Épilogue. Historiographie de l’imaginaire royal
p. 339-354
Texte intégral
1Le projet de cet article est historiographique ; or l’historiographie nous éloigne de Louis XIV et de son image pour mettre au centre de notre propos les historiens qui la fabriquent ou la réinventent sans cesse. Il ne s’agira pas de dresser un tableau systématique des travaux publiés sur l’image du roi, mais uniquement d’en dégager quelques tendances par une typologie sommaire qui soulignera les orientations les plus remarquables ou caractéristiques de l’image du pouvoir royal au temps de Louis XIV telles qu’elles ont été analysées dans le monde anglophone entre 1980 et 2010. La limitation à ces trois dernières décennies et au monde anglophone nous a semblé utile, bien qu’il n’existe pas à mon sens de spécificité anglophone1.
2Pour distinguer les tendances les plus significatives il suffira de prêter attention au langage métaphorique dont usent les historiens, car à notre avis ces métaphores sont un excellent indice pour déterminer à quelle famille historiographique appartient chaque étude. Le champ lexical peut se diviser en quatre registres principaux : le registre commercial, le registre militaire, le registre dramatique et, enfin, celui de la construction (fabrication) ou de l’imaginaire (invention).
Champs sémantiques
3Souvent, pour faire état de l’image royale, on a recours à la métaphore commerciale – qui correspond bien à notre société de consommation –, laquelle use des termes de « publicité », de « marketing » ou de « vente », comme si l’image du roi était un produit dont il fallait faire la réclame. Une marchandise en voie de fétichisation. Pour nous limiter à un seul exemple récent qui ne concerne pas Louis XIV, on peut citer l’étude de Larry Silver, Marketing Maximilian : The Visual Ideology of a Holy Roman Emperor2.
4Parfois, ces accents commerciaux virent au martial pour se parer de résonances militaires, avec les notions de campagne, de stratégie, de tactique ou de propagande, comme dans le titre français de l’ouvrage de Peter Burke, Louis XIV : les stratégies de la gloire3 ou dans l’ouvrage récent de Hendrik Ziegler4. Encore que, dans le cas de Peter Burke, le titre soit trompeur. On remarquera en effet que l’idée de fabrication qui apparaît dans le titre original, The Fabrication of Louis XIV, a été totalement détournée par le titre français qui parle de stratégies, ce qui bien évidemment fausse l’intention de l’auteur5 ! Si l’on se reporte à notre typologie, ce nouveau titre fait passer la thèse de Burke d’un registre à un autre, soit de la fabrication imaginaire au champ sémantique militaire. Autre détail troublant : seule la citation de William Thackeray (« Ainsi coiffeurs et cordonniers fabriquent-ils les dieux que nous adorons ») apparaît dans l’édition du Seuil, alors que l’image satirique qui accompagne l’édition originale en anglais est omise, de sorte que l’ouvrage en français n’ouvre plus sur le fameux triptyque désobligeant, mais beaucoup plus sagement sur le portrait majestueux de Hyacinthe Rigaud. Avec un tel titre, des ajustements iconographiques ont peut-être paru nécessaires !
5Pour évoquer l’image royale, on opte plus souvent pour des termes dramatiques : on parle de scènes de théâtre, de décors, d’actes, de mises en scène, d’événements dramatiques ou de catharsis. On mentionne fréquemment Clifford Geertz, qui choisit le terme d’« État-théâtre » (theatre state)6, ou Victor Turner, qui parle de drame social (social drama)7, parfois même on évoque Guy Debord, qui, dans un autre contexte, allègue une société du spectacle8. Ce terme de « spectacle » a par exemple été adopté et judicieusement utilisé par Georgia J. Cowart dans son étude The Triumph of Pleasure : Louis XIV and the Politics of Spectacle, qui se réfère autant à Guy Debord qu’à Mikhaïl Bakhtine pour justifier l’emploi de ce mot aux relents performatifs9.
6Mais, de toute évidence, ce sont les notions de création, de fabrication et de construction qui dominent à la fin du XXe siècle. L’idée de forger, d’ériger et de bâtir l’image du monarque, de construire, d’inventer ou même de fabriquer l’image royale se fait fréquente dans les deux ou trois dernières décennies. On parle à la fois de création – ex nihilo ou presque – et de fondation ou d’édification à partir de matériaux préexistants uniquement remodelés pour ériger ou réveiller une image préalablement conçue. Ce courant ne va pas sans faire écho aux idées d’Eric Hobsbawm dans son classique The Invention of Tradition, qui certes n’a été traduit en France qu’en 2006, mais a dominé le monde anglophone dans les années 1980 et même 199010. En anglais, on trouve fréquemment l’idée de making of, qui, à notre connaissance, apparaît pour la première fois dans le classique d’Edward P. Thompson, The Making of the English Working Class, publié en 196311.
7Pour un historien marxiste ou critico-marxiste, affirmer que la classe n’était pas le résultat rigide des infrastructures économiques, mais le produit dynamique des rapports humains et de la culture était une idée révolutionnaire ou plutôt une idée blasphématoire. De plus, Thompson en profite pour condamner l’histoire structurale et l’histoire économique et sociale quantitative soutenue par l’école des Annales12. C’est également en 1963 que paraît Naissance de la clinique de Michel Foucault13. Cette convergence est intéressante car les termes d’« archéologie » ou de « naissance », que l’on doit à Foucault, connaissent des destins fort différents dans le champ des études des cours européennes.
8En une quinzaine d’années la tournure thompsonienne s’est imposée, et pas uniquement dans le domaine de l’histoire de la culture populaire, ou de l’histoire from below, mais précisément dans l’histoire des mentalités, des représentations symboliques et des imaginaires politiques. On ne compte plus le nombre de livres qui exploitent cette veine dans les années 1980 et même encore dans les années 2000 : tout à coup tout s’invente, tout se construit, tout se fonde et se fabrique. Et en ce qui concerne plus précisément Louis XIV, on retrouve, par exemple, cette approche dans des livres aussi différents que celui de David Parker, The Making of French Absolutism14, ou dans la biographie d’Elizabeth Wirth Marvick, Louis XIII : The Making of a King15. Sans surprise, les deux datent des années 1980, le premier publié en 1983 et le second en 1986. On notera juste en passant qu’en France à cette époque le CNRS lance l’Action Thématique Programmée « Genèse de l’État moderne ».
9Derrière ces champs lexicaux se profile un débat sur l’efficacité et la fonction des images : peut-on ou non leur attribuer un rôle manipulateur de propagande, à savoir celui de forger les opinions et les jugements de l’ensemble des sujets, ou même peut-être l’opinion de toute l’élite européenne ?
10Pour la plupart des historiens, ces images n’ont certainement pas pour objet la manipulation des masses dans le sens moderne de propagande, mais ont comme seul et unique souci la justification de soi aux yeux d’une cour très étroite et restreinte, qui ne cherchait à plaire à personne en dehors d’elle-même. Cette thèse s’appuie parfois sur une certaine lecture de la théorie wébérienne de la légitimité, où le pouvoir se préoccuperait principalement d’affirmer et de faire proclamer sa légitimité16. Si certains clament encore la pertinence d’une idée de propagande, d’autres la nient. Si certains croient en la possibilité d’une manipulation, d’autres n’y voient qu’un spectacle dont peu sont dupes. Jeroen Duindam, par exemple, conclut l’un de ses livres par la phrase explicite « I see no masterminds hiding behind a screen of silence17 », tandis que Chandra Mukerji, comme nous le verrons, croit encore à un certain éblouissement, en tout cas à la réalité d’un pouvoir qui s’inscrit matériellement dans un espace donné18.
11S’il fallait dresser la liste des termes de cette polémique, on pourrait d’ores et déjà dire que certains ont tendance à associer à l’image du roi une valeur idéologique ou même un message politique explicite, alors que d’autres y voient plutôt un manifeste esthétique confus qui ne cherche qu’à susciter l’admiration en associant pêle-mêle des symboles, des idées, des mythes et des héros souvent obscurs ou hétéroclites. Mais une telle dichotomie serait inévitablement simpliste, car l’image est justement le lieu où les normes et les valeurs rencontrent les émotions et où le cognitif se marie au sensoriel19. Aussi, dans le livre de Georgia J. Cowart, impression s’oppose à persuasion20, alors que, deux décennies plus tôt, on trouvait plus fréquemment propaganda contrecarré par persuasion ou encore publicity21. La manipulation belliqueuse fait place à l’idée de séduction ou d’éblouissement. Ce glissement est significatif car il dévoile l’évolution qu’ont subie les notions de représentation et de monarchie absolue.
Mythe et réalité de l’absolutisme
12Sans reprendre ici la discussion sur le mythe ou la réalité de l’absolutisme, ni même celle sur l’usage approprié ou anachronique du terme, il est évident que c’est l’une des questions centrales des débats et controverses des trente dernières années. William Beik y fait encore référence dans une très utile synthèse de 2005 dans un numéro de Past and Present22, et Jim Collins, dans la deuxième édition de son classique The State in Early Modern France, souligne avec une grande clarté sa position à ce sujet23.
13L’idée révisionniste que l’absolutisme serait une chimère bouleverse le champ de l’histoire culturelle aussi bien que celui de l’histoire sociale ou de l’histoire des institutions et rouages de l’État. Ce courant entraîne la remise en cause de la domination du social, du politique et du culturel par Louis XIV, mais également l’aptitude du roi à contrôler la production de sa propre image et à éblouir un peuple appauvri, une élite déchirée par la Fronde et des artistes plus libres qu’on ne le pense, et ce malgré la création des académies. Sans trancher la question de l’absolutisme, le débat relatif à l’image royale invite à une polémique entre ceux qui accordent à l’image du roi un pouvoir réel, et ceux qui ne lui attribuent aucune lisibilité ou cohérence, et encore moins un effet ou une fonction quelconque.
14Si l’école cérémonialiste américaine – inspirée par l’anthropologie culturelle et l’ouvrage archétype d’Ernst Kantorowicz sur les deux corps du roi24 – se basait sur l’hypothèse que le roi façonnait son image au sens dirigiste du terme, elle postulait aussi que le spectacle politique était capable de réunir – ou tout au moins de faire fonctionner – une société divisée. Il semble que l’idée de la fonction cohésive de l’image soit dérivée des prémisses fonctionnalistes des Formes élémentaires de la vie religieuse du sociologue Émile Durkheim, et plus tard de l’analyse originale de la royauté indonésienne à Bali par l’anthropologue Clifford Geertz25. Or le courant révisionniste détruit purement et simplement ces deux postulats de cohésion et d’État spectacle.
15En effet, si le pouvoir de Louis XIV n’est pas absolu, l’image royale qu’il ne contrôle pas est inexorablement plurielle, sinon incohérente ou hybride, et les prétendus mécanismes de la gloire impliquent la production d’une image ambiguë ou ambivalente. L’image nécessairement plus complexe portera alors en elle les germes d’une résistance subversive ou tout au moins d’une interprétation équivoque ou plurivoque. En conclusion, au lieu d’éblouir, le spectacle se fait mascarade, faute d’accueillir ou de tolérer un débat public. Il faillit ainsi à son rôle didactique ou thérapeutique et à l’effet de catharsis présumé. La cohésion de la société ne se réalise pas, celle-ci demeure divisée, composite et, en l’absence de consensus et de concorde, le pouvoir royal va même jusqu’à s’aliéner l’ensemble de la société. Le roi ne domine ni son royaume, ni son image. Le courant révisionniste, d’une certaine façon, met le Roi-Soleil à l’ombre et exige que l’étude de l’avers de la médaille soit toujours accompagnée de celle de son revers26, il met en avant une vision nécessairement fragmentée de l’image du pouvoir.
16En simplifiant on peut affirmer que les postulats du courant critique sont au nombre de trois : le pouvoir réside dans sa représentation ; la représentation du pouvoir n’est qu’un artifice vide de substance ; par conséquent, le pouvoir n’enchante que lorsque l’artifice séduit. C’est une tautologie, certes, mais qui prouve que l’enchantement politique est toujours éphémère. En ce cas, l’image du roi se voit tôt ou tard défiée par sa contre-image, de nature satirique, sans compassion et sans gloire, une image désenchantée, un mythe profané, comme ceux par exemple du « Mars très chrétien » ou, pire, du « Turc très chrétien27 ». Cette analyse du désenchantement se pose en opposition à celle de la première famille d’historiens, qui parlaient de la fonction magique et symbolique de l’image ou du mythe louis-quatorzien qui brillait puissamment sur l’Europe entière. C’est sans nul doute réducteur et même caricatural, mais on pourrait dire que, dans un cas, tout le monde tombe dans le piège et, dans l’autre, personne n’y croit vraiment.
17De plus, si le décodage est impossible, alors l’image ne peut se faire propagande, et si son illisibilité freine et entrave la transmission d’une idéologie précise, alors l’image perd son pouvoir. L’éblouissement, en revanche, ne demande pas à être lisible, et la magie a plus de charme lorsqu’elle est occulte ; l’image a donc du pouvoir lorsqu’elle éblouit ou mystifie. Ce point est important pour les historiens marxistes qui persistent à voir manipulation et domination là où il n’y a pas de propagande offensive ou visible. Comme l’écrivait si poétiquement David Cannadine dans l’introduction de Rituals of Royalty: Power and Ceremonial in Traditional Societies:
« Power is like the wind, we cannot see it but we feel its force. Ceremonial is like snow an insubstantial pageant, soon melted into thin air28. »
18L’idée que le masque de la force est la force même29 et que le pouvoir est au service du spectacle et de la pompe, et non l’inverse, suggère que l’image est une arme par excellence, que le mythe est une forme de domination, et que la mise en scène du pouvoir est le véritable champ de bataille politique. On a répliqué à Geertz que le masque n’est pour ainsi dire qu’un fromage, c’est-à-dire une parodie, comme l’a magistralement démontré Louis Marin dans Le portrait du roi en relisant la fameuse fable de La Fontaine. Le corbeau se prend pour un phénix, mais il est mis à nu par le renard machiavélique qui déjoue férocement son désir d’absolu et ses ambitions d’immortalité30. De surcroît, on a reproché à Geertz le côté monolithique de cette anthropologie qui lit l’histoire par-dessus l’épaule des natifs comme si une société se racontait d’une seule et unique façon31 ; de même que les joueurs d’un village balinais ne peuvent à eux seuls éclairer notre compréhension de toute une culture, c’est la multiplicité des points de vue et des agents qui nous permettra de mieux cerner la culture de l’Ancien Régime et l’image du pouvoir monarchique.
19D’une certaine façon, on peut dire que cet appel à une image éclatée a encouragé l’étude de la réception de l’image royale, et non plus le récit de sa fabrication. En évoquant Pierre Bourdieu, on pourrait même avancer qu’il s’agit désormais d’étudier les processus collectifs de mise en valeur d’un capital symbolique, sans quoi la compréhension des conflits symboliques nous échappe32. Pour autant que cela soit significatif des préoccupations contemporaines, la revue French Historical Studies accueillait en 1992 deux grands débats, l’un sur le patronage avec Sharon Kettering, James Russell Major et Arlette Jouanna, et l’autre sur la sphère publique avec Daniel Gordon, David Bell et Sarah Maza33. Jürgen Habermas s’y retrouvait sans surprise en tête d’affiche, car lorsque l’on aborde la question de la réception de l’image du roi, il faut bien savoir ce que l’on entend par sphère publique.
L’en dehors de l’image
20L’ouvrage de Tim Blanning, The Culture of Power and the Power of Culture : Old Regime Europe, 1660-1789, aborde la notion d’image royale du point de vue de la société34. Pour Blanning, ce n’est pas le masque qui tombe ou qui cesserait petit à petit d’être efficace, c’est tout simplement la scène qui s’écroule, ou, pour le dire autrement, c’est l’arbre sur lequel est perché le corbeau qui se métamorphose ; et l’odeur du fromage est noyée dans une forêt foisonnante d’autres images non moins alléchantes. Pour Blanning, la culture politique se transforme de telle sorte que l’État qui était une personne est progressivement perçu comme une institution. Je réduis sans doute son argumentation à une affirmation simpliste, mais le prétendu « L’État c’est moi », dans ce nouveau décor, est purement impossible. Blanning ne soutient donc pas la thèse de la dissolution ravageuse de l’image et du mythe par l’ironie ou la caricature, mais suggère que l’échec de l’imagerie royale est à expliquer par la mutation de tout un contexte culturel, médiatique, social et politique. Le roi, en quelque sorte, est la première victime de l’État rationnel et bureaucratique qui mine un système de liens hautement personnalisés, le politique se retrouvant démuni face aux changements qui touchent la sphère publique et font émerger une nouvelle culture de la représentation qu’exprime le chiasme du titre : La culture du pouvoir, le pouvoir de la culture.
21Chez Blanning, les apports habermassiens sont affirmés en force dès les premières pages. De toutes les révolutions des XVIIe et XVIIIe siècles, celle qui fait de l’opinion publique l’arbitre culturel et politique d’un pays est pour Blanning la plus significative. Mais il n’adopte pas pour autant en bloc la théorie de la sphère publique de Jürgen Habermas. Il utilise L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société pour défendre la thèse que certes Louis XIV brillait à Versailles mais qu’il fut incapable de s’adapter à l’évolution des médias politiques et culturels de son temps35. En effet, si le roi domine sa cour et règne sur le protocole du palais, il ne contrôle pas pour autant les débats publics qui, à terme, mettront sa légitimité et son image en échec36.
22L’originalité de cette interprétation est qu’elle ne vise pas les qualités suggestives ou symboliques de l’image, elle ne suppose pas non plus un déclin esthétique ou artistique, ou une défaillance du patronage ou du désir de gloire. Elle explique ses déboires par la création de nouvelles techniques et l’avènement de nouveaux publics. L’échange et la circulation d’information et de biens caractérisent le nouvel espace marchand auquel participent des individus aussi bien que des institutions discursives comme les sociétés, les théâtres, les musées, les salons, et bientôt les cafés et les clubs. L’image du roi, dans ce vaste bazar, est tel un produit à promouvoir dans une économie de marché. Les hommes de cour surent sans doute émerger du climat féodal en sacralisant le Très Chrétien, mais, dans le nouveau climat des pré-Lumières, ils contrôlent mal les aléas du fétichisme commercial et de la publicité. Dans la même veine on pourrait dire que le « produit » se périme et ses « ventes » chutent.
23Mais l’analyse de Blanning – centrée sur le contexte – évite l’analyse détaillée des images produites au sujet du roi. Ce n’est pas le cas de Christine-Marie Petto qui, dans son livre When France Was King of Cartography : The Patronage and Production of Maps in Early Modern France37, épouse totalement la thèse de Blanning sans d’ailleurs connaître son livre ni le citer. Dans l’étude spécifique des cartes, elle note un glissement. Si, dans un premier temps, les cartes ont contribué au culte de la monarchie, elles remplirent par la suite d’autres fonctions plus politiques et administratives, de sorte que la vaste entreprise de mise en carte systématique de la France et d’autres territoires à des fins commerciales, militaires ou administratives échappe finalement des mains du roi. Que l’on adopte ou non la distinction entre « culte de l’image » et « rhétorique de l’image », comme le suggère l’auteure, il demeure que la thèse de Petto adhère au raisonnement de Blanning. Preuve s’il en fallait que ce discours se fait paradigmatique et caractéristique de nombreux ouvrages des années 200038.
24Encore qu’il ne serait pas sage de généraliser si rapidement cette tendance, que l’on ne retrouve pas, par exemple, dans le livre de Chandra Mukerji, Territorial Ambitions and the Gardens of Versailles. Son argument se base sur une théorie critique – représentée en particulier par Bruno Latour ou Michel Foucault – qui pose la matérialité et la naturalisation du pouvoir39. Elle y soutient l’idée « d’un seul système de culture matériel destiné à l’accumulation de pouvoir », réalisé en partie par la maîtrise et la domination de la nature, source de prestige et de puissance que les jardins de Versailles incarnent40. Mais Mukerji ne prétend pas qu’il s’agisse d’un projet préconçu, au contraire c’est un système d’expérimentation matériel. Elle préfère parler de « construction » et même de « manipulation » du territoire et de la nature41. Il faut y voir des improvisations et une série de tentatives qui, au fil des gestes et du temps, forgent des images et même des idées qui n’étaient pas antérieurement préexistantes. Ces images qui émergent de la répétition des tentatives et des actions n’en sont pas moins efficaces. À notre connaissance, cela est contraire à la thèse d’Elizabeth Hyde dans son étude sur la floriculture, Cultivated Power : Flowers, Culture and Politics in the Reign of Louis XIV42, ou à celle de Ian Thompson dans The Sun King’s Garden : Louis XIV, André Le Nôtre and the Creation of the Gardens of Versailles43.
25Hyde traite du phénomène des collectionneurs et de la curiosité, en se limitant au domaine des fleurs et à la symbolique florale au temps de Louis XIV. La maîtrise de la fleur éphémère est la preuve ultime de la postérité et de l’éternité du roi, magicien et maître de la rareté et de l’exotique, des couleurs et des parfums. Le mérite de cette étude n’est pas de nous dévoiler le thème symbolique floral ou celui du printemps éternel, ni de faire entrer les cinq sens dans la perspective historique, mais d’adopter le point de vue du jardinier. L’histoire n’est plus celle de Louis XIV, de Colbert ni même de Le Nôtre (comme chez Ian Thompson), mais celle des jardiniers et des herboristes. Contrairement à Mukerji, Hyde ne renonce pas à une approche évolutionniste et démontre que la fleur, qui était le symbole de la fragilité et de la beauté de la femme, est devenue celui de la maîtrise et du pouvoir, avant de se voir de nouveau associer à la fragilité et à la délicatesse, juste après la mort de Louis XIV et au moment de l’abandon des jardins de Trianon. Le regard que l’on porte à la fleur est bouleversé par le politique.
26Ce glissement vers le contexte se déplace de la chambre du Roi aux jardins et au palais de Versailles, mais aussi du roi à la cour. En effet, depuis la fin des années 1980, l’histoire de la cour – ou histoire aulique – est en plein essor : on parle d’une new court history, dont le résultat le plus patent est la création du « Court Studies Forum » ou de la collection « Aulica » du Centre de recherche du château de Versailles. Dans ce renouveau, la relecture de l’œuvre de Norbert Elias est essentielle, même si ses idées sont souvent prises en défaut. Elias affirme que la cour promeut la construction de l’État souverain moderne et qu’elle est un moteur du processus de civilisation et de transformation des mœurs. Elias fait donc de la cour le locus par excellence où l’adoption des idéaux de conduite se cristallise et permet le glissement vers une possession symbolique du pouvoir en échange de l’abandon des moyens de puissance aux mains de l’État souverain, qui, comme le disait Weber, réclame le monopole de l’usage de la force. Ces thèses sont critiquées, en particulier par Jeroen Duindam dans Myths of Power : Norbert Elias and the Early Modern European Court (1995), et plus tardivement dans Vienna and Versailles : The Courts of Europe’s Dynastic Rivals, 1550-1780 (2003). Duindam souligne que l’analyse politique d’Elias se base sur l’idée que l’État moderne exige la neutralisation de la noblesse, et que cette neutralisation aurait été obtenue par la domestication des mœurs. Or Duindam montre que la noblesse déploie des stratégies originales pour contrer son déficit de puissance. Elle s’adapte, négocie et n’est pas domestiquée aussi facilement qu’Elias voulait le faire croire. Ce faisant, Duindam développe l’idée que l’image du roi ne se fabrique pas de façon hégémonique ou concentrique. Ainsi, bien que très dissemblables, les thèses de Duindam et de Mukerji se rejoignent dans la vision d’une fabrication imprévue et improvisée plutôt que programmée et contrôlée.
27Face à cet essor de l’histoire aulique, c’est l’histoire culturelle qui se réinvente et se renouvelle ; nous retiendrons en particulier les nombreuses études sur la sexualité, le genre et le plaisir au temps de Louis XIV. À cet égard, il faut signaler l’ouvrage de Kathryn A. Hoffmann, Society of Pleasures : Interdisciplinary Readings in Pleasure and Power During the Reign of Louis XIV44, celui d’Abby E. Zanger, Scenes from the Marriage of Louis XIV : Nuptial Fictions and the Making of Absolutist Power45 et, plus récemment, l’étude de Julia Prest, Theatre Under Louis XIV : Cross-Casting and the Performance of Gender in Drama, Ballet and Opera46, qui dès le titre fait un clin d’œil à Judith Butler à propos de la question du genre et du transvestisme (même s’il s’agit d’une étude d’un corpus littéraire et musical). La particularité de ce corpus est de nous proposer de nouveaux points de vue, ou des regards croisés.
28Aussi la question du regard de l’autre se pose nécessairement. Les travaux de Ronald S. Love sur l’Asie et la réception des ambassadeurs de Siam sont pionniers en la matière47. Mais, pour lui, le roi est un « roi machine », pour reprendre ici le titre du fameux ouvrage de Jean-Marie Apostolidès48. Et c’est à nouveau à Norbert Elias que Love fait appel pour souligner la pleine conscience de Louis XIV dans son entreprise de gloire et sa volonté de forcer l’admiration de ses invités. Au contraire, Nicholas Dew, dans Orientalism in Louis XIV’s France, révise les affirmations d’Edward Said sur les attitudes et jugements de l’Occident49. Cette tendance se retrouve également dans l’ouvrage d’Ina Baghdiantz-McCabe, Orientalism in Early Modern France : Eurasian Trade, Exoticism and the Ancient Regime50.
29Je me contente ici de quelques remarques sur le beau livre de Nicholas Dew, qui étudie le phénomène de l’orientalisme baroque51. L’empreinte de Said invite l’auteur à une lecture politique de la rencontre, des échanges et des interactions des différentes cultures nécessaire pour comprendre l’apprentissage au XVIIIe siècle du sanskrit, l’apparition des Perses chez Montesquieu et des Tahitiens chez Diderot, mais aussi que cette conception baroque de l’Orient et de l’exotique est forgée au moment même où l’Occident s’apprête à se lancer dans l’aventure de la colonisation. C’est donc un orientalisme pré-impérialiste52. Dew souligne le rôle primordial de Colbert qui dirige la propagande royale et les collections du roi, fonde la Petite Académie et œuvre pour l’achat de manuscrits destinés à la Bibliothèque du roi, pour la connaissance des langues orientales comme le turc, le perse, l’arabe et la formation d’interprètes, comme le prouve par exemple l’extraordinaire histoire de la famille Pétis de La Croix. Mais ni Colbert ni le roi n’ont le monopole de la curiosité ou du patronage. Dew adopte à ce propos la typologie très intéressante de Mario Biagioli53. Très succinctement, cette typologie fait contraster les académies françaises avec l’Accademia del Cimento de Florence, ou encore Fouquet avec Colbert. Si Fouquet, tout comme le prince Léopold, construit son patronage au sein d’une sphère privée qui suit les aléas de ses propres goûts et de sa fortune, le modèle de Colbert, à l’inverse, met à distance le roi, et neutralise à moyen terme les interactions personnelles entre patron et clients. Ce livre novateur et érudit laisse l’image de Louis XIV encore une fois dans les marges.
30Ce qui est notable, c’est que la recherche a eu nettement tendance à se fragmenter ; non seulement en localisant des points de vue originaux – comme la cartographie, la botanique, l’Orient ou le plaisir –, mais également en déplaçant le regard pour passer dans les coulisses et comprendre l’impact des acteurs de l’ombre : les valets, les jardiniers ou les cordonniers et les coiffeurs de Thackeray. Et c’est sans doute dans les replis de cette histoire de la culture matérielle et du renouveau de l’histoire aulique que les travaux les plus novateurs ont été produits. La recherche s’est mise à parler une autre langue, qui a été à maints égards le fruit d’influences théoriques. Les travaux d’Habermas et d’Elias sont fondamentaux, mais il ne faudrait négliger ni Geertz, ni Bourdieu, ni Said, ni Durkheim, ni Butler.
31En conclusion, il est utile de rappeler la mise en garde de Peter Burke qui invite l’historien à éviter deux écueils :
« Le premier est le risque d’une lecture trop littérale qui prend la figure de style pour argent comptant, comme dans le cas d’une métaphore ou d’une hyperbole. Le risque opposé, danger qu’on pourrait qualifier de paranoïa historiographique, est de voir en tout lieu manipulation et conspiration54. »
32Après avoir successivement supposé que l’éclat du roi reflétait l’état de la France en pleine expansion, prospère grâce à la politique d’une monarchie efficace et influente – brillante grâce à son roi de gloire –, puis, presque à l’inverse, que la mise en scène du pouvoir n’était que le masque d’un pouvoir non absolu, le voile d’une politique désastreuse camouflant un peuple hostile et affamé que l’on retrouvera sur les barricades en 1789 lorsque l’insatisfaction des uns rencontrera enfin celle des autres, on a tendance aujourd’hui à minimiser le rôle du roi – tout en lui reconnaissant sa place centrale – et parfois même à le tenir à l’écart des recherches pour se focaliser sur ceux qui l’entourent et le contexte culturel et politique plus général.
33Les acteurs de deuxième et troisième plan prennent le dessus : Colbert, sans nul doute, mais aussi les surintendants, les valets, les artisans, les jardiniers et même les diplomates et les intellectuels orientalistes, dans un concert qui suit peut-être une partition mais n’a pas forcément de chef d’orchestre. Une telle tendance allait dans le sens à la fois de l’impact de la thèse révisionniste et de l’appel à une réécriture de l’histoire aulique. Cette situation a, me semble-t-il, définitivement écarté le discours de propagande pour permettre l’émergence de deux nouvelles modalités : celle de la « fabrication » et celle du « bricolage ».
34Lorsque Peter Burke choisit le terme de « fabrication », il dit se préoccuper non pas du roi lui-même ni de son image personnelle ou celle de sa postérité, mais de la construction (et de la déconstruction) de l’image de Louis XIV comme totem dans l’imaginaire collectif. Cette perception de l’image comme totem est une réminiscence de la théorie sociologique d’Émile Durkheim55 et de ses concepts de « représentation collective » et de « conscience collective », autant que de l’idée de « communauté imaginaire » chère à Benedict Anderson56 – quoique Burke ne cite ni l’un ni l’autre et se défend de concevoir de façon monolithique l’imaginaire collectif. Ce qui lui importe de souligner, c’est qu’il s’agit d’un long processus de sacralisation et de profanation, et que seul l’intéresse cette grande aventure de la communication symbolique et de la publicité. C’est pour cela que l’approche de la « fabrication » – contrairement à ce que l’on pourrait croire – ne s’attache pas uniquement à décrire l’élaboration et la genèse de la construction d’un mythe, mais aussi à en étudier sa réception et éventuellement sa démolition.
35Vu que le spectacle est là pour séduire, ce sont en fait les processus d’enchantement (et de désenchantement) qui intéressent l’historien. La présentation de soi n’est pas seulement la réalité d’une image de fiction, mais aussi la réalité d’une relation de domination – Erving Goffman, que Burke cite, ne parle pas de présentation de soi mais bien d’impression management, c’est-à-dire de l’impact que laisse chez les autres une image ou un geste, car ce qui compte finalement, pour une image comme pour un geste, c’est son empreinte57. En ce sens, cette direction invite les historiens à se plonger dans l’histoire des affects et des émotions, afin de mieux comprendre l’adhésion au culte et à l’attachement d’une icône politique, aussi bien que ce qui nous inspire l’amour ou le dégoût.
36En tout cas, l’idée de propagande où un agent tire les ficelles derrière un rideau est totalement évacuée, et l’image est étudiée pour son pouvoir de mettre en présence, c’est-à-dire d’organiser des mythes à partir de débris et de fragments recyclés58. Comme l’avait remarqué Claude Lévi-Strauss, le « bricoleur » ne fait pas différemment lorsqu’il assemble une mosaïque à sa façon59. Ce qui diffère dans l’idée de « bricolage », c’est qu’il ne suppose aucune préméditation, la démarche créative est improvisée, presque spontanée, et la contingence est réinstaurée dans sa totalité. Le terme de « bricolage » peut donc nous permettre de suivre les processus de fabrication des mythes sans pour autant y mettre derrière un objectif politique monolithique ou un agent unique.
37Déjà, dans le terme de « fabrication », Burke soulignait l’incohérence et l’instabilité des images60. Mais les concepts de bricolage, de recyclage ou de réemploi mettent l’accent ailleurs61, en indiquant l’absence de structures hégémoniques dans le phénomène de production des images, où les effets de juxtaposition et de superposition ne permettent pas de songer à la fabrication d’un mythe avec l’unité et la logique qu’on aimait lui conférer dans le passé. En ce sens, le « bricolage » est une alternative non hégémonique à l’idée d’une domination omnipotente de la propagande. Mais, qu’il s’agisse de fabrication ou de bricolage, il est notable que, dans la typologie des métaphores historiques, malgré les divers glissements et passages de ces dernières décennies, les registres de la construction (fabrication) et de l’imaginaire (invention) demeurent au cœur du discours historique contemporain.
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Notes de bas de page
1 Il faudra se référer à des travaux plus spécifiquement français pour compléter ce tableau. Voir par exemple Cornette 2000, Guery 2001, ainsi que Fantoni 2012.
2 Silver 2008.
3 Burke 1995.
4 Ziegler 2013.
5 Ibid., chap. I et XII.
6 Principalement Geertz 1981.
7 Turner 1974, p. 23-59, et 1967.
8 Debord 1992. Voir aussi Kertzer 1988 et Edelman 1989.
9 Cowart 2008 et Bakhtine 1970, p. 12. Voir également Tambiah 1981.
10 Hobsbawm 1983.
11 Thompson 2012.
12 Noiriel 1998, p. 107-108.
13 Foucault 2009.
14 Parker 1983.
15 Marvick 1986.
16 Barker 2001.
17 Duindam 2003, p. 318. Voir également son credo méthodologique dans « Early Modern Europe: Beyond the Structures of Modernization and National Historiography » (Duindam 2010) et Myths of Power: Norbert Elias and the Early Modern European Court (Duindam 1995), qui critique vivement les thèses de Norbert Elias.
18 Mukerji 1997, en particulier p. 8-38 et 326-334. Par comparaison, Franklin Hamilton Hazlehurst (2006 [1980]) parlait des « jardins d’illusion ».
19 Turner 1967, chap. IV.
20 Cowart 2008, p. xxi.
21 O’Donnell et Jowett 1986.
22 Beik 2005. Voir aussi Henshall 1992, Asch et Duchhardt 1996, ainsi que Cosandey et Descimon 2002, Hurt 2002 et Barbiche 1999.
23 Collins 2009, p. xiv-xxv.
24 Kantorowicz 1989. Lorsque l’on parle de l’école cérémonialiste, on songe en général aux travaux de Lawrence Bryant, Sarah Hanley ou encore Ralph Giesey. Voir le compte rendu de Zanger 1997 par Jeffrey S. Ravel (Ravel 1998).
25 Durkheim 1912 et Geertz 1981.
26 Burke 1995, chap. X.
27 Burke 1995, cité par Cowart 2008, p. 144.
28 Cannadine et Price 1987.
29 Geertz 1981.
30 Marin 1981, p. 129. Le pouvoir narratif de la fable (du corbeau et du renard) est de parodier le pouvoir politique dans ses représentations discursives, une parodie qui, parce qu’elle est déplacée au monde animal, peut exhiber avec humour les ressorts cachés des stratégies qui animent le monde politique, c’est-à-dire ceux du pouvoir dans son désir d’absolu.
31 Geertz 1973, p. 448-452.
32 La contribution majeure est Bourdieu 2001.
33 Kettering 1992.
34 Blanning 2002.
35 Habermas 1978.
36 Voir en ce sens Prak 2003.
37 Petto 2007.
38 Il me semble judicieux de comparer la dichotomie culte/rhétorique chez Petto avec celle que suggère Evonne Levy dans son livre Propaganda and the Jesuit Baroque (Levy 2004).
39 Mukerji 1997, p. 334.
40 Ibid., p. 324.
41 Ibid., p. 332.
42 Hyde 2005.
43 Thompson 2006.
44 Hoffmann 1997.
45 Zanger 1997.
46 Prest 2006.
47 Love 1996, p. 171-199. Voir aussi Ames et Love 2003. Ces travaux sont précédés entre autres par ceux de Dirk Van der Cruysse (1991) et de Raphaël Vongsuravatana (1992).
48 Apostolidès 1981.
49 Dew 2009.
50 Baghdiantz-mccabe 2008.
51 Dew 2009, p. 6. Voir également parmi les nombreux travaux que cite Dew : Irwin 2006.
52 Dew 2009, p. 6.
53 Biagioli 1996.
54 Burke 1999, p. 396.
55 Durkheim 1912, voir en particulier p. 22 et p. 319.
56 Anderson 1996.
57 Voir Burke 1995, p. 17.
58 Sur l’idée de recyclage, voir également Bloch 1987.
59 Lévi-Strauss 1962, en particulier le premier chapitre. Voir également Weinstein D. et Weinstein M. A. 1993.
60 Voir Marin 1981 et Burke 2004, p. 86-87.
61 Le concept de réemploi appartient à Michel de Certeau, cité dans Burke 2004.
Auteur
-
Nicole Hochner
Chargée de cours à l’université hébraïque de Jérusalem
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