1Je suis le seul député apparenté UDB à l’Assemblée nationale, et même le seul de la mouvance représentée par Régions et peuples solidaires (R&PS). Suis-je pour autant un député autonomiste ? Ne nous payons pas de mot. Le terme d’« autonomiste » est peu clair pour l’ensemble des députés. Je crois qu’il y aurait une multitude de définitions différentes selon les personnes interrogées. Les termes de « régionaliste » et « fédéraliste » sont plus facilement compréhensibles et moins sujets à interprétations. J’emploie donc plutôt ces deux termes.

2Je crois que beaucoup de députés ont compris que j’avais un positionnement peut-être un peu atypique dans l’hémicycle. Toutefois, les idées de prise en compte des territoires, de spécificités locales et régionales ne sont bien sûr pas inconnues des députés. On peut aussi retrouver dans différents partis l’idée régionale. Certains députés se revendiquent clairement du milieu rural, ou de la montagne ou encore de l’insularité et revendiquent une prise en compte des territoires. Par exemple, les députés bretons ont su se rassembler pour obtenir une baisse de 50 % de la taxe poids lourds en région Bretagne. Les députés peuvent donc ne pas affirmer l’idée régionale comme vecteur de leur action politique, mais toutefois la défendre en pratique sur un sujet ou un autre. C’est parfois là l’ambiguïté du travail à l’Assemblée nationale.

3D’une certaine façon, les députés sont conscients qu’une forme de fédéralisation de la France est commencée, même en France métropolitaine, avec la Corse et le statut spécial d’Alsace-Moselle, sans parler des outre-mer. Bien sûr, peu de députés oseront en parler aussi librement, c’est un sujet un peu tabou, et préfèrent encore se cacher derrière le mythe de l’unicité de la République que l’on confond avec l’unité du corps électoral. La question est d’autant plus difficile que le système politique, à commencer par la Constitution, ne prend pas en compte les territoires. Cependant, le groupe écologiste, dans lequel je siège suite aux accords électoraux conclus lors des élections législatives avec R&PS, défend des positions fédéralistes. Une partie du PS est également franchement régionaliste. Au final, un député régionaliste n’apparaît pas forcément comme un trublion infréquentable.

4Pour autant, les députés ont compris que je n’étais pas un écologiste comme les autres membres du groupe parlementaire et m’identifient comme un régionaliste. Ce positionnement ne soulève ni ironie, ni réprobation, sauf peut-être des jacobins les plus virulents, notamment ceux issus du MRC de Jean-Pierre Chevènement. Leur positionnement est d’ailleurs tellement caricatural que la gauche, dans son ensemble, ne s’y retrouve pas.

Valoriser l’échelon régional

5Si je ne suis donc pas un député totalement à part, j’assume toutefois des positions qui me distinguent. Tout d’abord, j’affirme la pertinence et l’efficacité de l’échelon régional. Je rappelle les expériences menées dans la région Bretagne et dans d’autres régions. Par exemple, la compétence des lycées dont la gestion est bien meilleure depuis que la région en est chargée. De même on peut citer les réussites régionales dans des domaines variés : la culture, la gestion des trains régionaux et du transport multimodal, la formation professionnelle et les langues régionales. Pour la région Bretagne, on peut insister sur la vision prospective et organisatrice de la région par les schémas directeurs et la possibilité par le B161 de coordonner les programmes des autres collectivités territoriales.

6J’insiste également pour que cet échelon soit celui qui soit favorisé par une décentralisation si possible différenciée, avec la faculté d’adapter les lois et règlements. Je cite régulièrement dans l’hémicycle ces exemples de régions à pouvoir législatif comme par exemple la Catalogne, le Pays basque ou l’Écosse. On compare aussi les capacités financières de régions françaises, un peu plus d’un milliard de fonds pour la région Bretagne avec celles de l’Écosse, 37 milliards d’euros environ ou encore celles du pays de Galles, de l’ordre de 20 milliards d’euros. Ce sont des exemples concrets. Il s’agit de montrer combien la structure administrative actuelle de la France est anachronique, obsolète, héritée des États-nations du XIX^e siècle. Cela ne veut pas dire que les jacobins feront leur mea culpa mais il s’agit de présenter d’autres idées qu’une organisation centralisée et monolithique.

Mon investissement sur la loi de refondation de l’école

7D’abord pour avoir une certaine influence, il faut savoir de quoi on parle et être capable d’expliquer concrètement les difficultés du terrain. Pour les langues régionales, il est nécessaire d’expliquer en quoi l’absence de reconnaissance pose des problèmes concrets sur le terrain. Il faut donc être informé par les associations, avoir noué des liens et maintenir des relations régulières avec elles. Mon positionnement régionaliste amène à ce que beaucoup d’entre elles se tournent en priorité vers moi pour que je retranscrive en amendements législatifs les avancées que l’on souhaite voir prises en compte.

8Toutefois, ce n’est pas suffisant et peut se révéler infructueux. Le député doit aussi convaincre le Gouvernement ou tout du moins le rapporteur de la loi pour que ses amendements, aussi justes soient-ils, soient pris en compte. Pour être clair, la compétence que j’ai pu acquérir pendant mes quinze années passées dans l’enseignement bilingue ainsi que dans le monde culturel breton, n’aurait été d’aucune utilité si je n’avais pu être appuyé par un certain nombre de députés. Qu’il s’agisse des députés et sénateurs du groupe parlementaire dans lequel je siège, mais aussi et surtout du parti majoritaire, et dans une moindre mesure des parlementaires des groupes d’opposition. J’ai également pu compter sur l’appui de présidents de régions, d’hommes politiques influents de la majorité et des associations de toute la France qui défendent les langues régionales. Mon parcours et mon étiquette de régionaliste m’apportent une certaine légitimité auprès de mes pairs sur ces questions, ce qui me permet de pouvoir être écouté au-delà des étiquettes politiques et parfois d’aboutir à de larges consensus.

9Le travail sur la question des langues régionales dans le Projet de refondation de l’école a donc notamment pu se faire en relation avec les sénateurs de la majorité, dont certains sont très favorables aux langues régionales, mais aussi le Gouvernement qui m’a consulté car j’ai été très vite considéré comme le spécialiste sur ces questions. Ce dernier, après avoir été sourd à mes demandes en première lecture à l’Assemblée nationale a fini, devant une levée de boucliers de sa propre majorité et du monde associatif, par comprendre l’intérêt d’un renforcement de l’enseignement des langues régionales. L’examen du projet de loi au Sénat a donc permis de rectifier un amendement du Gouvernement qui était dangereux pour les langues régionales et de le remplacer par deux autres sur lesquels j’ai directement travaillé avec le cabinet du ministre : l’un qui introduit pour la première fois dans la loi la mention d’enseignement bilingue en français et en langue régionale, l’autre qui permet aux enseignants d’utiliser les langues et cultures régionales chaque fois qu’ils peuvent en tirer bénéfice pour leur enseignement. Ces deux amendements représentent une avancée substantielle dans les textes de loi. Le cheminement de la loi n’est donc pas un long fleuve tranquille et requiert de la ténacité, de la constance et du travail. Des qualités dont paraît-il les Bretons sont bien pourvus ?

10Cet aspect de promotion des langues régionales n’est pas forcément considéré comme primordial par l’ensemble des habitants de ma circonscription, mais quand ils m’en parlent c’est de façon positive pour m’encourager à continuer.

Député d’une circonscription

11De manière globale, sur les autres sujets qui intéressent directement ma circonscription, je pratique la même méthode. Je reçois le plus possible les personnes concernées. J’essaye de comprendre leur problème et de trouver une solution. C’est ainsi que je conçois mon rôle. Je ne vois d’ailleurs pas comment un député proche de l’UDB comme je le suis ne serait pas attentif à sa circonscription et aux gens qui l’habitent. Nous faisons de la politique pour essayer d’améliorer la vie de nos concitoyens. Dans ma circonscription, les problèmes de l’agriculture, de la ruralité, de l’industrie mais aussi de la formation (lycées, formations supérieures) sont une de mes premières préoccupations.

12Les habitants ne demandent pas que je fasse de la régionalisation ou de l’autonomie. Ils demandent que je m’occupe de la circonscription, du développement économique mais aussi de leurs problèmes sociaux. Quel meilleur moyen qu’un pouvoir proche d’eux, régionalisé et territorialisé ? C’est le sens que j’essaye de donner à mes actions auprès des habitants. Je reste par mes attaches et mon état d’esprit un élu breton au service des Bretons et des habitants de la circonscription. Ils aiment également que je donne d’eux une image positive dans mes interventions à l’Assemblée nationale et que je défende le territoire. Je me plie d’autant plus à cette demande que je conçois mon rôle de cette façon.

13Donc à la question « élu local ou national ? », je répondrais : « Les deux mon… » Car, je vois bien poindre la critique. Un élu breton ne peut pas être un élu de la nation et je resterai un élu d’une région, du local en quelque sorte.

14Pourtant, quand je défends le breton, je défends aussi toutes les langues de France, de Navarre (basque) et de l’outre-mer. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de me déplacer dans d’autres régions de France pour expliquer le travail que je fais sur les langues régionales et la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Je suis d’une certaine façon le porte-parole de l’ensemble de ces défenseurs des langues régionales et territoires à l’Assemblée nationale. Il en est de même sur l’organisation administrative de la France et les lois de décentralisation. Je reçois des demandes sur ces sujets de toute la France, régulièrement au-delà de celles faites par R & PS. Cela tendrait à prouver que local et national sont tout simplement complémentaires et qu’il ne faut pas confondre francité et France ; francité et République.

15Sur l’ensemble des sujets, j’apparais comme un acteur de terrain, pragmatique et, je l’espère, constructif. Là encore, les attentes, parfois contradictoires de la population, m’amènent à faire des synthèses lors de mes positionnements.

16L’action d’un député UDB est donc de pouvoir concilier l’ensemble des activités de député, depuis la genèse de la loi jusqu’à l’écoute des attentes légitimes de la population locale, en mettant la proximité au centre de l’action politique, condition d’une meilleure compréhension des enjeux et donc productrice d’une meilleure efficacité.