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Les voyages de François Mitterrand

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Judith Bonnin

Première partie. François Mitterrand et le PS en voyage… tout un évènement

Chapitre III. Les modalités pratiques de ces voyages

Texte intégral

Quelle organisation pour quels voyages ?

Le secrétariat international du PS : de l’artisanat à la professionnalisation

  • 1 R. Pontillon, « Le rôle du secrétariat international », Bulletin socialiste, 322, 15 octobre 1971, (...)
  • 2 Ibid.

1Le secrétariat international est l’organe exécutif du secrétariat du Parti dans le domaine des relations internationales. En 1971, il est confié à Robert Pontillon qui, reprenant les statuts, lui attribue un « triple rôle de liaison, d’information et de documentation1 ». Son rôle de liaison concerne trois interlocuteurs principaux : l’IS, et plus particulièrement son bureau, le secrétariat de l’UPSCE, et les autres partis frères non-membres des Communautés européennes. De manière marginale, il concerne aussi les relations du PS avec quelques mouvements ouvriers hors IS (ex : Yougoslavie, Roumanie) ainsi qu’avec des organisations internationales comme l’ONU. Son rôle d’information est quant à lui orienté vers trois publics principaux : les militants et les élus du parti, les partis frères, et le public français. Pour informer les militants et élus, des groupes de travail sont en charge de questions d’actualité ou de zones géographiques précises. Des notes sont alors élaborées à destination interne. Des notes relatives à la vie politique française sont envoyées à l’IS pour diffusion aux partis frères. L’information du public est assurée par des communiqués et résolutions. Il faut noter que cette action implique « l’organisation de contacts réguliers avec les correspondants en France de la presse étrangère et avec les missions diplomatiques étrangères en France2 ». Enfin, sa mission de documentation consiste à collecter et traduire des journaux et documents relatifs aux questions internationales.

2Ce secrétariat connaît des restructurations internes importantes entre 1971 et 1981. De 1971 à 1973 tout d’abord, c’est Robert Pontillon qui est en charge de l’ensemble des relations internationales du parti.

  • 3 Il quittera ce poste en 1974, semble-t-il pour un différend avec R. Pontillon, et sera remplacé en (...)
  • 4 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.
  • 5 R. Pontillon, « Politique internationale », Le Poing et la Rose, 14, mai 1973, p. 16.

3Il assumait déjà cette fonction sous la SFIO et maintient la même organisation durant tout le temps de son secrétariat. Celle-ci est alors plus que centralisée puisqu’elle se réduit à trois personnes : lui, secrétaire international, son assistant politique, Bernard Montanier3, et leur secrétaire, Françoise Brignoli. Ils gèrent à eux seuls la grande majorité des relations bilatérales du parti. L’essentiel des contacts extérieurs du secrétariat est constitué de son propre carnet de relations politiques, forgé au sein de l’Internationale socialiste4. La politique internationale est mené en concertation avec « les experts et techniciens socialistes du Parlement et des Communautés Européennes », les « commissions nationales d’études (Collectif de Politique Étrangère ou de Défense Nationale) et du Groupe des Experts et en liaison avec les sections spécialisées des organismes internationaux auxquels nous sommes parties prenantes », et « les représentants du Parti dans tous les organismes où s’affirme, soit une concertation, soit une volonté d’action politique commune autour des événements majeurs de l’actualité politique internationale (Comité pour l’Espagne, la Grèce, le Vietnam, l’antisémitisme en Union Soviétique, le Portugal, les travailleurs immigrés, etc.)5 ». Sous Robert Pontillon, outre une micro-structure centrale, la politique internationale puise donc dans les différentes ressources du parti.

  • 6 P. Mauroy, « Éditorial », Le Poing et la Rose, 17, juin 1973, p. 1.
  • 7 D. Motchane, « Pays en voie de développement », Le Poing et la Rose, 35, supplément, décembre 1974 (...)
  • 8 Ibid.
  • 9 Le Poing et la Rose, 46, janvier 1976, p. 14.

4Dès le printemps 1973, le secteur international est étoffé, notamment par le renforcement du Collectif de politique étrangère6. À partir du congrès de Grenoble en juin 1973, le secrétariat international est ensuite « dédoublé » : en réalité, est véritablement créé un nouveau secrétariat national dédié aux pays en voie de développement, confié à Didier Motchane (tendance CERES). Ce secrétariat avait pour objectif de « rétablir ou le plus souvent [d’]établir des contacts et des relations avec les gouvernements progressistes et les mouvements de libération nationale des pays exploités », de mener des campagnes de solidarité appuyant leurs luttes et d’informer le PS et la population française de ces questions7. La commission d’étude aux pays en voie de développement, rebaptisée « Commission Tiers Monde » est ainsi pleinement associée à cette activité. Au cours de ses réunions mensuelles sont discutés dans des groupes de travail comme le « groupe Afrique », ou « l’équipe Tiers Monde8 » tous ces sujets. Robert Pontillon conserve durant la période 1973-1979 la gestion du reste des affaires internationales du parti, soit essentiellement l’Europe et l’Internationale socialiste. Une structuration plus fine semble apparaître même si elle est souvent moins mise en avant que pour le secrétariat Tiers Monde. C’est ainsi qu’en 1976 trois délégués nationaux assistent Robert Pontillon : Daniel Mayer est chargé de l’Internationale socialiste, Jean-Pierre Cot des Communautés européennes et Jacques Delors des relations économiques internationales9. Certains dossiers sont traités conjointement par ces deux secrétariats : le Portugal notamment, qui bien que relevant de la sphère géopolitique de Robert Pontillon, est un dossier qui intéresse particulièrement Didier Motchane. Cette co-gestion s’explique aussi par la position méditerranéenne et la situation économique de ce pays, qui pour le PS le placent à l’interface de l’Europe et du Tiers Monde.

  • 10 Elle produit notamment en 1977 un ouvrage collectif préfacé par Lionel Jospin : Les socialistes et (...)
  • 11 Ibid.
  • 12 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.
  • 13 Ibid. Lors de notre entretien, A. Chenal précisa qu’en raison de la souplesse de la structure, il é (...)
  • 14 Ibid.

5À l’arrivée de Lionel Jospin au secrétariat au Tiers Monde en 1975, sa structure est ainsi marquée à la fois par l’héritage de Robert Pontillon, avec un noyau central formé de lui-même, de son assistant Yves Lebas et de leur secrétaire Jacqueline Delaunay, et par l’existence d’une Commission Tiers Monde dynamique10. Mais lui aussi impulse des évolutions importantes : de formation trotskiste et diplomatique, il réorganise totalement le secrétariat au Tiers Monde, puis celui aux Relations internationales. En 1979, il prend la tête d’un secrétariat aux Relations internationales rénové, créé par fusion des deux anciens secrétariats, et il le divise en plusieurs secteurs. Sous sa direction, des responsabilités sont attribuées à des délégués généraux et responsables de secteurs, selon une structure plus collégiale. Ce dernier avait ainsi la volonté de quadriller l’ensemble des relations internationales et de créer des contacts bilatéraux là où ils manquaient, notamment dans les pays en développement. En plus du noyau central déjà défini, en 1979, le secrétariat est ainsi structuré en cinq délégations générales – la coordination, le Tiers Monde, le monde développé, l’Internationale socialiste, l’Europe – et en sept secteurs : l’Afrique, l’Amérique du Nord, l’Amérique latine, l’Asie, la Coopération, l’Immigration et la Méditerranée. En principe, leurs différents responsables rencontrent au minimum le secrétaire national plusieurs fois par semaine, individuellement ou collectivement11. Chacun de ces responsables est libre de structurer son secteur en groupes de travail, les structures étant toutes relativement souples. À en croire les organigrammes, la diversification progressive des noms apparaissant en signature des documents d’archives, ainsi qu’Alain Chenal12, l’arrivée de Lionel Jospin aux responsabilités est un facteur de réorganisation de premier plan. En 1979, la « commission Tiers monde », devient la « commission internationale », et forme alors un groupe d’environ 40 à 70 personnes13. Elle se compose de militants, plus ou moins disponibles, se réunissant environ une fois par mois pour mettre en commun savoirs et réflexions sur les questions internationales. Lionel Jospin tente d’associer par ce biais à l’action internationale du parti des non-permanents et bénévoles, pour la plupart des diplomates, des professeurs, quelques hommes d’affaires, et beaucoup de représentants du monde associatif14. On voit ainsi que si les structures semblent identiques, de Robert Pontillon à Lionel Jospin le secrétariat international associe de façon croissante la nébuleuse internationale du PS.

6Il est évident que les différents voyages à l’étranger de François Mitterrand ne font pas l’objet du même degré de préparation. En effet, même s’il s’agit d’être attentif aux effets de sources, il reste que les voyages les plus courts sont ceux qui ont laissé le moins de traces écrites, tandis que les voyages impliquant des délégations importantes, de plus de deux à trois personnes, nous fournissent les dossiers documentaires les plus fournis. La logistique de ces voyages est en effet plus lourde et les multiples entretiens et visites auxquels ils doivent donner lieu nécessitent une plus grande préparation en amont.

  • 15 « Le Premier secrétaire du P.S. doit se rendre en U.R.S.S. en février », Le Monde, 11 décembre 197 (...)

7L’institutionnalisation de la collégialité qui s’opère sous Lionel Jospin trouve des traductions concrètes dans l’organisation des voyages, qui mobilise de plus en plus de socialistes. Néanmoins, de manière homogène sur toute la période et sous tous les secrétaires internationaux, ceux-ci restent les premiers responsables de cette organisation. Ils sont notamment les principaux interlocuteurs des hôtes ou invités étrangers. Robert Pontillon par exemple, est de la plupart des réunions préparatoires aux congrès de l’IS et il arrive qu’il se déplace en amont du Premier secrétaire pour préparer ses voyages. C’est le cas pour le voyage en URSS : il s’y rend en novembre 1973 pour « mettre au point le futur déplacement du Premier secrétaire15 » alors encore prévu pour le début de 1974. C’est également le cas pour le voyage aux États-Unis de 1975, et la tentative ratée de 1977.

8Surtout, si le nombre de personnes impliquées croît globalement sous les secrétariats de Lionel Jospin, du fait de la sectorisation et spécialisation des membres du secrétariat, pour chaque voyage seul un groupe restreint est mobilisé. Il semble en être de même parmi les secrétariats internationaux des partis avec lesquels le PS est en relation. Cela s’explique à la fois par des raisons de compétence et par un souci d’efficacité : il est ainsi plus aisé d’organiser un événement lorsqu’on dispose d’un unique interlocuteur. Sous Robert Pontillon, Michel Thauvin semble avoir organisé seul, en concertation avec François Mitterrand, de nombreux voyages dont celui en Finlande en 1976 par exemple, pour lequel son homologue, Paavo Lipponen, est son unique interlocuteur. Il est le pilier de l’organisation de bien d’autres voyages comme celui aux États-Unis en 1975 et celui en Espagne en 1976. Michel Thauvin, polyvalent au sein du secrétariat international, était avant tout spécialiste du fonctionnement diplomatique et de la logistique. Avec la réorganisation du secrétariat, les socialistes en charge des questions internationales étaient eux spécialistes d’une zone géographique ou d’une thématique particulière. Dans tous les cas, cette spécialisation invalide l’hypothèse d’un fonctionnement amateur.

  • 16 CAS, FJJ, 621 RI 1. Note : « Voyage aux États Unis ».
  • 17 CAS, FJJ, 621 RI 1. Note de M.-P. Rieux pour F. Mitterrand, 1er décembre 1980.

9Un autre type de compétences semble acquérir une importance croissante : celle de la gestion des médias, et notamment des médias étrangers. C’est ainsi que Florence Pavaux, chargée de la presse étrangère, est le « contact presse » pour le séjour aux États-Unis de 197516 et accompagne François Mitterrand en voyage dès 1976. En 1980, toujours pour les États-Unis, Marie-Pierre Rieux est chargée des relations publiques auprès du Premier secrétaire et a à ce titre de multiples responsabilités : elle gère les liens avec la presse, la médiatisation du voyage, mais aussi les liens avec l’ambassade de France à Washington. Elle y précède d’ailleurs François Mitterrand pour pouvoir prendre des contacts sur place avant son arrivée17.

  • 18 CAS, FJJ, 10 RI 1. Note : « Réunion de la Commission “Tiers Monde” du 18 décembre 1975. Algérie ».
  • 19 INA, « François Mitterrand (visite Alger et réponse à R. CHINAUD) », IT1 13 h, 1, 27 février 1976.
  • 20 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 25. Note de L. Jospin, « Diffusion aux camarades à l’équipe Tiers Monde » sur (...)

10Enfin, même si leur participation à l’organisation directe des voyages semble ponctuelle et secondaire, on note que les différentes commissions et équipes de travail ont pu être mobilisées. Le voyage en Algérie de 1976 est ainsi le principal sujet de conversation de la réunion de la Commission Tiers Monde qui se tient le 18 décembre 1975, avec entre autres Camille Scalabre, Jacques Huntzinger et Philippe Farine. En plus de fournir de vraies analyses sur ce qui devait être attendu de ce voyage, sur les rapports de force en présence, ou encore sur la réalité du régime algérien, les participants y formulent des propositions concrètes qui sont retenues. En effet, Philippe Farine y émet l’idée que de ce voyage naisse une commission consultative18, idée reprise par la direction du PS puisqu’à l’issue de leurs entretiens le FLN et le PS ont décidé d’instituer une commission permanente de concertation19. De même, lors de la préparation du congrès de l’IS à Vancouver en 1978, Lionel Jospin soumet le projet de résolution prévu à l’équipe Tiers Monde car il comprend un pan important sur l’Afrique du Sud20.

  • 21 CAS, FJJ, 727 RI 2. Télégramme de l’AFP.
  • 22 CAS, FJJ, 727 RI 2. Note de M. Thauvin à F. Mitterrand, 21 décembre 1977.
  • 23 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de F. Mitterrand à T. Shirata, 16 janvier 1978.

11L’efficacité du fonctionnement des différents secrétariats internationaux peut se déduire du peu de faux pas dont on a trace. Seul le voyage au Japon de 1977 semble donner lieu à un véritable incident. François Mitterrand doit en effet déjeuner le 17 février avec une centaine de membres du Club de la presse japonaise (Nihon Kisha Club) qui l’attendent en vain, ce qui provoque une vraie tension21. Prévenu un peu plus tard, François Mitterrand argue du fait qu’il n’avait pas été informé de ce rendez-vous et exige à son retour des explications. Michel Thauvin lui fournit alors la copie de toutes les correspondances adressées au secrétariat du PS japonais et à Issei Inoue, leurs principaux interlocuteurs. Fort de ces preuves, il se dédouane lui et Florence Pavaux qui a « assuré la liaison avec les correspondants parisiens des journaux nippons » de toute responsabilité, soulignant que la faute revient sans doute au « Comité d’organisation local composé de représentants des 2 partis japonais22 ». Cet incident, unique d’après nos sources, se clôt par une lettre d’excuse adressée par François Mitterrand au président du Club de la presse japonaise précisant que ni le secteur international ni le secteur presse du PS n’ont eu connaissance de cet événement23. Il tend donc à renforcer l’idée d’un secrétariat performant.

  • 24 CAS, FJJ, 421 RI 9.

12En amont des voyages les plus stratégiques, se tenaient souvent des réunions préparatoires avec les secrétaires internationaux ou leurs remplaçants. Mais la constitution de notes et dossiers documentaires sur les pays de destination et les futurs interlocuteurs était la pratique préparatoire la plus courante. Aucun de ces dossiers ne semble avoir été entièrement archivé, mais en subsistent de nombreux éléments. Ces dossiers présentent généralement la situation politique, économique et sociale du pays dans ses aspects les plus centraux, ils sont la base sur laquelle les délégations abordent les entretiens politiques avec leurs interlocuteurs étrangers. La liste de ces interlocuteurs potentiels, accompagnée de quelques éléments biographiques, est également un élément récurrent. Ces notes sont issues du secrétariat international ou de sources très diverses, que le secrétariat centralise et rediffuse. Voici à titre d’exemple la liste des documents qui semblent avoir formé le dossier préparatoire au voyage en Bulgarie (1977)24 :

– Livre noir sur la Bulgarie 1944-1977, opuscule composé par le Bulgarian Liberation Movement, édité par le Mouvement de Libération bulgare avec la collaboration de la Revue L’Avenir. Il fut envoyé au PS par T. Barev, le directeur de la revue mensuelle L’Avenir. Or cette revue comme ces mouvements bulgares sont des représentants de la dissidence bulgare en exil.
– Dossier sur la « Situation économique de la Bulgarie et commerce franco-bulgare », du Poste d’expansion économique, Sofia, le 19 septembre 1977.
– Note : « Bulgarie. Histoire récente » produite par le secrétariat international du PS.
– Note : « Les Bulgares et l’eurocommunisme », du secrétariat international du PS.
– Note : « Bulgarie. Quelques aspects culturels », du secrétariat international du PS.
– Ensemble de documents sur les responsables politiques bulgares.
– Note du 13 octobre 1977 dite « Note sur la Bulgarie » avec deux pièces jointes sur la Bulgarie et les rapports franco-bulgares.
– Note « Des rapports entre la Yougoslavie et la Bulgarie », par l’Ambassade yougoslave à Paris, Paris, le 13 octobre 1977.

13Cet exemple donne un reflet fidèle des domaines couverts, ainsi que de la diversité de leurs sources : le secrétariat international lui-même à travers des notes de synthèse ; des documents directement empruntés à des mouvements dissidents, comme dans le cas du Livre noir sur la Bulgarie ; des autorités consulaires, tant françaises (le poste d’expansion économique de Sofia), qu’étrangères (ici l’ambassade de Yougoslavie). La composition de ces dossiers est ainsi un élément particulièrement intéressant pour saisir la grille de lecture et l’ensemble des présupposés que les socialistes français avaient à leur départ.

14Cette dimension documentaire avait de plus un caractère stratégique évident, comme souligné par exemple dans cette note de Jean-Pierre Cot qui avait séjourné en URSS une semaine en mars 1975, avec la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale :

  • 25 CAS, FJJ, 8FP7/87 – URSS. « Note sur le voyage en URSS de la délégation du Parti Socialiste condui (...)

« 1- Les Soviétiques sont toujours formalistes dans la discussion. Penser à préparer un ordre du jour des débats et un projet de communiqué commun. Sinon, vous travaillerez sur les bases fournies par l’interlocuteur. Même Couve de Murville s’est laissé surprendre.
2- La base de référence du débat politique risque d’être le communiqué de Rambouillet, qui a conclu les conversations Giscard-Brejnev à l’automne dernier […]. Attention de ne pas être en porte-à-faux par rapport à ce texte.
4- Vous entendrez beaucoup parler de la C.S.C.E. Demander une fiche technique précise aux experts25. »

  • 26 CAS, FJJ, 721 RI 27. Notes diverses.

15Outre ces questions de fond, le secrétariat international prend également en charge des questions plus pratiques, gère les relations avec la presse ou fournit des conseils aux voyageurs. Pour le voyage en Chine par exemple, certaines notes abordent les questions de la météorologie, de la pharmacie, des bagages, du décalage horaire, de la blanchisserie, du courant électrique, des lieux d’achats, et enfin de l’usage du pourboire, de la monnaie, du change26. Le secrétariat international se charge notamment des procédures pour les visas, puisque les délégués socialistes ne disposent pas de passeports diplomatiques.

16Enfin, il est aussi chargé de prévoir les cadeaux aux hôtes étrangers. Cette question peut sembler anecdotique, mais les cadeaux sont des éléments importants du rituel de l’accueil et un soin particulier leur est accordé : il s’agit souvent d’offrir, en plus des cadeaux génériques attendus, des présents plus personnalisés qui témoignent à leurs hôtes de la chaleur de leur démarche. Le contenu politique de ces cadeaux est très variable. Pour les autorités soviétiques par exemple, Robert Pontillon sollicite en ces termes Pierre Mauroy :

  • 27 CAS, FJJ, 401 RI 26. Note de R. Pontillon à P. Mauroy, 27 mars 1974.

« En complément de la note relative au voyage en Union Soviétique, je souhaite te préciser que pour ce qui concerne les cadeaux, nos camarades soviétiques sont très attachés à tous les témoignages de l’Internationale ouvrière.
D’après mes informations, il semble que le musée de la ville de Lille soit très richement pourvu de documents originaux traitant de la naissance de la première Internationale.
Je pense qu’il serait excellent que le Secrétaire à la Coordination, et en même temps Député-Maire de Lille, puisse offrir aux personnalités soviétiques qui nous recevront, de tels documents.
Peux-tu te charger de cela27 ? »

  • 28 CAS, FJJ, 721 RI 27.
  • 29 Entretien avec C. Estier, 6 décembre 2011.
  • 30 INA, « François Mitterrand au Portugal », JT 20 h, 2, 5 juillet 1974.
  • 31 R. Barrillon, « M. Mitterrand en URSS. La délégation du PS a achevé son voyage par Leningrad et l’ (...)
  • 32 C. Estier, « 9 heures d’entretien », L’Unité, 156, 2 mai 1975, p. 6.
  • 33 Archives municipales de Marseille, cote 100II83, Lettre de G. Defferre à B. Biszku, 31 mai 1976.
  • 34 Archives municipales de Marseille, cote 100II84.
  • 35 CAS, FJJ, 457. RI. 5. Télégramme de H. Ollikainen à M. Thauvin, 30 juillet 1976.
  • 36 CAS, FJJ, 547. RI 1. Note : « Cadeaux à Sengor ».
  • 37 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.
  • 38 P. Balta, « M. Mitterrand répond aux critiques de la majorité au sujet de son voyage en Algérie »,(...)

17En Chine, ont été offerts des ouvrages sur la Commune de Paris, des livres de Léon Blum, des exemplaires d’Ici et Maintenant, de Politique ; et au comité provincial et aux artistes rencontrés, des exemplaires de La Paille et le Grain et de L’Abeille et Architecte, tandis que les responsables de l’Opéra de Pékin ont reçu un ouvrage sur l’Opéra de Paris28. Ces cadeaux aux Soviétiques comme aux Chinois sont très politiques et non personnels, à l’image apparemment des usages en vigueur dans les pays communistes. Claude Estier rapporte ainsi qu’en Corée, la délégation socialiste avait reçu la collection complète des œuvres de Kim Il Sung29, alors que les cadeaux soviétiques comprenaient aussi du caviar et de la vodka. Les cadeaux politiques ne sont pas l’apanage des pays communistes : en 1974 par exemple, François Mitterrand venu soutenir le PSP en difficulté dans la coalition rassemblée derrière le général de Spínola, offre très symboliquement à ce dernier un livre sur l’histoire du socialisme30. Mais les cadeaux reçus et offerts par le PS sont parfois plus légers, à l’image de la djellaba et du « petit couvre-chef en soie » offerts par le PC ouzbek à François Mitterrand31 et qu’il porte sur l’une des photographies illustrant ce périple soviétique dans L’Unité32, ou du « service à café en porcelaine blanche peinte à la main » offert par un responsable hongrois à Gaston Defferre33, ou encore des deux voitures électriques offertes par Luis Echeverría, ancien président du Mexique et directeur du Centre d’études politiques et économiques du Tiers Monde mexicain à François Mitterrand et Gaston Defferre en 197734. On distingue aussi via certains cadeaux, plus personnalisés, des relations amicales bien établies. Sollicitant en 1976 le PS finlandais au sujet des présents à offrir à Kalevi Sorsa, Michel Thauvin reçoit une réponse pour le moins apolitique : « I tell you, that he is enormously fond of French cheese. Besides that he is interested in literature, art etc.35. » Dans d’autres cas, plus que des indices de relations effectives, ces cadeaux nous informent des relations amicales que le PS souhaite établir ou renforcer. C’est ainsi que Léopold Sédar Senghor se voit offrir en 1975 des éditions anciennes de P.-L. Courrier et un « ouvrage sur la Reine de Saba dans la traduction de Mardrus (ouvrage connu des spécialistes, paraît-il), car [il] travaille sur la Reine de Saba », cadeaux choisis avec soin par Paulette Decraene36. De même, en raison du goût connu de Houari Boumediene pour les épées, le secrétariat international est chargé en 1976 de courir les antiquaires parisiens afin de lui trouver une pièce rare37 : « Une épée datant de l’époque de Bonaparte38. »

Les réseaux personnels et militants

  • 39 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 39. Note de R. Balcomb à R. Pontillon, 29 novembre 1973.

18Si l’ampleur de ses archives personnelles provoque sans doute un effet de source important, tendant à le survaloriser, il reste que Robert Pontillon a réellement piloté et incarné les relations internationales du PS pendant neuf des onze ans étudiés. Ses réseaux, parmi lesquels il est difficile d’isoler les relations militantes et personnelles, sont à ce titre au centre de l’organisation des voyages. Ils correspondent à des liens tissés dans des cadres multiples, même si ceux noués au sein de l’IS sont les plus importants. Robert Pontillon a par exemple activement participé à la préparation du voyage en Égypte en 1974 grâce aux informations recueillies en septembre 1973 lors de sa mission de président du groupe d’étude de l’IS sur le Moyen-Orient. Lors de ce voyage il avait rencontré Mahmoud Fawzi, ancien ministre des Affaires étrangères (et vice-président égyptien lors du voyage de 1974) et Mohamed Hafez Ghanem, Premier secrétaire du Comité central de l’Union socialiste arabe39. Or ces deux personnalités égyptiennes sont de la délégation qui accueille les représentants du PS en 1974, et dont Robert Pontillon fait partie. Ses nombreux séjours à l’étranger, sa participation à de multiples réunions internationales, tant au sein de l’IS que de l’UPSCE, ont ainsi fait de lui un homme de réseaux internationaux, un ambassadeur socialiste itinérant qu’il était utile d’intégrer aux différentes délégations, au-delà même de la question protocolaire.

  • 40 CAS, FJJ, 8FP7/334. Lettre à R. Pontillon, 24 janvier 1974.

19Outre les réseaux liés à l’IS, l’étude de ces voyages a fait apparaître des réseaux plus inattendus. Toujours au sujet du voyage en Égypte par exemple : il semble que Robert Pontillon ait pu rencontrer au Caire M. Handi Ashour, gouverneur-maire du Caire, et membre de la Commission exécutive de la Fédération mondiale des villes jumelées, qui avait été prévenu de sa présence dans cette ville par Jean-Marie Bressand, résistant français et fondateur de cette fédération en 195740. En effet, le socialiste en était lui-même vice-président depuis décembre 1973.

20Robert Pontillon active enfin parfois des réseaux plus personnels, bien que de toute évidence noués dans un contexte professionnel. En 1975 par exemple, il est l’un de ceux qui participent à l’organisation du voyage au Sénégal, alors même que ce pays relève du domaine de responsabilité du secrétaire au Tiers Monde, Lionel Jospin. Il écrit ainsi à François Mitterrand :

  • 41 CAS, FJJ, 547. RI 1. Lettre de R. Pontillon à F. Mitterrand, 29 juillet 1975.

« L’invitation de L-S SENGHOR m’a été transmise par l’Ambassadeur GUILLABERT, que je connais de longue date, et que j’ai rencontré à votre demande, dans l’impossibilité que vous étiez de le recevoir.
J’ai donc préparé la réponse sur la base de vos indications.
J’ai bien entendu communiqué copie de la lettre de SENGHOR à Lionel JOSPIN41. »

  • 42 CAS, FJJ, 818. RI 4.

21De même, ses réseaux personnels sont mobilisés lors du voyage en Israël en 1976 (du 26 au 31 octobre) : Jacques Attali, Lionel Jospin, Jean Poperen et Pierre Aidenbaum ont ainsi visité le kibboutz Michmar Haneguev, guidé par un certain Ouri Sebag. Or cet homme, secrétaire du Conseil ouvrier de Beersheba, membre du Comité exécutif du parti travailliste israélien et du Comité exécutif de la Histadrouth, et enfin président du Comité français du parti, était un correspondant de Robert Pontillon. Et les lettres conservées dans les archives socialistes ne laissent aucun doute sur la nature amicale de leurs relations et sur le rôle d’intermédiaire joué par Robert Pontillon dans le choix de ce kibboutz particulier42.

22D’autres cadres du parti ont pu par leurs réseaux être des « go-between », des intermédiaires, entre certaines personnalités ou entités étrangères et le PS. Comme nous l’avons déjà évoqué, ce fut par exemple le cas de Claude Estier pour le voyage au Chili de 1971, mais aussi pour celui en Algérie :

  • 43 C. Estier, La plume au poing, Paris, Stock, 1977, p. 156-157.

« Je ne reverrai pas l’Algérie pendant plus de neuf ans. Le 1er novembre 1974, Boumediene m’a cependant inscrit sur la liste des amis étrangers qu’il a invités à l’occasion du vingtième anniversaire du soulèvement de 1954. […] C’est pendant ce séjour que j’ai pris, au siège du F.L.N., les premiers contacts – poursuivis efficacement par Lionel Jospin – qui allaient aboutir à la visite en Algérie, en février 1976, de la délégation du Parti socialiste conduite par François Mitterrand43. »

23Mais il semble que Claude Estier et Lionel Jospin – qu’on sait lui aussi lié à l’Algérie – n’aient pas été les seuls socialistes à activer leurs relations algériennes pour faire advenir ce voyage. En réaction à une polémique lancée par le Premier ministre Jacques Chirac, qui l’accusait de ne pas s’être informé du point de vue français sur le froid diplomatique franco-algérien avant son départ, François Mitterrand transmet à la presse un communiqué dans lequel il fait savoir qu’il « n’a pas manqué de se procurer les informations nécessaires auprès des services compétents avant de se rendre en Algérie ». Et il poursuit :

  • 44 INA, « Chirac : réponse voyage Mitterrand », JA2 20 h, 2, 27 février 1976.

« À ceux qui seraient surpris de cette information, il faut dire que le Parti socialiste, comme tous les grands partis politiques, compte parmi ses membres, et au plus haut niveau, des hauts fonctionnaires qui ont accès aux dossiers de l’État. C’est une situation tout à fait banale dans de grandes démocraties comme la Grande-Bretagne et les États-Unis44. »

  • 45 CAS, FJJ, 721 RI 7. Lettre de E.M. Manac’h, 26 janvier 1981.

24Cette déclaration nous rappelle ainsi que le PS disposait de réseaux diplomatiques. Ceux-ci sont par exemple activés lors de la préparation du voyage en Chine : Étienne Manac’h, ambassadeur de France à Pékin de 1969 à 1975, adresse le 26 janvier 1981 à un mystérieux « cher ami », qui pourrait être Lionel Jospin – on a ainsi le témoignage d’une correspondance liant les deux hommes en 1977 – la note qu’il avait composée pour le président Valéry Giscard d’Estaing en 1980, lors de la préparation du voyage présidentiel en Chine45.

  • 46 CAS, FJJ, 639 RI 1. Lettre de J.-P. Cot à F. Mitterrand, 13 novembre 1975.

25Plus généralement, parmi les cadres, la mise au service de leurs réseaux internationaux au bénéfice du Parti semble avoir été une pratique très partagée. On le constate par exemple encore dans le cas du Venezuela, la communication avec lequel semble avoir été établie en 1975 par Jean-Pierre Cot46.

  • 47 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de L. Perrein à R. Pontillon, 18 février 1975.

26D’autres voyages sont l’occasion de voir affleurer des réseaux inattendus, constitués par de simples militants qui, détenteurs de liens privilégiés avec certains pays et sollicités par des interlocuteurs étrangers, estiment devoir en faire profiter le Parti. Louis Perrein, sénateur du Val-d’Oise (1977-1995) et maire de Villiers-le-Bel (1953-1989), tient par exemple un rôle central dans l’organisation du voyage de François Mitterrand au Japon en 1977. Il noue des contacts avec ce pays en 1975, à l’occasion d’un voyage effectué en compagnie du maire de la ville japonaise de Settsu, M. Issei Inoue. Dès cette année il relaie alors auprès du secrétariat international le souhait des socialistes japonais de recevoir François Mitterrand47. Il effectue d’ailleurs cette mission d’intermédiaire à la demande même d’Issei Inoue :

  • 48 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre d’I. Inoue à L. Perrein, 23 janvier 1975.

« Actuellement, un groupe de jeunes socialistes japonais est en train de former le projet d’inviter le Président François MITTERRAND, candidat aux élections présidentielles.
Ayant fait la connaissance du Président Mitterrand lors de la Réunion de 20 000 personnes à Lille, je serais ravi si je pouvais le revoir au Japon.
Les Socialistes et leurs amis, eux aussi, souhaitent vivement la visite du Président Mitterrand au Japon afin de profiter de sa longue expérience politique.
Comme l’an dernier, vous avez eu l’occasion de voir la réalité de l’autonomie communale au Japon, je vous serais reconnaissant de bien vouloir transmettre au Président Mitterrand l’expression de notre très vif désir de recevoir sa visite au Japon, et si cette visite pouvait être organisée, la ville de Settsu serait très honorée de le recevoir.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire et cher ami, l’assurance de ma haute considération et vous prie de présenter mon respectueux hommage à Madame Perrein48. »

  • 49 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de L. Perrein, à Issei Inoue, 25 novembre 1977.
  • 50 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de M. Thauvin à S. Sugiyama, 2 décembre 1977.
  • 51 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de M. Thauvin, à I. Inoue, 2 décembre 1977.
  • 52 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre d’A. Blanca à L. Jospin, 28 juin 1979.

27Ce voyage, motivé par l’invitation de l’Association des maires progressistes du Japon et de son président et animateur, M. Asukata, maire de Yokohama, ne donne pas lieu, à notre connaissance, à une rencontre du Premier secrétaire français avec le maire de Settsu. Cependant, le rôle que le binôme d’élus franco-japonais a joué dans l’organisation du voyage de 1977 est tout à fait explicite. Ainsi, c’est par correspondance que Louis Perrein et Issei Inoue organisent dans un premier temps ce voyage, chacun représentant son parti49. Cette collaboration est facilitée par la venue d’Issei Inoue à Paris, qui propose alors un programme de visite à Robert Pontillon et Louis Perrein – le sénateur participe en effet à ce voyage de manière informelle50. Les deux Français accomplissent seuls une partie du voyage, du 13 au 15, puis accueillent et accompagnent François Mitterrand à Kyoto et Nara dans sa découverte du Japon traditionnel. Cette connexion inter-personnelle croise cependant l’institution partidaire, puisque Michel Thauvin correspond également avec Issei Inoue51. Finalement, il semble que ce soit à l’issue d’un banal échange épistolaire entre Louis Perrein et Issei Inoue, que le sénateur français est intronisé spécialiste du Japon au PS : en 1979, il est encore sollicité par le secrétariat international pour l’accueil d’une délégation du PS japonais52.

  • 53 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de J. Schaeffer.
  • 54 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de R. Pontillon à J. Schaeffer, 2 février 1976.

28L’émergence de relations entre le PS et le Parti Québécois suit le même processus. Tout partirait d’un militant socialiste, Jean Schaeffer, également militant de la CGT. Séjournant au Québec en 1976 pour assister à une manifestation du Conseil mondial de la paix, il entre à cette occasion en contact avec Henri Laberge, l’un des dirigeants de la Centrale de l’enseignement du Québec et l’un des membres du Comité des Affaires internationales du Parti québécois. Ce dernier se montre « désireux d’avoir des contacts avec le secteur international du Parti socialiste », et souhaite connaître la position du PS sur la « décolonisation du Québec53 ». Robert Pontillon, le remerciant de ce premier contact, répond qu’il désire établir « une relation régulière avec ces camarades54 ». Le secrétaire international répond alors directement à Henri Laberge, dans une lettre qui laisse entendre que cette prise de contact est une opportunité longtemps espérée :

  • 55 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de R. Pontillon à H. Laberge, 2 février 1976.

« Nous regrettons, en effet, depuis fort longtemps, que la délégation générale du Québec en France n’ait jamais cherché à entamer un dialogue avec nous et se soit exclusivement contentée de relations avec le pouvoir en place55. »

29Robert Pontillon lui confirme souhaiter « un échange d’informations », précisant que le PS est conscient de ce qu’il appelle « fort justement, la décolonisation du Québec ». Il achève enfin sa lettre en émettant le vœu de le rencontrer « lors d’un prochain voyage sur le continent américain ». Après avoir été relayée au sein du PS français, l’information circule ensuite au sein du parti Québécois : prévenu par Henri Laberge, Bernard Landry, membre de l’Exécutif national et responsable des Affaires Internationales de ce parti, contacte dès mars 1976 Robert Pontillon. Il réitère alors avec force leur intérêt pour des contacts approfondis et souligne l’importance des réseaux militants dans l’établissement de ces contacts franco-québécois :

  • 56 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de B. Landry à R. Pontillon, 3 mars 1976.

« J’ai été vivement intéressé par votre attitude d’ouverture face à la question du Québec et votre désir de dialogue.
J’avais eu le bonheur, il y a quelques années, en compagnie de monsieur René Lévesque, de rencontrer monsieur François Mitterrand. Sans doute que les choses n’étaient pas mûres et que trop de militants français attribuaient une coloration “gaullienne” au mouvement de décolonisation du Québec, ce contact resta sans lendemain.
[…] La déconfiture du régime en place, confirmée par tous les sondages, rend urgent l’établissement de liens suivis avec les progressistes du monde entier. Il va sans dire que nous considérons votre formation politique comme un interlocuteur privilégié et j’ai même le sentiment – les contacts France-Québec étant plus nombreux qu’on ne croit – que nos militants respectifs ont déjà précédé les appareils, sur la voie des échanges.
Nous serions intéressés à recevoir vos principales publications et je vous fais parvenir sous pli préparé un exemplaire du programme du Parti Québécois. Il va de soi que si vous venez en Amérique nous vous réserverons un accueil fraternel56. »

  • 57 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de R. Pontillon à B. Landry, 6 avril 1976.

30Robert Pontillon poursuit la correspondance dans le même esprit : « Je pense en effet qu’il est temps que nous entretenions un dialogue plus permanent. […]Je me réjouis que des initiatives personnelles des militants de nos formations et les comptes rendus qui nous en ont été faits permettent un échange que je souhaite fructueux » (je souligne)57. Ce sont donc ces prises de contacts de 1976 qui font boule de neige et aboutissent au voyage de François Mitterrand au Québec en novembre 1978, les socialistes profitant de l’occasion offerte par la tenue du XIVe Congrès de l’Internationale socialiste à Vancouver. Ces deux exemples montrent ainsi que de simples militants socialistes ont pu être perçus à l’étranger comme des relais et ambassadeurs efficaces de leur parti, ce qui leur a parfois permis d’impulser des dynamiques bilatérales de premier plan.

La diplomatie française

  • 58 CAS, FJJ, 621 RI 1. Télégramme adressé à F. Mitterrand, 13 novembre 1975.
  • 59 CAS, FJJ, 621 RI 1. Lettre de M. Thauvin à F. Mitterrand, 19 novembre 1975.
  • 60 CAS, FJJ, 621 RI 1. Lettre de R. Vignal à R. Pontillon, 3 décembre 1975.
  • 61 CADN, 21 PO/8/205. Dépêche de G. de Commines à M. Ulrich, directeur du cabinet du ministre des Aff (...)
  • 62 CAS, FJJ, 621 RI 1. Lettre de M. Thauvin à F. Mitterrand, 19 novembre 1975.

31Si l’exemple de la documentation officielle fournie au Parti socialiste sur la Chine par l’ambassadeur Étienne Manac’h témoigne de connexions diplomatiques du PS, ce diplomate n’était plus en poste en 1981 et il n’y a guère que pour le voyage américain de 1975 que nous avons gardé trace de la participation de membres actifs de la diplomatie française à l’organisation des voyages. Cette absence n’est en soi pas étonnante : les représentants de l’État n’avaient pas à faciliter les déplacements du chef d’un parti de l’opposition. L’exception américaine en est d’autant plus intéressante et témoigne de l’engagement militant de diplomates au service du PS. C’est ainsi qu’un certain G. Egal, travaillant à la direction des affaires politiques du ministère des Affaires étrangères, sollicité par son ami Robert Pontillon, signale à François Mitterrand avoir prévenu deux socialistes travaillant au consulat de New York et à l’ambassade de Washington de sa venue : Albert Turot à New York et Renaud Vignal à Washington, qui « militent activement depuis de longues années dans [leurs] rangs58 ». Les fonctions exactes d’Alfred Turot nous sont inconnues ; en revanche on sait que Renaud Vignal était conseiller de presse à l’ambassade de Washington. Dans cette même lettre, G. Egal conseille au Premier secrétaire de prévenir par des canaux plus officiels l’ambassade française de son projet de séjour aux États-Unis. Le rôle joué par Renaud Vignal s’avère ensuite particulièrement important puisque durant tout le séjour de François Mitterrand, il met à sa disposition « une voiture avec chauffeur et une secrétaire parlant parfaitement l’anglais59 ». De plus, Renaud Vignal reçoit la délégation socialiste à son domicile et assure après le voyage le suivi de l’écho médiatique de ce dernier60. Par le ton employé, il semble évident que des liens personnels se sont tissés. Et, si l’ambassadeur français à Washington, Jacques Kosciusko-Morizet, n’est jamais évoqué dans les archives, on sait par une dépêche diplomatique liée au voyage en Algérie qu’il était un vieil ami de François Mitterrand et qu’ils s’étaient probablement vus à Washington61. Enfin, la délégation a été reçue à dîner le 26 novembre par le consul de France, Gérard Gaussen, et une rencontre avait été un temps envisagée entre François Mitterrand et Louis de Guiringaud, représentant permanent de la France auprès des Nations unies depuis 1975 et élevé à la dignité d’ambassadeur de France le 16 avril 197562. Il s’agissait par cet entretien de préparer une entrevue entre le Premier secrétaire du PS et le secrétaire général de l’ONU, l’Autrichien Kurt Wadheim, qui souhaitait revenir d’une mission au Moyen-Orient à la seule fin de rencontrer François Mitterrand. Mais cette rencontre ne put finalement avoir lieu, et Louis de Guiringuaud ne rencontra pas non plus la délégation socialiste. Cet exemple, bien que très original, montre en premier lieu que le PS pouvait avoir des relais au sein de la diplomatie française, mais que ceux-ci, pour des raisons politiques évidentes, étaient d’un niveau de responsabilité bien en deçà des ambassadeurs. Ce ne sont ainsi pas des représentants officiels de la France qui sont intervenus, mais des conseillers. Il montre en second lieu à travers la collaboration envisagée avec le giscardien Louis de Guiringaud, que les socialistes avaient, lorsque cela était nécessaire, des contacts avec des diplomates non socialistes.

Le rôle des pays hôtes

  • 63 S.-R. Margulies, The Pilgrimage to Russia. The Soviet Union and the Treatment of Foreigners, 1924- (...)

32L’intervention des diplomates étrangers en poste en France dans l’organisation des voyages socialistes est en revanche assez courante. Sylvia Margulies, dans son ouvrage sur les voyages en URSS dans l’entre-deux-guerres63, utilise la notion de « techniques d’hospitalité » pour nommer le dispositif institutionnel soviétique prenant en charge l’organisation de ces voyages, depuis la prescription d’itinéraires jusqu’à la prise en charge des voyageurs lors de leur séjour. On s’attachera ici aux seules techniques d’hospitalité mises en œuvre en amont des voyages.

  • 64 Entretien avec M. Thauvin, 6 mars 2013.

33Les diplomates étrangers en poste en France, et notamment à Paris, sont des partenaires privilégiés du PS64 et interviennent dans la préparation de multiples voyages, sans distinction de continent ou de type de régime politique. Cependant, de même que la diplomatie française n’organise pas les voyages de l’opposition, de même les diplomates ne participent à l’organisation des voyages de François Mitterrand que lorsque l’invitation émane d’un parti de gouvernement. C’est ainsi qu’on voit intervenir à différents moments du processus préparatoire des diplomates de pays communistes – voyage à Cuba en 1974, en URSS en 1975, en Hongrie en 1976, en Bulgarie en 1977, en Roumanie en 1979, en Yougoslavie en 1980, ou encore en Chine en 1981 – ainsi que dans des pays à parti unique – Égypte en 1974, Sénégal en 1975 – au pouvoir – Suède en 1975, Finlande en 1976, Venezuela et Mexique en 1977 – ou dans des cas diplomatiquement complexes comme pour le voyage en Espagne en 1976.

34Les ambassades parisiennes sont en premier lieu des intermédiaires nécessaires dans la transmission des correspondances. En effet, il semble dans un certain nombre de cas que ce soit le personnel diplomatique parisien qui se soit chargé de traduire, dans les deux sens, les correspondances échangées entre hôtes et invités socialistes. Mais à une époque où le PS communique avec nombre de ses interlocuteurs – essentiellement européens il est vrai – par télex, on ne s’explique pas toujours l’usage de tels intermédiaires, notamment lorsque tous les interlocuteurs étaient francophones ou anglophones. C’est ainsi que le transit de l’invitation de l’UPS et de Léopold Sédar Senghor à François Mitterrand par l’ambassadeur Guillabert ne peut se justifier par des motifs linguistiques.

  • 65 T. Pfister, « En se rendant au Caire. M. François Mitterrand espère relancer les relations du P.S. (...)
  • 66 « Le Parti socialiste confirme l’ajournement du voyage en U.R.S.S. de M. Mitterrand », Le Monde, 8 (...)

35Au-delà de leur rôle de messagers, pour les voyages les plus sensibles, les diplomates étrangers à Paris jouent avec les socialistes français un rôle conforme à leur mission diplomatique première. Ils mettent en rapport leurs hiérarchies avec le PS et négocient avec ce dernier au nom de leurs appareils diplomatiques, comme ils le feraient avec les officiels français. Le voyage en Égypte de 1974 par exemple, semble avoir été préparé en amont par des rencontres avec les différents ambassadeurs arabes pouvant se sentir concernés par ce tournant de la politique internationale du PS65. De même, la préparation du voyage en URSS est marquée par l’implication vigoureuse de l’ambassade soviétique à Paris : l’ambassadeur Piotr Abrassimov se charge de transmettre l’invitation du Comité central du PCUS66, et il mène la polémique qui conduit au premier report de ce voyage en 1972 :

  • 67 A. Laurens, « À la suite de la lettre que lui a adressée M. Abrassimov. M. François Mitterrand ajo (...)

« M. Abrassimov est un ambassadeur particulièrement vigilant pour tout ce qui touche à la réputation de son pays et, au risque de paraître intervenir dans les affaires intérieures de l’État auprès duquel il est accrédité, il n’hésite pas à sortir de la traditionnelle réserve des diplomates. […] Voici que maintenant il entre publiquement dans l’arène en publiant sans tarder sa longue réponse à M. François Mitterrand, qui lui avait écrit le 25 août au sujet du sort des juifs d’Union soviétique. L’ambassadeur y évoque également les déclarations faites par le Premier secrétaire du Parti socialiste, lors de sa conférence de presse du 21 août sur la Tchécoslovaquie67. »

  • 68 CAS, FJJ, 401 RI 26. Lettre confidentielle de R. Pontillon à F. Mitterrand, 30 avril 1974.
  • 69 INA, « François Mitterrand retour de Tahiti », IT1 20 h, 1, 11 avril 1975.

36Entre les phases de préparation des voyages, l’ambassade soviétique ne cesse d’être le relais de l’URSS auprès du PS comme elle l’est auprès des autorités françaises. En 1974, au cours de la campagne présidentielle, François Mitterrand comme Robert Pontillon rencontrent notamment un des conseillers de l’Ambassade, M. Slioussar, afin de tempérer des frictions dues au soutien soviétique à la candidature de Valéry Giscard d’Estaing68. En 1975 enfin, l’ambassadeur Tchervonenko est le principal interlocuteur du PS dans la préparation du voyage de nouveau reporté69. Mitterrand se servira de ses chroniques pour régler ses comptes avec lui. Voici ce qu’il en écrit à la suite d’une analyse de la situation portugaise :

  • 70 F. Mitterrand, L’abeille et l’architecte, Paris, Flammarion, 1978, p. 35.

« Exactement ce que m’avait, un matin, dit chez moi l’ambassadeur Tchervonenko : “Le Comité central du parti communiste de l’Union soviétique souhaite que vous sachiez que notre direction n’acceptera aucune ingérence étrangère dans les affaires du Portugal.” Ce à quoi j’avais répondu : “Étonnante situation. Un ambassadeur de Russie invoquant à Paris auprès du Premier secrétaire du Parti socialiste français le droit du Portugal à disposer de lui-même”70. »

37Cet extrait nous montre dans le même temps combien la relation avec les ambassadeurs pouvait être relativement familière et informelle, puisque cette rencontre a lieu au domicile de François Mitterrand, sans aucun protocole. De même, l’attitude des diplomates russes à Paris lors du départ effectif des socialistes français pour Moscou témoigne de leur volonté de pacifier des relations assez houleuses depuis le dernier report du voyage :

  • 71 « Mitterrand, la délégation du Parti socialiste a été chaleureusement accueillie à Moscou », Le Mo (...)

« À l’aéroport d’Orly, ils [les socialistes] ont été salués mercredi matin par deux des membres les plus “politiques” de l’ambassade d’U.R.S.S. à Paris, MM. Pankov, ancien adjoint de M. Ponomarev, et Slioussar, conseiller. Monté à bord, le député de la Nièvre a pu constater qu’au risque de susciter une “lutte des classes” entre les membres de la délégation du Parti socialiste les services de la rue de Grenelle avaient fait le nécessaire pour que M. Mitterrand et trois de ses compagnons – MM. Defferre, Mauroy et Pontillon – fassent le voyage en première71. »

  • 72 E. Charles-Roux, « Le socialisme à visage cubain », Le Figaro, jeudi 14 novembre 1974, p. 4-5.
  • 73 CAS, FJJ, 721 RI 7. Compte rendu du dîner de travail à la résidence de l’ambassadeur de Chine le 1 (...)

38Certains ambassadeurs sont parfois présents jusque dans le déroulement du séjour, comme Ortego Suares, ambassadeur de la République cubaine à Paris, qui accompagne la délégation française à La Havane72. Notre dernier exemple enfin, s’appuie sur une source exceptionnelle, que nous n’avons trouvée pour aucun autre voyage : les comptes rendus complets de ces fameuses rencontres préparatoires en ambassade73. Il s’agit des notes prises par Jean-Marie Cambacérès, principal organisateur du voyage en Chine et Corée du Nord (1981). Elles donnent à voir les coulisses diplomatiques de ces voyages et la marge de négociation dont chacun des deux partis disposait. Ces documents nous apprennent que lors du premier dîner de travail le 15 janvier, sont présents côté chinois M. Yao Guang, ambassadeur de Chine, et son épouse, ainsi que M. Tang, responsable du voyage de François Mitterrand et M. Ho, interprète ; le PS français est lui représenté par Lionel Jospin, secrétaire aux questions internationales, et son épouse, et par Jean-Marie. Cambacérès, responsable du secteur Asie. Une première entrevue entre M. Yao Guang et Lionel Jospin avait préparé cette rencontre au cours de laquelle les Français exposent, à la demande des Chinois, les thèmes de discussion qu’ils souhaitent aborder en Chine, la taille et composition de la délégation, et l’itinéraire choisi. À cette occasion, la délégation socialiste exprime son désir de rencontrer les plus hauts responsables chinois à Pékin, ainsi que sa volonté d’aller dans le Shantong et en Corée du Nord.

39Au cours de cette conversation est également abordée la question des journalistes qui accompagneront François Mitterrand, puis l’ambassadeur fait un long exposé sur le modèle économique chinois, tandis que Lionel Jospin parle de la campagne présidentielle. La réunion du 16 janvier, en comité réduit – MM. Tang et Cambacérès uniquement – est quant à elle moins politique et plus technique. Les négociations portent alors sur la composition de la délégation, sur le protocole d’accueil qui sera réservé au PS à l’aéroport de Pékin, sur l’organisation de la délivrance des visas aux journalistes accompagnant officiellement le PS, ainsi que sur le détail du programme.

40Cette collaboration entre le PS et les réseaux diplomatiques étrangers en France, comme on le voit assez courante, n’est cependant pas à l’abri de déclencher une polémique avec la majorité. C’est par exemple le cas en 1976 lorsque Jacques Chirac s’étonne publiquement de la réception à déjeuner d’une délégation socialiste menée par François Mitterrand à 102 l’ambassade américaine à Paris, à un moment de froid entre les autorités officielles des deux pays :

  • 74 CAS, FJJ, 621 RI 1. Déclaration de J. Chirac 18 mars 1976.

« J’ai appris que Monsieur Mitterrand et une délégation du Parti socialiste venaient déjeuner au Faubourg Saint-Honoré, non pas à l’Élysée, mais à l’Ambassade des États-Unis. Venant quelques jours à peine après des déclarations qui constituent une intervention déplacée dans la politique intérieure de notre pays et qui ont été faites par les autorités américaines, je ne vous cache pas que je trouve assez choquant qu’une délégation du Parti socialiste se rende à l’Ambassade des États-Unis. Cela me paraît choquant au regard de la dignité qui doit être celle des hommes politiques français74. »

  • 75 CAS, FJJ, 424 RI 9. Lettre du marquis de Nerva, ambassadeur d’Espagne à Paris à R. Pontillon, 2 no (...)

41À l’inverse, certaines prises de contact avec les autorités diplomatiques n’ont d’autre sens que de se prémunir contre tout incident diplomatique : en prévision de la participation du PS au congrès du PSOE à Madrid en 1976, dans un contexte politique espagnol très incertain, Robert Pontillon prend la peine de prévenir les autorités espagnoles par le biais de l’ambassadeur d’Espagne à Paris, en lui envoyant notamment la composition de la délégation socialiste75.

  • 76 CAS, FJJ, 457. RI. 5.

42Les archives relatives aux voyages de François Mitterrand font également apparaître des missions plus ponctuelles des ambassades étrangères. Au nom de l’amitié entre Olof Palme et le directeur de Volvo, l’ambassade de Suède à Paris relaie par exemple les demandes personnelles de ce dernier, sollicitant avec insistance une visite de ses usines par François Mitterrand à l’occasion du voyage finlandais des socialistes en 197676.

43Enfin, comme on l’a vu au sujet du dossier documentaire du voyage bulgare, contenant une note de l’ambassade yougoslave à Paris, les ambassades peuvent être aussi des sources d’informations pour le PS.

  • 77 « M. Mitterrand : les déclarations de M. Poniatowski expriment l’« état réel de la majorité », Le (...)
  • 78 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 46. Télégramme à M. Thauvin, 28 juin 1974.
  • 79 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 46. Télex de H. Janitschek à R. Pontillon.

44Outre les diplomates étrangers, les instances politiques ou partisanes des hôtes jouent un rôle important. Lorsque les partis hôtes sont au pouvoir, il est en effet souvent vain de chercher à distinguer parmi les interlocuteurs du PS ceux qui agissent au nom du parti ou de l’État hôte, les liens entre ces deux sphères étant particulièrement ténus, rendant ces contacts « semi-officiels ». Si François Mitterrand ne semble pas avoir rencontré l’ambassadeur du Chili en France avant le voyage de 1971, son entrevue avec M. Rodriguez, cadre du Parti socialiste chilien, remplit par exemple la même fonction77. Autorités partidaires et diplomatiques semblent organiser ces voyages sans distinction, ce mélange des genres atteignant bien évidemment son paroxysme dans le cas des partis-États. En tout cas, les invités sont toujours amenés à exprimer leurs souhaits sur de nombreux aspects du voyage et ce sont les hôtes qui prennent en charge l’organisation effective du séjour. En dehors de la réservation des billets d’avions, les socialistes n’ont généralement à se soucier de rien comme on le verra ci-après. Au Portugal en 1974, comme au Sénégal en 1975 ou en Chine en 1981 par exemple, les socialistes, invités du PSP, de l’UPS ou du PCC, se laissent une fois à l’étranger entièrement porter par les programmes élaborés en amont de leur départ. Lorsque les déplacements à l’étranger de François Mitterrand sont de simples allers-retours réduits à des entretiens politiques, il en est de même à une échelle moins élaborée : la prise en charge des hôtes se réduit par exemple à un repas. En revanche, les réunions de l’Internationale représentent des cas à part : elles se tiennent à l’invitation à la fois du président de l’IS et du président du parti accueillant effectivement la manifestation, et les interlocuteurs du secrétariat international dans la phase organisationnelle sont doubles. On le constate par exemple dans les archives relatives à la mise en place de la Conférence des leaders à Chequers en juin 1974, coordonnée à la fois par le secrétaire général de l’IS, Hans Janitschek, et par le parti travailliste d’Harold Wilson. C’est ainsi que le 28 juin le « parti travailliste britannique demande tous les détails urgemment en ce qui concerne l’arrivée de Mitterrand, Pontillon et [Michel Thauvin] pour que les arrangements spéciaux puisse[nt] être faits78 », tandis que les derniers détails sont réglés par Hans Janitschek79.

L’économie du voyage

Un financement pour et par les partis

  • 80 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.

45En dehors des frais pris en charge par les hôtes eux-mêmes, la trésorerie du Parti finance l’essentiel de ces voyages. Dans le cas de ceux ayant pour cadre des pays gouvernés par un parti-État, les hôtes des socialistes prennent généralement tout en charge, à l’exception des frais de déplacements initiaux et finaux. Si cette donnée correspond à une conception de l’hospitalité assez classique, elle prend ici des implications politiques évidentes : ce financement entraîne en effet une certaine dépendance des délégations, et il instaure un contrat implicite de discrétion de la part des invités, proche d’une forme de censure80.

46Pour les séjours brefs, en Europe occidentale essentiellement, le fonctionnement diffère. En effet, il semble qu’en plus des frais de transport le PS prenne en charge les frais de logement, seuls certains repas étant payés par leurs hôtes. Cependant la brièveté de ces séjours fait que les documents précis sur leur financement sont souvent inexistants.

  • 81 CAS, FJJ, 457 RI 1. Lettre de N. Björklund.
  • 82 CAS, FJJ, 435 RI 1. Note de M. Thauvin à F. Mitterrand, s. d.
  • 83 CAS, FJJ, 435 RI 1. Lettre de M. Thauvin à M. Maggi, 4 août 1976 ; Lettre de M. Thauvin à M. Marte (...)
  • 84 CAS, FJJ, 621 RI 1. Note de M. Thauvin, « Projet de budget voyage François Mitterrand aux U.S.A. 2 (...)

47Quant aux voyages organisés dans le cadre de l’IS, les modalités de financement sont parfaitement transparentes et réglementées. C’est ainsi qu’il est d’usage que chaque parti paie les frais liés à sa délégation. Le parti hôte et l’IS se chargent seulement des pré-réservations de chambres dans les hôtels situés aux alentours du lieu de réunion, et obtiennent généralement des réductions. Toutes les invitations précisent ainsi que « les frais de voyage et de séjour sont à la charge des participants ». Le poste de dépense représenté par le transport est ainsi le plus important. Les billets sont parfois avancés par le parti hôte mais doivent être remboursés, comme le rappelle par exemple une lettre du « cashier’s department » du parti social-démocrate suédois, relatif aux billets d’avions pris par Robert Pontillon et François Mitterrand pour se rendre à Stockholm le 2 août 197581. Le financement du déplacement par le pays hôte relève ainsi de l’exceptionnel, de l’accommodement effectué dans l’espoir d’obtenir une visite du Premier secrétaire socialiste. C’est ce qu’on constate pour le déplacement de François Mitterrand au meeting du PSI à Florence en juin 1976. Ainsi, dès l’invitation, le PSI précise qu’il met à la disposition de François Mitterrand un avion privé qui pourra le prendre directement au Bourget et le ramener à sa convenance le soir même ou le lendemain82. Outre le fait que ce financement nous renseigne sur l’importance que le PSI accorde à sa présence, cet exemple laisse apercevoir la faiblesse de la trésorerie du secrétariat international français. En effet, si le PS français avance le prix de la réservation de l’avion, il ne manque pas de réclamer son remboursement auprès du PSI, à deux reprises, en août et octobre, en soulignant l’urgence du remboursement83. Cette légère insistance n’est cependant rien comparée à la centralité de la question du budget dans les grands voyages comme celui de 1975 aux États-Unis. Ce dernier donne en effet lieu à une estimation précise prenant en compte tous les postes de dépense éventuels (avion, hôtel, repas, déplacements, interprètes) pour un total de 13 700 F84. Michel Thauvin précise notamment que ce séjour dépasse le budget du secrétariat et doit faire l’objet d’un « crédit spécial ».

  • 85 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.
  • 86 CAS, FJJ, 721 RI 27. Lettre de L. Fabius, 29 janvier 1981.

48Lors de notre entretien, Alain Chenal a souligné combien le coût des déplacements pèse sur le choix des manifestations auxquelles le parti envoie des délégués, et sur le nombre de ces derniers. Selon lui, l’une des raisons pour lesquelles le PS est moins présent en Asie est économique. Néanmoins, on note que cela n’empêche pas les socialistes d’avoir des relations plus nombreuses avec l’Amérique latine. Alain Chenal nous a par ailleurs confié que lorsqu’il était chargé d’organiser un voyage dans son secteur, et donc notamment de réserver les billets d’avions, il lui est arrivé à plusieurs reprises de négocier leur prix avec l’agence Nouvelles Frontières, une association de voyage créée en 1967 qui se spécialise rapidement dans les vols charters, et où travaillent des socialistes proches du CERES85. Aucune réduction de ce type n’a cependant laissé de trace, à l’exception du voyage en Chine pour lequel Air France a consenti « un tarif spécial légèrement inférieur à 6 000 F par personne (le billet normal coût plus de 12 000 F)86 ».

Autres financements socialistes

  • 87 CAS, FJJ, 424 RI 9. Lettre de R. Pontillon à divers dirigeants socialistes du sud-ouest, 1er octob (...)
  • 88 CAS, FJJ, 424 RI 9. Lettre de J.-P. Destrade à F. Mitterrand, 22 septembre 1976.

49En dehors du budget alloué par le secrétariat international, les socialistes financent parfois leurs voyages par d’autres structures. Les fédérations locales peuvent financer une partie des frais liés au déplacement de leurs membres. C’est le cas par exemple pour les délégués des fédérations limitrophes de l’Espagne conviés à participer au Congrès du PSOE en 197687. La lettre que Jean-Pierre Destrade, conseiller général de Biarritz-Est, envoie dès le 22 septembre pour proposer spontanément sa participation au titre de représentant de la fédération de Basses-Pyrénées, indique que cette participation locale au financement n’avait rien de choquant, bien au contraire. Il y écrit ainsi qu’il effectue cette demande en plein accord avec sa fédération qui est « disposée à prendre entièrement à sa charge les frais de déplacement88 ».

  • 89 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.
  • 90 C. Estier, Mitterrand président : journal d’une victoire, Paris, Stock, 1981, p. 79.

50De même, il est fréquent que les parlementaires passent par la trésorerie de leur groupe, pour soulager celle du PS89. C’est ce que rapporte par exemple Claude Estier au sujet du voyage en Chine auquel il participe « au double titre de L’Unité et du Groupe socialiste européen qui a accepté de financer une part de [s] on voyage90 ».

51En revanche, les participants ne sont jamais mis en demeure de financer leur participation par leurs propres moyens. Les financements privés ne concernent donc que les voyages des accompagnateurs non politiques, ceux des épouses notamment. On signale cependant que ces voyages aux côtés du Premier secrétaire sont une exception, puisqu’au contraire le PS profite le reste du temps des mobilités personnelles et professionnelles de ses membres pour soutenir sa politique internationale à moindre coût.

La matérialité des voyages

Les moyens de transport

  • 91 C. Charles-Roux, art. cit.
  • 92 J. Amalric et R. Barrillon, « Union soviétique. Conduite par M. Mitterrand, la délégation du Parti (...)

52Pour se rendre à l’étranger et en revenir, l’avion est indéniablement le principal mode de transport emprunté par les socialistes. Pour les voyages de très longue distance, les vols réguliers sont privilégiés. C’est le cas pour Cuba, comme le signale Edmonde Charles-Roux : « Cinq jours plus tôt, le DC8 des lignes régulières Iberia s’était posé en fin de soirée sur l’aérodrome José-Marti91. » C’est également le cas pour le voyage en URSS, les voyages aux États-Unis, etc. Du fait de la faiblesse de la trésorerie socialiste, les socialistes voyagent plus souvent en classe économique qu’en première, comme l’épisode du surclassement offert par les Soviétiques pour leur venue à Moscou le rappelle92.

  • 93 INA, B. Pradinaud, « François Mitterrand », JT 20 h, 2, du 4 juin 1979.
  • 94 CAS, FJJ, 405 RI 5.

53En revanche, pour les séjours courts effectués en Europe, le Premier secrétaire a souvent recours à des avions privés, comme pour ses déplacements express en province93. Le recours à l’avion privé est ainsi fréquent, comme le signale l’exemple du voyage à Florence en 1976. Il en est de même pour deux escapades britanniques : à Chequers en 1974, voyage pour lequel une autorisation d’atterrissage est nécessaire pour l’avion privé de François Mitterrand, et pour son passage à Leeds en 1977. Juste avant de passer la Manche, le Premier secrétaire doit en effet prononcer un discours à Denain (Nord). Le choix de l’avion est donc essentiellement motivé par des aspects pratiques et des contraintes d’emploi du temps. Si les socialistes empruntent un avion privé pour faire le trajet Bourge-Cologne afin de rejoindre au plus tôt Bonn le 13 mai 1973, en raison de l’absence de trains ou de vols le leur permettant, François Mitterrand et Gaston Defferre prennent au retour un vol régulier94.

  • 95 J. Amalric et R. Barrillon, « Union soviétique. Conduite par M. Mitterrand, la délégation du Parti (...)
  • 96 C. Charles-Roux, art. cit.

54Une fois sur place, la plupart du temps leurs hôtes mettent des voitures à leur disposition ou en louent à leur demande. À l’exception des congrès de l’IS qui peuvent se tenir tout près des aéroports, il est en effet souvent nécessaire de parcourir une certaine distance pour rejoindre le lieu des entretiens politiques. On perçoit souvent dans le type de véhicules mis à disposition des stratégies ostentatoires. En URSS par exemple, les journalistes soulignent que c’est une « Zil, la Cadillac soviétique » qui accueille les socialistes français à l’aéroport95, de même qu’Edmonde Charles-Roux note que ce ne sont pas des Cadillac mais des « “Ziss” leurs sœurs jumelles et soviétiques » qui les réceptionnent à La Havane96. Mais au-delà de la question du luxe associé à ces noms, c’est ici leur exotisme qui est souligné. Edmonde Charles-Roux fait même de ces voitures un symbole, puisque la mention de cette marque est le point de départ d’une réflexion sur l’embargo américain.

  • 97 C. Salzmann, op. cit., p. 39-42.
  • 98 INA, « François Mitterrand en Chine », Soir 3, 3, 14 février 1981 ; E. Charles-Roux, L’Homme de Ma (...)
  • 99 C. Flandre, op. cit., p. 99.
  • 100 Ibid., p. 27-28.

55Quand les distances parcourues au sein des pays visités sont trop grandes, l’avion est également un moyen de transport fréquent. C’est le cas par exemple au Chili en 1971 ou au Portugal et à Cuba en 1974 où les socialistes empruntent des avions privés. Seule la prise d’un vol régulier nous est connue, il correspond d’ailleurs à un épisode amusant du voyage en URSS de 1975 : devant se rendre à Tachkent en Ouzbékistan, la délégation emprunte un vol intérieur soviétique, qui est arraisonné à mi-parcours et en pleine nuit par le chef du PC ouzbek qui tenait à les rencontrer et à leur faire visiter les lieux de l’enfance de Lénine, à Oulianovsk. Après avoir fait atterrir l’avion, il retient à ses côtés la délégation une bonne partie de la nuit, tout en immobilisant l’avion, les autres passagers étant priés d’attendre le retour des Français97. Lors du voyage en Chine, le périple effectué à Qu Fu, dans la province du Shantong, à 400 kilomètres de Pékin, a de même nécessité la prise d’un avion jusqu’à Dinal puis d’un train pendant deux heures à travers la campagne chinoise. Des vidéos et photographies attestent du confort du train emprunté, ainsi que du type de convivialité auquel il était propice98. Enfin, l’entretien que François Mitterrand et Willy Brandt ont le 2 février 1974, se déroule entre Stuttgart et Mayence, dans le train spécial de la Chancellerie. Christelle Flandre parle d’ailleurs de la « rencontre du train99 », ce contexte particulier modelant l’entretien, puisque permettant une discussion à bâtons rompus. De fait, les photographies dont nous disposons témoignent d’une ambiance très détendue, et François Mitterrand a écrit plus tard que ce moment avait été un tournant dans sa relation amicale avec Willy Brandt100.

Les modes d’hébergement

  • 101 CAS, OURS, E8 81 MM. Programme édicté par le département international de l’Israel Labour Party, 4 (...)
  • 102 CAS, FJJ, 621 RI 1. Programme.
  • 103 J. Amalric et R. Barrillon, « Union soviétique. Conduite par M. Mitterrand, la délégation du Parti (...)

56Lorsque les délégations comprennent le Premier secrétaire, elles sont souvent logées dans de très grands hôtels : lors du voyage en Israël en 1972 par exemple, ils logent successivement à l’hôtel Intercontinental de Jérusalem, à l’hôtel Ginossar dans le Kibboutz Ginossar puis à l’hôtel Sharon à Hezliya101. Lors de son séjour américain, François Mitterrand séjourne à l’hôtel Hayes Adams à Washington et au Plazza à New York102. Enfin, dernier exemple, en URSS les socialistes sont logés dans l’hôtel Sovietskaïa103.

  • 104 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.
  • 105 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 39. Lettre de H. Janitschek à F. Mitterrand et note pour F. Mitterrand et R. (...)
  • 106 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 36. Circulaire du Bureau No. B9/79. Conférence des chefs de parti de l’Intern (...)
  • 107 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 1. Circulaire No. 5/76, le 13 février 1976.

57Pour les réunions de l’IS, l’hébergement est soumis à des contraintes particulières déjà partiellement évoquées : les partis hôtes se chargent des pré-réservations, dans des hôtels de standing divers et surtout avec des chambres aux tarifs différenciés. Les partis doivent ensuite réserver leurs chambres dans le panel pré-choisi. Nombre de ces réunions se tiennent dans les salles de conférences des hôtels où les délégations sont logées, pour des raisons de sécurité et de place104. C’est le cas entre autres de la réunion extraordinaire de la Conférence des leaders de l’IS, convoquée le 11 novembre 1973 par Bruno Pittermann afin de traiter des récents événements du Proche-Orient, et qui se tient dans la bibliothèque de l’hôtel Churchill de Londres où les délégations sont hébergées105 ; de même pour la Conférence des leaders de l’IS qui se déroule à Vienne du 5 au 6 février 1980, au « Vienna Hilton Hotel106 ». Et même quand il n’y a pas superposition des lieux de réunion et de logement, la dispersion des invités est évitée. Ainsi, le XIIIe Congrès de l’IS organisé à Genève du 26 au 28 novembre 1976 se déroule dans les locaux du Bureau international du travail, tandis que tous les délégués sont logés à l’hôtel Ramada « qui, pour des raisons de sécurité, est entièrement réservé pour l’Internationale socialiste107 ».

  • 108 CAS, FJJ, 547. RI 1. Projet du 9 octobre 1975. Émane du service du protocole : « Visite de monsieu (...)
  • 109 « François Mitterrand en Bulgarie. Accueil chaleureux », Le Provençal, 19 octobre 1977, p. 21.
  • 110 C. Charles-Roux, art. cit. ; D. Mitterrand, En toutes libertés, Paris, Ramsay, 1996, p. 248-281.

58Lorsque les socialistes sont entièrement pris en charge par leurs hôtes, la beauté et le prestige des lieux de résidence témoignent de l’importance accordée à leur visite. Le fait de les loger dans des résidences fastueuses ou officielles participe ainsi de réelles stratégies de séduction politique et donne à ces voyages une coloration officielle. Au Sénégal par exemple, où les autorités attendent du PS qu’il appuie la candidature de l’UPS à l’entrée dans l’IS, François Mitterrand et Lionel Jospin sont reçus selon un protocole relativement strict, et logés dans une annexe du palais présidentiel108. De même, en Bulgarie la délégation est logée « dans la luxueuse et toute moderne résidence de Boyana, réservée aux hôtes de marque étrangers, à l’extérieur de Sofia109 ». À Cuba enfin, où toute la délégation est logée dans le quartier résidentiel de La Havane, dans le bâtiment réservé aux hôtes du gouvernement qui était un ancien country club assez luxueux, entouré d’un parc, ce confort est souligné par presque tous les récits de voyage, même s’il est vrai, surtout par les membres non politiques de la délégation110.

  • 111 INA, « François Mitterrand en Chine », Soir 3, 3, 10 février 1981.

59Et au-delà de cette séduction espérée, le choix d’un lieu de résidence peut aussi être porteur d’un message politique explicite. Commentant le voyage en Chine de François Mitterrand en pleine campagne présidentielle, les journalistes français ne manquent par exemple pas de mentionner qu’« à Pékin la délégation loge à la résidence des hôtes étrangers, celle là-même où le président Giscard d’Estaing a séjourné il y a quatre mois111 ».

Notes

1 R. Pontillon, « Le rôle du secrétariat international », Bulletin socialiste, 322, 15 octobre 1971, p. 7.

2 Ibid.

3 Il quittera ce poste en 1974, semble-t-il pour un différend avec R. Pontillon, et sera remplacé en 1974 par Michel Thauvin. Entretien avec M. Thauvin, 20 mars 2013.

4 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.

5 R. Pontillon, « Politique internationale », Le Poing et la Rose, 14, mai 1973, p. 16.

6 P. Mauroy, « Éditorial », Le Poing et la Rose, 17, juin 1973, p. 1.

7 D. Motchane, « Pays en voie de développement », Le Poing et la Rose, 35, supplément, décembre 1974, p. 11.

8 Ibid.

9 Le Poing et la Rose, 46, janvier 1976, p. 14.

10 Elle produit notamment en 1977 un ouvrage collectif préfacé par Lionel Jospin : Les socialistes et le Tiers Monde. Éléments pour une politique socialiste de relations avec le Tiers Monde, Paris, Berger-Levrault, 1977.

11 Ibid.

12 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.

13 Ibid. Lors de notre entretien, A. Chenal précisa qu’en raison de la souplesse de la structure, il était particulièrement difficile de donner une estimation plus précise.

14 Ibid.

15 « Le Premier secrétaire du P.S. doit se rendre en U.R.S.S. en février », Le Monde, 11 décembre 1973, p. 11.

16 CAS, FJJ, 621 RI 1. Note : « Voyage aux États Unis ».

17 CAS, FJJ, 621 RI 1. Note de M.-P. Rieux pour F. Mitterrand, 1er décembre 1980.

18 CAS, FJJ, 10 RI 1. Note : « Réunion de la Commission “Tiers Monde” du 18 décembre 1975. Algérie ».

19 INA, « François Mitterrand (visite Alger et réponse à R. CHINAUD) », IT1 13 h, 1, 27 février 1976.

20 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 25. Note de L. Jospin, « Diffusion aux camarades à l’équipe Tiers Monde » sur une lettre de R. Pontillon, 4 octobre 1978.

21 CAS, FJJ, 727 RI 2. Télégramme de l’AFP.

22 CAS, FJJ, 727 RI 2. Note de M. Thauvin à F. Mitterrand, 21 décembre 1977.

23 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de F. Mitterrand à T. Shirata, 16 janvier 1978.

24 CAS, FJJ, 421 RI 9.

25 CAS, FJJ, 8FP7/87 – URSS. « Note sur le voyage en URSS de la délégation du Parti Socialiste conduite par François Mitterrand ».

26 CAS, FJJ, 721 RI 27. Notes diverses.

27 CAS, FJJ, 401 RI 26. Note de R. Pontillon à P. Mauroy, 27 mars 1974.

28 CAS, FJJ, 721 RI 27.

29 Entretien avec C. Estier, 6 décembre 2011.

30 INA, « François Mitterrand au Portugal », JT 20 h, 2, 5 juillet 1974.

31 R. Barrillon, « M. Mitterrand en URSS. La délégation du PS a achevé son voyage par Leningrad et l’Ouzbékistan », Le Monde, 29 avril, p. 9.

32 C. Estier, « 9 heures d’entretien », L’Unité, 156, 2 mai 1975, p. 6.

33 Archives municipales de Marseille, cote 100II83, Lettre de G. Defferre à B. Biszku, 31 mai 1976.

34 Archives municipales de Marseille, cote 100II84.

35 CAS, FJJ, 457. RI. 5. Télégramme de H. Ollikainen à M. Thauvin, 30 juillet 1976.

36 CAS, FJJ, 547. RI 1. Note : « Cadeaux à Sengor ».

37 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.

38 P. Balta, « M. Mitterrand répond aux critiques de la majorité au sujet de son voyage en Algérie », Le Monde, 28 février 1976, p. 2.

39 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 39. Note de R. Balcomb à R. Pontillon, 29 novembre 1973.

40 CAS, FJJ, 8FP7/334. Lettre à R. Pontillon, 24 janvier 1974.

41 CAS, FJJ, 547. RI 1. Lettre de R. Pontillon à F. Mitterrand, 29 juillet 1975.

42 CAS, FJJ, 818. RI 4.

43 C. Estier, La plume au poing, Paris, Stock, 1977, p. 156-157.

44 INA, « Chirac : réponse voyage Mitterrand », JA2 20 h, 2, 27 février 1976.

45 CAS, FJJ, 721 RI 7. Lettre de E.M. Manac’h, 26 janvier 1981.

46 CAS, FJJ, 639 RI 1. Lettre de J.-P. Cot à F. Mitterrand, 13 novembre 1975.

47 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de L. Perrein à R. Pontillon, 18 février 1975.

48 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre d’I. Inoue à L. Perrein, 23 janvier 1975.

49 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de L. Perrein, à Issei Inoue, 25 novembre 1977.

50 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de M. Thauvin à S. Sugiyama, 2 décembre 1977.

51 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre de M. Thauvin, à I. Inoue, 2 décembre 1977.

52 CAS, FJJ, 727 RI 2. Lettre d’A. Blanca à L. Jospin, 28 juin 1979.

53 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de J. Schaeffer.

54 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de R. Pontillon à J. Schaeffer, 2 février 1976.

55 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de R. Pontillon à H. Laberge, 2 février 1976.

56 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de B. Landry à R. Pontillon, 3 mars 1976.

57 CAS, FJJ, 615 RI 1. Lettre de R. Pontillon à B. Landry, 6 avril 1976.

58 CAS, FJJ, 621 RI 1. Télégramme adressé à F. Mitterrand, 13 novembre 1975.

59 CAS, FJJ, 621 RI 1. Lettre de M. Thauvin à F. Mitterrand, 19 novembre 1975.

60 CAS, FJJ, 621 RI 1. Lettre de R. Vignal à R. Pontillon, 3 décembre 1975.

61 CADN, 21 PO/8/205. Dépêche de G. de Commines à M. Ulrich, directeur du cabinet du ministre des Affaires étrangères, 1er mars 1976.

62 CAS, FJJ, 621 RI 1. Lettre de M. Thauvin à F. Mitterrand, 19 novembre 1975.

63 S.-R. Margulies, The Pilgrimage to Russia. The Soviet Union and the Treatment of Foreigners, 1924-1937, Madison, The University of Wisconsin Press, 1968.

64 Entretien avec M. Thauvin, 6 mars 2013.

65 T. Pfister, « En se rendant au Caire. M. François Mitterrand espère relancer les relations du P.S. avec les pays arabes », Le Monde, 19 janvier 1974, p. 3. Aucune source socialiste ne rend cependant compte de cette concertation.

66 « Le Parti socialiste confirme l’ajournement du voyage en U.R.S.S. de M. Mitterrand », Le Monde, 8 septembre 1972, p. 10.

67 A. Laurens, « À la suite de la lettre que lui a adressée M. Abrassimov. M. François Mitterrand ajourne son voyage en U.R.S.S. », Le Monde, 5 septembre 1972, p. 1.

68 CAS, FJJ, 401 RI 26. Lettre confidentielle de R. Pontillon à F. Mitterrand, 30 avril 1974.

69 INA, « François Mitterrand retour de Tahiti », IT1 20 h, 1, 11 avril 1975.

70 F. Mitterrand, L’abeille et l’architecte, Paris, Flammarion, 1978, p. 35.

71 « Mitterrand, la délégation du Parti socialiste a été chaleureusement accueillie à Moscou », Le Monde, 25 avril 1975, p. 4.

72 E. Charles-Roux, « Le socialisme à visage cubain », Le Figaro, jeudi 14 novembre 1974, p. 4-5.

73 CAS, FJJ, 721 RI 7. Compte rendu du dîner de travail à la résidence de l’ambassadeur de Chine le 15 janvier 1981 par J.-M. Cambacérès, et compte rendu de la réunion de travail du 16 janvier 1981 à l’ambassade de Chine de 15 h à 19 h, avec M. Tang.

74 CAS, FJJ, 621 RI 1. Déclaration de J. Chirac 18 mars 1976.

75 CAS, FJJ, 424 RI 9. Lettre du marquis de Nerva, ambassadeur d’Espagne à Paris à R. Pontillon, 2 novembre 1976.

76 CAS, FJJ, 457. RI. 5.

77 « M. Mitterrand : les déclarations de M. Poniatowski expriment l’« état réel de la majorité », Le Monde, 14 septembre 1971, p. 10.

78 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 46. Télégramme à M. Thauvin, 28 juin 1974.

79 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 46. Télex de H. Janitschek à R. Pontillon.

80 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.

81 CAS, FJJ, 457 RI 1. Lettre de N. Björklund.

82 CAS, FJJ, 435 RI 1. Note de M. Thauvin à F. Mitterrand, s. d.

83 CAS, FJJ, 435 RI 1. Lettre de M. Thauvin à M. Maggi, 4 août 1976 ; Lettre de M. Thauvin à M. Martelli, 11 octobre 1976.

84 CAS, FJJ, 621 RI 1. Note de M. Thauvin, « Projet de budget voyage François Mitterrand aux U.S.A. 24-29. 11. 75 ».

85 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.

86 CAS, FJJ, 721 RI 27. Lettre de L. Fabius, 29 janvier 1981.

87 CAS, FJJ, 424 RI 9. Lettre de R. Pontillon à divers dirigeants socialistes du sud-ouest, 1er octobre 1976.

88 CAS, FJJ, 424 RI 9. Lettre de J.-P. Destrade à F. Mitterrand, 22 septembre 1976.

89 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.

90 C. Estier, Mitterrand président : journal d’une victoire, Paris, Stock, 1981, p. 79.

91 C. Charles-Roux, art. cit.

92 J. Amalric et R. Barrillon, « Union soviétique. Conduite par M. Mitterrand, la délégation du Parti socialiste a été chaleureusement accueillie à Moscou », Le Monde, 25 avril 1975, p. 4.

93 INA, B. Pradinaud, « François Mitterrand », JT 20 h, 2, du 4 juin 1979.

94 CAS, FJJ, 405 RI 5.

95 J. Amalric et R. Barrillon, « Union soviétique. Conduite par M. Mitterrand, la délégation du Parti socialiste a été chaleureusement accueillie à Moscou », Le Monde, 25 avril 1975, p. 4.

96 C. Charles-Roux, art. cit.

97 C. Salzmann, op. cit., p. 39-42.

98 INA, « François Mitterrand en Chine », Soir 3, 3, 14 février 1981 ; E. Charles-Roux, L’Homme de Marseille, Paris, Grasset, 2001, p. 187-189.

99 C. Flandre, op. cit., p. 99.

100 Ibid., p. 27-28.

101 CAS, OURS, E8 81 MM. Programme édicté par le département international de l’Israel Labour Party, 4 mars 1972.

102 CAS, FJJ, 621 RI 1. Programme.

103 J. Amalric et R. Barrillon, « Union soviétique. Conduite par M. Mitterrand, la délégation du Parti socialiste a été chaleureusement accueillie à Moscou », Le Monde, 25 avril 1975, p. 4.

104 Entretien avec A. Chenal, 21 février 2012.

105 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 39. Lettre de H. Janitschek à F. Mitterrand et note pour F. Mitterrand et R. Pontillon, 9 novembre 1973.

106 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 36. Circulaire du Bureau No. B9/79. Conférence des chefs de parti de l’Internationale socialiste. Vienne les 5 et 6 février 1980. Invitation.

107 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 1. Circulaire No. 5/76, le 13 février 1976.

108 CAS, FJJ, 547. RI 1. Projet du 9 octobre 1975. Émane du service du protocole : « Visite de monsieur le secrétaire général du Parti socialiste français et madame François Mitterrand. Du 22 au 24 octobre 1975 ».

109 « François Mitterrand en Bulgarie. Accueil chaleureux », Le Provençal, 19 octobre 1977, p. 21.

110 C. Charles-Roux, art. cit. ; D. Mitterrand, En toutes libertés, Paris, Ramsay, 1996, p. 248-281.

111 INA, « François Mitterrand en Chine », Soir 3, 3, 10 février 1981.

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