Des femmes au sacrifice : quelques images romaines
p. 81-107
Texte intégral
1La rareté des images de femmes au sacrifice sur les reliefs romains ne peut guère étonner. En effet, deux éléments majeurs s’opposent à leur représentation : les « reliefs historiques1 » mettent en scène principalement des thèmes de la vie publique, qui, par essence, est conduite par des citoyens romains et exclut les femmes, celles-ci étant juridiquement des éternelles mineures ; les femmes ne peuvent que très rarement accomplir un sacrifice au nom d’une communauté, et quand elles le font, c’est en tant que complément indispensable des hommes ou en tant qu’étrangères2.
2En fait, ce qui est surprenant c’est qu’il puisse exister des images de femmes au sacrifice. Que révèlent-elles sur le rite et sur le rôle joué par les femmes dans les cérémonies ? Confirment-elles les informations livrées par les sources écrites ? Les femmes sont-elles cantonnées à un rôle passif de spectatrices ? Si elles opèrent les gestes du sacrifiant, le sacrifice est-il de préférence non sanglant ? Sont-elles plutôt montrées égrenant de l’encens que versant un liquide à l’aide de la patère ? Quel est leur statut ? Les femmes « actives » sont-elles toujours des prêtresses ? Notre attention portera exclusivement sur les reliefs provenant de Rome et d’Italie3.
3Sur environ 150 reliefs sacrificiels conservés, 24 monuments mettent en scène des femmes que je classe ici par ordre chronologique : 1) Ara Pacis : a) frise des Vestales sur l’autel ; b) femmes sur les frises nord (fig. 1) et sud de l’enceinte4 ; 2) Autel des Lares : libation de femme5 ; 3) Base de Sorrente : libation à Vesta6 ; 4) Banquet des Vestales (fig. 2)7 ; 5) Relief de la villa Albani : libation à Vesta8 ; 6) Relief dit d’un sacrifice à un empereur divinisé ( ?)9 ; 7) Relief de Quintus Lollius Alcamenes10 ; 8) Autel de Bugnare (fig. 3)11 ; 9) Détail du relief des Haterii12 ; 10) Relief de Palerme : libation à Vesta (fig. 4)13 ; 11) Stèle funéraire de femme (fig. 5)14 ; 12) Relief funéraire de Laberia Felicla (fig. 6)15 ; 13) Relief de la villa Albani : libation16 ; 14) Arc de Bénévent : petite frise triomphale (fig. 7)17 ; 15) Colonne Trajane : a) scène LXXX (fig. 8), b) scènes LXXXII-LXXXV, c) scènes LXXXVI, d) scène XCI18 ; 16) Relief funéraire de Galatea (fig. 9)19 ; 17) Couvercle de sarcophage : dextrarum iunctio et pompa d’un taureau (fig. 10)20 ; 18) Sarcophage du Belvédère (fig. 11)21 ; 19) Sarcophage de St Laurent hors les Murs (fig. 12-13)22 ; 20) Sarcophage de Mantoue (fig. 14)23 ; 21) Sarcophage de l’Ermitage24 ; 22) Sarcophage de Frascati25 ; 23) Sarcophage de Berlin (fig. 15)26 ; 24) Porte des Argentarii : relief de Julia Domna et Septime Sévère (fig. 16)27. Ont été écartés du corpus trois reliefs : le fragment de devant de sarcophage de la villa Doria Pamphilj, car les restaurations nombreuses empêchent de vérifier s’il s’agit bien d’une scène sacrificielle28 ; l’autel circulaire de Mercure et de Maia ( ?)29 et la stèle de Junon30 parce qu’ici ce sont les divinités féminines qui se sont emparées des gestes humains31. Je n’ai pas non plus pris en compte les reliefs dont les sacrifices sont offerts à des divinités féminines représentées tels que l’autel de S. Angelo romano32, ni les reliefs « néo-attiques » et dionysiaques.
4J’analyserai l’ensemble des scènes en m’interrogeant premièrement sur les phases du sacrifice dans lesquelles les femmes apparaissent et sur les gestes qu’elles accomplissent, deuxièmement sur le statut des femmes représentées dans les images et leurs rapports avec les rites, en dressant un bref parallèle avec les sources écrites témoignant des rôles des femmes dans les sacrifices.
Phases du sacrifice et gestuelle des femmes
5L’ensemble des reliefs provenant de Rome et d’Italie reflètent différentes séquences du sacrifice de manière plus ou moins fréquente et répétitive : la pompa ou procession, la libation par le vin et l’encens ou la praefatio si l’on est en contexte de sacrifice d’animaux, l’immolatio ou la mise à mort symbolique de l’animal par le sacrifiant qui répand sur l’échine de l’animal de la mola salsa et y passe le couteau symbolique, la mise à mort proprement dite opérée par les uictimarii ou sacrificateurs, la litatio ou vérification de l’agrément de la victime par les dieux et enfin le banquet. Parmi les phases du sacrifice mises en image, les plus représentées sont la pompa, la praefatio et la libation ; la litatio et le banquet ne comptent chacun qu’un exemplaire. Bien que le repérage des séquences sacrificielles soit arbitraire et dépende en partie du bon vouloir du spectateur à lire et à séparer dans un ordre « spatiotemporel » des synthèses « narratives » révélant les choix des sculpteurs et/ou des commanditaires, j’analyserai la présence des femmes phase par phase.
6La pompa peut être présentée en mouvement ou à l’arrêt, combinée ou non avec la scène de libation ou de praefatio, puisque son but est d’atteindre l’autel sacrificiel. Sur l’Ara Pacis, les processions où figurent les femmes ne présentent pas d’autel sacrificiel. Sur les frises nord et sud de l’enceinte de l’Ara Pacis (n° 1b)33, les femmes apparaissent dans le dernier tiers de la procession faisant groupe avec hommes et enfants. Sur la frise sud, la première femme représentée (Livie ou Julie34) est de face, voilée, le bras droit enveloppé dans le voile, la main gauche semblant tenir ou ajuster sa tenue. Un petit garçon se retourne vers elle. La femme suivante (Antonia Minor) n’a pas la tête voilée ; elle donne la main gauche à un petit enfant identifié comme Germanicus ; au second plan, entre Antonia et Drusus apparaît la tête voilée d’une femme qui porte l’index de sa main droite voilée à la bouche. La quatrième femme figurée (Antonia Maior) a sa main droite reposant sur l’épaule d’un petit garçon ; il est suivi d’une jeune fille reconnaissable à son chignon qui est identifiée à Domitia35. Sur la frise nord, plus précisément sur le relief fragmentaire conservé au musée du Louvre (fig. 1), apparaissent trois femmes et une petite fille. Celle du centre (Octavia Minor) est la seule femme à porter dans la main gauche une branche de lauriers, symbole probable de purification, renvoyant d’un côté à la victoire, de l’autre à Apollon et aux deux lauriers qu’Auguste installa de chaque côté de l’entrée de sa domus sur le Palatin ; la petite fille (Iulia Minor) l’imite puisqu’elle tient aussi une branche de lauriers. Mais ce geste n’est pas réservé aux femmes, puisqu’on le retrouve sur la même frise, accompli par trois hommes en toge, le premier en tête étant interprété comme un licteur, le second comme un VIIuir, le troisième comme un XVuir ; sur l’autre frise, il n’est l’apanage que des hommes, de deux flamines, et de deux autres togati. L’autre relief mettant en scène des femmes, plus exactement des Vestales, sur l’Ara Pacis se déploie sur la partie intérieure nord du couronnement de l’autel (n° 1a). Les six prêtresses apparaissent les unes derrières les autres rangées, semble-t-il, par taille croissante, encadrées de deux hommes à l’avant (un licteur et un togatus) et d’un homme en fin de cortège (un autre licteur) ; malgré l’état fragmentaire, on distingue des objets, un petit vase ou olla, un simpulum et probablement une acerra portées par les trois premières Vestales. Sur la base de Sorrente (n° 3), cinq Vestales voilées d’un suffibulum semblent avancer vers trois personnes féminines qui leur font face : celle assise au milieu est Vesta entourée peut-être de Cérès et Libera ou Flora. Pour certains chercheurs, la partie centrale de la base montrait la sixième Vestale et l’empereur Auguste versant une libation dans les flammes d’un autel. L’ensemble se déroule en plein air, puisque derrière un rideau suspendu on voit apparaître à gauche les chapiteaux de colonnes ioniques et à droite sur de hautes bases deux statues d’animaux sans parures sacrificielles et le Palladium36.
7Il semble donc que les femmes figurées à l’époque Augustéenne apparaissent dans des reliefs ne mettant pas en scène d’animaux sacrificiels ; il faut néanmoins nuancer cette assertion, puisque sur l’Ara Pacis, un animal sacrificiel apparaît sur chacune des acerrae portées dans la procession de la frise nord, et que c’est au dos de la frise des Vestales qu’est sculptée la pompa des animaux conduits au sacrifice.
8En tout cas à l’époque de Trajan, la juxtaposition de femmes et de bovidés sacrificiels semble naturelle. Sur la petite frise triomphale de l’arc de Bénévent (n° 14), on discerne deux groupes de deux femmes : le premier (fig. 7) n’est séparé d’un taureau paré pour le sacrifice que par un homme tenant au-dessus de lui une pancarte sur laquelle figurait probablement le nom des captifs ; les deux femmes sont représentées avec un jeune garçon en braies qui semble s’accrocher au bras de la première femme et un bébé tenu dans les bras de la seconde femme. Le deuxième groupe figure de nouveau derrière un homme aux cheveux longs habillé d’une tunique et brandissant une tabula ansata : l’attitude des deux femmes et de l’enfant est identique au groupe précédent, hormis le fait qu’il n’y a pas de bébé dans les bras de la seconde femme. Les deux groupes semblent être encadrés d’hommes en tunique et manteau militaire, ayant sur la tête une couronne de lauriers. Derrière le deuxième groupe apparaissent des victimaires portant un grand récipient. Sur la scène LXXXIII-LXXXV de la colonne Trajane (n° 15b), on ne voit pas de femmes, mais des petites filles habillées comme des femmes, les cheveux relevés en chignon dans le cortège, au milieu d’autres enfants accompagnant Trajan qui se dirige vers les quatre taureaux parés pour le sacrifice. Sur la scène XCI (n° 15d), quatre femmes apparaissent les cheveux pris dans une sorte de coiffe et en habits aux superpositions et nœuds élaborés qui ne ressemblent pas aux atours des Romaines : la première a la paume droite ouverte tournée vers le sol comme pour désigner quelque chose ; elle tient dans l’autre bras un petit enfant. La seconde a la main gauche posée sur l’épaule d’un petit garçon ; les deux dernières ferment le cortège à la suite d’une petite fille. Sur un plan supérieur, mais formant un groupe avec les femmes, se trouvent trois hommes barbus aux cheveux longs. Sur un troisième plan, encore au-dessus, on voit une rangée d’autels garnis ; auprès de chacun, se trouve un bovidé tenu par un uictimarius de la main droite, brandissant de l’autre une hache ou massue. En fait si l’on regarde attentivement le relief, on peut considérer que la pompa est arrêtée, ayant atteint son but, assistant à la praefatio qu’offre Trajan, en tunique et paludamentum, tête découverte, à l’aide d’une patère au son de la musique d’un tibicen. Donc sur l’ensemble de ces reliefs, la juxtaposition de femmes, petites filles et bovidés sacrificiels peut s’expliquer aisément par le fait qu’il s’agit d’étrangères, de Daces.
9La série des sarcophages montrant des scènes de mariage et de la vie d’un général romain reprend souvent les même types de figures féminines : la fiancée, des matrones, des divinités ou figures allégoriques et des porteuses de coffrets et de fruits. Néanmoins, leur agencement dans les compositions diffère. Sur le couvercle de sarcophage du Vatican (n° 17, fig. 10), il s’agit d’une procession sacrificielle en rapport avec un mariage comme le montre la dextrarum iunctio figurée sur la droite37. De nombreuses figures féminines apparaissent : la mariée au visage entièrement caché par le flammeum, une femme entre les époux semblant de ses bras les rapprocher qui est interprétée comme la figure allégorique de Concordia, une autre femme diadémée posant la main droite sur l’épaule de l’épousée, qui pourrait être une pronuba, mais qui a été associée par certains à Vénus ; derrière le togatus assis sur la sella curulis, une femme casquée tenant une couronne représenterait Roma. L’ensemble de ce groupe est séparé de la pompa par un génie ailé brandissant une torche, probablement Hyménée. Le suivent deux femmes habillées différemment ; la seconde est voilée et tient des deux mains une sorte de corbeille de fruits. Puis viennent des hommes, en tête peut-être un licteur, un assistant aux cheveux longs portant une acerra et un vase, enfin deux victimaires accompagnant un bovidé au sacrifice, comme en témoigne l’ornement entre les cornes de l’animal, et les couteaux à la ceinture du limus des esclaves. Sur le sarcophage de Mantoue (n° 20), la synthèse proposée est différente, mais il est possible de repérer les mêmes personnages de la pompa sur les petits côtés du monument : sur une face, un bovidé accompagné par un uictimarius portant une hache ; sur l’autre (fig. 14), deux femmes habillées de manière identique, les cheveux resserrés en un chignon se tournent l’une vers l’autre : celle de gauche tient dans les bras une sorte de cassette tandis que l’autre exhibe des fruits dans une sorte de linge ; à côté d’elles un jeune homme aux cheveux longs vêtu d’une tunique porte une acerra et un vase38. Sur la face principale du sarcophage, le groupe de la dextrarum iunctio inclut à nouveau deux femmes (Concordia et Vénus ?) en plus de l’épousée, mais cette scène est totalement juxtaposée aux deux autres scènes, celle centrale du sacrifice réunissant un raccourci de la praefatio et de la mise à mort dans laquelle aucune femme n’apparaît, et celle de gauche montrant une supplicatio, geste accompli par une femme barbare et son enfant, probablement en faveur de l’homme barbare qui doit avoir les mains liées dans le dos. Le sarcophage de St Laurent hors les Murs (n° 19, fig. 12) juxtapose à nouveau, à droite, une scène de dextrarum iunctio et, allant du centre vers la gauche, une scène sacrificielle. Sur la partie gauche, trois femmes et un homme – parmi lesquels il faut peut-être reconnaître au moins trois divinités ou allégories, la seconde figure féminine tenant une guirlande de lauriers, la dernière une cornucopia et étant coiffée d’une tour (Fortuna ?) – assistent à la praefatio ; les deux premières femmes sont en mouvement, la première arrivant à côté du victimaire accroupi tenant le mouton. Sur le côté gauche du sarcophage (fig. 13), un victimaire conduit une truie derrière laquelle apparaît une femme tenant une sorte de guirlande, suivi d’un assistant en tunique portant un plat garni. Le côté droit du sarcophage qui est dans la prolongation de la dextrarum iunctio met en scène trois femmes portant des objets destinés probablement à la mariée, un grand coffret, une sorte de pyxide et un miroir. Sur les sarcophages du Belvédère (n° 18, fig. 11) et de l’Ermitage (n° 21) dont la composition est très similaire, la scène de praefatio apparaît au cœur de la pompa, c’est à dire au centre du relief. Je détaillerai plus loin la présence des femmes au sein de la praefatio proprement dite, pour signaler juste ici que le bovidé en marche tenu par un victimaire se trouve sur la partie droite du panneau central tandis que deux (n° 18) ou trois (n° 21) femmes sont sculptées à l’extrême gauche. Sur le sarcophage du Belvédère (n° 18, fig. 11), l’une tient ouverte une cassette ou coffret et se trouve proche de la face latérale où est montrée une dextrarum iunctio épurée, c’est à dire ne comprenant que les époux. Sur le sarcophage de l’Ermitage, le coffret est long et semble soutenu par deux femmes tandis qu’une troisième l’entrouvre.
10Ainsi, les femmes qui apparaissent dans la pompa peuvent être des matrones romaines, comme des barbares, la jeune épousée comme la vierge Vestale ou encore une allégorie ou divinité. Leur rôle peut être celui de représenter et de magnifier la famille romaine comme celui de montrer l’ampleur de la défaite barbare et de la « romanisation », ce qui explique la présence d’enfants à côté d’elles. Leur figuration insiste sur le caractère important de la pompa qui concerne l’ensemble de la communauté considérée, qu’elle soit celle d’une cité ou de la réunion de deux familles par un mariage. Aussi n’est-ce pas étonnant qu’elles prennent place dans des pompae impliquant des animaux sacrificiels. C’est pourquoi, même si les femmes ne semblent parfois n’avoir qu’un rôle mineur dans la pompa, être reléguées à simplement avancer, ou à porter des objets appropriés au monde féminin ou symbolisant l’abondance de la terre nourricière, elles manifestent en fait leur complémentarité indispensable des citoyens39.
11Mais regardons maintenant quel rôle elles occupent dans la phase de la praefatio ou de la libation, si le sacrifice n’implique pas d’animaux. J’examinerai en premier les reliefs mettant en scène des femmes proches de l’autel sacrificiel, mais n’effectuant pas de geste en rapport avec celui-ci, et en second les femmes sacrifiant.
12Sur le relief de Palerme (n° 10, fig. 4), quatre Vestales debout, voilées d’un suffibulum, tournent, semble-t-il, leur regard vers la tête disparue d’un homme identifiable par sa toge. L’avant-dernière pose sa main droite juste en dessous de l’épaule de la seconde Vestale qui semble tenir du bras gauche un drôle d’instrument cylindrique se terminant par une sorte de touffe végétale ; l’absence de sa main droite empêche de savoir si elle tenait un autre objet ; en tout cas elle devait être proche de celle du sacrifiant. Ce dernier tend le bras et nous pouvons imaginer qu’il avait dans sa main droite une patère, même si le petit autel sacrificiel représenté est légèrement décalé par rapport à l’emplacement de la main40. À gauche, à côté des Vestales, apparaît une autre femme : elle est assise et ses pieds reposent sur un petit socle. Elle aussi semble fixer l’homme. Sa tenue diffère des femmes debout, car son voile est arrangé d’une autre manière. Sa position dans l’espace imagé incite à l’interpréter comme une statue de Vesta. D’ailleurs d’autres reliefs de Vestales, notamment ceux de la villa Albani à Rome (n° 5) et de Sorrente (n° 3) présentent des signes iconiques identiques permettant au spectateur de distinguer une représentation de Vesta des Vestales. La scène se passe en plein air devant les colonnes ioniques d’un temple. Derrière le petit autel, à une autre échelle que sur la base de Sorrente (n° 3), apparaissent sur deux bases deux animaux sans parures sacrificielles. Le relief funéraire de Galatea (n° 16, fig. 9) met en scène deux personnages autour d’un petit autel. Le togatus à la tête découverte effectue un geste de la main droite au-dessus des flammes de l’autel : soit il versait du vin à l’aide d’une patère, mais celle-ci est absente, soit il a égrené l’encens, comme semble le prouver l’acerra qu’il tient de la main gauche. La femme l’assiste en portant une situla de la main gauche. Son avant-bras droit semble relevé, mais la fracture du monument empêche de comprendre le geste qu’elle pouvait faire. Peut-être tenait-elle le sistre. Sa coiffure et sa tenue la désignent comme une prêtresse d’Isis. Sur le sarcophage du Belvédère (n° 18, fig. 11), le couple de mariés se trouve de part et d’autre d’un autel cylindrique : le togatus, tête découverte, accomplit la libation sur l’autel, tandis que la femme effectue un geste typiquement féminin : son bras gauche est replié afin que sa main gauche puisse tenir son flammeum au niveau du cou ; son autre bras est entièrement voilé. Parmi les assistants humains de la libation, apparaissent un petit personnage en tunique longue portant une acerra, et un jeune homme aux cheveux longs entre les deux époux. De part et d’autre des mariés, figurent des divinités dont une qui couronne le sacrifiant. Sur le sarcophage de l’Ermitage (n° 21), l’épousée est bien enveloppée dans le flammeum, mais de la main gauche elle fait un geste qui attire l’attention du spectateur vers la patère que tient le sacrifiant, togatus, tête non voilée, au-dessus des flammes du focus. Deux petits assistants avec l’un des fruits, l’autre l’acerra, figurent à côté de la Victoire qui se tient derrière le sacrifiant. Entre les deux époux, apparaît une figure féminine au sein gauche dénudé qu’il faut interpréter comme Concordia ; à gauche, près de l’épouse, Vénus. Les trois divinités féminines semblent joindre leurs bras pour réunir les époux. Derrière Vénus, Hyménéeavec la torche nuptiale et devant lui, Éros. Sur le sarcophage de St Laurent hors les Murs (n° 19, fig. 12), l’épousée a disparu de la proximité de l’autel pour laisser place à une allégorie qui portait probablement quelque objet dans les bras. Ceci s’explique aisément par le fait que la dextrarum iunctio figure sur le tiers droit du sarcophage. Ici le sacrifiant accomplit la praefatio tête voilée. Le dernier relief à présenter une femme dans un rôle relativement passif auprès de l’autel est le relief de Septime Sévère et Julia Domna sur la porte des Argentarii (n° 24, fig. 16). L’empereur, togatus capite uelato, accomplit la praefatio à l’aide d’une patère au-dessus du focus. Pour une fois, il est mis en scène à gauche du foyer, ce qui fait que Julia Domna apparaît à droite ; son bras gauche a été refait après le martelage de la figure de Géta ; sa main droite semble apparaître au-dessus du poignet gauche du sacrifiant, mais il est difficile d’interpréter ce geste. En résumé, toutes les femmes41 qui apparaissent dans les scènes de libation ou de praefatio sont voilées, sauf dans le cas du relief de Galatea (n° 16). Cela n’implique pas par contre que le sacrifiant accomplisse le geste d’offrande la tête voilée. Les femmes peuvent porter des instruments, faire un geste attirant le regard du spectateur vers la main droite du sacrifiant ou encore juste être présentes, enveloppées dans leur voile.
13Mais qu’en est-il des femmes « sacrifiant » ? Je distinguerai trois gestes, celui de verser un liquide à l’aide d’une patère, celui d’égrener de l’encens, enfin celui de présenter une coupe de fruits au-dessus d’un autel.
14Le premier geste apparaît au moins sur deux reliefs, voire trois. Sur l’autel des Lares (n° 2), il était peut-être réalisé par une femme sur deux faces latérales, mais seul un fragment en atteste la réalité en l’état actuel de conservation : une femme seule en stola et la tête voilée se présente au spectateur de face, étendant son bras droit tenant la patère au-dessus des flammes d’un autel rond. Sur ce qui semble être la face principale, deux lares, présentés aussi de face, semblent offrir une libation à l’aide d’une patère, celui de droite de la main droite, celui de gauche de la gauche, ce qui est exceptionnel, mais peut s’expliquer par les besoins de la composition symétrique ou plutôt affrontée. Sur l’autel de Bugnare (n° 8, fig. 3), la femme, habillée d’une stola et d’un long voile enveloppant couvrant sa tête, verse un liquide avec une patère qu’elle tient de la main droite au-dessus d’un autel rectangulaire. Celui-ci est orné d’un bucrâne accroché par une guirlande, allusion à un sacrifice sanglant. Elle est face au spectateur, tout comme le personnage plus petit en tunique qui maintient de la main droite un objet sur sa tête et tient une sorte de croissant mou de l’autre. Le relief est flanqué de deux torches allumées. Le relief de Laberia Felicla (n° 12, fig. 6) pose plus de problème puisqu’une grande partie est restaurée, incluant la tête et les mains. Néanmoins, étant donnés la composition et le fait que le haut de l’autel n’ait pas été restauré, il est tout à fait possible que la femme ait effectué un geste au-dessus de l’autel, que ce soit pour égrener de l’encens ou verser un liquide avec une patère ; notons qu’une partie du laurier tenue de la main gauche est bien antique, même s’il est difficile de le restituer ainsi. Sur un relief de Trévise42, c’est une divinité qui s’est emparée du geste de libation : il s’agit de Junon présentée face au spectateur tenant une patère au-dessus des flammes d’un autel.
15Le geste d’égrener de l’encens de la part d’une femme est plus fréquent. Sur le relief de Quintus Lollius Alcamenes (n° 7), la femme voilée tient de la main gauche un petit objet, probablement une boîte, tandis qu’elle semble pincer ou dissoudre quelque chose coincé entre son index et son pouce droits au-dessus des flammes d’un autel candélabre. Ce geste très élégant est interprété comme celui d’égrener de l’encens, probablement en l’honneur de son mari mort qui est représenté assis, les pieds surélevés sur une petite base, la tête fixée sur le buste sculté qu’il tient devant lui. C’est un geste identique qu’accomplit une vieille femme courbée au-dessus des larges flammes de l’autel devant la kliné d’une jeune femme sur le monument des Haterii (n° 9). On peut comparer ce geste à celui effectué par la femme sur l’autel du Vatican43 qui a été identifiée à Maia, puisqu’elle se trouve de l’autre côté de l’autel par rapport à Mercure ; ce dernier tient une patère de la main droite. Sur la stèle funéraire du palais Colonna (n° 11, fig. 5), le geste diffère en partie : la femme est montrée de face, habillée simplement d’une longue robe resserrée sous la poitrine, sans manteau ou voile ; elle tenait peut-être quelque chose de la main gauche, mais son avant-bras est fracturé. Son bras droit pend au-dessus des flammes de l’autel et il est probable qu’elle égrenait de l’encens. Le relief du Vatican (n° 6), malgré ses nombreuses restaurations, montre une femme tenant de la main gauche peut-être une coupe remplie ou une boîte et semblant égrener ou faire un geste de la main droite au-dessus de l’autel. Elle est voilée et fait face à un togatus capite uelato qui verse un liquide à l’aide de la patère dans les flammes de l’autel. À côté de la femme, avance un bovidé paré accompagné de son uictimarius. Sur le relief de la villa Albani (n° 13), aux nombreuses restaurations, le geste de la femme semble identique à celui de la femme sur le relief du Vatican, sauf que nous voyons cette fois-ci la main du côté de la paume : la main droite a les phalanges des doigts repliés, mais de façon lâche comme si elle relâchait quelque chose sur l’autel. De son autre main, la femme porte un large plat de fruits sous lequel apparaît un vase. Une sorte de coiffe couvre ses cheveux. Ses pieds et les plis de sa longue robe semblent révéler un pas de danse qu’elle esquisserait44 au son de la musique jouée par une tibicina assise et un personnage tenant un grand tambourin.
16Le troisième geste intervenant dans une libation est visible sur un autre relief provenant de la villa Albani (n° 5), là encore très restauré. Une femme enveloppée dans un long voile fait pencher légèrement une coupe de fruits au-dessus des flammes de l’autel ; on aperçoit d’autres fruits dans le foyer. La femme est interprétée comme une Vestale et tourne la tête vers la figure probable de Vesta qui est assise et tend la main vers le geste de la première. Deux autres Vestales voilées par le suffibulum apparaissent ainsi que la tête d’un homme : tous trois sont tournés vers la droite. La scène se passe devant un temple aux chapiteaux corinthiens.
17Les phases suivantes du sacrifice sont rarement représentées, comme je l’ai déjà dit. Néanmoins, des femmes y figurent, hormis sur la scène de litatio qui n’inclut comme figure féminine que la Victoire volant au-dessus du bovidé retourné. Le sarcophage de Berlin (n° 23, fig. 15) représente un raccourci intéressant de la cérémonie du sacrifice : sur le côté gauche, on voit la pompa d’un bovidé orné pour le sacrifice accompagné par un uictimarius ; sur la face principale, la partie gauche se divise entre une scène de dextrarum iunctio et une scène sacrificielle. Détaillons cette dernière : un homme en cuirasse tient une patère au-dessus de l’échine d’un bovidé, comme s’il accomplissait une partie de l’immolatio, celle correspondant au moment où le sacrifiant verse du vin sur la tête de l’animal ; mais l’animal a la tête maintenue baissée par un uictimarius tandis qu’un popa prend son élan pour assommer l’animal, ce qui correspond à la phase de la mise à mort de l’animal45. Mais ce qui m’intéresse ici, c’est la tête de la femme voilée qui apparaît entre le popa et le sacrifiant et qui est tournée vers le sacrifiant. De l’autre côté de la tête de ce dernier, la tête d’un homme barbu est visible. Faut-il considérer que ces deux têtes sont des allégories ? Doit-on interpréter la femme comme une figure allégorique, Pietas ? Sur le sarcophage de Frascati (n° 22), une femme semble attirer le regard par le geste de sa main levée au-dessus de l’échine courbée du bovidé ; elle est positionnée immédiatement derrière le uictimarius qui maintient l’animal, en partie cachant le popa ; la scène se déroule presque fondue avec celle de la praefatio, comprenant de gauche à droite le sacrifiant en tunique et paludamentum, un petit tibicen et un focus. Doit-on considérer qu’elle aussi est la Pietas, comme le pense H. Wrede46 ?
18Sur la colonne Trajane, deux scènes (n° 15a et c) montrent des femmes en présence d’un bovidé mourant ou mort. Sur la scène LXXXVI (n° 15c), les deux femmes clôturent le groupe des citoyens tourné vers l’empereur qui comprend des hommes en toge, des enfants vêtus de la prétexte parmi lesquels on identifie à leur chignon deux filles de taille différente. Une des femmes lève sa main droite comme pour attirer l’attention vers la scène qui se passe devant elle. Trajan en tunique et paludamentum effectue une libation avec une patère de l’autre côté d’un autel quadrangulaire. Face à lui, en avant du groupe de citoyens, un uictimarius s’appuie sur un bovidé affalé, la langue pendante. L’ensemble se passe sur le bord d’une rive devant l’architecture d’une ville romaine montrant les façades d’un théâtre et d’un temple. La scène LXXX (n° 15a, fig. 8) est exceptionnelle : plus de traces de praefatio ; un groupe de citoyens en habits romains (tunique, stola) comprenant six hommes, quatre femmes et un enfant sont sur une rive regardant trois navires. La première femme par la direction de sa tête et le geste de sa main droite – qui est renforcé par les gestes des deux femmes qui se trouvent derrière elle –, met en avant le bovidé mort auprès de l’autel au feu visible.
19La dernière séquence dans laquelle des femmes figurent est celle du banquet, ce qui est d’autant plus exceptionnel que c’est l’unique scène de banquet sacrificiel qu’on connaisse pour le monde romain. Le caractère sacrificiel vient du fait qu’il s’agit d’un fragment d’un monument plus important, probablement l’Ara Pietatis, qui, sur une autre échelle, montre une scène de pompa et une mise à mort d’un bovidé. Le petit relief (n° 4, fig. 2) qui devait appartenir à l’autel intérieur47 met en scène une catégorie de femmes bien particulières que nous avons déjà rencontré, à savoir des Vestales. Six femmes coiffées du suffibulum sont assises autour d’une table. Plusieurs semblent tenir des gobelets dans leurs mains. L’une d’entre elles, celle à droite, se distingue des autres par sa position, ce qui incite à l’identifier comme la Grande Vestale. Au-dessus d’elle, une figure féminine touche son menton de la main gauche ; à l’extrême droite, on distingue le pan d’un vêtement d’un personnage que certains commentateurs aimeraient identifier au pontifex maximus, à savoir Claude ; néanmoins la forme de l’habit fait plutôt penser à celui porté par une femme. En bas-relief, au-dessus des femmes, apparaissent quatre têtes de personnages qui sont peut-être des serviteurs. Sur la table, sont posés ce qui est interprété comme deux gâteaux. Probablement que le banquet sacrificiel n’était pas représenté habituellement, parce qu’il mettait en scène ce que la plupart des Romains ne pouvaient voir, à savoir l’inégalité du partage, les prêtres et magistrats mangeant dans des salles attenantes au sanctuaire, alors que le peuple participait en banquetant chez lui avec de la viande distribuée ou achetée chez le boucher48. Un texte de Macrobe49 atteste d’un banquet où les Vestales, la flaminique de Mars et sa mère mangent ensemble dans une salle séparée de celles où banquettent les hommes. Mon hypothèse concernant le relief de banquet est que seuls les sacrifiants, l’empereur, de hauts magistrats, des prêtres parmi lesquelles les Vestales elles-mêmes, avaient accès à l’autel interne de l’Ara Pietatis sur lequel figurait le fragment.
20En conclusion, bien que les monuments mettant en scène des femmes soient relativement peu nombreux, celles-ci sont présentes dans toutes les phases du sacrifice, hormis celle de la litatio. Leur rôle n’est pas seulement passif et elles ne sont pas cantonnées à la libation, mais participent pleinement aussi au sacrifice sanglant.
Statut des femmes : rites et images
21J’aimerais examiner maintenant brièvement le statut des femmes dans les images sacrificielles pour mieux comprendre leurs rôles dans les rituels50.
22Un premier groupe cohérent se détache de l’ensemble : celui mettant en scène des Vestales (n° 1a, 3, 4, 5, 10). Le rite peut avoir été offert à Vesta (n° 3, 5, 10), mais la présence des prêtresses insiste aussi sur le caractère public de la cérémonie (n° 1a, 4), ce que renforce le fond architectural des temples (n° 3, 5, 10). L’importance des Vestales dans les rites sacrificiels correspond à ce que nous disent les sources écrites51. Les Vestales font partie du collège pontifical. En dehors de l’entretien du feu sacré, elles sacrifient pour le peuple romain à l’occasion de la fête annuelle de Bona dea et le premier jour des Parentalia (sacrifice de la Grande Vestale à Tarpeia) ; elles prennent part à d’autres fêtes publiques. Ce sont elles qui préparent la mola salsa, farine d’épeautre nécessaire à l’acte symbolique de l’immolation de l’animal accompli par le sacrifiant. Et elles ont droit au couteau sacrificiel : la secespita. Sur l’ensemble des reliefs, elles ne sont pas mises en rapport direct avec un sacrifice sanglant et n’exhibent pas de couteau ; néanmoins les animaux au sacrifice sont en cause sur l’Ara Pacis et l’Ara Pietatis puisqu’ils sont montrés sur d’autres parties des monuments.
23Par ailleurs, toujours d’après les sources écrites, des prêtresses officiellement « étrangères », mais à l’intérieur du système religieux romain, conduisent des rites sacrificiels à Rome : la prêtresse de Cérès (sacerdos Cereris publica populi Romani Quiritium) vient à Rome de Grande Grèce ; les prêtresses de Magna Mater sont pour les rites « étrangers » d’origine « orientale » et les prêtresses isiaques sont censées être égyptiennes. Dans les trois cas, elles opèrent au sein de cultes « naturalisés52 ». Or, sur nos reliefs, nous voyons apparaître plusieurs de ces prêtresses. L’identité de la femme sacrifiant sur l’autel de Bugnare (n° 8, fig. 3) nous est révélée par l’inscription qui parle d’une prêtresse de Cérès. Rien dans son habit ne la distingue d’une matrone romaine, et elle accomplit le rite, la tête voilée. C’est aussi l’inscription qui nous donne l’identité de Laberia Felicla (n° 12, fig. 6) : elle est sacerdos maxima matris deum m(agnae) I(deae). Il est possible de voir un mélange entre des éléments romains de son accoutrement tel que le long voile couvrant sa tête et des éléments plus spécifiques, mais qui sont peut-être dus aux très nombreuses restaurations : ainsi sa coiffure est ornée d’infulae, elle semble avoir deux robes superposées, à en croire les manches, et elle a en pendentif un buste d’homme parfois interprété comme celui de Zeus. Le relief de la Villa Albani (n° 13) fait apparaître une femme à la coiffure différente, les cheveux recouverts d’une sorte de foulard. Pour certains commentateurs, elle serait peut-être une prêtresse de Magna Mater, mais c’est difficile de le confirmer. Elle fait penser aussi à certaines représentations de femmes plutôt âgées intervenant dans le rite dionysiaque, ainsi qu’aux représentations de certaines servantes sur des sarcophages. L’inscription du relief de Galatea (n° 16, fig. 9) est fragmentaire, mais nous livre le nom de la femme qui, comme ses atours l’indiquent, est une Isiaque : elle est vêtue d’une étole à franges ornée de croissants et d’étoiles et coiffée du corymbium.
24Toujours si l’on se réfère aux sources écrites, d’autres prêtrises féminines sont conçues comme l’indispensable complément de prêtrises masculines : par exemple la flaminica Dialis et la regina sacrorum, mais nulle trace sur nos reliefs. Les matrones romaines sont également chargées d’une série de cultes publics annuels liés au statut de la femme dans la société romaine, à leur rôle d’épouse et de mère53, mais les rites ne sont pas non plus mis en image, ce qui peut aisément s’expliquer par le fait qu’ils excluaient souvent la présence des hommes et donc ne pouvaient être rendus visibles. Néanmoins le rôle d’épouse et de mère est clairement mis en avant aussi bien sur des reliefs montrant l’entourage impérial (n° 1b, fig. 1 ; peut-être le n° 6 ; n° 24 fig. 16) que sur des reliefs montrant l’ensemble de la cité accueillant l’empereur (n° 15a-d), ou encore des reliefs montrant l’étendue de la conquête romaine avec femmes et enfants parmi les captifs (n° 14, fig. 7). Sur le plan privé, la série des sarcophages de la vie d’un général et de mariage fixe aussi le rôle de la femme comme celui de l’épouse, de la matrone54.
25À côté de ces rituels, les femmes peuvent aussi offrir des sacrifices privés, mais en leur nom propre ou quand aucun homme n’est présent. Sur l’autel des Lares (n° 2), suivant T. Hölscher, je propose de voir la figuration d’un rite privé offert par des femmes aux dieux Lares. D’autres documents montrent des rites funéraires offerts par des femmes. C’est probablement l’épouse de Quintus Lollius Alcamenes qui est représentée sacrifiant pour les mânes de son mari (n° 7). Sur le détail du relief des Haterii (n° 9), c’est une servante qui offre l’encens aux mânes de Hateria Helpis. Sur la stèle funéraire du Palazzo Colonna (n° 11, fig. 5), j’ai tendance à voir la défunte représentée en vivante, montrant l’exemplum de ce qu’elle attend pour ses mânes.
26Ainsi, la cohérence du corpus des reliefs de femmes au sacrifice semble corroborée par les sources écrites, notamment littéraires. La mise en image accentue le fait qu’il faut nuancer la soi-disant incapacité sacrificielle des femmes. En guise de conclusion, je rappellerai qu’un des derniers documents à proposer visuellement un sacrifice dans le monde romain met en scène une femme saisissant de l’encens d’une petite coupe alors qu’elle se trouve auprès d’un autel allumé : il s’agit du célèbre volet du diptyque en ivoire conservé à Londres55.
Figure 1 : Ara Pacis, fragment de la frise nord, Paris, musée du Louvre (n° 1).

Figure 2 : Banquet des Vestales (n° 4).

Figure 3 : Autel, Bugnare (n° 8).

Figure 4 : Relief de Palerme, libation à Vesta (n° 10).

Figure 5 : Stèle funéraire de femme, Rome, Palazzo Colonna (n° 11).

Figure 6 : Relief funéraire de Laberia Felicla, Vatican (n° 12).

Figure 7 : Arc de Bénévent, petite frise triomphale, détail (n° 14).

Figure 8 : Colonne Trajane, scène LXXX (n° 15a).

Figure 9 : Relief funéraire de Galatea (n° 16).

Figure 10 : Couvercle de sarcophage, Vatican (n° 17).

Figure 11 : Sarcophage du Belvédère (n° 18).

Figure 12 : Sarcophage de St Laurent hors les Murs (n° 19), face principale.

Figure 13 : Sarcophage de St Laurent hors les Murs (n° 19), face latérale gauche.

Figure 14 : Sarcophage de Mantoue, côté (n° 20).

Figure 15 : Sarcophage de Berlin (n° 23).

Figure 16 : Porte des Argentarii, relief de Julia Domna et Septime Sévère (n° 24).

Notes de bas de page
1 Rappelons qu’il s’agit d’une catégorie moderne.
2 O. De Cazenove, « Exesto. L’incapacité sacrificielle des femmes à Rome (à propos de Plutarque Quaest. Rom. 85) », Phœnix, 41, 1987, p. 159-173 ; J.-M. Pailler, « Marginales et exemplaires. Remarques sur quelques aspects du rôle religieux des femmes dans la Rome républicaine », Clio 2, 1995, p. 41-60 ; J. Scheid, « D’indispensables “étrangères”. Les rôles religieux des femmes à Rome », G. Duby et M. Perrot (éd.), Histoire des femmes, L’Antiquité, Paris, 1991, p. 405-437 ; J. Scheid, « Les rôles religieux de femmes à Rome. Un complément », R. Frei-Stolba, A. Bielman et O. Bianchi (éd.), Les femmes antiques entre sphère privée et sphère publique, Bern-Berlin-Bruxelles-Francfort-New York-Oxford-Vienne, 2003, p. 137-151.
3 Si j’avais pris en compte l’ensemble de l’espace romain, il aurait fallu essentiellement rajouter les monuments mettant en scène Julia Domna à côté de son mari et de ses fils dans des scènes sacrificiel-les, notamment à Lepcis Magna. Voir à ce sujet N. Kampen, « Between Public and Private : Women as Historical Subjects in Roman Art », S. B. Pomeroy (éd.), Women’s History and Ancient History, Chapel Hill-Londres, 1991, p. 218-248.
4 Rome, 13-9 av. J.-C. Pour la bibliographie et description, cf. F. Fless, « Römische Prozessionen », ThesCRA I, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, 2004, n° 100 et 101 p. 52-53 ; N. Mekacher, « Personnel de culte : monde romain », ThesCRA V, 2005, n° 32 p. 77 ; O. Rossini, Ara Pacis, Milan, 2006, coll. « Musei in Comune ».
5 Rome, Musée national romain, inv. 49481, marbre, Augustéen. B. Candida, Altari e cippi nel Museo Nazionale Romano, Rome, G. Bretschneider, 1979, n° 39, p. 95-96 ; T. Hölscher, « Historische Reliefs », Kaiser Augustus und die verlorene Republik, Eine Ausstellung im Martin-Gropius-Bau, Berlin, 7 Juni-14 August 1988, Mayence, 1988, nº 221 p. 392-393.
6 Sorrente, Mus. Correale 3657, relief en 2 fragments, marbre, fin de l’époque Augustéenne. I. Scott Ryberg, Rites of the State Religion in Roman Art, MAAR 22, Rome, 1955, p. 49-51, fi g. 26 ; T. Hölscher, op. cit. (n. 5), n° 208 p.375-378 ; T. Hölscher, Monumenti statali e pubblico, Rome, 1994, p. 165-168, pl. 32, 1-2 ; M. Beard, J. North et S. Price, Religions of Rome I, Cambridge, CUP, 1998, p. 189-191, fig. 4.4 ; N. Mekacher, op. cit. (n. 4), n° 33, p. 77 ; A. Fraschetti, « Auguste et Vesta sur le Palatin », N. Belayche (éd.), Rome, les Césars et la Ville aux deux premiers siècles de notre ère, Rennes, 2001, p. 111-113.
7 Rome, anciennement Palais des Conservateurs, maintenant dans le Musée de l’Ara Pacis, marbre italique, Claudien, fragment appartenant peut-être à l’Ara Pietatis. Pour la bibliographie, se reporter à V. Huet, « Le banquet à Rome », ThesCRA II, 2004, n° 90 p. 284-285.
8 Rome, Villa Albani, 1010, marbre très restauré, Claudien. G.M. Koeppel, BJ, 183, 1983, p. 118119 ; V. Huet, « Les sacrifices dans le monde romain », ThesCRA I, n° 145 p. 216.
9 Vatican, Galerie des statues, inv. 539, marbre, Claudien, Hadrianique ou Antonin ( ?). I. Scott Ryberg, op. cit. (n. 6), p. 96, pl. 29, fig. 45 e ; A.-V. Siebert, « Les sacrifices dans le monde romain », ThesCRA I, n° 99 p. 210.
10 Rome, Villa Albani, inv. 984, milieu du ier siècle apr. J.-C. CIL VI 29707 ; W. Helbig, Guide dans les musées d’archéologie classique de Rome, II, Leipzig, K. Baedeker, 1893, n° 761 p. 33-34 ; G. Zimmer, Römische Berufsdarstellungen, Berlin, 1982, n° 79 p. 156-157.
11 Bugnare, S. Maria delle Neve, ier siècle apr. J.-C. V. Huet, op. cit., ThesCRA I, n° 150 p. 216.
12 Vatican, époque de Domitien. Voir entre autres C. Hallett, The Roman Nude, Oxford, 2005,p. 220-222.
13 Palerme, Musée régional, inv. 1539, marbre, Flavien. I. Scott Ryberg, op. cit. (n. 6), p. 51-53, fi g. 27 ; R. Turcan, Religion Romaine, Leyde, 1988, coll. « Iconography of Religions », 17, 2, n° 31 p. 23 ; A. Fraschetti, op. cit. (n. 6), p. 113-116.
14 Rome, Palazzo Colonna.
15 Vatican, Galerie des statues, inv. 552, ier siècle apr. J.-C. Monument très restauré comprenant notamment la tête, les mains, la partie inférieure de l’autel. CIL VI 2257 ; W. Amelung, Die Sculpturen des Vaticanischen Museums, II, Berlin, G. 1908, n° 403 p. 614 ; M. Vermaseren, CCCA, 1 n° 258 ; N. Mekacher, op. cit. (n. 4), ThesCRA V, n° 101, p. 99.
16 Rome, Villa Albani. De nombreuses restaurations, parmi lesquelles la voûte de rochers, le tiers inférieur du bas-relief, avec le bas des trois personnages et la plus grande partie de l’autel. W. Helbig, op. cit. (n. 10), n° 812 p. 66-67.
17 Il s’agit de la partie gauche de la face tournée vers la campagne. L’arc a été construit entre 109 et 114. S. De Maria, Gli archi onorari di Roma e dell’Italia romana, Rome, 1988, n° 5, p. 232-235, pl. 12 ; S. Currie, « The empire of adults : the representation of children on Trajan’s arch at Beneventum », J. Elsner (éd), Art and Text in Roman Culture, Cambridge, 1996, p. 153-181, fig. 24a-b.
18 Rome, in situ. Pour les reproductions, voir S. Settis (éd.), La colonna Traiana, Turin, p. 400, 405409, 411-412, 419-420.
19 Vatican, loggia scoperta 19, marbre, début de l’ép. Antonine. CIL VI 29818 ; V. Huet, op. cit., ThesCRA I, n° 154 p. 217 ; L. Bricault, RICIS, 2-3, Paris, 2005, n° 501/0171 p. 547, pl. 90.
20 Vatican, Salle des Muses, marbre italique, restaurations, entre 150 et 160 apr. J.-C. I. Scott Ryberg, op. cit. (n. 6), p. 166, pl. 59, fig. 94 ; H. Wrede, Senatorische Sarkophage Roms, Mayence, coll. « Monumenta Artis Romanae » XXIX, 2001, p. 45-48, pl. 7.1 (pour la bibliographie, voir p. 45, note 350).
21 Vatican, Belvédère, marbre, vers 160 apr. J.-C. I. Scott Ryberg, op. cit. (n. 6), p. 165-166, pl. 59, fig. 93 ; H. Wrede, op. cit. (n. 20), pl. 8 (pour la bibliographie, voir p. 44, note 339).
22 St Laurent hors les Murs, vers 160 apr. J.-C. I. Scott Ryberg, op. cit. (n. 6), p. 166-167, pl. 59, fig. 95 ; H. Wrede, op. cit. (n. 20), pl. 9 (pour la bibliographie, voir p. 45, note 340) ; N. Mekacher, op. cit. (n. 4), ThesCRA V, n° 285, p. 145.
23 Mantoue, Palais Ducal, inv. G. 6727, marbre grec, vers 165-170 apr. J.-C.H. Wrede, op. cit. (n. 20), pl. 2 (pour la bibliographie, voir p. 21, note 68) ; A.-V. Siebert, op. cit. (n. 9), ThesCRA I, n° 214, p. 225.
24 St Petersbourg, Ermitage, inv. A 433, Aurélien. H. Wrede, op. cit. (n. 20), pl. 7.2 (pour la bibliographie, voir p. 45, note 343) ; N. Mekacher, op. cit. (n. 4), ThesCRA V, n° 286, p. 145.
25 Frascati, Villa Taverna, vers 190 apr. J.-C. H. Wrede, op. cit. (n. 20), p. 29-30, pl. 1.3 (pour la bibliographie, voir p. 21, note 73) ; V. Huet, op. cit. (n. 8), ThesCRA I, n° 219 p. 225.
26 Berlin, Staatl. Mus. 1987.2, vers 200 apr. J.-C. H. Wrede, op. cit. (n. 20), p. 29-30, pl. 4, 1-3 (pour la bibliographie, voir p. 21 note 74) ; V. Huet, op. cit. (n. 8), ThesCRA I, n° 222 p. 226.
27 Rome, in situ, 204 apr. J.-C. A.-V. Siebert, op. cit. (n. 9), ThesCRA I, n° 108 p. 211-212 ; J. Elsner, « Sacrifice and narrative on the Arch of the Argentarii in Rome », JRA, 18, 2005, p. 83-98.
28 Vers 320 apr. J.-C. R. Calza, Antichità di Villa Doria Pamphilj, Rome, 1977, pl. 168, n° 316 p. 256-257 ; H. Wrede, op. cit. (n. 20), n° 24 p. 129, pl. 20.3.
29 Vatican, inv 2736, calcaire, fin du iie siècle av. J.-C.-début du ier siècle av. J.-C. CIL I, 804 (=VI, 2221) ; V. Huet, op. cit. (n. 8), ThesCRA I, n° 135 p. 215.
30 Trévise, Musée civique, inv. 3392, calcaire, fin du ier siècle ou début du iie siècle apr. J.-C. V. Huet, op. cit. (n. 8), ThesCRA I, n° 151 p. 216.
31 Néanmoins, je discuterai brièvement plus loin de ces deux reliefs.
32 S. Angelo, marbre, 2e moitié du ier siècle apr. J.-C. V. Huet, op. cit. (n. 8), ThesCRA I, n° 148 p. 216.
33 Je pars du principe qu’il s’agit bien de processions sacrificielles, ce que démontre le port d’acerrae ornées de scènes sacrificielles.
34 Les identifications sont hypothétiques. Je me reporte ici à celles du catalogue de O. Rossini, op. cit. (n. 4), qui diffèrent de celles proposées par exemple par M. Torelli, Typology and Structure of Roman Historical Reliefs, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1982, p. 27-61.
35 Sur la représentation figurée des filles, voir V. Huet, « À la recherche de la “jeune fille” sur les reliefs historiques romains », L. Bruit-Zaidman, G. Houbre, C. Klappish-Zuber et P. Schmitt-Pantel (éd.), Le corps des jeunes filles de l’Antiquité à nos jours, Paris, 2001, p. 62-79.
36 Le monument est très complexe. Pour certains chercheurs, l’ensemble du fond architectural correspond au Palatin. Pour d’autres (T. Hölscher, op. cit., et M. Beard, J. North et S. Price, op. cit.), la partie droite correspond au temple du forum avec le Palladium et les deux statues d’animaux qu’on retrouve sur le relief de Palerme (n° 10, fig. 4). L’architecture à gauche est considérée comme présentant peut-être le temple d’Apollon Palatin. Une autre face de la base, sur le côté droit, montre la triade qui figurait dans le temple d’Apollon Palatin inauguré en 28 av. J.-C. : l’Apollon de Scopas, la Diane de Timothée et la Léto de Céphisodote. Le côté gauche montre la Domus d’Auguste sur le Palatin. Cf. aussi l’hypothèse subtile de A. Fraschetti, op. cit., p. 111-113.
37 Je reviendrai plus loin sur le problème de la présence d’un bovidé comme animal sacrificiel en contexte de mariage. Pour l’instant, je me contente de regarder les images telles qu’elles s’offrent au spectateur sans a priori venant de sources écrites.
38 D’autres femmes dans des attitudes similaires seraient visibles aussi sur un des côtés du sarcophage de Frascati, mais je ne dispose d’aucune reproduction pour pouvoir le constater. Cf. H. Wrede, op. cit. (n. 20), p. 47.
39 Voir J. Scheid, op. cit. (n. 2), et N. Kampen, op. cit. (n. 3).
40 Pour l’analyse du relief et des récentes théories, cf. A. Fraschetti, op. cit., p. 113-116.
41 Je ne tiens pas compte ici des figures allégoriques et divinités.
42 Voir note 30.
43 Voir note 29. Sur la question des divinités au sacrifice, voir V. Huet, « Les images de sacrifice en Gaule romaine », S. Lepetz et W. van Andringa (éd.), Archéologie du sacrifice animal en Gaule romaine, Rituels et pratiques alimentaires, Paris, 2008, p. 43-74.
44 Rappelons que le tiers inférieur du relief est moderne.
45 Cf. V. Huet, « La mise à mort sacrificielle sur les reliefs romains », J.-M. Bertrand (éd.), La violence dans les mondes grec et romain, Paris, 2005, p. 91-119.
46 Op. cit. (n. 20), p. 29-30.
47 On imagine l’Ara Pietatis sur le même modèle que l’Ara Pacis.
48 Cette hypothèse m’avait été suggérée par John Scheid, lors de ma thèse.
49 Sat. 3, 13, 11 (En 69 av. J.-C.) : « Le neuvième jour avant les calendes de septembre, le jour où Lentulus fut consacré comme flamine de Mars, la maison fut décorée, des lits d’ivoire furent installés dans les salles de festin. Dans deux salles prirent place les pontifes, Q. Catulus, M. Emilius Lepidus, D. Silanus, C. César, […] roi des sacrifices, P. Scaevola, Sextus […], Q. Cornelius, P. Volumnius, P. Albinouanus et L. Julius Caesar, l’augure chargé de la consécration augurale ; dans la troisième salle s’installèrent les Vestales Popilia, Perpennia, Licinia, Arruntia ainsi que l’épouse du flamine, Publicia, et Sempronia, belle-mère de Lentulus » (trad. C. Guittard, Paris, Les Belles-Lettres, 1997, La roue à livres.).
50 Notons que les récents livres parlant des femmes dans l’antiquité laissent rarement la place à leurs rôles cultuels. Outre les deux livres cités dans la note 2, voir aussi les ouvrages de T. Späth et B. Wagner-Hasel (éd.), Frauenwelten in der Antike. Geschlechterordnung und weibliche Lebenspraxis, Stuttgart, J. B. Metzler, 2000 ; C. Kunst et U. Riemer (éd.), Grenzen der Macht. Zur Rolle der römischen Kaiserfrauen, Stuttgart, 2000.
51 Cf. notamment M. Beard, « The sexual status of the Vestal Virgins », JRS, 70, 1980, p. 12 -27 ; M. Beard, « Re-reading (Vestal) virginity », R. Hawley et B. Levick (éd.), Women in antiquity : New Assessments, Londres-New York, 1995, p. 21-43 ; A. Staples, From Good Goddess to Vestal Virgins. Sex and Category in Roman Religion, Londres, 1998.
52 Je reprends ici la désignation de J. Scheid.
53 Cf. N. Boëls-Janssen, La vie religieuse des matrones dans la Rome archaïque, Rome, EFR, 1993 ; A. Staples, op. cit. ; J. Scheid, op. cit.
54 Il serait trop long de développer ici les divers types de sacrifices impliqués sur les sarcophages. Rappelons seulement que le sarcophage de St Laurent hors les Murs (n° 19, fig. 12-13) est le seul monument à montrer les animaux sacrifiés lors des rites du mariage.
55 Diptyque des Symmaques et Nicomaques : Londres, Victoria and Albert Museum 212-1865 et Paris, musée de Cluny Cl. 17 048 provenant de Montier-en-Der, daté vers 400 apr. J.-C.
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