Version classiqueVersion mobile

Passions alpines

 | 
Sandro Guzzi-Heeb

Deuxième partie. Conservateurs, libertins et faux-monnayeurs : le XIXe siècle

Chapitre II. Parenté, « clans » et factions

Texte intégral

1Pour comprendre les mécanismes de la politique locale il est indispensable d’analyser le fonctionnement des factions. Dans la littérature spécialisée, la participation politique populaire est souvent expliquée à l’aide d’instruments conceptuels fortement influencés par les anthropologues, comme les catégories de parenté, de patronage ou de clientèle, ou le voisinage. C’est un aspect du phénomène que nous avons indiqué comme « anthropologisation » des couches populaires. Il faut donc se pencher d’abord sur l’influence réelle de ces facteurs.

La question de la parenté

  • 1 Nous pouvions le soupçonner : depuis les années 1980, des historiens tels que Gérard Delille, Giova (...)
  • 2 Laurence Fontaine, « Solidarités familiales et logiques migratoires en pays de montagne à l’époque (...)
  • 3 Voir David W. Sabean, Kinship in Neckarhausen, 1700-1870, Cambridge, Cambridge U.P., 1998 ; cf. Dav (...)

2Depuis plusieurs années, les études sur la parenté semblent être à nouveau à la mode. Pendant longtemps, les historien-ne-s et les sociologues avaient suggéré que les liens de parenté étaient destinés à s’affaiblir et à disparaître au cours du développement historique, victimes de l’industrialisation ou de la « modernisation ». Actuellement, nous savons que la situation est bien plus complexe1. Plusieurs recherches importantes, telles que les travaux de Laurence Fontaine, concernaient d’ailleurs la région alpine2. L’historien David W. Sabean a eu le mérite de proposer une synthèse de ses recherches et des connaissances de l’époque, en relançant le débat en 19983.

  • 4 D’autres phénomènes soulignent cette intensification des rapports dans la parentèle : les parrains (...)

3Entre-temps, plusieurs historien-ne-s ont notamment attiré l’attention sur un tournant fondamental qui peut être observé dans l’organisation de la parenté dès la moitié du XVIIIe siècle : la manifestation la plus spectaculaire de cette évolution est représentée par l’augmentation des mariages entre parents, qui a été signalée dans plusieurs régions européennes4.

4L’étude du cas bagnard apporte à notre sens quelques éléments intéressants à la discussion sur la parenté : le premier concerne la relation entre réseaux parentaux et construction de l’espace, que nous avons déjà évoquée dans la première partie et qui sera approfondie dans le chapitre v. Le second, et plus important, est lié au rapport entre parenté et politique. Les analyses qui suivent montreront que la parenté – ou les « clans » parentaux – ne sont pas simplement le fondement quasi-naturel de la politique locale. Si la parenté fonde dans certains cas des solidarités politiques évidentes, l’idéologie et la politique orientent en même temps les alliances et la reproduction des réseaux parentaux. La parenté n’influence pas seulement la politique, elle en est aussi influencée.

  • 5 Daniel Salamin, Pauvreté et assistance en Valais au XIXe siècle. Le cas de la commune de Bagnes,(...)

5Aux XIXe siècle, la parenté sera d’ailleurs soumise à une nouvelle pression par la politique : malgré les mesures « modernisatrices » contre les structures traditionnelles et collectives, adoptées par les différents régimes politiques, mais surtout par les libéraux-radicaux, le phénomène de la paupérisation entraînera une mise à contribution massive des parents : ces derniers, jusqu’au 4e degré canonique, sont rendus responsables de l’entretien des indigents et, dès la moitié du siècle, la politique de placements forcés des indigents chez les parents sera intensifiée5. Les interactions entre contexte politique et évolutions de la parenté devront donc être considérées avec beaucoup d’attention.

Construction de la parenté et réseaux de collaboration

6Dans la perspective des structures de l’alliance, le cas de Bagnes propose une évolution particulière : alors que phénomène des mariages consanguins s’intensifie dès la moitié du XVIIIe siècle dans la plupart des régions européennes, à Bagnes il suit une courbe inverse. L’apogée des mariages consanguins est en effet atteint au début du XVIIIe siècle – durant les années critiques 1720-1740 ; après cette date, ils diminuent sensiblement et se maintiennent au-dessous de 20 % pendant tout le XIXe siècle.

Tableau 27. – Mariages consanguins à Bagnes, 1700-1876.

  • 6 Jean-Henri Papilloud, Histoire démographique de Conthey (Valais), Fribourg, Éd. universitaires, 197 (...)

7Même confrontée avec d’autres communes de la région, à l’instar de Vouvry, l’évolution bagnarde est surprenante : à Vouvry – comme à Conthey, dans le Valais central6 – la courbe est conforme à celle de la plupart des régions européennes.

Tableau 28. – Mariages consanguins à Bagnes et à Vouvry 1700-1876, périodes de 50 ans.

  • 7 Malheureusement l’étude de Jean-Henry Papilloud sur Conthey ne nous fournit pas des chiffres précis (...)
  • 8 Une évolution semblable est observable à Sembrancher, près de Bagnes, où l’on constate une évolutio (...)

8Curieusement, les taux de consanguinité sont comparables, mais la chronologie est par contre décalée7. À Bagnes, l’augmentation du taux de consanguinité semble plutôt liée à une période de crise : durant la période 1720-1730, nous relevons un creux des mariages et des naissances – pour ces dernières, la phase de faiblesse se poursuit dans les années 1730. Les difficultés économiques semblent avoir engendré un retardement des mariages – entre 1710 et 1749 l’âge moyen au mariage grimpe de 28,75 à 30,38 ans – et une diminution de la natalité8.

  • 9 Dans la plaine du Rhône, nous pouvons observer depuis 1760 plusieurs symptômes d’un certain dévelop (...)

9Dans ces conditions difficiles, les familles ont opté pour des alliances plus rapprochées en terme de parenté, permettant vraisemblablement des arrangements plus économiques, grâce notamment à une collaboration et à une confiance entre les groupes respectifs. À Vouvry et à Conthey, la dynamique apparaît différente : l’intensification des mariages entre parents est la conséquence des transformations économiques et de l’augmentation rapide de la population à la fin de l’Ancien Régime et au début du XIXe siècle9.

10Dans des conditions favorables, par contre, les familles de Bagnes évitent des alliances trop rapprochées : dès que la situation économique s’améliore, après 1750, le taux de consanguinité diminue rapidement. La majorité des mariages entre parents est nouée entre consanguins ou affins au 4e degré (432), au 3e (217) ou au 3-4e degré (181). Pendant tout le XVIIIe siècle, le nombre des alliances entre cousins germains reste négligeable ; celles-ci s’intensifient à partir de 1820, même si, dans l’ensemble, elles demeurent marginales (37 sur 885 unions consanguines au total = 4,2 %).

11Cela va influer sur les modalités de coopération politique : comme nous l’avons vu, les réseaux politiques sont plutôt ouverts, les familles recherchent une diversification des rapports sociaux. En ce sens, les mécanismes de construction des solidarités locales ne peuvent pas se baser sur un modèle rigide de coopérations parentales prédéterminées : il sera nécessaire de considérer l’interaction de plusieurs réseaux.

Clans, factions ou milieux ?

  • 10 Par exemple Flora Madic, « De l’égalité problématique aux mariages utiles. Parenté et alliance dans (...)

12Les observations précédentes sont significatives puisque les études sur les conflits politiques locaux adoptent souvent – de façon plus ou moins explicite et consciente – un schéma d’interprétation trop simple : d’un côté une vision simplifiée de la famille, de l’autre une image hiérarchique de transmission des idées et des positions politiques du haut vers le bas. Les conflits apparaissent alors comme des luttes entre individus et familles de l’élite, chacune soutenue par sa clientèle politique. La tradition des études sur les sociétés paysannes nous pousse à interpréter des phénomènes politiques et sociaux des classes populaires comme des faits induits par des structures qui ne laissent que peu de place à l’individualité et aux opinions personnelles10.

  • 11 Voir par exemple Alain Clavien, « La modernisation du Valais », in J.-H. Papilloud (éd.), Histoire (...)
  • 12 Uli Windisch, Lutte de clans, lutte de classes – Chermignon la politique au village, Lausanne, L’Âg (...)

13Dans cette optique, plusieurs chercheurs et chercheuses ont interprété les conflits politiques alpins selon l’image de « clans » politiques, dominés par des structures familiales et des rapports de clientèle, le plus souvent sans préciser ce concept11. L’étude la plus détaillée sur ce problème porte sur le XXe siècle : elle a été réalisée par le sociologue Uli Windisch, qui s’est penché sur la commune de Chermignon, dans le Valais central12.

14Une analyse plus poussée de la lutte politique bagnarde fait apparaître une réalité plus complexe : si la parenté joue un rôle crucial et évident dans l’organisation des factions, l’unité des familles et des « clans » parentaux n’est point automatique. Au contraire, les choix individuels, les changements de stratégie jouent un rôle fondamental.

  • 13 Comme le conseiller Joseph Dumoulin, vers la moitié du siècle : Jean-Yves Gabbud, Enquête au temps (...)

15Relevons d’abord un fait structurel qui concerne le rôle politique des couches populaires. Du point de vue général, nous savons que les classes populaires – formées par des « laboureurs » (les gens qui travaillent la terre), des artisans, des éleveurs… – participent très activement à l’administration de la Commune, occupant parfois des charges importantes, comme celles de conseiller, parfois de vice-président ou même de président. Au milieu du siècle, le président conservateur de Bagnes, François Pourprix, est un tanneur d’origine française ; les conseillers sont souvent des paysans ou des laboureurs, et parfois ils ne savent pas écrire13. Dans les conflits politiques, l’image n’est pas différente : dans les listes de la Jeune Suisse, compilées après les affrontements de 1844, c’est une majorité de laboureurs et d’artisans – charpentiers, tonneliers, tisserands… – qui forme la colonne vertébrale de l’organisation.

16Du côté conservateur, l’image est identique : si les notaires jouent un rôle clé, plusieurs chefs de la Vieille Suisse, comme Jean-Joseph Alter ou Étienne Cretton, appartiennent à la classe des artisans. Cette participation populaire doit donc être étudiée attentivement, sans recourir hâtivement à des formules simplistes, comme la dépendance des notables locaux.

17Même la famille et la parenté ne sont pas suffisantes pour comprendre la logique des factions. Les grandes familles de la vallée, celles des notaires et des riches propriétaires, ne sont pas unies politiquement parlant : dans les années 1840, les Gard, qui depuis le XVIIIe siècle occupent les charges les plus importantes et répandent dans la commune des idées libérales, sont désormais rangés du côté conservateur. Cependant, Louis Gard – notaire, journaliste et chansonnier très connu – milite pour la Jeune Suisse, dont il se distancie en partie après les affrontements de 1844. La déchirure semble même plus profonde chez les Jacquemin : alors que plusieurs membres de la famille sont inscrits dans les listes de la Jeune Suisse en 1844, le notaire Pierre-Joseph est un des leaders de la Vieille Suisse. Son fils Maurice changera de camp pendant ou après les affrontements de 1844, pour se rallier aux conservateurs.

  • 14 Pour le reste, le groupe semble se diviser en branches, avec des couleurs politiques différentes : (...)

18La radicalisation de la Jeune Suisse et ses positions anticléricales ont contribué à bousculer les groupes en place : des responsables libéraux, tels que le notaire Georges-François Fusay, n’hésitent pas à changer de camp et à s’unir aux conservateurs. Ses anciens partenaires ne l’oublient d’ailleurs pas et s’acharnent contre lui et sa famille durant la « Bataille de Corberaye ». D’autres groupes sont divisés : le notaire François-Joseph Troillet figure depuis les années 1830 parmi les conservateurs et militera plus tard dans la Vieille Suisse, alors que son frère Benjamin, charpentier, figure dans les listes de la Jeune Suisse, comme de nombreux autres membres de leur groupe parental14. Le schéma d’interprétation de « clans » politiques opposés est donc décidément trop simple pour comprendre la politique locale.

Familles aux débuts d’une faction libérale-radicale 1831-1842

19Même si les positions de l’élite sont en partie instables, nous observons certaines constantes dans les organisations politiques. Depuis les années 1830-1840, nous pouvons en effet identifier certaines familles clairement libérales ou radicales, ainsi que d’autres conservatrices, qui représentent sur le long terme le noyau dur des deux factions.

  • 15 Selon notre classification généalogique, la branche Bessard 7, respectivement Dumoulin 6.

20Comme nous l’avons anticipé plus haut, les familles faisant partie du noyau radical ne sont pas, dans la plupart des cas, des familles de notables, mais issues des couches populaires, à l’instar des Bessard de Villette et du Châble ou des Dumoulin de Montagnier, de Villette et du Cotterg15. Ces familles – ou plus justement groupes parentaux – n’agissent pas simplement comme des protégés des notables radicaux, mais semblent plutôt cultiver et transmettre leurs propres positions idéologiques et religieuses de façon largement autonome. Mais comment s’organise la faction libérale radicale ?

21Pendant tout le XIXe siècle, les Filliez 4, famille de notaires du Châble, tiendront un rôle crucial dans le mouvement : c’est la branche entre autres de Maurice-Eugène Filliez, leader de la Jeune Suisse, plus tard préfet de l’Entremont et député au Grand Conseil valaisan, qui était d’ailleurs déjà sur le devant de la scène lors des conflits du XVIIIe siècle contre l’abbé de Saint-Maurice.

22Il n’est pas anodin de rappeler que les familles qu’on pourrait définir de « proto-libérales », actives dans l’opposition contre l’abbé au XVIIIe siècle et sous la République helvétique (Gard 1, Gard 7, Morend 10, Filliez 4, Michellod 5, Troillet 5, Troillet 7, en partie Besse 3 et Bruchez 3…), jouent un rôle structurel important dans le libéralisme de la première moitié du XIXe siècle. D’une part, plusieurs de ses membres participent aux premières manifestations radicales, telles que l’arbre de la liberté de 1831, les pétitions contre le conseil communal conservateur, ou encore la Jeune Suisse ; d’autre part, les autres individus et groupes apparentés à ces actions sont souvent alliés à ces familles.

  • 16 François-Joseph-Frédéric – Code GAR/7-6241, (1767-1848), notaire 1787-1838, entame sa carrière poli (...)

23Frédéric Gard et son fils Louis-Laurent sont des personnages centraux au moment des premiers balbutiements du libéralisme à Bagnes : ils descendent de la branche engagée dans la fondation de la Grande École du Châble en 1766 et très active sous la République helvétique16.

24Jean-Étienne Morend, le président de la commune qui a protégé les protagonistes de l’érection de l’arbre de la liberté libéral en 1831, est, descendant de deux émeutiers de 1745, membres d’une branche appartenant au noyau de l’opposition contre l’abbé de Saint-Maurice et au personnel de la République helvétique. Ce groupe sera également très important à l’intérieur de la Jeune Suisse, à l’instar de Louis Morend qui sera le vice-président du groupement bagnard.

25Parmi les signataires des premières pétitions libérales-radicales, on retrouve d’autres descendants des représentants de l’opposition du XVIIIe siècle : Étienne-Joseph Gard (Gard 1), Jean-Pierre Gard (Gard 7), Maurice-Louis Morend (Morend 10), Nicolas Farquet (Farquet 1), François-Joseph Maret (Maret 39) ou encore Isidore Troillet (Troillet 5)…

26Ces branches apparaissent comme les piliers de la faction libérale avant 1844 : elles sont de plus en plus côtoyées et soutenues par d’autres groupes, sans véritable tradition politique. Dans le tableau 29, nous avons représenté les branches principales de la Jeune Suisse, en attribuant à chaque composante une valeur correspondante au degré de participation politique sous la République helvétique et au XVIIIe siècle en général (où la valeur 1 est donnée à chaque activiste politique mentionné et 0,5 au conjoint d’activiste).

27Dans 28 cas sur 44, on constate une continuité politique évidente ; dans 14 cas, les branches de la Jeune Suisse ont joué un rôle actif sous la République helvétique. Concernant les nouvelles familles, elles sont ainsi souvent des alliées étroites des « vieux libéraux », comme dans le cas des Fellay 8 et des Dumoulin 6.

28Il ne suffit pas, en effet, d’indiquer des continuités politiques – relatives – dans les lignées patrilinéaires : il est important de mettre en lumière les réseaux créés par les lignées matrilinéaires, ainsi que par les alliances. Cela est fondamental si l’on veut comprendre la logique de construction des réseaux sociaux et politiques privilégiés, ainsi que des « milieux » spécifiques, sur lesquels nous reviendrons plus tard. Un exemple significatif est celui du groupe libéral Nicollier 18, descendant en ligne maternelle de groupes centraux de l’opposition du XVIIIe siècle.

Membres J. S.

Groupe

R. helvétique

Valeur XVIII

11

tro5

1

5

10

dum6

0

0

9

fel8

0

0

8

bsa7

0

0

8

mar47

1

2

7

fil4

0

5

7

mre10

2,5

6,5

6

bru31

0

0

6

gui7

0

0

5

bau1

0,5

3,5

5

bru28

1,5

1,5

5

fel37

0

0

5

jaq1

0

0

5

mca8

0

2

5

nic16

1

3

5

rey1

0

1

4

bov1

0

0

4

car9

0,5

0,5

4

cor5

0

0

4

fel27

0

1,5

4

fel34

0

2

4

gai1

0

3

4

mco5

1

6,5

4

nic18

0

0

4

plo1

0

2,5

4

tro7

1

3,5

4

vau10

1,5

2,5

3

bro5

0,5

1,5

3

bru20

0

4

3

bsa2

0

0

3

bse30

0

0

3

bse43

1

1,5-2,5

3

bso14

1

1

3

del14

0,5

2

3

des7

1

1,5

3

lui4

0

1

3

mar18

1,5

3

3

mca14

0

5

3

ore1

0

0

3

pac2

1

1,5

3

pac3

0

0,5

3

per4

1

1,5

3

ros2

0

0

3

tro4

0

0

Tableau 29. – Groupes actifs dans la Jeune Suisse et participation politique 1745-1803.

Figure 9. – Généalogie politique du groupe Nicollier 18 (II.2).
Légende : E = Émeutier (1745), en gras = activistes politiques. -------------- Parenté (cousin-e-s).

29Revenons aux Filliez du Châble, à l’époque des premières pétitions libérales : on voit aisément qu’ils sont étroitement liés par parenté ou par alliance aux familles des autres pétitionnaires. Joachim Pache est, par exemple, le beau-frère du frère ainé de Maurice-Eugène et un proche parent de la femme de Maurice-Eugène par sa tante. Filliez et Pache sont des alliés proches d’un autre groupe proto-libéral, celui des Morend 10, dont nous venons de parler. De plus, un frère de Joachim Pache est lié par alliance aux Fellay 27, une autre branche du milieu libéral. D’un point de vue structurel, les Filliez 4 apparaissent au centre du noyau libéral-radical par les liens de parenté et d’alliance. Voyons les données généalogiques dans la famille de Maurice-Eugène, de ses parents et grands-parents (tableau 30, page suivante).

30Nous voyons aisément que la plupart des partenaires proviennent de branches actives au début du mouvement libéral-radical (en gras). On observe le même phénomène pour la famille de Justin Nicollier, autre pétitionnaire de 1841. Nicollier est notamment lié – après 1857 par double alliance – à un autre groupe historique de l’opposition bagnarde, soit les descendants d’Étienne Gard, leader de l’opposition contre l’abbé de Saint-Maurice en 1745.

  • 17 Georges-François Fusay et Jean-Pierre Gard épousent deux sœurs, Marie-Geneviève (1806-1849) et Anne (...)
  • 18 Pierre-Alexis Bruchez and Jean-Chrisostome Besse épousent deux sœurs, Marie-Françoise (1794-1866) e (...)

31Ce réseau représente une tranche significative d’un milieu libéral-radical s’étant constitué depuis 1831. Les groupes parentaux mentionnés sont impliqués en partie en 1839 dans une entreprise industrielle, la fabrique de draps de Montagnier. Il s’agit de la principale manufacture de la vallée jusqu’au XXe siècle. Sa création est due à une société qui se constitue le 14 février 1839 devant le notaire Benjamin Filliez, frère du leader radical Maurice-Eugène Filliez. Elle se compose du président de la Commune, Georges-François Fusay (1803-1856), par son frère François-Joseph (1805-1854), leur beau-frère Jean-Pierre Gard (°1804)17 du Châble avec son frère Étienne (1814-1895) de Montagnier, les charpentiers Pierre-Joseph Morend (°1807) et Pierre-Alexis Bruchez (1800-1872) du Cotterg, Jean-Chrisostome Besse (1791-1854)18 de Versegères, beau-frère dudit Bruchez, et Louis Morend du Châble (voir tableau 31, page 155).

  • 19 François-Joseph Besse, qui signe la pétition libérale de 1839, est le frère de Chrisostome ; Frédér (...)

32Une vision même superficielle montre l’importance des liens familiaux afin d’assurer une certaine confiance dans les affaires : les fondateurs de la fabrique appartiennent à trois groupes parentaux, liés au même milieu libéral-radical19. Schématiquement, ce milieu est le prolongement des familles réformatrices de la fin du XVIIIe siècle et de leurs alliés.

Tableau 30. – Alliances dans la Famille de Maurice-Eugène Filliez, 1773-1863. Source : Casanova et al., Familles de Bagnes…, op. cit.

  • 20 Il faut toutefois remarquer que cette alliance, en tant que remariage sans enfant, crée un lien moi (...)

33Comme les tableaux le suggèrent, ces réseaux ne sont pas exclusifs, et plusieurs liens existent entre des branches solidement radicales et des réseaux parentaux conservateurs. François-Joseph Maret, président de la Jeune Suisse de Bagnes, devient par exemple le neveu de la femme de Pierre-Joseph Jacquemin, leader conservateur, lorsque sa tante épouse Jacquemin en secondes noces en 1838. Cette alliance – somme toute un peu particulière20 – était « préparée » par des unions précédentes dans le réseau parental et politique de Jacquemin : une autre tante de Maret avait épousé en 1806 Pierre-Zacharie Courthion, cousin de Jacquemin et appartenant à une autre branche du camp conservateur. Au sein de la société du Châble, nous observons aussi des familles mixtes, des fronts politiques qui s’ouvrent à l’intérieur même de certaines branches, comme notamment celle des Jacquemin.

Tableau 31. – Fondateurs de la fabrique de Montagnier et conjoints, liens familiaux, 1839. ex = étrangère.

Continuité et rupture : la Jeune Suisse et le milieu radical

  • 21 Selon ce système de classification, chaque individu est pourvu d’un code qui indique la parenté, la (...)

34Comme nous l’avons suggéré, nous pouvons discerner parmi les Jeunes Suisses certains groupes parentaux particulièrement nombreux. Comme groupe parental, nous considérons un groupe descendant des mêmes ancêtres selon la classification généalogique du CREPA21. Les branches qui priment parmi les Jeunes Suisses sont représentées dans le tableau 32.

35207 personnes sur 354 (58,5 %) comprises dans notre liste (épouses incluses) appartiennent à 43 groupes parentaux dont trois membres au moins apparaissent comme radicaux ou conjoints de radicaux. Sur ce point également, les rapports de parenté sont sous-estimés, puisque nous n’avons encore pas considéré la parenté par les mères et les grands-mères.

Tableau 32. – Groupes parentaux des membres de la Jeune Suisse, 1844 (avec au moins trois membres dans l’association).

36D’autre part, nous pouvons déceler une certaine structure hiérarchique, avec des chefs, des sous-chefs, des acteurs « principaux » et d’autres activistes sans mentions particulières. Certes, il faut rester prudent, puisque les attributions des rôles proviennent surtout des ennemis des radicaux et apparaissent, dans une certaine mesure, subjectives.

  • 22 Quelques autres personnages sont décrits par des caractères particuliers : on peut retenir que ces (...)

37La hiérarchie de la Jeune Suisse correspond néanmoins, et cela dans une large mesure, à la force de mobilisation familiale : en d’autres termes, les chefs et sous-chefs sont principalement des personnes pouvant compter sur un large soutien parental. Maurice-Eugène Filliez, leader des troupes radicales en 1844, et son frère François, décrit comme « un des chefs », sont au centre d’un groupe de sept personnes, composés de frères et sœurs ; Louis Morend, vice-président de la Jeune Suisse, et Pierre-Joseph Morend, « principal acteur des désordres » de 1844, également. François Rossier, « principal auteur de la bagarre de Montagnier », est aussi membre d’un groupe de trois personnes. François Maret, président de la section bagnarde de la Jeune Suisse (Maret 39), appartient à un groupe de deux personnes, mais il est en même temps le beau-frère d’Augustin Troillet (Troillet 5), membre du groupe le plus nombreux de la Jeune Suisse22.

38Il y a toutefois des exceptions : Michel Alter, un des militants les plus redoutés par les adversaires, appartient à un petit groupe (Alter 5). Il en est de même pour Maurice Luy, autre « mauvais sujet ».

39Il est à relever qu’une partie des groupes mentionnés apparaît au cœur de la faction radicale pendant tout le XIXe siècle, jusqu’à la fondation de l’« École libre » radicale en 1900.

40Le tableau 33 (voir à la fin de ce chapitre) représente la participation de 40 branches du noyau radical aux activités de leur faction entre la fin des années 1830 (une pétition radicale sans date, probablement autour de 1839) et le début du XXe siècle.

41Malgré la flexibilité des stratégies de l’élite, nous pouvons donc observer des éléments très clairs de formation de factions politiques stables, depuis les années 1830. Les mécanismes d’organisation, comme nous le verrons par la suite, ne sont pas des logiques de transmission « clientélaire », mais plutôt des logiques de transmission des idées et des attitudes politiques à l’intérieur de certains groupes parentaux. Cela nous pousse à nous interroger sur le concept de clientèle et sur les autres réseaux sociaux identifiables.

  • 23 Voir par exemple Clavien, La modernisation…, op. cit., p. 583.

42C’est durant les années 1840 qu’un courant radical organisé se manifeste à Bagnes. Comme nous l’avons indiqué plus haut, plusieurs historiens locaux ont évoqué dans le Valais du XIXe siècle, la présence de « clans » politiques dominés par des structures familiales23. En utilisant les catégories d’analyse du sociologue Uli Windisch, qui s’est penché sur la dynamique des clans dans la commune de Chermignon, nous pouvons nous demander si, au milieu du XIXe siècle, nous pouvons reconnaître une structure comparable, ou si les factions locales restent floues et changeantes. Parmi les caractéristiques décrites pas Windisch à propos des « clans » politiques du XXe siècle, nous retiendrons surtout les suivantes :

  • Hérédité : les allégeances politiques sont transmises des parents aux enfants.

  • Endogamie : les membres du même clan politique se marient de préférence entre eux.

  • Continuité : les changements de « clan » restent limités.

    • 24 Windisch, Lutte de classes…, op. cit., p. 87-132, notamment p. 105-120.

    Exclusion : la présence d’une famille dans un clan exclut, dans une certaine mesure, sa présence dans l’autre24.

  • 25 23 sont célibataires et 23 sont mariés à l’extérieur de la vallée. Avec 30 % de mariages à l’extéri (...)

43Nous pouvons entamer notre analyse des factions de Bagnes en considérant les événements des années 1840, sur lesquels nous possédons beaucoup d’informations. Notre travail d’identification nous a permis d’établir l’identité de 174 personnes – 173 hommes et une femme – accusés d’avoir participé aux activités de la Jeune Suisse ou étant signataires de pétitions radicales. En considérant les mariages, nous pouvons rassembler 188 informations sur l’état matrimonial de ces individus25.

44Parmi les épouses des radicaux, 146 femmes ressortissantes de la vallée ont pu être identifiées de façon sûre. Combien d’entre elles appartiennent à des familles comptant des membres radicaux connus ? La réponse est claire : la majorité des radicaux bagnards épousent des femmes appartenant à leur faction ou à leur milieu politique. Voilà les résultats pour les 146 femmes identifiées :

  • 26 Les catégories sont définies de la façon suivante : In = existence d’un rapport de parenté jusqu’au (...)

Épouses/catégories

72 appartiennent à la faction (in)26

49,3 %

31 sont liées par parenté à d’autres femmes de la faction (in-f)

21,2 %

8 sont liées à la faction par parenté éloignée

5,5 %

35 sont extérieures à la faction

24,0 %

Tableau 34. – Provenance des femmes des membres de la Jeune Suisse et liens politiques.

  • 27 De l’autre côté, il faut rappeler que l’analyse est partielle : nous n’avons pas pu considérer les (...)

45On pourrait supposer que ces résultats sont le fruit du hasard, les liens de parenté étant très nombreux, mais une analyse des types de lien de parenté montre que les rapports de proximité entre hommes et femmes du clan priment27 (voir tableaux 35 et 36).

46Le même constat vaut pour les épouses qui ne sont pas liées à un homme du clan, mais à d’autres femmes alliées de radicaux : la fréquence des liens de parenté diminue au fur et à mesure que le lien s’éloigne.

47Ce sont les rapports de parenté rapprochés qui contribuent à la cohésion de la faction, ou du milieu radical. Les rapports plus éloignés sont moins importants en tant que vecteurs de solidarité politique. Cette analyse demeure encore provisoire, puisque nous n’avons encore pas considéré les rapports de parenté par la mère ou les grands-mères.

Relation

Cas

Fille

4

Sœur

25

Nièce

7

Petite-fille

1

Cousine, 2e degré

12

Cousine, 3e degré

6

Cousine, 3-4e degré

2

Cousine, 4e degré

5

Parente éloignée : 4-5e degré

6

Parente éloignée : 5e degré

2

Parente éloignée : 5-6e degré

3

Tableau 35. – Provenance des femmes des membres de la Jeune Suisse et liens de parenté avec d’autres Jeunes Suisses.

Relations

Cas

Sœur-sœur

7

Tante-nièce

3

Cousines, 2e degré

11

Cousines, 2e-3e degré

5

Cousines, 3e degré

4

Cousines, 3-4e degré

2

Cousines, 4e degré

0

Tableau 36. – Provenance des femmes des membres de la Jeune Suisse et liens de parenté avec d’autres femmes du même groupe (catégorie « in-f »).

48La faction conservatrice a une structure parentale semblable : le noyau est formé par un groupe de familles conservatrices étroitement entrelacées par des liens de parenté et de parrainage. Nous pouvons la représenter comme un réseau autour du notaire Pierre-Joseph Jacquemin et sa famille, alliée avec d’autres leaders conservateurs tels que Jean-Joseph Courthion (Courthion 3), les frères Michellod du Sappey (Michellod 20), et plus tard avec la famille d’Étienne Cretton (Cretton 2). Des rapports plus éloignés existent avec d’autres groupes conservateurs, tels que les Besson 4.

49Ces alliances sont renforcées par la parenté spirituelle : le chef conservateur Pierre-Joseph Michellod est par exemple le filleul du notaire Jacquemin, et sa marraine est un autre membre de la même famille.

50Le recrutement des signataires des pétitions conservatrices de 1839-1842 suit visiblement une logique parentale similaire, avec la signature de plusieurs membres d’un même groupe parental.

51Si nous considérons par exemple le groupe Besson, nous constatons que les victimes de la Bataille de Corberaye, les partisans connus de la Vieille Suisse et les signataires de la pétition conservatrice des 640, appartiennent à deux branches bien délimitées (Besson 3-1162 de Verbier et Médières, Besson 4-112 de Verbier). La même observation s’applique à d’autres groupes, tels que les Corthay 5, les Cretton 2, etc.

52Le tableau 37 (structuré comme le tableau 33 et également situé en fin de chapitre) représente les continuités visibles dans la faction conservatrice : il faut considérer que les données sont beaucoup plus denses et précises pour la première moitié du siècle, grâce notamment à deux pétitions de 1839 et 1842.

53Comme chez les libéraux, la trame de la faction conservatrice ne se dessine pas à court terme. Les familles composant le noyau conservateur sont essentiellement celles des exclus de la fin du XVIIIe siècle et de la période républicaine, pendant lesquelles les branches proto-libérales, protagonistes de la résistance contre l’abbé de Saint-Maurice, sont arrivées au pouvoir.

  • 28 Casanova et al., Familles de Bagnes, op. cit., vol. 3 ; Rust, Au val de Bagnes, p. 61. La charge de (...)

54Apparemment ce sont ces groupes proto-libéraux qui contrôlent les charges communales pendant les années 1830, avec Frédéric Gard, Jean-Étienne Morend et Georges François Fusay à la présidence de la commune, qui sont impliqués dans plusieurs conflits avec le notaire Jacquemin et ses alliés, notamment les Courthion. Les Jacquemin sont issus d’une famille alliée à l’abbé sous l’Ancien Régime : Jean-Matthieu Jacquemin était « marguiller » (gardien, procureur et sacristain) de l’église paroissiale, et ainsi un étroit collaborateur du curé et des chanoines de Saint-Maurice. Une charge que la famille conserve au XIXe siècle, avec François-Emmanuel, né en 1872, qui sera le dernier marguillier de la lignée des Jacquemin28.

55C’est vers la fin des années 1830 que l’opposition conservatrice s’organise et se manifeste au travers de plusieurs pétitions, par exemple dans celle de 1839 qui demande le maintien de la constitution de 1815. Les conflits constitutionnels de 1839 et la radicalisation d’une partie du mouvement libéral permettront à cette faction de s’installer durablement à la tête de la commune en 1841.

56La continuité familiale dans les factions et la tendance endogamique ne déterminent toutefois pas des « clans » fermés, mais plutôt der réseaux sociopolitiques denses, des solidarités parentales et politiques qui construisent un milieu spécifique à l’intérieur de la société locale. Nous verrons dans le chapitre suivant quels autres facteurs renforcent la cohésion de ces milieux.

Exclusion et cohérence des factions

  • 29 MCA/14-8* signifie la descendance de l’individu caractérisé par le code MCA/14-8 (frère 14-3 et de (...)

57Avant d’approfondir le discours, il est important de vérifier nos résultats. Notons d’abord qu’en général nous pouvons relever un partage assez évident entre groupes parentaux radicaux et conservateurs, même à l’intérieur d’une même branche. On retrouve des membres de la branche Michaud 14 à la fois dans les factions conservatrice et radicale : les conservateurs appartiennent, toutefois, aux groupes MCA/14-3 * et MCA/14-63 *, résidant à Verbier, Médières et Lourtier, alors que tous les radicaux connus appartiennent au groupe MCA/14-8 * de Villette29. Mais quels sont les rapports entre les groupes ? S’il est vrai qu’il existe une endogamie évidente à l’intérieur des factions, les mariages entre affilié-e-s des factions opposées devraient être plutôt rares. Est-ce bien le cas ?

  • 30 Cette analyse pose quelques problèmes méthodologiques : l’identification des conservateurs est souv (...)

58Il faut avant tout rappeler que les factions ne constituent pas des sociétés étanches et que, pendant toute la période étudiée, les réseaux matrimoniaux et sociaux demeurent ouverts et perméables, ce qui permet d’éviter des conflits encore plus dramatiques, qui auraient pu déchirer la commune. En effet, même à l’époque de la forte polarisation des années 1830-1840, des mariages entre familles appartenant aux factions opposées avaient lieu : au moins vingt hommes identifiés comme membres de la faction radicale se marient avec des femmes issues de familles composées de conservateurs30.

  • 31 Notamment des groupes Cretton 2, Courthion 3 du Châble et Fellay 27.

59Pour être plus précis, nous avons considéré séparément les membres de la Jeune Suisse en 1844 et leurs femmes – pour un total de 140 hommes et 86 femmes identifiées. Comme nous l’avons vu, la plupart d’entre elles étaient des parentes proches d’autres éléments radicaux (34) ou de leur épouse (36) ; mais au moins dix étaient issues de familles plutôt conservatrices, sans liens étroits avec les radicaux31.

60Nous frôlons les limites de la méthode d’analyse choisie, puisqu’il est toujours problématique de parler de « familles conservatrices » ou « radicales » en général. Mais l’historien-ne ne peut se baser que sur les données qu’il-elle possède : ne connaissant pas les positions politiques de chaque individu, une certaine approximation est inévitable.

  • 32 Comme je l’ai suggéré plus haut, la signature sous une pétition n’a pas le même poids politique que (...)

61Deux conclusions sont claires : d’un côté, il y a une préférence évidente pour des partenaires proches de la même faction. De l’autre, les confins entre les deux groupes ne sont ni absolus, ni rigides : dans plusieurs cas, les radicaux de la Jeune Suisse avaient des parents proches, soit parmi les radicaux, soit parmi les signataires des pétitions conservatrices32.

  • 33 U. Windisch, Lutte de classes…, op. cit.

62En ce sens, pour le XIXe siècle, nous pouvons parler de deux factions opposées plutôt que de deux « clans », dans le sens du mot utilisé par Uli Windisch et par de nombreux historiens valaisans33. Le concept de « clan » politique apparaît trop rigide, ne permettant pas de comprendre les réagencements continuels des factions opposées, et de plus il minimise l’autonomie idéologique des individus.

*

63Comme nous l’avons souligné, l’appartenance à une certaine branche ne suffit donc pas à déterminer les allégeances politiques : la parenté n’est qu’un élément dans la constitution d’un certain milieu. Certaines branches, telles que les Michaud 14, déjà mentionnés, les Corthay 5, les Vaudan 10 ou les Collombin 2, sont en outre très vastes et se divisent de fait dans plusieurs sous-branches souvent établies dans des villages différents. Dans ces cas, il est important d’affiner l’analyse et d’étudier des groupes plus restreints. Dans le cas des Corthay, par exemple, on retrouve plusieurs membres conservateurs dans les villages plutôt traditionalistes de Médières et de Verbier ; les Corthay du Châble, au contraire, ont plusieurs liens avec la faction radicale.

64De plus, les familles et les groupes parentaux se sont toujours efforcés d’éviter une rupture radicale entre les factions opposées, en essayant à chaque reprise de recoudre les réseaux qui menaçaient de se déchirer. Il est intéressant d’observer que plusieurs mariages entre Jeunes Suisses et des femmes de familles conservatrices (4) eurent lieu dans les années 1845-1847, ce qui suggère une stratégie active de recomposition des réseaux sociaux après le choc violent de 1844.

65En 1846, André-Frédéric Filliez, le frère du leader radical, devient le parrain d’un enfant d’Étienne-Joseph Cretton, qui a été à la tête des conservateurs. C’est le seul rapport social significatif documenté entre les deux familles, et la seule interprétation vraisemblable est qu’il s’agit d’un rapprochement, à une époque où Maurice-Eugène Filliez est en exile et sa famille a besoin d’appuis dans la commune et dans l’Entremont. La même année, un membre du groupe radical Bessard épouse une femme du groupe Courthion 3, famille qui a été parmi les victimes de la bataille de Corberaye ; dans ce cas comme dans d’autres unions célébrées à cette époque, on reconnaît un effort de pacification nécessaire entre les deux camps politiques opposés. Même si nous observons la clientèle des notaires radicaux ou conservateurs, nous voyons qu’elle ne se partage pas rigidement selon les couleurs politiques, mais que les interactions entre les deux camps restent importantes. Par ce biais, les violents conflits politiques ne débouchent jamais sur une déchirure radicale des réseaux sociaux de la commune.

Tableau 33. – Structure parentale des factions : la faction radicale. Mobilisation politique lors d’actions libérales-radicales, 1830-1900 (activistes et conjoints).
Légende : h : hommes ; f : femmes (épouses) ; Valeur : somme des mentions de membres du groupe (y compris les épouses des activistes) ; Valeur pondérée : chaque mention d’homme a une valeur de 1 ; les épouses ont une valeur de 0,5.

Tableau 37. – Structure parentale des factions : la faction conservatrice. Mobilisation politique lors d’actions conservatrices, 1830-1900 (activistes et conjoints).
Légende : h : hommes ; f : femmes (épouses) ; Valeur : somme des mentions de membres de la branche (y compris les épouses des activistes) ; Valeur pondérée : chaque mention d’homme a une valeur de 1 ; les épouses ont une valeur de 0,5 ; NC : Noyau conservateur ; B. mixte : Branche mixte du point de vue politique.

Notes

1 Nous pouvions le soupçonner : depuis les années 1980, des historiens tels que Gérard Delille, Giovanni Levi, Osvaldo Raggio, Martine Ségalen, ou Franco Ramella, nous avaient rendu attentifs aux rapports complexes entre parenté, organisation sociale, développement économique et historique. Voir Giovanni Levi, « Family and Kin – a few thoughts », in Journal of Family History 15, 1990, p. 567-578 ; Gérard Delille, Famille et propriété dans le Royaume de Naples (XVIe-XIXe siècle), Paris et Rome, École française de Rome, 1985 ; Franco Ramella, Terra e telai. Sistemi di parentela e manifattura nel Biellese dell’Ottocento, Torino, Einaudi, 1984 ; Osvaldo Raggio, « Parentèles et espace politique en Ligurie à l’époque moderne », in Stuart Woolf (éd.), Espaces et familles dans l’Europe du Sud à l’âge moderne, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1993. Cf. Martine Segalen, Quinze générations de Bas-Bretons ; parenté et société dans le pays bas-bigouden sud 1720-1980, Paris, 1985.

2 Laurence Fontaine, « Solidarités familiales et logiques migratoires en pays de montagne à l’époque moderne », in Annales E.S.C. XLV 1990 ; idem, « Les Alpes dans le commerce européen (XVIe-XVIIIe siècles) », in J.-F. Bergier, S. Guzzi (éd.), La découverte des Alpes ( = Itinera, n. 12), Basel, 1992, p. 130-152 ; voir aussi Ulrich Pfister, « Regionale Spezialisierung und Handelsinfrastruktur im Alpenraum, 15.-18. Jahrhundert », in idem (ed.), Regional development and commercial infrastructure in the Alps. Fifteenth to eighteenth centuries, Bâle, 2002 ( =Itinera 24). Pour la région alpine : Luigi Lorenzetti, « Les élites “essinoises” du XVIIe au XIXe siècle : alliances et réseaux familiaux », in Anne-Lise Head, Luigi Lorenzetti, Béatrice Veyrassat (éd.), Familles, parenté, réseaux en Occident (XVIIe-XXe siècles). Mélanges offerts à Alfred Perrenoud, Genève, 1999 ; Jon Mathieu, « Verwandtschaft als historischer Faktor. Schweizer Fallstudien und Trends, 1500-1900 », in Historische Anthropologie 10, 2002, p. 225-244 ; idem, « Ein Cousin an jeder Zaunlücke. Überlegungen zum Wandel von Verwandtschaft und ländlicher Gemeinde, 1700-1900 », in Margareth Lanzinger, Edith Saurer (ed.), Verwandtschaft und Geschlecht in der europäischen Geschichte, München, 2005.

3 Voir David W. Sabean, Kinship in Neckarhausen, 1700-1870, Cambridge, Cambridge U.P., 1998 ; cf. David Warren Sabean, Simon Teuscher, Jon Mathieu, Kinship in Europe : Approaches to the Long-Term Development (1300-1900), New York and Oxford, Berghahn Books, 2007.

4 D’autres phénomènes soulignent cette intensification des rapports dans la parentèle : les parrains et les marraines sont de plus en plus recherchés à l’intérieur du cercle des parents, et on observe de plus en plus de préférence pour les parents même dans les collaborations politiques et économiques : voir Sabean, Kinship in Neckarhausen…, op. cit. ; Sandro Guzzi-Heeb, Donne, uomini, parentela…, op. cit.

5 Daniel Salamin, Pauvreté et assistance en Valais au XIXe siècle. Le cas de la commune de Bagnes, mémoire de licence, université de Genève 1976, p. 15 et 73-74 ; Christine Fellay, La commune de Bagnes (1814-1857), mémoire de licence de lettres, Genève, 1980, p. 70-78.

6 Jean-Henri Papilloud, Histoire démographique de Conthey (Valais), Fribourg, Éd. universitaires, 1973, p. 94-97.

7 Malheureusement l’étude de Jean-Henry Papilloud sur Conthey ne nous fournit pas des chiffres précis : le graphique à la page 95 nous indique néanmoins une évolution comparable à celle de Vouvry, mais avec des taux supérieurs, qui dépassent le niveau de 50 % dans les périodes 1791-1800, 1806-1810 et 1831-1835. Jean-Henri Papilloud, Histoire démographique de Conthey, op. cit., p. 94-97. L’exemple de Bagnes rappelle le modèle proposé par Raul Merzario à propos des vallées du Diocèse de Côme. Dans les vallées de montagne, selon Merzario, plusieurs facteurs influencent la tendance à l’endogamie locale : la taille réduite des villages, le morcellement de la propriété… l’encouragent des collaborations entre les parents dans la perspective de la conservation du patrimoine familial. L’argument des communautés « étroites », selon la formule de Merzario (« il paese stretto »), ne peut toutefois pas être accepté sans nuances : voir Raul Merzario, Il paese stretto. Strategie matrimoniali nella diocesi di Como. Secoli XVI-XVIII, Torino, Einaudi, 1981. Dans des conditions plus favorables, comme à Bagnes, la majorité de la population préférait éviter des alliances trop rapprochées : la communauté, du reste, était étendue et populeuse, et le marché matrimonial était vaste.

8 Une évolution semblable est observable à Sembrancher, près de Bagnes, où l’on constate une évolution comparable de la consanguinité : registres de la paroisse de Sembrancher, saisis dans une base de données informatique en possession du Crepa, Sembrancher.

9 Dans la plaine du Rhône, nous pouvons observer depuis 1760 plusieurs symptômes d’un certain développement économique : une commercialisation de l’agriculture, la diffusion d’activités artisanales, quelques nouvelles manufactures… L’augmentation démographique ne peut pas être quantifiée avant 1798, mais là aussi plusieurs indices nous révèlent une nouvelle dynamique : l’âge au mariage diminue, la nuptialité et la fécondité des couples augmentent. Voir S. Guzzi-Heeb, Donne, uomini, parentela…, op. cit., p. 221-242. À Bagnes, par contre, la population est plus ou moins stable jusqu’en 1790 et cela semble permettre une autre organisation parentale.

10 Par exemple Flora Madic, « De l’égalité problématique aux mariages utiles. Parenté et alliance dans une société à parentèle (Mase, alpes suisses) », in L’Homme 154-155, 2000, p. 467-480.

11 Voir par exemple Alain Clavien, « La modernisation du Valais », in J.-H. Papilloud (éd.), Histoire du Valais, vol. 3, Sion, 2002, p. 581-635, 583 ; Gérard Joris, « La vie politique de l’Entremont à la fin du XIXe siècle », in Groupe valaisan de Sciences Humaines (éd.), Société et culture du Valais contemporain, Sion, 1974, p. 151-173, notamment p. 152-153.

12 Uli Windisch, Lutte de clans, lutte de classes – Chermignon la politique au village, Lausanne, L’Âge de l’Homme, 1986.

13 Comme le conseiller Joseph Dumoulin, vers la moitié du siècle : Jean-Yves Gabbud, Enquête au temps de la bataille de Corberaye, Sion, Éditions VP, 1997, p. 86.

14 Pour le reste, le groupe semble se diviser en branches, avec des couleurs politiques différentes : les radicaux appartiennent à la branche 5-23 et 5-35, où nous pouvons reconnaître des solidarités politiques jusqu’au 3e degré de parenté.

15 Selon notre classification généalogique, la branche Bessard 7, respectivement Dumoulin 6.

16 François-Joseph-Frédéric – Code GAR/7-6241, (1767-1848), notaire 1787-1838, entame sa carrière politique et militaire à la fin de l’Ancien Régime. Sa biographie met en exergue certaines continuités entre le groupe proto-libéral du XVIIIe siècle et les débuts du libéralisme bagnard. Capitaine au service d’Espagne, du dizain d’Entremont et banneret ; membre du comité général des communes du Bas-Valais (3-5 février 1798), alors que son père était membre du comité exécutif sous la République helvétique ; président de la commune 1807-1808, 1813, 1815, 1817-1825, 1828, 1831-1835 ; conseiller 1806, 1821-1823, vice-châtelain dès le 21 janvier 1814, châtelain de Bagnes 1815-1818, 1821-1825 ; grand-châtelain d’Entremont 1824-1825, président du dizain 1807-1827, préfet-juge 1815, préfet d’Entremont 1815-1826, 1832-1836 ; député à la diète 1807-1810, député à la diète cantonale 1816-1837, député au Grand Conseil 1847-1848. Ami et correspondant du doyen Bridel, savant vaudois bien connu à son époque, Frédéric Gard dirige les forces progressistes de la commune et contribue à répandre les idées libérales dans la vallée. Comme son père, il est déjà particulièrement actif durant les événements de 1798. Élu juge de district le 22 juillet 1798, il est nommé capitaine du bataillon oriental par le Directoire exécutif le 4 mars 1799, puis commissaire des guerres du District d’Entremont, et enfin électeur en juillet 1801. Lors du passage de l’armée de réserve de Bonaparte en 1800, en tant que commissaire du gouvernement valaisan, il promet 500 civils de renfort au général Marmont. En avril 1802, il critique le gouvernement helvétique, entraînant avec lui une partie de la commune. Le 9 août 1802, il réside à Saint-Maurice, avec le grade de capitaine. Le 12 février 1803, il est reçu membre de la loge maçonnique du Mont-Joux-St-Bernard à Martigny. Sa seconde femme, Madeleine Duc de Conthey, est fille de Jean-Joseph, membre du Sénat helvétique.

17 Georges-François Fusay et Jean-Pierre Gard épousent deux sœurs, Marie-Geneviève (1806-1849) et Anne-Patience Nicollier (1804-1852).

18 Pierre-Alexis Bruchez and Jean-Chrisostome Besse épousent deux sœurs, Marie-Françoise (1794-1866) et Anne-Catherine Collombin (1803-1864).

19 François-Joseph Besse, qui signe la pétition libérale de 1839, est le frère de Chrisostome ; Frédéric Besse (peut-être membre de la Jeune Suisse, bien que l’identification soit incertaine) est un cousin. De plus la sœur de Chrisostome (BSE/43-5344) est la femme de Benjamin Guigoz, un Jeune Suisse. Pierre-Alexis Bruchez (BRU/20-34333) est le cousin d’un signataire de pétitions libérales. Étienne-François Besse, BSE/30-161132, charpentier à la fabrique, est le frère d’un autre radical, Étienne-Joseph Besse (BSE/30-161134, de Versegères, membre de la Jeune Suisse.

20 Il faut toutefois remarquer que cette alliance, en tant que remariage sans enfant, crée un lien moins fort entre deux familles, parque il n’y a pas d’enjeux héréditaires. Les remariages suivent souvent une logique propre, moins contraignante pour les familles, que les premières unions avec enfants.

21 Selon ce système de classification, chaque individu est pourvu d’un code qui indique la parenté, la branche en ligne paternelle, la filiation et la génération par rapport à l’ancêtre originaire : par exemple TRO/5-2425 (fils ou fille de TRO/5-242, à son tour fils ou fille de TRO/5-24…), MAR/49-21.10.14, etc. Le code permet donc de reconnaître les liens de parenté (TRO5-24 et TRO/5-25 sont des frères ou sœurs), mais uniquement en ligne paternelle.

22 Quelques autres personnages sont décrits par des caractères particuliers : on peut retenir que ces personnes devaient avoir un rôle particulier et étaient plus redoutées que d’autres. Or, ici également, la parenté semble jouer un rôle non négligeable. Il y a surtout des « mauvais sujets » et des « intrigants » : Louis Fellay, redouté en tant que mauvais sujet, appartient aux Fellay 37, groupe de cinq personnes. Maurice-Eugène Fellay, qualifié par les conservateurs d’« intrigant », est aussi le représentant d’un groupe nombreux (Fellay 8)… L’attribution d’« intrigant » indique-t-elle une capacité de mobilisation des parents ou d’un réseau ?

23 Voir par exemple Clavien, La modernisation…, op. cit., p. 583.

24 Windisch, Lutte de classes…, op. cit., p. 87-132, notamment p. 105-120.

25 23 sont célibataires et 23 sont mariés à l’extérieur de la vallée. Avec 30 % de mariages à l’extérieur, le taux d’exogamie est de 13,6 %, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne du XIXe siècle (9 % ca) : Sauvain-Dugerdil, Richard, 1998, p. 31.

26 Les catégories sont définies de la façon suivante : In = existence d’un rapport de parenté jusqu’au 4e degré avec un homme figurant sur les listes des radicaux connus ; in-f = existence d’un rapport de parenté jusqu’au 4e degré avec une épouse d’un radical connu ; loin = existence d’un rapport de parenté au-delà du 4e degré avec un radical connu ; ex = aucun rapport de parenté connu avec des radicaux ou leurs conjoints.

27 De l’autre côté, il faut rappeler que l’analyse est partielle : nous n’avons pas pu considérer les rapports de parenté par voie maternelle.

28 Casanova et al., Familles de Bagnes, op. cit., vol. 3 ; Rust, Au val de Bagnes, p. 61. La charge de marguillier est exercée par d’autres représentants de groupes conservateurs, par exemple les Besson 3 : Zacharie Besson, (né en 1869), droguiste au Châble, est marguillier et chantre à l’église. Au XIXe siècle, le marguiller est choisi par le conseil parmi les candidats présentés par le curé : C. Fellay, La commune de Bagnes…, op. cit., p. 46.

29 MCA/14-8* signifie la descendance de l’individu caractérisé par le code MCA/14-8 (frère 14-3 et de 14-6). En réalité tous les radicaux descendent de MCA/14-811.

30 Cette analyse pose quelques problèmes méthodologiques : l’identification des conservateurs est souvent plus douteuse que celle des radicaux car basée souvent sur des pétitions qui, en réalité, pouvaient être signées par des personnes sans un lien fort avec la faction conservatrice. La pétition de 1839 pour le maintien de la constitution de 1815 pouvait attirer les sympathies de libéraux préoccupés par l’indépendance cantonale ou locale. En effet, on trouve parmi les signataires plusieurs personnes qui apparaitront plus tard parmi les radicaux.

31 Notamment des groupes Cretton 2, Courthion 3 du Châble et Fellay 27.

32 Comme je l’ai suggéré plus haut, la signature sous une pétition n’a pas le même poids politique que l’appartenance active à une société comme la Jeune Suisse ou la Vieille Suisse et la participation à des actions concrètes. De ce point de vue, les pétitions sont des documents qui nous donnent une indication assez vague sur les orientations politiques des individus et ne suffisent pas pour attribuer une personne à une faction ou à une autre. Cf. Carola Lipp, « Kinship Networks, Local Government and Elections in a Town in Southwest Germany, 1800-1850 », in Journal of family History, 30, 4, 2005, p. 347-365 ; idem, « Verwandtschaft – ein negiertes Element in der politischen Kultur des 19. Jahrhunderts », in Historische Zeitschrift, 283, 2006, p. 31-77.

33 U. Windisch, Lutte de classes…, op. cit.

Table des illustrations

Légende Tableau 27. – Mariages consanguins à Bagnes, 1700-1876.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/51070/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 64k
Légende Tableau 28. – Mariages consanguins à Bagnes et à Vouvry 1700-1876, périodes de 50 ans.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/51070/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 24k
Légende Figure 9. – Généalogie politique du groupe Nicollier 18 (II.2).Légende : E = Émeutier (1745), en gras = activistes politiques. -------------- Parenté (cousin-e-s).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/51070/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 116k
Légende Tableau 30. – Alliances dans la Famille de Maurice-Eugène Filliez, 1773-1863. Source : Casanova et al., Familles de Bagnes…, op. cit.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/51070/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 120k
Légende Tableau 31. – Fondateurs de la fabrique de Montagnier et conjoints, liens familiaux, 1839. ex = étrangère.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/51070/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 152k
Légende Tableau 32. – Groupes parentaux des membres de la Jeune Suisse, 1844 (avec au moins trois membres dans l’association).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/51070/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 60k
Légende Tableau 33. – Structure parentale des factions : la faction radicale. Mobilisation politique lors d’actions libérales-radicales, 1830-1900 (activistes et conjoints).Légende : h : hommes ; f : femmes (épouses) ; Valeur : somme des mentions de membres du groupe (y compris les épouses des activistes) ; Valeur pondérée : chaque mention d’homme a une valeur de 1 ; les épouses ont une valeur de 0,5.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/51070/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 540k
Légende Tableau 37. – Structure parentale des factions : la faction conservatrice. Mobilisation politique lors d’actions conservatrices, 1830-1900 (activistes et conjoints).Légende : h : hommes ; f : femmes (épouses) ; Valeur : somme des mentions de membres de la branche (y compris les épouses des activistes) ; Valeur pondérée : chaque mention d’homme a une valeur de 1 ; les épouses ont une valeur de 0,5 ; NC : Noyau conservateur ; B. mixte : Branche mixte du point de vue politique.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/51070/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 499k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search