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Les voyages de François Mitterrand

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Judith Bonnin

Première partie. François Mitterrand et le PS en voyage… tout un évènement

Chapitre II. Des groupes de voyageurs différenciés : François Mitterrand et les délégations socialistes

Texte intégral

Protocole partidaire et voyageurs réguliers

Des impératifs protocolaires

1Parmi les dizaines de voyageurs socialistes qui accompagnent François Mitterrand à l’étranger entre 1971 et 1981, plus de la moitié sont des voyageurs occasionnels qui ne le font qu’une fois. Mais on distingue aussi deux groupes de voyageurs réguliers : un dont la présence est requise par le « protocole » de la diplomatie partidaire, et un dont la présence résulte d’autres enjeux politiques, pratiques ou personnels. Enfin, il arrive que divers individus se joignent aux délégations officielles et à leur secrétariat, ce sont les « accompagnateurs ».

2La politique étrangère d’un parti n’est à proprement parler soumise à aucun protocole fixe et formalisé. Cependant, cette diplomatie particulière a ses propres codes, calqués sur ceux de la diplomatie officielle, étatique. La composition des délégations répond donc à des impératifs hiérarchiques, tout autant que pratiques. Le Premier secrétaire mène toujours la délégation, seul ou en co-direction avec le président du groupe parlementaire socialiste à l’Assemblée nationale, qui fait alors office pour l’opposition socialiste de Premier ministre. Le troisième membre essentiel des délégations est le secrétaire national chargé des relations internationales dans le secteur visité : il fait quant à lui office de ministre des Affaires étrangères. Ainsi, pour les déplacements importants, il n’est pas rare que le Premier secrétaire ne se déplace qu’avec le secrétaire national aux affaires étrangères – alors qu’il ne voyage jamais seul avec le président du groupe parlementaire – puisqu’en plus du respect de la hiérarchie interne, ce dernier a une réelle expertise en questions internationales, et qu’il a souvent préparé ces déplacements en lien direct avec le secrétariat international du parti hôte.

3Le taux de participation des hommes ayant occupé ces fonctions au sein du PS est ainsi tout à fait exceptionnel, comme le montre ce graphique représentant la participation des trois secrétaires internationaux (Robert Pontillon, Didier Motchane, Lionel Jospin) et du président du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, Gaston Defferre :

Graphique 2. – Taux de participation aux voyages de François Mitterrand à l’étranger

4La relative stabilité des hommes ayant occupé ces différentes fonctions au PS commande dès lors de s’intéresser à leurs convictions et expertises en matière de politique internationale, ainsi qu’à leur vision du monde.

François Mitterrand : quelle première culture internationale ?

5Comme cela a déjà été rappelé, François Mitterrand, dénominateur commun des voyages étudiés, a de multiples fonctions politiques durant cette décennie, qui modèlent toutes son rapport à la politique internationale. Ainsi, par sa fonction de maire de Château-Chinon, il est amené à nouer des relations particulières avec Cortone (Toscane), et en tant que président du conseil général de la Nièvre, il mène des délégations en Autriche, Irlande et Écosse. Il n’existe pas de cloisonnement strict de ses fonctions, surtout pour ses interlocuteurs étrangers. Mais de 1971 à 1981, c’est avant tout comme Premier secrétaire du PS que François Mitterrand est reçu à l’étranger. À mesure que le Parti socialiste gagne en audience électorale, il s’impose aussi comme principal chef de l’opposition et ses deux candidatures présidentielles, en 1974 et 1981, donnent leur rythme – comme les élections européennes de 1979 – à la politique internationale du PS.

  • 1 H. Védrine, op. cit.

6« Les mondes de François Mitterrand » ont déjà été sondés par Hubert Védrine, dans l’ouvrage qui par son titre consacre l’expression1. Cependant, cet ouvrage ne s’étend pas sur la période pré-présidentielle. Comme pour les personnalités voyageuses qui seront étudiées ci-après, la description de ce qu’a été l’univers mental de François Mitterrand avant les années 1971-1981 ne prétend pas être exhaustive, mais espère poser quelques jalons utiles à la compréhension de la politique internationale du PS, en éclairant sa compréhension des enjeux internationaux dans les années 1970. Le parti est en effet un groupe, un ensemble de militants, et ses mondes sont l’articulation des leurs. François Mitterrand était un humaniste, féru de littérature, d’histoire, mais aussi de géographie. Il a ainsi écrit dans La paille et le grain :

  • 2 F. Mitterrand, La paille et le grain, Paris, Flammarion, 1975, p. 29-30.

« Ai-je assez regardé le portrait de la terre ! Lorsque je sauve une soirée de l’encerclement parisien j’ouvre mes atlas, le Quillet, le Larousse, l’Universalis, je compare la couleur de leurs cartes, les caractères d’imprimerie qui donnent du même pays des images si différentes et je m’invente des itinéraires2. »

  • 3 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 46.
  • 4 J.-M. Burguburu, « Les Globes de François Mitterrand », La Lettre de l’Institut François Mitterran (...)
  • 5 Ibid.

7Déjà, dans Ma part de vérité, il avait affirmé que la géographie était sa « plus chère et vieille amie, avec la France en rose et l’Allemagne en vert des cartes de [s] on enfance3 ». Cette passion pour la cartographie le conduira, une fois président de la République, à commander à l’architecte Fernand Pouillon la fabrication d’une série de globes terrestres et célestes4. Outre ce plaisir de parcourir le monde d’un regard, Jean-Marie Burgurubu y voit également l’affirmation du souci de mener une politique globale, de comprendre le monde dans son immensité. La plupart de ces globes sont caractérisés par des symboles mitterrandiens : « Ils comportent, placé au milieu de l’Océan pacifique, un cartouche figurant le Président en buste avec les insignes de sa fonction, le collier de Grand Maître de la Légion d’Honneur encerclant ce cartouche. Ensuite, et c’est plus discret mais visible à l’observation attentive, la carte de France mentionne des hauts lieux mitterrandiens, qui normalement ne devraient pas avoir leur place sur un globe à cette échelle5 » : Jarnac, Château-Chinon, Cluny, Solutré, Latche… Ces anecdotes permettent d’appréhender une partie des mondes de François Mitterrand, sa volonté d’articuler ses mondes locaux et la dimension internationale de son action.

  • 6 F. Mitterrand, Ma part de vérité, p. 165-166. Par ailleurs, voir P. Péan, Une jeunesse française : (...)
  • 7 C’est lui qui compose l’hymne du PS « Changer la vie » adopté au congrès de Nantes en 1977.

8Avant de se pencher plus avant sur ces mondes, on peut souligner deux de leurs principales caractéristiques. Tout d’abord, avant les années 1970, ce ne sont pas ceux d’un homme de gauche de sa génération. De fait, et de son aveu, sa conversion au socialisme fut lente et jalonnée d’expériences marquantes, dont celle de l’outre-mer6. D’autre part, la vision du monde de François Mitterrand passe souvent par un filtre littéraire et historique. C’est ainsi que les lectures bibliques de son enfance auraient autant structuré sa culture religieuse que sa vision du Proche-Orient, de même que dans les chroniques qu’il consacre à ses voyages, les références historiques et littéraires sont souvent très présentes. Voici par exemple ce qu’il dit de son arrivée à Vachrati (Grèce), au domicile de Míkis Thédorakis en 19777 :

  • 8 F. Mitterrand, « Ma part de vérité », 236, L’Unité, 4 février 1977, p. 32.

« J’y suis arrivé la nuit, Míkis au volant, par l’un des beaux chemins du monde. Pendant le trajet, je m’étais répété les noms que me renvoyaient les panneaux indicateurs et dont l’assonance a déterminé pour toujours la mémoire de mon langage, Athènes, Eleusis, Mégare, Thèbes, Corinthe, Mycènes, Argos, Epidaure, Delphes, l’univers tout entier déployé dans les bornes étroites d’un canton de la terre. Míkis récitait lui aussi, à mi-voix, les syllabes familières, s’émerveillant qu’elles eussent gardé le mystère et la grâce d’un poème qu’on lit pour la première fois. Au rez-de-chaussée, ma chambre de grès et de bois blanc, qu’ornaient les gravures luxuriantes d’un peintre péruvien et les sages portraits de Goethe et de Johann Strauss, donnait sur un jardin. Je m’y promenai un moment. De l’autre côté de la palissade, un vent froid soulevait la mer. Le mouvement des vagues couvrait à intervalles réguliers la mélodie que Míkis, avant d’aller dormir, essayait au piano. Le lendemain fut bousculé. La politique en Grèce n’envie rien à la France8. »

  • 9 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 46, p. 17.
  • 10 Ibid., p. 18.

9La culture internationale première de François Mitterrand, est avant tout franco-centrée et européenne. Né en 1916 en Charente où il passe l’essentiel de son enfance, F. Mitterrand en parle comme d’un moment peu politisé, où « les bruits de la politique mouraient à [son] seuil9 ». Des quelques échos de politique internationale qui lui sont parvenus, F. Mitterrand cite la rancune éprouvée par les siens pour la Russie, à cause de l’emprunt, et de la réserve concernant les Anglais, à cause de Fachoda. Il évoque aussi des échos de la guerre d’Espagne, qui éclate alors qu’il est étudiant à l’École libre des Sciences politiques, et cherche à partir de 1969 à se réinventer un passé antifasciste10 et à faire sien cet épisode traumatisant de la culture de gauche :

  • 11 Ibid., p. 125.

« Dans l’esprit de ceux qui ont accueilli le printemps de Prague comme la saison nouvelle d’un monde asservi aux automatismes de sa propre révolution, l’affaire tchécoslovaque a le caractère obsessionnel qu’eut autrefois pour nous la guerre d’Espagne11 » (je souligne).

  • 12 F. Mitterrand, L’abeille et l’architecte, Paris, Flammarion, 1978, p. 146-147.
  • 13 Ibid. et F. Mitterrand, « Ma part de vérité. Le congrès en mouvement européen à Bruxelles », Le Poi (...)

10Son engagement européen, François Mitterrand le forge à l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide. Son premier séjour hors des frontières françaises semble avoir eu lieu en juin 1940, dans le camp de prisonniers allemands où il est retenu, le Stalag IX A. Après deux tentatives, il s’en évade et il est amené durant la guerre à se rendre à Londres via un petit avion Lysander en novembre 1943, puis à Alger où il rencontre le général de Gaulle pour la première fois. Traumatisé par la découverte des camps de concentration, et notamment de celui de Landsberg, il s’engage dans le Mouvement européen, association internationale œuvrant en faveur de la construction d’une Europe unie : en 1948 il assiste à La Haye au Congrès qui lui donne naissance. Il en est exclu pour avoir voté contre la Communauté européenne de défense. Puis, sans avoir « coupé les ponts » avec cette organisation, il ne participe à aucune de ses manifestations12 jusqu’au 6 février 1976, où il assiste à un de ces congrès à Bruxelles. Or ce mouvement lui apparaît alors vieilli et ennuyeux : « L’échec de cette Europe est de n’intéresser que les anciens combattants de ses guerres civiles13. » Il marque ainsi très clairement la distance qui sépare désormais ce mouvement des positions du PS qu’il y représentait, et son PS, de celui de Guy Mollet. Sa vision de l’Europe idéale s’affirme cependant comme celle d’une Europe indépendante des logiques des blocs, et réunifiée, effaçant Yalta.

11L’Europe, dès les années 1960, est aussi pour lui un point de divergence majeur avec les communistes : si sur les autres sujets de politique internationale les concessions sont de mise, l’Union électorale de la FGDS et du PCF (1966-1968) échoue à définir des positions européennes communes. Ainsi, pour lui si l’Alliance atlantique n’est pas souhaitable, elle est une réalité avec laquelle il faut composer tant que perdure la logique de blocs :

  • 14 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 46, p. 314.

« La France par son rang, son importance, son influence reste un des rares pays à échapper à la domination directe d’un des deux empires. Mais elle est d’un côté de la ligne de partage, non de l’autre14. »

12Sa connaissance des blocs, est dès avant 1971 concrètement renseignée : il a alors déjà foulé le territoire américain, et celui d’une république populaire, la Tchécoslovaquie. La relation qu’entretient François Mitterrand avec l’Amérique est discrète et ambiguë. S’il n’écrit rien sur le Canada, il consacre en revanche de nombreuses pages aux États-Unis, pays qui lui était relativement familier. Il écrit ainsi en 1975 :

  • 15 F. Mitterrand, « Ma part de vérité », L’Unité, 183, 12 décembre 1975, p. 32.

« Je suis allé cinq fois aux États-Unis d’Amérique. Je n’y étais pas retourné depuis sept ans. J’y suis resté six jours. […] J’aime ce pays où chacun va à la rencontre du passant et ouvre grand sa porte. J’aime ce pays sans mesure. […] Pour l’Amérique, tout voyageur a les yeux de Christophe Colomb. On y part à la découverte. La mienne fut l’espace. Le dernier soir nous avons contemplé New York du soixante-cinquième étage du Rockefeller Center. Si l’expression poésie pure a un sens, c’est bien là. La géométrie de cette ville a les dimensions, le rythme d’un poème15. »

  • 16 F. Mitterrand, Ici et maintenant : conversations avec Guy Claisse, Paris, Fayard, 1980, p. 242.
  • 17 H. Védrine, op. cit., p. 164.
  • 18 Ibid., p. 163.
  • 19 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 46, p. 125 ; C. Estier, « Note sur le vo (...)

13Pourtant c’est sous son premier secrétariat que les socialistes français prennent des accents anti-américains, sur la base d’une ligne anti-impérialiste et d’une critique de la logique des blocs. Mais le paradoxe n’est qu’apparent, lié à la dualité des États-Unis eux-mêmes comme le précise François Mitterrand en 1980 : « J’aime les Américains, pas leur politique16. » Hubert Védrine décrit toute l’amitié et la curiosité que François Mitterrand eut très tôt pour ce pays, vu comme l’Amérique idéale des fondateurs et découverte avec émerveillement dès 1946, tout en rappelant que s’il n’a jamais contesté la nécessité de l’Alliance atlantique, « c’est à tort qu’on a voulu voir en lui un “atlantiste” au sens que ce terme avait sous la IVe République avec une investiture obligée à Washington17 ». Il résume alors ainsi la ligne politique tracée par François Mitterrand envers les États-Unis : « Ami, allié, pas aligné18. » Quant à son voyage en Tchécoslovaquie, il a lieu en 1967. Avec Claude Estier, ils auraient compté parmi les « derniers visiteurs étrangers d’Antonin Novotny19 ».

  • 20 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 27.

14Dès avant 1971, François Mitterrand voyage un peu partout dans le monde, y compris hors du bloc occidental, même si ses premiers pas se font dans le cadre colonial. Il découvre l’Algérie dès la Seconde Guerre mondiale, mais il affirme que c’est son passage au ministère de la France d’outre-mer sous les cabinets Pleven et Queille (entre juillet 1950 et juillet 1951) qui a été « l’expérience majeure de [sa] vie politique dont elle a commandé l’évolution20 ». La zone couverte par son ministère comprend alors l’Afrique noire, Madagascar, les Comores, les Établissements d’Océanie et Saint-Pierre et Miquelon. À ce titre,

  • 21 H. Védrine, op. cit., p. 338.

« [il] s’est rendu dans beaucoup de ces pays. Comme ministre ou comme parlementaire, il a rencontré la plupart de ceux qui en sont devenus les dirigeants, en tout cas ceux de la première génération de l’indépendance, à commencer par Houphouët-Boigny. En faisant du Rassemblement démocratique africain un partenaire de l’UDSR, il l’a fait sortir de l’opposition radicale et a ouvert la voie à une politique contractuelle française avec les forces vives africaines. Il a une vraie connaissance de l’Afrique, qui va nourrir ses choix21 ».

  • 22 « Dossier Afrique », La Lettre de l’Institut François Mitterrand, 12, juin 2005.
  • 23 C. Coquery-Vidrovitch, « François Mitterrand et l’Afrique », « François Mitterrand et le monde. La (...)
  • 24 Aux frontières de l’Union française. Indochine-Tunisie, Julliard, 1953 ; Présence française et aban (...)

15Ces bases anciennes vont en effet modeler une vision de l’Afrique bien particulière, où l’amitié a un rôle central. Or cette vision ne concorde pas avec les orientations africaines du PS dans les années 1970. Des dissensions éclatent ainsi au grand jour en 1982 lors de la démission de Jean-Pierre Cot, ministre délégué à la Coopération et au Développement, en désaccord avec la politique africaine de François Mitterrand. Si ce dernier est présenté par beaucoup comme un amoureux de l’Afrique22, ses analyses, forgées dans les années 1950, paraissent peu progressiste dans les années 1970. Dans un récent article, Catherine Coquery-Vidrovitch va jusqu’à affirmer que « tout ministre de l’Outre-mer qu’il ait été en 1950-1951 […], il était mal informé des réalités africaines. Il en resta plus ou moins jusqu’au bout au paternalisme autoritaire qui prévalait lors de son premier voyage (1946)23 ». À l’exception de son bref passage à Nouakchott, on note en ce sens que les voyages qu’il effectue en Afrique noire durant les années 1971-1981 sont des visites à des personnalités qu’il connaît depuis les années 1950 : Sékou Touré, et Léopold Sédar Senghor, dont il n’était cependant pas un intime. Il tire de ces expériences coloniales plusieurs ouvrages24.

  • 25 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 25.
  • 26 Ibid., p. 46.
  • 27 J.-P. Filiu, Mitterrand et la Palestine : L’ami d’Israël qui sauva par trois fois Yasser Arafat, P (...)
  • 28 AFP, Paris, 26 mai 1967, cité dans J.-P. Filiu, op. cit., p. 38.

16Il voyagea également hors de l’empire français. Il évoque par exemple dans Ma part de vérité son passage par « la banlieue de Téhéran25 ». Lors de ce séjour en « Asie mineure », il aurait rencontré le Premier ministre iranien26. Plus généralement, les relations de François Mitterrand avec la zone méditerranéenne – l’Afrique du Nord, Maghreb, Proche-Orient – étaient polarisées par la question arabo-israélienne et donc particulièrement complexes. En effet, aux positions inconditionnellement pro-israéliennes de la SFIO dont le PS héritait aux yeux de beaucoup de ses interlocuteurs au début des années 1970, s’ajoutait pour François Mitterrand l’image détestable que lui-même avait laissée en Algérie en tant que garde des Sceaux dans le gouvernement Guy Mollet. Cependant, le voyage en Égypte en 1974, celui en Algérie en 1976, comme ses multiples déclarations publiques relatives aux droits des Palestiniens, en dépit d’une amitié profonde et réitérée pour Israël, témoignent d’une réelle volonté de rééquilibrage de ses relations méditerranéennes. Car si « l’amitié de François Mitterrand pour Israël, son peuple et son histoire, est connue, ancienne et documentée27 », amitié politique mais aussi amitiés personnelles avec nombre de dirigeants israéliens dont Golda Meir, le jeune ministre qu’il est découvre dès 1949 le Proche-Orient dans toute sa complexité, grâce aux visites du Caire, de Damas, d’Ammam et de Jérusalem. Comme le démontre Jean-Pierre Filiu, ses positions sur le conflit israélo-palestinien furent ainsi très tôt nuancées : dès la guerre des Six Jours en 1967 notamment, il déclara en tant que Premier secrétaire de la FGDS : « Nous ne donnons pas raison à Israël sur tous les points. Par exemple, s’il se refuse à étudier le problème des réfugiés palestiniens28. » Avec l’Europe et l’Afrique, la zone méditerranéenne au sens large est la zone géopolitique qui mobilise le plus François Mitterrand dès l’immédiat après-guerre, tant à titre personnel que comme responsable politique.

  • 29 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 25.

17Quant à l’Amérique du sud, il semble qu’elle reste pour François Mitterrand un continent relativement inexploré et peu connu jusqu’à son voyage chilien de 1971. On ne lui connaît auparavant qu’un voyage au Brésil à une date indéterminée29. Ce continent était en effet le moins lié à la France, tant par son histoire que par sa localisation. François Mitterrand témoigne cependant d’un intérêt relativement original, au sein du paysage de la gauche française modérée, pour la révolution cubaine. À la mort de Che Gevara en 1967 par exemple, alors que l’hommage des communistes français est unanime, à l’image de Waldeck Rochet qui se dit « profondément attristé », Guy Mollet ne s’exprime pas sur le sujet et la presse officielle de la SFIO reste très laconique. François Mitterrand, alors à la tête de la FGDS, a donc une réaction atypique lorsqu’il répond au journaliste du Nouvel Observateur qui lui demande quel est l’événement de politique étrangère qui l’a le plus frappé les jours précédents :

  • 30 « Pourquoi la Fédération est l’ennemi no 1 », entretien avec François Mitterrand, propos recueilli (...)

« C’est la nouvelle de la mort de “Che” Guevara. L’Amérique latine est le plus important théâtre d’opérations du combat pour la libération de l’homme depuis celui de l’Asie du Sud-Est. […] Un homme de gauche français doit le dire, sans craindre de ne pas être reçu avec autant d’empressement que le général de Gaulle par les maréchaux ou généraux dictateurs : le combat de “Che” Guevara est celui des hommes libres30. »

18Néanmoins, les connaissances sud-américaines de François Mitterrand semblent s’être réellement structurées dans les années 1970, sur les conseils de Régis Debray notamment, qui participe aux voyages à Cuba en 1974 et aux Mexique, Costa-Rica et Venezuela en 1977, et qui lui présente de nombreuses personnalités littéraires et politiques d’Amérique latine, comme Pablo Neruda.

  • 31 H. Tertrais, « Face à l’Asie », « François Mitterrand et le monde. La diplomatie mitterrandienne. (...)

19L’Asie, n’aurait jamais été au cœur des préoccupations de François Mitterrand31. Bien que contemporain de la guerre d’Indochine, il ne joua pas de rôle marquant dans ces événements. Seul son voyage en Chine de 1961, raconté dans La Chine au défi(1961) témoigne de son intérêt pour ce continent. Il a été le premier homme politique français à rencontrer Mao Zedong. Avec Gaston Defferre, il est également parmi les premiers à prôner la reconnaissance officielle de la Chine populaire. Par-delà l’aire sinisée, François Mitterrand voyage au Bengale indien (1971) pour des motifs de ressourcement personnel, et profite de la conférence de l’IS qui se tient à Tokyo en 1977 pour découvrir le Japon traditionnel et classique. Ces quelques éléments témoignent donc d’une certaine curiosité de François Mitterrand pour l’Asie, même si la vision qu’il en a reste limitée à ses principales puissances, et revêt un caractère secondaire en comparaison d’autres zones du monde qui virent se multiplier les déclarations et engagements de François Mitterrand à partir de 1945. L’Océanie est enfin totalement absente de sa biographie, comme a priori de sa carte mentale.

  • 32 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 179-181.

20Si sa culture internationale est à la fin des années 1960 déjà importante, François Mitterrand n’est pas pour autant un internationaliste. En 1969, il ne trouve dans le monde aucun modèle particulier à suivre (Russie, Yougoslavie, Suède, Grande-Bretagne, Cuba, Égypte, Algérie Chine)32. Il semble surtout croire en un modèle français et à la force de l’Europe. S’il aborde dans tous ses écrits les questions internationales, il n’adopte à aucun moment un vocabulaire internationaliste. Ce passage d’Ici et maintenant nous donne quelques éléments de compréhension (le premier locuteur est le journaliste Guy Claisse) :

  • 33 F. Mitterrand, Ici et maintenant, Paris, Fayard, 1980, p. 298.

« – N’étiez-vous pas vous-même circonspect ? Si, à Épinay, le nouveau Parti socialiste dont vous allez devenir le Premier secrétaire, a adhéré devant ses devanciers à l’Internationale, vous vous êtes, dit-on, abstenu.
– Mes amis de la Convention, le groupe auquel j’appartenais avant Épinay, ont pour la plupart voté contre cette adhésion. Ils craignaient que l’Union de la Gauche autour d’un programme commun, alliance inconnue jusqu’alors en Europe, ne rencontrât l’opposition de l’Internationale. Moi, je pensais qu’ils se trompaient, j’ai voté pour et j’ai bien fait.
– Ne l’avez-vous pas regretté ? Il paraît que pendant deux ou trois ans les relations ont été plutôt fraîches ?
– Pour être exact elles ont surtout été inexistantes. Nous étions très absorbés par notre tâche de réorganisation du mouvement socialiste en France et, à l’exception de quelques-uns d’entre nous, les nouveaux dirigeants ne connaissaient pas les animateurs de l’Internationale. D’ailleurs celle-ci dormait, je l’ai dit, si paisiblement qu’elle ne s’en est pas aperçue33. »

  • 34 CAS, FJJ, 8FP7/87. Compte rendu analytique des conversations. PS-PCUS, Moscou, mai 1975.

21Il ne fait ainsi aucun doute que cet internationalisme socialiste était étranger à sa culture politique primaire. Le dialogue fut d’autant plus difficile à instaurer que la culture et la stratégie politique du PS, celles de l’union de la gauche avec les communistes, étaient nouvelles et en opposition avec les traditions de la plupart des pays membres. C’est ainsi qu’évoquant ses débuts laborieux au sein de l’IS avec Souslov, Mitterrand fait ce trait d’humour : « La première fois que je suis apparu dans une conférence socialiste internationale : une poule qui a couvé un canard34. » Cette différence française était évidente pour tous. Voici comment Le Monde rend compte de la présence française à la réunion de l’UPSCE à Bonn en avril 1973 :

  • 35 D. Vernet, « La rencontre Brandt-Mitterrand devrait contribuer à améliorer les relations entre le (...)

« La formation issue du congrès d’Épinay n’était pas aussi habituée que la SFIO au rituel de la IIe internationale et M. Mitterrand faisait un peu figure d’intrus dans un aréopage de vieux militants socialistes35. »

22Cependant, François Mitterrand fut dès 1972 vice-président de cette organisation et, cela a été dit, il se montra assidu à ses diverses manifestations, conscient qu’il avait tout intérêt à défendre la légitimité de sa démarche unitaire, et de tout ce que cette organisation pouvait lui apporter.

Robert Pontillon : secrétaire national aux Relations internationales (1971-1979)

  • 36 CAS, FJJ, 8 FP 7/15.
  • 37 Intervention de M. Alain Chenal lors de la séance sur « Les questions internationales » du séminai (...)

23Robert Pontillon est pendant des années le « monsieur questions internationales du Parti socialiste ». Secrétaire international du PS de 1971 à 1979, il doit ce poste et cette longévité à sa longue expérience des relations internationales sous la SFIO. Alors que François Mitterrand est un inconnu pour la plupart de ses interlocuteurs étrangers au début des années 1970, Robert Pontillon est pour beaucoup un visage familier. Il joue ainsi un rôle de passeur tout à fait majeur, comme en témoignent par exemple les différentes notes qu’il produit en 1971 à l’occasion de la participation du nouveau PS à la conférence de Salzbourg36. Il semble néanmoins que François Mitterrand se soit plaint qu’il ne lui ait pas ménagé le meilleur accueil dans les milieux socialistes37.

  • 38 Archives de la Préfecture de police de Paris, 77 W 4028, « Robert Pontillon ».
  • 39 En 1981 il est conseiller chargé des questions internationales et de défense auprès du Premier min (...)

24Membre de la SFIO dès ses seize ans en 1938, sa première expérience de l’étranger est aussi dramatique que militante : envoyé en Tchécoslovaquie en 1943 par les Allemands au titre du STO, il parvient à s’évader et rejoint un réseau de résistants tchécoslovaques38. En 1948, il devient responsable des relations internationales de la SFIO et le reste jusqu’en 1969. Juriste et journaliste de formation, il oriente sa carrière professionnelle vers l’international : il est par exemple directeur adjoint du cabinet du ministre de la France d’outre-mer, de juin à septembre 1957, et directeur général de la Société de radiodiffusion d’outre-mer de 1957 à 1962. Lorsqu’il devient secrétaire international du PS en 1971, il est ainsi l’un de ceux qui incarnent la continuité avec l’ancienne SFIO et reste ensuite très proche de Pierre Mauroy39.

25Robert Pontillon est avant tout soucieux des questions européennes. Élu maire de Suresnes en 1965, il accueille par exemple dans sa ville en 1974 le dernier congrès en exil du Parti socialiste espagnol, au cours duquel Felipe Gonzáles est élu secrétaire général. Depuis la fin des années 1960, il est un membre actif de l’association France-Tchécoslovaquie. De 1977 à 1980, il préside également l’Union des partis socialistes de la Communauté économique européenne (UPSCE) et en 1979 il est nommé membre de la délégation du Sénat pour les Communautés européennes, en tant que sénateur des Hauts-de-Seine. Sa maîtrise des rouages de l’Internationale participe également de cette expertise et de ce réseau européen très dense.

  • 40 J.-P. Filiu, op. cit., p. 35.

26S’il a des contacts avec l’outre-mer et l’Afrique francophone, son engagement n’est en aucune façon « tiers-mondiste ». Hors d’Europe, fidèle à la ligne de la SFIO qu’il incarnait largement, il semble surtout très lié au Parti travailliste israélien et à certains de ses dirigeants dont David Ben Gourion ou Golda Meir. Il se serait d’ailleurs prévalu en privé du « capital instinctif de sympathie de François Mitterrand envers Israël40 » et est président du groupe d’étude sur le Moyen-Orient de l’IS au milieu des années 1970 – c’est dans ce cadre qu’il effectue une mission en Égypte en 1974 peu avant l’arrivée de la délégation mitterrandienne.

27Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, les réseaux personnels et professionnels de Robert Pontillon, dans les corps diplomatiques ou au sein des cercles du socialisme mondial, ont été une ressource majeure pour le PS.

Didier Motchane : secrétaire national aux Pays en voie de développement (1973-1975)

  • 41 Entretien vidéo réalisé à Paris au cours de l’été 2011 par Jean-Luc PUJO, militant du Club « Pense (...)
  • 42 D. Motchane, Voyage imaginaire à travers les mots du siècle, Paris, Fayard, 2010, p. 39.

28Didier Motchane est un acteur important du congrès d’Épinay : il compte en effet parmi les fondateurs du CERES (Centre d’études, de recherche et d’éducation socialiste) avec Alain Gomez et Jean-Pierre Chevènement, courant fondateur et aile marxiste du nouveau Parti socialiste. En 1973, il se voit confier le tout nouveau secrétariat aux Pays en voie de développement. Interrogé en 2011 sur son parcours politique, Didier Motchane, comparant François Mitterrand à Louis XI, interprète ce dédoublement du secrétariat international comme une « précaution » personnelle prise par le Premier secrétaire41. Selon lui, son secrétariat couvrait le secteur considéré comme le plus secondaire et le moins noble des relations internationales du Parti42.

  • 43 Entretien avec D. Motchane, 14 février 2012.
  • 44 A. Chenal, Les socialistes et l’Iran (1979-1985), Paris, Éditions FJJ, 2012, p. 26.

29Au cours de notre entretien de février 2012, Didier Motchane a souligné le fait qu’il n’avait alors pas de compétences particulières dans le domaine international, et que c’est son intérêt pour ces questions qui avait justifié son élection43. Outre des liens noués au début de sa carrière (soit a priori à la fin des années 1960) avec la zone persique44, on ne trouve en effet dans la littérature existante aucun élément biographique alimentant l’idée d’un parcours particulièrement international. Dans l’entretien de 2011 précédemment cité, Didier Motchane déclare par exemple ne pas avoir été très marqué par la guerre d’Algérie ou par la décolonisation. À cette absence d’éléments biographiques s’ajoutent les lacunes archivistiques déjà mentionnées en ce qui concerne son action de secrétaire international.

Lionel Jospin : secrétaire national au Tiers Monde (1975-1979) puis aux Relations internationales (1979-1981)

30Lionel Jospin succède en 1975 à Didier Motchane au poste de secrétaire national en charge du Tiers Monde, à la suite du congrès de Pau qui voit le CERES rejeté dans la minorité du parti. Après le congrès de Metz en 1979, il devient le secrétaire chargé de toutes les relations internationales puisqu’il clôt le dédoublement institutionnel de 1973. Élu Premier secrétaire du parti en janvier 1981, il se réserve cependant toujours le secteur des relations internationales, assisté en cela par Véronique Neiertz, secrétaire nationale à la lutte des femmes à qui il confie certains dossiers.

  • 45 L. Jospin, Lionel raconte Jospin : entretiens avec Pierre Favier et Patrick Rotman, Paris, Le Seui (...)
  • 46 Ibid., 24-26.
  • 47 Ibid., p. 27-28.
  • 48 Ibid., p. 33.
  • 49 Ibid., p. 34.
  • 50 Ibid.
  • 51 Ibid., p. 37.

31Étudiant durant la guerre d’Algérie, il explique dans sa récente autobiographie que son « émancipation par les idées, elle s’amorce à propos de la guerre d’Algérie, parce que [s] on père est membre de la SFIO, [et] se laisse entraîner dans la guerre coloniale45 ». Bien qu’échappant à l’envoi en Algérie pour son service militaire à quelques mois près, ce pays a été très structurant pour sa formation politique ainsi que sa vie personnelle. Il vit notamment à la Cité universitaire d’Antony où il entre en contact avec plusieurs étudiants algériens très politisés46. Selon lui, le second pilier de son engagement politique est le refus du stalinisme, découvert à travers la violence des événements de Budapest47. Il refuse alors d’adhérer à la SFIO du fait de la politique molletiste menée en Algérie, et milite notamment au sein de l’UGS (Union de la gauche socialiste). À la sortie de l’ENA, il choisit le quai d’Orsay par envie de « découvrir le monde, de travailler sur l’économie internationale48 ». Il travaille alors cinq ans au ministère des Affaires étrangères, son champ de compétences étant celui du développement économique49. Il dit avoir gardé de ces années de très bons souvenirs et une formation précieuse qui lui permit d’« appréhender la vie économique mondiale à partir des réalités concrètes et des cadres institutionnels du système international, au-delà de la grille d’analyse qu[’il] pouvai[t] avoir héritée de [sa] teinture marxiste50 ». Parallèlement à cette vie diplomatique, son militantisme trotskiste le conduit à s’intéresser aux questions internationales et par exemple, à la période de Noël 1970, à porter des documents du Samizdat à un mouvement d’opposition clandestin51.

32Enfin, il rejoint dès 1971 le nouveau PS, attiré par la personnalité de François Mitterrand malgré son attitude durant la guerre d’Algérie. Pierre Joxe qui l’avait repéré lorsqu’ils travaillaient tous les deux aux Affaires étrangères, joue les intermédiaires. Dès le départ, son expertise internationale est valorisée :

  • 52 Ibid., p. 50.

« Quelques semaines après, François Mitterrand m’a demandé de rejoindre un groupe d’experts qu’il composait auprès de lui afin de réfléchir sur un certain nombre de grands problèmes. J’ai été coopté dans ce groupe, dirigé par Albert Gazier, personnalité très respectée de l’ancienne SFIO, pour mes compétences en politique étrangère. J’étais chargé de suivre les relations Est-Ouest. Ainsi, d’un côté, je côtoyais le sommet, un cercle de réflexion du Premier secrétaire ; de l’autre, j’étais un simple militant dans le quartier où j’habitais alors, dans la section du Parti socialiste du 15e arrondissement. Son siège, rue du Général-Beuret, était aussi celui du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) en exil, et j’ai fait là la connaissance de Carmen Garcia et d’autres réfugiés opposants au franquisme52. »

33En 1973 il devient secrétaire national à la Formation. Il travaille alors avec une équipe réduite à laquelle appartiennent Yvette Roudy, Françoise Gaspard et Yves Lebas. Suit son élection comme secrétaire international chargé du Tiers Monde en 1975, qui semble ainsi parfaitement cohérente avec ses champs de compétences et ses intérêts. À partir de 1979, il est secrétaire international du parti. Par ses fonctions il est ainsi amené à se rapprocher de François Mitterrand, notamment grâce aux voyages qu’ils accomplissent ensemble :

  • 53 Ibid., p. 65-66.

« Pendant deux ans, j’accompagne François Mitterrand dans nombre de voyages, en Amérique latine, en Afrique, en Israël, en Europe, dans les pays de l’Est, soit pour participer à des réunions de l’Internationale socialiste, soit pour déployer la diplomatie du PS. […] Quand nous ne lisions pas dans les avions – car il lisait beaucoup, et moi aussi –, nous parlions de politique, de la vie du PS mais aussi de sujets que j’avais eu jusque-là peu l’occasion d’évoquer avec lui : la littérature, les choses de la vie, la mort, la Résistance, sa résistance… […] Il y eut de multiples rencontres, dans leur pays, chez nous ou ailleurs, avec les leaders socialistes de l’époque : Willy Brandt, Felipe González, Bruno Kreisky, Olof Palme, Andréas Papandréou, Shimon Peres, Yitzhak Rabin et d’autres. Beaucoup d’entre eux sont devenus des amis. Tous m’ont fait réaliser combien les personnalités individuelles, les cultures nationales, les valeurs communes se mariaient pour composer la palette originale du socialisme européen. J’eus avec le Premier secrétaire des déplacements en Amérique latine (excellemment préparés par notre responsable Antoine Blanca), en Afrique, en Yougoslavie, en Israël aussi, en décembre-janvier 1980-1981. Au cours de ce voyage, François Mitterrand dira à Shimon Peres dans un déjeuner privé ce qu’il n’avait pas encore annoncé aux socialistes français : son intention de me voir lui succéder à la tête du Parti socialiste. Il m’en avait fait la proposition très peu de temps auparavant53. »

34Interrogé sur sa position sur le conflit israélo-palestinien, Lionel Jospin définit alors ce qu’il estime avoir été son apport à la politique internationale du PS :

  • 54 Ibid., 70-71.

« Quand j’avais dirigé le secrétariat au tiers-monde du Parti socialiste, de 1975 à 1979, j’étais un de ceux qui avaient contribué à élargir la vision des socialistes sur le Proche-Orient et la Palestine. Tout en restant fidèles à l’amitié avec Israël, en étant fermement attachés à son existence et à sa sécurité, nous voulions que soit reconnu le mouvement national palestinien et prises en compte celles de ses revendications qui étaient légitimes. J’avais aussi préparé le voyage de François Mitterrand à Alger, ce qui nous avait permis de nouer une relation avec le FLN qui en était resté au souvenir de la SFIO. J’ai contribué à désenclaver le Parti socialiste et à lui faire perdre aux yeux du monde son ancienne image atlantiste et européocentriste. Du coup, il est possible que certains aient pu me trouver tiers-mondiste, voire, totalement à tort, unilatéralement pro-palestinien. En fait, j’étais favorable à la reconnaissance du fait national palestinien pour ouvrir la voie à une négociation et à la paix avec Israël.
Un déplacement au Liban en avril 1977 m’avait, à cet égard, éclairé. À Paris, j’avais connu Kamal Jumblatt, le leader progressiste libanais, rue de Bièvre, lors d’un petit-déjeuner chez François Mitterrand, comme moi captivé par le personnage, mélange de druze, de progressiste et de philosophe. Je suis allé à Beyrouth, aux cérémonies organisées quarante jours après son assassinat, pour représenter François Mitterrand, Un soir, on nous a invités à rencontrer Yasser Arafat. En pleine nuit, avec mon ami Alain Chenal, entourés d’hommes armés jusqu’aux dents, nous avons roulé à fond tous phares éteints, dans la ville en partie détruite, pour retrouver Yasser Arafat dans l’appartement d’un immeuble transformé en bunker. Ce fut notre première rencontre, avec l’aval de François Mitterrand. En somme, j’ai esquissé, à mon niveau, une position d’équilibre, qui a été plus tard celle de la diplomatie mitterrandienne54 » (je souligne).

Gaston Defferre : président du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale

  • 55 G. Unger, Gaston Defferre, Paris, Fayard, 2011, p. 155.
  • 56 A.-L. Ollivier, op. cit., 2011, p. 491-712.

35Gaston Defferre est président du groupe parlementaire socialiste à l’Assemblée nationale sans discontinuer de 1962 à 1981. Son enfance se partage entre le sud de la France et le Sénégal, et tout au long de sa carrière militante et politique, la Méditerranée reste le centre de ses préoccupations. Sous le troisième gouvernement Blum (décembre 1946-janvier 1947), il est par exemple sous-secrétaire d’État à la France d’outre-mer, et dans ce cadre il effectue une mission majeure en 1947 à Madagascar. Lorsque Guy Mollet devient premier ministre, en tant que spécialiste de l’outre-mer au sein de la SFIO, Gaston Defferre est appelé à travailler pour lui. Il noue alors des liens solides avec certains leaders africains comme « Lamine Gueye, maire de Dakar, Léopold Sédar Senghor, député du Sénégal, et […] des liens amicaux avec Félix Houphouët-Boigny, membre de l’UDSR et leader du Rassemblement démocratique africain, qui siège à ses côtés dans le gouvernement Mollet comme ministre délégué à la présidence du Conseil55 ». La loi-cadre qui porte son nom symbolise aujourd’hui encore son apport à la décolonisation française. Il fut d’ailleurs également très engagé sur le dossier indochinois, notamment à l’Assemblée nationale56.

36Ce lien avec la Méditerranée perdure dans les années 1970 et 1980, où Gaston Defferre reste l’emblématique maire de Marseille. Parmi ses interlocuteurs, les leaders socialistes italiens, portugais, espagnols et grecs comptent parmi les plus proches. C’est aussi un ami politique d’Israël, amitié qui s’épanouit entre autres dans le jumelage entre Marseille et Haïfa. Mais l’Algérie a aussi un rôle majeur dans ses relations internationales, notamment à travers les questions des rapatriés et de l’immigration algérienne. À l’Assemblée nationale enfin, il intervient très régulièrement sur les débats concernant la politique française en Afrique. Mais ses mondes ne se réduisent pas à la Méditerranée, c’est aussi un Européen convaincu, partisan de la première heure de la CED et de la CECA. Il milite ainsi au Mouvement européen comme au Conseil des communes d’Europe, deux organismes dont il a présidé les sections françaises dans les années 1970. Il a des relations privilégiées avec l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas ou encore la Suisse. Son Europe, c’est aussi celle de l’Est et il prône au PS l’ouverture vers ce bloc. Son intérêt se porte en premier lieu vers l’URSS, via un jumelage marseillais avec Odessa, mais aussi vers la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie.

37L’Amérique latine semble avoir aussi retenu son attention dans les années 1970 : le Chili bien sûr, mais aussi Cuba, et surtout le Venezuela et le Mexique. Si le reste du monde ne lui est pas inconnu, il semble moins présent dans sa cartographie politique : il se rend en Chine en 1972 et 1981, aux États-Unis en 1973 notamment.

  • 57 P. Decraene, Secrétariat particulier, Paris, L’Archipel, 2008, p. 102.

38Il y aurait ainsi beaucoup à dire sur ces « mondes de Gaston Defferre ». Cependant, ils semblent ne pas avoir joué de rôle déterminant dans la définition de la ligne internationale du PS. En effet, s’il est de nombreux voyages, il semble que ce soit surtout pour des raisons protocolaires, ainsi qu’en raison de l’amitié qui le lie à François Mitterrand depuis le congrès d’Épinay, et que l’on perçoit par exemple dans la légèreté et la familiarité avec lesquelles le Premier secrétaire le convie à venir en Chine en 198157.

  • 58 Archives municipales de Marseille, cote 100II80.

39Enfin, les voyages que Gaston Defferre accomplit pour le PS, sont également des éléments qu’il exploite à titre plus personnel. Nous verrons ainsi qu’il utilise Le Provençal pour en faire des événements médiatiques, à des fins locales et électorales. Mais l’on remarque aussi qu’après presque chaque voyage, Gaston Defferre prend soin d’envoyer de très nombreuses lettres de remerciements à toutes les personnalités rencontrées. Or ces lettres ou télégrammes, portant souvent l’en-tête de la mairie de Marseille, sont toutes signées : « Gaston Defferre, Maire de Marseille et Député des Bouches-du-Rhône » sans mention du Parti socialiste. C’est par exemple le cas des lettres qu’il envoie après le voyage portugais de juillet 1974 à Adelino da Palma Carlos, Premier ministre, à Coimbra Martins du Centre culturel portugais parisien, à Jorge Campinos, secrétaire d’état aux Affaires étrangères, à Raul Rego, ministre de l’information et des communications sociales, à Luis Da Silva Lopes Roseira, à Francisco Salgado Zenha ministre de la Justice, mais aussi au général de Spínola et à Mário Soares58.

Claude Estier : journaliste officiel du Parti

  • 59 « La délégation du P.S. en U.R.S.S. comprendra douze membres », Le Monde, 21 mars 1975, p. 2.
  • 60 C. Estier, Mitterrand président : journal d’une victoire, Paris, Stock, 1981, p. 79.

40Si la fonction de journaliste ne répond à aucun impératif protocolaire, sa participation à dix des voyages retenus fait de Claude Estier un voyageur régulier. Son statut au sein des délégations varie selon les déplacements. Lorsqu’il accompagne François Mitterrand au Chili en 1971, à Rome en 1973 ou à Madrid en 1977, il est représentant officiel du PS. Mais il est parfois présent au simple titre de journaliste de L’Unité, comme lors du voyage en URSS par exemple59. Ce statut différencié joue à différents niveaux, dont celui du financement de son voyage, et celui de l’attitude que les hôtes étrangers adoptent à son égard. En Chine en 1981, Claude Estier rapporte ainsi qu’il est présent « au double titre de L’Unité et du Groupe socialiste européen qui a accepté de financer une part de [s] on voyage60 ». Son statut varie cependant au passage de la frontière sino-coréenne, comme le raconte J.-M. Cambacérès :

  • 61 J.-M. Cambacérès, Norodom Sihanouk, le roi insubmersible, Paris, Le Cherche Midi, 2013, p. 283-284

« François Mitterrand avait modifié la composition de la délégation en y intégrant Claude Estier. Les Nords-Coréens ne comprenaient pas comment un journaliste qui n’était pas dans la délégation officielle en Chine puisse s’y retrouver pour se rendre en Corée et passer devant moi dans l’ordre protocolaire. Profitant du temps du voyage entre Pékin et Pyongyang, j’expliquai à Kim Kyong Sin que François Mitterrand avait souhaité qu’en Corée du Nord, Claude Estier, membre du bureau exécutif du Parti socialiste, fasse partie de la délégation officielle, et il était normal alors qu’il passe devant moi dans l’ordre protocolaire61. »

  • 62 C. Estier, La plume au poing, Paris, Stock, 1977, p. 45.
  • 63 Ibid., p. 75.
  • 64 Ibid., p. 97.
  • 65 Ibid., p. 127.
  • 66 C. Estier, La plume au poing, Paris, Stock, 1977, p. 173-174.

41Par son métier de journaliste, qu’il commence à apprendre à la B.B.C. londonienne en 1945, Claude Estier est amené pendant toutes les années qui précèdent son engagement au PS, à parcourir le monde62 : il se rend par exemple en Tchécoslovaquie en 1956 pour un long reportage commandé par Le Monde63 et y retourne à deux reprises, en 1966 et en 1967 avec François Mitterrand. Il fait son premier voyage en Algérie pour le Progrès en 194964 et sera plus tard président du groupe d’amitiés France-Algérie au Parlement ; en août 1957, il rencontre à Tunis l’un des chefs historiques du FLN, Belkacem Krim65 ; en 1964 il sillonne l’Égypte pendant six mois, et n’y revient qu’en 1974 avec François Mitterrand66 ; et il voyage entre autres à Cuba dès 1966.

  • 67 Peu de sources permettent cependant de recouper les autobiographies de C. Estier.
  • 68 C. Estier, La plume au poing, Paris, Stock, 1977, p. 265-278 et p. 346-348.
  • 69 Ibid., p. 153-159.

42De cette vie de globe-trotter, motivée par une réelle passion pour la politique internationale, Claude Estier aurait gardé des contacts mis au service du PS67. Invité à l’automne 1970 à Santiago du Chili pour couvrir les cérémonies d’investiture de Salvador Allende, il aurait ainsi été le premier à mettre en contact le dirigeant chilien et François Mitterrand, et serait ainsi indirectement à l’initiative du voyage de 197168. De même, le voyage des socialistes en Algérie de 1976 aurait été partiellement organisé grâce aux contacts noués durant les années où il vécut à Alger (1963-1965)69.

  • 70 Pour l’Algérie (1964), L’Égypte en révolution (1965), Histoire de la Chine en 1000 images (1966), e (...)

43Cet échantillon restreint des pays parcourus et habités par Claude Estier laisse nettement percevoir un tropisme tiers-mondiste, tropisme corroboré par les titres des ouvrages qu’il publie dans les années 196070. En raison de ses fonctions au PS, de celle de rédacteur en chef de L’Unité et de proche de François Mitterrand dès les années 1960, il ne fait aucun doute que son analyse et sa conception de la situation internationale aient influencé la politique internationale du nouveau Parti socialiste. Concernant la lecture du conflit israélo-palestinien dans les cercles socialistes, Jean-Pierre Filiu note par exemple :

  • 71 J.-P. Filiu, op. cit., p. 32.

« Si la SFIO demeure inconditionnellement pro-israélienne avant comme après la guerre des Six Jours, une évolution certaine se dessine au sein de la Convention des institutions républicaines (CIR) qui constitue le propre fief de Mitterrand au sein de la FGDS. Claude Estier, d’origine juive mais ayant séjourné dans l’Égypte nassérienne en 1964-1965, y est pour beaucoup71. »

44Claude Estier est par ailleurs membre puis l’un des présidents de l’association France-URSS en 1974 : si ses dates d’adhésion et d’élection nous sont inconnues, on sait néanmoins qu’il en était membre en 1973 et qu’il était toujours lié à l’association dans les années 1980. Cette proximité avec l’URSS comme son parcours politique – après son exclusion de la SFIO il adhère au premier PSU, puis à la CIR et enfin au PS où il compte parmi les défenseurs les plus précoces de l’union de la gauche –, en ont même fait pour certains « l’œil de Moscou » au sein du PS.

Voyageurs occasionnels et accompagnateurs

Des cadres du Parti

45La plupart de ceux qui accompagnent François Mitterrand à l’étranger sont membres du PS, mais tous n’ont ni les mêmes fonctions, ni le même statut au sein des délégations. L’écrasante majorité d’entre eux est composée de secrétaires nationaux, de membres du Bureau exécutif ou au minimum du Comité directeur. Les quelques voyageurs qui n’appartiennent pas à ces instances nationales sont des membres du secrétariat international ou des élus, ou responsables fédéraux dont la présence est justifiée par des circonstances et compétences très spécifiques. Quatre représentants des fédérations limitrophes de l’Espagne sont par exemple conviés à se joindre à la délégation socialiste qui se rend au XXVIIe Congrès du PSOE à Madrid en décembre 1976, en raison des liens personnels et politiques particulièrement forts que ces fédérations ont avec les exilés socialistes espagnols. De même, la présence de Félix Ciccolini, sénateur des Bouches-du-Rhône, conseiller général d’Aix-Nord et maire d’Aix-en-Provence, au congrès travailliste britannique de Brighton en octobre 1977, ne semble pouvoir s’expliquer que comme remplacement de Gaston Defferre dont il était très proche. La présence de simples parlementaires ou représentants fédéraux dans les délégations relève ainsi toujours de l’exceptionnel et du particulier : si le secrétariat international veille à ce qu’il y ait un parlementaire, député ou sénateur dans les délégations, on s’arrange généralement pour que celui-ci cumule d’autres responsabilités.

Les experts et conseillers

46Parmi les délégués accompagnant François Mitterrand à l’étranger, les experts et conseillers ont un statut particulier qui ne correspond pas toujours à une place précise dans l’organigramme du parti. Et en raison de leurs fonctions plus techniques que politiques, ces experts et conseillers ne sont pas toujours comptés comme membres officiels des délégations.

47Certains conseillers le sont à titre tout à fait officiel, comme Philippe Mâchefer, qui accompagne François Mitterrand en Hongrie en 1976 et en Bulgarie en 1977 en tant que « conseiller auprès du Premier secrétaire ». C’est aussi le cas de Marie-Pierre Rieux et Jean Glavany qui participent au voyage aux États-Unis de 1980 en tant que « chargée des relations publiques auprès du Premier secrétaire » pour la première et de « délégué général auprès du Premier secrétaire » pour le second. C’est enfin toujours le cas de Jacques Attali, conseiller le plus présent à l’étranger puisqu’il accompagne François Mitterrand au total six fois, comme conseiller économique puis assistant spécial en économie.

48D’autres conseillers ont eu un rôle plus ponctuel et officieux, comme Régis Debray dont nous ne connaissons pas les fonctions exactes au sein du parti. Lors du voyage à Cuba de 1974, il est présenté aux autorités cubaines comme un « conseiller de la section internationale », mais aucune autre source ne vient corroborer ce statut qui, comme le statut coréen de Claude Estier, paraît surtout circonstanciel. On sait qu’il a joué un rôle important lors des Assises du socialisme en 1974. Et sa présence à Cuba en 1974 puis aux côtés de la délégation socialiste en janvier 1977 lors de sa tournée latino-américaine (Mexique, Costa-Rica et Venezuela), ainsi que son poste de chargé de mission auprès du président de la République pour les relations internationales durant le premier septennat mitterrandien, ne laissent aucun doute sur la nature de sa présence et l’ampleur de son influence au PS sur les questions sud-américaines. De même, Pierre Aidenbaum, simple militant qui accompagne les délégations socialistes en Israël en 1976 et en 1980, compte de toute évidence parmi les conseillers de François Mitterrand sur le Proche-Orient.

Le secrétariat

49Ceux qui forment le « secrétariat » des délégations sont généralement les secrétaires-adjoints et les assistants du secrétariat international, à l’image de Michel Thauvin ou de Florence Pavaux. Comme celui des conseillers, leur statut varie : parfois présentés comme des membres à part entière des délégations, ils sont néanmoins souvent mentionnés sur une liste différente, voire totalement absents de nos sources. Ils forment en quelque sorte le « staff » nécessaire à la gestion et coordination sur place des voyages les plus importants ou les plus longs.

La composition des délégations officielles : enjeux politiques ou affinités personnelles ?

  • 72 R. F. Schonfeld, Ethnographie du PS et du RPR. Les éléphants et l’aveugle, Paris, Economica, 1985.

50La composition d’une délégation suit plusieurs étapes : tout d’abord, le secrétariat international formule par la voix de son secrétaire national une première liste, qui est proposée et modifiée par le Premier secrétaire. En fonction de ces ajustements, une nouvelle liste est établie, dont les membres sont sollicités par écrit. Selon leurs disponibilités et leurs réponses, une liste est finalement arrêtée et soumise à la validation du Bureau exécutif. Cela confirme donc l’analyse de William R. Schonfeld selon laquelle l’importance des arbitrages du Premier secrétaire est masquée par la décision finale du Bureau exécutif72. Entre arbitrages individuels et validation collégiale et officielle, la composition des délégations chargées de représenter le Parti à l’étranger est le fruit d’un cocktail mêlant enjeux politiques, enjeux pratiques et enjeux personnels. Mais la première contrainte qui s’impose est celle de la taille des délégations.

La taille des délégations

  • 73 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 24. Échange manuscrit sur une feuille volante, entre R. Pontillon et F. Mitte (...)

51Le nombre de délégués envoyés à l’étranger est tout d’abord fonction du type d’invitations et de déplacements, comme le montre bien un échange manuscrit entre Robert Pontillon et François Mitterrand relatif au voyage au Canada de 1978. Si une délégation de dix personnes est envisagée pour le congrès de l’IS à Vancouver, François Mitterrand précise que : « Pour Ottawa et Québec il s’agit d’invitations qui me sont faites, en qualité de 1er secrétaire. Donc au maximum 1 ou 2 camarades (vous et Defferre, Mauroy devant rentrer à Lille)73. » Pour de brefs entretiens politiques, François Mitterrand se déplace rarement avec plus de deux ou trois personnes. En l’absence de contraintes extérieures et pour de tels entretiens, un nombre supérieur de délégués exprime donc une importance particulière accordée à ces échanges. C’est par exemple le cas de la première entrevue entre François Mitterrand et Willy Brandt à Bonn, le 24 mai 1973, qui bien que ne durant qu’une demi-journée pour le Premier secrétaire – une journée entière pour les délégués chargés des discussions de travail – mobilise huit socialistes français. Pour les déplacements plus longs sur invitation d’un parti, ou organisés par l’IS, la taille des délégations est généralement soumise à des contraintes extérieures : les invitations formulées mentionnent souvent le nombre maximum de délégués conviés. Dans le cas de l’IS, le nombre de délégués ayant le droit de vote est fixé par les statuts : pour le XIe Congrès extraordinaire des partis socialistes de la Communauté européenne (UPSCE) qui se réunit à Luxembourg du 3 au 4 mars 1980, il est par exemple rappelé aux différents partis conviés que « conformément à l’article 10 des Statuts de l’Union, le nombre de délégués de chaque parti est » de 8 pour la Belgique par exemple, 15 pour l’Italie, 35 pour la RDA et 27 pour la France.

  • 74 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 24. IS. Lettre de R. Pontillon à F. Mitterrand, 28 septembre 1978.

52Les moyens financiers du PS pesaient également sur le nombre de délégués à acheminer et éventuellement à loger. Cela explique la taille réduite de certaines délégations. Cette contrainte apparaît nettement dans un document relatif au congrès de Vancouver (1978) où Robert Pontillon déclare : « Compte tenu des points retenus à l’ordre du jour du Congrès de Vancouver, et aussi de notre capacité financière, je vous suggère la délégation suivante74. »

La représentativité interne

53Le Parti socialiste, qui fonctionne selon un mode proportionnel pour la désignation de ses représentants à tous les échelons, applique logiquement ce même principe à la composition de ses délégations. Bien évidemment, cette prise en compte des courants minoritaires du Parti ne concerne que les délégations les plus importantes numériquement, celles qui peuvent et doivent représenter le Parti dans toute sa diversité.

  • 75 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 14 : IS. Note de R. Pontillon à F. Mitterrand, 23 mai 1972 « Délégation Congr (...)
  • 76 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 24. IS. Note de R. Pontillon à F. Mitterrand, 28 septembre 1978, objet « cong (...)

54Ce souci de proportionnalité est toujours particulièrement vif pour les délégations des congrès de l’Internationale socialiste ou de l’UPSCE par exemple, mais il semble que d’informel il devient peu à peu obligatoire. Ainsi pour le congrès de l’IS à Vienne en 1972, dans une note de Robert Pontillon à François Mitterrand, l’octroi d’une représentation à la minorité du parti est présenté comme une faveur, un « geste » de bonne volonté de la majorité récompensant le ralliement de la minorité à ses options internationales75. À l’inverse, lors de la préparation du congrès de Vancouver en 1978, une note similaire précise qu’est prévu dans la délégation « parce que c’est la règle : 1 représentant de la minorité76 ». On ignore si cette « règle » était statutaire ou coutumière, mais dans tous les cas sa simple mention souligne la normalisation de la représentation de la minorité dans ce type de délégation.

55Hors du cadre de l’IS, les grandes délégations socialistes étaient aussi concernées par ces mesures. Pour le voyage soviétique de 1975 par exemple, on constate un respect du rapport de force entériné par le congrès de Pau (31 janvier-2 février 1975). À ce congrès, la motion du CERES, passé dans la minorité, recueille 25,40 % des voix, celle de Bataille socialiste 3,4 % des voix et la motion d’Arthur Notebard (dissidente de la motion mitterrandienne), 2,9 %. La majorité constituée autour de Mitterrand et qui comprend les rocardiens, les savarystes, les mauroyistes-defferistes et les poperenistes, fédèrent ainsi 68 % des suffrages. Or la délégation initialement prévue réserve précisément deux délégués sur neuf – François Mitterrand exclu – au CERES (Chevènement et Motchane) soit environ 22 % d’entre eux, le reste de la délégation étant composée de membre de la motion mitterrandienne, et plus précisément de l’ensemble des forces ayant porté cette motion puisqu’en plus de « purs mitterrandiens » (Cresson, Jospin) tous les « sous-leaders » de courants sont invités (Mauroy, Poperen, Defferre, Rocard, Savary). La faiblesse numérique de Bataille socialiste comme de l’éphémère motion Notebard justifie certainement l’absence de délégué pour le voyage soviétique. La délégation qui part effectivement en URSS, du fait de contraintes pratiques dues à un report décidé très rapidement, ne modifie que très légèrement cet équilibre. Maintenu entre la majorité et la minorité du CERES, il est troublé au sein de la représentation majoritaire puisque ce sont des mitterrandiens qui remplacent Alain Savary et Jean Poperen.

  • 77 CAS, FJJ, 818. RI 4. Note de R. Pontillon à F. Mitterrand, Paris, le 28 septembre 1976.
  • 78 CAS, FJJ, 818. RI 4. J. Helle, « Israël intéressé par la visite de M. Mitterrand », La Croix, 28 o (...)

56Si dans le cas de ce voyage en URSS le respect d’une certaine représentativité semble être essentiellement un enjeu protocolaire de représentation interne, dans d’autres, il est d’autant plus important que des clivages majeurs peuvent opposer les courants sur les enjeux politiques soulevés par le voyage. La position à adopter à l’égard d’Israël et de la Palestine est par exemple au PS un sujet particulièrement polémique au sein de la majorité, et entre cette dernière et la minorité. Cela justifie l’attention que Robert Pontillon porte à la représentativité de la délégation devant aller en Israël en 197677. La présence de Michel Rocard qui, lorsqu’il était leader du PSU, avait rompu ses relations avec les travaillistes israéliens au moment de la guerre des Six Jours, est en 1976 pour ces derniers un motif de curiosité et de satisfaction78. La présence de membres du CERES, jugés globalement plus pro-palestiniens et pro-arabes, est tout autant un enjeu interne et un signe politique à l’adresse de leurs hôtes israéliens, comme en témoigne la réponse que Jean Poperen fait aux journalistes de La Terre retrouvée. Tribune sioniste sur ce sujet :

  • 79 CAS, FJJ, 818. RI 4. G. Pudlowski et C. Malka, « Les socialistes français en Israël. Jean Poperen  (...)

« La Terre retrouvée. Tribune sioniste : Au sein des socialistes français, on croit pouvoir observer une évolution en ce qui concerne les problèmes du Proche-Orient. La présence de Michel Rocard dans la délégation, comme celle des représentants du CERES, est un signe parmi d’autres…
J. Poperen : Je ne suis pas en mesure d’en juger. Au plan du parti, pris globalement, je ne crois pas qu’il y ait une évolution sensible. Nous restons sur des positions qui ont été définies, qui sont claires, et que j’ai rappelées tout à l’heure.
Qu’à l’intérieur du parti, un certain nombre de courants évoluent, c’est possible. Il est certain que la présence de tel ou tel dans la délégation est de ce point de vue positif. Nous avons souhaité que la délégation soit largement représentative, et je crois que du côté du parti travailliste israélien, on y a été très sensible79. »

  • 80 Exemple du voyage hongrois de 1976 : CAS, FJJ, 432 RI 10. Lettre de R. Pontillon à F. Mitterrand, (...)

57Mais toutes les délégations n’exigent pas une telle représentativité, notamment les plus restreintes numériquement, centrées autour du Premier secrétaire. Les enjeux qui préludent à leur composition sont alors moins politiques, plus pratiques et techniques, à de rares exceptions près80.

Des compétences spécifiques

58Le critère de la compétence semble donc subordonné au critère de la représentation politique dans les délégations importantes. Ces deux éléments ne sont cependant pas antinomiques et concernent souvent des personnes différentes. Lors du voyage en Hongrie par exemple, bien que la délégation ait surtout été composée en fonction des courants, la présence de René Chazelle, simple sénateur, est principalement liée à sa fonction de président du groupe France-Hongrie au sénat, c’est-à-dire à une « compétence » particulière.

59Seules les délégations très restreintes, ne comprenant que le Premier secrétaire, le secrétaire international ou des conseillers, sont principalement construites selon le critère de la compétence. Il s’agit en effet dans ce cas d’avoir le groupe le plus opérationnel possible. En plus de divers experts, les responsables de secteurs géographiques au sein du secrétariat international sont souvent convoqués pour leur expertise. C’est par exemple le cas d’Antoine Blanca, hispaniste actif au secrétariat international depuis l’époque de la SFIO, qui participe à plusieurs reprises aux délégations en Péninsule ibérique, à chaque fois en Amérique latine. On peut également songer à Jean-Marie Cambacérès, responsable du secteur « Asie » de 1979 à 1981, principal organisateur du voyage en Chine et qui compte parmi les quatre membres de la délégation.

  • 81 C. Salzmann, Le bruit de la main gauche : 30 ans d’amitié et de confidences politiques avec Franço (...)
  • 82 O. Dedieu, « Adolphe Benamour », Le Maitron, version en ligne.

60Les ressources et compétences particulières sont aussi mobilisées hors du cadre du secrétariat international. Pour le neuvième congrès de l’UPSCE qui se tint à Bonn en 1973 par exemple, événement consacré à l’élaboration d’une nouvelle politique sociale pour la CEE, sont ainsi mobilisés, à l’image de Jacques-Antoine Gau, ancien directeur adjoint de l’Union interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNEDIC), d’autres socialistes atypiques, en raison de leur expertise en questions sociales ou européennes. Si dans ce cas les compétences valorisées sont techniques, elles peuvent être aussi linguistiques : la présence de Charles Salzmann en URSS, alors que celui-ci n’est pas membre du PS, ne s’explique que par sa maîtrise du russe comme il en convient lui-même dans ses mémoires81. Certains délégués sont aussi choisis en raison des liens particuliers qu’ils ont avec les pays et personnalités hôtes. C’est notablement le cas d’Adolphe Benamour qui fait partie de la délégation algéroise en 1976, alors que sa fonction de secrétaire fédéral de l’Hérault ne semble pas l’y prédestiner. Or ce socialiste est né en Algérie en 1913, et s’est notamment illustré lors de la guerre d’Algérie par son hostilité à l’Organisation de l’armée secrète, qui lui valut un soutien et une protection du FLN82. Molletiste puis savaryste, il n’est ni un responsable national du PS, ni un soutien local de François Mitterrand et ne doit donc sa participation à cette délégation qu’à ses liens avec l’Algérie et le FLN. En effet, compte tenu du souvenir laissé par François Mitterrand en Algérie, sa présence est incontestablement un atout, tout comme celle de Claude Estier, de Pierre Joxe ou encore de Gilles Martinet, ancien PSU lui aussi du voyage. C’est ce que souligne une note préparatoire de Georges Morin :

  • 83 CAS, FJJ, 10 RI 1. Note de G. Morin, 5 février 1976.

« Mais le PS a quelques atouts [...] beaucoup de ses nouveaux responsables et militants n’ont pas épousé à l’époque les errements de la S.F.I.O. et les ont même combattus. Le prestige d’hommes comme Rocard, Mendès ou Martinet en témoigne, qui sont toujours reçus en Algérie comme des amis83. »

61L’étude de la composition de la délégation envoyée en Algérie met ainsi en lumière toutes les précautions prises par le PS pour présenter son visage le plus aimable et consensuel au FLN.

L’importance des affinités personnelles ?

  • 84 C. Salzmann, op. cit., p. 30-31.

62Nombreuses sont les délégations pour lesquelles on spécifie que la présence de parlementaires français, un sénateur et un député, est requise. Cependant, parmi les élus socialistes, la biographie des délégués retenus ne justifie pas toujours qu’ils aient été choisis plutôt que d’autres. Il en est ainsi de la présence en mai 1977 à la deuxième conférence des partis socialistes d’Europe du sud de Georges Carpentier et Gilbert Belin. L’étude de leur biographie laisse supposer certaines appétences pour la zone méditerranéenne, mais rien ne semble rendre évidente ou incontournable leur présence à cette conférence. Elle correspond donc certainement à un arbitrage effectué par Robert Pontillon, basé sur leur parcours, leur disponibilité, sur des enjeux politiques locaux ou encore sur des affinités personnelles qui nous échappent en raison même de la nature souvent peu formalisée de celles-ci et donc de leur discrétion dans nos sources. Seule la présence de Charles Salzmann en URSS apparaît clairement comme étant le fruit de l’arbitraire le plus total – encore que motivée par sa maîtrise du Russe –, en l’occurrence de la seule volonté de François Mitterrand84.

63Les questions d’affinités ou d’inimitiés ont cependant pu jouer un rôle à la marge de la composition des délégations. C’est ainsi qu’en novembre 1973 Gaston Defferre, se sentant exclu de la délégation choisie pour aller en Yougoslavie, se plaint très violemment de Robert Pontillon auprès de François Mitterrand comme de Pierre Mauroy, soulignant ainsi tout à la fois des tensions internes au sein de l’équipe dirigeante, l’enjeu représenté par la présence dans telle ou telle délégation, et enfin la centralité de la figure du secrétaire international dans l’organisation des déplacements à l’étranger :

  • 85 Archives municipales de Marseille, cote 100II58, Lettre à P. Mauroy, 10 novembre 1973.

« Non seulement je suis toujours prévenu trop tard, mais le plus souvent Pontillon oublie de me prévoir dans le voyage. Cette fois-ci encore je sais qu’il avait omis de mentionner mon nom sur la liste des participants éventuels.
Je considère que tout cela est inamical de sa part. Cela fait plusieurs fois que cela se produit et je commence à être excédé de ces procédés.
D’ailleurs PONTILLON ne s’est pas révélé à la hauteur de sa tâche et je supporte mal d’être traité par lui de cette façon.
S’il cherche un conflit avec moi, il l’aura et je serai content d’avoir l’occasion, soit devant le bureau exécutif soit devant le comité directeur, de démontrer ses insuffisances85. »

« Mon Cher François,
Je trouve les méthodes de travail de PONTILLON absolument détestables.
Il ne me prévient jamais des voyages auxquels j’aimerais participer.
Je connais TITO que j’ai rencontré en 1946, mais je ne connais pas la YOUGOSLAVIE et j’aurais aimé y aller avec vous. Or, mon emploi du temps est établi longtemps à l’avance et il m’est difficile de le modifier.
Je me plains aujourd’hui à vous de PONTILLON mais ce n’est pas la première fois que cela se produit. J’ai été prévenu à la dernière minute de tous les derniers voyages organisés par le Parti. Les choses ne se passent autrement que quand c’est vous qui en prenez l’initiative et que vous m’en prévenez personnellement.

  • 86 Archives municipales de Marseille, cote 100II58, Lettre à F. Mitterrand, 7 novembre 1973.

J’ai prévenu MONTANIER que je vous écrirai pour me plaindre de PONTILLON et de lui.
Rappelez-vous dans quelles conditions lamentables a été organisé le voyage à LONDRES. PONTILLON ne s’était occupé de rien pour notre accueil à l’arrivée ni au lieu où devait se tenir la Conférence. Il est lui-même parti avant la fin…
Il ne se serait pas permis d’agir ainsi avec Guy MOLLET.
Très amicalement,
Gaston DEFFERRE86. »

64Ainsi, même si cela reste dans une proportion relativement restreinte, des arbitrages individuels et arbitraires ont pu effectivement entrer en compte dans la composition de certaines délégations.

Des absences étonnantes ?

65Certaines absences peuvent étonner : par exemple celles de Gilles Martinet dans les délégations qui accompagnent François Mitterrand en Italie, ou celles de Michel Rocard dans les délégations portugaises ou yougoslaves. Cependant, les archives socialistes témoignent des nombreux voyages et contacts que ces deux hommes ont eus avec ces pays respectifs dans les années 1970, à la fois pour des motifs personnels et dans le cadre de la politique internationale du parti. Ces absences nous rappellent ainsi combien les voyages de François Mitterrand n’étaient que la portion émergée de la diplomatie socialiste.

Les accompagnateurs

66Parmi les accompagnateurs des délégations socialistes n’ayant aucune fonction politique, on trouve certaines épouses de délégués, dont le prénom n’est souvent pas même mentionné. Leur présence semble en effet essentiellement d’ordre privé et est donc anecdotique pour notre sujet. Il n’y a ainsi aucune mise en scène du couple Mitterrand par exemple, qui calquerait la figure du couple présidentiel au sein duquel la « première dame » a un rôle symbolique.

67Enfin, André Rousselet, François de Grossouvre, Roland Dumas ou encore Laurence Soudet, sont dans les années 1970 plus des amis et proches de François Mitterrand, que des acteurs du Parti socialiste. Cependant, ils en sont membres, et leurs mandats, leur rôle de financier ou de conseillers interdit de tenir pour nul leur engagement socialiste. Mais, leur présence dans les voyages étudiés est très ponctuelle et a priori peu déterminante.

Le visage des délégations socialistes

Des ensembles polymorphes

68Cette polymorphie est tout d’abord le fruit d’effets de sources : elles sont plus ou moins exhaustives et on ne peut pas toujours les recouper. Les omissions et incertitudes les plus fréquentes concernent alors les membres du secrétariat des délégations, tandis que les têtes de délégation sont systématiquement mentionnées. De même, le statut de certains délégués est souvent flou, oscillant selon les listes entre représentant officiel ou simple accompagnateur.

  • 87 « Suède. Une délégation de socialistes français a étudié à Stockholm les réalisations social-démoc (...)
  • 88 « MM. François Mitterrand et Gaston Defferre en Suède pour un voyage d’étude », Le Provençal, 29 j (...)

69À cela s’ajoute une polymorphie réelle : les délégations, loin d’être des blocs fixes sont en fait des groupes à taille variable. Lors des entrevues avec des chefs d’État par exemple, les discussions ont souvent lieu en délégations réduites, voire en tête-à-tête entre dirigeants. Les intérêts personnels de certains délégués les conduisent aussi naturellement à faire des visites et rencontres différentes. Gaston Defferre s’entretient par exemple seul en 1972 avec des responsables de la ville de Stockholm « qui lui ont exposé les procédures d’expropriation, les moyens de lutte contre la spéculation foncière, la restructuration du centre de la capitale, les mesures de promotion des transports en commun87 ». Ces questions l’intéressent bien évidemment au titre de maire de Marseille. Il prolonge d’ailleurs son voyage en Suède et se rend « à Malmöe, port dans le sud du pays pour y visiter un journal social-démocrate88 ». Après le maire, c’est ici l’homme de presse qui voyage, plus que le parlementaire socialiste. D’autres voyages témoignent d’aspirations diverses des délégués socialistes à l’étranger : en URSS, du 27 au 29 avril 1975 la délégation se scinde en deux. Tandis que François Mitterrand mène une partie de celle-ci en Ouzbékistan, un second groupe part avec Pierre Mauroy découvrir l’Ukraine et la ville de Karkhof à laquelle Lille, sa mairie, est jumelée. Les départs et arrivées des délégués sont ainsi très régulièrement distincts. En Algérie par exemple, François Mitterrand et Pierre Mauroy regagnent Paris dès le 27 février 1976, sitôt les entretiens politiques terminés, laissant le reste de la délégation découvrir pendant deux jours les régions de Constantine, Annaba et Oran. Contrairement au collectif suggéré par le terme générique de « délégation », ces groupes sont ainsi très souvent polymorphes.

Des groupes majoritairement masculins

  • 89 J.-M. Delaunay et Y. Denéchère, Femmes et relations internationales au XXe siècle, Paris, Presses (...)
  • 90 C. Olsen, « À la réunion d’Elseneur. Les représentants des partis socialistes de la Communauté eur (...)

70À voir la liste des socialistes ayant accompagné François Mitterrand à l’étranger, il ne fait aucun doute que le visage présenté par le PS y était très largement masculin. Il est vrai qu’à l’échelle du milieu politique français, du socialisme mondial ou encore des relations internationales, les femmes sont dans les années 1970 très peu représentées89. Lors de la réunion de l’UPSCE à Elseneur par exemple, « une seule femme, Mme Lydie Schmidt, président du Parti socialiste du Luxembourg, siégeait parmi soixante-dix hommes90 ». Et au sein des conférences de leaders de l’Internationale, la travailliste israélienne Golda Meir est à notre connaissance la seule femme. Enfin, il existe alors une Internationale féminine dont les réunions se tiennent toujours en parallèle des congrès de l’IS.

  • 91 Vilma Espin, présidente de la Fédération des femmes cubaines par exemple, compte parmi les interlo (...)

71Golda Meir a d’ailleurs été le seul interlocuteur féminin de premier plan rencontré par François Mitterrand au cours de ses voyages à travers le monde. Ainsi, rares sont les femmes qui figurent parmi les délégations des pays hôtes et seule Véronika Isenberg (SPD allemand) semble avoir été une interlocutrice récurrente. Cuba est sans nul doute la destination où les femmes sont les plus nombreuses parmi le personnel politique, même si elles sont en charge de questions très genrées91.

72En dehors de la présence anecdotique de quelques épouses, on compte néanmoins parmi les délégations socialistes quelques femmes. Yvette Roudy, Véronique Neiertz, Annette Chépy, Anne Tregouët, Marie-Josèphe Pontillon, Édith Cresson, Marie-Pierre Rieux, Laurence Soudet, Nicole Questiaux et Florence Pavaux ont toutes voyagé au moins une fois avec le Premier secrétaire : 1,7 fois en moyenne pour tout le groupe, avec un taux de participation entre 1,1 et 3,4 % pour chacune d’entre elles.

73Au-delà du constat de la faiblesse de ces chiffres, et du contexte politique non paritaire des années 1970, il reste que le PS n’a fait aucun effort particulier pour ouvrir ces voyages aux femmes. Le processus de composition des délégations laisse même apparaître des indices d’une certaine réticence et inertie quant à la représentation féminine du Parti à l’étranger. Lors de la phase préparatoire du voyage en Hongrie par exemple, le Premier secrétaire est sollicité par Nicole Feidt, secrétaire de la Commission nationale « Action féminine ». Cette dernière met en avant l’intérêt d’une participation féminine à ce voyage particulier et aux échanges internationaux du PS en général :

  • 92 CAS, FJJ, 8 FP7/117. Note de N. Feidt pour F. Mitterrand, 13 avril 1976.

« Une délégation du Parti doit se rendre en HONGRIE, à la fin du mois de Mai. Il s’agit d’un pays qui a mis en œuvre une législation sur la famille et le droit des femmes au travail tout particulièrement intéressante qui se distingue non seulement de la législation des pays de l’Europe occidentale mais aussi de celle des autres pays socialistes.
C’est pourquoi, les femmes appartenant au Parti socialiste pourraient y trouver un intérêt évident à travers des contacts appropriés, certains éléments de cette législation pourraient nourrir la réflexion sur les questions concernant la famille et les femmes.
En outre, il ne serait pas inutile que le Parti socialiste favorise en général dans ses délégations et en particulier pour la délégation qui ira en HONGRIE un contact avec les organisations féminines du pays visité.
C’est pourquoi, je prends la liberté de faire la suggestion qu’une femme siégeant à la Commission “Action féminine” fasse partie de la délégation92. »

  • 93 Ibid.
  • 94 CAS, FJJ, 432 RI 9. Note de Feidt pour F. Mitterrand, 4 mai 1976.
  • 95 CAS, FJJ, 432 RI 11. Communiqué de N. Feidt, 3 décembre 1976.

74Elle défend ensuite sa candidature, mettant en avant les réseaux dont elle dispose déjà sur place93. La question semble renvoyée au secrétariat international, qui n’est a priori pas favorable à sa demande puisque N. Feidt sollicite de nouveau le Premier secrétaire le 4 mai94. Si aucune réponse n’a été conservée dans les cartons hongrois des archives socialistes, cette proposition semble avoir rencontré une fin de non-recevoir puisque ni Nicole Feidt ni aucune autre femme ne participe au voyage au Hongrie, à l’exception peut-être de Mmes Defferre et Loo. Nicole Feidt mène son projet de nouer des relations avec les femmes hongroises en marge de ce voyage : en décembre 1976, aux côtés d’Agnès Dupigny et Marguerite Thibert, elle reçoit au nom de la Commission nationale « Action Féminine » du PS, une délégation féminine hongroise avec qui elles s’entretiennent de « la situation des femmes dans le monde du travail, sur l’éducation et la formation95 ». Or Nicole Feidt n’est pas la seule à pointer ce déficit de représentation féminine dans la politique internationale du parti. Voici par exemple la note qu’adresse Yvette Roudy à Lionel Jospin en 1976 :

  • 96 CAS, FJJ, 10 RI 1. Note d’Y. Roudy à L. Jospin, 17 février 1976.

« Mon Cher Lionel,
Je vois avec plaisir que le PS français envoie une importante délégation de 11 membres en Algérie.
Peut-on savoir pourquoi cette délégation est purement, totalement masculine ?
Y a-t-il des raisons politiques ?
Bien amicalement96. »

75Pique à laquelle Lionel Jospin répond poliment ceci :

  • 97 CAS, FJJ, 10 RI. Note de L. Jospin à Y. Roudy, Paris, 23 février 1976.

« Ma chère Yvette,
Nous avions primitivement demandé à Édith CRESSON de faire partie de cette délégation. Elle n’a pas pu se libérer et nous l’avons remplacée finalement par un sénateur.
C’est vrai, il devrait y avoir une femme. Il faudra à nouveau être plus attentif à cette espèce de chose à l’avenir.
Amicalement à toi97. »

76Les documents ici cités, concernent le voyage en Hongrie et celui en Algérie, et sont les seuls à soulever la question de la représentation féminine parmi les archives dépouillées. S’il ne s’agit pas d’en généraliser excessivement la portée, et d’en faire les preuves d’une misogynie plus ou moins assumée du secrétariat international ou du Parti socialiste, il reste qu’ils dessinent une tendance cohérente avec la faible participation des femmes à ces voyages. Un dernier document, daté lui de 1978, semble indiquer que le parti devient effectivement « attentif à cette espèce de chose ». Il s’agit d’une note de Robert Pontillon relative à la délégation du congrès de Vancouver (1978) déjà partiellement citée :

  • 98 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 24. Lettre de R. Pontillon à F. Mitterrand, Paris, 28 septembre 1978, objet « (...)

« Compte tenu des points retenus à l’ordre du jour du Congrès de Vancouver, et aussi de notre capacité financière, je vous suggère la délégation suivante : […] parce que c’est la règle :
1 représentant de la minorité
1 femme98. »

Notes

1 H. Védrine, op. cit.

2 F. Mitterrand, La paille et le grain, Paris, Flammarion, 1975, p. 29-30.

3 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 46.

4 J.-M. Burguburu, « Les Globes de François Mitterrand », La Lettre de l’Institut François Mitterrand, 23, mars 2008, p. 17-19.

5 Ibid.

6 F. Mitterrand, Ma part de vérité, p. 165-166. Par ailleurs, voir P. Péan, Une jeunesse française : François Mitterrand, 1934-1947, Paris, Fayard, 1994.

7 C’est lui qui compose l’hymne du PS « Changer la vie » adopté au congrès de Nantes en 1977.

8 F. Mitterrand, « Ma part de vérité », 236, L’Unité, 4 février 1977, p. 32.

9 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 46, p. 17.

10 Ibid., p. 18.

11 Ibid., p. 125.

12 F. Mitterrand, L’abeille et l’architecte, Paris, Flammarion, 1978, p. 146-147.

13 Ibid. et F. Mitterrand, « Ma part de vérité. Le congrès en mouvement européen à Bruxelles », Le Poing et la Rose, 48, mars 1976, p. 24.

14 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 46, p. 314.

15 F. Mitterrand, « Ma part de vérité », L’Unité, 183, 12 décembre 1975, p. 32.

16 F. Mitterrand, Ici et maintenant : conversations avec Guy Claisse, Paris, Fayard, 1980, p. 242.

17 H. Védrine, op. cit., p. 164.

18 Ibid., p. 163.

19 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 46, p. 125 ; C. Estier, « Note sur le voyage de François Mitterrand en Tchécoslovaquie (15 novembre 1967) », La lettre de François Mitterrand, 42, janvier 2013.

20 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 27.

21 H. Védrine, op. cit., p. 338.

22 « Dossier Afrique », La Lettre de l’Institut François Mitterrand, 12, juin 2005.

23 C. Coquery-Vidrovitch, « François Mitterrand et l’Afrique », « François Mitterrand et le monde. La diplomatie mitterrandienne. 1981-1995 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 101-102, 1-2 2011, p. 48.

24 Aux frontières de l’Union française. Indochine-Tunisie, Julliard, 1953 ; Présence française et abandon, Plon, 1957.

25 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 25.

26 Ibid., p. 46.

27 J.-P. Filiu, Mitterrand et la Palestine : L’ami d’Israël qui sauva par trois fois Yasser Arafat, Paris, Fayard, DL 2005, p. 9.

28 AFP, Paris, 26 mai 1967, cité dans J.-P. Filiu, op. cit., p. 38.

29 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 25.

30 « Pourquoi la Fédération est l’ennemi no 1 », entretien avec François Mitterrand, propos recueillis par H. deGalard, Le Nouvel Observateur, 153, 18-24 octobre 1967, p. 25.

31 H. Tertrais, « Face à l’Asie », « François Mitterrand et le monde. La diplomatie mitterrandienne. 1981-1995 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 101-102, 1-2 2011, p. 46-47.

32 F. Mitterrand, Ma part de vérité, Paris, Fayard, 1969, p. 179-181.

33 F. Mitterrand, Ici et maintenant, Paris, Fayard, 1980, p. 298.

34 CAS, FJJ, 8FP7/87. Compte rendu analytique des conversations. PS-PCUS, Moscou, mai 1975.

35 D. Vernet, « La rencontre Brandt-Mitterrand devrait contribuer à améliorer les relations entre le S.P.D. et le P.S. », Le Monde, 25 mai 1973, p. 2.

36 CAS, FJJ, 8 FP 7/15.

37 Intervention de M. Alain Chenal lors de la séance sur « Les questions internationales » du séminaire « Socialisme » de la Fondation Jean-Jaurès, le 26 janvier 2012.

38 Archives de la Préfecture de police de Paris, 77 W 4028, « Robert Pontillon ».

39 En 1981 il est conseiller chargé des questions internationales et de défense auprès du Premier ministre.

40 J.-P. Filiu, op. cit., p. 35.

41 Entretien vidéo réalisé à Paris au cours de l’été 2011 par Jean-Luc PUJO, militant du Club « Penser la France », accessible sur son site dédié à l’actualité : [Politique-actu. com].

42 D. Motchane, Voyage imaginaire à travers les mots du siècle, Paris, Fayard, 2010, p. 39.

43 Entretien avec D. Motchane, 14 février 2012.

44 A. Chenal, Les socialistes et l’Iran (1979-1985), Paris, Éditions FJJ, 2012, p. 26.

45 L. Jospin, Lionel raconte Jospin : entretiens avec Pierre Favier et Patrick Rotman, Paris, Le Seuil, 2010, p. 22.

46 Ibid., 24-26.

47 Ibid., p. 27-28.

48 Ibid., p. 33.

49 Ibid., p. 34.

50 Ibid.

51 Ibid., p. 37.

52 Ibid., p. 50.

53 Ibid., p. 65-66.

54 Ibid., 70-71.

55 G. Unger, Gaston Defferre, Paris, Fayard, 2011, p. 155.

56 A.-L. Ollivier, op. cit., 2011, p. 491-712.

57 P. Decraene, Secrétariat particulier, Paris, L’Archipel, 2008, p. 102.

58 Archives municipales de Marseille, cote 100II80.

59 « La délégation du P.S. en U.R.S.S. comprendra douze membres », Le Monde, 21 mars 1975, p. 2.

60 C. Estier, Mitterrand président : journal d’une victoire, Paris, Stock, 1981, p. 79.

61 J.-M. Cambacérès, Norodom Sihanouk, le roi insubmersible, Paris, Le Cherche Midi, 2013, p. 283-284.

62 C. Estier, La plume au poing, Paris, Stock, 1977, p. 45.

63 Ibid., p. 75.

64 Ibid., p. 97.

65 Ibid., p. 127.

66 C. Estier, La plume au poing, Paris, Stock, 1977, p. 173-174.

67 Peu de sources permettent cependant de recouper les autobiographies de C. Estier.

68 C. Estier, La plume au poing, Paris, Stock, 1977, p. 265-278 et p. 346-348.

69 Ibid., p. 153-159.

70 Pour l’Algérie (1964), L’Égypte en révolution (1965), Histoire de la Chine en 1000 images (1966), et Origines et conséquences de la crise au Moyen-Orient (1967).

71 J.-P. Filiu, op. cit., p. 32.

72 R. F. Schonfeld, Ethnographie du PS et du RPR. Les éléphants et l’aveugle, Paris, Economica, 1985.

73 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 24. Échange manuscrit sur une feuille volante, entre R. Pontillon et F. Mitterrand.

74 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 24. IS. Lettre de R. Pontillon à F. Mitterrand, 28 septembre 1978.

75 CAS, FJJ, 60 RI (BP) 14 : IS. Note de R. Pontillon à F. Mitterrand, 23 mai 1972 « Délégation Congrès Internationale. Socialiste à Vienne 26-29 juin 1972 ».

76 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 24. IS. Note de R. Pontillon à F. Mitterrand, 28 septembre 1978, objet « congrès de l’internationale socialiste à Vancouver ».

77 CAS, FJJ, 818. RI 4. Note de R. Pontillon à F. Mitterrand, Paris, le 28 septembre 1976.

78 CAS, FJJ, 818. RI 4. J. Helle, « Israël intéressé par la visite de M. Mitterrand », La Croix, 28 octobre 1976.

79 CAS, FJJ, 818. RI 4. G. Pudlowski et C. Malka, « Les socialistes français en Israël. Jean Poperen : “Nous avons mis en place un groupe parlementaire commun entre les socialistes français et les travaillistes israéliens”, » La Terre retrouvée. Tribune sioniste, 15 novembre 1976.

80 Exemple du voyage hongrois de 1976 : CAS, FJJ, 432 RI 10. Lettre de R. Pontillon à F. Mitterrand, 19 mars 1976.

81 C. Salzmann, Le bruit de la main gauche : 30 ans d’amitié et de confidences politiques avec François Mitterrand, Paris, R. Laffont, 1996, p. 30-31.

82 O. Dedieu, « Adolphe Benamour », Le Maitron, version en ligne.

83 CAS, FJJ, 10 RI 1. Note de G. Morin, 5 février 1976.

84 C. Salzmann, op. cit., p. 30-31.

85 Archives municipales de Marseille, cote 100II58, Lettre à P. Mauroy, 10 novembre 1973.

86 Archives municipales de Marseille, cote 100II58, Lettre à F. Mitterrand, 7 novembre 1973.

87 « Suède. Une délégation de socialistes français a étudié à Stockholm les réalisations social-démocrates », Le Monde, 30-31 janvier 1972, p. 3.

88 « MM. François Mitterrand et Gaston Defferre en Suède pour un voyage d’étude », Le Provençal, 29 janvier 1972, p. 14.

89 J.-M. Delaunay et Y. Denéchère, Femmes et relations internationales au XXe siècle, Paris, Presses de la Sorbonne-Nouvelle, 2006.

90 C. Olsen, « À la réunion d’Elseneur. Les représentants des partis socialistes de la Communauté européenne sont réservés sur le rapport Tindemans », Le Monde, 20 janvier 1976, p. 6.

91 Vilma Espin, présidente de la Fédération des femmes cubaines par exemple, compte parmi les interlocuteurs cubains des socialistes français en 1974.

92 CAS, FJJ, 8 FP7/117. Note de N. Feidt pour F. Mitterrand, 13 avril 1976.

93 Ibid.

94 CAS, FJJ, 432 RI 9. Note de Feidt pour F. Mitterrand, 4 mai 1976.

95 CAS, FJJ, 432 RI 11. Communiqué de N. Feidt, 3 décembre 1976.

96 CAS, FJJ, 10 RI 1. Note d’Y. Roudy à L. Jospin, 17 février 1976.

97 CAS, FJJ, 10 RI. Note de L. Jospin à Y. Roudy, Paris, 23 février 1976.

98 CAS, FJJ, 60 RI (WB) 24. Lettre de R. Pontillon à F. Mitterrand, Paris, 28 septembre 1978, objet « congrès de l’internationale socialiste à Vancouver ».

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Légende Graphique 2. – Taux de participation aux voyages de François Mitterrand à l’étranger
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