Politiques patrimoniales, acteurs et enjeux identitaires : application à des petites villes iséroises
p. 141-155
Texte intégral
1Note portant sur l’auteur1
2Depuis une ou deux décennies, on assiste à un regain d’attractivité des petites villes. Une forte majorité d’entre elles a effectué une requalification urbaine par le biais d’opérations à caractère patrimonial plus ou moins ponctuelles, de plus ou moins grande envergure.
3Dans le contexte actuel de métropolisation et de recomposition des territoires où les petites villes sont diluées dans l’urbain, les opérations de requalification des centres-villes, que ces communes possèdent ou non un héritage historique et patrimonial notable, sont une manifestation de la construction politique de formes d’urbanité ; de plus, si la qualification de la petite ville aujourd’hui ne peut plus être fonctionnelle, c’est dans cette construction politique de formes d’urbanité, seule valide, que peut se réaliser le processus de distinction. L’hypothèse que l’on soutient fait du patrimoine un des référents des aménagements urbains et de la patrimonialisation un des paradigmes de l’urbanité des petites villes.
4La localisation et la structuration du réseau urbain font qu’il est difficile de définir une catégorie petite ville générique2. Notre définition des petites villes, à l’analyse du contexte isérois, combine un critère démographique (communes de 3 000 à 15 000 habitants) et un critère d’équipement (présence d’un lycée). La petite ville s’appréhende comme un pôle de services et son niveau d’équipement révèle sa fonction de centralité. Les autres activités comme le tourisme ne participent pas directement à la construction de notre catégorie. Si les communes de l’unité urbaine grenobloise sont exclues, certaines de nos petites villes se situent dans les zones d’influence d’une ou plusieurs métropoles.
5Si les actions de requalification des centres ne sont pas spécifiques aux petites villes (elles concernent bon nombre de centres bourgs comme de grandes villes), elles y revêtent un intérêt tout particulier en termes de démarche, de stratégie territoriale et de discours mobilisés.
6On verra dans un premier temps comment ces processus participent à une mise en scène de l’urbanité – à travers formes et signes participant à la production de la ville – et ensuite comment ils sont instrumentalisés par le politique pour légitimer l’action publique, soit un double objet à ces opérations volontaires que sont les requalifications urbaines : la matérialité des opérations et leur charge symbolique.
LA PATRIMONIALISATION DES PETITES VILLES
7Depuis les années quatre-vingt, les centres des petites villes font l’objet d’opérations tous azimuts et elles en sont véritablement transformées. Cette restructuration urbaine passe par exemple par une réorganisation du tissu urbain en vue d’une hiérarchisation des espaces, par une requalification des espaces publics, une piétonisation, la réhabilitation de ruelles, de passages et places, et l’éventuelle destruction d’îlots en vue de remodeler l’urbain.
8Opérations programmées d’amélioration de l’habitat, Programmes locaux de l’habitat, loi LOV, loi SRU, contrats de ville : si les outils d’action sur l’urbain sont nombreux, les moyens propres aux petits centres urbains font défaut. La petite ville n’apparaît pas comme objet d’action privilégié dans la politique française de la ville. Elle a donc dû se réapproprier certaines procédures issues de la politique urbaine et de l’action sur l’habitat et conçues, sans exception, pour la ville de taille supérieure : ces procédures ont fait, dans le cas qui nous intéresse, l’objet d’une adaptation, d’une transposition aux petites entités urbaines ainsi qu’aux centres bourgs.
9Seule exception à l’inexistence manifeste de dispositifs spécifiques aux petites villes : l’opportunité à partir de 1979 d’une procédure contractuelle entre la région (Rhône-Alpes en l’occurrence), le département et les communes au travers d’un contrat de petite ville3. En Rhône-Alpes, comme ailleurs, les communes se sont saisies de cette opportunité offerte par la politique régionale de contractualisation dont le principe est basé sur un subventionnement partagé qui a fait le succès de cette opération dans le domaine du développement et de l’aménagement. Le contrat de petite ville a été l’une des premières élaborations d’un discours formalisé sur la petite ville faisant appel à des équipes pluridisciplinaires.
10Les années quatre-vingt constituent l’aube d’une nouvelle manière de produire la petite ville autour du référent patrimonial. Différentes formes d’actions sur l’urbain peuvent alors être distinguées :
- Des formes d’action directe de valorisation-protection du patrimoine : c’est le champ du patrimoine institutionnel, notamment des monuments historiques.
- Des actions de réhabilitation du patrimoine bâti.
- Des actions d’accompagnement confortant une mise en scène.
11Il ne s’agit pas de détailler ici l’arsenal réglementaire de la protection du patrimoine (sites et monuments inscrits et classés, etc.) mais de mettre en évidence les modifications récentes qui nous semblent relever de ce processus global de patrimonialisation des territoires urbains. En effet, les outils de la protection ont été redéfinis et leur dimension spatiale a été revisitée depuis quelques décennies : première modification notable, le passage d’une protection en termes de monuments isolés (ponctuelle) à une protection en termes d’ensembles (zonale), lié à la prise en considération de l’environnement, et l’émergence de la notion de paysage urbain. Cette extension s’est accompagnée d’une évolution du champ de la protection du patrimoine : aux anciennes lois concernant le classement et l’inscription aux monuments historiques se sont ajoutés de nouveaux territoires du patrimoine : secteurs sauvegardés (1962), Zones de protection du patrimoine architectural et urbain devenues ZPPAUP en 1993 ; et plus récemment dans le cadre de l’article 40 de la loi SRU la possibilité offerte dans le Plan local d’urbanisme d’adapter, en le modifiant, le périmètre de protection des abords de monuments historiques d’un rayon circulaire de 500 mètres ; ceci constitue une mise en œuvre plus intelligente, plus proche des réalités géo- et topographiques des lieux et donc plus argumentée de la notion de co-visibilité. Pour les communes à forte présence de monuments, la ZPPAUP s’avère être un meilleur outil car elle prend en compte au sein d’un même périmètre l’ensemble des enjeux patrimoniaux à gérer. La protection législative, contraignante, se révèle finalement être le meilleur outil pour conserver un caractère aux centres.
12Simultanément à l’extension spatiale du champ du patrimoine, celui-ci concerne des thèmes de plus en plus divers et flirte avec notre passé le plus récent à l’exemple des patrimoines industriels et du xxe siècle, ce qui montre un changement d’état d’esprit à son égard, sa production révélant des préoccupations sociales. Initialement objet d’intérêt public général, symbole national, le patrimoine est approprié par le niveau local à la fin du xxe siècle, opérant une sorte de « décentralisation » culturelle de l’objet.
13À côté du champ du patrimoine des monuments historiques, géré par l’État, les acteurs locaux se sont saisis de possibilités d’action sur l’urbain : les collectivités ont inscrit dans leurs documents d’urbanisme réglementaire un certain nombre de recommandations et de prescriptions (article 11 des Plans d’occupation des sols par exemple) et la récente loi SRU, notamment au travers des Plans d’aménagement et de développement durable, met également en avant cette prise en compte du patrimoine. Les documents d’urbanisme constituent des outils communs très utilisés pouvant permettre la définition d’actions en faveur du patrimoine notamment urbain, et plus globalement une politique paysagère4. L’article L.110 du code de l’urbanisme stipule d’ailleurs désormais que le territoire est le « patrimoine commun de la nation ».
14Les petites villes se sont aussi saisies du champ du patrimoine en créant des labels : à l’instar des villes d’art et d’histoire ou des plus beaux villages de France, des petites cités de caractère se sont vues décerner le label des « plus beaux détours de France ».
15Se mettent en place dans les années quatre-vingt un certain nombre d’actions de requalification du bâti des centres des petites villes. Les collectivités lancent des Opérations programmées d’amélioration de l’habitat (créées en 1977) qui visent à l’amélioration quantitative et qualitative de l’offre de logements locatifs privés et à sa mise aux normes5. L’OPAH s’inscrit dans des questionnements d’urbanisme assez globaux dans les petites villes : il s’agit en même temps de réhabiliter le logement, de mener une réflexion conjointe sur les façades, les quartiers… Les communes ont alors recours à des opérations de rénovation et coloration de façades pour embellir le cadre de vie. Après avoir amélioré l’intérieur des immeubles, ce qui ne se voit guère de l’espace public, il faut améliorer les façades, la dimension visible, puis aborder inévitablement l’image que l’on veut donner du centre, de sa « reconquête ». Des petites villes, comme des grandes, mettent en place des incitations pour le ravalement des façades. L’incitation repose habituellement sur la création d’un fonds communal d’aide au ravalement des façades des immeubles donnant sur la voie publique. Si les opérations incitatives menées par les collectivités se sont multipliées dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, il existe par ailleurs une procédure de ravalement obligatoire prévue par la loi, régie par le code de la construction et de l’habitation, et liée à un arrêté préfectoral.
16La patrimonialisation s’est saisie du champ de l’aménagement et de l’urbanisme. Ces actions menées dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix constituent une réponse aux retards et dysfonctionnements de la petite ville constatés depuis les décennies précédentes : sous-équipement, dévalorisation urbaine, problèmes de circulation, déclin fréquent de la population, délabrement des centres anciens et insalubrité de l’habitat…
17Ces actions sur l’urbain sont généralement accompagnées d’opérations de redynamisation commerciale ou d’incitation à l’implantation artisanale, d’actions de fleurissement et d’illumination (des petites villes se lancent dans des Plans lumière) qui participent à la mise en valeur et à l’esthétique. Par ailleurs dans certaines communes, des bâtiments du centre-ville, restaurés ou réhabilités, sont réinvestis pour accueillir des services municipaux, administratifs, des musées locaux ou l’office de tourisme. Le façadisme joue pour beaucoup dans les modifications d’usages qui sont souvent plus nombreuses dans les bâtis des centres anciens que ceux des périphéries. Finalement le centre ancien offre une capacité d’adaptation et de transformation parfois insoupçonnée et l’immuabilité des constructions anciennes des centres historiques n’est qu’apparente.
18Un grand nombre de ces interventions et actions d’accompagnement sur les centres-villes ont été réalisées par le biais de subventions du Fonds d’aménagement urbain et dans le cadre de contrats de petites villes6 dont les objectifs sont l’amélioration du fonctionnement urbain (circulation, stationnement), du cadre bâti et la mise en valeur et requalification des espaces publics (création et réaménagement de places, traitement des sols…). Dans le même temps sont créées des rues piétonnes ou semi-piétonnes avec leur lot de mobilier urbain. Ce dernier sert à matérialiser les usages de l’espace, à séparer ses utilisateurs (il est censé contrer l’emprise de l’espace par les véhicules) ; mais au-delà, par le mobilier et les matériaux utilisés, des jeux d’ambiances se mettent en place.
19La combinaison de ces procédures de réhabilitation et d’actions urbaines participe à une inscription de temps, de signes de temporalités dans l’espace (le centre-ville en l’occurrence) : c’est cette tendance à l’inscription spatiale de signes de temporalités se voulant signifiante que nous dénommons patrimonialisation.
MISE EN SCÈNE DE L’URBANITÉ
Centralité et patrimoine
20Ce qui nous intéresse, en premier lieu, d’un point de vue géographique dans cette problématique de la protection et de la valorisation du patrimoine, ce sont les espaces concernés par ces opérations ainsi que leur qualification spatiale. Ces opérations ont en effet des implications qui dépassent largement leur dimension relativement fonctionnelle : elles participent à la production de référents urbains.
21La combinaison des procédures s’inscrit dans une démarche de qualification de ce qu’est le centre-ville ; elle met en évidence la constitution d’un modèle de centralité de la petite ville. Ce sont les centres anciens, sur lesquels sont habituellement calqués les centres-villes, qui font l’objet d’opérations de requalification, et ils sont désignés par un vocabulaire renvoyant au zonage : les outils de la protection institutionnelle (ZPPAUP, monuments historiques) tout comme les opérations de coloration de façades parlent de « périmètres », de « secteurs », de « zonages », etc. L’idée de périmètre, importante, fait apparaître une sorte de géographie « prioritaire » de la ville ; elle dualise l’espace : l’un, requalifié, a valeur patrimoniale, l’autre non.
22La façade, c’est « ce qui se voit ». L’avantage d’une opération de coloration est donc la forte amélioration visuelle qu’elle apporte : le changement d’aspect se voit instantanément, il est significatif. S’il existe une assez grande latitude dans les choix de coloris qui se font au regard des matériaux d’autrefois et des savoir-faire, la volonté est bien d’apporter une certaine cohérence sur l’ensemble des façades d’une rue et de produire une unité bâtie. Ces actions de réhabilitation du bâti, lorsqu’elles sont activement menées (avec des moyens financiers conséquents et suffisants) sont positives : par leurs impacts visuels très nets, elles requalifient l’espace sur lequel elles s’appliquent en le valorisant, qu’il s’agisse des rues et places centrales (en particulier les rues piétonnes), des abords de bâtiments (édifices publics, religieux par exemple) classés ou non monuments historiques. Pour beaucoup d’élus, sensibles à l’embellissement et l’esthétique, elles donnent un « cachet » au centre-ville. Les élus sont conscients que ces opérations, incitatives, ont souvent un effet boule de neige.
23La plupart des petites villes ont suivi la même évolution qui se traduit dans leur morphologie spatiale : centre ancien plus ou moins restreint spatialement, croissance périphérique à vocation généralement pavillonnaire, confrontée aux problèmes de mobilité, etc. Les centres des petites villes ne possédant pas un tissu économique diversifié se sont dépeuplés dans la deuxième moitié du xxe siècle. Le centre perd de l’importance, les commerces y périclitent, au profit de la périphérie urbaine qui a connu le développement puis l’accélération de la construction individuelle, souvent sans véritable plan d’ensemble et donc sans grande cohérence spatiale.
24Les centres-villes sont généralement le lieu de concentration des petits commerces, des services et d’un certain nombre d’équipements publics et administratifs ; ils constituent le « cœur » de la ville, le lieu de convergence des pratiques sociales. Le centre est donc investi d’une valeur symbolique mise en exergue par les acteurs du territoire pour impulser des projets de réhabilitation, de requalification « patrimoniale » depuis une quinzaine d’années. La patrimonialisation met particulièrement bien en avant la place de la centralité dans la construction urbaine des petites villes : le centre-ville synthétise l’identité de la petite ville, c’est un référentiel territorial. L’idée que les centres-villes incarnent toujours ces référents d’urbanité s’appuie sur la représentation qui admet que la densité, ou du moins l’impression de densité (densité bâtie mais aussi densité de l’ornementation, du mobilier urbain, de tout ce qui « meuble » l’espace public) fait l’urbanité : la petite ville « patrimoniale » se veut densité.
Inscription de signes de temps dans l’espace
25La patrimonialisation, comme inscription spatiale de signes de temporalités, nous amène au constat d’une mise en scène, d’une mise en décor croissante de l’espace urbain des petites villes depuis les années quatre-vingt : si auparavant les aménagements répondaient à un besoin, dans une démarche fonctionnelle, utilitaire (construite sur une politique d’équipement avec la modernité pour référent), aujourd’hui on met en scène par imitation et pour correspondre à une image, une sorte de modèle de ce que doit être la petite ville. Peut-on voir dans le passage du fonctionnel au décor une transposition d’un passage de la modernité à la « post-modernité » qui correspondrait pour nous à l’époque de la patrimonialisation et à la mise en scène, en décor ? Cette démarche, que les petits bourgs ruraux commencent à avoir eux aussi depuis plusieurs années, vise à apporter une dimension urbaine, un caractère urbain à l’espace : aux formes matérielles relevant d’une logique routière (parkings, voies larges, omniprésence de l’enrobé) succèdent des signes répondant à une logique plus urbaine (pavages, dallages, réduction du gabarit des voies, inscription visuelle de signes de piétonisation). La piétonisation s’accompagne systématiquement de l’implantation d’objets ponctuels dans l’espace public : bancs, corbeilles, lampadaires et systèmes d’éclairage, jardinières, bornes, fontaines, par exemple, et d’un traitement particulier des revêtements de sol (sols colorés, dallés, pavés). Que serait la rue piétonne sans son lot de mobilier urbain ? La volonté de conférer une connotation, un caractère urbain aux voies de circulation par des artifices multiples, de densifier et d’occuper (remplir7 ?) l’espace public en mobilisant une gamme de mobilier ne sont que deux exemples de cette tentative d’affichage de signes en vue de faire émerger une urbanité, une figure d’urbanité. Par la mise en place, dans le champ visible de l’espace public, de formes urbaines et de signes d’urbanité, la petite ville cherche à accéder au rang de ville à part entière8 ; bien plus finalement qu’à faire émerger sa singularité.
26Ce mouvement s’appuie sur des formes héritées du passé, ré-interprétées en vue d’être (re)mises en scène : valorisation d’éléments ponctuels anciens (lavoirs, fontaines, halles), restauration de bâtiments anciens, coloration des façades. L’objectif est de donner l’impression d’un passé, de susciter une historicité plus ou moins ré-inventée. Et si la forme fait défaut ou a été détruite, si la matérialisation est insuffisamment riche en termes de visibilité, on n’hésite pas à recourir à la figuration en vue d’exprimer l’idée d’une identité locale. Ainsi les années quatre-vingt voient fleurir les implantations ex nihilo d’artefacts : on n’hésite pas à recréer de toutes pièces des éléments de décor urbain : en caricaturant, peu importe que l’aménagement de la nouvelle fontaine – de facture « traditionnelle » – réponde ou non à l’existence antérieure d’une fontaine, le principal est que le simulacre fonctionne (J. Baudrillard, 1981).
27Se retrouvent alors combinés des éléments identitaires renvoyant à la symbolique rurale (église et son clocher, plantations, lavoir, place centrale et son marché) et des éléments à connotation urbaine comme la densité bâtie (du moins l’impression de densité), la concentration de commerces, d’espaces consacrés au passage, à la flânerie. C’est peut-être là que se trouve la qualification de la spécificité de la petite ville : l’idée d’une petite ville à taille humaine, où il fait bon vivre, où les rapports ne sont pas impersonnels, en clair la « petite ville à la campagne », lieu d’une convivialité à mi-chemin du rural et de l’urbain. Cette représentation d’une urbanité de la petite ville issue d’une imagerie très conventionnelle est fondée sur plusieurs paradigmes : la nature, l’histoire et le patrimoine, qui sont fréquemment mis en avant dans les discours d’acteurs locaux ; le but étant de se doter d’une urbanité que l’on n’a pas forcément, sachant que si le cadre est urbain, les pratiques, elles, décrivent des comportements plus proches des comportements ruraux que de ceux de la grande ville.
Vers une démarche patrimoniale plus qualitative ?
28Le passage d’un paradigme « fonctionnel » (traduit dans les discours par les métaphores organicistes) à un paradigme « patrimonial » nous amène à distinguer deux périodes dans ce mouvement de patrimonialisation : le mouvement, plus faible dans les années quatre-vingt qui voient encore des destructions de monuments importants (halles, bâtiments historiques, vestiges d’anciens remparts de la cité), devient plus poussé, plus abouti durant la décennie quatre-vingt-dix, notamment suite à la prise de conscience de la destruction irrémédiable d’éléments du patrimoine architectural pour répondre aux exigences du développement urbain.
29Il est bien délicat de définir le qualitatif, ses critères variant sensiblement selon les acteurs ; néanmoins il est possible de noter une évolution récente tendant vers une plus grande recherche de qualité. Cette tendance s’appuie sur un travail d’inventaire, de renforcement des modes de gestion et de protection du patrimoine, un travail sur les savoir-faire et les techniques en vue de se les réapproprier et les réutiliser, une prise de conscience renforcée notamment chez certains maîtres d’œuvre, architectes, paysagistes, acteurs de la ville ; désormais il s’agit de ne plus transformer les villes en patchwork ou en déclinaisons de catalogues de mobiliers, de lutter contre la gratuité des actes, veiller à une bonne insertion paysagère des produits contemporains et réduire l’amalgame qui associe l’ancien à la qualité et le neuf à la non-qualité.
30Un certain nombre de professionnels qui se sont spécialisés sur le marché lucratif de la conception et la gestion de ces mobiliers, et qui initialement proposaient des produits bas ou milieux de gamme très uniformes, très génériques, savent aujourd’hui apporter des solutions techniques plus originales en meilleure conformité avec le souci d’esthétisme et de valorisation du paysage urbain. On constate également un retour aux matériaux traditionnels de qualité, aux matériaux locaux. Ainsi, les pavés autobloquants en béton, symboles d’une accession à l’urbanité et à la modernité pour les petites villes dans les années quatre-vingt, laissent de plus en plus la place à des matériaux plus naturels : porphyre, granit ; ces derniers offrent de meilleurs résultats en termes de résistance, d’entretien, et surtout d’esthétisme.
31Les acteurs de la petite ville, opérateurs publics et privés, sont nombreux et leurs objectifs variés. Les petites communes où les compétences des services techniques municipaux sont modestes, ont recours à des structures extérieures (agences d’urbanisme, cabinets d’architectes et urbanistes). Les années quatre-vingt-dix voient aussi l’émergence de véritables réflexions globales des municipalités sur leur devenir identitaire : un grand nombre de communes font appel à des bureaux d’études, à des structures adaptées comme les conseils d’architecture d’urbanisme et d’environnement pour porter un regard critique sur leur territoire, les aider à cerner leurs besoins et mettre en œuvre des projets respectueux de l’historicité et du patrimoine. La procédure d’élaboration et de révision de PLU est aussi souvent l’occasion pour les communes d’engager une vraie réflexion et un état des lieux sur ces questions. Ces évolutions qui vont dans le sens d’un plus grand respect du patrimoine et du paysage urbain se propagent aujourd’hui jusqu’aux élus.
32L’apparent optimisme de ce constat doit pourtant être relativisé en considérant que les petites villes se retrouvent souvent assez vite limitées dans leur démarche patrimoniale, de par l’organisation même de leur patrimoine, ses possibilités de valorisation, et l’organisation formelle de la ville. Elles éprouvent certaines difficultés à adopter pleinement la démarche patrimoniale qualitative voulue en termes de paysage urbain : difficulté à produire de l’unité alors que la petite ville est discontinuité, difficulté à produire de la densité alors que l’emprise du tissu urbain compact central est peu étendue. L’inscription spatiale de signes de temporalités visant à conforter la centralité comme référent identitaire est révélatrice de la complexité de cette mise en scène.
L’INSTRUMENTALISATION DU PATRIMOINE DANS LA PRODUCTION POLITIQUE DU TERRITOIRE
33Voyons maintenant comment la patrimonialisation, en actes et en discours, autant qu’un moyen de transformer le référent urbain de la petite ville, est un moyen d’asseoir une légitimité (politique, institutionnelle). L’entrée municipale est privilégiée, l’instrumentalisation du patrimoine par les maires des petites villes étant particulièrement significative. En constituant une norme patrimoniale de l’objet petite ville, et en participant à sa production, l’élu, acteur territorial, installe sa légitimité sur ce territoire. Il produit un discours visant à inscrire sa ville – et à s’inscrire lui-même, en tant qu’élu – dans le référentiel contemporain de la petite ville. La patrimonialisation comme moyen pour l’action publique de se mettre en scène sera étudiée à travers la dimension performative du discours patrimonial puis à travers l’inscription politique dans des jeux de normes et de modes.
Le discours patrimonial comme signe d’existence
34De plus en plus, la patrimonialisation sert de support à la communication des collectivités territoriales. Porteur d’une idéologie positive assez consensuelle, le patrimoine se prête bien à l’utilisation promotionnelle du territoire et à la construction de récits.
35Pourquoi cette utilisation de la patrimonialisation dans les petites villes ? Une première raison s’impose : la mise en place d’opérations de rénovation de façades, d’esthétisation des espaces publics, éventuellement de restauration de bâtiments, c’est-à-dire dans le champ du visible, de la vitrine de la ville, peut se faire sans trop de difficultés ; des outils comme les aides publiques sont là pour y participer. Le rôle des associations locales, nombreuses, est pour beaucoup dans cet intérêt politique pour le patrimoine local, c’est-à-dire le petit patrimoine ancré dans des espaces du quotidien.
36Dans des périodes de récession, lorsque les commerces périclitent, que le bâti se dégrade, que se dressent des friches industrielles, l’attention se porte sur le patrimoine : la difficulté à agir directement sur le champ économique incite à s’intéresser au patrimoine, notamment bâti, avec l’idée que sa mise en valeur puisse modifier l’image que reflète la ville : c’est un peu dans la difficulté que se redécouvre le patrimoine et qu’il est réapproprié. Le maire est par ailleurs doté d’un pouvoir fort en matière d’urbanisme et la requalification des centres urbains est avant tout une question de volonté politique. La tendance à la patrimonialisation de l’espace et la croissance des intérêts locaux pour le patrimoine font que le thème s’est immiscé dans le champ de l’aménagement et est devenu un véritable référentiel territorial. Ceci explique la médiatisation de ces références urbaines et le fait que les actions sur le centre soient un objet de communication et de débat. Certains exemples d’expériences de démocratie participative de proximité le montrent : la modification du POS en PLU fait l’objet dans certaines communes d’une vaste démarche de concertation auprès de la population (États généraux, réunions avec la population où les citoyens sont intégrés aux réflexions). Que ce soit à travers des manifestations, des enquêtes, de la concertation, le patrimoine est érigé en outil de communication par les collectivités.
37Il s’agit d’incarner, à travers les aménagements urbains, l’existence d’une puissance municipale, d’un pouvoir politique. L’espace requalifié par la patrimonialisation devient l’espace de la représentation politique ; la méthode utilisée : le maire et son conseil revendiquent de manière plus ou moins égocentrée l’origine du projet et sa concrétisation. Agir, c’est être, exister : le maire légitime par l’action son pouvoir sur l’espace ; c’est une façon de faire vivre le politique à travers l’inscription spatiale.
38Cette incarnation du pouvoir territorial s’organise autour de deux phénomènes : le processus de décentralisation et les nouvelles compétences territoriales accordées aux échelons en émergence modifiant l’organisation des systèmes d’acteurs ; le contexte concurrentiel accru qui s’accompagne d’un marketing urbain croissant et de la multiplication d’opérations de communication autour des référents identitaires visant à différencier les villes.
39La mutation du contexte aménagiste français, notamment les années quatre-vingt avec la décentralisation, a réorganisé le système d’acteurs territoriaux et les responsabilités sont désormais partagées concernant l’aménagement du territoire. Territoires d’intercommunalités, contrats globaux de développement, conseils généraux9… autant d’acteurs, qui, à différentes échelles, avec de nouveaux outils (comme les Schémas de cohérence territoriale), investissent le champ du patrimoine notamment pour conforter leurs actions, leurs projets de territoire – et donc leur territoire de projets –, leur présence en tant qu’acteur. L’émergence de nouveaux acteurs de la patrimonialisation remet en cause le monopole de l’État dans la désignation patrimoniale. Simultanément, l’échelon communal a l’impression que l’intercommunalité tend petit à petit à le dessaisir de certaines prérogatives. Les élus de petites communes, tout en étant impliqués dans ces échelles intercommunales porteuses de projets territoriaux fondés sur les patrimoines, peuvent faire preuve de réticence à leur égard, craignant une diminution de leur visibilité municipale : aussi, certains réinvestissent et mettent en avant leur patrimoine communal. Ces processus patrimoniaux passent par une prise en main par les systèmes politico-administratifs locaux et la transformation des relations entre municipalités et services de l’Équipement, comme l’a montré B. Herault parlant de « municipalisation de la gestion patrimoniale » (B. Herault, 1996, p. 447).
40Si la commune ne constitue plus le territoire de référence en matière d’expériences et de pratiques sociales, il est évident que la distorsion entre ce référent spatial et les échelles supra-communales varie considérablement selon que l’on est dans une petite ville sise au cœur d’espaces ruraux, dans un tissu urbain lâche, ou que l’on appartient à une aire métropolisée ou sous dominante urbaine forte.
41En plus d’une démarche de positionnement entre petites villes et territoires concurrentiels, il s’agit également d’imposer une suprématie, une légitimité sur l’espace communal par rapport à d’autres acteurs dont le statut est parfois contesté, à l’exemple de l’Architecte des bâtiments de France à propos des abords des monuments historiques : ses décisions, perçues comme fondées sur des dimensions très subjectives, sont critiquées plus ou moins explicitement par un certain nombre d’acteurs territoriaux, notamment les maires qui voient d’un mauvais œil l’emprise du représentant de l’État sur l’urbanisme et la gestion municipale.
Normes et modes
42Les aménagements urbains et leur patrimonialisation répondent à des normes et à des modes. Norme et effet d’imitation sont mêlés dans les petites villes. L’exemple de la multiplication d’opérations de piétonisation l’illustre bien. Imitée des grandes villes qui l’adoptent dès les années soixante-dix, la rue piétonne – ou semi-piétonne – fait son apparition dans nos petits centres urbains au milieu des années quatre-vingt10 ; parfois l’opportunité de sa création est offerte par la déviation de l’axe central et le report de la circulation automobile sur un boulevard extérieur. Si la rue piétonne paraît banale dans les représentations urbaines, il convient de rappeler la profonde transformation morphologique qu’elle a engendrée. Elle constitue une véritable révolution dans les petites villes à cette époque. Si nombre de réactions de la part de commerçants et de riverains concernés expriment une forte hostilité suscitée par sa création, aujourd’hui le modèle urbain de la rue piétonne fait moins de vagues.
43Si l’on peut avoir un avis subjectif sur le goût plus ou moins bon de ces aménagements, difficile de ne pas admettre que la panoplie en est assez convenue, l’implantation assez conventionnelle. S’il apparaît délicat d’effectuer une théorisation sur la symbolique et le choix des mobiliers urbains utilisés, l’analyse des discours des acteurs impliqués dans ces actions laisse entrevoir plusieurs éléments. Premièrement, les producteurs de mobiliers imposent des normes et des modèles. Les communes s’alimentent donc au sein d’un marché très convenu aux références génériques (du contemporain au traditionnel en passant par toutes les variantes néo-rétro). Ensuite, les moyens financiers des communes ne permettent pas toujours d’opter pour des matériaux d’une qualité optimale et faisant preuve d’un minimum d’originalité. Par ailleurs, la formation des décideurs, empreinte de normes étatiques, ne permet pas toujours de s’inscrire dans une démarche qualitative et pleinement respectueuse du patrimoine. Dans les petites villes, les choix sont faits sur catalogue par les élus municipaux, avisés fréquemment par les services techniques, parfois appuyés par des études de l’Équipement. Enfin, seule semble exister une démarche de positionnement en termes de modernité et de tradition ; le terme patrimoine n’est alors pas utilisé : on parle de mobilier « rustique, traditionnel, néo-romantique, néo-tout ce que l’on veut, de facture contemporaine, moderne ». Ce jeu modernité/tradition, s’il s’inscrit ici dans des styles et des formes esthétiques, renvoie à l’opposition entre patrimoine et modernité. Or, cela est bien connu, « la modernité impose la rupture, le patrimoine une réinterprétation » (J.-P. Guérin, 2001, p. 42).
44Qu’est-ce qui motive l’action municipale à avoir recours à la piétonisation de sa rue centrale ou d’une partie de son centre ? Au-delà de la volonté d’écarter une partie du flux automobile, les artifices de la piétonisation ne renvoient guère à des arguments rationnels ; ils renvoient par contre à des représentations sociales. La mise en scène spatiale de zones à caractère piéton renverrait à des images de civilité, de convivialité, de bien-être, d’équilibre, etc. La mobilité piétonne est perçue comme l’expression de l’animation urbaine ; la voie piétonne est une condition de la revitalisation. L’argumentaire qui la légitime se fonde sur les notions d’animation et de proximité : la rue piétonne permettrait de recréer des espaces de rencontre, de convivialité, de flânerie, en privilégiant les cheminements en modes doux ; tout ceci renvoie à des notions assez consensuelles. La petite ville n’est pas à l’origine de tels référents ; elle réutilise des modèles urbains plus génériques, des modèles de grandes villes, qu’il s’agisse de ceux issus des procédures ou de modèles d’affirmation d’une centralité par inscription formelle.
45Si l’instrumentalisation du patrimoine dans la production politique du territoire passe par l’inscription dans des jeux de normes et de modes, c’est une façon pour les acteurs de montrer leur aptitude à manier des référentiels génériques, des codes urbanistiques qui sont utilisés dans d’autres espaces ; territoires et acteurs se positionnent sur le marché de la concurrence inter-urbaine.
46L’inscription dans la construction d’une urbanité générique laisse présager une difficulté de la petite ville à s’affirmer. L’uniformisation des petites villes et de leurs centres, la banalisation des espaces publics (mêmes jardinières, mêmes lampadaires, mêmes bornes en fonte, mêmes pavés autobloquants) ne facilitent pas le phénomène de différenciation identitaire. Au-delà du positionnement concurrentiel entre petites villes, se pose la question de la distinction entre petites et grandes villes.
47La tension est donc permanente entre l’utilisation conventionnelle de normes urbaines et la volonté d’afficher une spécificité, autrement dit entre l’imitation et la différenciation (la démarche identitaire d’affirmation de la petite ville combinant simultanément des références à la ruralité et à l’urbanité).
CONCLUSION
48Nous avons tenté de décrypter comment l’urbanité des petites villes se construit par un processus de patrimonialisation que les acteurs territoriaux, en particulier les municipalités, instrumentalisent à travers la construction politique d’une territorialité. Il s’agit bien d’une requalification : requalifier, c’est changer le sens, modifier la valeur de quelque chose : le centre devient un lieu privilégié de mise en scène de l’urbanité, l’incarnation spatiale d’une action qui y inscrit sa légitimité (politique). Non pas au sens où les discours vont chercher dans le passé des justifications aux choix de l’action publique contemporaine, mais au sens où ces actes d’ancrage territorial d’une histoire ré-inventée permettent à l’action d’assurer les moyens de sa reproduction.
49La patrimonialisation, en tant que processus à but fédérateur pour la communauté, laisse aujourd’hui parfois plus de place aux choix des acteurs et à leurs motivations et stratégies pour monter des projets qu’aux qualités internes et aux valeurs des objets patrimoniaux – celles par exemple mises en évidence par A. Riegl. La patrimonialisation s’inscrit de plus en plus dans le champ du projet.
50Finalement, toutes les petites villes sont confrontées aux mêmes questionnements : comment se doter d’une véritable identité ? Quelle place donner au centre-ville dans le mouvement de périurbanisation et d’exurbanisation qui touche même les petits centres urbains ? Que faire pour rendre la ville et son centre attrayants ? L’identité n’existe plus a priori, elle n’émerge plus « naturellement » à partir d’homogénéités sociospatiales ; désormais, le processus de production identitaire passe par une construction culturelle nécessitant un travail sur soi, une reconstitution permanente. À cet égard il faut se réjouir du nombre croissant d’opérations récentes s’inscrivant dans la fidélité à l’histoire et à la géographie des lieux en vue de produire de la différenciation et de la qualité.
51Impossible d’omettre pour finir la défaillance de la mémoire des acteurs territoriaux sur l’historicité des opérations urbanistiques menées par le passé, même lorsque ce passé est très récent. Cette perte de mémoire, cet oubli plus ou moins involontaire des actions sur l’urbain sont-ils moins inquiétants que la production de simulacres purs, la recherche de ce qui n’est pas, ou plutôt ce qui n’a pas été ?
Notes de bas de page
1 mailto:samuel.perigois@libertysurf.fr
2 La question de la délimitation des catégories bourgs, petites villes, villes moyennes a été souvent abordée – cf. notamment les travaux de J.-P. Laborie, V. Jousseaume, N. Commerçon.
3 Procédure réactualisée en 1991 et renommée « Contrat d’aménagement urbain ».
4 Voir dans cet ouvrage le texte d’Hervé Davodeau.
5 L’OPAH est une action concertée et négociée entre l’État, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat et une collectivité locale (commune ou établissement public intercommunal). Elle fait l’objet d’une convention où chacun s’engage à financer au fur et à mesure des demandes les opérations correspondant au programme. Les financements, nombreux, proviennent donc de fonds publics et de capitaux privés, notamment des propriétaires. L’OPAH fait l’objet d’une mission d’animation et de suivi confiée par la collectivité locale à un organisme opérateur, professionnel de la réhabilitation, chargé de la mise en œuvre de l’opération (PACT, Habitat & Développement, organisme HLM, bureau d’études, etc.).
6 Sur nos communes d’étude, ces contrats ont été agréés par la région entre 1983 et 1991 et leur mise en œuvre a débuté entre 1985 et 1992.
7 Dans les représentations sociales, des espaces publics non suffisamment aménagés dévalorisent l’image du centre. Par ailleurs il serait intéressant d’approfondir la question du suréquipement en mobilier urbain comme réponse à une peur du vide.
8 À titre d’exemple, le discours de ce maire sur les aménagements de sa commune, l’accès à la modernité, au statut de ville, et le recours aux pavés autobloquants comme signe de modernité urbaine : « Le choix des matériaux je me rappelle qu’à l’époque en 1985 quand il s’agissait de poser des pavés c’était la discussion : on allait faire tomber tel enduit, c’était quelque chose de moderne le pavé autobloquant, c’était quelque chose de relativement moderne. C’est vrai que maintenant peut-être qu’on passerait par d’autres solutions mais à l’époque ça avait déjà une notion de modernité. […] Alors si vous voulez à l’époque quand on commençait, c’était déjà quelque chose de noble, dans la ville elle-même, c’était déjà un plus considérable. Si on prend la rue centrale il y avait des marches d’escalier à l’extérieur, des bouts de trottoirs, c’était affreux, la chaussée était bombée. Quand il y a eu cette notion de réhabilitation déjà c’était un plus. »
9 Si les lois de décentralisation n’ont pas doté les départements de compétences patrimoniales véritables, cela ne les a pas empêché de mettre en place des actions et des moyens en ce domaine : moyens financiers, services spécialisés de conservation, d’inventaire. Le département de l’Isère mène ainsi une politique volontariste et innovante en matière de patrimoine (subventionnement de la restauration du bâti ancien et des patrimoines architecturaux comme les toitures traditionnelles). Et l’un des services du conseil général, la conservation du patrimoine de l’Isère, est particulièrement dynamique dans ce domaine.
10 Principalement entre 1985 et 1995.
Auteur
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Samuel Périgois
Doctorant en géographie UMR PACTE UMR 5194 CNRS, Laboratoire Territoires Université Joseph Fourier (Grenoble I)
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