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Lequinio

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Claudy Valin

Première partie. Du chef-lieu de la communauté de ville de Rhuis à la capitale de la Bretagne. Les années de jeunesse et de formation (1755-1778)

Chapitre I. La famille, le pays, un peuple et sa culture

Texte intégral

  • 1 Bib. hist. ville de Paris, cote 953.546, J.-M. Lequinio, Les préjugés détruits, Paris, 1792, p. 24 (...)

« Dans un pays presque sauvage encore, au milieu de la mer et des rochers, au séjour de la tempête, sur les bords de l’ancienne Armorique, battue sans cesse par les flots de l’océan, j’avais pris naissance parmi des peuples simples et bons1. »

1De la chambre qu’il a louée pour quelques livres à Paris, 29 rue des Augustins, et alors que dehors tonne la Révolution, Joseph-Marie Lequinio porte un regard plein de nostalgie et d’affection sur sa Bretagne natale. Pourtant les souvenirs avec lesquels il forme cette représentation sont quelque peu idéalisés car ils ne sont pas tous faits de joie.

Né dans la bourgeoisie sarzeautine

  • 2 Arch. dép. Loire Atlantique, 3E92.2, paroisse de Saint-Benoit de Massérac. Le 24 avril 1731 ont co (...)
  • 3 Arch. dép. Morbihan, 4E240.10, Registre des baptêmes-mariages-sépultures de la paroisse de Sarzeau(...)
  • 4 Arch. dép. Morbihan, 4E240.6, Registre des baptêmes-mariages-sépultures, 1742-1751. « Le onze févr (...)
  • 5 Arch. dép. Morbihan, 4E240.8, id. « Le second (jour) août mille sept cent cinquante fut inhumé le (...)
  • 6 J.-P. Goubert, 1789. Le corps médical et le changement, Paris, Privat, 1989, p. 11-12.
  • 7 Arch. dép. Morbihan, 21. C. 575, Rôle de capitation pour la paroisse de Sarzeau.

2Le 15 mars 1755 « au soir environ minuit », de l’union scellée entre Julienne Vallée et Gildas Lequinio2 naît un garçon porté, dès le lendemain, sur fonts baptismaux de l’église de Sarzeau3, auquel est donné le prénom de Joseph-Marie, attribué une première fois à un frère décédé un mois et quelques jours après être sorti de couches4, puis à un second, qui trépasse, plus jeune encore5. La tradition populaire veut qu’on perpétue ainsi la mémoire de l’être cher disparu et elle n’est pas spécifique à la mentalité bretonne. La mort précède par deux fois la naissance de celui qui est le dernier d’une fratrie de onze frères et sœurs, y compris les deux petits défunts. Par le truchement des actes de naissance de chacun d’eux, nous pénétrons dans le milieu social où voit le jour notre personnage. Le sien montre un père « chirurgien », un état qui le place dans une position sociale honorable mais sans rapport avec le statut professionnel et social de celui qui officie de nos jours. À l’époque la chirurgie, selon une définition assez classique « n’est que la partie de l’art de guérir qui s’occupe des maladies externes, de leur traitement et des procédés manuels qui servent à leur guérison ». Le chirurgien, de son propre chef ou suivant les prescriptions du médecin, pratique la saignée, incise les abcès, réduit les fractures, conduit les accouchements difficiles, panse les plaies. La profession de médecin relève de l’Université, tandis que celle de chirurgien relève de la formation corporative. Ils sont classés dans la catégorie des artisans. Dans les grandes bourgades, comme Sarzeau, ils sont groupés en communauté de métiers où ils côtoient les barbiers6. Gildas Lequinio ajoute à ses honoraires de chirurgien ceux qu’il perçoit, plus rares sans doute, liés à sa charge de « juré aux rapports ». Appelé en cas de mort suspecte, il est en quelque sorte le médecin légiste d’aujourd’hui, un rôle qui fait de lui l’auxiliaire direct du sénéchal dans sa fonction de police et rehausse sa position sociale au sein de la société sarzeautine. Mais honorabilité ne rime pas forcément avec fortune ; même s’il ne déclare pas la totalité de ses honoraires, qu’il reçoit parfois en nature, Gildas Lequinio n’est imposé qu’à six livres dix sols, moins que le menuisier Jean Le Hay – imposé à sept livres – et beaucoup moins que le menuisier Pierre Conant – imposé à onze livres7.

  • 8 Arch. dép. Morbihan, 4E240.5, Registre des baptêmes-mariages-sépultures, 1732-1741. Sylvestre Lequ (...)
  • 9 Id., 4E240.5. Dominique Lequinio baptisé le 29 octobre 1734.
  • 10 Ibid., 4E240.6. Il s’agit de Vincent Loyal qui a probablement dû succéder, dans cette charge, à Syl (...)
  • 11 Ibid., 4E240.6
  • 12 Ibid., 4E240.6. Baptême de Cécile Lequinio le 31 octobre 1741.
  • 13 Il s’agit manifestement d’un autre frère de Gildas, Guillaume étant né le 23 juillet 1695 de Gabri (...)
  • 14 Ibid., 4E240.7. Baptême de Joseph-Marie Lequinio, le 19 décembre 1744.
  • 15 Ibid., 4E240.8. Baptême de Cécile Lequinio le 28 août 1746.
  • 16 Les de Francheville sont connus à Sarzeau surtout, pour leur implication dans les œuvres de charit (...)
  • 17 Il s’agit vraisemblablement de Guillaume Lequinio, présent aux côtés du recteur Tournay de Grand I (...)
  • 18 Arch. dép. Morbihan, 4E240.8, Registre des baptêmes-mariages-sépultures.
  • 19 Ibid., 4E240.8. Baptême de Joseph-Marie Lequinio le 7 juillet 1750.
  • 20 Ibid., 4E240.9. Jean Fleuri sera également le parrain de Joseph-Marie Lequinio notre personnage.
  • 21 Ibid., 4E240.3. Baptême de Gildas Lequinio, le 2 juillet 1699.
  • 22 Ibid., 4E240.3. Baptême de Vincent Lequinio, le 29 novembre 1693.
  • 23 Ibid., 4E240.3. Baptême de Guillaume Lequinio, le 23 janvier 1695.
  • 24 Ibid., 4E240.3. Baptême de Julienne Lequinio, le 20 février 1696.
  • 25 Ibid., 4E240.3. Baptême de Jean Lequinio, le 5 janvier 1702.
  • 26 Ibid., 4E240.3. Enterrement de Gabriel Quinyo (sic).

3L’état du père ne saurait caractériser à lui seul le milieu social dans lequel évolue la famille Lequinio ; d’autres indices doivent permettre de mieux le connaître. Déjà on relève dans l’acte qui consacre chrétiennement sa naissance que Joseph-Marie a pour parrain un sieur Fleuri, « marchand » ; plusieurs signatures bien dessinées de proches qui assistent à la cérémonie montrent chez eux une certaine culture. Elles côtoient cependant la mention « a déclaré ne savoir signer » plusieurs fois apposée qui ne saurait toutefois être indicative d’une faible position sociale à une époque où même les gentilshommes ne possèdent pas les rudiments du savoir. Les nombreuses naissances du couple Lequinio – Vallée devraient pouvoir offrir à travers les actes qui les constatent, un vivier d’indices intéressants. Sylvestre, l’aîné de la fratrie, a pour parrain Sylvestre Rollando, « Procureur et notaire en la juridiction royale de Rhuys » tandis que plusieurs autres notables apposent leur signature à côté de celles du parrain et de la marraine8. Le parrain du cadet, Dominique, est « avocat à la Cour9 » ; celui de Marie-Vincente est « procureur et notaire en la juridiction de Rhuys10 ». Jean11, baptisé le 10 novembre 1737, n’est entouré que de parents, « Demoiselle Jeanne Françoise Quinio (sic) » est la marraine et « Jean Quinio (sic) » est le parrain, de toute évidence la sœur et le frère de Gildas. Aucune mention d’état n’accompagne les patronymes du parrain et de la marraine de Cécile, Sébastien Brian et Anne Le Moing12. Ce sont encore les proches qui ont été mis à contribution, mais cette fois pour le baptême de Joseph-Marie, le premier à porter ce prénom, le parrain étant Guillaume Lequinio13 et la marraine Marie-Vincente Lequinio14. Si Guillaume Lequinio est de nouveau sollicité pour être parrain, la marraine a été recrutée dans la petite noblesse rurale en la personne de « Cécile Caris de Bois Bassé » pour porter sur les fonts baptismaux une fille à laquelle elle donne son prénom15 ; dans l’assistance on note la présence d’un « de Francheville de la Motte16 », d’Angélique Klain Francheville, d’une « Nicole le Cadre Laquinio (sic) » et, pour la première fois, d’un « Lequinio prêtre17 ». Baptisé le 5 juillet 1748, Jean a pour parrain un certain Blancho qui, malade, se fait substituer par « Guillaume Julien Le Quinio pour tenir l’enfant en sa place (sic) », la marraine étant Jeanne Vincent Deimate épouse du sieur Francel18. Joseph-Marie, deuxième du prénom, a pour parrain et marraine son frère et sa sœur, Jean et Marie-Vincente âgés de 13 et 14 ans19. Marie-Vincente qui signe « la jeune Quinio » est marraine de Nicolas qu’elle porte sur les fonts baptismaux le 20 novembre 1752 aux côtés de Jean Fleuri, marchand20. Quand bien même le recrutement des parrains et marraines est principalement centré sur la famille, par nécessité peut-être, outre qu’au sein même de celle-ci figuraient quelques notabilités, un effort apparaît pour tisser des liens dans la durée avec des gens de pouvoir et l’aristocratie du cru, certes des nobliaux, mais qui jouissent de la considération attachée à leur titre. Gildas, en vérité, a reproduit la façon d’agir de son père, Gabriel Lequinio, dont il a hérité de l’état et de la charge de juré aux rapports. Gabriel, tout en veillant à maintenir serrés les liens familiaux, s’est évertué à entretenir des relations de convivialité avec le haut de la société sarzeautine. Si le parrain de Gildas est « Maître Gildas Nicolas Lequinio, notaire royal », la marraine est « damoiselle Nicole de Lespinays21 ». L’aîné, Vincent, a pour parrain « noble homme Vincent Cosnier de Vernes » et pour marraine « damoiselle Catherine Nizan22 ». Pour le cadet, Guillaume, Gabriel Lequinio a choisi « noble homme Guillaume Leclerc seigneur de Cophornic », la marraine étant « damoiselle Marguerite Le Bodo23 ». La seule fille de la fratrie, Julienne, a pour parrain « noble homme Toussaint Janotin, seigneur de Bellaire, avocat à la Cour », la marraine étant « damoiselle Julienne Danet24 ». Jean, le benjamin, est porté sur les fonts baptismaux par « noble homme Guillaume de Seyvre », la marraine étant « damoiselle Jeanne Pajeaud25 », tandis que les invités à la célébration signent à leurs côtés d’une main sûre et agile. « Noble homme » est sans doute une figure de style, n’impliquant pas nécessairement une origine nobiliaire, mais elle est tout de même une marque de considération assez élevée. Gabriel Lequinio meurt « l’an de grâce mil sept cens neuf le treizième jour du mois de novembre ». Le registre paroissial porte la mention : « Plusieurs bourgeois de Sarzeau sont présents à sa sépulture26. »

  • 27 M. Vovelle, La chute de la monarchie. 1787-1792, Paris, Éditions du Seuil, 1972. Dans le chapitre (...)

4Ces baptêmes et sépultures sont l’occasion de réunir autour de la famille Lequinio les notables de Sarzeau et c’est sans doute par des relations beaucoup plus suivies, faites de services rendus et de moments de convivialité, qu’elle maintient son rang et s’inscrit dans le haut de la bourgeoisie rurale de la presqu’île de Rhuis, sans dédaigner, au contraire, le prestige de relations sans doute plus épistolaires avec la petite noblesse du cru. Sous ces différents aspects, elle paraît se rattacher à la « classe mixte27 ».

Une société rurale dominée par la religion

  • 28 J. H. M. Le Mené, Communautés situées hors de Vannes, Vannes, Galles, 1905. Cf. chapitre II, « Les (...)
  • 29 Arch. dép. Morbihan, 4E240.15, BMS. « Messire René Bellard, Ministre (du culte catholique) et les (...)

5Bourgeois est donc le milieu social dans lequel évolue le clan Lequinio, par ailleurs attaché à la religion, catholique s’entend, la Religion réformée n’ayant pas fait d’adeptes dans la presqu’île de Rhuis, semble-t-il. Le baptême, « sacrement essentiel pour laver l’enfant du pêché originel », afin de l’agréger à la communauté chrétienne est aussi un phénomène culturel et social d’extrême importance. Cependant, il ne saurait, à lui seul, constituer une preuve de la sincérité du sentiment religieux dont il est, en outre, toujours difficile de mesurer la force. Quelques indices nous éclairent à ce sujet si on désire mieux connaître l’ambiance et l’environnement culturels dans lesquels Joseph-Marie Lequinio fit ses premiers pas dans la vie. Un « Lequinio prêtre » assiste au baptême de Cécile le 28 août 1746. Jean, frère de Joseph-Marie, entre chez les religieux trinitaires de Sarzeau en 1757, à l’âge de 20 ans, où il est admis d’abord comme profés28, puis ayant prononcé ses vœux, il est reçu dans le cercle des chanoines. Fruit d’une démarche personnelle, intime certes, un tel engagement est aussi l’héritage familial où la piété donne un sens à l’existence. Ainsi deux générations de Lequinio comptent chacune un homme d’Église, même si cela n’a rien de bien exceptionnel dans ce pays breton où la religion, de longue date, enveloppe la société. Autour du cercueil de Julienne Vallée Lequinio seront « présents au service (religieux) » maints représentants du clergé local, séculier et régulier29.

  • 30 Et affermie par les canons édictés lors du Concile de Trente. Cf. G. Alberigo, Les conciles ocumén (...)
  • 31 Y. Mauffret, Gildas de Rhuys. Moine celtique, Paris, Bauchesne, 1972. Né en 493 à Arcluyd, dans le (...)
  • 32 Ce phénomène n’est pas particulier à la Bretagne, on le rencontre un peu partout dans la France de (...)

6L’assiduité dans la pratique religieuse, selon la religion catholique30, se concilie chez les Lequinio avec un attachement à la culture celtique et une sensualité profane. Il y a comme une volonté de s’enraciner dans la tradition religieuse de l’ancienne Armorique. Ainsi Gabriel Lequinio, mettant de côté les saints du calendrier grégorien, donne à son troisième fils le prénom de Gildas, le futur père de Joseph-Marie. Figure emblématique des personnages qui ont marqué l’histoire du Morbihan, Gildas, qui trouva asile sur la côte de la presqu’île de Rhuis au VIe siècle, incarne le christianisme celte le plus pur. Sa popularité en Basse Bretagne, tient autant à une vie mystique exemplaire31 qu’à sa réputation de personnage obstiné, qui en fait l’archétype du Breton. Sous cet angle le peuple breton se reconnaît en lui. Relève aussi de la sentimentalité profane, la tradition séculaire par laquelle on veut assurer la permanence familiale, malgré les ravages de la mort en perpétuant le même prénom comme pour conjurer le fatal destin32. L’illustration en est donnée chez les Lequinio par le prénom dont notre personnage hérite après ses deux défunts frères.

7La religion, qui tient une place si importante chez les Lequinio est en lien avec celle occupée par l’Église dans le Morbihan. Tenter de le comprendre sur la presqu’île de Rhuis, c’est découvrir l’univers mental dans lequel Joseph-Marie a grandi ; c’est aussi commencer à mieux comprendre ses écrits et ses actes dans une période postérieure. Ancienne est l’implantation du christianisme dans la presqu’île de Rhuis, terre de deux prestigieux évangélisateurs. Déjà entraperçu : Gildas, moine celtique qui s’y établit au VIe siècle. Affluent par dizaines des religieux de son ordre qui se distinguent physiquement par la tonsure selon la règle de Saint-Pacôme : cheveux rasés au-dessus du front et longs sur la nuque. Cinq siècles plus tard, l’abbaye accueille à sa tête un personnage dont l’esprit délicat lui fait porter un jugement peu amène sur les gens du pays.

« J’habite, écrit-il à une relation intime, un pays barbare dont la langue m’est inconnue et en horreur, je n’ai de commerce qu’avec des peuples féroces […]. J’éprouve chaque jour de nouveaux périls. Je crois à tout moment voir sur ma tête un glaive suspendu. »

  • 33 J. H. M. Le Mené, Histoire du diocèse de Vannes, Vannes, Lafoly, 1887, p. 277-278. Extrait d’une l (...)
  • 34 A. Vauchez (dir.), Histoire des saints et de la sainteté chrétienne, Paris, Hachette, 1986. Cf. to (...)
  • 35 Bib. hist. ville de Paris, cote 964.751, J.-M. Lequinio, Suppression des religieux, extinction de (...)

8Ainsi s’exprime Pierre Abélard, pourtant issu de la noblesse bretonne, mais qui a probablement séjourné trop longtemps loin de sa terre natale33. Pierre Abelard, né en 1079, après avoir fondé une école à Melun en 1101, entre en 1117 au monastère de Saint-Denis. Il est condamné au Concile de Soissons en 1122 pour ses écrits sur la Trinité, ce qui ne l’empêche pas de faire autour de lui de nombreux émules. Plus tard, dans des circonstances mal déterminées, il est mis en responsabilité de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuis. À vrai dire, le personnage est gênant pour l’Église dans la mesure où c’est un esprit avide d’explications rationnelles qui considère que, loin d’appauvrir ou de menacer la foi, elles la fortifient34. Ces deux personnages n’ont pu que laisser une forte empreinte sur la mémoire collective, d’autant que leur parole s’est perpétuée au fil des siècles suivants, relayée par leurs disciples. Dans l’imaginaire des habitants du cru, ils sont des personnages de légende toutefois porteurs de vérités qui transcendent la vie ordinaire de tout un chacun. Sur le terrain ainsi préparé de longue date, le clergé régulier a prospéré et au XVIIIe siècle on compte au bout de la presqu’île plusieurs communautés religieuses : les moines de l’abbaye de Saint Gildas passés entre-temps sous la règle de Saint Benoît, les récollets, une branche de l’ordre des franciscains et même des cisterciens. De ces communautés, Joseph-Marie Lequinio fera l’inventaire des biens pour mieux en suggérer la suppression35.

  • 36 J.-F. Luco, Pouillé historique de l’ancien diocèse de Vannes. Bénéfices séculiers, Vannes, Galles. (...)
  • 37 Arch. évêché de Vannes, AA23.1, Catalogue des recteurs et prestres du diocèse de Vannes, 1654, p.  (...)
  • 38 Arch. évêché de Vannes, AA5, Visites pastorales, 1748-1773. Yves Le Digabel curé, Pierre Kpart, Gu (...)
  • 39 Arch. dép. Morbihan, 21C. 575, Rôle de capitation pour Sarzeau, 1763. Les curés sont Le Bridault e (...)
  • 40 Arch. évêché de Vannes, Pouillé historique de l’ancien diocèse de Vannes, p. 22. Les droits de nov (...)
  • 41 T. J. A. Le Goff, Vannes et sa région. Ville et campagne dans la France du XVIIIe siècle, Loudéac, (...)
  • 42 C’est-à-dire soumis aux « règles de la chancellerie romaine » et aux « réserves apostoliques ». La (...)
  • 43 Chaque fois qu’une paroisse devient vacante par démission ou décès de son titulaire est ouvert un (...)
  • 44 Touzé de Grand’Isle se présenta au concours le 1er juillet 1746 à Rome et, ayant triomphé des autr (...)

9Si l’influence du clergé régulier est incontestablement forte sur le plan spirituel, une puissance qu’il tient de cette ascendance séculaire et parce qu’il s’est complètement aggloméré au pays de Rhuis, c’est cependant le clergé séculier qui encadre spirituellement la population de la presqu’île, population concentrée à son extrémité, conséquence d’une évolution de la configuration des paroisses qui a fait de Sarzeau la plus importante36. Sarzeau relève au XVIIIe siècle du « territoire de Vannes37 ». Elle est, de loin, la mieux pourvue en officiants. Selon le recensement qui a lieu lors de la visite pastorale de 1748, le recteur Touzé de Grand’Isle est entouré de onze prêtres et curés38, un effectif qui demeure à peu près constant jusqu’à la veille de la Révolution : le registre de capitation pour l’année 1763 mentionne la présence, autour du recteur, de deux curés et de huit prêtres39. Le curé est hiérarchiquement supérieur au prêtre, le collège des prêtres étant une sorte de vivier dans lequel sont puisés les curés au gré des choix faits par le recteur qui rémunère toute cette petite cour d’ecclésiastiques sur ses revenus, lesquels ne sont pas négligeables puisque de l’ordre annuellement de six mille livres. Ils proviennent d’une part des novalès, un droit sur les terres cultivées grâce au défrichement des landes, d’autre part du droit de neune, soit le neuvième de la valeur des biens meubles laissés par un défunt40. L’effectif d’ecclésiastiques pour Sarzeau se situe au-dessus de la moyenne rencontrée pour les paroisses du Morbihan où le recteur généralement n’est entouré que de quatre prêtres41. Ainsi Joseph-Marie a-t-il vécu, enfant puis adolescent, jusqu’à son départ pour le collège Saint-Yves, dans un espace où le personnel religieux est très présent. Il a nécessairement connu le recteur Touzé de Grand’Isle, personnage important de la communauté villageoise, au-delà même de son statut ecclésiastique, car n’est pas recteur qui veut. En Bretagne, « pays d’obédience42 », le recteur jouit d’un « privilège de perpétuité », cependant mérité par des compétences éprouvées43, qui font de lui une autorité ecclésiastique reconnue et un membre éminent de l’élite villageoise, côtoyant la noblesse et la bourgeoisie du cru. Par son exceptionnelle longévité à la tête de la paroisse de Sarzeau, de 1746 à 1785, Touzé de Grand’Isle aura probablement conquis, plus que d’autres, estime et considération. Joseph-Marie Lequinio, dans ses écrits pourtant nombreux sur le personnel religieux n’a jamais eu à son endroit le moindre propos péjoratif44.

  • 45 Ailleurs appelées « trèves », ici frairies, ces subdivisions de la paroisse proprement dite sont, (...)
  • 46 J. Mahuas, Le diocèse de Vannes et le jansénisme, thèse de doctorat soutenue en juin 1967 à la fac (...)
  • 47 Arch. évêché de Vannes, AA5, Visites pastorales, 1748-1773. « Procès-verbal de convocation de MM. (...)
  • 48 Arch. évêché de Vannes, AA6, Cote Monseigneur de Bertin, 1746-1774. « Vannes, le 17 février 1767, (...)

10Au clergé séculier, groupé autour du recteur, viennent se joindre les ecclésiastiques qui desservent les chapelles, une par frairie et la paroisse de Sarzeau, d’une superficie importante certes, en compte pas moins de dix45, outre celles des châteaux, Suscinio par exemple, de sorte que c’est dans un univers baigné de religiosité que vivent la communauté villageoise et les fidèles de son pourtour rural. Cette religiosité ne tient évidemment pas à la seule présence d’un clergé nombreux, elle est alimentée en permanence par l’administration des sacrements au sein de chaque famille, par le glas qui annonce, depuis le clocher de l’église paroissiale, quasi quotidiennement les obsèques d’un paroissien. Elle est aussi le fruit de toute une série d’obligations et d’interdits qu’un jansénisme pur et dur a instauré dans le diocèse de Vannes au début du XVIIIe siècle, particulièrement à Sarzeau46. L’évêque Charles-Jean de Bertin, nommé à la tête du diocèse de Vannes en 1756, bien qu’opposé à ce courant religieux, est obligé néanmoins de composer avec lui comme en témoignent plusieurs de ses instructions : « Que les assemblées des noces tumultueuses soient abolies » ; « que les confesseurs travaillent à empêcher les veillées d’un grand nombre de personnes de différents sexes surtout d’un village à l’autre, également des assemblées qui se font à dessein de boire » ; « qu’ils empêchent qu’on ne porte les enfants au cabaret après leur baptême » – sans doute une vieille coutume pour fêter l’événement – ; etc. Le clergé séculier, plus ou moins soupçonné de laxisme, en vérité pour avoir fait montre de compréhension envers une communauté qui ploie sous le labeur et en grande partie miséreuse, est sévèrement rappelé à l’ordre : l’absolution sera refusée à ceux des prêtres, « même recteurs », qui verseraient une rétribution « aux sonneurs (de cornemuse) » lors des fêtes religieuses, encore une vieille coutume mise à mal ; même sanction pour ceux qui assisteraient à des danses « quand on reçoit ou donne un mouchoir en signe de rendez-vous », « lorsqu’elles sont accompagnées de gestes, de postures, de chansons contraires à la pudeur et à la modestie », « lorsqu’elles durent si longtemps qu’on ne peut se rendre chez ses parents avant la nuit » ; interdiction « d’assister à un repas qui se donne spécialement pour eux la veille des noces » ; « ne plus faire de procession surtout hors des paroisses dans les endroits où l’on danse les jours de Pardon ou de fête47 », etc. Le clergé paroissial voit son action enfermée dans un rôle de censeur permanent à l’égard des fidèles ainsi pris dans un étau d’interdits. Comme n’en est exceptée aucune catégorie sociale, c’est par conséquent dans cette ambiance sombre et pesante qu’a grandi Joseph-Marie. Sans doute a-t-elle façonné son esprit de bien des façons, ce sur quoi il demeure taisant, comme si son propre cas n’avait pas d’importance à ses yeux, car seule compte l’humanité qu’est « le petit peuple de la campagne » méprisé par la hiérarchie de l’Église comme le révèle une instruction de l’évêque Charles de Bertin au clergé paroissial48.

Misère et violence sur la presqu’île de Rhuis

11Il est possible de conjecturer que la religion soit nécessaire pour soutenir une population dont, exception faite d’une minorité privilégiée au rang de laquelle s’inscrit la famille de Joseph-Marie, la vie se résume à la servitude et à l’indigence. Cette réalité, Joseph-Marie en fera tôt le constat, mais sans en percevoir clairement l’issue.

  • 49 A. Young, Voyage en France en 1787, 1788 et 1789 (traduit par Henri Sée), t. I, Paris, Armand Coli (...)
  • 50 T. J. A. Le Goff, Vannes et sa région, op. cit., p. 27.
  • 51 Id., p. 181.

12De quoi vit le petit peuple, dans ce paysage, dont Arthur Young, voyageur infatigable, ne voit que « des landes qui (en) constituent le trait permanent49 » ? Que rend cette terre arrachée à la friche par des générations de paysans misérables ? Du seigle principalement, péniblement récolté, qu’apportent les laboureurs au marché qui se tient chaque semaine à Sarzeau50. C’est le seul gain qu’il reçoit pour une année de travail. Aussi, lui faut-il, pour survivre, trouver sa nourriture dans une sorte d’autarcie qu’alimentent une basse-cour, un ou deux cochons, une ou deux vaches « qui lui fournissent peut-être deux génisses par an, dont le prix de vente suffit pour combler le déficit dans les mauvaises années et pour rembourser les petites créances dues aux voisins, si tout va bien51 ». C’est là toute sa fortune car le laboureur, terme qu’il faut prendre au sens littéral, est enfermé dans le régime féodal qui lui interdit d’être propriétaire, même d’un modeste lopin, et ce au nom de l’adage qui résume toute l’injustice du système : « Nul seigneur sans terre. »

  • 52 A. Soboul, Problèmes paysans de la Révolution en 1789-1848, Paris, Fayard, 1976, p. 188.
  • 53 C. J. Ferriere, Dictionnaire de droit et de pratique contenant l’explication des termes de droit d (...)
  • 54 Bib. historique ville de Paris, cote 953.003, J.-M. Lequinio, L’École des laboureurs, Vannes, Blou (...)
  • 55 A. Soboul (dir.), Contributions à l’histoire paysanne de la Révolution française, Paris, éditions (...)

13L’évolution de la propriété terrienne s’est réalisée, au cours du XVIIIe siècle, dans un sens défavorable aux paysans. Même les communaux, régis, jadis, selon le principe « l’usage appartient à tous et la propriété à personne » ont été absorbés par la noblesse du cru, et ce malgré « l’acharnement des croquants bretons à défendre leurs communaux52 ». Leur combat fut perdu et plus encore, avec l’émergence d’une bourgeoisie avide de terres et de titres. Corrélativement à un endettement de la noblesse, apparaît le système de l’afféagement, procédé consistant pour un roturier, moyennant une certaine redevance, à acquérir ou à louer une terre noble53. C’est ainsi que Gildas Lequinio devient le seigneur du domaine de Kerblay. Or, obligé de rentabiliser son investissement pour en tirer un revenu supérieur à la redevance, l’afféagiste est instinctivement porté à exiger plus de rentabilité du paysan et à se montrer intransigeant envers tout auteur d’empiètement sur son domaine. Ce comportement dont ne sera pas exempt Gildas Lequinio, et qui lui sera fatal, Joseph-Marie le stigmatise en parlant de « la barbarie de nos pères54 ». En définitive, et plus objectivement, le système conduit la nouvelle aristocratie foncière à accaparer « le surtravail ou le surproduit du paysan en s’appuyant sur l’appareil juridique et les moyens de contrainte de l’Ancien Régime55 ». Gildas Lequinio peut ainsi offrir à sa famille, mieux qu’il n’aurait pu le faire par ses seuls honoraires, une vie confortable pour rémunérer une servante, Jeanne Le Maynet.

  • 56 T. J. A. Le Goff, op. cit., p. 29. Voir aussi J.-P. Desaive, E. Goubert, E. Le Roy Ladurie et J. M (...)
  • 57 Bib. nat., cote L1002KL, J.-M. Lequinio, Voyage dans le Jura, Paris, Caillot, 15 frimaire an IX (5 (...)
  • 58 Pour des développements sur ce rapport médecin/patient sous l’Ancien Régime, voir J.-P. Peter, « L (...)
  • 59 Arch. dép. Morbihan, B4661, Archives judiciaires. Sénéchaussée de Rhuis. Procès-verbal de transpor (...)
  • 60 Id., plainte déposée par Gildas Lequinio le 3 décembre 1737 auprès de « MM. les juges royaux de Rhu (...)

14À la vie rude de « l’habitant de la campagne » répond une violence, laquelle est partout. Elle se présente sous des formes variées, elle est quasiment instinctive. En témoigne, parmi tant d’autres un événement qui marquera Joseph-Marie Lequinio à travers l’auteur de ses jours. Il est l’occasion d’approfondir la connaissance des mœurs de ce petit peuple de la presqu’île de Rhuis auquel notre personnage a consacré tant d’écrits, le prenant comme modèle de l’humanité souffrante. Gildas Lequinio exerce son art de chirurgien principalement envers le petit peuple, tout simplement parce qu’il est le plus nombreux, et, surtout, le plus assailli par les maux de toute nature. En cause : « l’état sanitaire lamentable » qui génère « des taux de mortalité pires que la moyenne bretonne56 » dans la région vannetaise, et plus encore dans la presqu’île de Rhuis. Joseph-Marie, plus tard, en fera le procès : « Dans l’Ouest de la France, les paysans n’ont point de latrines, les alentours de leurs chaumières sont d’une malpropreté sans égal, l’air en est infecté57… » Dans cette atmosphère en permanence polluée, le chirurgien est souvent appelé au chevet du paysan, lequel d’ailleurs n’éprouve guère pour lui de gratitude, encore moins de sympathie, état d’esprit que peut expliquer la différence de condition sociale conjuguée avec le sentiment qu’a le patient d’être réduit à l’état de « corps objet58 », infériorité toute subjective que nourrit l’apparence vestimentaire du praticien. On découvrira Gildas « vêtu d’un habit et veste brune, culotte de soie noire, chaussé de bas bruns et de souliers, ayant une perruque et chapeau ». Inculte, miséreux et méprisé, l’habitant des campagnes est parfois enclin à la violence envers celui-là même qui vient lui prodiguer des soins pour rétablir sa santé ; et plus encore lorsqu’il vient recouvrer des honoraires impayés. Cette violence latente, Gildas Lequinio l’aura éprouvée, son épouse aussi, qui argumentera sa requête en seconde autopsie par « les menaces faites au sieur Quinio (sic) pendant sa vie59 ». Significatif à cet égard est l’incident qui surgit le 2 décembre 1737. Alors qu’il est chez Julienne Le Termec « à manger des grillons », Gildas Lequinio se trouve en présence de François Le Hécho auquel il rappelle sa créance d’honoraires. « Le sieur Quinio dit il faut me payer », à quoi le débiteur répond « je ne vous dois rien coquin », puis lui et son fils « prirent chacun une trique, le fils de François en donna un coup sur le front de Quinio ». Mis à la porte, les deux agresseurs reviennent armés chacun d’un fusil et tirent plusieurs coups de feu contre la porte et la fenêtre. Derechef, une enquête est diligentée par le sénéchal, « une information d’office est ouverte par la Cour et siège royal de Rhuys », mais les bouches se ferment ; Julienne Le Termec déclare « qu’elle n’a rien à dire » et André Le Hécho, pourtant présent au moment des faits, proteste qu’il « n’a rien à dire contre son frère et c’est tout ce qu’il répond60 ». Solidarité familiale certes, mais aussi, et sans doute inconsciemment, solidarité de condition sociale se conjuguent pour tenir en échec la plainte de Gildas Lequinio, homme opulent à leurs yeux.

15Cependant, expliquer tout acte violent contre les personnes par la différence de statut social ou le caractériser comme un antagonisme particulier – en l’occurrence patient/praticien – occulterait une réalité qui est bien celle d’une violence généralisée dans la société bretonne du XVIIIe siècle. Sans doute sera-t-elle exacerbée avec les événements que fera surgir la Révolution, mais elle n’est pas née avec elle. Pour l’heure, quelques exemples parmi bien d’autres, pris dans les archives judiciaires, permettent d’asseoir notre jugement. Le 4 avril 1737, Dominique Rollandot, avocat de son état, alors qu’il

« s’aller promener sur la grève de Sarzeau […] entra dans la maison du nommé Lelan, débitant à Sarzeau, ce qu’il fit parce qu’il était caution des octrois de la ville en communauté de Rhuys […]. Ayant vu plusieurs personnes boire lui a dit que “dans une foire comme celle-là, qui se tenait en cette ville, il devait avoir bien du débit vu qu’il n’y avait que deux cabarets ou auberges en la dite ville” »…

16C’est alors que le dénommé Lelan lui enjoint de « passer la porte » puis prend une pierre

« de la pesanteur (sic) d’au moins quinze livres avec laquelle il a couru après lui, l’ayant joint, la lui a jetée sur le derrière de la teste alors que votre suppliant (Rollandot) était éloigné de chez lui de plus de six cents pas ».

  • 61 Arch. dép. Morbihan, B4636, Sénéchaussée de Rhuis, dossier Rollandot/Lelan.
  • 62 Arch. dép. Morbihan, B4661, Sénéchaussée de Rhuis, dossier époux Levaillant-Mercier/Fraval.

17Grièvement blessé, Rollandot chemine avec beaucoup de peine jusque chez le procureur « qui fait appeler le sieur Gildas Nicolas Lequinio chirurgien commis au rapport de Rhuys pour le panser et étancher le sang qui coulait abondamment de sa playe61 ». Le caractère constant de cette violence apparaît sur le long terme. Le 7 avril 1756, Perrine Levaillant et son conjoint, « gens de peine du domaine de Rhuys, ville et paroisse de Sarzeau62 » s’en retournant en ce lieu après être « venus porter des provisions au château de Sussinio (sic), à l’occasion de l’arrivée de M. le Duc d’Aiguillon et de sa suite qui faisaient route sur les côtes, chargés du reste des provisions et fûts de bouteilles » sont assaillis par

  • 63 Id., procès-verbal du 8 avril 1756.

« les nommés Joseph, Louis et Gabriel Fraval qui, sans raison, débutèrent par dire à la femme Levaillant bougresse donne-nous à boire. Celle-ci leur dit n’avoir point de boisson et n’avoir rien à leur donner. En même temps ils la décoiffèrent, lui tirèrent les cheveux et la terrassèrent (la mirent à terre) deux fois, disant plusieurs invectives. Mercier, son mari, voulant se mettre en devoir de la secourir, ces trois hommes se jetèrent sur lui, le terrassèrent aussi deux fois et lui ôtèrent sa perruque, lui vomissant une infinité d’injures. Enfin ils traînèrent et maltraitèrent l’homme et la femme […] de façon que sans secours de particuliers qui revenaient de la foire, les-dits Fraval paraissaient être déterminés à continuer leurs maltraitements et insultes63 ».

18Le 22 mars 1756

  • 64 Id., dossier Le Franc/Le Méra. Le papier auquel fait allusion Le Méra semble être le rôle de capita (...)

« Vincent Le Franc maître de barque […] vit tout à coup paraître le nommé Joachim Le Méra […] qui, s’approchant du suppliant lui dit Voilà le bonhomme que je cherche depuis longtemps le prit au collet, le poussa et le repoussa cinq à six fois en lui disant Qu’as-tu fait de ce papier coquin, fripon, voleur en titre, se lança sur le suppliant, le prit à la gorge et le pressa jusqu’à extinction de voix, mais heureusement que l’oncle de ce persécuteur intervint […] plus il l’attaqua une troisième fois, le prit à travers le corps et le terrassa64 ».

19Le 4 juillet 1756, Jeanne Largouet, « fille native de la paroisse de Sarzeau, âgée de 28 ans et servante domestique chez Guillaume Legrannier » est trouvée « gisant au lit ». Elle raconte que le nommé Jean Garçon, son compagnon, « meusnier » est arrivé dans la demeure « les pieds gâtés d’ordures de vaches » et qu’il est venu

« essuyer ses souliers contre sa jupe, elle voyant un bonnet sur le pied d’un lit le prit pour en essuyer les ordures, le passa sur sa jupe et aussitôt était apparu ledit Jean venant à elle avec un marteau comme un pic de moulin, […] voulant l’éviter elle fit quelques pas et elle en eut pas fait quatre ou cinq qu’elle se sentit frappée d’un coup de marteau dans la tête, duquel coup elle tombait, estait esvanouie ».

  • 65 Ibid., dossier Jeanne Largouet/Jean Garçon.
  • 66 Ibid., dossier Sébastien Lequinio/Alain Leridant.
  • 67 Ibid., dossier Lepan/Robert et Thénaut.

20Le chirurgien constate « une plaie d’environ un pouce de grandeur et une fracture de pareille grandeur, le tout pénétrant jusqu’à la substance médullaire du cerveau duquel il a sorti une portion de la grosseur d’un pois à purée65 ». Toujours sur la paroisse de Sarzeau, le 26 juillet 1756, Sébastien Lequinio, marchand de grains, est vivement injurié et menacé par Alain Leridant, laboureur66. Le 9 septembre 1756, Ursule Lepan dépose plainte contre « lesdits Robert et Thénaut » pour « maltraitance et violences commises contre elle67 ».

  • 68 Bib. nat., LC2.50, J.-M. Lequinio, Le breton ou le journal des laboureurs, no 1, p. 4.
  • 69 B. de Spinoza, L’Ethique, 4e partie « De la servitude humaine ou des forces des sentiments ».
  • 70 Voir en particulier École des laboureurs ; Le breton ou journal des laboureurs ; Opinion sur l’ins (...)
  • 71 A. Young, Voyage en France en 1787, 1788, 1789, traduit de l’anglais par Henri See, Paris, Armand (...)
  • 72 « J’ai vu, de mes yeux, un ci-devant seigneur breton assommer à coups de bâton un paysan bas-breto (...)
  • 73 M. Vovelle, Mourir autrefois, Paris, Gallimard/Julliard, 1974, dans « L’obsession de la mort » p.  (...)

21Ces quelques cas, extraits d’un corpus judiciaire trop bien pourvu en dossiers, montrent une violence quasi-endémique dont Joseph-Marie Lequinio admet la réalité tout en la déplorant : « Pour la moindre chose vous êtes disposés à avoir querelle, à vous battre, à vous entregorger68. » Et pourtant elle émane de ce peuple, par ailleurs « simple et bon », ce qui le désole d’autant plus. Elle tient certainement à un phénomène universel : « L’impossibilité de l’homme à gouverner et à contenir ses sentiments69. » Sans doute est-elle accentuée par des causes propres à chaque temps et à chaque lieu. La première est la vie rude que connaît le paysan, breton en particulier, et plus encore celui qui vit sur la presqu’île de Rhuis, terre couverte de landes broussailleuses qui, une fois défrichée, n’offre qu’un sol ingrat ; c’est la cruelle fatigue et le mauvais vin qui stimulent les instincts brutaux ; ce sont les mots qui manquent pour s’exprimer et s’expliquer, pauvreté du vocabulaire et misère de la réflexion, ce à quoi Lequinio s’efforcera, par ses nombreux écrits, de concevoir un remède70. De cette arriération culturelle, un témoignage nous est donné de l’extérieur. Arthur Young en témoigne avec étonnement. « Passé Châteaulandin (Chateaulaudren) et entré en Basse Bretagne, on reconnaît un autre peuple. On rencontre nombre de gens qui en fait de français ne savent que dire Je ne sais pas ce que vous dites ou J’entends rien71. » En somme, c’est une existence, bornée par les limites du lopin de terre à labourer tandis que l’esprit tourne à vide ou rumine des frustrations, que l’infériorité de sa condition lui inflige comme l’illustre cette scène à laquelle assiste Joseph-Marie Lequinio alors devenu un personnage important de la communauté de Rhuis72. N’est pas moins une violence, le sentiment de la mort qui rôde autour du couple, de la famille, du nouveau-né73. Les choses en sont là quand un événement tragique atteint la famille Lequinio alors que Joseph-Marie est encore au berceau.

  • 74 Arch. dép. Morbihan, B4661, Archives judiciaires de la sénéchaussée de Rhuis, dossier Gildas Lequi (...)
  • 75 Le sénéchal assure l’administration générale, lève le contingent du bailliage, y compris les noble (...)
  • 76 Le procureur général installé auprès de chaque parlement se trouve à la tête d’une véritable admin (...)
  • 77 Arch. dép. Morbihan, B4661, Procès-verbal de dépôt dudit cadavre et transport chez lui, 11 avril 1 (...)
  • 78 Id., Procès-verbal d’ouverture du cadavre de feu Gildas Nicolas Lequinio, 12 avril 1756.
  • 79 Arch. dép. Morbihan, 4E240.10, Registre des BMS. Inhumation en présence des deux chirurgiens ainsi (...)

22Le 11 avril 1756, « le bruit public » se répand que « Gildas Nicolas Lequinio, chirurgien, commis aux rapports, a été retrouvé mort dans un champ entre les villages de Kerblay et Kérignant en la frairie de Saint-Jacques dans cette paroisse de Sarzeau74… » Par-delà l’émotion qu’il suscite, c’est tout le système d’investigation de l’époque, avec ses particularismes locaux, que l’événement nous donne à voir. Il n’aura guère changé dans sa nature et son fonctionnement quand, vingt ans plus tard, accédant à l’état d’avocat, Joseph-Marie Lequinio en prendra sa part. Intéressant sous cet angle, certes, il l’est aussi parce que la cause et les circonstances de cette mort témoignent des mœurs d’un temps et d’un lieu. Aussitôt la nouvelle connue, le sénéchal75 de Rhuis, autorité la plus élevée dans l’administration royale au plan local, en rend immédiatement compte au substitut du procureur général76 du parlement de Rennes qui désigne par voie d’ordonnance deux huissiers, Joseph Poinson et Philippe Lebreton « à l’effet de faire transporter au lieu de sa demeure le cadavre de Maistre Gildas Nicolas Lequinio ». Après avoir établi un constat détaillé sur l’apparence vestimentaire du défunt et la position de son corps, les huissiers requièrent François Le Hecho pour le transporter dans sa charrette. Au domicile, Julienne Lequinio étant absente, c’est la servante, Julienne Le Moingt qui réceptionne le cadavre et en est juridiquement constituée « gardienne » par les deux huissiers, un formalisme qui peut sembler désuet, mais qui a sa raison d’être. Le jour même deux chirurgiens, Louis Giraudet et Jean-Pierre Boullibaud, sont désignés par le substitut du procureur de Rennes afin de procéder à l’autopsie du cadavre en présence d’un huissier et de deux juges. Ce qui paraît être un luxe de précautions, tient probablement soit aux particularismes locaux de la procédure criminelle, soit à la personnalité socialement importante du défunt, lequel était d’ailleurs en sa qualité de « chirurgiens aux rapports » un auxiliaire de la justice, soit aux interrogations que suscite cette mort subite. Le cadavre « étendu sur la paille » est « dépouillé de ses vêtements et posé sur des planches soutenues par deux fûts de barrique77 ». Du constat d’huissier il ressort que « les parties tant antérieures que postérieures du crâne sont dans un état naturel », un point qui a son importance, comme la suite de la procédure le révèlera. Quant au sang qui a coulé sur le visage, les deux chirurgiens sont formels : « Il est tombé des fosses nasales dans la bouche. » Cependant, en ouvrant le crâne, ils découvrent « un épanchement considérable de sang dans le cerveau d’environ une chopine » qu’ils attribuent à la rupture d’un vaisseau, en foi de quoi ils concluent à une mort naturelle pour « cause interne78 ». Toutefois, les juges insistent pour que l’ensemble des organes vitaux soient extraits et examinés, mais les deux chirurgiens n’en persistent pas moins dans leurs conclusions que l’évidence, à leurs yeux, commande. Puis suit l’inhumation dans le cimetière de Sarzeau le jour-même79.

  • 80 Arch. dép. Morbihan, B4661, ordonnance mise au bas de la requête (de Julienne Vallée veuve Lequini (...)
  • 81 Id., Procès-verbal d’exhumation et Rapport du 21 avril 1756 signé de Jean Kevis et de François Le G (...)

23Julienne Vallée, désormais veuve, éprouve un doute sérieux sur la cause du décès de son époux, d’autant que celui-ci « avait reçu des menaces pendant sa vie », un argument qu’elle fait valoir dans la requête qu’elle adresse aux juges royaux de Rhuis pour obtenir une deuxième autopsie outre que « des bruits se sont répandus depuis la mort » donnant à penser que « cette mort n’est rien moins que naturelle ». Enfin, argument qui a dû peser sur la décision des magistrats, les deux chirurgiens étaient « sans qualité puisqu’ils ne sont point jurés aux rapports ». C’est un élément qui « vicie la procédure en son entier » ; Julienne Vallée n’exclut pas que « pour des motifs d’intérêt et de partialité (les deux chirurgiens) ont pu engager à déguiser la vérité », suspicion qui laisse entrevoir un sentiment d’animosité au sein de la corporation des chirurgiens envers Gildas Lequinio. Bref, un climat malsain enveloppe cette mort qui ne peut laisser indifférente l’autorité judiciaire. Le substitut du procureur général ordonne une nouvelle « visite » du cadavre, cette fois par deux chirurgiens jurés au rapport, Jean Kevis et François Le Goff80. Leurs conclusions sont à l’opposé de celles émises par leurs deux confrères : ils constatent « une contusion située à la partie moyenne de l’os occipital […] ayant la longueur de cinq à six pouces ou environ sur deux doigts de hauteur ou largeur, ce que nous jugeons être provenu d’un coup, chute ou autrement81 ». L’hypothèse d’une mort naturelle est désormais écartée. De son côté, le sénéchal poursuit l’enquête basée sur une mort provoquée que des « bruits » convergents accréditent. Un scénario prend forme.

  • 82 Ibid., Rapport du sénéchal de Rhuis.

« Maître Gildas Nicolas Lequinio, parti de Sarzeau pour aller visiter des malades aux villages de La Noüe et Trévenast en la frairie de Saint-Jacques, d’où revenant et arrivé au lieudit le Lassigny de Kerblais, terre par lui nouvellement afféagée et pour laquelle il avait procès avec les riverains pour démolition des fossés, voyait qu’il y avait dans ce terrain différents particuliers et particulières qui gardaient leurs bestiaux à pâturer, il leur dit “vous voilà donc encore avec vos bestiaux dans mon terrain. Attendez-moi”. Qu’alors une des particulières répondit “viens donc race du diable, je t’attends”. Que Lequinio piqué de cette insulte poursuivit cette femme jusque dans un champ nouvellement labouré et joignant le bien ou l’ayant atteinte il la prit par le bras et lui fit faire une pirouette, que par ce mouvement un manchon et un capou ( ?) que ledit Lequinio portait à la main étant tombé, il laissa cette particulière pour les ramasser et tandis qu’il était baissé et incliné une autre particulière qui était sur les lieux le saisit par la basque de l’habit tandis que la première ramassait une grosse pierre qu’elle lança avec tant de force à la tête dudit Lequinio qu’il ne put s’en relever et resta mort sur l’endroit82. »

  • 83 Voir sur ce point A. Soboul, Problèmes paysans de la Révolution. 1789-1848, Paris, Maspéro, 1976, (...)
  • 84 Arch. dép. Morbihan, NJ557, Paroisse de Sarzeau, « Afféagement de plusieurs terres en friche ».

24Les circonstances du décès de Gildas Lequinio sont maintenant connues, il reste à identifier les « particulières ». D’ores et déjà l’événement apparaît emblématique des conflits, certes dont l’origine est ancienne, mais dont l’intensité grandit au cours du XVIIIe siècle quand c’est le bourgeois qui se substitue au noble par le biais juridique de l’afféagement. Il se montre plus attentif au respect de son bien pour lequel il a engagé tout ou partie de ses disponibilités financières et dont il attend une rentabilité à la hauteur de son investissement, d’où les dispositions matérielles prises pour les protéger des intrusions tels que clôtures et fossés83. Gildas Lequinio avait saisi l’opportunité qui s’offrait à lui lorsque, entre 1714 et 1758, la pratique des afféagements s’était répandue dans les cantons de Trévignan, de La Bresne et pour les terres du château de la Parquerie84 jusqu’alors abandonnées à la friche et ouvertes à la convoitise des paysans du cru qui les avaient converties en vaine pâture pour leurs troupeaux, un usage institué en fraude des droits du propriétaire demeuré trop passif. Et à n’en pas douter, c’est de ce côté-ci que provenaient les menaces de mort que portait la rumeur.

  • 85 Arch. dép. Morbihan, B4661, Ordonnance du substitut du procureur général de Rennes, 25 avril 1756.

25Plus l’enquête avance, plus vient à la lumière la sourde hostilité dont Gildas Lequinio était l’objet de la part des paysans du lieu. Une « particulière » à laquelle l’auteur de l’homicide confie son geste, la réconforte, lui disant « que quand elle aurait mis ledit Lequinio à dormir il n’y avait pas grand mal ». Les deux huissiers missionnés par le sénéchal pour se saisir du meurtrier se heurtent à un silence complice. Une solidarité s’est nouée instinctivement au sein de la communauté paysanne pour le protéger. Pressentant que par les seuls moyens d’investigation dont dispose le pouvoir séculier, l’enquête a peu de chances d’aboutir, le substitut du procureur général de Rennes en appelle à l’autorité religieuse. L’évêque du diocèse de Vannes est prié de faire publier des monitoires et des réograves85, injonctions délivrées aux fidèles pour que, sous des peines ecclésiastiques, ils contribuent à éclairer la justice sur un fait criminel. L’évêque Charles-Jean de Bertin ordonne

« au recteur et curés de la paroisse de Sarzeau de diligemment, pendant trois dimanches consécutifs, au prône de vos grand’messes, inviter tous ceux et celles qui ont connaissance que le dimanche des Rameaux le sieur Gildas Lequinio fut trouvé mort de se présenter au presbytère ».

  • 86 Id., Liste établie par le curé Digabel.
  • 87 Ibid., Décret de prise de corps contre Françoise Largouët, 18 juin 1756, signé Brenugat, substitut (...)

26De son côté, le vicaire général du diocèse, de la Motte-Piquet, signe « plusieurs lettres monitonales ». L’effet produit est immédiat. Quarantesept paroissiens se présentent les 9, 16 et 23 mai au curé Digabel, l’adjoint du recteur Touzé de Grand-Isle pour « venir à la révélation86 ». Tous sont convoqués par le substitut afin que leurs propos soient reproduits sur un « cahier d’information ». Le coupable est identifié en la personne de Françoise Largouët dite Francisque ou la Meunière. Aussitôt le substitut, qui désormais suit personnellement et directement l’enquête, ordonne qu’elle soit « prise et appréhendée au corps et constituée prisonnière aux prisons de ce siège (Sarzeau) pour être ouïe, interrogée et répondre à nos conclusions87 ».

  • 88 Ibid., Procès-verbal de perquisition dressé au domicile de ladite Largouët avec assignation à quinz (...)

27Les huissiers Guillaume Lallis, Philippe Lebreton et Joseph Parison sont requis pour exécuter cette mission, une tâche ardue et aléatoire dans ses résultats. Dans leur rapport établi les 21 et 22 juin, ils relatent avoir effectué deux visites au domicile de ladite Largouët, mais sans succès, elle a disparu emportant avec elle ses effets personnels et même son maigre mobilier : « Nous n’avons trouvé aucun meuble sujet à annotation après avoir cherché tant en bas qu’en haut88. » L’enquête de voisinage ne donne rien. Guillaume Front, son plus proche voisin, déclare « qu’elle est absente depuis quinze jours à trois semaines ». Élargies aux villages voisins, les investigations sont tout aussi infructueuses, les habitants se contentant de répondre aux questions des huissiers « qu’elle est partie depuis quelque temps ». Visiblement les informations sur la recherche du coupable ont circulé dans les deux sens, à quoi s’ajoute la loi du silence qu’observent scrupuleusement ceux qui ont partie liée, au moins mentalement, avec un fugitif. Par acquis de conscience, les enquêteurs font une visite domiciliaire chez le père de Françoise Largouët, au village du Net, paroisse Saint-Constant de Rhuis, mais en vain : « Il ne l’a pas vue depuis deux mois derniers (sic). » La solidarité, à tout le moins passive, s’exprime tant à l’intérieur du groupe social qu’au sein de la famille. C’est en l’absence de l’accusée que se tient l’audience de jugement le 26 juillet 1756 au « Palais royal de Sarzeau ». Les magistrats, qui en font le constat, persévèrent néanmoins dans leur décision de la voir comparaître : « Elle sera assignée par un seul cri public. » L’Église, cette fois, n’est pas associée à la recherche de la fugitive, de crainte peut-être que cette compromission avec le pouvoir séculier la rende impopulaire. L’affaire donne probablement à réfléchir aux bourgeois afféagistes et, somme toute, le petit peuple de la campagne enregistre là une petite victoire sur un terrain où l’affrontement social est nettement marqué.

Notes

1 Bib. hist. ville de Paris, cote 953.546, J.-M. Lequinio, Les préjugés détruits, Paris, 1792, p. 240.

2 Arch. dép. Loire Atlantique, 3E92.2, paroisse de Saint-Benoit de Massérac. Le 24 avril 1731 ont contracté mariage : « Maistre Gildas Nicolas Lequinio chirurgien juré de la ville de Sarzeau évesché de Vannes fils de noble homme Gabriel Lequinio et de demoiselle Guillemette Lecosnier d’une part et demoiselle Julienne Vallée, fille d’honorable femme Julienne Janvier et d’honorable feu François Vallée d’autre part. » La paroisse de Massérac est située non loin de la ville de Redon qui se trouvait à l’époque dans le diocèse de Vannes ; aujourd’hui elle est située en Loire-Atlantique, en bordure du département de l’Ille-et-Vilaine.

3 Arch. dép. Morbihan, 4E240.10, Registre des baptêmes-mariages-sépultures de la paroisse de Sarzeau, p. 45. À tort Yvon Mauffret fait naître Joseph-Marie Lequinio le 7 juillet 1730. Cf. Rhuis, chronique d’une presqu’île, J. Thébert, 1990, p. 116. René Kerviler le fait naître le 6 juillet 1750. Cf. Répertoire général de bibliographie bretonne, Mayenne, Floch, 1985, tome X, p. 409.

4 Arch. dép. Morbihan, 4E240.6, Registre des baptêmes-mariages-sépultures, 1742-1751. « Le onze février mille sept cent quarante cinq fut inhumé au cimetière de cette église le corps de Joseph-Marie Lequinio, fils du sieur Gildas Lequinio et de demoiselle Julienne Vallée âgé d’un mois vingt-deux jours… »

5 Arch. dép. Morbihan, 4E240.8, id. « Le second (jour) août mille sept cent cinquante fut inhumé le corps de Joseph-Marie Lequinio, âgé d’environ trois semaines, décédé hier en cette ville, rue de la Trinité, chez le sieur Gildas Nicolas Lequinio, chirurgien aux rapports, juré du roi et demoiselle Julienne Vallée son épouse, ses père et mère… »

6 J.-P. Goubert, 1789. Le corps médical et le changement, Paris, Privat, 1989, p. 11-12.

7 Arch. dép. Morbihan, 21. C. 575, Rôle de capitation pour la paroisse de Sarzeau.

8 Arch. dép. Morbihan, 4E240.5, Registre des baptêmes-mariages-sépultures, 1732-1741. Sylvestre Lequinio baptisé le 15 juin 1733.

9 Id., 4E240.5. Dominique Lequinio baptisé le 29 octobre 1734.

10 Ibid., 4E240.6. Il s’agit de Vincent Loyal qui a probablement dû succéder, dans cette charge, à Sylvestre Rollando. Marie-Vincente Lequinio Lequinio baptisée le 16 avril 1736.

11 Ibid., 4E240.6

12 Ibid., 4E240.6. Baptême de Cécile Lequinio le 31 octobre 1741.

13 Il s’agit manifestement d’un autre frère de Gildas, Guillaume étant né le 23 juillet 1695 de Gabriel Lequinio et de Guillemette Le Cosnier. Ibid., 4E240.3.

14 Ibid., 4E240.7. Baptême de Joseph-Marie Lequinio, le 19 décembre 1744.

15 Ibid., 4E240.8. Baptême de Cécile Lequinio le 28 août 1746.

16 Les de Francheville sont connus à Sarzeau surtout, pour leur implication dans les œuvres de charité, d’abord en prenant la défense des Trinitaires quand le procureur du roi, le 16 octobre 1578, ordonne la fermeture de leur « hospital n’ayant que deux lits garnis de couettes de plumes et couvertures et linceuls blancs, prêts à recevoir les pauvres passants et souffreteux », ensuite quand en 1724, Pierre de Francheville, seigneur de la Motte-Ruault, fonde l’hospice de Sarzeau et en confie le soin aux sœurs de la Sagesse. Cf. J. H. M Le Mené, Communautés situées hors de Vannes, Vannes, Galles, 1905, p. 26 et 27.

17 Il s’agit vraisemblablement de Guillaume Lequinio, présent aux côtés du recteur Tournay de Grand Isle lors de la visite pastorale faite dans la paroisse de Sarzeau en 1748 par l’évêque Jean de Bertin. Arch. évêché de Vannes, AA5, Visites pastorales, 1748-1773.

18 Arch. dép. Morbihan, 4E240.8, Registre des baptêmes-mariages-sépultures.

19 Ibid., 4E240.8. Baptême de Joseph-Marie Lequinio le 7 juillet 1750.

20 Ibid., 4E240.9. Jean Fleuri sera également le parrain de Joseph-Marie Lequinio notre personnage.

21 Ibid., 4E240.3. Baptême de Gildas Lequinio, le 2 juillet 1699.

22 Ibid., 4E240.3. Baptême de Vincent Lequinio, le 29 novembre 1693.

23 Ibid., 4E240.3. Baptême de Guillaume Lequinio, le 23 janvier 1695.

24 Ibid., 4E240.3. Baptême de Julienne Lequinio, le 20 février 1696.

25 Ibid., 4E240.3. Baptême de Jean Lequinio, le 5 janvier 1702.

26 Ibid., 4E240.3. Enterrement de Gabriel Quinyo (sic).

27 M. Vovelle, La chute de la monarchie. 1787-1792, Paris, Éditions du Seuil, 1972. Dans le chapitre II, p. 62, « La bourgeoisie : mythe ou réalité », selon l’auteur, la « classe mixte » se définit par « son statut social, comme le revenu, les aspirations et la conscience collective aussi se trouvent à mi-chemin entre deux mondes, celui de la roture et celui de la petite noblesse, sans nécessairement de lien avec cette appartenance ».

28 J. H. M. Le Mené, Communautés situées hors de Vannes, Vannes, Galles, 1905. Cf. chapitre II, « Les religieux », p. 32.

29 Arch. dép. Morbihan, 4E240.15, BMS. « Messire René Bellard, Ministre (du culte catholique) et les autres MM. Chanoines de sa Très Sainte Trinité, plusieurs de MM. les religieux de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys et de la communauté des Récollets », outre « le procureur du roi au siège royal de Rhuys, un avocat au Parlement, ancien maire de Rhuys, plusieurs notables »…

30 Et affermie par les canons édictés lors du Concile de Trente. Cf. G. Alberigo, Les conciles ocuméniques, Paris, Le Cerf, 1994 dans t. II, 2, « Les décrets de Trente à Vatican II ».

31 Y. Mauffret, Gildas de Rhuys. Moine celtique, Paris, Bauchesne, 1972. Né en 493 à Arcluyd, dans les Lowlands d’Ecosse, fils de Caun, roi du Stat-Cruyd, Gildas, dès sa septième année est formé par Philibert, un anachorète qui mène une vie érémitique dans l’île d’Oya. Puis il quitte son protecteur pour le monastère de Lan Itur en Pays de Galles fondé par Egregius : « Un guerrier impitoyable converti au christianisme », où il connaît une vie très réglée et libre en même temps. Gildas étudie le latin, le grec et les sept arts libéraux (grammaire, arithmétique, physique, dialectique, rhétorique, géométrie, astrologie), matières de base de l’humanité médiévale de la haute époque. Pour autant, il n’exécute pas de travaux manuels… Il s’établit en Bretagne avec deux de ses condisciples, David et Cado, mais, inquiet d’être en contradiction avec la doctrine officielle de l’Église, il se rend à Rome et confronte sa foi celte avec le dogme officiel, étudie les manuscrits. « Sur le chemin du retour en Bretagne, il est assailli par trois brigands : il invoque Dieu et ils sont cloués au sol » (p. 50). Il s’isole sur l’île d’Houat, bâtit un ermitage, ne mange que trois fois par semaine, se nourrissant de bernicles, s’immerge et prie jusqu’au moment où il reçoit la visite de deux hommes du cru, Urfol et Lyran, qui le supplient de venir évangéliser la basse Bretagne ; dépourvus de pasteur, les habitants de la côte retournent aux anciennes croyances, adorent les fontaines, les arbres et les pierres. Gildas accueille favorablement cette requête, implante son monastère dans les ruines du Castrum du comte Waroch sur la presqu’île de Rhuis. Bientôt l’établissement, agrandi, aménagé, compte deux à trois cents religieux, novices et élèves « qu’il conseille, dirige et rassure » (p. 75). Mais, submergé par les tâches, il s’évade pour rejoindre une vie d’ermite, écrit De excillo britinnie, une vive critique contre le système établi, laïc et religieux. « La Bretagne a des prêtres, mais insensés, des diacres en grand nombre, mais impudents. Ce sont de rusés voleurs, mais ce sont des loups, au lieu de pourvoir au bien de leurs troupeaux, ils ne songent qu’à se remplir le ventre » (p. 78). L’abbaye qu’il a fondée est considérée comme le centre de rayonnement du christianisme celtique et devient la maison mère de nombreuses filiales. Son entreprise pour unifier l’Église en Irlande échoue. Il meurt le 11 mai 1570 dans l’île d’Houat où il est retourné vivre en ermite. La vie de Gildas fait songer au mouvement du stylisme qui apparaît en Orient, plus précisément dans la Syrie d’aujourd’hui, dès le ve siècle, épiphénomène du mouvement monastique en général. Ce mouvement fut condamné par le Concile de Chalcédoine (451), ce qui explique la démarche faite par Gildas auprès du pape pour s’assurer qu’il ne s’exposait pas à l’anathème ainsi décrété.

32 Ce phénomène n’est pas particulier à la Bretagne, on le rencontre un peu partout dans la France des XVIe-XVIIIe siècles. Cf. R. Muchembled, Société et mentalités dans la France moderne XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1990, dans le paragraphe « Autour du baptême » p. 35-40.

33 J. H. M. Le Mené, Histoire du diocèse de Vannes, Vannes, Lafoly, 1887, p. 277-278. Extrait d’une lettre à Héloïse.

34 A. Vauchez (dir.), Histoire des saints et de la sainteté chrétienne, Paris, Hachette, 1986. Cf. tome VI « Au temps du renouveau évangélique. 1054-1274 », p. 84-85. Esprit avide d’explications rationnelles, Abelard s’attachait à préciser, à la lumière de la raison, la nature de la foi, des fonctions divines et de l’incarnation, de la rédemption et de la grâce, de l’acte moral et de l’eucharistie. Selon lui, « la dialectique, même si elle n’était pas juge de la foi avait cependant pour mission, par ses spéculations, de connaître les vérités de la foi ».

35 Bib. hist. ville de Paris, cote 964.751, J.-M. Lequinio, Suppression des religieux, extinction de la mendicité. Lettre à M. Treilhard, député aux États généraux et membre du comité ecclésiastique, Rennes, Blouet, 1789. L’auteur évoque les « logements considérables » dont bénéficie la maison des prieurs de l’ordre de Citeaux avec « un enclos immense », le confort dans lequel vive les récollets « installés dans un enclos muré de 25 à 30 arpents et dans la plus belle exposition possible au bord de la mer qui bat les murs du jardin et fait un port d’agrément ».

36 J.-F. Luco, Pouillé historique de l’ancien diocèse de Vannes. Bénéfices séculiers, Vannes, Galles. 1908, p. 844-845. À l’origine « quatre paroisses étaient placées aux extrémités d’une croix : Ilurd au nord, Arzon au couchant, Saint-Goustan au midi et Saint-Démétré au levant […]. Lorsque d’un côté la mer eut complètement détaché Ilurd du continent rhuysien et de l’autre envahi l’emplacement de l’église de Saint-Démétré, phénomène qu’il faut situer autour du XIe siècle, ce qui restait des deux paroisses a été réuni aux deux autres pour n’en faire qu’une seule dont le siège fut fixé à Sarzeau ».

37 Arch. évêché de Vannes, AA23.1, Catalogue des recteurs et prestres du diocèse de Vannes, 1654, p. 6. Le diocèse de Vannes comprend au XVIIIe siècle deux « territoires », l’un du même nom et l’autre dénommé « Territoire de Rieux » et deux doyennés : Mendon et Guemené Lômalo.

38 Arch. évêché de Vannes, AA5, Visites pastorales, 1748-1773. Yves Le Digabel curé, Pierre Kpart, Guillaume le Vaillant, Guillaume Quinio (Lequinio), Yves Le Ridaut, Olivier Pillet, Julien Kermasson, Vincent-Thomas Le Ridaut, René le Blay, Jean-Marie le Pan, Guillaume le Boussicault, « tous prêtres de Sarzeau ». Lors de la précédente visite pastorale, en 1654, le recteur Vincent de Sérent était entouré d’un curé, Guillaume Dorso, de treize prêtres, de cinq diacres et d’un sous-diacre. Catalogue des recteurs et prestres du diocèse de Vannes, 1654, p. 6 recto et verso.

39 Arch. dép. Morbihan, 21C. 575, Rôle de capitation pour Sarzeau, 1763. Les curés sont Le Bridault et Le Blay, les prêtres se nomment Goin, Pillet, Le Biboul, Le Pan, Le Goumexe, Laudrière, Le Boucicault, Le Blay.

40 Arch. évêché de Vannes, Pouillé historique de l’ancien diocèse de Vannes, p. 22. Les droits de novalès étaient perçus à compter de la 33e gerbe récoltée sur l’exploitation.

41 T. J. A. Le Goff, Vannes et sa région. Ville et campagne dans la France du XVIIIe siècle, Loudéac, Salmon, 1989, dans « Église et société rurale », p. 225.

42 C’est-à-dire soumis aux « règles de la chancellerie romaine » et aux « réserves apostoliques ». La « réserve apostolique est le droit que se gardait le souverain pontife, en vertu de sa juridiction universelle et immédiate sur toute l’Église, de conférer lui-même des bénéfices à collation libre qui vaquaient en certains mois de l’année dans les diocèses situés en pays d’obédience ». En Bretagne, ce pouvoir de nomination était réservé au pape les deux premiers mois de chaque trimestre. Cf. Pouillé historique de l’ancien diocèse de Vannes, p. 22.

43 Chaque fois qu’une paroisse devient vacante par démission ou décès de son titulaire est ouvert un concours auquel se présentent plusieurs postulants. Est pourvu de la paroisse et, corrélativement, du bénéfice et autres revenus qui y sont attachés, celui qui a franchi avec succès les épreuves organisées tantôt à Rome, si la vacance est déclarée au cours des deux premiers mois du trimestre, tantôt au chef-lieu du diocèse, quand elle l’est le troisième mois. À Rome, les épreuves ont lieu sous le contrôle de six examinateurs synodaux, élus chaque année, nécessairement docteur ou licencié en théologie ou en droit catholique canonique ; au chef-lieu du diocèse, à Vannes en l’occurrence, c’est l’évêque, son vicaire et trois examinateurs de son choix qui assurent le jury d’examen. Outre des connaissances en théologie et droit canonique dont doivent faire montre les « concurrents », sont examinés la conduite, les mœurs, leurs aptitudes pour la charge à laquelle ils aspirent. Entre la promulgation du concours et l’examen, une enquête rigoureuse a lieu sur la conduite et les mœurs du candidat. Ces règles strictes, destinées à éviter abus et passe-droits, furent posées par le Concile de Trente à la suite du discours apostolique de Don Barthélémy des martyrs, archevêque de Brègues. Cf. Pouillé historique de l’ancien diocèse de Vannes, p. 23.

44 Touzé de Grand’Isle se présenta au concours le 1er juillet 1746 à Rome et, ayant triomphé des autres « compétiteurs », au nombre de soixante-dix, fut pourvu de la paroisse de Sarzeau le 30 juillet par le pape. Cf. id., p. 852.

45 Ailleurs appelées « trèves », ici frairies, ces subdivisions de la paroisse proprement dite sont, pour celles de Sarzeau : la frairie du Bourg ou Saint-Isodoré ; les frairies de Saint-Jacques, de Coëterscouphe, de Saint-Maur, du Ruault, de Dueur, de Prorozat ou Saint-Armel, de La Tour du Parc, de Landrenaud et de Prévins. Cf. Pouillé historique de l’ancien diocèse de Vannes, op. cit., p. 848.

46 J. Mahuas, Le diocèse de Vannes et le jansénisme, thèse de doctorat soutenue en juin 1967 à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes. Non publiée, on la trouve notamment aux archives de l’évêché de Vannes Le jansénisme prend racine dans le diocèse de Vannes au début du XVIIIe siècle, d’abord dans le clergé régulier, puis se diffuse au sein du clergé séculier, particulièrement à Sarzeau. Le mouvement est encouragé sous l’épiscopat de Antoine Fagon, évêque de Vannes de 1730 à 1737, lequel entretenait des relations avec un quesnelliste notoire, l’oratorien Joseph-Nicolas Dulérin (né à Vannes en 1692). Les nominations de recteurs auxquelles procède Antoine Fagon favorisent naturellement les jansénistes. C’est ainsi qu’à la tête de la paroisse de Sarzeau il installe Jean-Baptiste Faron, qui y officie de 1729 à 1746, avant d’être nommé grand vicaire du diocèse de Vannes.

47 Arch. évêché de Vannes, AA5, Visites pastorales, 1748-1773. « Procès-verbal de convocation de MM. les recteurs et prêtres de paroisses spécifiés dans notre liste de visite du 19 juin 1748. »

48 Arch. évêché de Vannes, AA6, Cote Monseigneur de Bertin, 1746-1774. « Vannes, le 17 février 1767, les circonstances présentes nous obligent de continuer encore de manger des œufs le carême prochain […]. Vous direz aux peuples […] que si la misère qu’ils ressentent est si grande, ils ne doivent en attribuer la cause qu’à l’oubli presque universel de Dieu, au mépris des lois les plus sacrées et au renversement général de tous les principes de créance et de mœurs. Mettez-leur sous les yeux la honte d’un pareil aveuglement dont la saine raison rougit elle-même ; annoncez-leur les malheurs qui en sont les funestes suites ; exhortez-les à rentrer au-dedans d’eux-mêmes, à déplorer leurs égarements et à faire pendant cette Sainte ( ?) de dignes fruits de pénitences. »

49 A. Young, Voyage en France en 1787, 1788 et 1789 (traduit par Henri Sée), t. I, Paris, Armand Colin, 1889, p. 239. Arthur Young (1741-1820), agronome britannique, est le fils d’Arthur Young (1693-1759), prêtre de Suffolk, speaker à la Chambre des communes. En 1763, à 22 ans, Arthur Young, fils, se décide à faire carrière dans l’agriculture et s’installe dans le Suffolk, fait de nombreuses expérimentations qui ne donnent pas toujours les meilleurs résultats. À la suite de déboires familiaux, il quitte cette région et voyage dans le Nord et l’Est de l’Angleterre, rencontre des agriculteurs puis, en 1776, part en Irlande, toujours à la conquête de grands espaces et d’expériences. En 1782, il hérite d’une tante, puis de sa mère et de son frère, et peut ainsi satisfaire sa passion des voyages. À partir de 1787 et jusqu’en 1789, il visite la France. Ses carnets de voyage fourmillent de renseignements sur les techniques agricoles.

50 T. J. A. Le Goff, Vannes et sa région, op. cit., p. 27.

51 Id., p. 181.

52 A. Soboul, Problèmes paysans de la Révolution en 1789-1848, Paris, Fayard, 1976, p. 188.

53 C. J. Ferriere, Dictionnaire de droit et de pratique contenant l’explication des termes de droit d’ordonnances, de coutumes et de pratiques, Paris, Durand-Neveu, 1771, t. I, p. 59. J.-B Denisart, Collection des décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, Paris, Desaint, 1771, p. 60. « Afféager un fief, c’est en démembrer une partie ; ainsi on peut dire que le mot afféagement est synonyme de démembrement. » P.-A. Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, 4e édition, Paris, Garnery, 1812, t. I, p. 52. « On entend par afféagement, dans cette province (de Bretagne), une sorte de diminution des fiefs par laquelle le vassal aliène, avec rétention de foi, une partie de son domaine, soit que l’aliénation ait été faite à titre de sousinféodation ou de bail à cens. Il paraît néanmoins que ce mot désignait plus communément un bail à cens qu’une sous-inféodation ou du moins que l’afféagement suppose une rétention de devoirs annuels, laquelle n’est pas ordinaire dans la sous-inféodation quoiqu’il n’y soit pas contraire. » Ch. Bourdot de richebourg (avocat au parlement de Rennes), Nouveau coutumier général ou corps des coutumes générales et particulières de France et des provinces connues sous le nom des Gaules, Paris, Robustel, 1772, t. IV, p. 383, sous la rubrique « Coutumes du pays et Duché de Bretagne » figurent deux articles qu’il faut lire complémentairement et non distinctement :
– article CCCLVIII : « Le seigneur qui a domaine noble, soit de patrimoine ou par retrait, fait faire de ce noble, ou par promesse, bailler afféage à prix comptant, sans fraude et sans diminuer la rente ancienne si celle chose (sic) avait été auparavant arrentée. Et si le seigneur avait retiré héritage de son homme, le peut bailler, au pris (sic) de la première baillée sans diminuer la rente ancienne. » ;
– article CCCLIX : « Les seigneurs qui ont terres de leur domaine propre, non cultivées pourront, sans diminuer le fief seigneur supérieur, les afféager et en prendre reste avec rétention d’obéissance et outre quelques deniers d’entrée qui n’excèdent pas cent sols par journal. Et en ce cas n’y auraient vente ni promesse. »

54 Bib. historique ville de Paris, cote 953.003, J.-M. Lequinio, L’École des laboureurs, Vannes, Blouet, 1790, p. 3.

55 A. Soboul (dir.), Contributions à l’histoire paysanne de la Révolution française, Paris, éditions Sociales, 1977, p. 15.

56 T. J. A. Le Goff, op. cit., p. 29. Voir aussi J.-P. Desaive, E. Goubert, E. Le Roy Ladurie et J. Meyer, Médecins, climat et épidémies à la fin du XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1972, dans le chapitre « Le personnel médical en Bretagne à la fin du XVIIIe siècle », p. 176. « Dans beaucoup de domaine la basse Bretagne subit un retard évident : Lesneven : un médecin ; Landerneau : quatre chirurgiens ; Concarneau : trois chirurgiens dont un en même temps négociant… »

57 Bib. nat., cote L1002KL, J.-M. Lequinio, Voyage dans le Jura, Paris, Caillot, 15 frimaire an IX (5 décembre 1800), t. II, p. 269.

58 Pour des développements sur ce rapport médecin/patient sous l’Ancien Régime, voir J.-P. Peter, « Les mots et les objets de la maladie. Remarques sur les épidémies et la médecine dans la société française de la fin du XVIIIe siècle », Revue historique, no 499, juillet-septembre 1971, bibliothèque de l’Académie de médecine, cote 63.392. « Si la misère du paysan c’est son abandon, cet abandon est ainsi redoublé par le médecin qui, pourtant vient à lui, mais dont le regard et la parole l’excluent. À l’habitant des campagnes constamment le discours impose silence : silence du verbe, silence du corps. Qu’ils se taisent d’abord, ensuite il épure ses symptômes. Le médecin ne perçoit pas le corps, il n’y écoute que des signes préférés. Alors le malade, rustre ou pauvre, n’est plus que le lieu de la maladie, son support imparfait et, pour le médecin, l’objet de son pouvoir. Qui ne comprendrait l’affolement ou la haine qui le saisissent à se sentir ainsi nié […]. D’où, le mauvais parti fait aux médecins parfois… »

59 Arch. dép. Morbihan, B4661, Archives judiciaires. Sénéchaussée de Rhuis. Procès-verbal de transport sur les lieux, 11 avril 1756.

60 Id., plainte déposée par Gildas Lequinio le 3 décembre 1737 auprès de « MM. les juges royaux de Rhuys ». Interrogatoire de André Le Hécho recueilli par le sénéchal Guillaume François Jousmet, lequel est assisté « d’un interprète de la langue bretonne » ; interrogatoire de Julienne Le Termec veuve Le Hécho et de Etienne Le Hécho, le seul à donner des informations.

61 Arch. dép. Morbihan, B4636, Sénéchaussée de Rhuis, dossier Rollandot/Lelan.

62 Arch. dép. Morbihan, B4661, Sénéchaussée de Rhuis, dossier époux Levaillant-Mercier/Fraval.

63 Id., procès-verbal du 8 avril 1756.

64 Id., dossier Le Franc/Le Méra. Le papier auquel fait allusion Le Méra semble être le rôle de capitation.

65 Ibid., dossier Jeanne Largouet/Jean Garçon.

66 Ibid., dossier Sébastien Lequinio/Alain Leridant.

67 Ibid., dossier Lepan/Robert et Thénaut.

68 Bib. nat., LC2.50, J.-M. Lequinio, Le breton ou le journal des laboureurs, no 1, p. 4.

69 B. de Spinoza, L’Ethique, 4e partie « De la servitude humaine ou des forces des sentiments ».

70 Voir en particulier École des laboureurs ; Le breton ou journal des laboureurs ; Opinion sur l’instruction publique ; Plan sur l’éducation nationale ; Discours sur l’éducation commune ; etc.

71 A. Young, Voyage en France en 1787, 1788, 1789, traduit de l’anglais par Henri See, Paris, Armand Colin, 1871, t. I, p. 233.

72 « J’ai vu, de mes yeux, un ci-devant seigneur breton assommer à coups de bâton un paysan bas-breton, parce qu’il passait devant lui sans ôter son chapeau ; j’ai vu cela, un an seulement avant la Révolution, devant deux mille paysans dont chacun aurait moulu (sic) d’un coup de pied le tyran, et dont pas un n’osait remuer… » J.-M. Lequinio, Guerre de la Vendée et des chouans, Paris, Pougin, brumaire an III, p. 210-211, note 1 de bas de page.

73 M. Vovelle, Mourir autrefois, Paris, Gallimard/Julliard, 1974, dans « L’obsession de la mort » p. 41.

74 Arch. dép. Morbihan, B4661, Archives judiciaires de la sénéchaussée de Rhuis, dossier Gildas Lequinio (48 pièces). Mention portée dans l’ordonnance rendue par le sénéchal du siège royal de Rhuis le 11 avril 1756.

75 Le sénéchal assure l’administration générale, lève le contingent du bailliage, y compris les nobles, et le conduit à l’armée royale, centralise les recettes des prévôtés, connaît des affaires judiciaires. Cf. notamment P. C. Timbal, Histoire des institutions et des faits sociaux, Paris, Dalloz, 1969. Sur le sénéchal, voir les rubriques numéros 490, 500, 661 et 734.

76 Le procureur général installé auprès de chaque parlement se trouve à la tête d’une véritable administration judiciaire, laquelle comprend une équipe qui entoure le chef du parquet et travaille directement sous ses ordres. Ce sont les bureaux du procureur général composés de plusieurs substituts. Les agents locaux de cette administration sont les procureurs du roi des bailliages et sénéchaussées. Cf. J.-L. Harouel, J. Barbey, E. Bournazel, J. Thibaut-Payen, Histoire des institutions de l’époque franque à la Révolution, Paris, PUF, 1987, sous la rubrique no 474.

77 Arch. dép. Morbihan, B4661, Procès-verbal de dépôt dudit cadavre et transport chez lui, 11 avril 1756.

78 Id., Procès-verbal d’ouverture du cadavre de feu Gildas Nicolas Lequinio, 12 avril 1756.

79 Arch. dép. Morbihan, 4E240.10, Registre des BMS. Inhumation en présence des deux chirurgiens ainsi que « de plusieurs notables » et du recteur Touzé de Grand’Isle.

80 Arch. dép. Morbihan, B4661, ordonnance mise au bas de la requête (de Julienne Vallée veuve Lequinio) et datée du 20 avril 1756.

81 Id., Procès-verbal d’exhumation et Rapport du 21 avril 1756 signé de Jean Kevis et de François Le Goff, contresigné par Fouchet (l’huissier de justice qui assiste à l’autopsie ?). L’examen du cerveau corrobore pleinement celui de la boite crânienne. « Ayant ensuite examiné les lobes du cerveau, nous avons remarqué une inflammation et engorgement des vaisseaux de la partie inférieure de la duremère (sic) du côté de la partie postérieure du cervelet et de la propre substance du cerveau et de plus avons trouvé beaucoup de sang épanché à la base du crâne et principalement sur la ( ?) du cervelet et même aussi du sang sorti par les narines et par la bouche… »

82 Ibid., Rapport du sénéchal de Rhuis.

83 Voir sur ce point A. Soboul, Problèmes paysans de la Révolution. 1789-1848, Paris, Maspéro, 1976, p. 435. Prenant appui sur les travaux de Georges Lefèbvre, l’auteur souligne que la paysannerie si elle n’était pas hostile à la propriété individuelle, « la limitait étroitement par ses conceptions coutumières » dont « les droits collectifs de vaine pâture et de seconde herbe […] qui équivalaient à une copropriété des fonds ». Or, « par la liberté de cultiver et de clore, la Révolution favorisait la bourgeoisie rurale ». Gildas Lequinio n’avait pas attendu la Révolution pour mettre son bien foncier à l’abri des importuns.

84 Arch. dép. Morbihan, NJ557, Paroisse de Sarzeau, « Afféagement de plusieurs terres en friche ».

85 Arch. dép. Morbihan, B4661, Ordonnance du substitut du procureur général de Rennes, 25 avril 1756.

86 Id., Liste établie par le curé Digabel.

87 Ibid., Décret de prise de corps contre Françoise Largouët, 18 juin 1756, signé Brenugat, substitut « pour le procureur général ». « […] et au cas qu’elle ne puisse être prise, ordonne qu’elle sera suivie à ban et cri public et que les biens meubles soient annotés et les fruits de ses meubles saisis pour être enregistrés par le commissaire aux saisies réelles qui en rendra compte… »

88 Ibid., Procès-verbal de perquisition dressé au domicile de ladite Largouët avec assignation à quinzaine, rapports des 21 et 22 juin 1756.

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