire à une reprise du commerce traditionnel, puisque 4 500 balles de toiles avaient été expédiées à Cadix en 1824, ce chiffre tombait à 3 000 balles en 1825 et 1 000 en 182650. On explique cette chute de l’exportation toilière locale par l’accession à l’indépendance des anciennes colonies espagnoles et par l’intrusion des produits tissés au Royaume-Uni sur les marchés d’Amérique latine. Les filatures anglaises de tissage de coton et de lin offraient des toiles à moindre coût, lesquelles ont remplacé les productions françaises. Quant au marché intérieur français, vers lequel les ouvriers bretons ont tenté une percée après 1793, il a lui aussi été submergé par des toiles de lin importées de Belgique et d’Allemagne. Alors que les productions du centre-Bretagne étaient proposées à 36 sols l’aune en fabrique, leurs concurrentes ne dépassaient 26 sols à leur arrivée en France. L’opposition s’avérait par trop inégale et elle conduisait à une rapide disparition de la filière lin dans les Côtes-du-Nord.

    31C’est pourquoi les responsables départementaux, pendant une vingtaine d’années, se sont efforcés de préserver une activité qui faisait vivre une grande partie des habitants placés sous leur administration. Cela s’est d’abord traduit par des achats de graine de lin revendus à faible coût et destinés aux agriculteurs peu aisés, afin de réduire le prix de l’aune de toile51. De 1830 à 1847, il n’y a pas eu une session du Conseil général des Côtes-du-Nord où cette assemblée ne se soit préoccupée d’apporter son soutien au Trégor et à la manufacture des bretagnes52. Bien que certaines actions semblent s’être parfois s’être chevauchées entre les deux zones concernées, l’effort départemental a porté sur les techniques agricoles, le rouissage, l’amélioration de la transformation du lin en fil, la modernisation des métiers à tisser.

    32Au début de la monarchie de Juillet, un nommé Tanot fut envoyé en Flandre pour découvrir les méthodes de préparation du lin que l’on utilisait alors dans cette région53. En 1833, au retour de ce voyage, le Conseil général qui l’avait chargé de former des écoucheurs pouvait déclarer : « Des ouvriers se forment et bientôt ils s’établiront dans le pays de grande culture d’où l’on n’exportera plus que de la filasse54. » Tanot ne limitait pas son aire d’activité aux seuls Trégor et Goëlo, puisqu’en 1834 il exerçait aussi à Quintin55. L’optimisme des élus départementaux allait rapidement s’évanouir et, dès 1837, force était de constater que tous les ouvriers formés à la méthode flamande avaient abandonné ce mode de préparation. Objectivement, les membres du Conseil général reconnaissaient que cet échec tenait « au mécanisme porté au plus haut degré de perfection » alors que dans « ce pays… l’ouvrier dénué de ressources… fait ce que faisaient ses pères dans un autre siècle56 ».

    33C’est bien pour éviter semblable déconvenue que, dès 1836, les députés locaux, Armez et Glais-Bizoin, proposèrent au Conseil général, le choix « d’un homme intelligent, lequel serait envoyé en Irlande, en Écosse, en Belgique, en Saxe, en Silésie, enfin sur les différents points où il se fabrique des tissus de fil et où se trouvent les perfectionnements signalés57 ». Une année s’écoula avant qu’à l’issue d’une réunion préfectorale à laquelle assistèrent seulement cinq marchands de toiles, le choix se portât sur Frédéric Rouxel58. En août 1838, celui-ci rendait compte de son voyage qui lui avait permis de découvrir différentes façons de travailler le lin. Son périple lui avait fait découvrir la Flandre française, la Belgique, la Hollande, la Westphalie, le Hanovre, la Prusse, la Silésie, la Russie, l’Écosse et enfin l’Irlande. Dans chaque pays, il s’était intéressé à la nature des terres qui portaient du lin, à la préparation du sol avant culture, aux engrais utilisés. Son attention avait aussi été attirée par les méthodes de rouissage et de broyage ainsi que par les techniques de filature. De cet examen complet, Rouxel concluait à la nécessité d’utiliser des machines pour préparer le lin et aussi de créer une association des producteurs, à l’exemple de l’Irlande59.

    34Le voyage de Rouxel et sa présentation des usines Marshall de Leeds en Grande-Bretagne avaient définitivement convaincu les pouvoirs publics locaux de la nécessité d’importer des machines et de créer des usines. C’est ainsi que, dans sa session de 1839, le Conseil général des Côtes-du-Nord proposa d’accorder une prime de 60 000 francs à tout industriel ou à toute société susceptible d’implanter une usine à filer le lin à la mécanique60. Après des tentatives infructueuses auprès de la société Decarte-Girard-Van Troyen et Cie, seule la maison Schlumberger et Cie de Guebwiller donna un accord de principe. Toutefois, n’ayant pu trouver des capitalistes locaux désireux de s’associer à son entreprise, elle se retira au profit de Clerc-Kaiser et Cie du Havre. À son tour, cette entreprise adopta la même attitude et ce n’est pas l’augmentation de l’aide départementale portée à 90 000 francs qui pouvait modifier sa décision61.

    Efforts de modernisation 1840-1880

    35Puisque le monde industriel ne semblait accorder aucun intérêt à la survie de la manufacture, ses membres les plus dynamiques n’ont compté que sur leurs forces. Dès son retour de voyage, F. Rouxel avait installé dans la vallée du Gouët à Saint-Brieuc, une petite usine de sérançage et de filage du lin qui utilisait une machine importée d’Irlande62. Une autre alternative était désormais possible depuis que le mécanicien lannionnais Le Bonniec offrait, pour 300 francs, un appareil capable de réaliser à la fois le broyage du lin et son spatulage. Toutefois comme le constataient amèrement les membres du Conseil général, en 1841 : « ce ne sont pas les bonnes méthodes qui manquent à la fabrication, ce sont les capitaux ».

    36La création d’une filature de lin à Landerneau en 184563, a pu momentanément laisser croire aux agriculteurs trégorrois que le temps des désillusions était passé et qu’ils allaient pouvoir approvisionner cette nouvelle entreprise. Mais le produit qu’ils offraient ne répondait pas aux besoins d’une industrie moderne. C’est pourquoi, dès 1846, le Morlaisien Charles Homon, actionnaire de Landerneau, s’est évertué à modifier aussi bien les techniques agricoles que le rouissage et le teillage pratiqués dans le Trégor. À cet effet, il a fait venir des ouvriers de Bergues (Nord) et de Belgique, pour initier les paysans bretons à des méthodes qu’ils ignoraient64. Afin de convaincre plus aisément les sceptiques, Homon leur a aussi montré qu’un hectare de lin travaillé à la méthode bretonne ne rapportait que 725 francs au lieu des 1 000 francs espérés en suivant la méthode flamande65. Mais Homon et ses démonstrateurs étrangers ont reçu un mauvais accueil car ils perturbaient des pratiques ancestrales.

    37Il faudra attendre 1861 et la fondation du Comité Linier du Littoral, pour que des tentatives de réformes viennent de la zone de production elle-même. De son origine à 1883, le Comité a su réunir en son sein les représentants des différents comices agricoles du pays linier66. Chaque année, au chef-lieu d’un canton appartenant au groupement, un concours réunissait des candidats locaux qui, après un voyage en Flandre, acceptaient de présenter leurs productions réalisées selon les critères des filatures mécaniques du Nord67. Pour accroître le prestige des techniques nouvelles aux yeux du plus grand nombre, des prix étaient offerts par le département. Des tableaux comparatifs étaient aussi placardés, comparant le prix de vente des filasses bretonnes travaillées selon la méthode flamande avec ce qui se faisait traditionnellement. Les différentes subventions s’appliquaient aussi aux mécaniciens locaux qui, comme Tanvez de Guingamp, tentaient de commercialiser des petites machines à broyer le lin, en s’inspirant des engins utilisés dans la région lilloise68. Afin de donner plus de poids à sa démarche, le Comité linier du littoral a aussi entretenu d’étroites relations avec ses homologues du Nord et de Paris. Outre une correspondance régulière avec les principaux dirigeants lillois comme M. Dalle, le Comité linier du littoral a même obtenu que certains d’entre eux viennent faire connaître aux habitants du Trégor les pratiques utilisées dans leur région. C’est ainsi que l’on note la présence de M. Vallet-Rogez au concours de Pontrieux en 1880. On peut aussi imaginer que M. Werbruck le propriétaire d’une entreprise de teillage installée à Minihy-Tréguier, était originaire de la même région. La sollicitude des industriels flamands s’explique aisément si l’on sait que les Côtes-du-Nord occupaient alors la seconde place parmi les départements producteurs de lin en France. Mais la modernisation du Trégor semble avoir été laborieuse. À l’opposition psychologique déjà signalée contre Homon, se sont ajoutés des phénomènes de pollution conséquence d’un rouissage en eau courante. Il faudra attendre 1909 et une interdiction préfectorale pour voir disparaître cette technique69.

    La survie d’une proto-industrie 1880-1950

    38Si, en 1852, le Trégor cultivait encore près de 5 000 hectares de lin, la réduction des besoins, jointe aux exigences des différents filateurs a provoqué une diminution des surfaces consacrées à cette plante. La courbe de longue durée que nous avons pu réaliser concerne principalement le département mais, comme le Trégor représentait l’espace principal de production, les observations qui seront formulées ultérieurement peuvent lui être attribuées70.

    La culture du lin dans les Côtes-du-Nord de 1871 à 1968

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    39La principale caractéristique de la période évoquée se définit par un recul des surfaces consacrées au lin, même si trois phases d’inégale importance peuvent être relevées. La première va de 1880 à 1914, la seconde, de la Grande Guerre à 1940, enfin, une troisième et dernière inclut les années de l’Occupation et celles qui ont vu l’agriculture bretonne se transformer définitivement. Les causes générales du recul de l’activité linière ayant déjà été signalées, il importe seulement d’en relever les effets locaux.

    40La première période se caractérise par une certaine constance des emblavures, c’est-à-dire autour de 3 200 hectares pour le Trégor. Les écarts qui peuvent être observés pendant ces années, résultent aussi bien de problèmes météorologiques que de soucis de vente nés d’une conjoncture économique défavorable71 se caractérisant aussi par une évolution dans le goût des consommateurs. La survie de la liniculture dans le Trégor a été facilitée, au cours des dernières années du xixe siècle, par des lois protectionnistes72, à l’exemple de celle du 13 janvier 1892 qui prévoyait d’accorder des primes aux agriculteurs afin de les encourager à cultiver du lin ou du chanvre. Bien que cette aide ait été prolongée jusqu’après la guerre de 1914, on observe cependant une réduction des emblavures durant le conflit. On explique le fait par la conscription, à laquelle s’ajoutait la difficulté à s’approvisionner en graines flamandes, même si les besoins textiles de la nation étaient toujours plus importants. Une enquête économique réalisée pour la 10e Région Militaire en 1917 nous apporte quelques informations sur cette période73. L’auteur du rapport signale une modification des circuits commerciaux en liaison avec le théâtre des opérations militaires. Avant la guerre, 80 % du lin teillé dans le Trégor étaient expédiés dans le Nord, nettoyés à Courtrai, vendus en Irlande, mais l’occupation allemande a mis fin à ce commerce. On a donc vu, depuis Lannion, des navires chargés de ballots de filasse prendre la direction de l’Angleterre.

    41Dans les années d’après-guerre, si l’on observe une reprise de la culture du lin, le retour aux circuits traditionnels de vente a été malaisé, de nombreuses entreprises du Nord ayant été détruites. Il faut ajouter que, par la suite, le pays s’est trouvé confronté à la crise de 1929. Soucieux de lutter efficacement contre les effets d’un tel cataclysme économique, le gouvernement a imaginé que les subsides traditionnels seraient désormais versés aux teilleurs et non plus aux agriculteurs, ceci afin de maintenir une certaine stabilité des cours de la filasse. Une telle modification des aides a favorisé la contestation locale74 qui s’est aussitôt traduite par une chute importante des surfaces consacrées à la culture du lin. C’est ce qu’observait, dès le 8 octobre 1930, Le Trocquer, Conseiller général du canton de Pontrieux, avisant le ministre de l’Agriculture d’un effondrement des cours de plus de 50 %. La situation devenait si catastrophique que le gouvernement faisait parvenir au département, entre le 17 mars et le 15 décembre 1932, un fond d’aide de plus de 6 millions de francs. Celui-ci était destiné à venir en aide aux liniculteurs et aux teilleurs. Dans les années suivantes la question des primes à la surface cultivée ou au tonnage de filasse a continué d’agiter les conseils municipaux des différentes communes linières du Trégor. Ainsi le 18 janvier 1935, Sévegrand, directeur des Services agricoles départementaux, totalisait-il 28 communes demandant un retour à la loi de 1892, alors que seulement 5 communes, d’ailleurs porte-paroles des teilleurs, défendaient la prime à la filasse. C’est toutefois la minorité qui a eu gain de cause en 1936. À l’occasion d’une assemblée générale des producteurs français de lin tenue à Paris, les congressistes se sont fermement opposés à l’avis exprimé par l’arrondissement de Lannion. Toutefois le désir de survie des Lannionnais n’a pas été entamé par cette rebuffade et, en 1938, une nouvelle pétition demandant un retour à l’aide aux emblavures a été soumise au ministère de tutelle ; il était maintenant trop tard, et la période ne se prêtait guère aux préoccupations agricoles.

    42La défaite militaire puis l’occupation de la France en 1940 ont à nouveau perturbé la production linière du Trégor. Bien que les documents concernant cette période soient peu nombreux, ils permettent cependant de retrouver quelques éléments significatifs de ces tristes années75. En février 1942, J. Bénec’h, président du Syndicat des teilleurs de lin breton, rédigeait un rapport sur la liniculture dans les Côtes-du-Nord. Après avoir établi un lien entre la déclaration de guerre et le recul des emblavures, il énumérait d’autres causes, comme le défaut de bonnes graines, le manque d’engrais potassiques, le faible prix de vente des lins en paille. Ce qui avait été écrit un siècle auparavant se retrouvait donc à nouveau mentionné, à la différence que désormais l’organisation économique de la zone occupée était aux mains des Allemands. En 1941, le renouvellement de la semence s’était avéré catastrophique, les produits belges étant de mauvaise qualité et, pour 1942, on ne prévoyait de fournir, par hectare, que 60 kg de graines hollandaises et allemandes, au lieu des 150 kg généralement utilisés. Finalement, après bien des demandes, 1840 tonnes de graines importées sont finalement parvenues dans les Côtes-du-Nord. Pour les 1 500 hectares qui devaient être semés en lin, cela représentait un déficit de 30 kg par hectare. Bien que Bénec’h ait brièvement évoqué la rareté des engrais, il faut se souvenir du blocus militaire exercé par les troupes allemandes sur le littoral breton, et des difficultés qui en résultaient pour s’approvisionner en amendements marins. Comme enfin le prix de la filasse fixé par les autorités allemandes ne cessait de décroître, les agriculteurs ont modifié leurs rotations de culture. Il est vrai qu’un hectare consacré au lin ne rapportait plus que de 4 500 à 5 000 francs, tandis que la même surface destinée à la pomme de terre procurait de 12 à 13 000 francs. Avec la Libération on a pu croire que le Trégor allait une nouvelle fois surmonter la crise qu’il venait de vivre, mais l’embellie a été de courte durée, une nouvelle agriculture s’est imposée et les primeurs ont remplacé le lin.

    43On ne peut évoquer l’aventure linière du Trégor sans faire référence au teillage qui en est devenu le pendant obligatoire76. Dès 1853, à Kerousy (Plouguiel), la force hydraulique d’un moulin à farine a été utilisée pour mettre en mouvement des appareils susceptibles de transformer le lin en bois en filasse utilisable directement par l’industrie. Mais il a fallu attendre une génération, et surtout l’action du Comité linier du littoral, pour que le moulin à teiller se généralise dans la zone de culture. Ces nouvelles entreprises se sont installées au nord d’une ligne Guingamp-Plouaret-Morlaix puisant leur énergie dans Le Léguer, Le Jaudy, Le Trieux. Tout ce qui avait été au cours des siècles précédents une suite d’opérations manuelles commençait à se mécaniser77.

    44À l’antique braie on substituait maintenant une machine constituée de cylindres cannelés afin de briser les fibres. Après cette première opération le lin passait à l’épreuve des spatules, terme qui désignait des palettes actionnées par la roue à aubes. Le travail des ouvriers consistait à présenter les poignées de lin broyé face à des battoirs d’épaisseur différente, les premiers « dégrossissaient », tandis que les derniers « finissaient ». On désignait par ces expressions l’état plus ou moins avancé du travail sur les tiges. Il s’agissait d’une phase particulièrement dangereuse, et de nombreux teilleurs y ont perdu des doigts, voire des membres. Le produit obtenu contenait aussi bien les fibres ligneuses que la filasse et l’étoupe et leur séparation s’effectuait dans la « secoueuse ». Il s’agissait d’un grand tonneau rotatif à claire-voie qui tournoyait à grande vitesse et produisait un nuage de poussière. Au terme de toutes ces manipulations, il était opéré un tri. Les filasses longues, conditionnées par colis de 100 kg, étaient destinées aux filatures du Nord, les étoupes servaient aux papeteries et matelasseries locales, les graines aux huileries, enfin les déchets étaient brûlés dans les foyers des locomobiles. Même si le résultat était plus important qu’avec la méthode traditionnelle, la déperdition restait importante : pour une tonne de lin en bois les teilleurs n’obtenaient généralement que de 250 à 300 kg de bonne filasse.

    45Bien que l’utilisation de quelques machines à vapeur soit signalée par le rapport militaire de 1917, il a fallu attendre l’entre-deux-guerres pour observer une légère modernisation du teillage. 1922 correspond à l’utilisation d’une machine à vapeur à Kersaliou (Langoat) et à Logel-Uhelan (Lannion) et 1928, à la création de l’entreprise Thas (Langoat). Dans cette dernière entreprise, l’utilisation de teilleuses à turbines a marqué les esprits, car il s’agissait de machines capables de traiter le lin roui par nappes de 800 à 1 500 kg. Les pieds de la tige étaient d’abord travaillés entre deux tambours (turbines) puis la nappe pincée et retournée pénétrait dans un second corps qui en battait la tête. Par la suite on séparait la nappe des faisceaux fibreux que l’on compressait en vue de leur expédition. Cet établissement avec 68 personnes était le plus important du teillage trégorrois, alors que la majorité des artisans teilleurs n’employait que 5 à 8 ouvriers de mi-septembre à mi-juin.

    46Les derniers relevés concernant les entreprises de teillage de lin, permettent de retrouver une évolution déjà signalée à propos des emblavures78. Alors qu’en 1906 82 établissements de teillages étaient recensés, ce chiffre n’était plus que de 45 en 1926. On peut dire cependant que, si beaucoup de teilleurs ont survécu aux transformations de la première moitié du xxe siècle, cela tenait à leur faible taux d’investissement initial et aux possibilités qu’ils avaient d’interrompre leur activité en période de crise. Cette survivance d’une proto-industrialisation apparaît encore plus nettement lorsque l’on étudie la dernière statistique de cette activité79. Réalisée en 1953, elle comptabilisait encore 67 entreprises de teillage, dont 41 continuaient à utiliser l’énergie hydraulique (H), tandis que 18 faisaient appel à des moteurs (M), et que les 8 dernières associaient les deux techniques (H/M) :

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    47La décroissance des emblavures puis leur disparition définitive ont été fatales aux entreprises de teillage qui, en moins de cinq ans ont alors disparu, ne nous laissant aujourd’hui que le souvenir d’une épopée artisanale en milieu rural.

    Notes de bas de page

    1 Michel Morineau, Incroyables gazettes et fabuleux métaux, Londres-Paris, 1985.

    2 Henri Touchard, Le commerce maritime breton à la fin du moyen Âge, Paris, Les Belles Lettres, 1967.

    3 Jean Tanguy, Quand la toile va, Rennes, Apogée, 1994, p. 68.

    4 Ce terme est une francisation du mot breton « krez » qui désigne une chemise.

    5 L’origine de cette appellation vient du nom de Grâces, commune proche de Guingamp, mais on trouve aussi au xvie siècle la mention de toiles de « Tréguyer ».

    6 Jean Tanguy, Quand la toile va, op. cit., p. 126.

    7 Id., p. 45.

    8 Si on ne retrouve pas d’aussi grandes longueurs pour les toiles de la manufacture des bretagnes, la plupart du temps inférieures à 50 aunes (70 m), leurs largeurs étaient identiques à celles des crées, Jean Martin, Toiles de Bretagne, Rennes, PUR, 1998, p. 75.

    9 Comme celle qui est représentée sur le mur de Notre-Dame-de-Croaz-Batz à Roscoff.

    10 R. Blanchard, Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, Nantes, 1891-1895, acte n° 2463.

    11 Émile Coornaert, Les Français et le commerce international à Anvers, fin du xve-xvie siècle, Paris, M. Rivière, p. 118-119.

    12 René Couffon, « Coup d’œil sur le commerce de la Bretagne aux 15e et 16e siècles avec les Flandres et les villes hanséatiques », Mém. Soc. Émulation des Côtes-du-Nord, t. XCV, 1967, p. 11.

    13 L’arrêt du trafic de Penmarc’h, aux environs de 1565, est à relier aux événements qui affectaient alors l’Ouest de la France, Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, C 2461.

    14 René Couffon, « Coup d’œil sur le commerce de la Bretagne aux 15e et 16e siècles avec les Flandres et les villes hanséatiques », op. cit., p. 15.

    15 Jean Tanguy, Quand la toile va, op. cit., p. 68-81.

    16 Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, C 3929.

    17 André Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo, Saint-Malo, 1990, p. 499.

    18 Jean Tanguy, « La colonie anglaise de Morlaix », Mém. Soc. Hist. et Archéo. de Bretagne, t. LXXX, 2002, p. 79-81.

    19 Henri Lapeyre, Une famille de marchands, les Ruiz, Paris, 1955 et Hilario Casado Alonso, « Le commerce des marchandises de Bretagne avec l’Espagne au xvie sicle », Annales de Bretagne, t. 107, 2000, n° 2, p. 29-50. Jean-Philippe Priotti, Bilbao et ses marchands au xvie siècle, Lille, 2004.

    20 Dauphin Tempier, « Le compte d’un Breton voyageur de commerce en Espagne », Mém. Soc. Émulation des Côtes-du-Nord, t. XLI, 1903, p. 161-176.

    21 Mesure espagnole de longueur valant environ 0,875 m.

    22 Jean Tanguy, Quand la toile va, op. cit., p. 74.

    23 André Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo, op. cit., p. 429.

    24 Il serait faux de laisser croire que le tissage a complètement disparu du Trégor au cours de cette période, mais ses productions sont demeurées de qualité inférieure. Elles complétaient, tout au plus, les « emplettes » des exportateurs morlaisiens et malouins, et le prix de l’aune oscillait entre 1 livre 4 sols et 2 livres 5 sols. Pédernec s’était fait une spécialité dans les toiles d’emballage destinées à protéger les colis expédiés à Cadix, Archives départ. des Côtes-d’Armor, 6 L 44.

    25 Georges Minois (dir.), Les Côtes-du-Nord de la préhistoire à nos jours, Saint-Jean-d’Angély, 1987, p. 173.

    26 Corps d’observations de la Société d’agriculture, de commerce et des arts établis par les États de Bretagne, t. 1, années 1757-1758, Rennes, 1760, t. II, années 1759-1760, Paris, 1772.

    27 Jean Tanguy, op. cit., p. 29.

    28 Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, C 3929.

    29 Arch. départ. de Loire-Atlantique, C 660.

    30 M. Gaultier de Kermoal, « Esquisse de l’industrie linière dans le département des Côtes-du-Nord », Mem. Soc. Ém. des Côtes-du-Nord, t. III, p. 171-204.

    31 Archives personnelles de l’auteur.

    32 M. Gaultier de Kermoal, « Esquisse de l’industrie linière dans le département des Côtes-du-Nord », op. cit., p. 198.

    33 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 862, statistiques de 1852.

    34 Ibid., 6 M 865.

    35 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 867.

    36 Le document signale que « les engrais les plus utilisés dans l’arrondissement [de Lannion étaient] le goëmon et le sablon calcaire ».

    37 Henri Sée, « Un mémoire du Président de La Bourdonnaye-Montluc sur la culture et le commerce du lin », Annales de Bretagne, 1930-1931, p. 301-305 et Corps d’Observations…, op. cit., t. II, p. 203-219.

    38 Élie Gautier, Tisserands de Bretagne, Skol-Vreiz, Morlaix, 1988, p. 25.

    39 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 253.

    40 Habasque, Notions historiques, géographiques, statistiques et agronomiques sur le littoral du département des Côtes-du-Nord, Marseille, 1980, t. III, Coup d’œil sur l’ensemble du département des Côtes-du-nord, p. 79-80, n. 3.

    41 Ainsi les « linotiers » de Lanfains servaient-ils d’intermédiaires avec les ouvrières d’Uzel, Jean Martin, Toiles de Bretagne, op. cit., p. 101.

    42 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 936.

    43 Ibid., Recensement de 1836, communes cultivant plus de 50 ha de lin, 6 M, 42, 94, 99, 104, 132,161, 177, 216, 233, 253, 274, 315, 332, 337, 341, 368,376, 394, 410, 415, 419, 429, 441, 448, 458, 462, 465, 471, 492, 495, 504, 507, 519, 526, 552, 557, 559, 564, 566, 573, 577, 580, 594, 714, 725, 746, 750, 768, 786.

    44 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 1 L 587, 588, 589.

    45 Ibid., C 79/b.

    46 Ibid., C 79/a.

    47 Ibid., 6 M 936.

    48 Ibid., 6 M 866.

    49 Élie Gautier, Un siècle d’indigence. Pourquoi les Bretons s’en vont, Paris, Éditions Ouvrières, 1950, p. 30.

    50 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 1 N 12.

    51 Ibid., 7 M 119.

    52 Ibid., 1 N 16 à 33.

    53 Ibid., 1 N 18.

    54 Ibid., 1 N 19.

    55 Ibid., 1 N 20.

    56 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 1 N 23.

    57 Ibid., 1 N 22.

    58 Ibid., 1 N 23.

    59 Ibid., 1 N 24.

    60 Ibid., 1 N 25.

    61 Ibid., 1 N 25, 26, 27.

    62 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 1 N 27.

    63 Yves Blavier, La Société Linière du Finistère, Rennes, PUR, 1999.

    64 Id., p. 152.

    65 Id., p. 161.

    66 Cette association regroupait les représentants des cantons de Bégard, Châtelaudren, Guingamp, Lanvollon, Lézardrieux, Paimpol, Pontrieux, La Roche-Derrien, Tréguier, Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 9 M 14, pour tout ce qui concerne le Comité linier du Littoral.

    67 Il y eut 96 exposants au concours de Pontrieux en 1880.

    68 Ce petit matériel manuel était destiné, selon ses concepteurs, à un « teillage du lin en famille ».

    69 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 9 M 12.

    70 Ibid., 6 M 869, 870, 871, Annuaires de statistique agricole, INSEE, Rennes.

    71 Yves Blavier signale les conséquences de la dépression agricole qui affecte l’agriculture française après 1873 et conduit à la disparition de la Société Linière de Landerneau, op. cit., p. 211 et 214.

    72 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 7 M 119, pour les faits évoqués ci-dessous.

    73 Ibid., 9 M 3.

    74 Dans son compte rendu d’une réunion tenue à l’hôtel de ville de Lannion, en novembre 1930, le sous-préfet rapporte des propos anti-parlementaires tenus à cette occasion comme : « Ils [les députés] se moquent de nous…, formons un syndicat…, obtenons des pouvoirs publics un prix qui tiendrait compte du prix de revient et un contingentement du lin étranger. » Il est vrai qu’à cette date, sur le marché français, les lins soviétiques exerçaient un véritable dumping.

    75 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 22 W 49.

    76 Jean-Yves Andrieux, Daniel Giraudon, Teilleurs de lin du Trégor, Skol Vreizh, Morlaix, 1990.

    77 Op. cit., p. 53 à 59.

    78 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 870, 9 M 3.

    79 Musée de Saint-Brieuc, Liste des teillages de lin en en activité au 22 septembre 1953 et Louis Geffroy et Claire Geffroy, Le Lin du Trégor, 1986, p. 24.

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    1 Michel Morineau, Incroyables gazettes et fabuleux métaux, Londres-Paris, 1985.

    2 Henri Touchard, Le commerce maritime breton à la fin du moyen Âge, Paris, Les Belles Lettres, 1967.

    3 Jean Tanguy, Quand la toile va, Rennes, Apogée, 1994, p. 68.

    4 Ce terme est une francisation du mot breton « krez » qui désigne une chemise.

    5 L’origine de cette appellation vient du nom de Grâces, commune proche de Guingamp, mais on trouve aussi au xvie siècle la mention de toiles de « Tréguyer ».

    6 Jean Tanguy, Quand la toile va, op. cit., p. 126.

    7 Id., p. 45.

    8 Si on ne retrouve pas d’aussi grandes longueurs pour les toiles de la manufacture des bretagnes, la plupart du temps inférieures à 50 aunes (70 m), leurs largeurs étaient identiques à celles des crées, Jean Martin, Toiles de Bretagne, Rennes, PUR, 1998, p. 75.

    9 Comme celle qui est représentée sur le mur de Notre-Dame-de-Croaz-Batz à Roscoff.

    10 R. Blanchard, Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, Nantes, 1891-1895, acte n° 2463.

    11 Émile Coornaert, Les Français et le commerce international à Anvers, fin du xve-xvie siècle, Paris, M. Rivière, p. 118-119.

    12 René Couffon, « Coup d’œil sur le commerce de la Bretagne aux 15e et 16e siècles avec les Flandres et les villes hanséatiques », Mém. Soc. Émulation des Côtes-du-Nord, t. XCV, 1967, p. 11.

    13 L’arrêt du trafic de Penmarc’h, aux environs de 1565, est à relier aux événements qui affectaient alors l’Ouest de la France, Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, C 2461.

    14 René Couffon, « Coup d’œil sur le commerce de la Bretagne aux 15e et 16e siècles avec les Flandres et les villes hanséatiques », op. cit., p. 15.

    15 Jean Tanguy, Quand la toile va, op. cit., p. 68-81.

    16 Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, C 3929.

    17 André Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo, Saint-Malo, 1990, p. 499.

    18 Jean Tanguy, « La colonie anglaise de Morlaix », Mém. Soc. Hist. et Archéo. de Bretagne, t. LXXX, 2002, p. 79-81.

    19 Henri Lapeyre, Une famille de marchands, les Ruiz, Paris, 1955 et Hilario Casado Alonso, « Le commerce des marchandises de Bretagne avec l’Espagne au xvie sicle », Annales de Bretagne, t. 107, 2000, n° 2, p. 29-50. Jean-Philippe Priotti, Bilbao et ses marchands au xvie siècle, Lille, 2004.

    20 Dauphin Tempier, « Le compte d’un Breton voyageur de commerce en Espagne », Mém. Soc. Émulation des Côtes-du-Nord, t. XLI, 1903, p. 161-176.

    21 Mesure espagnole de longueur valant environ 0,875 m.

    22 Jean Tanguy, Quand la toile va, op. cit., p. 74.

    23 André Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo, op. cit., p. 429.

    24 Il serait faux de laisser croire que le tissage a complètement disparu du Trégor au cours de cette période, mais ses productions sont demeurées de qualité inférieure. Elles complétaient, tout au plus, les « emplettes » des exportateurs morlaisiens et malouins, et le prix de l’aune oscillait entre 1 livre 4 sols et 2 livres 5 sols. Pédernec s’était fait une spécialité dans les toiles d’emballage destinées à protéger les colis expédiés à Cadix, Archives départ. des Côtes-d’Armor, 6 L 44.

    25 Georges Minois (dir.), Les Côtes-du-Nord de la préhistoire à nos jours, Saint-Jean-d’Angély, 1987, p. 173.

    26 Corps d’observations de la Société d’agriculture, de commerce et des arts établis par les États de Bretagne, t. 1, années 1757-1758, Rennes, 1760, t. II, années 1759-1760, Paris, 1772.

    27 Jean Tanguy, op. cit., p. 29.

    28 Arch. départ. d’Ille-et-Vilaine, C 3929.

    29 Arch. départ. de Loire-Atlantique, C 660.

    30 M. Gaultier de Kermoal, « Esquisse de l’industrie linière dans le département des Côtes-du-Nord », Mem. Soc. Ém. des Côtes-du-Nord, t. III, p. 171-204.

    31 Archives personnelles de l’auteur.

    32 M. Gaultier de Kermoal, « Esquisse de l’industrie linière dans le département des Côtes-du-Nord », op. cit., p. 198.

    33 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 862, statistiques de 1852.

    34 Ibid., 6 M 865.

    35 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 867.

    36 Le document signale que « les engrais les plus utilisés dans l’arrondissement [de Lannion étaient] le goëmon et le sablon calcaire ».

    37 Henri Sée, « Un mémoire du Président de La Bourdonnaye-Montluc sur la culture et le commerce du lin », Annales de Bretagne, 1930-1931, p. 301-305 et Corps d’Observations…, op. cit., t. II, p. 203-219.

    38 Élie Gautier, Tisserands de Bretagne, Skol-Vreiz, Morlaix, 1988, p. 25.

    39 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 253.

    40 Habasque, Notions historiques, géographiques, statistiques et agronomiques sur le littoral du département des Côtes-du-Nord, Marseille, 1980, t. III, Coup d’œil sur l’ensemble du département des Côtes-du-nord, p. 79-80, n. 3.

    41 Ainsi les « linotiers » de Lanfains servaient-ils d’intermédiaires avec les ouvrières d’Uzel, Jean Martin, Toiles de Bretagne, op. cit., p. 101.

    42 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 936.

    43 Ibid., Recensement de 1836, communes cultivant plus de 50 ha de lin, 6 M, 42, 94, 99, 104, 132,161, 177, 216, 233, 253, 274, 315, 332, 337, 341, 368,376, 394, 410, 415, 419, 429, 441, 448, 458, 462, 465, 471, 492, 495, 504, 507, 519, 526, 552, 557, 559, 564, 566, 573, 577, 580, 594, 714, 725, 746, 750, 768, 786.

    44 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 1 L 587, 588, 589.

    45 Ibid., C 79/b.

    46 Ibid., C 79/a.

    47 Ibid., 6 M 936.

    48 Ibid., 6 M 866.

    49 Élie Gautier, Un siècle d’indigence. Pourquoi les Bretons s’en vont, Paris, Éditions Ouvrières, 1950, p. 30.

    50 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 1 N 12.

    51 Ibid., 7 M 119.

    52 Ibid., 1 N 16 à 33.

    53 Ibid., 1 N 18.

    54 Ibid., 1 N 19.

    55 Ibid., 1 N 20.

    56 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 1 N 23.

    57 Ibid., 1 N 22.

    58 Ibid., 1 N 23.

    59 Ibid., 1 N 24.

    60 Ibid., 1 N 25.

    61 Ibid., 1 N 25, 26, 27.

    62 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 1 N 27.

    63 Yves Blavier, La Société Linière du Finistère, Rennes, PUR, 1999.

    64 Id., p. 152.

    65 Id., p. 161.

    66 Cette association regroupait les représentants des cantons de Bégard, Châtelaudren, Guingamp, Lanvollon, Lézardrieux, Paimpol, Pontrieux, La Roche-Derrien, Tréguier, Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 9 M 14, pour tout ce qui concerne le Comité linier du Littoral.

    67 Il y eut 96 exposants au concours de Pontrieux en 1880.

    68 Ce petit matériel manuel était destiné, selon ses concepteurs, à un « teillage du lin en famille ».

    69 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 9 M 12.

    70 Ibid., 6 M 869, 870, 871, Annuaires de statistique agricole, INSEE, Rennes.

    71 Yves Blavier signale les conséquences de la dépression agricole qui affecte l’agriculture française après 1873 et conduit à la disparition de la Société Linière de Landerneau, op. cit., p. 211 et 214.

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    75 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 22 W 49.

    76 Jean-Yves Andrieux, Daniel Giraudon, Teilleurs de lin du Trégor, Skol Vreizh, Morlaix, 1990.

    77 Op. cit., p. 53 à 59.

    78 Arch. départ. des Côtes-d’Armor, 6 M 870, 9 M 3.

    79 Musée de Saint-Brieuc, Liste des teillages de lin en en activité au 22 septembre 1953 et Louis Geffroy et Claire Geffroy, Le Lin du Trégor, 1986, p. 24.

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