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Le souci des plus pauvres

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Michèle Grenot

Deuxième partie. Un fondateur du Club des cordeliers et un jacobin démocrate

Chapitre VI. La Constitution de 1791 : l’exclusion des pauvres institutionnalisée

Texte intégral

  • 1 L.-P. Dufourny, LE GATEAU DES ROIS. Citoyens ! voici la fête de la famille. Où est la part du pauv (...)

1Le comité de constitution avait choisi d’établir la déclaration des Droits avant de fixer la constitution pour lui servir de guide. La déclaration adoptée, la constitution est très attendue, on lui voue un « véritable culte1 » dit Dufourny. Pour lui et d’autres, restait l’espoir que les décrets excluant les plus pauvres soient abolis. Devenir « jacobin », c’est-à-dire membre de la Société des amis de la constitution, pouvait-il représenter une chance pour y aboutir ?

Dufourny et les Amis de la constitution

  • 2 A. Aulard, op. cit., tome 1, p. xxviii.
  • 3 Ibid.
  • 4 Voir chapitre 8.

2Depuis sa naissance en 1789, la société, issue du « club breton », regroupe des députés à l’Assemblée nationale pour travailler d’avance les questions sur lesquelles ils devaient se prononcer. Un nouveau règlement préparé par Barnave, adopté le 8 février 1790, autorise son ouverture sous certaines conditions à d’autres membres, même s’ils ne siègent pas à l’Assemblée. « Plusieurs députés des villes à l’Assemblée nationale ont mérité et obtenu à y être admis par les travaux importants dont ils ont fait hommage à la Société », explique Barnave2. C’est à ce moment-là que Dufourny devient membre du club. Il avait été effectivement député par les districts à l’Assemblée nationale, notamment au moment de la pétition des notables adjoints. Quels travaux a-t-il envoyés à la société pour y être admis, ceux du 25 avril 1790 sur la souveraineté du peuple et le plan pour la Municipalité ? Pour devenir membre, il fallait être présenté par deux députés si l’on était soi-même député, sinon il fallait être présenté par cinq députés3. Par qui Dufourny a-t-il pu être introduit ? Il aurait dit dans un aparté, lors du procès de Danton, que ce dernier l’avait présenté4, mais Danton, s’il a pu l’introduire aux Jacobins, n’est pas député à la Constituante. Robespierre qui siège à l’Assemblée a-t-il été sensible aux idées « démocratiques » de Dufourny ?

Figure 16. – Le club des Jacobins.

  • 5 A. Aulard, op. cit., tome 1, XXVIII.

3Le but de la Société des amis de la constitution, exposé dans l’article 1 du Règlement, est « l’affermissement de la Constitution suivant l’esprit du préambule » (de la Déclaration des droits de l’homme), et l’article IV statue que « ceux qui écrivent ou parlent contre les droits de l’homme seraient exclus5 ». Dufourny a justement commenté le préambule et axé toute sa réflexion sur le respect des Droits de l’homme. Les membres se réunissent fréquemment : à 6 heures du soir, tous les jours qui ne sont pas occupés par l’Assemblée nationale, les dimanches et fêtes exceptés. La présence est contrôlée : ceux qui s’absenteraient pendant un mois sans motif légitime devaient être exclus (article V). La cotisation est élevée : 12 livres de droit d’entrée et 24 livres par an pour payer les publications. Plusieurs des clubs ou sociétés qui apparaissent, viennent dès leur formation solliciter le patronage des Jacobins. Ils ne leur accordent pas « l’affiliation », réservée aux Sociétés jacobines fondées dans les villes de province, mais les admettent à la correspondance.

Figure 17. – Des droits des Avignonnais.

  • 6 Les dates des deux premières interventions ne sont pas précisées, la première se situe autour du 2 (...)
  • 7 L.-P. Dufourny, Les droits des peuples défendus contre la politique et les titres odieux des antiq (...)

4Deux textes publiés par Dufourny en 1790, sur le rattachement d’Avignon et du Comtat Venaissin à la France, ou encore sur les assignats, font apparaître son appartenance au club dit des Jacobins. Dans le premier, on voit Dufourny prendre une position très particulière qu’il s’entête à exposer devant les Jacobins, par deux fois au printemps 17906, mais ne peut se faire entendre, puis en 1791, il n’hésitera pas alors à attaquer « la société qu’il respecte le plus » (les Jacobins) sur « sa partialité la plus intolérante lors des premiers débats : deux fois admis à la tribune, j’en fus éconduit aussitôt que l’on s’aperçut que je ne concluais pas à l’absorption (des deux États à la France) […] Cette intolérance de la Société me réduisit alors à faire imprimer mes opinions7 ».

Figure 18. – Les droits des peuples.

L’affaire d’Avignon et du Comtat Venaissin : le droit des nations8

  • 8 L.-P. Dufourny, Des droits des Avignonnais a la plus entière liberté ; De la nécessité de rédiger (...)
  • 9 Avignon a alors de 24 000 à 25 000 habitants, et le Comtat venaissin 120 000 à 130 000 habitants, (...)
  • 10 Ibid.
  • 11 Ibid.
  • 12 D. Somogyl, « Robespierre et l’affaire d’Avignon, » Association Maximilien Robespierre pour l’Idéa (...)

5Les deux États d’Avignon et du Comtat Venaissin9, annexés à la France en 1768, avaient été restitués au pape en 1774, ce qui présentait quelques avantages pour certains à cause des immunités fiscales, mais pour les régions voisines du Languedoc et de la Provence, ces États constituent une incitation permanente à la contrebande. Les négociants et fabricants d’Avignon, eux, sont gênés dans leur commerce10. Les événements révolutionnaires de la France voisine vont inciter certains à souffler le vent de la liberté, à vouloir des réformes, et à demander le rattachement à la France. Le député d’Aix, F. Bouche, dépose le 12 novembre 1789 à l’Assemblée nationale une motion en faveur du rattachement, assez abrupte : « une partie considérable de la Provence en est séparée depuis plusieurs siècles, dit-il, le consentement des peuples n’a point opéré ce démembrement […] on les aliéna sans les consulter, sans les consulter on peut les reprendre11 ». En Avignon, la foule envahit le Palais papal le 2 février 1790, puis l’hôtel de ville. Une nouvelle municipalité est élue qui fait voter aux citoyens la réunion. Le pape annule ces réformes, tente, sans succès, un coup de force. Les « papistes » s’opposent aux « patriotes », surtout dans le Comtat12.

  • 13 L.-P. Dufourny, Des droits des Avignonnais…, op. cit., p. 3.
  • 14 Ibid., p. 4.
  • 15 L.-P. Dufourny, Supplément…, op. cit., p. 2.

6Dans son premier texte, Dufourny s’appuie sur « la majestueuse et solennelle Déclaration des droits de l’homme » par laquelle « l’Assemblée nationale a immortalisé l’ouverture de ses travaux » et lui confère de plus en plus de qualificatifs : « type de toutes les lois, mesure de toute justice, base de tout décret, […] pierre de touche […] dont chaque mot est le cri de ralliement de tous les hommes », c’est « le cri de la liberté13 ». L’Assemblée constituante vient de répudier le droit de conquête (le 22 mai 1790). Mais pour lui, le décret proposé pose mal la question : « si même on se fût rappelé que la Déclaration des droits de l’homme met au rang de ses droits inaliénables la résistance à l’oppression, alors on aurait demandé à qui appartient le droit de se défendre, et non pas celui de faire la guerre, qui n’est que le droit des brigands » ; « alors, la nature, la raison et la loi auraient unanimement répondu que le droit de se défendre appartient à tous les opprimés14 ». Or, le rattachement sans une véritable consultation des populations, légale, organisée et démocratique, sans exclure les « passifs » serait, pour Dufourny, un retour au droit de conquête. Dufourny publie ensuite un supplément à son premier texte, « pour répondre aux diverses objections », qui confirme sa position : la constitution n’est pas achevée en France, pour l’instant, elle n’est pas un modèle. Il espère qu’elle supprimera la notion de citoyens passifs. Il faut que les Avignonnais se donnent une constitution pour pouvoir traiter en toute indépendance. D’ailleurs, à qui appartiennent les Avignonnais, « sont-ils au Pape » demande Dufourny ? Non, puisque le pape les a trahis en refusant les réformes par son bref du 21 avril. « Sont-ils à la France ? » Non, « ils ne sont qu’à eux, puisque […] eux seuls ont terrassé leur Ancien Régime » et qu’ils ont continué à se réunir en districts15

Figure 19. – Supplément aux droits des Avignonnais.

  • 16 L.-P. Dufourny, Des droits des Avignonnais…, op. cit., p. 3-4.
  • 17 Ibid.
  • 18 Ibid., p. 5.
  • 19 Ibid., p. 5-8.
  • 20 Ibid., p. 8.

7Dufourny apporte un élément très nouveau au débat. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est insuffisante : « Elle embrasse les droits de l’homme de la nature et ceux de l’homme entrant en société ; mais elle laisse à désirer le développement des bases des rapports légitimes entre les sociétés, de ces rapports moraux et non conventionnels16… » « Les nations ne peuvent exercer entre elles que les droits qu’elles ont reçu des individus. Les rapports entre les nations étant les mêmes que ceux entre les individus », il faut la compléter par une Déclaration du droit des nations17. Et au préalable et immédiatement, que la nation française fasse une déclaration à tous les peuples pour qu’ils s’engagent en faveur d’« une paix universelle et perpétuelle », et à ne pas déclarer la guerre sauf en cas de résistance à l’oppression18. Puis la nouvelle déclaration des nations n’émanerait pas, comme les traités, de « la ténébreuse diplomatique », c’est-à-dire d’une négociation secrète entre les gouvernants mais serait mûrie dans « l’opinion publique », rédigée par le comité de constitution, et enfin « consacrée par l’Assemblée nationale19 ». Toutes les nations, « considérées chacune comme des individus moraux », pourront alors « s’unir en une société universelle, sur la réciprocité des mêmes droits et devoirs qui existent entre les individus20 ».

  • 21 Ibid., p. 16.
  • 22 Ibid., p. 8.

8Dufourny suggère d’attendre (six mois) avant de se prononcer sur la réunion des deux États à la France, le temps que la France ait achevé sa constitution, pour que les populations des deux États sachent à quoi elles s’engagent, et le temps aussi que ces deux États se donnent eux-mêmes une constitution. En attendant, l’Assemblée nationale pourrait déclarer le territoire inviolable, supprimer les douanes et les barrières et accorder aux Avignonnais, si nécessaire, le soutien de forces militaires21 pour prévenir les troubles. Dufourny se préoccupe du déroulement des élections. Ce délai permettrait aussi de mieux connaître ce qui s’est passé en Avignon et dans le Comtat, les conditions de l’élection de la municipalité d’Avignon, pour être sûr que cette fois « le vœu (soit) émis sans violence, sans séduction, sans crainte », et par la totalité des citoyens, dans des assemblées bien constituées, sans diviser la population « en flattant les plus riches de participer aux grandes places de notre nation », en égarant « la multitude des habitants les plus pauvres » ou en dédaignant de la consulter22.

  • 23 Ibid., p. 11.
  • 24 Ibid., p. 10.
  • 25 Ibid., p. 14.

9Si Dufourny demande ce temps de réflexion, il donne d’emblée son propre avis. Il s’oppose à la réunion pour une raison très rousseauiste : il pense que les Avignonnais « ne seront jamais plus libres et plus heureux qu’en étant séparés23 ». « Réunis », ils partageraient nos avantages, mais devraient partager nos dettes, nos guerres et surtout nos lois qu’ils n’auraient pas délibérées, alors que « séparés », ils n’auraient pas les inconvénients d’une grande nation, n’auraient pas de représentants, mais délibéreraient individuellement24. Ce serait une démocratie directe en quelque sorte… Il recommande aux Français, qui le sont par leur seule volonté, de ne pas ranger sous leur seule dépendance « des peuples chez lesquels ils ne peuvent méconnaître les mêmes droits25 ».

  • 26 Ibid., p. 2-3.
  • 27 Ibid., p. 15.
  • 28 L.-P. Dufourny, Des droits des peuples, op. cit., ibid., p. 15-19 (les mots mis en italique par Du (...)

10Et Dufourny voit loin : il pense que « successivement toutes les nations de la terre » voyant les avantages que les français auront recueilli de leur nouvelle constitution26, se donneront une constitution. Là encore Dufourny attache de l’importance à la rencontre entre les hommes : pour y arriver, plutôt que de hâter la réunion d’Avignon et du Comtat à la France, il faut « hâter la véritable réunion des hommes ». D’autre part, si le rattachement est prononcé à la hâte, le risque serait de favoriser la même demande de la part des « Liégeois », des « Brabançons », « des pays enclavés dépendant des princes allemands » et ce serait donner alors « prétexte à des hostilités ». Il insiste : « Différez donc à décider du sort des autres peuples jusqu’à ce que votre Constitution soit […] vraiment digne d’envie27. » Il illustre son propos à partir de la fable « les animaux malades de la peste » de La Fontaine, « celui des auteurs qui mérite le mieux de passer à l’immortalité pour avoir chanté la justice et la liberté » : il assimile les Français « qui spéculent sur Avignon et le Comtat », à « des gloutons, et surtout des lions qui dévorent des moutons », et « les intrigants qui trompent les rois, ou plutôt les nations » à des « renards » qu’il méprise. Il conclut « avec la raison, la fable, et la vérité, selon que vous serez puissants ou misérables, vous serez ou actifs ou passifs, ou tyrans, ou esclaves, si vous n’invoquez la liberté selon les principes éternels des droits de l’homme et des Nations28 ».

  • 29 L.-P. Dufourny, Supplément à la défense des droits…, op. cit.
  • 30 Ibid., p. 1.
  • 31 A. Aulard, tome 1, 25 juin 1790.
  • 32 L.-P. Dufourny, Supplément…, op. cit., p. 1.
  • 33 Ibid., p. 1-2.
  • 34 Ibid., p. 5.
  • 35 Ibid.
  • 36 J.-J. Clere, « Le rattachement d’Avignon et du Comtat à la France : approche juridique (1789-1791) (...)
  • 37 L.-P. Dufourny, Supplément…, op. cit., p. 7.
  • 38 Ibid., p. 13-15.

11Dufourny ne manque pas d’audace, le supplément à son premier texte s’adresse « particulièrement aux députés, au rapporteur » et, précise-t-il, « à M. Robespierre29 » (qui s’est prononcé pour la réunion). Il en donne la raison : « Je persiste d’autant plus dans mon opinion que les grands principes et la cause des faibles sont plus abandonnés30. » Il dit « avoir entendu tout ce qui a été répondu ou allégué par les députés des Avignonnais ». Le texte est donc postérieur à la visite des Avignonnais, venus exposer, le 24 juin, leur demande devant les Jacobins, et qui ont été très applaudis avant d’intervenir à l’Assemblée nationale31. Pour Dufourny par contre, ils n’ont parlé qu’en « lâches négociateurs » dont « l’instinct envieux, mercantile ou fiscal ne conçoit que douanes, impôts, tarifs, barrières, préférences, privilèges32 ». Et Dufourny s’explique à propos de Robespierre : le considérant comme « un des plus zélés patriotes de l’Assemblée nationale », il doit donc le réfuter « avec d’autant plus de dévouement » qu’un tel homme peut en entraîner d’autres à sa suite à cause de la « confiance en son civisme » et de « l’éclat de ses talents33 ». Il s’étonne de voir « le défenseur des principes, le fidèle combattant pour la liberté, M. Robespierre, oublier un moment les droits inaliénables des nations pour plaider des convenances ou des prétendus motifs de politique34 », ne voyant dans l’enclave d’Avignon qu’une source de richesse. Il cite alors Franklin quand Dufourny l’interrogeait sur ses motivations politiques : « De la politique ! Croyez que je n’en ai d’autre que celle de me taire ; et que lorsque je parle, c’est toujours sincèrement35. » Franklin cité par Dufourny emploie ici le mot « politique » au sens péjoratif du terme. Plaider l’honnêteté de Franklin contre les convenances de Robespierre est osé ; Dufourny, rappelant ici ses liens avec Franklin, rend hommage à celui qui est décédé le 17 avril précédent, à Philadelphie, à 84 ans ; la nouvelle vient juste d’arriver à Paris à la mi-Juin. Dufourny dit encore être surpris que Robespierre ne l’ait ni soutenu ni combattu sur les principes qu’il a développés : l’abolition de tous les anciens titres par le nouveau pacte social, et la nécessité d’une déclaration des droits des nations. Pour les partisans du rattachement (Bouche, Menou, Robespierre…), il s’agit d’examiner les titres de propriété, plutôt que les principes généraux, que le droit des peuples36. Pour Dufouny, les titres de propriété (vente, succession, ou échange de territoire) « fruit du crime, de la ruse et de la violence » sont abolis. Le nouveau pacte social n’est plus le fruit du droit « atroce » des conquêtes, n’est pas « la propriété du sol », mais « la coopération libre à la Déclaration des droits de l’homme », comme celle de la nation française qui implique de gouverner par la « justice et non par la politique » (mot qui pour Dufourny signifie alors intrigue, conquête, « avidité nationale37 »). Sa réflexion au sujet du rattachement ne manque pas de pertinence : le pacte social vise « surtout à la plus entière conservation des Droits des infortunés, véritable objet de la protection sociale38 ». Alors seulement on pourra contempler un avenir dont rêve Dufourny, et qu’il croit possible :

  • 39 Ibid., p. 10.

« Le tableau ravissant de toutes les nations en paix ; de l’abolition de toutes les dettes nationales, de la réduction des armées, de la diminution des impôts, de l’accroissement de la population, de l’industrie, du soulagement des pauvres et de l’abolition entière des barrières. Ce grand tableau est commencé, le génie de la Constitution le terminera39. »

  • 40 R. Moulinas, op. cit., p. 64.
  • 41 L.-P. Dufourny, Du droit des peuples…, op. cit., p. 4-5.
  • 42 Ibid., p. 7.
  • 43 Ibid., p. 4.
  • 44 A. Aulard, op. cit., 29 avril 1791.

12Mais le débat s’arrête là. Le Pape avait adressé à toutes les puissances qui ont des représentants à Rome une protestation demandant leur aide pour amener à l’obéissance les deux États. L’Assemblée nationale vient de voter la constitution civile du clergé le 12 juillet, et le pape n’a pas été sollicité. La prise de position sur le rattachement d’Avignon est différée non pour les raisons invoquées par Dufourny, mais par peur des réactions du Pape et des oppositions que cela a suscitées en France et dans les pays voisins40. Le débat reprend l’année suivante. Dufourny réagit encore et publie un texte le 26 avril 1791 : Les Droits des peuples défendus contre la politique et les titres odieux des antiques oppresseurs, ou la liberté réclamée pour les Avignonnais et les Comtadins par devant l’Assemblée nationale. Il raconte que pour la troisième fois, il n’a pas été toléré aux Jacobins, que ces mémoires précédents ont été l’objet de « dédain puéril », que l’opinion publique s’est prononcée pour le rattachement, mais pour lui, elle s’est laissée entraîner « par des alarmes exagérées par des circonstances difficiles ». Malgré tout, il persévère à vouloir que les jacobins changent d’avis, parce qu’il estime ces principes « inattaquables41 », et reprend les mêmes arguments que dans les textes précédents42. Il tient à préciser qu’en refusant le rattachement, il ne prend pas parti pour les aristocrates et « leurs droits imaginaires », qu’il « méprise également, les titres du Pape, ceux des comtes de Provence, des rois de France et des autres détenteurs de ces territoires43 », qu’il ne défend point seulement la cause des Avignonnais ni celle des Comtadins, mais le droit des peuples. Une armée avignonnaise sévissant dans le Comtat, la guerre civile menaçant les états du pape et les pays voisins, les Jacobins tiennent une séance extraordinaire le 29 avril, au cours de laquelle Dufourny « a longuement parlé sur l’affaire d’Avignon et fait jeûner les Jacobins après ce morceau qu’ils convoitaient si ardemment » est-il écrit dans le procès-verbal44.

  • 45 R. Moulinas, op. cit., p. 64.
  • 46 L.-P. Dufourny, Du droit des peuples…, op. cit., p. 14.

13La réunion des deux États à la France sera entérinée le 14 septembre 1791, après l’envoi de médiateurs, et un référendum où seuls les citoyens actifs furent convoqués45. C’est ce que craignait Dufourny, qui écrivait que les Avignonnais « peuvent et doivent abolir la distinction des citoyens actifs ». « Ils ne l’ont pas fait » ; « il est donc évident que ceux qui livrent leur patrie sous le titre de citoyens actifs, sont des intrigants ou des riches, qui vendent les droits du pauvre ». Il s’indigne : « comme Français, pourrions-nous sceller un aussi infâme contrat » ! « le pacte social français n’est pas encore achevé, les Avignonnais n’en connaissent pas toutes les clauses, ils ne les ont pas lues, discutées46 ».

14Dufourny était-il un précurseur, en préconisant le Droit des nations ? Il reste en tout cas cohérent dans sa pensée dans un autre texte présenté aux Jacobins à propos d’un tout autre domaine : les assignats.

Les assignats, une question d’intérêt général

15La crise financière est à l’origine de la convocation des États Généraux, et pourtant l’Assemblée nationale tarde à organiser le système des contributions, les impôts anciens ne rentrent plus et les nouveaux pas encore. La vente des biens du clergé nationalisés en 1789 allait prendre du temps. Les assignats pouvaient permettre d’anticiper sur ces ventes. Une première émission, en décembre 1789, de coupures de 1000 livres portant intérêt à 5 %, était par nature réservée aux classes aisées. Au début de l’année 1790, le manque de numéraire avait mis la population dans une situation alarmante.

Figure 20. – Des assignats…

  • 47 S. Lacroix, Actes de la Commune de Paris pendant la Révolution, 1894-1955, Collection de documents (...)
  • 48 Rapport sur les assignats-monnaie fait à la section des Thermes de Julien le 8 septembre 1790, 12  (...)
  • 49 L.-P. Dufourny, Des assignats, De leur transmission par virement, De la circulation des petits ass (...)
  • 50 Ibid., p. 30-31.
  • 51 Ibid., p. 2.

16Les districts avaient réagi et celui des Mathurins était en tête de la protestation, suivi de celui des Cordeliers et de celui de Notre-Dame47. Après la disparition des districts en juillet 1790, et la mise en place des sections, celles-ci avaient été consultées sur les Assignats-Monnaie48. Des décrets avaient modifié la nature des assignats. Mais cela n’a pas suffi et en septembre 1790, la crise est grave. Necker a démissionné le 3 et quitté la France. Dufourny s’adresse aux Jacobins49, trois jours avant le décret du 29 septembre 1790 qui transforme l’assignat en papier monnaie, le temps pour les Jacobins de travailler. Il dit avoir suivi la question de près, ce qui n’est pas étonnant, puisque effectivement, la question est débattue dès 1789 dans son district et ensuite dans sa section. Il leur demande d’être indulgents pour les erreurs que son exposé pourrait contenir, mais estime de son devoir de citoyen de contribuer à l’intérêt général en soumettant sa réflexion50. Il se sent même pressé de le faire, surpris que personne n’ait fait la proposition simple qu’il a en tête51.

  • 52 Ibid.
  • 53 Ibid., p. 3.
  • 54 Ibid.
  • 55 M. Bruguière, « Assignats », in Furet,Ozouf, op. cit., p. 60.
  • 56 L.-P. Dufourny, op. cit., p. 3-4.
  • 57 H.-P. Boulard, « Assignats », journal La Croix, 29 septembre 1988.

17Si les assignats eurent des adversaires virulents comme l’abbé Maury, qui avait brandi à la tribune de vieux billets de la banqueroute de Law en 1720, Dufourny lui, affirme son accord avec emphase : « le génie patriotique a fourni la grande idée des assignats52 ». Certains ont demandé s’il n’y avait pas d’autres moyens. Dufourny répond qu’il existe beaucoup de combinaisons en matière de finance qu’il dénonce, sans mâcher ses mots, comme « perfides » : ce sont « mille tours de gibecières, mille moyens de différer le bien public, de proroger les abus, de créer […] les fortunes les plus scandaleuses53 ». Ces moyens existaient déjà, et, « plus ils étaient compliqués, plus il fallait être initié dans les mystères de la rue Vivienne » (du ministère) pour en bénéficier, au lieu d’être « à la portée d’un grand nombre de citoyens54 ». C’est ce que confirme M. Bruguière : « Depuis le règne de Louis XIV, les milieux financiers de Paris et des grandes villes étaient habitués aux prescriptions des receveurs généraux ou aux billets de la Ferme, gagés sur les recettes fiscales à venir et circulant comme papier-monnaie entre initiés55. » Selon Dufourny, pour sortir de cet imbroglio, le comité des finances a fait surgir le système « ingénieux, loyal et simple » des assignats destinés à produire trois effets : payer la dette, permettre l’acquisition des biens nationaux, favoriser « la circulation56 » de la monnaie. Dupont de Nemours pensait que « le papier-monnaie se déprécierait et ferait monter les prix en pénalisant les plus pauvres, alors que d’habiles spéculateurs sauraient utiliser des assignats pour acheter des biens nationaux à bas prix57 ». C’est aussi la crainte de Dufourny (dès novembre 1789). Cette fois, s’il met en avant ce risque là, il décrit les précautions à prendre, et fait des propositions.

  • 58 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 29.
  • 59 Ibid.
  • 60 Rapport sur les assignats-monnaie fait à la section des Thermes de Julien le 8 septembre 1790, op. (...)
  • 61 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 13.

18Établir par exemple des coupures de « 200 livres jusqu’à 25 livres, selon le désir du créancier58 », pour permettre de satisfaire aussi bien les « manufacturiers » que les « ouvriers et les citoyens, qui, faute de numéraire ne peuvent trouver ni de l’ouvrage, ni recevoir ou payer les salaires, ni acquitter les petites sommes nécessaires pour les besoins de la vie59 ». Si la valeur des biens nationaux fluctue, la valeur des assignats fluctuera aussi, et donc le pouvoir d’achat. Il faut donc que la valeur des assignats soit « invariable », c’est-à-dire que la transmission des assignats se fasse « au pair » (égalité entre le cours nominal d’une valeur mobilière et son cours boursier). Agir ainsi pour Dufourny, c’est un « des puissants moyens » de maintenir la Constitution, c’est-à-dire ce pacte social qui lie les citoyens entre eux par « le serment civique ». Alors que le rapport de la section de Dufourny, la section des Thermes de Julien, annonce que l’Assemblée nationale voulait établir l’assignat « seconde manière », à cours forcé, sans intérêt gagé sur les biens nationaux60, Dufourny insiste : les assignats « ne doivent être soldés qu’en biens nationaux ou en espèces, éléments indispensables pour créer la confiance, sans laquelle il n’y a pas de consommation et donc de retour du commerce61 ».

19Dufourny dénonce le danger de trop multiplier la circulation de sommes extravagantes et de perdre l’étalon de référence, et par conséquent, le risque que « l’égoïsme ou la manie des joueurs en finance » et l’irresponsabilité, prennent le pas sur l’intérêt général. Il distingue deux sortes de circulation. « L’une utile, nécessaire, productive, légitime », parce qu’elle sert au paiement de salaires, au transport, ou aux avances faites aux négociants ou fabricants, et parmi eux en premier les cultivateurs. L’autre « vaine, superflue, stérile et dangereuse » :

  • 62 Ibid., p. 9-10.
  • 63 Ibid., p. 14.

« Celle qui se fait, entre tous les intermédiaires, depuis le fabricant jusqu’au consommateur, lorsqu’ils prennent des bénéfices sans avoir avancé les fonds primitifs, sans avoir ajouté quelques mains-d’œuvre, sans avoir facilité le transport, ou sans avoir accéléré le payement,[…] parasites qui surchargent le consommateur et surtout le pauvre […], qui exercent une espèce de monopole sur les marchandises, un agiotage honteux sur les fonds62, [vivent] de leur monopole et de la misère d’autrui, ne sont ni citoyens, ni français, mais des vautours63. »

  • 64 Ibid.
  • 65 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 12-13.

20Est-il visionnaire quand il dit : « le commerce de papiers, cette transmission rapide d’un possesseur à l’autre, sans aucun motif que le besoin du premier et l’avidité du second, est non seulement chose vaine pour l’État, mais funeste aux citoyens et surtout aux plus pauvres64 » ? Il reproche aux Intendants, inspecteurs et conseillers d’avoir prétendu favoriser le commerce alors qu’ils protégeaient des individus, accordaient « des privilèges exclusifs », « des récompenses ». Pour lui, « le commerce est uniquement fondé sur la consommation et non sur la fabrication », il faut donc rétablir la liberté du commerce et la confiance. Le marchand « qui ne voit encore que l’horizon de sa boutique » est donc « appelé comme les autres citoyens » à se préoccuper de l’intérêt général, à défendre les intérêts de tous jusqu’à la base, c’est à dire ceux des « plus pauvres », qui sont proportionnellement les plus dépouillés, par les impôts directs65.

  • 66 M. Bruguière, op. cit., p. 61.
  • 67 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 20.
  • 68 Ibid., p. 27.

21Les inquiétudes sur le prolongement de la Révolution favorisaient les spéculations monétaires en tous genres66. Il faut donc, d’après Dufourny, redonner confiance au consommateur, par l’achèvement de la constitution, la vente des biens nationaux, l’ordre public, la solidité de sa créance, la modération des impôts, « par la cessation de la dette exigible », en évitant toute circulation superflue, toute « intermédiation », tout agiotage, toute hausse ou baisse de l’assignat ou de la denrée (car c’est la même chose). Il suggère que l’Assemblée nationale décrète le remboursement par virement, et prend l’exemple de négociants à Lyon qui le pratiquent. L’État aurait un livre de compte, chaque porteur aurait un compte au pair, sans frais, pour éviter les intermédiaires67. L’Assemblée devrait opérer la vente des biens nationaux rapidement, proposée par affiches, sous un mois, par les municipalités ou directoires68.

  • 69 C’est-à dire de la monnaie sonnante et trébuchante, mais une petite monnaie divisionnaire.
  • 70 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 17-18.
  • 71 En 1791, des pièces de monnaie furent effectivement fabriquées avec les cloches.
  • 72 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 18-19.

22Dufourny a développé les arguments ci-dessus à partir de son expérience de marchand et en citoyen inquiet du sort des plus pauvres. On retrouve aussi dans ce texte, l’ingénieur, l’artiste et le musicien, quand il expose son opinion sur la fonte des cloches pour créer de la monnaie-billion69. Il y voit « l’extinction d’un très bel art » et « d’une jouissance » par le son dont il relève « l’harmonie » et « la majesté ». Les cloches sont aussi une consolation pour l’homme « inquiet » ou « solitaire70 » et il se réfère à J.-J. Rousseau et à Young, qui sans doute auraient été sensibles à ces arguments. Et si leur destruction est décrétée, il demande que ne soient détruites que les mauvaises cloches et pour en décider, qu’on fasse appel à des « commissaires d’une oreille sûre et instruits de la théorie campanaire et de l’art du fondeur71 ». Il y voit aussi « une contradiction avec le projet d’exploiter les mines de cuivre » qui pourrait servir à la fabrication de la monnaie, et pour cela, il demande encore au préalable l’organisation d’un concours pour perfectionner la séparation de l’étain du cuivre72.

  • 73 Mais, comme le souligne Manuele Albertone, (« Une histoire oubliée, les assignats dans l’historiog (...)

23L’assignat jouera son rôle avec la vente des biens nationaux qui commence en novembre 1790, mais comme le souligne M. Bruguière, « l’argument majeur en faveur du papier-monnaie, celui qui se joue sur la solidarité ontologique entre la nation et son État » s’effondra, suite à une crise de confiance, ce qui ne fut pas sans conséquences graves sur la suite de la Révolution73.

Le droit de s’assembler et de s’instruire

Le développement des sociétés populaires

  • 74 I. Bourdin, Les Sociétés populaires à Paris pendant la Révolution, Paris, Librairie du Recueil Sir (...)

24« L’ivresse de la liberté avait développé l’extrême goût de la parole74. » Depuis longtemps des groupes se formaient à tout propos sur les terrasses des Tuileries ou au Palais Royal, dans les cafés… Cette liberté donne aux assemblées politiques des districts à l’Assemblée nationale, toute leur vigueur, suscite, quand cette expression s’est vue limitée dans les assemblées locales, la création de sociétés et de clubs, et le désir pour certains que cette liberté ne soit pas réservée à des privilégiés.

  • 75 Lebois, auteur d’une brochure de septembre 1789, très touchante, Récit exact de ce qui s’est passé (...)

25Lebois, qui sera connu comme membre du club des Cordeliers, proche des pauvres75, avec d’autres membres de sa section (celle du Luxembourg), avait fait passer une résolution, le 15 décembre 1789, dans le sens du projet de comités fraternels exposé par Dufourny le mois précédent. Il parle, lui, d’« amitié fraternelle », propose que la Commune établisse des « assemblées gratuites d’instruction pour le peuple » dans chaque section de Paris, avec l’intention claire de donner une voix aux citoyens passifs dans les affaires de la cité, et avec des arguments similaires à ceux de Dufourny :

  • 76 S. Lacroix, op. cit., 2de série, t. 3, p. 54.

« Considérant que le droit sacré d’un peuple libre est de pouvoir se rassembler paisiblement pour se nourrir d’idées utiles ; que cette réunion des citoyens, sans aucune distinction d’actifs et non actifs, est infiniment avantageuse pour nourrir cette amitié fraternelle qui fait la véritable force d’un État […] surtout indispensable à un peuple qui chaque année doit élire ses agents […] le premier de ses droits est d’être instruit76. »

  • 77 R. Monnier, « Paris au printemps 1791. Les sociétés fraternelles et le problème de la souveraineté (...)
  • 78 « La chronique de Paris » : 21 novembre 1790.
  • 79 A. Mathiez, Le club des Cordeliers pendant la crise de Varennes et le massacre du Champ-de-Mars, P (...)
  • 80 « Révolutions de France et de Brabant » 14 février 1791 : S. Lacroix, op. cit., tome 3, 2e série, (...)
  • 81 La Société des vainqueurs de la Bastille, la Société fraternelle des amis des droits de l’homme de (...)

26La création des sociétés populaires va effectivement permettre à des citoyens, même dits « passifs », de se réunir. Malgré « la dispersion et la rareté des papiers des sociétés » soulignées par R. Monnier, la presse et les brochures imprimées permettent d’établir le rôle important qu’elles jouent dans le développement d’une « culture démocratique77 ». La première, « la société fraternelle patriote de l’un et l’autre sexes » lancée le 2 février 1790 par le maître de pension Dansard (du district de Dufourny), rassemblait « tous les soirs dans une salle des Jacobins rue Saint-Honoré, plusieurs artisans et les marchands de fruits et légumes avec leurs femmes et leurs enfants […] pour leur lire et interpréter les décrets de l’Assemblée nationale78 ». En 1791, Dansard, considéré comme trop modéré et trop autoritaire, n’est plus président79, les membres de la société prennent des initiatives. Les femmes et filles de la société fraternelle « font le serment d’apprendre à lire à leurs enfants dans la Déclaration des droits80 ». L’été 1790, les districts ayant perdu leur caractère permanent et les assemblées générales des sections devant être convoquées à la demande de 50 citoyens actifs, pour pallier les difficultés de réunion, des sociétés souvent liées à leur section se développent rive gauche : « le club civique du Théâtre français » et « la Société des Thermes de Julien » qui siège rue des Mathurins, près du siège de la section. Le réseau s’étend : ces sociétés se développent dans les quartiers plus populaires. Les contributions sont minimes, les « passifs » y sont admis et très souvent aussi les femmes. Depuis début janvier 1791, des sociétés fondées ont toutes une affinité avec les Cordeliers81.

  • 82 Adresse de la Société des indigents amis de la Constitution, lue à la tribune des Jacobins le merc (...)
  • 83 Adresse de la Société des Indigents amis de la Constitution à Robespierre, 4 p. Lb40/2398.

27Une Adresse du 30 mars 1791 lue aux Jacobins, imprimée et envoyée à toutes les sociétés affiliées, annonce la création d’une société dite des Indigents Amis de la constitution, demandant l’affiliation82. Elle commence par demander la charité aux Jacobins avec cette précision : parce que « vous seuls savez la faire ». Il ne s’agit pas de leur donner seulement les moyens de vivre, mais aussi les moyens de prendre leur destin en main : « en entrant dans ce sanctuaire que le patriotisme éclaire, tous nos cœurs sont remplis d’espoirs. QUAND FINIRA NOTRE MISERE » ? (majuscules dans le texte). Puis viennent des considérations plus politiques : « chez les nations esclaves, LE PAUVRE gagne son pain en silence et courbe humblement la tête ; chez les nations libres, il apprend en naissant qu’il est membre du souverain, il use de son droit, et vit fier de son indigence », mais pour qu’ils apprennent à connaître cette liberté et qu’ils n’en n’abusent pas, il faut disent-ils les instruire. Ils tiennent à faire remarquer qu’ils représentent « l’indigence honnête » : « des journaliers, des vieillards, des pères de famille dont le travail forcé suffit à peine aux premiers besoins », et non pas « ces fainéants de profession pour qui MENDIER est un métier ». Depuis le commencement de l’année, chaque soir, quelques personnes se chargent de les instruire « en les délassant des fatigues du jour ». S’ils lisent les décrets de l’Assemblée nationale, les écrits patriotiques, en discutent, ils donnent leur avis en y joignant « les réflexions que dicte le bon sens ». Mais ils se sentent violemment critiqués : « on nous a appelés scélérats, conspirateurs, assassins […]. Le but de nos ennemis en nous dénonçant à la vindicte publique, était de nous effrayer et de dissoudre nos assemblées83 ».

  • 84 A. Gueslin, L’invention de l’économie sociale, LeXIXe siècle français, Économica, 1987. A. Gueslin(...)
  • 85 B. Gibaud, Révolution et droit d’association. Au conflit de deux libertés, Paris, Mutualité frança (...)
  • 86 A. Matthiez, op. cit., p. 22.
  • 87 I. Bourdin, op. cit., p. 43.

28Il se forme aussi, pendant ces années 1790-1791, des sociétés à caractère professionnel, dites « sociétés fraternelles » ou « sociétés d’unions fraternelles », qui rappellent les confréries mais surtout les compagnonnages et annoncent, dans une certaine limite, les sociétés de secours mutuel et les syndicats ouvriers84. Les compagnons serruriers ont formé une société qui se réunit les dimanches soirs, « tant pour s’instruire des décrets de l’Assemblée nationale que pour procurer des secours à ceux d’entre eux qui se trouvaient malades ou sans occupations85 ». Pour Matthiez, « ces universités populaires avant la lettre ne tardèrent pas à devenir des clubs délibérant et ambitieux86 ». En réalité, elles délibèrent au nom du peuple souverain, jouent le rôle des assemblées dont beaucoup étaient exclus. Elles sont reliées aux sections et entre elles : leurs séances sont souvent interrompues par les commissaires de la section ou d’autres sociétés87. On peut penser que l’influence de Dufourny a pu compter dans cette évolution, en particulier son Invitation à former des comités fraternels de novembre 1789 qui prévoyait aussi une représentation au niveau du travail.

  • 88 Ibid., p. 81.
  • 89 Le 1er février 1791 le club des Amis de la Constitution monarchique, présidé par Clermont Tonnerre (...)
  • 90 BN, NAF 2671, fol. 264.
  • 91 I. Bourdin, op. cit., p. 147.
  • 92 Ibid., p. 51-52.
  • 93 Ibid.
  • 94 « Des pauvres et des riches » in Les Révolutions de Paris, t. VII, p. 169, nolxxxii du 29/1 au 5/2 (...)

29Toutes les sociétés n’ont pas les mêmes intentions à l’égard des passifs. Si la Société patriotique de la section de la Bibliothèque « admet des citoyens passifs et étrangers », six citoyens actifs devaient se porter garants « de leur possibilité, de leurs mœurs et de leur conduite88 ». Apparaissent aussi des Sociétés monarchiques non ouvertes aux passifs, pratiquant « la bienfaisance89 ». La hantise de la contre révolution provoque alors des phénomènes d’exclusion : le 17 février, la section de Dufourny, les Thermes de Julien, décide que tout citoyen membre d’un club monarchique demeure suspendu des emplois, tant civils que militaires90. La « Société patriotique et de bienfaisance des citoyennes Amies de la Vérité » fondée par Etta Palm, propose puisque les femmes ne peuvent participer à la vie politique, que des clubs de femmes soient créés dans chaque section de la capitale et invite les sections à nommer chacune deux dames « pour secourir et élever des petites filles nées de parents indigents en leur donnant une éducation qui les rendrait capables de gagner leur vie ». Cette proposition n’eut pas beaucoup de succès91. Un article des Révolutions de Paris du 15 janvier 1791 décrit l’état d’esprit bien prégnant : comme l’exclusion des droits politiques a pour cause la pauvreté, que la pauvreté a partie liée avec le fait d’être illettré, c’est l’instruction qui permettra d’acquérir des Lumières, de devenir propriétaire et donc citoyens actifs. L’auteur recommande la création de sociétés peu nombreuses pour lire « au petit peuple les décrets92 ». Paradoxalement, est reconnue une forme de pouvoir politique au petit peuple, le pouvoir de faire peur, appelé ici terreur, qui aurait été positif à un certain moment (le 14 juillet ?) mais dont il devrait se contenter, et attendre d’être instruit pour accéder à la citoyenneté active : « que les indigents se contentent d’avoir inspiré un moment la terreur à la classe opulente. Ils deviendront propriétaires un jour93 ». Les indigents eux-mêmes sont avertis en style direct : « pour l’être, il vous faut acquérir des Lumières que vous n’avez pas. C’est au flambeau de l’instruction à vous guider dans ce droit sentier qui tient le milieu entre vos droits et vos devoirs94 ». L’instruction serait-elle un moyen de moraliser le petit peuple pour qu’il trouve le droit chemin entre ses droits et devoirs, ou un moyen, comme pour tout citoyen, de pouvoir s’exprimer, partager son savoir, élaborer une pensée, jouir de ses droits et exercer ses responsabilités ?

  • 95 Cf. A. Matthiez, op. cit., p. 13.
  • 96 L.-P. Dufourny, Le gâteau des Rois, op. cit.
  • 97 L.-P. Dufourny, Invitation à tous les citoyens assemblés en sections à manifester leur reconnaissa (...)

30Dans sa proposition de « Comités fraternels », Dufourny cherchait à permettre non seulement aux infortunés de s’instruire et d’être secourus, mais aussi d’être écoutés pour être mieux défendus dans leurs droits et apporter leur contribution à la société, et que cesse l’exclusion (des assemblées primaires) qui ne peut être inscrite dans la constitution. Dans L’Ami du Peuple du 7 février 1791, Marat avait demandé aux « bons patriotes » des sections, qui ne sont pas encore formés en clubs, de ne pas différer d’un instant, « afin de réunir leurs efforts pour sauver la patrie ». Comme Lebois, il demande que les sections les associent à leurs délibérations : « c’est à ces clubs, que chaque section de la capitale doit adresser ses arrêtés en même temps qu’elle les envoie aux comités des autres sections, (ils y seront discutés) et les membres des clubs porteront dans leurs assemblées respectives de sections […] un jugement réfléchi95 ». C’est précisément ce que fait Dufourny : dès janvier 1791, il s’adresse aux Français « sous tous rapports » et aux « assemblées civiques », c’est-à-dire, pas seulement aux sections, mais à toutes les assemblées, y compris les sociétés populaires dont il ne prononce pas encore le nom96. Peu après, il s’adresse aux sections et aux « sociétés des pauvres et des ouvriers97 ».

31Depuis quelques mois, Dufourny appartient à une société aux visées démocratiques dans le domaine des Arts (au sens d’arts et métiers).

La Commune des Arts

  • 98 S. Lacroix, op. cit., 2e série, tome IV, 19 décembre 1789, p. 640.
  • 99 Avec Restout, peintre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, le président, et Turcaty l (...)

32On se souvient des difficultés de Dufourny avant 1789, pour se lancer dans un projet scientifique ou artistique, notamment à cause de la nécessité d’obtenir l’aval de l’Académie des Sciences, ou de l’Académie des Arts, ou d’un ministre. La Révolution va être l’occasion pour lui, avec d’autres au sein d’une société « la Commune des Arts », de faire évoluer ce processus. Cette Société sera loin d’être négligeable, si l’on considère le nombre de ses membres, la fréquence de ses réunions (elle rassemblera 300 membres, siégera trois fois par semaine rue Hautefeuille) et la réputation des artistes qui en font partie, comme David, l’un des fondateurs98. Le 28 juin 1790, suite à un mouvement de protestation en faveur des réformes au sein même des académies, Dufourny fait partie de la délégation de la Commune des Arts qui se rend à l’Assemblée nationale présenter d’une part leur société, une « Société libre d’artistes », ouverte à tous les artistes ayant des talents connus et d’autre part, une pétition au nom de cette société99.

  • 100 Pétition, op. cit., p. 5.
  • 101 Ibid.
  • 102 Ibid., p. 6.
  • 103 Cf. supra, chapitre 1.

33Considérant que les « artistes » appartiennent à la nation, comme fonctionnaires, ils doivent être élus par leurs concitoyens ; les projets concernant les sciences et les arts doivent être soumis à des concours pour que les « artistes » puissent être mis en concurrence et ainsi exposer des idées, des découvertes utiles. Alors que les académies qui décident, à ce moment-là, de l’acceptation des projets, ont « des statuts pleinement aristocratiques […] opposés à tous les principes Constitutionnels100 ». Dans cette « noblesse académique » est incluse l’Académie des sciences. La société demande aussi une réorganisation de l’enseignement parce que « l’organisation actuelle des Écoles, loin de produire l’émulation, la détruit ». Elle reproche à l’École des ponts et chaussées un enseignement trop technique et trop spécialisé : « beaucoup de sujets effrayés de l’étendue des études qu’exige l’architecture et de la lenteur de ses succès se jettent dans le genre inférieur des Ponts et Chaussées101 ». La société refuse l’exclusivité des travaux accordée au corps des Ponts et Chaussées notamment dans le domaine qu’il avait monopolisé, les routes, les canaux, et suggère d’en faire un service réellement public dépendant des départements, associant liberté et émulation102. Elle se propose de faire l’inventaire et le bilan de toutes les organisations relevant des Arts (« Académies, Écoles, Édifices publics, Bâtiments, ceux même du roi »). Elle pourra traiter aussi de l’inviolabilité de la propriété des Inventeurs, sujet défendu par Dufourny quand il s’était senti lui-même victime103.

Figure 21. – Pétition motivée de la Commune des Arts.

  • 104 Ibid., p. 1.
  • 105 Ibid., p. 4-9.

34« Au nom du génie universel, l’immortelle Déclaration en main », par cette pétition, les membres de la Commune des Arts viennent « réclamer des droits plus sacrés et plus imprescriptibles peut-être encore, les Droits du Génie104 ». C’est le droit de créer, considéré aussi comme un droit naturel, qu’ils voient étouffé, découragé par le privilège accordé au Corps des Ponts et Chaussées105. La volonté d’exprimer l’élan patriotique dans l’art, et l’art de la rhétorique se conjuguent dans cette envolée lyrique :

  • 106 Ibid., p. 13.

« Le génie des Arts […] ne décorera que les vertus, il dirigera les sentiments dans les fêtes patriotiques, les imprimera dans les monuments et si d’une main hardie, il trace encore des combats, des trophées et des victoires, ce ne sera qu’au milieu des éclairs, de l’horreur et de l’effroi, tandis que de l’autre main avec les ciseaux des Grecs, les crayons de Raphaël, et les pinceaux de Rubens, il ne tracera que les charmes de la fraternité, les guirlandes de l’union et la seule marche de la paix106. »

  • 107 Restout, président, Lefebvre, Chardin, David, Dupré, Roger, Lesueur, Lépine, Petit, Bruandet, Thié (...)
  • 108 S. Lacroix, op. cit., 2e série, tome IV, p. 621.

35On reconnaîtra cette empreinte dans les fêtes qui seront conçues par David. Dufourny et douze autres107 renouvelleront cette pétition à l’Assemblée nationale, le 12 mars 1791108. En ce début d’année 1791, Dufourny est préoccupé par l’élaboration de la constitution.

Le gâteau des rois et la part du pauvre

  • 109 L.-P. Dufourny, Le gâteau des rois. Citoyens ! voici la fête de la famille. Où est la part du pauv (...)
  • 110 Ibid., p. 7.

36Le 3 janvier 1791, il profite de l’occasion de la fête des Rois (le jour de L’Épiphanie pour les chrétiens) et de cette période de l’année où il est de coutume de s’échanger des vœux pour publier un texte de huit pages, Le gâteau des rois, dont le sous-titre vise à interpeller : Citoyens ! voici la fête de la famille. Où est la part du pauvre ?, texte dont le premier titre était Lettre au sujet de la Constitution109, le gâteau symbolisant la constitution. Dufourny fait une très courte allusion à la constitution civile du clergé, votée par l’assemblée le 14 juillet 1790. Alors que l’obligation du serment et les élections pour les prêtres commencent à diviser les français, son but est de dire que si les municipalités ont rendu un « culte à la constitution » et lui ont « consacré des prêtres110 », celle-ci n’est pas encore achevée. Dufourny saisit l’occasion de cette fête des Rois, pour faire campagne pour une constitution sans exclusion des plus pauvres, c’est-à-dire pour la reconnaissance des droits politiques à tous les citoyens, en d’autres termes pour le droit de s’exprimer et de s’assembler avec les autres citoyens dans les assemblées générales. En ce début d’année il espère que ce sera le vœu de tous les Français.

  • 111 Ibid., p. 1-2.
  • 112 À la table frugale, écrit Dufourny, « l’hôte parut un Dieu, le pauvre parut un Ange, car c’est ain (...)
  • 113 L.-P. Dufourny, Le gâteau des rois…, op. cit., p. 3.

37Dufourny commence par présenter le principe d’une constitution comme un retour de « l’âge d’or », ce thème cher aux auteurs de l’Antiquité, particulièrement à Ovide, et repris au XVIIIe siècle. « Vous fondez une Constitution qui rétablira dans l’homme la candeur dont il brillait dans les premiers âges du monde », cet « âge d’or » dont l’homme a joui « tant que son bonheur n’était fondé que sur l’amour mutuel » et tant qu’il n’était pas « empoisonné » par « l’ardeur de posséder ». Alors, « la terre et toutes ses productions, livrées abondamment à tous », appartenaient à tous, « égaux en droits », et les hommes se comportèrent ainsi longtemps comme « de véritables frères […] l’infortune d’un des membres déchirait tous les autres, et faisait sentir que le plus puissant des instincts, comme le plus pressant des besoins, est de défendre le faible, l’infirme et l’indigent111 ». C’est ainsi, d’après Dufourny, qu’est né et s’est transmis l’usage du gâteau des rois et l’hospitalité envers les pauvres112, que « les âmes sensibles ne peuvent se réjouir tant que leur conscience leur présente l’image de l’indigence en pleurs, entourée d’une foule d’enfants affamés113 ».

Figure 22. – Le gâteau des rois.

  • 114 Ibid., p. 4.
  • 115 L.-S. Mercier, Le tableau de Paris…, op. cit., p. 298.
  • 116 Chronique de la Révolution, op. cit., 5 janvier 1789.
  • 117 L.-P. Dufourny, Le gâteau des rois…, op. cit., p. 5.
  • 118 « Le petit enfant s’écrit en tressaillant : papa, voilà les Anges que Dieu nous envoie, et le peti (...)

38Ce jour-là apparemment, à l’époque de Dufourny, était chanté à la porte des maisons un petit couplet que Dufourny qualifie d’« aussi touchant que naïf », – Bonnes gens qu’êtes en ce lieu, Donnes-nous la part à Dieu114 –, pour avoir droit à la part de gâteau des rois, réellement réservée au pauvre qui reçoit alors l’hospitalité. D’après Louis Sébastien Mercier, cette fête est une des trois fêtes importantes pour le « peuple », avec la Saint-Martin et Mardi-Gras. Le gâteau des Rois est effectivement distribué aux pauvres115. Le 5 janvier 1789, à Caen, « la suppression de la distribution aux pauvres du gâteau des Rois provoque une émeute violente116 ». Cela peut paraître curieux que Dufourny exhorte à ne pas supprimer cette fête qui peut sembler désuète, lui qui s’indignait devant ce qui relevait de la bienfaisance. Il voit en fait cette fête au sein des familles, comme permettant de transmettre le souci de la rencontre et de l’amour des pauvres de génération en génération. « Citoyens, tour à tour, benjamins et patriarches, vous êtes dépositaires de cet usage religieux, transmettez le fidèlement à la postérité. » Mais il ajoute une autre dimension à la fête. « Ne vous contentez pas de renfermer dans le sein de vos familles ces actes fraternels et de n’y consacrer qu’un jour de l’année117. » Dufourny décrit cette coutume à sa manière118 et met un point d’orgue à sa comparaison, quand se réalise le partage égal d’un gâteau : « ce n’est qu’alors que la Constitution est consommée par la sanction du pauvre » par « l’établissement d’une Constitution fondée sur l’égalité des droits ». C’est sur cette rencontre avec les pauvres et ce partage que se jugera la constitution et qu’elle sera l’honneur des citoyens.

  • 119 L.-P. Dufourny, Le gâteau des rois…, op. cit., p. 7.

39Il désire ardemment, qu’appuyé par la Société des amis de la constitution, son vœu franchisse tous les échelons de la représentation, au niveau des « citoyens », des « Municipalités », de l’Assemblée nationale. Comme le mot citoyen est ambigu, il précise qu’il s’adresse aussi aux « Français sous tous les rapports119 » pour souligner qu’il s’adresse aussi aux citoyens passifs. « Compatriotes […] je vous invite et je vous somme […] de l’exposer [l’égalité fraternelle] dans vos assemblées civiques [terme pouvant englober les sections comme les sociétés populaires], de la sanctionner par une délibération patriotique ; de l’élever au caractère de vœu général de la commune, et par ce puissant exemple à celui de Convention nationale. »

  • 120 Ibid., p. 5.

40Il compte sur les Jacobins pour répercuter dans toute la France, par le moyen des sociétés affiliées, son vœu qui, il n’en doute pas, sera devenu celui de toutes les sections. « Pour vous Amis de la Constitution qui ramènera l’égalité fraternelle, secondez dans toute la France et mon vœu et la résolution magnanime que vont prendre mes concitoyens120. »

  • 121 Ibid., p. 5.
  • 122 Ibid., p. 7.

41Ce partage du gâteau symbolise aussi des partages d’ordre financier : Dufourny propose de rétablir un ancien usage, comme cela se fait dans plusieurs villes (par exemple à Lyon), celui de prélever une somme sur chaque acte notarié, une sorte de taxe pour les pauvres. Elle serait perçue « librement » sur chaque acte « soit d’acquisition, soit de bail, soit de manufactures et de société de commerce, soit de mariage ou toutes autres […] afin qu’il n’y ait pas un marché dans lequel l’indigent, copropriétaire, ne soit compris121 ». Il pense le moment particulièrement opportun, étant donné le nombre important d’actes notariés dus à la vente des biens nationaux, ce qui devrait « inspirer d’autant plus la volonté de soulager le pauvre et d’obtenir ses bénédictions ». Ces dons, ou plutôt ces taxes, seraient établis « sous la surveillance commune » (des municipalités). Dufourny ajoute une proposition dans l’esprit des objectifs de la Commune des Arts : les municipalités ayant été autorisées « à jouir du seizième du produit de la vente des biens nationaux », il les invite à demander à l’Assemblée nationale qu’une partie soit destinée à la construction des canaux et « d’édifices publics nécessaires à la justice et à l’administration, dans les lieux où il n’y en aurait pas », et « que ces travaux et tous autres soient donnés au mérite seul et par des concours publics et libres […] par les seuls artistes qui ne seraient pas membres d’un corps privilégié122 ».

La suppression des octrois

  • 123 M. Ozouf, La fête révolutionnaire, Paris, Gallimard, 1976.
  • 124 L.-P. Dufourny, Invitation à tous les citoyens…, op. cit.
  • 125 Ibid., p. 1.
  • 126 Ibid., p. 2-3.

42La fête a son importance dans la pédagogie révolutionnaire123. C’est ainsi que, la suppression des octrois que l’Assemblée nationale vient de décréter, est l’occasion pour Dufourny de proposer aux citoyens d’organiser une fête. C’est pour lui un moyen de les faire participer et de susciter la fraternité à l’égard des infortunés. Il invite alors « tous les citoyens assemblés en sections » « à manifester leur reconnaissance envers l’Assemblée nationale et à célébrer ce « grand jour124 » où les barrières de l’octroi seront supprimées. Alors qu’au moment de la disette début juillet 1789, la veille du 14 juillet, des émeutes aux barrières d’octroi avaient éclaté, depuis, dit Dufourny, « vous avez attendu patiemment de pouvoir en délibérer ». Il projette, dans cette suppression, plein d’espérance : la diminution du prix des denrées, le développement de l’agriculture, du commerce et de l’industrie, la création de « salaires pour les pauvres ». Il la voit surtout comme une marque de fraternité à l’égard des « indigents et des ouvriers », « déchargés du poids accablant des impôts sur les consommations125 », qui mérite d’être célébrée par une fête pour laquelle la date du 1er mai, jour de la démolition des barrières, serait très symbolique. C’est le « jour consacré dans tous les siècles et chez tous les peuples à célébrer la régénération des saisons, le renouvellement de l’activité du grand atelier de la nature, de la fertilité des plantes, de la fécondité des animaux » rappelle Dufourny. Il imagine ce jour où « les odieuses barrières s’écrouleront au bruit des acclamations et des chants civiques », comme « le grand jour […] de la réconciliation », « où le riche embrassé par le pauvre et réintégré dans la fraternité ne fera plus avec lui qu’une seule famille126 ».

  • 127 C. Duprat, Le temps des philanthropes…, op. cit., p. 246.
  • 128 On y retrouve des gens très différents, comme Cerutti, Lanthenas et même Sieyès. L’abbé Fauchet y (...)

43Il est alors pleinement dans l’état d’esprit du Cercle social. Depuis la fin 1790, le Cercle forme une sorte d’académie politique, se réunissant une fois par semaine au cirque du Palais Royal. Au-delà des divergences en son sein, son but est de favoriser l’amitié et l’indulgence universelle, de travailler au « Pacte fédératif du genre humain », de chercher par l’échange et le débat à trouver le régime politique idéal. « Tous les clubs, toutes les loges, toutes les sociétés nationales et étrangères » sont invités « à s’unir pour délibérer et pour réduire tous les systèmes politiques à leur juste valeur par la force des principes communs à chacun d’eux127 ». La première assemblée réunit de 4 000 à 5 000 personnes dans cette salle du Palais Royal qui est la plus grande de Paris. Dans l’assistance se retrouvent aussi bien des députés, des membres des sociétés fraternelles, des étrangers, des « maçons »… La seconde assemblée réunit de 8 000 à 9 000 personnes. Pour certains membres des Cordeliers, ceux du Cercle social font figure d’illuminés. D’autres comme Momoro, Desmoulins ou Dufourny prennent part aux assemblées128. La suppression des octrois par l’Assemblée nationale est, pour Dufourny, une étape vers cette harmonie sociale et politique entre les classes de la société.

  • 129 L.-P. Dufourny, Invitation à tous les citoyens assemblés en sections…, op. cit., p. 4.

44Mais il recommande d’attendre le premier Mai et de continuer à payer les impôts, afin de conserver aux « commis aux barrières » leur statut, pour éviter qu’ils soient « réduits au désespoir par un licenciement subit », et parce que ce serait une injustice pour les marchands qui ont payé les droits sur des marchandises qu’ils n’ont pas écoulées129.

  • 130 Par contre, la liste générale des notables adjoints de la ville de Paris, élus par les 48 sections (...)

45Dufourny inclut aussi dans cet éloge à l’Assemblée nationale « le nouvel ordre judiciaire » dont les citoyens devraient bientôt bénéficier, qui instaure un tribunal criminel dans chaque département130.

  • 131 Ibid., p. 3.
  • 132 Ibid., p. 14.

46Ce texte de Dufourny est tout particulièrement intéressant par le fait qu’il s’adresse aux « organes de toutes les cités », c’est-à-dire les sections, mais aussi aux « organes des pauvres et des ouvriers », c’est-à-dire les sociétés populaires. Il leur dit de porter une pétition à l’Assemblée nationale. Il se rendait donc dans ces assemblées des sociétés populaires, où il a dû lire cette adresse ou la faire connaître pour créer le lien avec les sections et afin qu’elles délibèrent en associant le vœu des « organes des pauvres et des ouvriers », pour envoyer à l’Assemblée nationale une pétition relative à un projet d’organisation de la fête. Pour donner à cette cérémonie plus d’authenticité que dans les « anciennes fêtes131 », il propose à chaque section de désigner deux hommes pour exprimer les sentiments des citoyens et organiser « une fête sans dépense et sans faste, mais animée d’une véritable joie ». Dufourny suggérait que les deux colonnes du faubourg Saint Antoine soient décorées comme trophée de la « victoire de l’indigent sur le riche, de l’opprimé sur l’oppresseur132 ».

  • 133 S. Lacroix, op. cit., tome 4, p. 55-56.
  • 134 Ibid., tome 2, p. 487-489.

47Dufourny a-t-il été suivi ? Quelques sections ont pris des décisions dans ce sens. Le 1er avril, la section des Enfants rouges a demandé qu’il y ait, ce jour-là, illumination générale dans la capitale133 et une fête civique : que la municipalité « trouve dans les différents quartiers de la ville, des lieux disposés de manière à ce que le peuple puisse se livrer paisiblement à la joie134 ».

  • 135 La musique et des détachements de la garde nationale se sont retrouvés place Louis XV à 6 heures e (...)
  • 136 I. Bourdin, op. cit., p. 182.

48Dufourny voulait « que la fête du 1er mai soit le moins militaire possible » et « [que] les législateurs, que la Constitution, que la loi, fassent le circuit des murs » (le mur des octrois qui entourait Paris). Mais c’est finalement la garde nationale qui fait le tour135 : le soir des coups de canon ont été tirés des portes à minuit, les maisons étaient éclairées et des danses et réjouissances devaient avoir lieu sur les places publiques et surtout aux entrées. C’est à la barrière des Gobelins que la joie s’est le plus manifestée : plus de mille citoyens et citoyennes ornés de rubans et de lauriers se sont réunis, et l’on dansa toute la nuit à celle du Trône136.

  • 137 Marat, L’ami du Peuple, no 397, p. 1.

49Marat, lui, pour la première fois semble-t-il parle de Dufourny, pour critiquer son « style fleuri », qui apparaît particulièrement dans cette dernière brochure, et dresse de lui, un portrait peu flatteur : « Il a débuté dans la carrière politique par donner quelques pamphlets d’un style lourd et diffus sur les droits de la commune, les vices d’organisation de la municipalité137. » Marat, ce défenseur des infortunés et des sociétés populaires, ne connaît pas le Dufourny de 1789, le Cahier du Quatrième Ordre et son Invitation à former des comités fraternels, mais il connaît son Plan de municipalité et son supplément de 1790, moment où Dufourny participe activement aux séances du district des Cordeliers. Il le considère comme « froid et sans chaleur ». Dufourny n’avait donc probablement ni la fougue ni le talent d’orateur d’un Marat ou d’un Danton ; on sait qu’il n’a ni la formation ni la pratique des juristes ou avocats à l’école du droit, qui est celle de bon nombre d’hommes de la Révolution. Il est vrai que ses textes n’ont pas une présentation d’ensemble concise, ce qui nuit, si l’on n’y prend garde, à la mise en valeur de sa pensée, pourtant construite et réfléchie, et à la mise en valeur de nombre de ses phrases percutantes. Sur le fond, Marat lui reproche « d’offrir une étrange métamorphose » : « de froid raisonneur [il est] devenu flagorneur impitoyable », c’est-à-dire qu’il aurait des ambitions personnelles « que les connaisseurs attribuent à l’envie de s’ouvrir la porte aux emplois, dont il avait toujours été écarté », alors qu’il paraissait loin de cet état d’esprit, dit-il. Effectivement Dufourny cherche à ouvrir des portes aux artistes (ingénieurs) avec les membres de « la Commune des Arts », ou encore dans sa brochure sur Le gâteau des rois, pour leur donner des chances de réaliser des travaux ; il pense sans doute à lui dont les réalisations n’ont pas été à la hauteur de ses ambitions. Mais l’ensemble de ses écrits et interventions, montre qu’il espère ardemment faire entendre la voix des infortunés auprès des représentants du peuple, dont la défense et illustration est très explicite dans son Cahier du Quatrième Ordre qu’il continue de promouvoir, mais que Marat ne perçoit pas encore.

  • 138 Ibid., p. 3.

50Marat doute enfin de l’intérêt de la destruction des barrières. La « chute du mur » ne risque-t-elle pas de favoriser l’entrée des ennemis ? Il met en garde contre le danger du délai de deux mois requis pour l’application du décret138. Dufourny pressent ce danger et fait des propositions pour en limiter les effets. Une différence plus fondamentale sépare les deux hommes. Marat n’apprécie pas le fait que Dufourny adresse des félicitations à l’Assemblée nationale. Dufourny, lui, s’il reproche aux législateurs les décrets d’exclusion, il les félicite d’avoir pris des mesures, les encourage à continuer à améliorer les moyens de subsistance, à développer un commerce équitable, à respecter les attentes des plus pauvres, à éviter les émeutes et à susciter « l’harmonie sociale ». Il cherche à les rallier à la cause des infortunés et croit encore à la possibilité de les faire évoluer contre l’exclusion des plus pauvres.

Un grand mouvement contre l’exclusion des plus pauvres du droit de s’assembler

  • 139 J. de Cock, op. cit., p. 667, Extrait des registres du club des Cordeliers du 12 février 1791.
  • 140 Ibid., p. 661, Extrait des registres du club des Cordeliers du 26 janvier 1791.
  • 141 Peyre, avocat, a joué un rôle important dans la révolte d’Avignon contre le Pape, A. Matthiez, op. (...)
  • 142 J. de Cock, p. 661, Extrait des registres du club des Cordeliers du 26 janvier 1791.

51Dufourny n’a été président du club des Droits de l’homme et du citoyen qu’au moment de sa fondation en avril-mai 1790. Il n’apparaît ensuite dans les signatures des registres de délibérations de la société, appelée aussi club des Cordeliers, que le 12 février 1791. Les Cordeliers adressent alors à Marat, poursuivi pour ses écrits, le témoignage de leur soutien relativement à « la sûreté de sa personne, la propagation de ses principes et la communication de son patriotisme »139. Depuis peu, les extraits de registres se présentent avec l’en-tête : « Club des Cordeliers, Société des amis des droits de l’homme et du citoyen », et avec l’œil de la surveillance pour emblème140. À part celles de Legendre, boucher ayant son étal dans le quartier, Vincent, clerc de procureur, J.-B. Maillard, vainqueur de la Bastille, Rutledge, journaliste, Fournier, dit l’Américain, « habitant de Saint Domingue, demeurant à Paris », Boucher Saint Sauveur, Momoro, libraire imprimeur, tous connus comme ayant personnellement joué un rôle dans la Révolution, les signatures apposées à l’extrait, avec parfois les qualités et/ou adresse, sont celles d’hommes plus anonymes : Victor de Chaillon, commis, Paquotte, ciseleur, Tattegrain, étalier boucher, Balistand, maître tailleur, Ayser, marchand foureur, Barbier, horloger, Ruault, pâtissier, Rouiller, marchand de vin, Penet, marchand, de Chon, marchand mercier, Fromantin, menuisier, Dunouy, marchand limonadier. Peyre141, Desavane, nombreux sont ceux issus du faubourg Saint-Germain, d’autres du Marais, un de la ville de Louviers142

Figure 23. – Le club des Cordeliers.

  • 143 Orateur du peuple, no 66, vol 4, Œuvres politiques, tome IV, p. 2389. Cité par J. de Cock, op. cit (...)
  • 144 Ami du Peuple, no 403, cité par J. de Cock, op. cit., p. 701.
  • 145 Notamment à propos de la recherche par le club d’une somme de 15 millions dont l’ancienne municipa (...)
  • 146 « Club des Cordeliers », Bibliothèque nationale, Estampes, 1791, « Club des Jacobins », musée Carn (...)

52Marat sollicite le club pour sa protection mais aussi pour la cause qu’il défend : le 1er mars 1791, par exemple, il envoie « un citoyen non actif » au club « pour l’aider à se faire entendre en justice ». Il demande deux commissaires pour se rendre avec eux chez un commissaire « inaccessible aux infortunés » alors que « tout juge honnête devrait les accueillir de préférence143 » ou encore, il l’informe à propos d’un colporteur qui serait indûment emprisonné à Vincennes144. Camille Desmoulins parle du « club permanent des Cordeliers » comme d’une référence : « cette faction distinguée (différente) des Jacobins, qui donne tous les jours tant de preuves de son civisme145 ». Les gravures de l’époque donnent une présentation grossière et péjorative des membres du club des Cordeliers, petits de taille et désordonnés146 (à la différence des Jacobins et à l’évidence, de milieux plus modestes). Dufourny, est sans doute plus présent aux Jacobins qu’il ne l’est aux Cordeliers, ne serait-ce qu’à cause des horaires d’assemblée qui sont les mêmes, le soir à 18 h, mais suit de près ce qui s’y passe. On peut se demander avec J. de Cock si le club est dans la continuité de celui dont Dufourny était le président au moment de sa fondation. On peut penser qu’il s’agit de la même société (qui a évolué), du fait que des citoyens de sections différentes se réunissent avec les mêmes visées. On retrouve dans les deux, la volonté de permettre aux citoyens de s’assembler, y compris les citoyens « passifs », de défendre les droits des citoyens, au niveau de la justice et des droits politiques. Les noms de Dulaure, de Ruault, de Dufourny figurent dans les deux.

  • 147 A. Mathiez, op. cit., p. 25, « tous les membres qui composent la Société veulent partager la gloir (...)

53Dufourny publie son dernier texte à propos d’Avignon, « le Droit des peuples », à l’imprimerie du cordelier Momoro, alors que le club connaît des difficultés : Momoro vient d’être arrêté par la municipalité avec Vincent et Fournier, rendus responsables d’avoir empêché le départ de la cour pour l’été à Saint Cloud, à cause d’un arrêté des Cordeliers du 17 avril affiché dans les rues. Le roi avait reçu la communion pour Pâques d’un prêtre non assermenté. Les Cordeliers expliquent qu’ils ont eu peur que le roi « se laisse empoisonner par les prêtres réfractaires ». Le droit d’affiche est alors limité. Le club s’offusque de cette atteinte à « la libre communication des pensées et des opinions », « l’un des droits les plus précieux de l’homme (article II de la déclaration) » : l’affiche étant surtout un moyen de communication pour « la classe indigente du peuple réduite à l’impuissance de se procurer un seul écrit fait pour l’éclairer sur ses véritables intérêts ». Les Cordeliers forment un véritable réseau avec les Sociétés populaires qui les ont rejoints et font le serment de vivre libre ou mourir pour défendre la liberté des opinions147. Le club devient alors un acteur majeur de la Révolution.

  • 148 Il est intéressant de noter que c’est au même moment que les Cordeliers reprochent à Barnave d’avo (...)

54Les Cordeliers font campagne en faveur de l’abolition des conditions pour être citoyen actif148 : ils font imprimer (le 20 avril) le fameux discours de Robespierre et invitent toutes les sociétés patriotiques à le faire lire dans leurs séances :

  • 149 Les grands discours parlementaires de la Révolution, de Mirabeau à Robespierre, textes présentés p (...)

« Tous les français, c’est-à-dire tous les hommes nés et domiciliés en France ou naturalisés, doivent jouir de la plénitude et de l’égalité des droits des citoyens et sont admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des vertus et des talents149. »

  • 150 Ibid., p. 73.
  • 151 Ibid.

55La distinction établie entre les citoyens actifs et passifs est « la violation la plus manifeste des droits de l’homme150 ». Robespierre, comme Dufourny, analyse l’articulation entre les notions de propriété, de citoyenneté et de Droits de l’homme. Vous dites que « ceux qui n’ont rien à perdre » n’ont pas « d’intérêt pour les lois151 » ? Puis, Robespierre parle en leur nom :

« Les grossiers habits qui me couvrent, l’humble réduit où j’achète le droit de me retirer et de vivre en paix, le modique salaire avec lequel je nourris ma femme, mes enfants, tout cela, je l’avoue, ne sont point des terres, des châteaux, des équipages, tout cela s’appelle peut-être rien pour le luxe et pour l’opulence ; mais c’est quelque chose pour l’humanité, c’est une propriété sacrée… »

56Mais leur bien le plus précieux, c’est leur liberté qui mérite d’être protégée par la loi.

  • 152 Ibid., p. 74.

« Que dis-je ? Ma liberté, ma vie, le droit d’obtenir sûreté ou vengeance pour moi et pour ceux qui me sont chers, le droit de repousser l’oppression, celui d’exercer librement toutes les facultés de mon esprit et de mon cœur : tous ces biens si doux, les premiers de ceux que le nature a départis à l’homme, ne sont-ils pas confiés comme les vôtres à la garde des lois152 ? »

  • 153 Ibid.
  • 154 Ibid., p. 72.
  • 155 L’arrêté du club est signé par Peyre le président, Momoro et Rutledge les secrétaires. Cf. J. de C (...)

57Comme Dufourny, il pense au contraire que « si la balance cessait d’être égale, n’est-ce pas en faveur des citoyens les moins aisés qu’elle devrait pencher ? Les lois, l’autorité publique, n’est-elle pas établie pour protéger la faiblesse contre l’injustice et l’oppression » ? Prétendre les propriétaires seuls dignes du nom de citoyen, relève de « préjugés », « absurdes », « cruels153 ». En deuxième lieu, les décisions prises concernant les degrés de citoyenneté « suivant les degrés de fortune qui permettent de payer trois journées, dix journées d’imposition directe ou un marc d’argent », qui vous font « passif », « actif », ou « moitié actif, ou moitié passif », sont « essentiellement anti-constitutionnelles, anti-sociales154 ». Le discours apparaît aux Cordeliers comme propre à devenir le manuel de générations de citoyens : ils engagent les pères de famille à inculquer les principes qu’il contient à leurs épouses et à leurs enfants155.

  • 156 B. Gibaud, op. cit., p. 64.
  • 157 J. Jaurès, op. cit., tome I, p. 302.
  • 158 A. Matthiez, op. cit., p. 30.
  • 159 B. Gibaud, op. cit., p. 68.

58Les corporations de métiers depuis des siècles réglementaient à l’échelle de chaque ville les professions. Une dizaine d’années après l’échec de Turgot pour les abolir, le décret d’Allarde (26 avril 1791) réserve à chaque citoyen la liberté de se livrer au commerce et d’embrasser l’état qu’il jugeait convenable. Il rend caducs les liens entre les maîtres, les compagnons et les apprentis, désormais le salaire sera débattu entre l’employeur et l’employé156. Un conflit se noue alors entre les ouvriers et les maîtres charpentiers, qui occupe une place majeure par l’intensité de l’argumentation des uns et des autres. Le 30 avril, les maîtres ouvriers charpentiers dans une Adresse à la municipalité, se plaignent de leurs ouvriers journaliers qui se sont réunis en une assemblée « aussi extraordinaire qu’illégale », ont délibéré et prêté serment de ne pas travailler au-dessous de 50 sols (pour les plus faibles ouvriers) « portant atteinte aux droits de l’homme et à la liberté des individus157 ». Le 4 mai 1791, Bailly défend aux ouvriers de se coaliser pour imposer un prix aux maîtres158. Le lendemain, des ouvriers charpentiers ainsi qu’une délégation d’ouvriers attachés à la construction du pont Louis XVI (pont de la Concorde) « se disant députés de la part de 500 hommes composant l’atelier » présentent une nouvelle pétition à la municipalité, demandant la possibilité « de se soulager mutuellement dans leur infirmité et leur vieillesse159 ». D’autres suivent l’exemple.

  • 160 Le Mercure national, noxv.

59Le Cordelier Robert se fait le défenseur des Sociétés populaires dans son journal, Le Mercure national. Mais « quelques hommes ou malveillants ou mal instruits » prétendent, dit-il, « que les sociétés fraternelles ne sont point délibérantes, alors qu’elles le sont ». Il utilise le même argument que Dufourny au nom du droit naturel d’être reconnu comme un homme : « parce qu’elles sont composées d’hommes, que les hommes ont la faculté de penser et de parler, qu’ils ne prendraient pas la peine de s’assembler, si par le fait de leur rassemblement, il leur était défendu de parler et de penser ». Mais à la différence des sections, elles ne sont pas « constitutives, aussi ne s’avisent-elles point de faire des lois, mais elles usent du droit d’exprimer leur vœu sur la loi160 ». Un arrêté du département du 10 mai rappelle à l’ordre les sections : elles ne pouvaient être autorisées à se réunir en assemblées que pour des objets d’administration municipale et devaient donc indiquer leur ordre du jour et s’en tenir à celui-ci. Les assemblées étaient tenues de se séparer aussitôt. Il était défendu à tout citoyen ou tout groupe de citoyens d’afficher et de présenter des pétitions en nom collectif.

  • 161 A. Matthiez., op. cit, p. 28.
  • 162 I. Bourdin, op. cit., p. 154.
  • 163 Le Mercure du 11 mai 1791, cf. B. Gibaud, op. cit., p. 70.
  • 164 A. Matthiez, op. cit., p. 30-31.
  • 165 Le club se réunit régulièrement les dimanche, mardi, jeudi et samedi à 6 h du soir sans compter le (...)
  • 166 A. Matthiez, op. cit., p. 28.

60Les Sociétés fraternelles tentent de résister. Le 18, la section du Théâtre-Français réunie en session extraordinaire proteste161. Les sociétés de Paris, au nombre de trente, forment au local même des Cordeliers un comité central. Toutes s’y font représenter, sauf les Jacobins qui, n’obtenant pas la majorité, s’abstiennent162. Robert répond à Bailly au sujet de la controverse sur les salaires. Il estime que les ouvriers peuvent s’assembler, délibérer sur leurs intérêts et même s’engager à ne pas travailler pour tels prix, mais il ajoute qu’ils ne peuvent forcer les entrepreneurs à leur accorder ce même prix163. Des « Fayettistes » jettent des pierres sur les fenêtres du club164 qui est ensuite fermé par la municipalité sous prétexte que le club ne payait pas son loyer et n’avait pas demandé l’autorisation. La vraie raison était d’avoir permis aux charpentiers de se réunir dans leurs locaux. Le club des Cordeliers signe un bail pour l’hôtel de Genlis, rue Dauphine, où se tenaient les séances du Musée, autre réseau d’appartenance de Dufourny165. Les Cordeliers lancent alors une Adresse à toutes les sociétés patriotiques du royaume pour les inviter à conclure un pacte de famille166.

  • 167 J. Jaures, op. cit. p. 305.
  • 168 I. Bourdin, op. cit. p. 109.

61Les ouvriers charpentiers expliquent le 27 mai à l’Assemblée nationale elle-même, que « soumis aux lois », assemblés après avoir prévenu la municipalité, ils ont invité « les entrepreneurs » à venir avec eux « pour faire des règlements fixes relativement aux journées et aux salaires, mais les entrepreneurs sous prétexte qu’ils ne trouvaient pas cette assemblée légale ont méprisé l’invitation ». Ils considèrent les entrepreneurs comme étant « de mauvaise foi » : « ils savent bien que le but de notre société est de nous secourir mutuellement dans nos infirmités et notre vieillesse ». Ils appellent cela « une corporation. […] leur but est de montrer les ouvriers sous les couleurs les plus noires, en leur attribuant des intentions criminelles167 »… Depuis un mois, les revendications sont nombreuses parmi les charpentiers, typographes, maréchaux-ferrants et autres168.

  • 169 Ibid.
  • 170 Extrait du registre du club des Cordeliers du 7 juin 1791, BN, Lb40/814, 4.

62Les Cordeliers demandent que toutes les lois soient conformes à la Déclaration des droits de l’homme et ratifiées par la volonté générale (le 30 mai)169. Ils rappellent aux représentants qu’ils ont eux-mêmes « promulgué la Déclaration dont les résultats positifs annoncent l’égalité des suffrages de ceux que la plus simple glèbe ou des vertus publiques attachent à leur patrie ». Un comité de six membres examinera les décrets et leur conformité avec la constitution et les droits de l’homme. Ce vœu est envoyé aux sections et sociétés patriotiques. Pour que la loi soit l’expression de la volonté générale, il fallait que tous les citoyens puissent concourir à sa formation (article 6 de la déclaration) et « toutes les communes de France se réuniraient en assemblée le dimanche […] le président de chaque assemblée lirait la loi en entier, chaque article serait lu, discuté séparément et mis aux voix par oui ou par non170 »…

63Dans les faits, les sociétés fraternelles professionnelles sont assimilées aux corporations et jugées illégales. Au nom du comité de constitution, Le Chapelier en tant que rapporteur de la fameuse loi qui porte son nom, décrète le 14 Juin 1791 :

« Il n’y a plus de corporation dans l’État ; il n’y a plus que l’intérêt de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par esprit de corporations. »

  • 171 B. Gibaud, op. cit., p. 84.

64Le droit de réunion des sociétés à caractère professionnel est limité : il est défendu de nommer un bureau, de tenir des registres, de délibérer et d’adopter des règlements sur de « prétendus intérêts communs ». Il est interdit à tous les corps administratifs ou municipaux de recevoir des adresses ou pétitions émanant de citoyens d’un même état. « C’est à la nation, c’est aux officiers publics, en son nom, à fournir des travaux à ceux qui en ont besoin pour leur existence et des secours aux infirmes. » C’est aux conventions libres d’individu à individu à fixer la journée pour chaque ouvrier171. Il est demandé que le salaire ouvrier soit « plus considérable qu’il ne l’était », afin que celui qui le reçoit « soit hors de cette dépendance absolue que produit la privation des besoins de première nécessité ». Les attroupements seront réprimés.

  • 172 F. Gauthier, op. cit., p. 61.

« Tous attroupements composés d’artisans, ouvriers, compagnons, journaliers ou excités par eux contre le libre exercice de l’industrie et du travail, seront tenus pour attroupements séditieux et dispersés par la force publique. Seront punis selon toute la rigueur des lois, les auteurs, instigateurs et chefs des dits attroupements172. »

  • 173 R. Monnier, op. cit., p. 8 note 19.

65À l’Assemblée nationale, Grégoire et Robespierre provoquent des murmures, en défendant les « passifs173 » :

  • 174 Ibid.

« Non, ce n’est pas pour exciter les citoyens à la révolte que je parle à la Tribune, c’est pour défendre le droit des hommes, proclame Robespierre, les droits les plus sacrés, dont nos commettants nous aient donné la défense ; car nos commettants sont tous les français et je les défendrai tous, surtout les plus pauvres174. »

  • 175 A. Forrest, op. cit., p. 162.
  • 176 J. Jaurès, op. cit., p. 302.
  • 177 BN, NAF 2698.

66Au même moment, Liancourt rend son Rapport fait au nom des comités des Finances, d’Agriculture et Commerce, des Domaines et de mendicité. Il annonce à l’Assemblée que le système parisien des ateliers publics est voué à l’échec, en raison de l’afflux de tous les sans travail de tous les coins de France, qui viennent se présenter dans la capitale pour un emploi : 31 000 à Paris175. Il justifie leur fermeture par la facilité de trouver du travail avec les beaux jours, qui rendent possible les travaux des campagnes et la construction des routes, et ajoute : « l’espèce de coalition même d’ouvriers qui s’entendent pour demander un grand haussement dans leurs salaires, semble prouver seule qu’il y a moins d’ouvriers que de moyens de travail176 »… Quelques jours après, la section des Thermes de Julien reçoit, comme les autres sections, une lettre de l’administration des Travaux Publics annonçant « pour les ouvriers qui n’ont plus d’ouvrage un secours de 1760 livres à distribuer » ; les membres du comité civil chargés des ateliers publics doivent présenter pour la séance suivante « l’état des pauvres qu’ils croiront en leur âme et conscience être le plus dans le cas de recevoir ces secours177 ».

67Le jour même où la Loi Le Chapelier est décrétée, les commissaires des sociétés fraternelles réunis au comité central, lancent une pétition rédigée par Bonneville, affichée sur les murs de Paris, qui réclame l’égalité des droits politiques et la suppression des différents degrés d’éligibilité : interdire les assemblées « à tous ceux qui ne payent pas une contribution de trois journées d’ouvriers […] est une disposition anticonstitutionnelle et antisociale », reprenant les mots de Robespierre proches de ceux de Dufourny. La pétition est incisive :

« Pères de la patrie, ceux qui obéissent à des lois qu’ils n’ont pas faites ou sanctionnées sont des esclaves. Vous avez déclaré que la loi ne pouvait être que l’expression de la volonté générale, et la majorité est composée de citoyens étrangement appelés inactifs… Si vous ne faites disparaître à jamais ces différents degrés d’éligibilité qui violent si manifestement cette Déclaration des droits de l’homme, la patrie est en danger. Au 14 juillet 1789, la ville de Paris contenait 300 000 hommes armés ; la liste active publiée par la municipalité, offre à peine 80 000 citoyens. Comparez et jugez. »

  • 178 Cordeliers, Point central des Arts et Métiers, Cercle social, Carmes, Place Maubert, Sainte Genevi (...)
  • 179 Cité par R. Monnier, op. cit., p. 6.

68La pétition est signée des présidents de 13 sociétés populaires178, dont les Cordeliers et le Cercle social, qui a joué un rôle déterminant179.

  • 180 D’après le tableau des trois comités imprimé le 1er mai : comité de Correspondance, comité de Prés (...)
  • 181 A. Aulard, op. cit, LXXVIII.
  • 182 L. Jaume, op. cit., p. 55.
  • 183 A. Aulard, op. cit, p. 383.
  • 184 Celles du Théâtre français (Momoro commissaire), Thermes de Julien (L.-P. Dufourny commissaire), L (...)
  • 185 En février, ce dernier avait distribué à toutes les sections un avertissement qu’un corps de canon (...)
  • 186 Œuvres de Marat, Observations de l’Ami du Peuple, p. 2966.

69Dufourny est élu au « Comité de Présentation et de Vérification180 » du club des Jacobins. Ce comité de 26 membres se réunit tous les jeudis de chaque semaine, à 4 h du soir181 pour vérifier l’inscription des adhérents qui devaient être parrainés. Leurs noms sont inscrits sur un tableau pendant deux séances, le temps que les membres de la société puissent faire leurs objections et ensuite voter l’adhésion182. En séances, Dufourny est connu comme « dénonciateur de la Municipalité183 ». Le 12 juin, il intervient au nom de huit sections184 au sujet de la garde nationale : c’était une revendication majeure du club des Cordeliers185. Il est sommé par Marat ainsi que Danton, Sergent, Mittié, Bacon, Parein, Verrières, « et autres bons patriotes » pour former une « Société des vengeurs de la loi » dont le but serait « de venger tout opprimé trop peu à son aise pour suivre la réparation des outrages qu’on lui a fait ». Le projet n’a pas eu de suite, mais il montre que l’opinion de Marat sur Dufourny a changé186, il le reconnaît comme défenseur des opprimés.

  • 187 En ordre décroissant suivant le nombre de voix obtenues : Mathieu, homme de loi de 28 ans qui avai (...)
  • 188 Dufourny habite toujours rue des Mathurins Saint Jacques, le petit hôtel de Cluny, bien que celui- (...)

70Les tensions sont très fortes quand l’ordre de convocation des assemblées primaires est lu par les crieurs publics dans les rues et affiché dans les 48 sections en vue des élections. Elles tiennent leur première séance le 16 juin. Dufourny est élu comme électeur de la section des Thermes de Julien, le 9e sur les 20 de la section dont cinq sont réélus187. Il est parmi les trois plus vieux, identifié comme ingénieur mais pas comme volontaire de bataillon188.

Le ralliement des démocrates, la fuite du roi et la constitution de 1791

La fuite du roi

  • 189 J. Jaurès, op. cit, p. 1062.
  • 190 Extrait du registre de la société des Droits de l’homme…, 21 juin, cf. J. de Cock, op. cit, p. 867
  • 191 A. Aulard, op. cit., 22 juin 1791.

71Dufourny est élu secrétaire de la Société des Jacobins, fonction qu’il exerce ce fameux jour où les Jacobins se réunissent en séance extraordinaire, à cause des « malheureuses circonstances où le roi fuit », jour où les clivages entre les Jacobins vont apparaître avec force jusqu’à la rupture le mois suivant. Un débat violent oppose Danton et La Fayette… A la réunion du soir, Robespierre dénonce l’Assemblée nationale qui a parlé de « l’enlèvement du roi », « mensonge bien lâche et bien grossier », alors qu’il s’agit de sa fuite voulue et préparée. Robert transmet une pétition aux Jacobins Des cris d’indignation s’élèvent189. Les Cordeliers avaient dans la nuit rédigé une pétition. Elle est portée au président de l’Assemblée nationale et affichée dans les rues. Ils conjurent les législateurs « de décider que la France n’est plus une monarchie, qu’elle est une République ou au moins d’attendre que tous les départements toutes les assemblées primaires aient émis leur vœu sur cette question importante190 ». Observateur des sections, Dufourny signale aux Jacobins que deux d’entre elles avaient demandé à l’assemblée de la Commune l’autorisation de supprimer la presse et les écrits « qui seraient jugés incendiaires » (c’est-à-dire contre la monarchie), et rassure l’assemblée sur le fait que la Commune avait unanimement refusé. « Il n’y a aucune loi, pas même une de police, pour arrêter un colporteur, la liberté de la presse ne peut être gênée que par un fatal décret de l’Assemblée nationale191. »

  • 192 R. Monnier, op. cit., p. 8.

« Presque tous les membres des sociétés patriotiques de Paris et une foule d’autres citoyens se réunirent paisiblement et sans armes (le 24 juin 1791), au nombre d’environ 30 000 accompagnés de leur femme et de leurs enfants, pour porter à l’Assemblée nationale une pétition, nommèrent 12 commissaires pour la présenter, et rassemblés sur la place Vendôme, attendent tranquillement leur retour192. »

  • 193 Révolution de France et de Brabant, no 82, p. 148, cf. J. de Cock, op. cit., p. 985.

72Camille Desmoulins écrit, dans son journal le 25 juin, avoir couru tous ces jours derniers de sa section aux Jacobins, des Jacobins aux Cordeliers, du club à l’Assemblée nationale et au comité de recherches193… C’est dire l’onde de choc provoquée par la fuite du roi et le désir d’unir les forces, les sociétés, les Cordeliers et les Jacobins pour faire réagir l’Assemblée nationale. Dufourny en fait-il autant ? Probablement.

  • 194 Bouche de fer, no 85, 7 juillet, cf. J. de Cock, op. cit., p. 945.
  • 195 AN, DXXIX bis 36, plaquette 372, pièce 9.
  • 196 Depuis quelques jours, Bonneville, l’abbé Fauchet, Condorcet discutent aussi sur la forme du gouve (...)
  • 197 M. Dorigny, « Champ-de-Mars (fusillade du) », in Dictionnaire de la Révolution française, op. cit. (...)
  • 198 C’est le cas de Constante Evrard, par exemple, cuisinière qui se rendait au club des Cordeliers et (...)

73Bonneville écrit dans la Bouche de Fer sa satisfaction de voir que les Jacobins ont réparé l’insulte faite aux Cordeliers à la lecture de leur pétition, et les encourage à continuer : « soyez les amis de la liberté et non ceux d’une Constitution imparfaite. […] fraternisez avec les autres sociétés de Paris et nous vous tendrons une main amie194 ». À l’Assemblée nationale, Lameth, alors président, répond à l’un des commissaires des Cordeliers venu relancer la pétition : « je n’ai pas besoin d’en lire davantage ; si j’en faisais faire lecture, l’Assemblée nationale me destituerait aussitôt »… Le 15 juillet, une délégation des Cordeliers propose que tous les patriotes, « actifs » ou non, se trouvent le 16 au Champ de la Fédération à midi très précise pour y signer une pétition à l’Assemblée nationale sur la conduite à tenir envers Louis XVI195. Les Jacobins sont envahis par un flot de manifestants venus du Cercle social196. Barnave prononce un discours à l’Assemblée sur l’inviolabilité du roi et proclame : « il est temps de terminer la Révolution ». Le 16, la pétition déposée au Champ-de-Mars se remplit de 6000 signatures. La municipalité fait déployer le drapeau rouge à une des fenêtres centrales de l’Hôtel de Ville, la loi martiale est en vigueur : la garde nationale tire sur la foule sur ordre de Lafayette, il y a plus de cinquante morts et des centaines de blessés197. Les personnes arrêtées, artisans, compagnons parfois sans travail, gagne-deniers, mêlés à des petits maîtres de boutiques ou d’ateliers, salariés ayant ou non un emploi, témoignent : la condamnation de la royauté pouvait signifier l’accès aux sections, à la garde nationale, le droit de pétition, c’est-à-dire l’espoir « de pouvoir faire entendre la voix du peuple à ceux qui gouvernaient198 ».

  • 199 BN, NAF 2698, 18 juillet 1791.
  • 200 Ibid.
  • 201 Jaurès, op. cit., p. 1062.
  • 202 Journal du club des cordeliers, 1791, rééd. EDHIS, Paris, 1981, p. 75.

74Le lendemain, est lu au comité civil de la section des Thermes de Julien – celle de Dufourny – le décret de l’Assemblée nationale concernant les personnes séditieuses, « qui ont conseillé la désobéissance à la loi, soit par des placards et affiches, soit par des écrits publiés et colportés, soit par des discours dans les lieux publics199 ». Le décret s’accompagne d’une demande de service continu des comités civils pour distribuer secours soit en aliments, soit en travaux parce que le commerce est paralysé et que la pénurie fournit « aux ennemis de la Révolution les moyens d’entretenir la fermentation et l’anarchie200 ». Barnave donne sa version des faits : alors que Paris applaudissait au décret qui mettait le roi hors de cause, les Jacobins « admirent dans leur sein une multitude d’ouvriers qu’ils appelèrent la nation et les incitèrent à la révolte201 ». Le massacre du Champ-de-Mars creuse un « fossé de sang » entre ceux qui veulent terminer la Révolution et ceux qui veulent la continuer. Les meneurs ont été arrêtés. Les Cordeliers nomment ce « malheureux événement » « la Saint Barthélemy des patriotes202 ».

75Dufourny, lui, le 17 juillet « jour du massacre », est amené à présider les Jacobins. À l’initiative de Barnave, une grande majorité de députés jacobins dont Bouche, le président, a quitté la salle. Dufourny en tant que secrétaire doit présider la séance à sa place. Il sera loué plus tard pour avoir eu, ce jour-là, la maîtrise de la situation. Il fallait garder la confiance des Jacobins restés et des sociétés affiliées et donc, leur expliquer cet événement. Une Adresse de trois pages leur est envoyée :

« Frères et amis, […] un triste événement vient de surprendre notre joie et notre espérance. UN SCHISME se manifeste au sein même de la Société […]. Dans une séance particulière tenue aux FEUILLANTS, la scission a été résolue […] nous vous conjurons donc au nom de la patrie, de ne point précipiter votre décision sur ce schisme […] de continuer une correspondance si nécessaire […] le salut (de la chose publique) tient à la réunion de tous à la Constitution. Que ce mot nous serve de ralliement […] des frères qui n’ont que le même objet ne peuvent longtemps rester désunis. »

76Les jacobins mettent en alerte :

  • 203 A. Aulard, tome 3, 17 juillet 1791.

« Une scène vient de se passer au CHAMP DE MARS : le sang du peuple a coulé. Frères et amis, soyez en garde contre les récits des imposteurs et les calomnies qu’on pourrait vous adresser. Nous vous devons la vérité, vous la saurez… REGNIER, secrétaire, L.-P. DUFOURNY président203 [mots en capitales dans le texte]. »

  • 204 L’Adresse des Jacobins du 17 annonçant le schisme aux sociétés affiliées, publiée dans Le Moniteur (...)
  • 205 Discours prononcé dans l’assemblée de la Société des amis de la Constitution séante aux Jacobins p (...)
  • 206 Ibid.
  • 207 Journal des cordeliers, op. cit., p. 76.

77Pétion prend la présidence pour le mois d’août, c’est-à-dire à la fin du mandat qui aurait été celui de Bouche204, le président étant toujours élu pour un mois seulement. Il commence par féliciter Dufourny d’avoir fait « preuve d’énergie et de délicatesse », « la société des Jacobins, dit-il, est sensible à son zèle et à la manière distinguée dont il a rempli ses fonctions dans un temps difficile et orageux205 ». Dufourny répond que sa conduite n’a été due qu’au « courage qui, dans la tempête, a manifesté quels sont les véritables Amis de la Constitution » et ce courage a été soutenu « par les avis, les consolations et les démarches conciliatoires de M. Pétion206 ». Ce moment de présidence resta gravé dans la mémoire de Collot d’Herbois qui le rappelle fin 1793 : « que je le [Dufourny] voie comme je le vis à ce fauteuil où il nous présidait, 16 ou 17 qui étions échappés aux coups de fusil du Champ-de-Mars. C’est alors que Dufourny sera digne de vous, c’est alors qu’il sera digne de lui-même ». Les Feuillants entraînèrent 45 filiales. Les Jacobins réussissent à en regagner un grand nombre. Les Cordeliers déclarent aux Jacobins qu’ils les regardent « comme les véritables Amis de la Constitution, et qu’ils regardaient au contraire comme ennemis ceux qui avaient provoqué ou coopéré à la scission des sociétés patriotiques207 ». Ils vont faire campagne commune.

La constitution de 1791 et la campagne électorale

  • 208 Élu le 27 juillet ainsi que Mendouze, Chépy fils, Sergent, Bourdon de la Crosnière, et Mouton. Ces (...)

78Après le départ des Feuillants, les Jacobins, pour se restructurer, forment un « comité régénérateur » avec les six députés de l’Assemblée nationale : Robespierre, Buzot, Pétion, Grégoire, Prieur et Roederer. Y sont adjoints six autres membres élus le 27 juillet. Dufourny est du nombre208. Alors qu’en mai, les Jacobins n’avaient pas participé au Pacte de famille avec les Sociétés populaires, depuis le départ des Feuillants, ils les soutiennent dans leur visées démocratiques. Dans une Adresse à leurs Sociétés affiliées, le 7 août, ils les autorisent à être ouvertes à tous, alors que les Feuillants précisent-ils, n’ouvrent leurs portes qu’aux citoyens « actifs » :

  • 209 A. Aulard, op. cit., tome 3, 7 août 1791.

« Convaincus que le principe du patriotisme n’est autre chose que le sentiment profond des Droits et de la dignité de l’homme, nous ne pouvions nous croire autorisés à professer ouvertement que nous voulions interdire aux hommes qui ne peuvent atteindre tel ou tel degré de fortune, jusqu’au bienfait de l’instruction, jusqu’à l’avantage de s’initier dans l’esprit des lois qu’ils doivent observer, d’apprendre à aimer la patrie qu’ils servent et qui doit les protéger209. »

79Les Jacobins affirment nettement la même orientation cette fois :

« Frères et amis, loin de nous l’idée impie que ceux de nos semblables qui sont moins favorisés que nous des dons de la fortune ne soient pas dignes de s’assembler avec nous dans la même enceinte ; gardons-nous de prononcer cette sentence de réprobation contre les Sociétés populaires. »

  • 210 Ibid.

80Ils posent un autre regard sur ces sociétés, considérées comme « les appuis respectables de la liberté et du bon ordre, comme des canaux nécessaires pour faire circuler l’esprit public et les lumières dans toutes les professions de la société » ; et alertent : « gardons-nous de flétrir l’honorable indigence en dégradant la portion la plus nombreuse de l’humanité210 »…

  • 211 Barnave, cité par Jaurès, op. cit., tome 1, p. 432.
  • 212 Ibid., p. 433.
  • 213 Barnave, cité par Jaurès, op. cit., tome 1, p. 434.
  • 214 Ibid., p. 435.

81Les démocrates ne sont pas entendus. Dans son fameux discours du 11 août, Barnave, rapporteur du comité de constitution, se fait le défenseur de la théorie que la qualité d’électeur « n’est pas un droit, mais une fonction ». Pour être électeur, il faut trois garanties : lumières, intérêt à la chose publique, et indépendance de la fortune, les trois conditions étant liées211. Il reprend l’argument de Sieyès, désavoué par Dufourny dans son Cahier du Quatrième Ordre : « La classe des citoyens sans fortune, obligés de travailler immédiatement et sans cesse, ne peut acquérir aucune des lumières nécessaires pour faire les choix. » Ces citoyens « n’ont pas un intérêt assez puissant à la conversion de l’ordre social existant ». De plus, cette classe peut être facilement corrompue par ceux qui voudraient s’emparer des élections, « étant enfin sans cesse aux prises avec le besoin et étant chaque jour, par l’absence d’un moment de travail, réduits aux dernières extrémités212 ». La condition de cens de dix journées de travail pour être électeur est jugée insuffisante, parce que c’est dans la classe moyenne qu’il faut chercher des électeurs, et Barnave demande à tous ceux qui l’écoutent, si c’est une contribution de dix journées de travail qui constitue cette classe moyenne, et « qui peut assurer à la société un degré certain de sécurité213 ». La classe moyenne représente la sécurité, les classes inférieures le désordre. Une fois la constitution établie selon ces critères, « il n’y a plus qu’un même intérêt pour les hommes qui vivent de leurs propriétés et pour ceux qui vivent d’un travail honnête214 ». Restent deux intérêts opposés :

  • 215 Ibid.

« L’intérêt de ceux qui veulent conserver l’état de choses existant parce qu’ils voient le bien-être avec la propriété, l’existence avec le travail, et l’intérêt de ceux qui veulent changer l’état de choses existant parce qu’il n’y a de ressources pour eux que dans une alternative de révolution, parce qu’ils sont des êtres qui grossissent et grandissent pour ainsi dire dans les troubles, comme les insectes dans la corruption (vifs applaudissements)215. »

82Aux arguments de Sieyès, basés sur un certain regard porté sur les plus pauvres, s’ajoute celui de leur responsabilité dans les troubles et en faveur de la révolution. Ils sont considérés comme des insectes, de même, non comme des hommes.

  • 216 Les grands discours parlementaires, op. cit, p. 118.
  • 217 A. Aulard, op. cit., tome 3, 27 août 1791, signé : Pétion pdt, Corroler, Royer, évêque du départem (...)

83Robespierre soutient le contraire : « il n’est pas vrai qu’il faille être riche pour tenir à sa patrie » ; tout homme par « sa qualité d’homme » est digne de la confiance de ses concitoyens, a « des intérêts sacrés et touchants qui l’attachent à ses semblables et à la société », « c’est la liberté individuelle, ce sont les jouissances de l’âme, c’est l’intérêt qu’on attache à la propriété la plus petite », « vous ne pouvez pas de la manière la plus formelle et la plus évidente, effacer ces principes fondamentaux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen216 »… Les Jacobins tentent alors de mettre fin au schisme et invitent le 14 août chacun des Jacobins députés à l’Assemblée nationale, partis aux Feuillants, « à rentrer dans son sein sans autre formalité ». Cette mesure réussit à en ramener un grand nombre, ce qui encourage les Jacobins à s’adresser à l’ensemble des Feuillants217 qui leur répondent qu’ils vont en discuter. Mais la discussion est remise à plus tard. Le parti dit patriote et démocrate s’est renforcé mais n’a pas réussi à l’emporter : la constitution votée par l’Assemblée confirme l’exclusion des plus pauvres.

  • 218 Le Moniteur, op. cit., t. IX, p. 654 et 663.
  • 219 Ces conditions ne furent pas appliquées pour les élections à la Législative, les inscriptions ayan (...)

84Si pour les démocrates, la constitution n’est pas satisfaisante à cause de l’exclusion de certains citoyens et aussi à cause du veto suspensif laissé au roi, la France pour la première fois s’est dotée d’une constitution, acceptée par le roi le 13 août, qui jure sa fidélité à la nation, à la loi et offre aux Parisiens un feu d’artifice218. C’était malgré tout la victoire des Constitutionnels (la constitution ayant été menacée au moment de la fuite du roi). Pour être citoyen actif, il faut payer une contribution directe au moins égale à la valeur de trois journées de travail, en représenter la quittance, et n’être pas en état de domesticité… (article 2, section III). Tous les six ans, le Corps législatif fixera le minimum et le maximum de la valeur de la journée de travail (article 3, section III). Les fonctions des assemblées primaires et électorales se bornent à élire ; elles se sépareront une fois les élections faites (art. 1 section IV). Pourtant en préambule de la constitution figure la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Les sections sont sollicitées pour voter la constitution. Mais sur « 7 000 000 d’hommes de vingt-cinq ans et plus, 4 300 000 seulement sont « actifs ». Parmi eux, 40 000 à 50 000 pourront être électeurs : il faut être propriétaire ou usufruitier d’un bien, ou locataire d’une habitation, l’un et l’autre évalués à un revenu égal à la valeur locale de 400 journées de travail (titre III, chapitre 1, section 2, article 7)219.

  • 220 A. Aulard, op. cit., 17 août 1791.

85Les Jacobins réagissent. Vadier prononce un long discours tendant à prouver qu’il faut se garder d’établir des distinctions entre les citoyens. C’est la réaction de Dufourny qui est inscrite en majuscules dans le procès-verbal : « L’ÉGALITE ÉTANT LE PREMIER DES DROITS DE L’HOMME, LE DÉCRET QUI DISTINGUE LES CITOYENS ACTIFS ET NON ACTIFS EST CONTRAIRE À CE PRINCIPE. » Ferme et constant dans son indignation et dans sa volonté de remédier à cette discrimination, il demande qu’on ajoute à ce décret une disposition qu’il avait proposée dans son « plan de municipalité » de 1790 : celle d’accorder aux citoyens non-actifs, un sur cent ou deux cent, « l’accès aux assemblées primaires afin qu’au moins l’injustice faite à leur égard soit plus supportable220 ». Il essaye d’avancer vers l’égalité des droits, de la faire accepter par l’Assemblée nationale. Cette proposition n’est pas reprise par les Jacobins et l’on ne voit pas comment pratiquement elle pourrait se mettre en place, même si spontanément cette forme de délégation avait été pratiquée par « les exclus » pour rédiger des pétitions.

  • 221 Ils avaient à élire les 28 députés à la Législative et leurs 8 suppléants, 2 hauts jurés, la moiti (...)
  • 222 E. Charavay, Procès verbaux de l’Assemblée électorale de Paris, Paris, D. Jouaust, Ch. Noblet et Q (...)
  • 223 Voter et élire pendant la Révolution française 1789-1799. Guide pour la recherche, Éd. du Comité d (...)
  • 224 Ibid., p. 407.
  • 225 Ibid.

86Les citoyens actifs réunis en assemblées primaires du 16 juin au 9 juillet ayant élu leurs électeurs, les assemblées électorales sont alors convoquées pour élire les représentants du peuple. Les électeurs de Paris décident qu’ils se rendraient à la messe en l’église de l’évêché, dite par l’évêque « pour invoquer les lumières du ciel avant leurs travaux », comme l’avaient fait les électeurs de 1790. Ils se réunissent tous les jours pendant un mois221. La procédure est longue : les députés sont élus un par un, au plus grand nombre de voix. Dufourny lui-même, n’obtient jamais que 2 à 3 voix comme secrétaire de l’assemblée, et un peu plus, comme scrutateur général (13 voix)222. Astreints par le serment à respecter le secret du vote individuel, les scrutateurs sont désignés pour transcrire le suffrage (dicté à voix basse) des illettrés, contrôler la rédaction effective des bulletins au bureau, dépouiller les votes et proclamer les résultats223. L’institution de cette fonction prouve que certains des citoyens actifs sont illettrés. Les électeurs délibèrent ensemble et reçoivent des adresses, notamment en provenance des sociétés fraternelles, pour les inciter à faire de bons choix224. L’assemblée électorale reçoit aussi des lettres de particuliers, comme celle de Lafarge : pour être élu, il met en avant son idée de Caisse d’Épargne et de bienfaisance qui avait reçu un brevet d’invention du gouvernement225.

  • 226 « Il est prouvé qu’un attroupement de 3000 individus sortis du Palais-Royal s’est introduit dans c (...)

87Les arrestations suite aux pétitions mettant en question la monarchie et l’Assemblée nationale marquent la campagne électorale. L’accusateur public met les Jacobins hors de cause226, mais considère que le club des Cordeliers, la Société des Indigents et la Société fraternelle ont eu beaucoup trop de part aux événements du 17 juillet. Il termine son réquisitoire en accusant :

  • 227 J. de Cock, op. cit., p. 1054.

« Les plus dangereux ennemis de la Constitution, des hommes perclus de dettes, sans asile et sans propriété, qui n’ayant de considération que dans les troubles et les séditions s’efforcent de les perpétuer, tandis que la liberté ne peut s’affermir que par la paix publique, la concorde générale et le concours de tous les citoyens à faire exécuter la loi227. »

  • 228 De grands travaux sont adjugés à des entrepreneurs. Une pétition de tailleurs de pierre, maçons po (...)

88Parmi les personnes arrêtées, C. Desmoulins s’adresse à l’assemblée électorale, au nom des électeurs accusés par l’Assemblée nationale, demandant qu’ils puissent « exprimer leur choix en ce moment si important », puisque d’après la Déclaration, tout citoyen est réputé innocent jusqu’à condamnation. Il dénonce le fait qu’on l’accuse d’avoir dit au Procope le 3 juillet qu’il fallait tirer sur la garde nationale et tuer Lafayette, d’y avoir lu une pétition228 :

  • 229 E. Charavay, op. cit., p. 148-149.

« Que dit cette pétition ? Elle dit qu’une partie des assignats sont les biens de l’Église [devenus biens nationaux], dont le quart était affecté au soulagement de l’indigence, cette partie ne serait pas détournée de son objet, si on l’employait à procurer de l’ouvrage aux ouvriers qui en manquent229. »

  • 230 Ibid., p. 229.

89Mais l’assemblée décide de passer à l’ordre du jour. Danton déclare qu’il aimerait bien avoir « l’assemblée électorale pour juge alors que la loi lui indiquait les tribunaux » et demande à l’Assemblée de bien vouloir nommer des commissaires, pour examiner s’il devait continuer ses fonctions ou non. Un membre déclare qu’il n’y a pas lieu, que personne n’a fait de réclamation. Momoro se plaint qu’on l’empêche de voter, alors que l’Assemblée nationale venait de déclarer « qu’il ne pourrait être fait aucune poursuite contre aucun particulier pour objets relatifs à la Révolution230 ».

  • 231 Raffron du Trouillet (68 ans), membre du conseil de la Commune, Boucher, (60 ans) homme de loi, Je (...)
  • 232 Il parle de « cette explosion qui a retenti dans tous les cafés, toutes les sociétés, tous les clu (...)
  • 233 Ibid., p. 532. Il raconte encore une anecdote. « Toutes les fois que les séances avaient été agité (...)
  • 234 E. Charavay, op. cit., p. 512-518.

90Les électeurs sont divisés au point de provoquer une scission au sein d’un club issu de l’assemblée électorale de Paris, qui aboutit à la formation de deux clubs. Nau-Deville, du club dit de la Sainte-Chapelle, en fait le récit, rappelle les origines du club. Dans une grande assemblée comme l’assemblée électorale, il est difficile de se connaître : « chacun n’a de rapport qu’avec les collègues de sa section » et les électeurs affiliés à de grandes sociétés, à des clubs, ont un grand avantage sur tous les autres, ils se connaissent entre eux. Sentant « la nécessité de s’éclairer », les électeurs avaient décidé la formation d’un club dans la salle même de l’évêché. « Environ une douzaine d’électeurs, toujours les mêmes, qui ont l’habitude de la parole, monopolisaient la parole ou s’arrangeaient pour s’inscrire tôt, interrompaient et faisaient perdre beaucoup de temps »…C’est pour cela que cette majorité a formé le club de la Chapelle, « convenu pour la modération », décidés de n’admettre aucun de leurs collègues, « en qui on avait remarqué cette pétulance d’idées, cette soif exclusive, inextinguible de la parole, cette exaltation ». Dufourny est mentionné comme faisant partie des douze monopoleurs de parole, habitués des assemblées231. La scission ne s’est pas faite en douceur232. La suite du récit de Nau-Deville donne une idée de l’opinion majoritaire d’alors : « le citoyen modéré sent qu’après avoir été deux ans sur pied, chacun a besoin de s’asseoir, que les manufactures, que l’industrie, que les arts n’attendent que la tranquillité pour renaître plus florissants que jamais ». Il fallait terminer la révolution. Le club de la Sainte-Chapelle reconnaît que « depuis la présence du public dans celui de l’évêché, les discussions ont pris un caractère plus réfléchi, moins passionné233 »… Le club de l’Évêché, à tendance démocratique, est minoritaire et présidé par DuboisCrancé. De nombreux Jacobins ou Cordeliers en font partie (Fournier, Brune, Fréron, Varin, Laffitte, Lefebvre, Bonneville, Momoro, Legendre, Desmoulins, Lebois, Santerre, Dufourny…). Ils sont 107 à avoir signé une adresse à leurs concitoyens, dans laquelle ils disent combien ils sont malheureux de cette scission. Ils considèrent ceux qui en sont responsables comme des « intrigants » qui, par souci d’ordre, ont ordonné la loi martiale et la révision de la constitution pour éliminer le peuple. On les appelle « modérés », « ah, le beau titre »… Quant à eux, ils se disent tristes d’être traités de « factieux », de « sans-culotte » ou de « populaciers ». Le terme de sans-culotte commence à être employé. La culotte indiquait l’homme de qualité, l’honnête homme. Pour le club de l’Évêché, « la loi ne peut être que l’expression de la volonté générale […] elle n’a le droit que de défendre les actions nuisibles à la société »… Ils estiment que, plus que leurs ennemis, ils veulent la paix, l’ordre et l’harmonie dans les institutions234. La campagne électorale apparaît dans le langage, les injures, dans la caricature et la dérision : ceux considérés comme « aristocrates », se considèrent « modérés », ceux considérés comme « sans-culottes » se considèrent « démocrates »… Les démocrates défendent les sociétés populaires, comme lieux d’expression politique, les modérés leur refusent ce rôle. Ce positionnement a des répercussions dans les lois.

91Le 29 septembre 1791, Le Chapelier, rédacteur de la loi du 14 juin interdisant les sociétés à caractère professionnel, lit son Rapport sur les sociétés populaires, rapport pour le moins ambigu. Il commence par faire l’éloge des Sociétés mais :

  • 235 A. Aulard, op. cit., introduction, xcv.

« Ces sociétés populaires, dit-il, ont pris une espèce d’existence politique qu’elles ne doivent pas avoir. Tandis que la Révolution a duré, cet ordre de choses a presque toujours été plus utile que nuisible. […] c’est une fermentation momentanée qu’il faut soutenir et même accroître pour que, la Révolution ne laissant aucun doute à ceux qui s’y opposent, elle éprouve moins d’obstacles et parvienne plus promptement à sa fin. Mais lorsque la Révolution est terminée […] alors, il faut que tout rentre dans l’ordre235. »

  • 236 Ibid.,xcxvi.

92Ces sociétés sont à présent entraînées par des hommes qui cherchent à les agiter, « qui n’y parlent que pour préparer leurs intrigues et pour usurper une célébrité scandaleuse qui favorise leurs projets236 ». La thèse de la manipulation se vérifierait. Ceux qui ont soutenu les sociétés comme le groupe des douze du club de l’Évêché dont fait partie Dufourny, sont identifiés à l’image négative portée sur ceux qu’ils voudraient voir représenter, qualifiés de « sans-culottes », de « populaciers ».

  • 237 Textes présentés par L. Jaume, Les Déclarations des droits de l’homme 1789, 1793, 1848, 1946, Pari (...)
  • 238 L.-P. Dufourny, Invitation à former des comités fraternels…, op. cit.
  • 239 A. Aulard, op. cit., introduction, xcv.
  • 240 Talleyrand, Rapport sur l’Instruction publique fait au nom du comité de constitution, les 10-11 au (...)

93Pour Le Chapelier et le comité de constitution, « le regroupement unificateur des sociétés populaires dispute le monopole de la représentation du peuple, voire en nie le principe » et justifie ce reproche : « Il n’y a de pouvoirs que ceux constitués par la volonté du peuple exprimée par ses représentants : il n’y a d’autorité que celle déléguée par lui237… » Mais les représentants oublient qu’ils ne représentent pas tous les citoyens puisque une grande partie d’entre eux ne peut s’exprimer. Pour les Jacobins, Cordeliers et autres Sociétés, la Révolution n’est pas terminée, elle le sera quand la séparation entre les citoyens actifs et passifs sera abolie, et donc la souveraineté du peuple réelle. Les assemblées primaires et à défaut les sociétés populaires doivent aussi pouvoir contrôler leurs représentants et les lois. Dès novembre 1789, Dufourny considérait qu’une révolution n’est jamais « accomplie ni salutaire » que lorsque « l’égalité des Droits des individus est non seulement déclarée mais établie238 ». Le Chapelier au nom de l’Assemblée nationale décrète que « nulle société, club, association de citoyens ne peuvent avoir, sous aucune forme, une existence politique, ni exercer aucune action sur les actes des pouvoirs constitués et des autorités légales239 ». Il ne fait que transposer, en l’appliquant aux clubs, sociétés, associations de citoyens, le principe par lequel avaient été interdits les groupements à caractère professionnel. Notre première constitution entérine l’exclusion des plus pauvres. À la revendication des droits, s’ajoute après la fuite du roi, la perte de confiance dans ce dernier et l’éventualité de la République, ce qui provoque l’accélération des pétitions. Dans l’adversité, les démocrates vont redoubler d’énergie. Robespierre et Pétion sont très populaires. Dufourny espérait que cette réunion entre « les classes les plus instruites » et les autres changerait le regard porté sur les infortunés, et qu’alors, l’Assemblée abolirait les décrets privatifs. En 1790-1791, certains exclus ont participé aux sociétés populaires, parce que des citoyens actifs leur ont permis de s’exprimer. On peut se demander s’ils étaient les plus pauvres mais la logique de la représentation impose de reconnaître les droits de tous. En 1791, la Révolution du pouvoir devient celle du savoir. Les sociétés sont apparues pour instruire les citoyens pauvres, les informer des décrets. Le droit à l’instruction publique est inscrit dans la constitution. « L’homme ignorant […] est beaucoup trop dépendant de l’homme instruit. » « Celui qui ne sait ni lire ni compter dépend de tout ce qui l’environne » clame Talleyrand dans son rapport sur l’Instruction. Si les hommes sont reconnus égaux, conclue-t-il, il faut réduire ces inégalités de fait, pour leur permettre d’accéder à l’égalité réelle240.

  • 241 M. Vovelle, La chute de la monarchie, 1787-1792, p. 174.
  • 242 B. Gibaud, op. cit., p. 147.
  • 243 L. Jaume, op. cit., p. 187-189.
  • 244 J. Jaurès, op. cit, p. 438-444.

94« Au conflit de deux libertés, la liberté d’association contre la liberté du travail, l’arbitrage de la Constituante fait prévaloir celle qui est plus favorable à la bourgeoisie », constate M. Vovelle241. La liberté du travail des uns n’est pas celle des autres242. Les hommes de la Révolution ont à repenser toute l’organisation du travail, à cette époque charnière de la fin des corporations et du début de la grande industrie. Il est question de liberté d’entreprendre hors des corporations, de liberté du commerce, de la circulation de la monnaie et des marchandises, conditions essentielles pour favoriser le travail de tous. Dufourny défend aussi ce droit au travail. D’où l’importance de confronter les intérêts et de l’accès de tous aux droits politiques pour définir les objectifs prioritaires. Le Titre I de la constitution de 1791 inscrit dans « les dispositions fondamentales » qu’il sera créé et organisé « un établissement général de Secours publics, pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et fournir du travail aux pauvres valides qui n’auraient pu s’en procurer » et qu’il sera établi « des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution française, entretenir la fraternité entre les citoyens, et les attacher à la Constitution, à la Patrie et aux lois, et qu’il sera fait un code des lois civiles communes à tout le royaume243 ». Mais à l’exclusion des plus pauvres des droits politiques, s’ajoute la crainte d’une invasion, qui resurgit avec la « déclaration de Pillnitz » (le 27 août), signée par l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse : ils ne refuseront pas « d’employer les moyens les plus efficaces relativement à leurs forces, pour mettre le roi de France en état d’affermir les bases d’un gouvernement monarchique également convenable au droit des souverains et au bien-être de la nation française244 ». Quel rôle va jouer Dufourny pendant l’assemblée Législative quand la guerre préoccupe les uns et les autres et que le courant démocrate prépare le coup de force du 10 août ?

Notes

1 L.-P. Dufourny, LE GATEAU DES ROIS. Citoyens ! voici la fête de la famille. Où est la part du pauvre ? Paris, Imp. de Chalon, 3 janvier 1791.

2 A. Aulard, op. cit., tome 1, p. xxviii.

3 Ibid.

4 Voir chapitre 8.

5 A. Aulard, op. cit., tome 1, XXVIII.

6 Les dates des deux premières interventions ne sont pas précisées, la première se situe autour du 22 mai, jour où l’Assemblée nationale repousse solennellement le droit de conquête, dont parle précisément Dufourny ; le second sans doute fin Juin après la visite des Avignonnais aux Jacobins, comme le laisse croire son texte de 1791.

7 L.-P. Dufourny, Les droits des peuples défendus contre la politique et les titres odieux des antiques oppresseurs ou la liberté réclamée pour les Avignonnais et les Comtadins par devant l’Assemblée nationale, et s’il y a lieu, par devant le Tribunal éternel de l’immuable Raison, et avec le seul titre de l’inaliénable liberté des individus et des peuples, le 26 avril 1791, Imprimerie de Momoro, rue Serpente, in-8°, p. 5.

8 L.-P. Dufourny, Des droits des Avignonnais a la plus entière liberté ; De la nécessité de rédiger une déclaration des droits des Nations avant de statuer sur leur demande, Paris, Imprimerie de Chalon, 1790, in-8°, 16 p. L.-P. Dufourny, Supplément à la défense des droits des Avignonnais, des Comtadins et autres peuples à la plus entière liberté. Pour répondre aux diverses objections et particulièrement aux Députés, au Rapporteur et à M. de Robespierre. Paris, imprimerie de Chalon, 1790, in-8°, 19 p ; L.-P. Dufourny, Les Droits des peuples…, op. cit.

9 Avignon a alors de 24 000 à 25 000 habitants, et le Comtat venaissin 120 000 à 130 000 habitants, cf. R. Moulinas, « L’élaboration d’un nouveau droit international : Avignon, le Comtat et le droit des peuples à disposer d’eux mêmes (1789-1791) », dans R. Moulinas (dir.), La réunion d’Avignon et du Comtat à la France, Actes du colloque d’Avignon, CDDP, 1992, p. 45-46.

10 Ibid.

11 Ibid.

12 D. Somogyl, « Robespierre et l’affaire d’Avignon, » Association Maximilien Robespierre pour l’Idéal démocratique, Bulletin no 32, décembre 2004.

13 L.-P. Dufourny, Des droits des Avignonnais…, op. cit., p. 3.

14 Ibid., p. 4.

15 L.-P. Dufourny, Supplément…, op. cit., p. 2.

16 L.-P. Dufourny, Des droits des Avignonnais…, op. cit., p. 3-4.

17 Ibid.

18 Ibid., p. 5.

19 Ibid., p. 5-8.

20 Ibid., p. 8.

21 Ibid., p. 16.

22 Ibid., p. 8.

23 Ibid., p. 11.

24 Ibid., p. 10.

25 Ibid., p. 14.

26 Ibid., p. 2-3.

27 Ibid., p. 15.

28 L.-P. Dufourny, Des droits des peuples, op. cit., ibid., p. 15-19 (les mots mis en italique par Dufourny sont des mots de la fable).

29 L.-P. Dufourny, Supplément à la défense des droits…, op. cit.

30 Ibid., p. 1.

31 A. Aulard, tome 1, 25 juin 1790.

32 L.-P. Dufourny, Supplément…, op. cit., p. 1.

33 Ibid., p. 1-2.

34 Ibid., p. 5.

35 Ibid.

36 J.-J. Clere, « Le rattachement d’Avignon et du Comtat à la France : approche juridique (1789-1791) », AHRF, 1992, janvier-mars.

37 L.-P. Dufourny, Supplément…, op. cit., p. 7.

38 Ibid., p. 13-15.

39 Ibid., p. 10.

40 R. Moulinas, op. cit., p. 64.

41 L.-P. Dufourny, Du droit des peuples…, op. cit., p. 4-5.

42 Ibid., p. 7.

43 Ibid., p. 4.

44 A. Aulard, op. cit., 29 avril 1791.

45 R. Moulinas, op. cit., p. 64.

46 L.-P. Dufourny, Du droit des peuples…, op. cit., p. 14.

47 S. Lacroix, Actes de la Commune de Paris pendant la Révolution, 1894-1955, Collection de documents relatifs à l’histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, Le Cerf, tome 3, p. 434.

48 Rapport sur les assignats-monnaie fait à la section des Thermes de Julien le 8 septembre 1790, 12 p., BHVP., P 10 065.

49 L.-P. Dufourny, Des assignats, De leur transmission par virement, De la circulation des petits assignats, De la fonte des cloches, Du billon et projet de décret sur la libération de la dette exigible, sur les virements et la vente des biens nationaux, Imp. de Chalon, rue du Théâtre-Français, 26 septembre 1790, in-8°, 31 p., BN, Lb39/4181.

50 Ibid., p. 30-31.

51 Ibid., p. 2.

52 Ibid.

53 Ibid., p. 3.

54 Ibid.

55 M. Bruguière, « Assignats », in Furet,Ozouf, op. cit., p. 60.

56 L.-P. Dufourny, op. cit., p. 3-4.

57 H.-P. Boulard, « Assignats », journal La Croix, 29 septembre 1988.

58 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 29.

59 Ibid.

60 Rapport sur les assignats-monnaie fait à la section des Thermes de Julien le 8 septembre 1790, op. cit.

61 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 13.

62 Ibid., p. 9-10.

63 Ibid., p. 14.

64 Ibid.

65 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 12-13.

66 M. Bruguière, op. cit., p. 61.

67 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 20.

68 Ibid., p. 27.

69 C’est-à dire de la monnaie sonnante et trébuchante, mais une petite monnaie divisionnaire.

70 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 17-18.

71 En 1791, des pièces de monnaie furent effectivement fabriquées avec les cloches.

72 L.-P. Dufourny, Des assignats…, op. cit., p. 18-19.

73 Mais, comme le souligne Manuele Albertone, (« Une histoire oubliée, les assignats dans l’historiographie », AHRF, 1992, n ° 1) les recherches devraient aller au-delà de la Révolution, et restituer les assignats dans l’histoire du crédit et du papier-monnaie et l’histoire économique et politique du siècle tout entier. M. Albertone déplore, avec Hincker (La Révolution française et l’économie. Décollage ou catastrophe ? Paris, Nathan, 1989) l’insuffisance de recherches historiques sur les assignats et les tensions idéologiques qui perdurent, même si le bicentenaire a relancé cette recherche.

74 I. Bourdin, Les Sociétés populaires à Paris pendant la Révolution, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1937, p. 51.

75 Lebois, auteur d’une brochure de septembre 1789, très touchante, Récit exact de ce qui s’est passé en l’église royale de Saint-Paul, au sujet de l’enterrement d’un garçon de chantier, publiée chez l’imprimeur Momoro. BN 39/2387.

76 S. Lacroix, op. cit., 2de série, t. 3, p. 54.

77 R. Monnier, « Paris au printemps 1791. Les sociétés fraternelles et le problème de la souveraineté », AHRF, 1992, no 1.

78 « La chronique de Paris » : 21 novembre 1790.

79 A. Mathiez, Le club des Cordeliers pendant la crise de Varennes et le massacre du Champ-de-Mars, Paris, 1910. 8°Lb40 3438, BHVP 908 273, p. 10.

80 « Révolutions de France et de Brabant » 14 février 1791 : S. Lacroix, op. cit., tome 3, 2e série, p. 56.

81 La Société des vainqueurs de la Bastille, la Société fraternelle des amis des droits de l’homme de la section de Montreuil fondée par Tallien, la Société fraternelle de la section des Enfants rouges qui accepte les enfants à partir de 12 ans, par Sergent, la Société fraternelle des Halles de la section Mauconseil, en février par l’abbé de la Girardière, celle des Théatins, en Mars, celle de Sainte Geneviève qui siège aux Carmes place Maubert, puis la Société de Chaillot, cf. A. Mathiez, op. cit, p. 18-19.

82 Adresse de la Société des indigents amis de la Constitution, lue à la tribune des Jacobins le mercredi 30 mars de l’an deuxième de la république, in-8°, 4 p., BHVP 958 594.

83 Adresse de la Société des Indigents amis de la Constitution à Robespierre, 4 p. Lb40/2398.

84 A. Gueslin, L’invention de l’économie sociale, LeXIXe siècle français, Économica, 1987. A. Gueslin mentionne cette nébuleuse de sociétés de secours mutuel dont certaines prennent un caractère plus politique. Pour M. David, les sociétés fraternelles « étaient prémonitoires du mode d’opérer que le mouvement ouvrier, quelques décennies plus tard, considérera comme l’un des fondements du militantisme et même du renouvellement de la société dans son ensemble, comme l’Union fraternelle des ouvriers en l’art de la charpente, la Société fraternelle des compagnons maçons, etc. », cf. M. David, op. cit, p. 104.

85 B. Gibaud, Révolution et droit d’association. Au conflit de deux libertés, Paris, Mutualité française, 1989, p. 53.

86 A. Matthiez, op. cit., p. 22.

87 I. Bourdin, op. cit., p. 43.

88 Ibid., p. 81.

89 Le 1er février 1791 le club des Amis de la Constitution monarchique, présidé par Clermont Tonnerre, offre une somme de 11 500 livres à répartir entre les indigents des sections.

90 BN, NAF 2671, fol. 264.

91 I. Bourdin, op. cit., p. 147.

92 Ibid., p. 51-52.

93 Ibid.

94 « Des pauvres et des riches » in Les Révolutions de Paris, t. VII, p. 169, nolxxxii du 29/1 au 5/2/1791.

95 Cf. A. Matthiez, op. cit., p. 13.

96 L.-P. Dufourny, Le gâteau des Rois, op. cit.

97 L.-P. Dufourny, Invitation à tous les citoyens assemblés en sections à manifester leur reconnaissance pour l’assemblée nationale qui vient de supprimer les droits d’entrées et à célébrer. le grand jour où les indigents et les ouvriers déchargés. du poids accablant des impôts sur les consommations ont reçu. cette marque insigne de la plus tendre fraternité et à contracter l’engagement… d’acquitter les droits actuels, l’an II de la liberté, Imp. de Chalon, 14 p.

98 S. Lacroix, op. cit., 2e série, tome IV, 19 décembre 1789, p. 640.

99 Avec Restout, peintre de l’Académie royale de peinture et de sculpture, le président, et Turcaty le secrétaire. Cf. Pétition adressée à l’Assemblée nationale au nom de la Commune des Arts pour en obtenir la plus entière liberté de génie par l’établissement de concours dans tout ce qui intéresse la nation, les sciences et les arts, pour réclamer contre l’existence des Académies et autres corps privilégiés et contre la création d’un corps des Ponts et Chaussées, 16 pages, AN, ADVIII ou BN, Vp 15852.

100 Pétition, op. cit., p. 5.

101 Ibid.

102 Ibid., p. 6.

103 Cf. supra, chapitre 1.

104 Ibid., p. 1.

105 Ibid., p. 4-9.

106 Ibid., p. 13.

107 Restout, président, Lefebvre, Chardin, David, Dupré, Roger, Lesueur, Lépine, Petit, Bruandet, Thiérard, Colibert, Gerbet.

108 S. Lacroix, op. cit., 2e série, tome IV, p. 621.

109 L.-P. Dufourny, Le gâteau des rois. Citoyens ! voici la fête de la famille. Où est la part du pauvre ? Imp. de Chalon, 3 janvier 1791.

110 Ibid., p. 7.

111 Ibid., p. 1-2.

112 À la table frugale, écrit Dufourny, « l’hôte parut un Dieu, le pauvre parut un Ange, car c’est ainsi que la fable nous présente Philémon et Baucis aux pieds de Jupiter et de Mercure et que l’histoire sacrée nous montre Abraham servant les Anges ». Dans les Métamorphoses d’Ovide (VIII, 611-724) Gallica no 72208, Philémon et Baucis sont deux vieillards qui symbolisent l’hospitalité, ce sont les seuls à avoir accueilli Jupiter et Mercure, alors qu’ils habitent une cabane. Cette fable fut reprise par La Fontaine.

113 L.-P. Dufourny, Le gâteau des rois…, op. cit., p. 3.

114 Ibid., p. 4.

115 L.-S. Mercier, Le tableau de Paris…, op. cit., p. 298.

116 Chronique de la Révolution, op. cit., 5 janvier 1789.

117 L.-P. Dufourny, Le gâteau des rois…, op. cit., p. 5.

118 « Le petit enfant s’écrit en tressaillant : papa, voilà les Anges que Dieu nous envoie, et le petit ange vole lui-même au-devant d’eux : venez manger, boire, vous réjouir, vous chauffer avec vos frères ; hôtes bénis, honorez notre famille. »

119 L.-P. Dufourny, Le gâteau des rois…, op. cit., p. 7.

120 Ibid., p. 5.

121 Ibid., p. 5.

122 Ibid., p. 7.

123 M. Ozouf, La fête révolutionnaire, Paris, Gallimard, 1976.

124 L.-P. Dufourny, Invitation à tous les citoyens…, op. cit.

125 Ibid., p. 1.

126 Ibid., p. 2-3.

127 C. Duprat, Le temps des philanthropes…, op. cit., p. 246.

128 On y retrouve des gens très différents, comme Cerutti, Lanthenas et même Sieyès. L’abbé Fauchet y commente pendant dix séances les principales idées du Contrat social. Ibid., p. 246-254.

129 L.-P. Dufourny, Invitation à tous les citoyens assemblés en sections…, op. cit., p. 4.

130 Par contre, la liste générale des notables adjoints de la ville de Paris, élus par les 48 sections, est publiée le 23 mars (fonction d’assesseur de juge très prenante qu’occupait Dufourny depuis octobre 1789.) et on n’y retrouve ni le nom de Dufourny ni celui de Danton.

131 Ibid., p. 3.

132 Ibid., p. 14.

133 S. Lacroix, op. cit., tome 4, p. 55-56.

134 Ibid., tome 2, p. 487-489.

135 La musique et des détachements de la garde nationale se sont retrouvés place Louis XV à 6 heures et demi du matin et ont fait en quatre détachements, quatre parties du tour des murs de la ville de Paris pour annoncer la suppression des droits.

136 I. Bourdin, op. cit., p. 182.

137 Marat, L’ami du Peuple, no 397, p. 1.

138 Ibid., p. 3.

139 J. de Cock, op. cit., p. 667, Extrait des registres du club des Cordeliers du 12 février 1791.

140 Ibid., p. 661, Extrait des registres du club des Cordeliers du 26 janvier 1791.

141 Peyre, avocat, a joué un rôle important dans la révolte d’Avignon contre le Pape, A. Matthiez, op. cit., p. 9.

142 J. de Cock, p. 661, Extrait des registres du club des Cordeliers du 26 janvier 1791.

143 Orateur du peuple, no 66, vol 4, Œuvres politiques, tome IV, p. 2389. Cité par J. de Cock, op. cit., p. 680.

144 Ami du Peuple, no 403, cité par J. de Cock, op. cit., p. 701.

145 Notamment à propos de la recherche par le club d’une somme de 15 millions dont l’ancienne municipalité ne peut rendre compte. C. Desmoulins, Révolutions de France et de Brabant, no 67, cité par J de Cock, op. cit., p. 697.

146 « Club des Cordeliers », Bibliothèque nationale, Estampes, 1791, « Club des Jacobins », musée Carnavalet, 1791.

147 A. Mathiez, op. cit., p. 25, « tous les membres qui composent la Société veulent partager la gloire de mourir pour cette liberté […] ils l’ont juré […] et déjà une foule d’autres sociétés patriotiques sont venues dans le sein de celle des Droits de l’homme faire le même serment ».

148 Il est intéressant de noter que c’est au même moment que les Cordeliers reprochent à Barnave d’avoir pris la défense de l’esclavage dans les colonies, cf. A. Mathiez, op. cit., p. 26.

149 Les grands discours parlementaires de la Révolution, de Mirabeau à Robespierre, textes présentés par Guy Chaussinand-Nogaret, Paris, Armand Colin, 2005, p. 77.

150 Ibid., p. 73.

151 Ibid.

152 Ibid., p. 74.

153 Ibid.

154 Ibid., p. 72.

155 L’arrêté du club est signé par Peyre le président, Momoro et Rutledge les secrétaires. Cf. J. de Cock, op. cit., p. 743.

156 B. Gibaud, op. cit., p. 64.

157 J. Jaurès, op. cit., tome I, p. 302.

158 A. Matthiez, op. cit., p. 30.

159 B. Gibaud, op. cit., p. 68.

160 Le Mercure national, noxv.

161 A. Matthiez., op. cit, p. 28.

162 I. Bourdin, op. cit., p. 154.

163 Le Mercure du 11 mai 1791, cf. B. Gibaud, op. cit., p. 70.

164 A. Matthiez, op. cit., p. 30-31.

165 Le club se réunit régulièrement les dimanche, mardi, jeudi et samedi à 6 h du soir sans compter les réunions extraordinaires, G. Robertson, op. cit., p. 7-8.

166 A. Matthiez, op. cit., p. 28.

167 J. Jaures, op. cit. p. 305.

168 I. Bourdin, op. cit. p. 109.

169 Ibid.

170 Extrait du registre du club des Cordeliers du 7 juin 1791, BN, Lb40/814, 4.

171 B. Gibaud, op. cit., p. 84.

172 F. Gauthier, op. cit., p. 61.

173 R. Monnier, op. cit., p. 8 note 19.

174 Ibid.

175 A. Forrest, op. cit., p. 162.

176 J. Jaurès, op. cit., p. 302.

177 BN, NAF 2698.

178 Cordeliers, Point central des Arts et Métiers, Cercle social, Carmes, Place Maubert, Sainte Geneviève, Au collège de Navarre, Droits de l’homme du faubourg Saint Antoine, L’Égalité, Au cloître Notre-Dame, Nomophiles, Au prieuré Sainte Catherine, Au couvent des Minimes ; Fraternelle des Halles ; les Indigents ; les Ennemis du despotisme ; la Liberté, Rue de la Mortellerie.

179 Cité par R. Monnier, op. cit., p. 6.

180 D’après le tableau des trois comités imprimé le 1er mai : comité de Correspondance, comité de Présentation et de Vérification, et comité d’Administration.

181 A. Aulard, op. cit, LXXVIII.

182 L. Jaume, op. cit., p. 55.

183 A. Aulard, op. cit, p. 383.

184 Celles du Théâtre français (Momoro commissaire), Thermes de Julien (L.-P. Dufourny commissaire), Lombards (Mauguy), Mauconseil (Gomé), Croix-Rouge (de la Bare), Sainte-Geneviève (Hu), Luxembourg (Lanier), Notre-Dame (pas de nom), ibid., p. 474.

185 En février, ce dernier avait distribué à toutes les sections un avertissement qu’un corps de canonniers et de chasseurs avait été formé, ce qui signifiait selon eux la menace d’une conspiration militaire. Le club avait alors établi une commission de 36 membres divisés en groupe de trois pour aller dans les sections et assemblées populaires avec cette dénonciation, G. Robertson, op. cit., p. 12.

186 Œuvres de Marat, Observations de l’Ami du Peuple, p. 2966.

187 En ordre décroissant suivant le nombre de voix obtenues : Mathieu, homme de loi de 28 ans qui avait été aussi notable adjoint ; Béhoust, 37 ans, homme de loi qui avait été président de l’assemblée primaire ; Dansard, maître de pension de l’Université, 56 ans, le fondateur de la première société fraternelle des Jacobins Saint Honoré ; La Pourielle, accusateur public, 37 ans ; Huguin, avoué, 34 ans ; Delamarche, géographe, 58 ans ; Le Blanc de Beaulieu, curé de Saint Séverin, (depuis le 20 février 1791), 44 ans ; Caffin, capitaine, 56 ans ; Dufourny ingénieur, 53 ans, rue des Mathurins ; Canon, cordonnier 50 ans, volontaire de la première compagnie du bataillon des Mathurins, Bouillon, ancien épicier 44 ans ; Melin, ancien épicier 43 ans, volontaire de la 4e compagnie ; Falaise, ancien tonnelier, 42 ans, (résidant dans les Thermes de Cluny) volontaire de la 4e compagnie ; Faure, commissaire du roi et substitut de l’accusateur public du tribunal criminel, 36 ans ; Lesage maître pâtissier, 37 ans volontaire de la 2ème compagnie ; Renard, chevalier de Saint Louis, commissaire des guerres, 58 ans ; Delastre marchand mercier, assesseur du juge de la paix de la section, Jozeau, commissaire du roi du 4e tribunal provisoire, 42 ans ; Chatria, entrepreneur du roulage 50 ans ; Varin, libraire, 45 ans.

188 Dufourny habite toujours rue des Mathurins Saint Jacques, le petit hôtel de Cluny, bien que celui-ci « la maison et les dépendances » vienne d’être vendu le 15 juin 1791, comme « bien national ci-devant ecclésiastique », Archives de la Seine, DQ10 1589 Biens nationaux, procès verbaux de vente. « La maison consiste en un corps de logis sur la rue avec trois étages et grenier, puis une cour pavée en grès et de chaque côté une aile de bâtiment et de même élévation. Côté gauche, la boutique de M. Lefebvre perruquier à solives apparentes, à droite de la porte cochère une autre boutique, celle de M. Pieron teinturier. Le premier étage est occupé par M. Ducluzeau et Prevot, le deuxième par M. Descordes et Rameau, le troisième étage est occupé par M. Dufourny de Villiers, Clausier et Chopelet composé de trois chambres à cheminée et de trois cabinets. Cette maison tient du levant et à droite à l’hôtel de Cluny et du couchant et à gauche à une maison appartenant à M. Brunetot et au Nord par derrière à une cour dépendante de l’abbaye de Cluny, et au sud, à la rue des Mathurins Saint Jacques. Estimée 27 600 livres. Fut adjugée la somme de 48 500 livres. par Deyeux, ancien administrateur des hôpitaux… avec comme clause particulière sans pouvoir expulser les locataires. »

189 J. Jaurès, op. cit, p. 1062.

190 Extrait du registre de la société des Droits de l’homme…, 21 juin, cf. J. de Cock, op. cit, p. 867.

191 A. Aulard, op. cit., 22 juin 1791.

192 R. Monnier, op. cit., p. 8.

193 Révolution de France et de Brabant, no 82, p. 148, cf. J. de Cock, op. cit., p. 985.

194 Bouche de fer, no 85, 7 juillet, cf. J. de Cock, op. cit., p. 945.

195 AN, DXXIX bis 36, plaquette 372, pièce 9.

196 Depuis quelques jours, Bonneville, l’abbé Fauchet, Condorcet discutent aussi sur la forme du gouvernement et se prononcent pour la République. Condorcet est convaincu, depuis Varennes, que la monarchie sèmerait le désordre. Il rompt avec tous ses amis de la Société de 1789, Sieyès, etc.

197 M. Dorigny, « Champ-de-Mars (fusillade du) », in Dictionnaire de la Révolution française, op. cit., p. 202.

198 C’est le cas de Constante Evrard, par exemple, cuisinière qui se rendait au club des Cordeliers et Pauline Léon qu’elle y avait entraîné J.-P. Bertaud, op. cit., p. 158-162.

199 BN, NAF 2698, 18 juillet 1791.

200 Ibid.

201 Jaurès, op. cit., p. 1062.

202 Journal du club des cordeliers, 1791, rééd. EDHIS, Paris, 1981, p. 75.

203 A. Aulard, tome 3, 17 juillet 1791.

204 L’Adresse des Jacobins du 17 annonçant le schisme aux sociétés affiliées, publiée dans Le Moniteur, est signée Bouche, du nom du président élu pour le mois de Juillet. Or il était parti aux Feuillants. Il se plaint de l’usurpation de cette signature dans une lettre au rédacteur du Moniteur le 21. Le Moniteur et d’autres journaux publient une réponse de Dufourny, président par interim, dans laquelle il se défend d’avoir utilisé la signature de Bouche. Celui-ci était absent mais n’avait pas informé qu’il démissionnait et c’était l’habitude de signer ainsi. A. Aulard, op. cit., p. 699 et 700.

205 Discours prononcé dans l’assemblée de la Société des amis de la Constitution séante aux Jacobins par M. Péthion président et la réponse de L.-P. Dufourny, Imp. patriotique, in-4°, 3 p., BN, Lb40/2239.

206 Ibid.

207 Journal des cordeliers, op. cit., p. 76.

208 Élu le 27 juillet ainsi que Mendouze, Chépy fils, Sergent, Bourdon de la Crosnière, et Mouton. Ces 12 commissaires forment avec soixante Jacobins nommés le même jour, le grand comité des 72. A. Aulard, op. cit.

209 A. Aulard, op. cit., tome 3, 7 août 1791.

210 Ibid.

211 Barnave, cité par Jaurès, op. cit., tome 1, p. 432.

212 Ibid., p. 433.

213 Barnave, cité par Jaurès, op. cit., tome 1, p. 434.

214 Ibid., p. 435.

215 Ibid.

216 Les grands discours parlementaires, op. cit, p. 118.

217 A. Aulard, op. cit., tome 3, 27 août 1791, signé : Pétion pdt, Corroler, Royer, évêque du département de l’Ain, Dufourny, Regner neveu, Mendouze, Sergent, secrétaires.

218 Le Moniteur, op. cit., t. IX, p. 654 et 663.

219 Ces conditions ne furent pas appliquées pour les élections à la Législative, les inscriptions ayant été faites selon les dispositions de la loi de décembre 1789 : trois journées de travail d’imposition pour être citoyen actif, dix pour être électeur, un marc d’argent pour être élu (soit 50 livres).

220 A. Aulard, op. cit., 17 août 1791.

221 Ils avaient à élire les 28 députés à la Législative et leurs 8 suppléants, 2 hauts jurés, la moitié des administrateurs du département (18), le procureur général syndic, le président du tribunal criminel et son substitut, 8 juges suppléants, l’accusateur public près le tribunal criminel et 3 curés.

222 E. Charavay, Procès verbaux de l’Assemblée électorale de Paris, Paris, D. Jouaust, Ch. Noblet et Quantin, 1890-1905, p. 107.

223 Voter et élire pendant la Révolution française 1789-1799. Guide pour la recherche, Éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1999, p. 476. Lors de la séance de l’Assemblée électorale du 15 février 1792, Dufourny est élu scrutateur suppléant et le 26 avril 1792, il est élu scrutateur général, cf. Charavay, op. cit., p. 428.

224 Ibid., p. 407.

225 Ibid.

226 « Il est prouvé qu’un attroupement de 3000 individus sortis du Palais-Royal s’est introduit dans cette assemblée en forçant les portes, que c’est cette seule multitude effrénée qui a seule dicté la pétition. » Il s’agit d’une assemblée du Cercle social.

227 J. de Cock, op. cit., p. 1054.

228 De grands travaux sont adjugés à des entrepreneurs. Une pétition de tailleurs de pierre, maçons poseurs et autres ouvriers au nombre de 900, employés à la démolition de la Bastille et depuis, à la réparation des quais et ports, rédigée par C. Desmoulins, reproche que des travaux soient remis à des adjudicataires qui selon lui, s’enrichiront rapidement et ne garantiront pas les salaires, risquant de susciter des discordes puisque les entrepreneurs choisiront entre les ouvriers […] rappelle que les assignats proviennent en partie des biens de l’Église, et sont « le patrimoine des pauvres ».

229 E. Charavay, op. cit., p. 148-149.

230 Ibid., p. 229.

231 Raffron du Trouillet (68 ans), membre du conseil de la Commune, Boucher, (60 ans) homme de loi, Jean Rousseau (52 ans) professeur de mathématiques font aussi partie des douze. Parmi les signataires du club de la Sainte-Chapelle, Dufourny peut reconnaître huit concitoyens de sa section, dont Dansard, Chatria, Behoust, ibid., p. 522-524.

232 Il parle de « cette explosion qui a retenti dans tous les cafés, toutes les sociétés, tous les clubs. On dit que tous les électeurs de la Sainte-Chapelle sont des aristocrates… de mauvais citoyens, des ministériels »… il y eut injures, et même « provocations en montrant le poing ». En note, il est ajouté ; « une provocation d’un genre moins sérieux… M. Dufourny, l’un des douze dessina au crayon le portrait de M. Rouche, sans que celui-ci s’en aperçut. M. Rouche alors président de la Sainte-Chapelle l’apprit et maniant la plume mieux que le crayon, traça en vers quelque portrait de M. Dufourny. Reste à juger des ressemblances ». Le compte-rendu ne donne pas hélas, ce portrait. Ibid., p. 522-524.

233 Ibid., p. 532. Il raconte encore une anecdote. « Toutes les fois que les séances avaient été agitées par de longs débats… on finissait plus tard et le besoin rassemblait tous les partis chez M. Morisan, traiteur à l’Évêché, tout en dînant, on se préparait au combat d’opinions qui s’ensuivait ordinairement et chacun défendait sa cause. Je me trouvais un jour engagé avec M. Dubois-Crancé mais sur le ton qui convient à la société. Nous n’avions plus de témoins que M. Dufourny, M. Fauconfret du département et les personnes de la maison. » Il raconte que Dubois-Crancé accuse gentiment Nau-Deville d’avoir fait des vers à La Fayette ce qui fut appuyé par un sourire de Dufourny. Nau-Deville reconnaît les faits, défend La Fayette tout en regrettant l’idolâtrie dont il a été l’objet.

234 E. Charavay, op. cit., p. 512-518.

235 A. Aulard, op. cit., introduction, xcv.

236 Ibid.,xcxvi.

237 Textes présentés par L. Jaume, Les Déclarations des droits de l’homme 1789, 1793, 1848, 1946, Paris, GF Flammarion, 1989, p. 60.

238 L.-P. Dufourny, Invitation à former des comités fraternels…, op. cit.

239 A. Aulard, op. cit., introduction, xcv.

240 Talleyrand, Rapport sur l’Instruction publique fait au nom du comité de constitution, les 10-11 au 19 septembre 1791, imprimé sur ordre de l’Assemblée nationale.

241 M. Vovelle, La chute de la monarchie, 1787-1792, p. 174.

242 B. Gibaud, op. cit., p. 147.

243 L. Jaume, op. cit., p. 187-189.

244 J. Jaurès, op. cit, p. 438-444.

Table des illustrations

Légende Figure 16. – Le club des Jacobins.
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Légende Figure 17. – Des droits des Avignonnais.
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Légende Figure 18. – Les droits des peuples.
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Légende Figure 19. – Supplément aux droits des Avignonnais.
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Légende Figure 20. – Des assignats…
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Légende Figure 21. – Pétition motivée de la Commune des Arts.
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Légende Figure 22. – Le gâteau des rois.
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Légende Figure 23. – Le club des Cordeliers.
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