Syndicalismes de l’automobile : la redistribution des cartes
p. 81-102
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1L’industrie automobile se distingue des autres branches de l’économie française entre 1939 et 1945 d’abord par la mutation de son rôle industriel dans la période : sur ordre de l’État (français, puis allemand), elle produit de moins en moins de voitures et davantage d’autres fabrications. Elle s’en distingue aussi par la précocité et l’ampleur des productions mémorielles dont elle a été l’objet. Les témoins se sont exprimés avant les historiens. En 1957 un patron, François Lehideux, présente pour la première fois son rôle au comité d’organisation de l’Automobile (COA) (puis au sein de l’ » État français ») dans le grand ensemble de témoignages d’excellences vichystes recueilli et publié par le temple de l’anticommunisme international qu’est alors l’Institut Hoover sur le campus californien de l’université Stanford1. Ce plaidoyer est repris par lui au premier colloque sur l’histoire de Vichy, en 1970, dans lequel il intervient activement et qui marque son coming out auprès des historiens2, puis amplifié dans un ensemble de textes autobiographiques publié par un ambassadeur de ses amis après sa mort3. Du côté ouvrier, un professeur de mathématiques communiste, en liaison avec la Fédération des Hauts-de-Seine du PCF, recueille, lors de réunions collectives en 1969, les témoignages d’ouvriers, essentiellement communistes, de Renault entre 1912 et 1944 et parvient à en faire publier une sélection en 19714. Les comptes rendus des réunions semblent avoir disparu5. Puis c’est un ingénieur de Renault résistant de l’Organisation civile et militaire qui publie en 1976 une sélection de son journal secret6. Le seul témoignage individuel significatif d’ouvrier, celui d’Eugène Hug, paraît, lui, en 19807.
2Les historiens interviennent donc dans un second temps, à partir de 1976. Henry Rousso, dans son mémoire de maîtrise, est le premier à étudier le comité d’organisation de l’Automobile, malgré la disparition des archives de cet organisme8. J’ai poursuivi son enquête sur plusieurs points9. En 1986, Patricia Darrasse soutient une thèse sur Renault10. François Marcot étudie la Résistance, puis le patronat chez Peugeot. Contrairement à d’autres domaines de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, les historiens étrangers arrivent les derniers, mais avec des travaux toujours importants par leur contenu comme par la variété des sources utilisées. On signale en particulier deux thèses de doctorat, celles de l’historienne allemande Monika Riess sur Renault11 et de l’historien espagnol Sigfrido Ramirez Perez sur les industries automobiles italienne et française face à l’Europe, dans le cours de laquelle il s’attaque à une réinterprétation du rôle du comité d’organisation de l’Automobile12.
3Nos ignorances, telles que nous pouvons les exprimer au sein du mouvement actuel de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale13, restent cependant très nombreuses. La plus forte porte sur les conséquences de l’évolution des effectifs salariés de 1939 à 1945 : d’une part, leur réduction massive à partir de l’été 1940, comme nous le verrons plus loin, d’autre part l’intensification de la mobilité individuelle soit contrainte (exode, prisonniers, travail forcé), soit volontaire (Résistance) et enfin, comme pendant la Première Guerre mondiale, l’accroissement de la proportion de femmes ont certainement affecté les rapports entre les individus et les organisations, mais il n’est pas évident que nous les interprétions avec suffisamment de complexité. La seconde ignorance a trait aux relations entre les syndicalismes dans l’automobile et les mouvements de résistance (et, dans une moindre mesure, avec les mouvements de collaboration). La troisième porte sur l’histoire de la Fédération des métaux CGT au niveau national, beaucoup plus mal connue que celle de la petite Fédération CFTC. Enfin, notre connaissance des entreprises dans cette période est fort inégale. Alors que Peugeot et Renault ont suscité de nombreux travaux d’historiens, les relations sociales dans les autres entreprises, à commencer par Citroën, nous sont encore partiellement obscures. Par conséquent, les quelques tentatives de généralisation qui vont suivre apparaissent particulièrement précaires et provisoires.
4La seule question abordée ici est la suivante : comment la guerre redistribue-t-elle les cartes du point de vue des syndicalismes ? Bien entendu, il existe un point fixe, un invariant. C’est, du côté des patrons de l’automobile, leur appartenance à l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM). Cette dernière poursuit au grand jour ses activités et en accroît même l’étendue, tandis qu’elle augmente son implantation dans les moyennes entreprises14. Mais, pour rester du côté des patrons, tout le reste se modifie. Leur syndicat, la chambre syndicale des constructeurs d’automobiles (CSCA), fondée en 1909, connaît une éclipse sous le régime de Vichy. Une ombre pèse sur elle, celle d’un organisme nouveau : le comité d’organisation de l’Automobile. Du côté des salariés, s’il est vrai que la Fédération des métaux CGT – passée sous une direction confédérée depuis les décisions qui suivent le Pacte germano-soviétique – reste légale sous Vichy, on connaît mal son activité locale dans les entreprises automobiles. On voit en tout cas émerger face aux syndicats légaux deux innovations opposées et successives : les comités populaires à dominante communiste et les comités sociaux créés en application de la Charte du travail.
5Nous choisissons de commencer par un exemple saisissant de cette redistribution des cartes : le parcours d’un syndicaliste cadre passé de la CGT au service du patronat automobile et de l’État.
Un mutant
6Il s’agit ici de Georges Chassagne, dont les sources devenues récemment accessibles15 et les travaux récents16 permettent de reconstituer l’itinéraire fort complexe.
Du communisme au patronat automobile
7Né en 1906, il est ingénieur, sans qu’on sache encore avec quelle formation et dans quelles entreprises. Il est d’abord communiste : il adhère au PCF en 1927, devient secrétaire du troisième rayon de Paris, puis est exclu du Parti17 en 1931 après avoir fait un stage en URSS qui « devait durer un an » et qu’il abrège au bout d’ » un mois18 ». Il est ensuite syndicaliste. « Fort de sa prestance, de sa fermeté », il « accède au secrétariat de la Fédération des techniciens et dessinateurs » de la CGT réunifiée (grâce à Désiré Granet, comme lui communiste, puis syndicaliste mais toujours membre actif du Parti19), « à la tête de laquelle il s’illustre en 1936 en croisant le fer avec François Lehideux », alors un des deux administrateurs délégués de la société anonyme des Usines Renault. Lehideux a dans cette période « apprécié ses qualités20 ». Chassagne « demeure un cadre haut placé de la CGT jusqu’en 193921 ». Sous Vichy, il est « proche de René Belin et des courants anticommunistes proches de la défunte CGT ». Il semble que Chassagne fasse un passage rapide comme chargé de mission au cabinet de René Belin, ministre du Travail de Pétain à partir du 14 juillet 1940. Selon le témoignage de François Lehideux22, Chassagne serait venu en mission à Paris au début août, aurait entendu à Billancourt des rumeurs sur la démensualisation de la petite maîtrise, les aurait rapportées à Belin, suscitant chez les ministres Belin et Bouthillier l’idée d’un projet « d’aménagement temporaire, par voie autoritaire, de la direction des Usines Renault » écartant Louis Renault d’une grande partie de ses responsabilités, mais les réticences du maréchal Pétain auraient tué ce projet dans l’œuf tout en donnant à Louis Renault, convoqué à Vichy, le sentiment que François Lehideux était « l’âme du complot ». Ce récit (recueilli de vive voix) a été paraphrasé et un peu grossi par l’historien Emmanuel Chadeau, mais sans donner la moindre source23. L’historien Laurent Dingli a montré, au contraire, archives en main, que le passage de Chassagne à Billancourt « avait été préparé par l’intervention de [Jean] Bonnefon-Craponne, lieutenant de Lehideux », venu voir le ministre Belin à Vichy pour l’alerter sur « la prétendue remise en cause des acquis sociaux » chez Renault24. Devenu le 30 septembre 1940 directeur responsable du comité d’organisation de l’Automobile, puis également le 31 octobre 1940 (à l’initiative de son ami Jacques Barnaud, devant le refus d’Henri Maux ) commissaire à la Lutte contre le chômage25, Lehideux « coopte » Chassagne en octobre 1940, l’invitant à siéger de comités en commissions afin que Chassagne le conseille lorsqu’il s’attelle à la « question sociale ». Il passe ainsi au service du patronat en travaillant au comité d’organisation de l’Automobile durant toute l’Occupation et même « jusqu’en décembre 194426 ».
Le cumul avec le service de Vichy
8Le destin hors automobile de Chassagne est redoutable. En février 1941, Pierre Pucheu, un autre industriel, cette fois de la sidérurgie, devient secrétaire d’État à la Production industrielle. Il le nomme chargé de mission à son cabinet. Le 28 février 1941, Chassagne est, aux côtés d’autres syndicalistes et d’un coopérateur, nommé membre du Comité d’organisation professionnelle, chargé de l’élaboration de la Charte du travail27. Lehideux le garde auprès de lui lorsqu’il est appelé sous Darlan au poste de ministre de la Production industrielle le 19 juillet 1941 en remplacement de Pucheu, qui passe à l’Intérieur. À partir de ce moment, Chassagne devient aussi un proche ou un officieux de l’équipe Pucheu. Entre autres parce qu’au 102 rue de Grenelle, « le ministère de la Production industrielle abrite temporairement l’antenne parisienne du cabinet de Pucheu28 ». Le 13 octobre 1941, il visite le camp des internés syndicalistes et communistes de Choisel. Après l’attentat résistant survenu quelques jours plus tard à Nantes et devant la volonté d’Hitler de prendre des otages, il a « vraisemblablement donné un avis sur les internés, mais n’a pas, à proprement parler, désigné des otages à fusiller29 », ceux qui vont devenir les fusillés de Châteaubriant les 22 octobre et 15 décembre 1941.
9Quand Lehideux quitte le gouvernement en avril 1942 et donne de nouveau tout son temps au COA, comme son collaborateur Jean Bonnefon- Craponne30, Chassagne fait de même. Il aurait par fidélité et amitié « conduit Pucheu à la frontière franco-espagnole en novembre 194231 ».
10Près d’un an après la libération de Paris, le 14 août 1945, alors que Chassagne depuis janvier est devenu « ingénieur-conseil à Paris32 », un juge d’instruction délivre « un mandat d’amener contre cet ingénieur de 39 ans qui semble avoir joué un rôle dans le classement des internés, voire dans l’établissement de la liste de “communistes dangereux” proposée aux Allemands par le ministère de l’Intérieur ». Il est arrêté le 28 août et reste en détention préventive soixante-trois mois33. Le 8 décembre 1950, « il ne sera mis en liberté provisoire que pour raisons de santé34 ». Le 29 septembre 1954, le tribunal militaire de Bordeaux, « après un réquisitoire très modéré du procureur », l’acquitte, « onze ans après la Libération35 ».
11Le cas de Georges Chassagne apparaît ainsi représentatif des trajectoires de transfert de militants hors du syndicalisme dont le régime de Vichy a fourni l’occasion. Il semble plus exceptionnel sur l’un de ses points d’aboutissement : l’entrée au service du patronat. Il est d’autre part tout à fait intéressant en ce qui concerne la variété des recrutements de personnel de son nouvel employeur : le comité d’organisation de l’Automobile. Jamais avant la guerre un syndicat patronal n’aurait embauché directement un syndicaliste CGT. Mais précisément le COA est-il un syndicat patronal ?
La résistible ascension du COA
12Il n’est pas question ici de passer en revue l’ensemble de l’activité du COA, car je l’ai fait dans un article qui n’est pas encore totalement obsolète36, et de toute façon la place manquerait. On peut toutefois rappeler, ce que peu de témoins et d’historiens ont fait, qu’en 1942 il comporte un bureau des questions juives, rattaché directement à la direction générale des services du Comité37, et qu’en 1941 il prend part à l’aryanisation de la firme Unic38. Me plaçant dans la seule perspective des rapports entre le COA et le syndicalisme patronal, je m’en tiendrai ici à deux éléments : la naissance du COA, les relations entre ce comité, les syndicats patronaux et les ententes, y compris à l’échelle européenne.
Pourquoi un comité d’organisation ?
13Le COA est le premier comité d’organisation à voir le jour, par le premier décret du 30 septembre 194039. On peut penser qu’éclairer les conditions de sa naissance permettra aux historiens de poursuivre le travail d’élucidation de l’histoire des comités d’organisation qui a considérablement avancé ces dernières années40. De fait, deux explications usuelles tombent très vite. Celle de René Belin au colloque de 1970, selon laquelle la loi du 16 août 1940 a été « improvisée » dans son « bureau vichyssois » pour « faire pièce » à un dispositif inauguré en Belgique et amorcé dans le Nord et le Pas-de- Calais plaçant chaque branche « sous la férule d’un homme de la profession, choisi par l’autorité occupante et personnellement responsable devant elle » en « créant […] une organisation française, […] dont l’objet allait être d’administrer la pénurie41 ». Celle d’Hervé Dufresne, neveu du baron Petiet, en 1998, qui affirme dans un récit délibérément édulcoré que les autorités allemandes exigent que les autorités françaises « substituent » aux « divers syndicats patronaux existants » des comités d’organisation dans les « principaux secteurs de l’économie42 ». La chronologie que les archives du Comité des constructeurs français d’automobiles43 permettent d’établir et que le propre coauteur d’Hervé Dufresne, Jean Sauvy, ancien cadre supérieur de ce comité, a publiée grâce à elles la même année 199844 est toute différente. Elle est corroborée par d’autres archives et travaux que j’utilise ici.
14Le 8 juillet 1940, les services du nouveau ministère de la Production industrielle rédigent une « note sur les conditions de réemploi de la main d’œuvre travaillant à des fabrications de guerre ». Pour l’automobile, ils envisagent des gazogènes et un « programme de voitures populaires » aidé « par l’État »45. Le 16 juillet 1940, le baron Charles Petiet, président de la chambre syndicale des constructeurs d’automobiles, est convoqué avec un certain nombre d’industriels de l’automobile à la Chambre des députés par les Allemands afin d’entendre un exposé du colonel Max Thoenissen relatif aux relations entre les autorités d’occupation et l’industrie l’automobile. « Un entretien particulier a ensuite lieu entre le colonel et le baron. » Thoenissen répond en détail à des questions sur « la mise sous séquestre des usines et la désignation des commissaires allemands, […] la durée du séquestre de l’industrie automobile française […], l’attribution des matières premières […], la production nouvelle de voitures de tourisme et de camions normaux […], l’approvisionnement en essence […], le programme du temps de paix ». Il déclare : « Une collaboration avec nous est absolument indispensable. » En conclusion, « le baron Petiet, président de la chambre syndicale des constructeurs d’automobiles, est prié d’élaborer un programme de fabrication de l’industrie automobile française46 ». Dès lors, « un “protocole d’accord” est rédigé. Il prévoit les modalités de mise en place d’un comité d’organisation de l’automobile devant prendre la responsabilité de l’ensemble du secteur automobile47 ». L’initiative est donc allemande. Le 2 août, reprenant en la modifiant une idée du général Huntziger le 15 juillet, Léon Noël, délégué général de Vichy dans les territoires occupés, indique au maréchal Pétain qu’il a prié les industriels de « créer à l’intérieur de leurs syndicats » des « bureaux de contact » avec les Allemands, « de manière à interposer l’action d’un organisme professionnel entre leurs entreprises et les autorités allemandes48 ». Mais ces bureaux de contact ne sont pas satisfaisants et vont notamment valoir à Petiet le 2 septembre les reproches de Louis Renault49. Le 8 août 1940, Jean Bichelonne, secrétaire général à la Production industrielle et au Commerce intérieur du ministère de la Production industrielle, prend contact avec le baron Petiet pour « lui demander, à titre officieux, d’assurer la présidence du futur comité50 ». Cette seconde initiative est donc française, et nettement antérieure à la date du « 9 ou 10 août » à laquelle, selon Belin et d’autres, la loi sur les comités d’organisation a été élaborée. Petiet accepte. C’est vraisemblablement dans ce cadre que le 27 août 1940 le président d’Hotchkiss, H.-E. Boyer, déclare qu’il a consulté pour la commande allemande de cinquante voitures à la fois le ministère de la Production industrielle et « le baron Petiet51 ». Pourtant, comme je l’avais écrit dès 200052, l’homme « initialement pressenti » n’est pas à l’arrivée. Aux termes du second décret du 30 septembre53, François Lehideux (Sciences Po, 36 ans) coiffe sur le poteau Charles Petiet (École centrale, 61 ans).
15Ce processus à l’évidence incite à poser deux questions : quels rapports entre cette chronologie automobile et l’élaboration de la loi sur les comités d’organisation pour la France ? pourquoi Lehideux ?
16Impossible pour le moment de répondre de façon univoque à la première question. Deux interprétations opposées semblent actuellement possibles. Suivant la première, le cas stratégique54 et urgent de l’automobile aurait fait jurisprudence et la loi du 16 août 1940 serait une généralisation habillée dans un cadre juridique des décisions déjà prises pour l’automobile. Le rôle très actif de Petiet en matière de collaboration « européenne » en juillet août 1940, mis en évidence par Annie Lacroix-Riz55, pourrait plaider en ce sens. La seconde serait au contraire une sorte de confirmation empirique du témoignage de l’auteur de la loi, René Belin, conforté notamment par la découverte du mémorandum Barnaud du 24 juillet 1940 par l’historien allemand Arne Radtke-Delacor. Ce mémorandum préconise « devant l’organisation allemande » le « regroupement des différentes activités économiques dans des syndicats professionnels obligatoires et disciplinés », et conforte l’opinion de la majorité des contributions au colloque de 2003 sur les comités d’organisation56. Il faudra sur ce point de nouvelles recherches.
17À la seconde question deux des acteurs apportent des réponses tout aussi opposées. Louis Renault écrit en novembre 1940 à son administrateur délégué à propos de F. Lehideux : « Il est probable que c’est lui qui s’est proposé au poste de Führer de l’automobile ; il a eu soin évidemment de se faire adjuger tous les droits pour agir contre moi57. » On relève ici, comme en écho, qu’en octobre 1940 les constructeurs de matériel ferroviaire parlent de François Lehideux au COA comme d’ » un véritable dictateur de la profession58 ». En revanche, François Lehideux, comme il me l’a déclaré dès 197259, puis répété à Emmanuel Chadeau qui l’a cru60, affirme dans ses mémoires61 que « vers le 10 septembre » le ministre Belin lui a demandé de venir du Pays basque à Paris. Le lendemain, il aurait eu au téléphone Bichelonne affirmant que le ministre et lui souhaitaient le consulter au sujet de la création d’un COA, et le surlendemain, il aurait rencontré le directeur de cabinet, Jacques Barnaud : « Un organisme allemand avait été implanté à Paris. Il ne prêtait aucune attention aux tentatives de la chambre syndicale de l’Automobile pour s’interposer entre les autorités allemandes et les industriels. » En foi de quoi, « Belin entendait discuter avec moi de mon éventuelle désignation comme responsable de ce premier comité ». Assuré « trois ou quatre jours » plus tard par Barnaud que le baron Petiet « avait donné son accord, sans réticence, presque enthousiaste […]. Le contrôle de la situation lui avait échappé ; l’intervention d’un nouvel organisme lui permettrait peut-être de ressaisir les choses. Quant à ma désignation, il la considérait comme inespérée et avait assuré de son désir de travailler la main dans la main avec moi » et que « Citroën, Peugeot et Renault, séparément puis ensemble, avaient approuvé la création du comité, puis ma nomination », Lehideux aurait vu Belin « le surlendemain ». C’est ce dernier qui aurait proposé l’une des deux formules prévues par la loi du 16 août : le « directeur unique responsable », qu’il aurait acceptée en raison de « la malheureuse impuissance du président Petiet » et après avoir vérifié lui même l’accord de Peugeot, de Citroën et du baron Petiet.
18Comment trancher ? Il faudrait au moins une recherche approfondie dans les archives de Vichy, notamment dans celles du ministère de la Production industrielle, ce que je n’ai pas encore fait (et mes prédécesseurs non plus). La version posthume de François Lehideux, ou sa variante qu’Emmanuel Chadeau62 reproduit et accepte : « En septembre 1940, une délégation des industriels de l’automobile vint me demander de prendre la tête du COA qui venait d’être créé » (version aberrante, puisque le décret de création et le décret de nomination sont tous deux du 30 septembre), ne paraît cependant pas la plus vraisemblable. Elle ne prend pas au sérieux l’épisode Petiet. L’accord de Renault qu’il invoque sur sa nomination au COA ne se retrouve aucunement dans les archives Renault. Au contraire, les relations entre Louis Renault et François Lehideux s’avèrent exécrables dans la période. En outre, alors que j’avais écrit que Lehideux avait quitté la direction de Renault « début septembre 194063 », analyse qui a été ensuite celle d’Hervé Joly64, Laurent Dingli, grâce à des archives de la famille Renault et de la Haute Cour de justice, montre qu’en fait François Lehideux a été limogé par Louis Renault, de même que son secrétaire Albert Armand, qu’il va nommer secrétaire général du COA65. François Lehideux se trouve donc courant septembre 1940 à la recherche active d’un emploi66, et il a des relations… Enfin, les archives de la chambre syndicale montrent de mauvaises relations entre la chambre syndicale et F. Lehideux. La place donnée dans les faits aux syndicats patronaux par le COA le confirme.
Quelles relations entre le Comité et les syndicats patronaux ?
19Le second décret du 30 septembre déjà cité relègue le baron Petiet à la position subordonnée de président d’une « commission consultative » de vingt membres divisée en quatre sous-commissions. La première est celle des constructeurs d’automobiles. Elle comprend dans un ordre non pas alphabétique, mais hiérarchique – les grands constructeurs avant les petits – Jean-Pierre Peugeot, René de Peyrecave (administrateur délégué de Renault ), André Lamy (numéro deux de Citroën ), Maurice Dollfus (président de Ford France ), Marcel Berthelon (Latil ), Pierre Peigney (Delahaye ). On note ensuite plusieurs remaniements jusqu’à juin 1941 : la commission passe à trente membres (dont Jean Panhard et Jean Berliet ) et le nombre de sous-commissions à cinq67. Mais la commission consultative n’a pas le pouvoir.
20La « décision COA n° 1 » publiée par François Lehideux le 4 novembre 1940, avec l’approbation écrite de son commissaire du gouvernement, le directeur des Industries mécaniques et électriques du ministère de la Production industrielle René Norguet, met les points sur les i. Elle porte sur les « rapports des syndicats, associations et groupements professionnels avec le Comité68 ». Elle ne fait pas dans la dentelle. « À dater du 30 septembre 1940, tous les syndicats, associations, groupements professionnels » du secteur « ont été placés sous le contrôle du COA. Aucun organisme professionnel ne peut être créé sans l’accord du directeur responsable du COA. Aucune modification ne peut être apportée aux statuts des organismes existants, aucun but nouveau ne peut être assigné à leur activité, sans son autorisation. Les syndicats et groupements professionnels exercent leur action dans les limites fixées par le comité. Ils peuvent être chargés d’assurer la liaison entre le comité et les membres de la profession. […] Ils coopèrent éventuellement à la diffusion des décisions du directeur responsable, à la mise en œuvre des moyens aptes à en assurer la stricte exécution. […] Sous la forme d’avis, de suggestions, d’études, ils sont appelés à coopérer à l’établissement des statuts qui définissent les droits dont disposent les entreprises de la profession et les obligations auxquelles elles sont tenues. Le directeur responsable assiste ou se fait représenter aux assemblées ou réunions » et leurs décisions ne « deviennent exécutoires » que s’il ne s’y oppose pas. « Il a le droit de faire procéder à tout contrôle. » On comprend que Louis Renault ait pu parler de Führer de l’automobile. Il y a au moins de la Gleichschaltung dans l’air.
21Dans ce cadre, le COA s’attribue vite un rôle en matière d’ententes et de fusions. L’idée était en discussion avant même sa naissance. Ainsi, en juillet et août 1940 le conseil d’administration d’Hotchkiss débat « du projet de constitution d’un groupement automobile comprenant, outre notre société, les maisons Saurer, Laffly, Latil, Delahaye, Unic, Licorne. L’arrangement prévu, qui supprimerait la concurrence entre ces sociétés, règlerait la répartition des types de voitures et de camions à construire par chacune d’elles, en tenant compte de leurs moyens de production respectifs. Il comporterait un bureau d’études, d’achats et un service commercial communs69 ». Hotchkiss prend « une participation majoritaire dans le capital de la société des Automobiles industrielles Saurer, qui elle-même avait pris de gros intérêts dans la société des Automobiles industrielles Latil70 ». « Après une détérioration des rapports entre les constructeurs concernés et F. Lehideux, la Société générale française de construction automobile (GFA)71 voit cependant le jour en avril 194172. » Malgré la nomination d’administrateurs communs, « la mise au point » du groupement « demande beaucoup de temps, et présente des difficultés », déclare encore le conseil d’Hotchkiss le 10 décembre 1941, espérant « que l’an prochain verra se réaliser son plein développement, répondant ainsi aux vues gouvernementales73 ». Le 10 juin 1941, Lehideux valide le projet d’entente négocié entre Panhard-Levassor et Somua en souhaitant une plus forte imbrication des structures de direction. À cette occasion, il évoque « son dernier voyage en Allemagne, pour la première réunion du Comité d’entente européenne », et « nous confirme que les Allemands poussent aux concentrations puissantes. Il imagine, pour la France, quatre nouveaux ensembles : Citroën -Renault qui serait une fusion, la GFA, un groupement hypothétique Peugeot -Berliet, et, enfin, le groupement Panhard -Somua, auquel viendraient s’ajouter, espère-t-il, Willème, Bernard, Chenard, etc. En Allemagne, il n’y aura plus que deux groupements très puissants ; en Italie, vraisemblablement, deux groupements également, Fiat et, pour le second, tous les autres constructeurs. Il faut que la France comprenne son intérêt74 ». De même, en 1943, le COA place le baron Petiet, président de son comité consultatif et toujours président de la CSCA, au conseil d’administration de Simca, dans l’idée de créer un groupement avec « Bernard, Delahaye-Delage, Laffly et Unic », renforçant ainsi « le potentiel industriel utilisé par l’Allemagne nazie75 ». La même année, le COA aide le P-DG de Ford France, Maurice Dollfus, à contrecarrer les ingérences de Ford Cologne. Lehideux nomme Dollfus « directeur des représentants des constructeurs français au sein du COA alors que la Ford française a toujours été tenue à l’écart de la profession76 », puis l’appuie auprès des Allemands pour faire classer Poissy usine S77.
22Sur cette question de la concentration comme sur d’autres le COA met en place des commissions tripartites. Les ouvriers, tous cooptés par la direction du COA, sont soit d’anciens représentants syndicaux connus des dirigeants de l’industrie automobile soit des hommes proposés par le cabinet de René Belin. Selon le seul témoignage de F. Lehideux, « ils défendent leurs opinions, généralement assez proches de celles du COA, se sentant un devoir centraliste78 ».
23Le COA dans tous les domaines fait de l’ombre aux syndicats professionnels de l’automobile et du cycle. Le président depuis 1923 de la chambre syndicale des accessoires pour automobiles, cycles et appareils aériens, le centralien Maurice Goudard, qui considère que les chambres syndicales « sont mises en sommeil, leurs biens sont bloqués, leur existence même soumise constamment à la menace de la dissolution », adresse le 5 juin 1942, « en guise de protestation », sa démission par lettre à tous les membres du comité de sa chambre. Il s’en prend notamment à « une néo-bureaucratie envahissante et paperassière, qui s’ingère de plus en plus [dans le] fonctionnement technique, commercial et financier de nos entreprises en nous laissant les risques, sans avoir elle-même aucune responsabilité79 », description qui inclut au premier chef le COA. La tension est notoire entre le COA et le plus important des syndicats professionnels de son secteur, la CSCA.
L’éclipse de la chambre syndicale des constructeurs d’automobiles
24Avril-juin 1940 sont les mois de l’apogée symbolique du président de la chambre syndicale. Le baron Charles Petiet, son président depuis le 25 mars 1918, qui était devenu « à titre temporaire » en septembre 193980 président de la Confédération générale du patronat français, en remplacement de Claude-Joseph Gignoux, mobilisé le 1er septembre, est élu définitivement président de la CGPF en avril 194081. Il va occuper ce poste jusqu’à la dissolution par Vichy le 9 novembre 1940. Continue-t-il à en être le trésorier82 ? On ne le sait pas encore. Cependant, le temps du repli est proche, du fait de l’Occupation d’abord, et ensuite de la mise en place du comité d’organisation de l’Automobile.
25L’Occupation marque un premier déclin. François Lehideux en est l’acteur, puis le narrateur au colloque de 1970 : « Après l’armistice, […] devant l’absence des responsables de la chambre syndicale de l’Automobile, j’ouvris le siège de cette dernière, y installai une permanence et me mis à la disposition des industriels qui regagnaient peu à peu leurs entreprises pour les conseiller et les mettre en contact avec les autorités françaises83. » On remarquera que dans ses mémoires, en 2001, il dit tout autre chose : « Le 2 juillet, dès le matin, j’allai à la chambre syndicale, rue de Presbourg. […] C’était le mur du silence. » Il se limite à signaler que quelque temps après, le 7 juillet, il rencontre le baron Petiet, « maintenant rentré à Paris »84. De ce fait, lorsque le Comité d’organisation est créé et confié à Lehideux, il s’installe naturellement dans les locaux de la CSCA, 2 rue de Presbourg. Au début, les deux organismes cohabitent, Petiet ne coupe pas les ponts avec Lehideux. Mais bientôt, les tensions deviennent trop fortes85. Finalement, en novembre 1941 le COA de Lehideux force la CSCA à quitter ses locaux et, avec le personnel non mobilisé et les archives, elle se réfugie non loin de là, au 31 avenue Montaigne, siège de l’Union des consommateurs de produits métallurgiques et industriels, groupement sidérurgique dominé par Louis Renault que préside le baron Petiet86. Ces faits n’ont évidemment rien à voir avec le récit idyllique donné par François Lehideux dans ses mémoires, selon lesquels, en octobre 1940, le baron Petiet « eut la bonne grâce d’abandonner l’usage du bâtiment au COA87 », alors qu’en réalité le COA occupe non seulement l’immeuble de la rue de Presbourg, où la chambre s’est installée en 1935, mais encore ses annexes rue Vernet et avenue Hoche88.
26La CSCA maintient cependant une activité réduite, comme me l’a expliqué son ancien secrétaire général nommé en 194389. Elle continue notamment à être présente dans les réunions ministérielles en matière de transport et de sécurité routière, comme si de rien n’était, et « sans créer aucun incident vis-à-vis du COA » (C. Petiet, 24 mars 1943). Elle maintient des contacts informels entre les principaux constructeurs et avec de hauts fonctionnaires ou quelques hommes politiques90.
27Devant l’évolution militaire de la guerre mondiale, le baron Petiet et ses collègues redressent ensuite la tête. Le 24 mars 1943, la CSCA refait surface en tenant sa première assemblée générale depuis 1939. « Avec l’assentiment de Vichy », comme l’écrit Jean-Louis Loubet91 ? Rien ne permet de l’affirmer. Après avoir remplacé son secrétaire général depuis 1918, qui prend sa retraite, Charles Petiet indique en termes codés : « Il appartiendra à votre conseil de pouvoir faire face à tout moment aux difficultés ou variations de situations et de maintenir tous les constructeurs groupés de cœur, en conservant à tous les garanties nécessaires pour assurer le respect de leurs intérêts souvent différents92. » Le baron Petiet, qui cherche des appuis, « offre pour la première fois à Ford SAF ce qu’il lui a toujours refusé : un siège d’administrateur au sein de la chambre syndicale93 ».
28À la Libération, le baron Petiet « n’avance qu’avec la plus extrême prudence ». Il « multiplie les contacts avec certains adhérents de la chambre syndicale, notamment les dirigeants de Peugeot et ceux de Simca, ainsi qu’avec quelques-uns des services de la nouvelle Administration ». Puis il remet progressivement en activité la CSCA, en étant préoccupé par la situation nouvelle créée par la nationalisation de Renault et la mise sous séquestre de Berliet. Il se trouve ainsi amené en 1946 à faire au ministre communiste de la Production industrielle, Marcel Paul, des propositions de désignation des membres employeurs du nouveau comité consultatif de l’Automobile et du cycle, organisme paritaire employeurs-salariés, puis à apprendre que sa propre présence n’est pas la bienvenue. Au début de cette même année 1946, il lance l’idée de la reprise du salon de l’Auto, qu’il parvient à faire accepter à tous ses interlocuteurs, puis à mener à bien. Cependant, c’est seulement dans le courant de l’été 1946 qu’une partie des services peuvent réintégrer les locaux de la rue de Presbourg. Le salon est une grande réussite tant pour le nombre de constructeurs présents que pour l’affluence. Aussitôt après, se tient le premier conseil d’administration à pouvoir siéger rue de Presbourg, le 23 octobre 1946. La CSCA va ensuite revenir au plein régime94.
29Chez les ouvriers, les employés, les cadres de l’automobile aussi le cadre légal du syndicalisme change en partie, et avec lui, les pratiques.
Le syndicalisme des salariés
30Le syndicalisme de salariés dans cette période de guerre, puis d’occupation ne peut être analysé historiquement que dans une perspective relationnelle : les libertés sont d’abord réduites, puis anéanties ; les directions d’entreprise reviennent à des méthodes d’organisation du travail fort dures ; simultanément, elles développent leurs œuvres sociales95 ; enfin, les positions et l’action des syndiqués comme des militants ne se séparent pas de la question nationale, face à l’Allemagne nazie96. Si l’évolution de ce syndicalisme connaît globalement une opposition contrastée entre deux périodes, la fin de la Troisième République et Vichy – que divers travaux et colloques ont permis de reconstituer97 –, elle présente dans l’automobile plusieurs particularités, dont l’évolution des effectifs apparaît comme une dimension explicative.
Les effectifs
31Malgré la préparation de la mobilisation industrielle deux années auparavant, la guerre déclenche comme en 1914 une hémorragie de personnel. De 32 000 en août 1939, les effectifs ouvriers de Renault tombent à 15 732 en septembre. S’ils remontent sans cesse par la suite, ils ne sont qu’à 24 624 en juin 194098. La défaite fait plonger les effectifs. Par exemple, Renault compte seulement 1 094 salariés en juillet 194099, soit un retour à 1905. L’usine Hotchkiss de Saint-Denis tombe fin juin 1940 à « quelques dizaines d’agents », n’atteignant que trois cents personnes en août 1940100, mais jamais l’emploi ne retrouve le niveau de juin 1940. Les usines doivent cependant embaucher au cours de l’Occupation. Ainsi, Renault recrute 6 778 personnes en 1942 et 5 303 en 1943101, mais les départs volontaires et forcés comme le non-pourvoi de postes vacants l’emportent et tirent les effectifs vers le bas.
32Nous publions ici pour la première fois un tableau de la croissance, puis de la décroissance des effectifs dans un certain nombre d’entreprises automobiles.

Sources : Archives Renault ; AN, F12 9422-9548, fichier par départements de l’OCRPI, chiffres par établissement (dépouillement communiqué par Hervé Joly, que je remercie) ; J.-L. Loubet, « La société anonyme des Automobiles Citroën 1924-1968. Étude historique », thèse de 3e cycle, histoire, université de Paris X-Nanterre, 1979, p. 338-342 ; P. Darrasse, op. cit., p. 251-252, 262, 267-268.
De la déclaration de guerre à la défaite
33Si les conventions collectives en vigueur au 1er septembre 1939 subsistent pour l’essentiel, deux décrets du 1er septembre et du 10 octobre 1939 mettent fin au mandat des délégués du personnel élus encore en fonction et, à l’instigation du directeur général du Travail Alexandre Parodi comme pour la « cristallisation » des conventions collectives102, prévoient leur remplacement par désignation des organisations syndicales les plus représentatives, sous réserve de l’agrément du ministère du Travail103. Les délégués en majorité ex-unitaires sont donc remplacés par des ex-confédérés et parfois mobilisés104. En d’autres termes, « l’institution des délégués ne connut pas de réelle rupture à l’exception de la mise à l’écart des communistes. Depuis novembre 1939 elle se maintint probablement par la volonté des syndicalistes mais aussi du patronat105 ». Mais que se passe-t-il au niveau des syndiqués ? Dans l’automobile comme ailleurs, les effectifs syndicaux sont déjà affaiblis depuis l’épreuve de force nationale de novembre 1938, puis l’interdiction du PCF. L’emploi de jeunes, de Nord-Africains, de femmes et de salariés âgés106, majoritairement sans tradition syndicale, ainsi que d’affectés spéciaux et de requis n’est pas propice à leur hausse. Pourtant la CGT, encouragée par le gouvernement, tente de nombreux efforts de redressement107. Elle crée d’abord des comités de liaison dans chaque usine. Ensuite, elle reconstitue les sections syndicales d’entreprise, puis les sections locales des Métaux. Le premier congrès des métallurgistes parisiens depuis le début des hostilités se tient ainsi en avril 1940. Mais si les structures réapparaissent, les syndiqués ne sont pas revenus au même nombre. La CGT confédérée pratique de surcroît une politique d’union sacrée avec le patronat et l’État. Le gouvernement impose un contrôle et un blocage des salaires, une augmentation de la durée du travail (cependant bientôt réduite pour les femmes et les jeunes), éléments éprouvants face à la hausse des prix, à l’augmentation des impôts. La fatigue ouvrière augmente, la santé au travail se détériore, les accidents du travail deviennent plus nombreux, l’absentéisme s’accroît. Cependant, les actes de freinage ou de sabotage voire les conflits ouverts, à l’initiative de militants ex-unitaires sous le double choc du Pacte germano-soviétique et de l’interdiction du PCF, sont peu nombreux ; leur activité essentielle est la distribution de tracts et de L’Humanité clandestine108.
L’Occupation
34Les syndicats légaux (notamment ceux de la CGT et de la CFTC, celle ci présente aussi bien chez Peugeot que chez Renault ) restent en place, mais leur activité dans l’automobile est au début inconnue. Fin 1940 début 1941, à l’initiative des cellules clandestines reconstituées du parti communiste, apparaissent des comités populaires, une centaine dans la métallurgie parisienne. Ils présentent aux directions le cahier des revendications du personnel où les salaires se trouvent au premier plan109. Au début de 1942, les communistes décident d’entrer dans les syndicats légaux de la métallurgie et de contraindre les délégués élus à transmettre les revendications110. Chez Berliet à Vénissieux, les militants syndicalistes visibles sont de même « pour la plupart » des ex-confédérés111.
35La création des comités sociaux dans le cadre de la Charte du travail112 donne un renouveau de légitimité aux syndicalistes. Chez Renault, le comité social est ainsi créé après consultation des délégués ouvriers en octobre 1941 et des délégués collaborateurs en décembre 1941. Le projet soumis par la direction aux représentants collaborateurs et ouvriers des syndicats prévoit, sans doute sur le modèle de feu le Conseil national économique, un comité réduit d’une douzaine de membres, assisté de sections de travail. Les syndicalistes, qui auraient souhaité un comité plus large, approuvent cette structure. Le comité tient sa première réunion le 3 mars 1942113. Le comité définitif, qui comporte quatorze personnes (trois membres de la direction, cinq membres présentés par les collaborateurs, six par les ouvriers), les douze sections de travail aux membres choisis par le comité, les cinq experts assurant la liaison avec les services sociaux de l’entreprise, le secrétaire général forment le conseil social. Il comprend au total cent quarante-quatre membres. Deux commissions particulières sont « créées pour rassembler les délégués ex-syndiqués, représentants du personnel114 ». La direction, s’inspirant de l’esprit de la circulaire du 26 décembre 1941 du Groupement des industries métallurgiques, mécaniques de la région parisienne et contrairement au vœu du ministère du Travail, favorable à une consultation du personnel115, choisit de faire désigner le conseil par une commission comprenant le secrétaire général de l’entreprise, cinq représentants syndicaux des collaborateurs (un de la CGT, un de la CFTC, un du syndicat et de l’amicale des chefs de service, ingénieurs, agents de maîtrise et techniciens des industries métallurgiques, mécaniques et connexes (SACIAT), un de la Confédération des syndicats professionnels français (CSPF), un de la Fédération nationale des syndicats d’ingénieurs (FNSI) et quatre représentants syndicaux des ouvriers (deux de la CGT, un de la CFTC, un de la CSPF). Le 30 mars 1943, la direction générale de Renault estime, sur la base de deux enquêtes auprès de membres du personnel, que l’activité du comité se déroule « dans l’indifférence générale » et que les ouvriers ne voient en lui qu’un service destiné à satisfaire divers besoins matériels et d’assistance. De fait, il ne discute pas au fond des salaires, sur lesquels il doit se borner à « émettre des suggestions116 », qui montrent le souci des cols blancs comme des cols bleus de rétablir une hiérarchie durable des salaires. En mai 1944, le comité social décide d’instituer l’élection des cent cinquante membres du conseil social à bulletin secret. Mais le débarquement allié ne lui laisse pas le temps de passer aux actes117. Au premier congrès du syndicat des métaux CGT de Billancourt après la Libération, les membres cégétistes du comité social sont « évincés » des instances syndicales118.
36Chez Ford France, la constitution du comité social est vécue par la direction comme complétant « l’effort social » en vue « d’unifier, avec une gestion tripartite (ouvriers, maîtrise, direction), tous les effets des organisations d’entraide existantes ou à créer ». Mais, comme chez Renault, la direction reconnaît bientôt que cet organisme « est boudé par le personnel et son action reste de surface119 ». Chez Berliet, entreprise familiale comme Renault, le scénario se montre fort différent. Le fondateur, Marius Berliet, refuse d’abord de créer un comité social. « Puis, sous la pression, il cède et désigne lui-même les membres du comité, les choisissant parmi les chefs de service. La CGT clandestine dénonce, par tracts, le comité fantoche. Une véritable élection est imposée en avril 1943. Soixante membres sont élus dont sept cadres, trois agents de maîtrise, quatorze employés, trente ouvriers. Parmi eux, Robert Burlat », militant CGT et membre de la direction clandestine de la Résistance dans l’entreprise. « La séance inaugurale est houleuse : l’inspecteur du travail y somme même Berliet de changer ses méthodes de direction120. » En février 1944, comme je l’ai signalé dans un précédent article, les membres ouvriers du comité expriment des demandes sur les salaires et les conditions de travail, ainsi que le souhait d’un droit d’affichage dans l’usine. La direction refuse, évidemment121.
37Ainsi, une sorte de division des rôles s’établit. Aux mouvements de résistance et aux partis politiques clandestins incombent les distributions de tracts, les prises de parole (chez Citroën plus facilement que chez Renault ), les actes de sabotage122, le renseignement123, les arrêts de travail et les manifestations, puis la lutte armée124. Mais il arrive qu’un syndicat légal serve « de couverture à la CGT clandestine », qu’une « journée de lutte » puisse être « organisée par la CGT clandestine125 », que le même militant poli- tique distribue Le Métallo, La Vie ouvrière et L’Humanité126 et que parfois les tracts donnant des consignes d’action résistante soient cosignés par des syndicats, ainsi chez Berliet en avril 1944127.
38Quel bilan peut-on tirer d’une redistribution des cartes aussi complexe ? En apparence, elle n’aurait constitué qu’une parenthèse. À la Libération et jusqu’à une violente crise en 1953, c’est toujours le même baron Petiet qui dirige la chambre syndicale des Constructeurs. Dès 1946 il reçoit de nouveau des responsabilités interprofessionnelles et est élu membre du bureau national du128. Maurice Goudard publie en 1944 deux éditions successives de son manifeste contre le dirigisme et pour le libéralisme, dont il avait fait « paraître en décembre 1942 une édition ronéotypée à plus de 500 exemplaires ». Sa chambre syndicale des accessoires, comme il l’avait souhaité le 5 juin 1942, reprend « la place à laquelle lui donnent droit son passé et sa129 ». Goudard lance en 1946 dans ses usines de Courbevoie son Vélo Solex conçu en 1940. Le comité d’organisation est, comme les autres, transformé en 1944 en Office professionnel de l’automobile, puis dissous en 1946. Les comités sociaux sont, là comme ailleurs, dissous. La CGT et la CFTC retrouvent les libertés syndicales. François Lehideux est incarcéré à Fresnes de 1944 à 1946, obtient un non-lieu en février 1949, mais ne retrouve plus ni dans l’automobile (P-DG de Ford France de 1949 à 1953), ni ailleurs (ensuite à Châtillon-Commentry) une importance comparable à celle dont il a bénéficié avant, puis durant la guerre. Et du côté allemand en 1949 Max Thoenissen devient président de la chambre syndicale des constructeurs automobiles allemands, le130.
39On peut cependant argumenter que cette redistribution a eu une série d’effets directs et différés. Effets directs, d’abord. Certains sont des héritages. Le remarquable service de statistiques que Lehideux a bâti au COA131 est transféré à la CSCA en 1946. Partie prenante de la transformation d’ensemble de l’appareil statistique sous Vichy132, il est aux origines de l’efficace département économie-statistique de l’actuel Comité des constructeurs français d’automobiles. Si Lehideux succède à M. Dollfus à la tête de Ford France en 1949, c’est en partie par un renvoi d’ascenseur de Ford à la suite de l’attitude favorable à Ford France que Lehideux a manifestée à la tête du COA. En juin 1950, Lehideux recrute pour l’assister André Reynaud, qui a été son bras droit au COA. Au sens strict, c’est une reconstitution de ligue dissoute133. D’autres effets apparaissent au contraire comme des refus de continuité. Le dirigisme du COA entraîne après-guerre de fortes réactions de rejet. D’une part, contre le plan Pons de 1944-1945, ressenti par les constructeurs privés comme l’héritier de la programmation rigide et autoritaire des fabrications automobiles que le COA et le ministère de la Production industrielle ont bâtie sous Vichy. D’autre part, contre la commission de modernisation de l’automobile du plan Monnet134.
40Effets différés ensuite. C’est le cas du côté des salariés. Lorsque le patron résistant de la Régie Renault Pierre Lefaucheux sort victorieux de l’épreuve de force avec la CGT en 1952 et que la CGT perd la majorité aux élections au comité central d’entreprise, la coalition FO-CFTC-CGC désigne comme secrétaire du comité Pierre Menny (FO) en novembre 1952. C’est l’ancien secrétaire du comité social d’entreprise de 1942 à135. C’est aussi le cas du côté des dirigeants d’entreprise. L’aciérie en Algérie que Lehideux souhaitait pour les constructeurs automobiles sous136 est finalement construite dans le cadre du plan de Constantine à la fin des années 1950.
41Il serait cependant à mes yeux imprudent d’estimer que ces effets directs et différés sont plus importants que les éléments nouveaux apportés par l’après-guerre à l’échelle du monde. Mais il est probable que bien des idées ayant germé dans les syndicalismes de l’automobile durant la guerre ont poursuivi par la suite – et sans doute sous d’autres formes – leur chemin.
Notes de bas de page
1 Hoover Institute(dir.), La vie de la France sous l’Occupation, Paris, Plon, 1957. Cf. aussi le témoignage de F. Lehideux dans R. Rémond (dir.), Le gouvernement de Vichy 1940-1942, Paris, A. Colin, 1972.
2 Idem, p. 91-96, 207, 288.
3 F. Lehideux, De Renault à Pétain. Mémoires, préface d’E. Le Roy Ladurie, Paris, Éditions Pygmalion, 2001.
4 R. Durand, La lutte des travailleurs de Renault racontée par eux-mêmes 1912-1944, Paris, Éditions Sociales, 1971.
5 R. Durand m’en avait montré un. Mes efforts auprès du PCF pour retrouver l’ensemble sont restés vains, le PCF n’arrivant pas à les localiser.
6 F. Picard, L’épopée de Renault, Paris, Albin Michel, 1976. Des extraits de la partie non publiée du journal ont été reproduits dans le bulletin semestriel De Renault Frères constructeurs d’automobiles à Renault Régie nationale, de décembre 1976 à décembre 1978. L’Institut d’histoire du temps présent conserve, à mon initiative, un microfilm du texte intégral du journal de F. Picard qui avait été réalisé par le Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
7 E. Hug et P. Rigoulot, Le croque-rave libertaire. Mémoires (1898-1980), Paris, Presses d’aujourd’hui, 1980.
8 H. Rousso, « Les comités d’organisation, aspects structurels et économiques », maîtrise, histoire, université de Paris I, 1976, p. 133-148, 181, X-XII.
9 P. Fridenson, « Les relations entre les industries automobiles française et allemande des années 1880 aux années 1960 », dans Y. Cohen et K. Manfrass (dir.), Frankreich und Deutschland. Forschung, Technologie und industrielle Entwicklung im 19. und 20. Jahrhundert, Munich, Beck, 1990, p. 338 et « Les entreprises automobiles sous l’Occupation », dans O. Dard, J.-C. Daumas et F. Marcot (dir.), L’Occupation, l’État français et les entreprises, Paris, Association pour le développement de l’histoire économique, 2000, p. 317-329.
10 P. Darrasse, La condition ouvrière aux usines Renault 1938-1944, thèse de doctorat de 3e cycle, histoire, université de Paris I, 1986.
11 M. Riess, Die deutsch-französische industrielle Kollaboration während des Zweiten Weltkrieges am Beispiel der Renault-Werke (1940-1944), Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2002.
12 S. Ramirez Perez, Public Policies, European Integration and Multinational Corporations in the Automobile Sector. The French and Italian Cases in a Comparative Perspective 1945-1973, doctorat, histoire, Institut universitaire européen, 2007.
13 P. Fridenson, « La déchirure (1940-2000) », Le Mouvement social, octobre-décembre 1999, p. 3-6.
14 Voir la contribution de D. Fraboulet-Rousselier dans le présent ouvrage et son grand livre : Quand les patrons s’organisent. Stratégies et pratiques de l’Union des industries métallurgiques et minières 1900-1950, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2007.
15 D’abord les archives de la justice militaire, Le Blanc (Indre), et aux Archives nationales la sous-série 3 W (Haute Cour de justice). Et le récit de F. Lehideux.
16 Art. « Chassagne », J. Maitron (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, t. XXII, Paris, Éditions Ouvrières, 1984, p. 159 (notice provisoire plus que parcellaire et sans prénom). E. Chadeau, Louis Renault, Paris, Plon, 1998. L. Dingli, Louis Renault, Paris, Flammarion, 2000. J.-M. Berlière et F. Liaigre, Le sang des communistes. Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée. Automne 1941, Paris, Fayard, 2004. Notice provisoire communiquée par Claude Pennetier, directeur du Maitron 1940-1968, que je remercie très vivement.
17 Notice provisoire de Claude Pennetier.
18 J.-M. Berlière et F. Liaigre, op. cit., p. 313.
19 Idem, op. cit., p. 60. M. Rault et N. Viet-Depaule, « Granet Désiré », J. Maitron, op. cit., t. XXX, 1987, p. 237.
20 J.-M. Berlière et F. Liaigre, op. cit., p. 59.
21 Idem, p. 313.
22 F. Lehideux, De Renault…, op. cit., p. 222-225.
23 E. Chadeau, op. cit., p. 255-256 et 262.
24 L. Dingli, op. cit., p. 416, 420-422, 643. Il faudrait en outre consulter à la Bibliothèque de documentation et d’information contemporaines (BDIC) dans les archives de Robert Aron le témoignage de J. Bonnefon-Craponne.
25 A. Maux-Robert, La lutte contre le chômage à Vichy. Henri Maux, le Juste oublié 1939-1944, Panazol, Lavauzelle, 2002, p. 51.
26 J.-M. Berlière et F. Liaigre, op. cit., p. 77.
27 M. Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion 1932-1952, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, t. I, p. 565. Notice provisoire de Claude Pennetier.
28 J.-M. Berlière et F. Liaigre, Le sang…, op. cit., p. 78, 84 et 319.
29 Idem, p. 85.
30 F. Lehideux, op. cit., p. 431-432.
31 Idem, p. 319.
32 Idem, p. 77.
33 Idem, p. 76.
34 Idem, p. 309.
35 Idem, p. 84.
36 P. Fridenson, « Les entreprises automobiles… », art. cit., p. 319-325 et 328-329.
37 Je dois ce point à H. Rousso, op. cit., p. 138-139.
38 M. Riess, op. cit., p. 88, d’après les archives Daimler Chrysler.
39 Journal officiel de la République française, 1er octobre 1940, reproduit par H. Rousso, op. cit., p. x. C’est à tort que M. Riess (op. cit., p. 383) date le décret du 1er octobre. Page 203, note 661, elle parle de « septembre » sans autre précision et page 221 d’ » octobre ». Avant elle, E. Chadeau (op. cit., p. 284) parle déjà du 1er octobre.
40 Cf. H. Joly (dir.), Les comités d’organisation et l’économie dirigée du régime de Vichy, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, 2004.
41 Dans R. Rémond (dir.), op. cit., p. 203. Belin reprend en les modifiant ses explications de La vie de la France…, op. cit.
42 H. Dufresne et J. Sauvy, Charles, baron Petiet (1879-1958). Un grand industriel, homme de pensée et d’action, Paris, SPM, 1998, p. 116.
43 Ces archives, longtemps inaccessibles, sont ouvertes aux chercheurs depuis le milieu des années 1980.
44 J. Sauvy, Les organismes professionnels français de l’automobile et leurs acteurs 1896-1979, Paris, Comité des constructeurs français d’automobiles, 1998, p. 158.
45 Archives nationales, F12 10252, « papiers de M. Bichelonne ». Je remercie Marine Moguen-Toursel (EHESS) d’avoir attiré mon attention sur ce carton.
46 AN, F12 10252, note du major Holzhauer, « fondé de pouvoir du directeur général du domaine de l’automobile auprès de l’état-major du chef de l’administration militaire en France », 17 juillet 1940.
47 Voir, parmi les archives allemandes que j’ai dépouillées en 1987 et utilisées sur d’autres points dans mon article de 1990 cité en note 9 : Sächsisches Staatsarchiv Dresden, Best. : Auto-Union, Nr. 784, H. Egger, Niederschrift über die Beiratssitzung [der Wirtschaftsgruppe Fahrzeugindustrie] am 28. November 1940. L’analyse de J. Sauvy (op. cit., p. 158) est confirmée à partir de sources allemandes et françaises par M. Riess, op. cit., p. 196-198. Sur Th oenissen, cf. M. Moguen-Toursel, « Max Thoenissen : des commandes de guerre aux structures européennes de l’automobile », dans O. Dard et G. Richard (dir.), Les permanents patronaux : éléments pour l’histoire de l’organisation du patronat en France dans la première moitié du xxe siècle, Metz, CRHQ, 2005, p. 125-141.
48 L. Dingli, op. cit., p. 393, 403, 405.
49 Idem, p. 430.
50 Sur le discours du 16 juillet, voir aussi Archives nationales, Z6 NL9, carton sur le non-lieu de R. de Peyrecave, et L. Dingli, op. cit., p. 382, dont cependant la chronologie est incertaine.
51 Archives Hotchkiss, procès-verbal du conseil d’administration du 29 août 1940, p. 3. Je remercie Danièle Fraboulet-Rousselier de m’avoir communiqué ce document.
52 P. Fridenson, « Les entreprises automobiles… », art. cit., p. 320. Même remarque dans J.-L. Loubet, Histoire de l’automobile française, Paris, Seuil, 2001, p. 183-184, qui paraphrase mon article sans le citer.
53 Journal officiel de la République française, 1er octobre 1940, p. 5202. Texte reproduit par H. Rousso, op. cit., p. x.
54 Pour les Allemands, cf. M. Riess, op. cit., p. 81 et 198.
55 A. Lacroix-Riz, « Les comités d’organisation et l’Allemagne : une tentative d’évaluation », H. Joly (dir.), op. cit., p. 51-52.
56 H. Joly (dir.), op. cit., notamment la conclusion générale de M. Margairaz, p. 311.
57 G. Hatry, Louis Renault patron absolu, Paris, Éditions Lafourcade, 1982, p. 371 et M. Riess, op. cit., p. 221. Le texte intégral de la lettre est reproduit dans Renault-Histoire, n° 1, novembre 1989, p. 75.
58 Archives nationales du monde du Travail, 70 AQ 430, réunion des comités de direction des constructeurs et réparateurs de locomotives, de voitures et de wagons, 8 octobre 1940. Je remercie Jean-François Eck de m’avoir communiqué ce document.
59 Entretien avec F. Lehideux, 10 juin 1972.
60 E. Chadeau, op. cit., p. 269-270.
61 F. Lehideux, De Renault…, op. cit., p. 233-238.
62 E. Chadeau, op. cit., p. 284.
63 P. Fridenson, « Les entreprises automobiles… », art. cit., p. 320.
64 H. Joly, « Les comités d’organisation : un ensemble vaste et disparate », dans H. Joly (dir.), op. cit., p. 90.
65 L. Dingli, op. cit., p. 420-422. Sur Armand, cf. H. Rousso, op. cit., p. xi et E. Chadeau, op. cit., p. 285, qui le prénomme « André ». À tort il est appelé « Arnaud » et « secrétaire général adjoint » dans F. Lehideux, De Renault…, op. cit., p. 419.
66 E. Chadeau (op. cit., p. 284) le cite : « Je suis sans emploi. »
67 Voir le décret et H. Rousso, op. cit., p. 135 et xi. Celui-ci parle à tort de « six » sous-commissions. J.-L. Loubet, op. cit., p. 186 donne la composition initiale de la sous-commission, mais par ordre alphabétique.
68 Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, 825. 067. Document reproduit par H. Rousso, op. cit., p. xii.
69 Archives Hotchkiss, procès-verbal du conseil d’administration du 29 août 1940, p. 4. Il ne s’agit donc pas de « l’automne 1940 », comme je l’avais écrit dans « Les entreprises automobiles… », art. cit., p. 323. Cf. D. Fraboulet-Rousselier, Les entreprises sous l’Occupation. Le monde de la métallurgie à Saint-Denis, Paris, CNRS Éditions, 1998, p. 95-96.
70 Archives Hotchkiss, assemblée générale ordinaire du 10 décembre 1941, rapport du conseil d’administration, p. 1-2.
71 La raison sociale donnée par C.-A. Sarre (Les Panhard et Levassor. Une aventure collective, Boulogne- Billancourt, ETAI, 2000, p. 122) est partiellement erronée.
72 P. Fridenson, « Les entreprises automobiles… », art. cit., p. 323.
73 Arch. Hotchkiss, assemblée générale ordinaire du 10 décembre 1941, rapport du conseil d’administration, p. 2.
74 Compte rendu établi le 11 juin 1941 par J. Cheysson, conservé dans les archives personnelles de Jean Panhard et révélé par C.-A. Sarre, op. cit., p. 122-123.
75 J.-L. Loubet et N. Hatzfeld, Les sept vies de Poissy, Boulogne-Billancourt, ETAI, 2001, p. 78-79.
76 Idem, p. 43.
77 Idem, p. 45. Cf. également F. Lehideux, De Renault…, op. cit., p. 417-424.
78 Entretien avec F. Lehideux, 20 novembre 1973.
79 M. Goudard, La défense du libéralisme, Paris, L’Édition artistique, 1944, p. 209-211.
80 Archives de la famille Gignoux, renseignement communiqué par Gilles Richard (IEP de Rennes), que je remercie. Éléments complémentaires dans E. Hubert, « Gignoux (Claude-Joseph) », dans M. Prévost, R. d’Amat et H. Tribout de Morembert (dir.), Dictionnaire de biographie française, t. XV, Paris, Letouzey et Ané, 1982, p. 1504-1505. ANMT, 70 AQ 418, déclaration de C. Petiet, octobre 1939.
81 H. Dufresne et J. Sauvy, Charles, baron Petiet, op. cit., p. 111.
82 A. Lacroix-Riz, art. cit., p. 50.
83 Dans R. Rémond (dir.), op. cit., p. 94. Ce point est complètement passé sous silence par J. Sauvy, op. cit., p. 155 et 158. De son côté, L. Dingli (op. cit., p. 381) parle seulement de l’installation dans « un bureau ».
84 F. Lehideux, De Renault…, op. cit., p. 206 et 210.
85 C.-A. Sarre, op. cit., p. 122.
86 Ce n’est pas son domicile personnel, contrairement à ce qu’écrit C.-A. Sarre, op. cit., p. 122. Voir sur ce point J. Sauvy, op. cit., p. 161.
87 F. Lehideux, op. cit., p. 238.
88 Note de M. Join-Lambert à la CSCA, 1973, reproduite dans J. Sauvy, op. cit., p. 116.
89 Entretien avec le regretté Bernard Langlois-Meurinne, 1989.
90 J. Sauvy, op. cit., p. 159 et 164-165.
91 J.-L. Loubet et N. Hatzfeld, op. cit., p. 43.
92 H. Dufresne et J. Sauvy, op. cit., p. 119-120. J. Sauvy, op. cit., p. 167.
93 J.-L. Loubet et N. Hatzfeld, op. cit., p. 43.
94 H. Dufresne et J. Sauvy, op. cit., p. 120 et 122-125. J. Sauvy, op. cit., p. 171, 176, 181-189. Sur le salon de 1946, cf. P. Fridenson et I. Tournier, La 4 CV au salon de l’Auto 1946, Paris, La Documentation française, 1987.
95 Archives Hotchkiss, assemblée générale ordinaire du 10 décembre 1941, rapport du conseil d’administration, p. 3-4. J.-P. Goux, Mémoires de l’enclave, Paris, Éditions Mazarine, 1986, p. 276- 277 (Peugeot). J.-L. Loubet et N. Hatzfeld, op. cit., p. 46 (Ford SAF). Cf. K. E. Amdur, « Paternalism, Productivism, Collaborationism in Interwar and Vichy France », International Labor and Working Class History, printemps 1998, p. 137-163.
96 Cf. P. Fridenson et J.-L. Robert, « Les ouvriers dans la France de la Seconde Guerre mondiale. Un bilan », dans A. Prost (dir.), Guerres, paix et sociétés 1944-1946, Paris, Éditions de l’Atelier, 2003, p. 111-146.
97 Cf. notamment J.-L. Robert (dir.), Syndicalismes sous Vichy, Le Mouvement social, janvier mars 1992 ; D. Peschanski et J.-L. Robert (dir.), Les ouvriers en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, CNRS Éditions, 1992 ; Ch. Chevandier et J.-C. Daumas (dir.), Travailler dans les entreprises sous l’Occupation, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007.
98 P. Darrasse, op. cit., p. 251.
99 Idem, p. 258.
100 Archives Hotchkiss, procès-verbal du conseil d’administration du 29 août 1940, p. 3 et rapport du conseil à l’assemblée générale ordinaire du 10 décembre 1941, p. 5-6. Je remercie Danièle Fraboulet-Rousselier de m’avoir communiqué ces documents.
101 P. Darrasse, op. cit., p. 197.
102 J. Cahen-Salvador et P. Racine, « Le directeur général du Travail et de la Main-d’œuvre », dans Alexandre Parodi, Gap, Imprimerie Louis-Jean, 1980, p. 41.
103 P. Darrasse, op. cit., p. 83-84.
104 R. Durand, op. cit., p. 93.
105 P. Darrasse, op. cit., p. 168.
106 Archives Mattern, Ernest Mattern, La société des Automobiles Peugeot pendant la guerre, 1er septembre 1939 au 15 novembre 1944, date de la libération de Sochaux, décembre 1944, p. 5. P. Darrasse, op. cit., p. 92.
107 P. Darrasse, op. cit., p. 92.
108 P. Darrasse, op. cit., p. 89-91 et 215-216. J.-L. Crémieux-Brilhac, Les Français de l’an 40, t. II : Ouvriers et soldats, Paris, Gallimard, 1990.
109 R. Durand, op. cit., p. 105-107. C. Poperen, Renault, regards de l’intérieur, Paris, Éditions Sociales, 1983, p. 33. P. Darrasse, op. cit., p. 217-219.
110 P. Darrasse, op. cit., p. 220-221.
111 M. Peyrenet, Nous prendrons les usines. Berliet. La gestion ouvrière (1944-1949), Genève, Garance, 1980, p. 17.
112 Cf. J.-P. Le Crom, Syndicats nous voilà !, Paris, Éditions de l’Atelier, 1995 et D. Fraboulet-Rousselier, op. cit., p. 139-152.
113 « Constitution du comité social provisoire des usines Renault », Informations Renault, numéro spécial, mars 1942, p. 1. R. Durand, op. cit., p. 125. AN, 17 Mi 1.
114 P. Darrasse, op. cit., p. 221.
115 Depuis l’entrée en fonctions du secrétaire d’État au Travail Lagardelle, dont on trouve une autre position en ce sens fin 1942 : D. Fraboulet-Rousselier, op. cit., p. 143.
116 Informations Renault, numéro spécial, mars 1942. R. Durand, op. cit., p. 127.
117 P. Darrasse, op. cit., p. 157-183.
118 R. Durand, op. cit., p. 176.
119 Selon un rapport écrit par un membre de la direction de Ford SAF, cité par J.-L. Loubet et N. Hatzfeld, op. cit., p. 46.
120 M. Peyrenet, op. cit., p. 16-17.
121 G. Declas, « Recherches sur les Usines Berliet (1914-1949) », maîtrise, histoire, université de Paris I, 1977, p. 119.
122 R. Durand, op. cit., p. 111-112, 119-123, 132, 135, 150, 153, 156-159. C. Poperen, op. cit., p. 36 (usine Renault du Mans). F. Marcot, « La direction de Peugeot sous l’Occupation : pétainisme, réticence, opposition et résistance », Le Mouvement social, octobre-décembre 1999, p. 37-40.
123 R. Durand, op. cit., p. 143, 151, 153. F. Picard, op. cit., p. 134, 146-147. F. Marcot, art. cit., p. 41.
124 J.-P. Marandin, Le pays de Montbéliard, 1944 : lutte armée et répression, Besançon, Éditions Cêtre, 2005
125 C. Poperen, op. cit., p. 37. La journée du 13 décembre 1943 « n’a pas eu le succès escompté ».
126 R. Durand, op. cit., p. 112.
127 M. Peyrenet, op. cit., p. 18.
128 H. Dufresne et J. Sauvy, op. cit., p. 131-132. D. Fraboulet-Rousselier, Quand les patrons…, op. cit.
129 M. Goudard, op. cit., p. i-ii et 211.
130 M. Moguen-Toursel, art. cit., p. 133-135.
131 H. Rousso, op. cit., p. 141.
132 Cf. par exemple P.-A. Rosental, L’intelligence démographique, Paris, Odile Jacob, 2003.
133 J.-L. Loubet et N. Hatzfeld, op. cit., p. 43 et 62.
134 J.-F. Grevet, Au coeur de la révolution automobile, thèse de doctorat, histoire, université de Lille III, 2005. S. Ramirez Perez, op. cit., p. 167-203.
135 P. Darrasse, op. cit., p. 171. Elle indique qu’il a fait partie du comité de grève en février 1950 pour la négociation de nouvelles conventions collectives au titre de FO. Voir aussi C. Sardais, Leadership et création d’institution. Les actions, orientations et perceptions d’un dirigeant : Pierre Lefaucheux, PDG de la Régie Renault, thèse de doctorat, sciences de gestion, HEC, 2005.
136 D. Lefeuvre, Chère Algérie. Comptes et mécomptes de la tutelle coloniale. 1930-1962, Saint-Denis, Société française d’histoire d’outre-mer, 1997, p. 178, 181-183.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008