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    Plan détaillé Texte intégral Un projet de conquête et de « re-colonisation » de la province française, proposé par les gouverneurs militaires à la veille du traité La mise en place de nouveaux principes de colonisation pour la province du Québec, un projet personnel du roi George III Une première mesure très « libérale » pour les « nouveaux sujets » du roi, l’article 4 du traité de Paris Un plan « libéral » de colonisation pour mieux « angliciser » la population Encadrer strictement la « mise en colonisation » du Canada : un plan de colonisation « moderne », libéral mais autocratique, un contre-modèle à la dérive des Treize Colonies Mise en colonisation de la province de Québec, selon un plan théorique et autocratique de gestion des terres Conclusion : De la théorie à la pratique, la gouvernance coloniale à l’épreuve du terrain Notes de bas de page Auteur

    Vers un nouveau monde atlantique

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Les suites du traité de Paris vues du côté britannique : mise en place de « nouvelles » politiques de colonisation au Canada français (1763)

    Françoise Le Jeune

    p. 95-111

    Texte intégral Un projet de conquête et de « re-colonisation » de la province française, proposé par les gouverneurs militaires à la veille du traité La mise en place de nouveaux principes de colonisation pour la province du Québec, un projet personnel du roi George III Une première mesure très « libérale » pour les « nouveaux sujets » du roi, l’article 4 du traité de Paris Un plan « libéral » de colonisation pour mieux « angliciser » la population Encadrer strictement la « mise en colonisation » du Canada : un plan de colonisation « moderne », libéral mais autocratique, un contre-modèle à la dérive des Treize Colonies Mise en colonisation de la province de Québec, selon un plan théorique et autocratique de gestion des terres Conclusion : De la théorie à la pratique, la gouvernance coloniale à l’épreuve du terrain Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Forts de leurs succès coloniaux en Amérique du Nord, les Britanniques pensaient assimiler rapidement la Nouvelle-France dans leur empire après le traité de Paris. Dès 1761, les correspondances et premiers rapports des gouverneurs militaires basés au Canada après la conquête, sont dithyrambiques sur le fait que la colonie française consolidera l’empire britannique en Amérique du Nord et en deviendra rapidement un élément moteur. Durant les échanges préalables à la signature du traité, ces gouverneurs encouragent fortement la Couronne à conserver la Nouvelle-France, fournissant des informations au Conseil privé du roi et aux Lords du Commerce sur le potentiel de cette vaste colonie1.

    2Mais la colonisation d’un peuple dont la culture et la langue diffèrent de celles du roi britannique est une expérience nouvelle pour l’empire à ce stade de son histoire. Des tentatives de conquête et de colonisation d’un peuple en majorité catholique ont déjà eu lieu au siècle précédent en Irlande, sous les Stuart, puis sous Cromwell, à coup de lois pénales et d’expropriation. Mais, en cette fin de XVIIIe siècle, l’exercice est nouveau pour la Couronne britannique et pour le jeune roi, George III, qui vient de monter sur le trône en 17602. Les théories sur la colonisation sont inexistantes et c’est donc à travers une approche à la fois pragmatique et impérialiste que le roi et deux de ses conseils nommés (son Conseil privé et les Lords du Commerce) vont gérer étroitement la « colonisation » de la Province du Québec une fois le traité de Paris ratifié. Contrairement aux pratiques instituées par la constitution britannique qui obligent le roi à gouverner avec ses ministres et son Parlement, dans les mois qui suivent la signature du traité de Paris, il est clair que George III choisit lui-même les plans de colonisation pour l’ancienne colonie française, afin d’y proposer une politique à la fois libérale et autocratique comme nous allons le voir. Le Parlement n’est consulté qu’au moment de la ratification du traité de Paris, puis en 1774 lors du débat sur la Loi sur le Québec.

    3Durant la mise en place de cette phase théorique puis pratique de la colonisation, le roi est accompagné par deux Conseils dont les visées sont contradictoires (le commerce pour l’un contre le contrôle politique pour l’autre), mais c’est bien le projet royal qui façonne l’empire britannique au Canada.

    4Nous allons analyser comment durant cette année 1763, le roi organise la colonisation. Nous constaterons que George III est le premier des Hanovre à s’intéresser personnellement à l’état de son empire en Amérique du Nord. D’ailleurs, nous montrerons que la mise en place de la colonisation problématique du Canada français permet au roi d’engager une révision de la politique impériale sur le reste de son empire américain, qui commence en décembre 1763 par la Proclamation royale dont plusieurs articles sont la conséquence de l’annexion du Canada.

    5Ainsi, en déplorant le fait que le contrôle des autres colonies américaines semble échapper au contrôle du roi, le traité de Paris donne l’occasion à George III de reprendre la main sur son empire, en commençant par le Canada.

    6C’est donc à l’occasion de la mise en place des suites du traité de Paris que le souverain britannique propose une politique impériale « modernisée », qui servira de cadre au développement de l’empire au Canada, mais qui déclenchera également une révolution contre le despotisme royal dans les autres colonies. En d’autres termes, le roi George III découvre son empire et l’intérêt de contrôler son développement, à l’occasion de l’annexion de la province du Québec.

    7Dans cet article, nous nous intéresserons donc à la définition des plans de colonisation pour le Canada qui seront appliqués dans le reste de l’empire (en Inde ou en Irlande) dans les années 17803. Leur mise en place amène la Couronne à s’impliquer personnellement dans la définition de ces politiques impériales. La province de Québec représente dans la première décennie qui suit la signature du traité de Paris un laboratoire d’expérimentation de l’impérialisme britannique, un territoire et un peuple sur lesquels on teste un ensemble de politiques à la fois libérales et utilitaristes, partagées entre assimilation et acculturation.

    Un projet de conquête et de « re-colonisation » de la province française, proposé par les gouverneurs militaires à la veille du traité

    8Trois gouverneurs militaires britanniques sont en charge de superviser la Nouvelle-France depuis la chute de Québec en septembre 1759 et la prise de Montréal en 1760. Ils se sont chargés des articles de capitulation et attendent désormais que le traité de paix qui est en cours de discussion à Paris soit signé. Pour que les commissaires du roi soient suffisamment informés de la « valeur » intrinsèque de la province française et de son intérêt économique pour la Couronne, au moment de la phase des échanges, son ministre en charge de l’Amérique du Nord (Secretary to the Southern Department) jusqu’à la mort de ce dernier en août 1763, lord Egremont, les invite à rédiger de longs rapports sur l’état de la colonie.

    9Les gouverneurs militaires sont James Murray basé à Québec, Thomas Gage à Montréal et Ralph Burton à Trois-Rivières. Le ministre les sollicite pour rédiger « un plan de gouvernement pour les territoires cédés à la Grande-Bretagne par le traité de Paris en préparation4 ». Dans une correspondance avec William Pitt datant du 4 octobre 1760, le gouverneur général en Amérique du Nord, Amherst, avait déjà suggéré que l’on chercherait « la forme de gouvernement la plus facile et la meilleure5 ».

    10Dans les trois rapports détaillés6 produits individuellement par les gouverneurs au printemps 1762, on compte des informations factuelles sur le nombre d’habitants, de têtes de bétail, les arpents cultivés, la taille des propriétés, la production du sol (terres, mines, bois) et l’organisation du gouvernement jusqu’à ce jour… ainsi que des remarques personnelles sur la manière dont chacun voit l’avenir de la colonie et le potentiel économique de la région qu’il supervise. Chacun précise également l’état du gouvernement et des institutions religieuses dans son district, avant d’analyser l’état de la population et de ses réactions vis-à-vis de leur futur nouveau statut de sujets de « Sa Majesté britannique ». Les impressions des trois gouverneurs convergent. La population de Canadiens français semble dans un état d’abandon et ce depuis plusieurs années, tandis que les terres sont sous-exploitées. Les trois gouverneurs militaires estiment qu’il faut « re-coloniser » les trois régions.

    11James Murray conclut son rapport d’une trentaine de pages au roi George III par une proposition de plan de colonisation pour la Nouvelle-France qu’il imagine simple et linéaire. Dès que les colons seront convaincus de la « bonté » et de la « libéralité » du nouveau souverain à leur égard, ils se placeront naturellement sous sa coupe : « Une fois le peuple convaincu qu’il n’a pas à subir la déportation et qu’il jouira du libre-exercice de sa religion, après la cession irrévocable du Canada par un traité de paix, les Canadiens deviendront de bons et fidèles sujets de Sa Majesté, et le pays qu’ils habitent sera avant longtemps une riche et très utile colonie de la Grande-Bretagne7. »

    12Son plan est clair. La colonie sera exploitée utilement pour la Grande-Bretagne (bois de charpente, mâts, potasse, chanvre et lin, pêcheries), ce qui apportera progrès et dynamisme dans une colonie qu’il juge sinistrée. Il n’est donc pas question de la rétrocéder aux Français.

    13Par ailleurs, afin d’obtenir l’adhésion du « petit peuple conquis » de Canadiens, comme les appelle Murray, colonisé et exploité depuis fort longtemps par une France autocratique, il suggère aux Lords du Commerce de les ménager, les rassurer et de leur garantir les libertés constitutionnelles britanniques grâce à l’établissement des principes fondamentaux de la loi et l’ordre, en échange de quoi ils se mettront au travail au service du progrès de la colonie. Murray suggère néanmoins que, dans sa grande libéralité et pour mieux subjuguer ses futurs sujets, le roi devra leur accorder le libre-exercice de la religion catholique8. Ce dernier point semble en complète contradiction avec les positions de George III, très arc-bouté en Grande-Bretagne et en Irlande sur l’exclusion des catholiques.

    14Dans ce long rapport qui porte sur la colonie française un regard d’impérialiste mâtiné d’une forme de bienveillance à l’égard des habitants et ce, à des fins clairement utilitaristes, Murray dresse au roi le portrait d’un pays, le Canada, dont les habitants viennent de subir un siècle de colonisation et de monarchie absolue aux mains de « Sa Majesté très catholique ». Il affirme : « Aucun pays ne pouvait prospérer dans ces conditions9. » Si la Couronne souhaite garder la Nouvelle-France dans son empire, et les trois gouverneurs ne peuvent que soutenir ce projet, il faudra convaincre les colons canadiens peu éduqués qui vont demeurer dans la province après le départ des élites françaises de l’opportunité qui se présente à eux d’être reconnus par un roi britannique éclairé, à la tête d’une monarchie parlementaire dont ils pourront un jour bénéficier grâce à la création d’assemblées coloniales10. Selon Murray, le contraste flagrant entre les pratiques économiques des deux monarchies les convaincra rapidement. La loi, l’ordre et la paix sociale (que Murray décrit comme « l’administration bienfaisante et douce de Sa Majesté ») sont des préalables à la mise en place de l’exploitation commerciale de la colonie au service de la Grande-Bretagne car « le commerce devra (y) prendre des proportions beaucoup plus considérables11 ». Les considérations sur la population arrivent en dernier point de ces rapports, après un long développement sur le potentiel économique de la province12.

    15On voit clairement dans ces rapports que la « mise en colonisation » de la province aura des visées essentiellement utilitaristes. Mais pour mieux exploiter la colonie, il est nécessaire au préalable de s’adapter de manière pragmatique à la situation locale. La première démarche, avant et après la signature du traité, sera clairement d’amadouer les Canadiens pour les convaincre d’accepter leur « nouveau maître » en évitant l’assimilation brutale. Il s’agit de produire un modèle de colonisation libérale pour que le nouveau souverain soit aimé et puisse directement passer à l’exploitation commerciale en mettant la population au travail. L’approche est apparemment bienveillante. Mais la bonté est de façade, car il s’agit d’occasionner une colonisation à peu de frais, alors qu’un contrôle autoritaire de la population qu’on soumettrait et convertirait à l’anglicanisme via un système de lois pénales (comme en Irlande), impliquerait un déploiement de troupes pour imposer loi et ordre et déclencherait vraisemblablement un soutien des colonies voisines contre cet absolutisme, tout en coûtant des sommes considérables à la Couronne qui sort déjà exsangue de la guerre de Sept Ans13.

    16Dans son projet de colonisation qui intéresse visiblement les Lords et le roi puisque Murray se verra confier la responsabilité de gouverner la colonie quelques mois après le traité, il envisage donc de réformer les habitudes des paysans canadiens pour les mettre au travail afin d’améliorer leur niveau de vie, ainsi que le niveau de production de la colonie. Pour encadrer cette population dont il constate qu’elle n’acceptera pas facilement le « joug » britannique, il compte sur la mise en place d’un gouvernement civil, imposant « loi et ordre » certes, mais dont la contrepartie serait davantage de libertés pour les Canadiens, y compris une certaine liberté religieuse. Murray conclut :

    « Il faut considérer que moins le fardeau sera lourd pour le peuple, et plus vite ses nouveaux maîtres se concilieront ses bonnes grâces, et vite aussi il sera en mesure de réparer les pertes qu’il a subies par le passé et de contribuer dans une proportion raisonnable aux dépenses publiques14. »

    17Le traité de Paris est préparé en majeure partie par les Lords du Commerce et des Plantations et par le Cabinet privé du roi (son représentant officiel est le duc de Bedford) et les rapports envoyés du Canada suffisent à convaincre les commissaires qu’il faut garder la colonie, même s’il faut faire quelques concessions comme nous allons le voir. Sans s’attarder sur les négociations en elles-mêmes, ce qui nous intéresse ici est la mise en place de cette phase de colonisation qui fait rapidement suite à la ratification du traité de Paris en février 1763.

    La mise en place de nouveaux principes de colonisation pour la province du Québec, un projet personnel du roi George III

    18Où en sont les projets britanniques pour établir un « gouvernement civil » dans les nouveaux territoires à la suite du traité ? C’est la demande impatiente que le roi fait aux Lords du Commerce le 5 mai 1763 par l’intermédiaire de son ministre des colonies, lord Egremont, et ce trois mois après la signature du traité. Egremont leur suggère au nom du roi de réfléchir à un « mode d’administration avantageux » pour la Couronne et la colonie. D’une part, le roi s’intéresse à ses « nouveaux sujets », les anciens colons français auxquels « Sa Majesté veut transmettre et assurer les bienfaits et avantages de la paix », démontrer « sa tendre sollicitude » et les assurer de la « tranquillité » que la Couronne leur apportera désormais. D’autre part, le roi interroge les Lords au sujet :

    « Des règlements qui devraient être adoptés pour retirer de ces cessions les plus grands avantages commerciaux possibles et comment en faire profiter d’une manière durable les sujets de Sa Majesté engagés dans le commerce15. »

    19Les idées de Murray ont donc influencé les réflexions du roi et d’Egremont.

    20On peut constater, du point de vue de l’histoire de l’empire britannique, qu’il n’y a plus eu véritablement de plan de colonisation ou de débat sur la colonisation et sur la finalité de l’expansion coloniale, depuis le milieu du XVIIe siècle, à l’époque de la Restauration britannique sous Charles II, lorsque le souverain avait recommandé à ses colonies américaines de rédiger une constitution coloniale en conformité avec les lois britanniques. Fait nouveau depuis cette époque d’expansion américaine sous les Stuart, un Hanovre, George III, s’implique dans le projet colonial pour la Nouvelle-France, tout en se penchant sur l’administration de ses autres colonies. George III suggère certains principes qui l’amènent à reposer le concept de Crown Colony ou « colonie royale », qui avait vu le jour en 1625 et qui depuis le XVIIe siècle était tombé en désuétude, particulièrement après la Glorieuse Révolution où tout projet qui était exclusivement « royal » était critiqué par le Parlement.

    21La création de colonies en Amérique du Nord avait jusqu’à présent favorisé les colonies de propriétaires (dont le projet de colonisation était celui des élites qui investissaient dans la colonie). Ici, les échanges entre le roi et les Lords du Commerce sont clairement marqués par l’implication personnelle du roi qui semble être passionné par cette terre vierge que représente l’empire français en Amérique, et dont il souhaite élaborer des plans personnels de « mise en colonisation ». Pour ce faire, il place la colonie sous son autorité directe, une pratique peu usitée depuis l’avènement de la monarchie parlementaire, en y nommant un gouverneur et un conseil non représentatif. Placer le Canada (et la Floride) sous le statut de Crown Colony lui permet pour un temps d’y gérer les affaires coloniales sans consulter son Parlement. L’ensemble des correspondances avec son gouverneur à Québec (James Murray) ou avec ses conseillers au sein du Conseil privé et du Conseil du Commerce met en évidence son implication personnelle à chaque étape. Les recommandations émanent du roi comme l’attestent plusieurs formules émaillant les courriers d’Egremont aux acteurs de la colonisation, citant directement les propos du monarque (« notre bienveillance, notre politique, notre décision, notre bon plaisir »).

    Une première mesure très « libérale » pour les « nouveaux sujets » du roi, l’article 4 du traité de Paris

    22La province du Québec sera donc soumise à cette « nouvelle » politique impériale, mais ces tendances autocratiques ne doivent pas projeter une image de colonisation brutale et d’assimilation, bien au contraire, comme le rappelle Egremont.

    23Dans ses recommandations à l’attention du roi et des Lords du Commerce rédigées en mai-juin 1762, sur la « mise en colonisation » de la Nouvelle-France, le général Murray avait rappelé qu’il fallait que les « nouveaux maîtres » britanniques se fassent aimer et apprécier des Canadiens, par leur libéralisme qui passerait nécessairement par l’octroi de libertés et de réformes (réforme sur les mariages, réforme sur l’accès à la terre, réforme sur l’âge de la majorité, etc.). Parmi ces libertés, la première concession selon Murray se devrait d’être pragmatique et de plaire aux habitants à défaut de plaire à la Couronne. Il serait dangereux de répéter une politique brutale, comme la déportation des Acadiens, une pratique inhumaine selon Murray qui la critique vertement16.

    24Murray recommande le maintien de la pratique de la religion catholique dans la colonie. Pour Burton, cette mesure permettrait de stopper tout désir d’émigration des paysans canadiens qui selon lui « paraissent très satisfaits d’avoir changé de maîtres17 » car ils jouissent du libre exercice de leur religion et « commencent à comprendre qu’ils ne sont plus esclaves ». Cette mesure de liberté religieuse, tout en démontrant la libéralité du roi d’Angleterre à ce « petit peuple conquis », était avant tout une forme d’expédient à la colonisation. On admettait la religion catholique, mais dans la limite de la colonie uniquement. Murray insistait déjà sur la dimension canadienne de cette Église catholique, expurgée de son influence française et romaine. En 1762, Murray la décrivait comme une religion primitive, presqu’autochtone, qui deviendrait un cadre utile au colonisateur car les curés maintiendraient la paix sociale, tout en facilitant le développement du commerce impérial par ailleurs.

    25Pour le général Murray, l’Église catholique locale jouerait un rôle important d’entremetteur entre le nouveau monarque et le peuple. En concédant aux colons l’ancien cadre rassurant dans lequel ils évoluaient, le monarque permettrait une transition de régime moins contestée en utilisant les curés canadiens pour faire passer les messages d’apaisement à un peuple « ignorant et facilement crédule18 ». Murray et Gage avaient suggéré que les prêtres soient uniquement canadiens et qu’ils soient désormais nommés par le roi, une proposition qui sera retenue.

    26Ainsi dans cette nouvelle approche de la colonisation, le colonisateur britannique apprenait à s’appuyer sur les élites et les institutions locales, même divergentes de leurs pratiques, pour mieux contrôler le peuple. Cette approche utilitariste sera pratiquée en Inde également à partir des années 178019. Tout en accordant la liberté de culte, l’Église catholique locale au Canada français servirait également la loi et l’ordre puisque le peuple était déjà soumis aux curés qui, eux-mêmes, seraient soumis au contrôle du roi20. La collaboration des curés canadiens devait donc servir la colonisation, tout en garantissant aux monarques « très catholiques », le roi d’Espagne et le roi de France, lors des négociations du traité, que leurs anciens sujets ne seraient pas persécutés ou déportés par le roi protestant : « Les Canadiens sont très ignorants et très attachés à leur religion. En leur donnant les raisons de croire que rien ne sera changé sous ce rapport, le nouveau gouvernement prendrait le moyen le plus efficace pour en faire des sujets dévoués à Sa Majesté21. »

    27Les conseils et remarques des gouverneurs militaires avaient visiblement influencé les commissaires du roi, puisque dans le traité de Paris, l’article 4 prévoyait que :

    « Sa Majesté britannique convient d’accorder aux habitants du Canada la liberté de la religion catholique. Elle donnera les ordres les plus précis et les plus effectifs pour que ses nouveaux sujets catholiques romains puissent professer le culte de leur religion selon le rite de l’église romaine, en tant que le permettent les lois de la Grande-Bretagne. »

    28Cette mesure était très surprenante. Elle était même jugée dangereuse par le Parlement britannique puisqu’elle allait à l’encontre des prérogatives du roi en tant que gouverneur suprême de l’église anglicane comme le rappelait le serment du Test. Néanmoins l’article 4 était central pour le roi George III puisqu’il y affichait sa « bonté » auprès de ses nouveaux sujets, ainsi qu’au reste du monde. La mesure était exceptionnelle mais elle était localisée dans deux nouvelles colonies de la Couronne (Québec et Floride). Elle était présentée comme une grande, voire la plus grande mesure de liberté accordée aux nouveaux sujets, afin d’obtenir en contrepartie l’adhésion et la sujétion « naturelle » de cette majorité de 80 000 colons catholiques résidant au Québec et qui étaient désormais sous le contrôle d’une minorité antagoniste culturellement. En effet, l’administration anglicane protestante dans la colonie n’était formée tout au plus que de 100 à 150 hommes, militaires et administrateurs, comme le précisait Murray en juin 1763.

    29L’image que le roi souhaitait projeter par la signature de ce traité, et particulièrement l’article 4, était clairement celle de la « douceur » et de la « tolérance » de son régime. Il est intéressant de noter l’insistance avec laquelle il répète ou rappelle régulièrement cette mesure « libérale » dans les échanges avec le gouverneur Murray ou avec Egremont22. Cela dénote une forme de compétition entre monarques européens, une bataille de l’image pourrait-on dire de manière anachronique. Cela semble montrer que le roi britannique cherchait absolument à présenter au monde sa politique à la fois « exceptionnelle » et « bienveillante ».

    30En cela il est clair qu’il y avait une volonté chez George III de se démarquer de l’autocratisme conservateur, voire régressif du roi de France vis-à-vis de ses « pauvres » colons canadiens, en les faisant bénéficier dans son empire de la douceur d’une gestion paternelle et progressiste. À travers cette représentation positive de la royauté britannique qui apparaît dans l’article 4, la Grande-Bretagne et son souverain étaient valorisés aux yeux des contemporains. En 1763, l’impérialisme britannique s’imposait physiquement sur ces territoires glorieusement conquis par les armes dans un premier temps, mais également grâce à ce discours de bonté et de liberté qui devait attirer naturellement les colons non britanniques.

    31L’introduction de mesures favorables aux catholiques dans le traité de Paris choque un temps le Parlement britannique lorsque l’article 4 est longuement évoqué durant le vote de ratification du traité. Mais il apparaît aux parlementaires, au cours du vote, que cette concession aux colons canadiens (et espagnols en Floride) était un moindre mal car elle leur avait permis par ailleurs d’obtenir des gains territoriaux et commerciaux extrêmement importants pour l’empire. Le Parlement ratifia d’ailleurs le texte final par une majorité de 319 voix contre 6423. Les conséquences de cet article 4 seraient en outre limitées pour la Grande-Bretagne puisque lord Egremont avait rappelé aux parlementaires qu’il s’agissait de mesures prises pour deux colonies. Ainsi cette mesure de liberté religieuse ne devrait pas avoir d’effets sur la situation politique en Irlande ou sur les autres colonies américaines24.

    32Le roi va nommer le général Murray gouverneur de la province de Québec pour mettre en place le plan de colonisation (et le gouvernement civil) en novembre 1763, car sa gestion, selon le roi, avait été plébiscitée par les colons eux-mêmes pour sa « douceur », « bonté » et « compréhension ». Le monarque lui rappela à plusieurs reprises qu’il s’agissait de projeter une image positive du nouveau souverain en expliquant aux colons que le roi « sauvait les Canadiens » et leur proposait un projet de société plus en accord avec leurs besoins25. Les Lords du commerce prirent en compte ces recommandations dans l’élaboration du plan pour un gouvernement civil lorsqu’ils rendirent leur proposition au roi en juin 1763, puisqu’ils y mentionnent l’application entre autres de l’article 4 :

    « L’expérience et la raison montrent qu’un gouvernement régulier est nécessaire pour inciter les nouveaux colons à s’établir et pour assurer aux anciens habitants la jouissance des droits et privilèges qui leur sont acquis par traité26. »

    33Néanmoins, l’article 4, tout en énonçant cette politique « libérale » à l’égard des « nouveaux sujets », est assorti de contreparties économiques et d’un rappel du cadre impérial, la loi britannique, qui comme l’indique le roi à Murray, par l’entremise d’Egremont, dans la liste de 82 instructions destinées au gouverneur datant de juin 1763, n’autorise la pratique de la religion catholique romaine que sous certaines restrictions27. Dans l’esprit du plan de colonisation de juin 1763, il s’agissait de suivre les recommandations de Murray en développant une pratique locale de la religion catholique, voire primitive, qui devrait être déconnectée de l’Église de Rome. Les fins utilitaristes de l’article 4 sont claires dès le départ comme les Lords du Commerce le rappellent à Murray. Il faut recueillir l’assentiment du petit peuple tout en ancrant l’anglicanisme sur le territoire par ailleurs28.

    Un plan « libéral » de colonisation pour mieux « angliciser » la population

    34Les communautés religieuses qui dépendent de Rome devront donc quitter le pays, pour que les nominations de curés (si possible des Canadiens) se fassent dans la colonie, car le roi craint (ou du moins est-il au courant de rumeurs) que le régime français ne continue à exciter les colons canadiens contre le régime anglais par le biais de prêtres français29. Il s’agit dans un premier temps de purger la colonie de ces prêtres indésirables.

    35Dans un deuxième temps, tout en préservant le cadre des paroisses françaises en utilisant les curés comme correspondants du gouverneur Murray pour mieux établir avec les administrateurs anglais le suivi de la population dans le cadre de l’établissement de la « loi et l’ordre », il est important pour le roi que l’élément anglican soit installé dans chaque paroisse ancienne et nouvelle en réservant des terres pour l’implantation d’une église et d’une école anglicane. La Couronne se chargera d’envoyer des maîtres et des révérends pour s’y installer. Il n’est pas clair à ce stade que le projet vise à amener les colons catholiques à la conversion, mais le roi espère leur montrer « par la douceur » qu’il y a finalement « peu de différences » entre les deux églises30.

    36Par ailleurs, le cadre anglican pourrait rassurer de futurs colons protestants qui pourraient s’installer dans la colonie, particulièrement des colons « américains » dont les Lords du Commerce constatent qu’ils sont fort nombreux dans les colonies du sud. La Proclamation royale de décembre 1763 leur interdira d’ailleurs bientôt de progresser vers l’ouest, en terres indiennes, à la recherche de nouvelles terres à coloniser, afin que la population se répartisse davantage dans les nouvelles colonies anglaises. Des messages seront donc préparés à l’intention des gouverneurs des colonies du sud pour rediriger certains colons vers la nouvelle province.

    37Si le roi souhaite attirer des colons britanniques, des marchands particulièrement, au Québec alors les Lords du Commerce recommandent la création d’assemblées représentatives auxquelles les autres colonies sont désormais habituées : « Tous ces avantages ne peuvent être obtenus et mis à profit que par l’établissement d’un gouvernement régulier de tous les endroits où les efforts doivent avoir pour objet immédiat la colonisation et le peuplement, ainsi que le trafic et le commerce31. »

    38Puisque la colonisation du Québec vise principalement à rendre la province active économiquement pour y générer des marchés, il faudra apporter un cadre politique libéral à ces activités commerciales par ailleurs très contrôlé par les Lords du Commerce. Le roi ne s’y oppose pas et il sera proposé de fournir le cadre de la mise en place de ces assemblées législatives dans la Proclamation royale de décembre 1763 ; cependant aucun calendrier ne sera annoncé puisque le texte mentionnera que la mise en place d’assemblée sera laissée à l’appréciation des gouverneurs de Floride et du Québec, selon les circonstances locales32.

    Encadrer strictement la « mise en colonisation » du Canada : un plan de colonisation « moderne », libéral mais autocratique, un contre-modèle à la dérive des Treize Colonies

    39À la suite du traité de Paris, dans les quelques mois qui suivent sa ratification durant lesquels le roi met en place avec ses conseillers la colonisation du Canada, finalisée dans le plan de juin 1763, il semble que ce dernier y entrevoit la possibilité de recadrer la gestion de ses treize autres colonies. Entre juin et décembre 1763, cette reconquête des colonies semble progressivement devenir l’un des objectifs du roi au fur et à mesure qu’il échange avec ses conseillers sur la colonisation du Canada. Le résultat de ces réflexions l’amène à changer de politique vis-à-vis des Treize Colonies, mettant un terme à la période dite de « négligence salutaire33 » pour mieux y imposer un nouvel impérialisme. À cette fin, il fait rédiger la Proclamation royale de décembre 1763 qui sera perçue par les anciens colons comme une mesure très autocratique, une forme de recadrage et de soumission que George III imposerait à ces anciens sujets. Le Canada devient une sorte d’expérimentation de ces nouvelles pratiques impérialistes.

    40Dans cette période qui suit le traité de Paris, le roi britannique en profite pour créer un corps de gouverneurs, en fait des fonctionnaires coloniaux, qui ne soient pas nommés à vie dans une colonie (une dérive américaine) mais qui seraient rappelés à Londres ou envoyés vers un autre poste selon les décisions de la métropole. Le gouverneur Murray sera le premier de ces fonctionnaires coloniaux et il reçoit, fait exceptionnel à cette époque, une liste de 82 recommandations du roi pour mettre en place un gouvernement civil colonial au Canada.

    41Les gouverneurs seront des administrateurs généraux qui devront garder une distance avec les colons qu’ils dirigent sans les terroriser, à l’exemple des pratiques de Murray que le roi a découvert à travers une pétition envoyée par les Canadiens eux-mêmes pour que ce dernier soit nommé gouverneur civil34. En utilisant le modèle des 82 articles d’instruction envoyés à Murray, la Couronne définit la mission de l’administration coloniale et précise le rôle du gouverneur dans la mise en place d’un gouvernement civil colonial ayant des finalités représentatives à plus ou moins long terme. Il est certes plus facile d’imposer ce cadre impérial sur des provinces considérées comme « Crown Colony » que dans les colonies américaines déjà plus émancipées politiquement depuis le XVIIe siècle. Au Canada, le roi et son Conseil privé, et son ministre des Colonies fournissent désormais un cadre juridique et administratif à la colonie en lien avec le gouverneur qui les instruit régulièrement des progrès de la colonie tandis que les Lords du Commerce se penchent sur le développement commercial. Durant les mois qui suivent le traité, le Parlement britannique n’est pas consulté sur la « mise en colonisation » de la nouvelle province britannique au Québec. Cette démarche sera fortement reprochée au roi au moment du débat sur la loi sur le Québec de 1774.

    Mise en colonisation de la province de Québec, selon un plan théorique et autocratique de gestion des terres

    42Le roi profite du fait qu’il s’agisse de sa première nomination d’un gouverneur (en précisant bien à Murray que son affectation dépend de lui) pour encadrer très précisément ses missions, en définissant son projet royal pour le Canada. Les instructions à Murray deviennent une sorte de modèle par lequel le roi envisage de reprendre en main l’administration des autres colonies. Plusieurs de ses instructions signalent l’importance d’asseoir l’autorité du roi sur tel ou tel aspect dans la nouvelle colonie pour éviter des dérives (il cite plusieurs exemples), en fait des dérives « indépendantistes » qu’il a pu constater dans les colonies américaines où il apparaît que le pouvoir royal n’est pas ou plus respecté.

    43À l’inverse des colonies américaines dont le peuplement et l’attribution de nouvelles terres se font au niveau des assemblées locales, selon des habitudes de gouvernance interne développées depuis la fin du XVIIe siècle, le roi souhaite que Murray garde le contrôle total sur la répartition des terres libres de baux. Il traite la colonie en « terra nullius », une terre vierge qu’il s’agit de découper en un certain nombre d’arpents. Ces lots seront proposés à l’achat à bas coût à des francs-tenanciers canadiens ou des émigrants « américains », à la condition que ces derniers s’acquittent dans l’espace de trois ans du défrichage et de la mise en culture de ces lots de terre.

    44Le roi souhaite également faire tester par Murray sur les Canadiens la possibilité que des impôts locaux puissent couvrir le coût de la colonisation. C’est une des propositions des Lords du Commerce dès avril 1763. La problématique se posera également pour les colons américains (à travers le Stamp Act imposé en 1765). Les Lords du Commerce doivent élaborer des propositions et des mesures qui seraient les « moins onéreuses et les plus faciles à faire accepter par les colonies pour que celles-ci contribuent aux dépenses supplémentaires qu’occasionnent les organisations civiles et militaires35 ». La province du Québec doit être la première à expérimenter ce nouvel impôt impérial.

    45Les instructions principales du roi à Murray visent la mise en chantier d’activités économiques diverses (celles que ce dernier avait proposées dans son rapport) à savoir l’établissement de villages de pêcheurs, l’installation de points de traite dans le Pays d’en Haut avec des licences accordées aux colons, le repérage des meilleures terres agricoles et la mise en place de terres à vendre à de futurs colons, le développement de fermes spécialisées dans le chanvre et le lin, la création de scieries et de forges…

    46À l’inverse de l’anarchie qui semble parfois régner dans les Treize Colonies sur l’achat et la répartition des terres, le roi veut reprendre la colonisation en main et la placer sous son autorité afin de générer des revenus : « de disposer à des conditions raisonnables des terres qui nous appartiennent et d’adopter une méthode régulière et opportune au sujet de la concession des terres. »

    47Le roi souhaite ainsi voir s’établir des cantons de 20 000 acres environ « à partir du fleuve Saint-Laurent » vers l’intérieur. Il recommande également à Murray d’établir une ville dans chaque canton « pour contenir le nombre de familles que vous jugerez à propos d’y établir ». Le roi souhaite l’installation de colons laborieux et véritablement intéressés par l’établissement d’une ferme, s’opposant ainsi au laisser-faire pratiqué dans certaines colonies américaines ou à l’absentéisme de certains propriétaires terriens en Irlande.

    48Ce type de projet « colonial » est fort peu connu par les historiens, car on considère généralement que le premier véritable plan de colonisation dans l’empire britannique date de 1825 (plan Wakefield, se basant également sur un système rationnel de vente des terres selon un plan bien établi). Ce plan est décrit comme « systematic colonisation » ou « colonisation rationnelle ». Il s’agit donc de convertir le Québec dans une colonie agricole pour les anciens et nouveaux habitants pour qu’ils y demeurent et soutiennent par leur travail le développement de la colonie au service de l’empire.

    Conclusion : De la théorie à la pratique, la gouvernance coloniale à l’épreuve du terrain

    49Pour conclure, dans la liste des 82 instructions à Murray, le roi revient sur la mesure « très libérale » et très tolérante à l’égard de ses nouveaux colons catholiques définie par l’article 4 du traité, « cet expédient » comme l’appellent les Lords du Commerce. Car il est évident que pour obtenir une mise en chantier de la colonie, il est plus que nécessaire d’obtenir le soutien actif des colons catholiques déjà en place, la première main-d’œuvre disponible avant l’arrivée de colons protestants des autres colonies américaines.

    50Cette mesure de liberté est comme le rappelle le roi à son gouverneur, assortie d’obligations d’allégeance à la couronne britannique. Murray doit demander aux colons canadiens de signer le serment à la Couronne britannique dans chaque paroisse. De même, le roi lui rappelle que le Serment du Test devra être accepté par les fonctionnaires locaux en prêtant serment pour tous ceux qui dans la colonie souhaiteront obtenir une charge administrative officielle. En d’autres termes, ceux qui souhaiteront occuper des postes liés à l’administration devront renoncer à leur foi catholique. C’est en tout cas la recommandation des Lords du Commerce et un rappel du cadre impérial vis-à-vis des sujets conquis.

    51En d’autres termes, le premier plan de colonisation proposé par les Lords du Commerce au Conseil privé du roi, est plus conservateur que ne laissent transparaître l’article 4 ou l’image libérale que le roi souhaite imposer aux autres monarchies d’Europe. Certes il s’agit de convaincre les colons catholiques qu’ils sont tout autant sujets du roi que les rares colons anglais, mais néanmoins le contrôle administratif et judiciaire de la colonie sera dans les mains de cette minorité de Britanniques, sous le haut-contrôle du roi via un gouverneur nommé pour appliquer des instructions très précises et un plan rédigé au cordeau à des fins clairement utilitaristes et à plus ou moins long terme assimilationnistes36.

    52Si ce plan de colonisation théorique émane de Londres, la mise en application de celui-ci requiert l’expertise du terrain. Elle revient à Murray qui n’hésite pas à rappeler à plusieurs reprises à ses interlocuteurs métropolitains les circonstances particulières de la colonisation de cette province. À la réception de ses instructions, Murray écrit à Londres qu’il doit « régner » sur 80 000 colons catholiques qu’il appelle « Canadiens » alors que le roi et son ministre parlent de « colons français » ou de « nouveaux sujets ».

    53Les recommandations du roi à Murray indiquaient qu’en n’importe quelle circonstance, « les lois d’Angleterre devront lui servir de guide dans toutes les disputes ». Néanmoins, on autorisait également au nouveau gouverneur une certaine latitude dans la mise en application du cadre théorique. Le roi avait ajouté en effet en conclusion des instructions que la précaution et la prudence seraient nécessaires lorsqu’il s’agirait de « régler cette question toujours délicate de la religion, et que vous éviterez en tant que le comportent vos devoirs à l’égard de l’exécution des lois et de la sécurité de la colonie, toute friction qui pourrait faire naître sans raison, la moindre crainte ou la moindre aversion dans le cœur des nouveaux sujets ». Le roi était donc conscient qu’entre la théorie et la pratique, Murray devrait certainement faire des choix rapides et pragmatiques pour maintenir la « paix sociale ».

    54C’est donc à ce titre que Murray va rapidement négocier l’assouplissement des instructions officielles pour protéger la population contre l’impression de despotisme que pourrait donner ce contrôle impérial de la colonie. Nous n’avons pas l’espace ici de développer cette approche pragmatique de la colonisation menée par James Murray qui va commencer par nommer des Canadiens à des postes de sous-administrateurs (comme celui de « bailli ») dans les régions et paroisses, en dépit de leur religion et contre la pratique britannique, afin d’organiser la « paix sociale » dans la colonie. Murray rappelle que ces mesures pratiques sont préconisées par le conseil de la colonie pour gérer dans l’urgence et en l’absence d’officiers inférieurs anglicans. Murray justifie cette décision auprès du roi en rappelant qu’il est parfois difficile d’appliquer la règle à la lettre : « Attendu qu’il a été trouvé expédient et nécessaire pour l’application prompte et efficace des lois et pour le bien-être et la sécurité des sujets de sa majesté de nommer des officiers inférieurs dans chaque paroisse de la province, il est par conséquent ordonné que la majorité des habitants qui tiennent feu et lieu dans toute et chaque paroisse élisent 6 hommes compétents et aptes à remplir la charge de baillis37. »

    55Murray continue à croire qu’il ne faut « embarrasser ou alarmer les habitants » dans leurs pratiques quotidiennes. C’est donc sur cette organisation, à la fois démocratique dans les paroisses et plus autocratique au niveau central, que le gouvernement civil est mis en place le 10 avril 1764. Ce gouvernement civil, dont le format est imposé par Londres, insiste particulièrement sur l’instauration de cours de justice qui doivent être supervisées par des magistrats anglicans, dans lesquelles ne doivent siéger que des jurés anglicans et au sein desquelles seule la justice anglaise doit être rendue. Murray réagit immédiatement à cette proposition. Comment ces magistrats dont le vivier est extrêmement restreint pourraient-ils alors rendre la justice au nom de la couronne britannique, pour des sujets dont la langue et les pratiques sont autres et qui seraient bien souvent « mal jugés ou dépouillés par certains églefins britanniques ». Murray s’exprime ainsi dans un échange avec les Lords du Commerce, dans un registre humaniste et pragmatique :

    « Comme il n’y a que deux cents sujets protestants dans la province, dont la plus grande partie est composée de soldats licenciés, de petites fortunes et de peu de capacité, il est considéré injuste d’empêcher les nouveaux sujets catholiques romains de faire partie des jurys. Car une telle exclusion constituerait lesdits 200 protestants en juges perpétuels de la vie et des biens non seulement des 20 000 nouveaux sujets… De plus si les Canadiens ne doivent pas être admis à faire partie des jurys, beaucoup émigreraient… Cette organisation n’est donc rien autre chose qu’un expédient temporaire pour laisser les choses dans l’état actuel38. »

    56Comme nous pouvons le constater, il s’agit ici du premier « bras de fer » entre théorie et pratique, entre métropole et colonie. Murray prend la défense des nouveaux sujets. Le gouverneur présente ces mesures comme transitoires, mais nécessaires au maintien de la paix sociale, afin de préserver l’organisation du quotidien des nouveaux colons, le temps que l’acculturation au régime britannique se fasse. Murray défend « les pauvres Canadiens » qui doivent « être protégés » des abus. Ne pas autoriser l’établissement de ces cours « inférieures » pour les litiges qui portent sur la famille ou la propriété des Canadiens, aurait « pour résultat d’inspirer aux Canadiens de la méfiance et du dégoût à l’égard de notre gouvernement et de nos lois. » Ce faisant, Murray s’oppose donc à des mesures trop autoritaires et autocratiques et propose d’introduire des mesures libérales dans l’administration de la justice coloniale, espérant progressivement inspirer chez les Canadiens un désir d’acculturation, « jusqu’à ce qu’on puisse supposer que les Canadiens se soient familiarisés suffisamment avec nos lois39 ». Cette renégociation du plan de colonisation de juin 1763 à partir de la politique menée par un gouverneur, de la théorie à la pratique, amènera le roi à proposer la Loi du Québec de 1774 protégeant la langue, la religion et les lois françaises dans la colonie, considérée comme une véritable déclaration de guerre contre les valeurs protestantes dans l’empire britannique par les colons anglo-américains.

    Notes de bas de page

    1 Pour approfondir le contexte, voir également Le Jeune F., « 400 ans de relations France-Canada : cession ou conquête ? », S. Joyal et P.-A. Linteau (dir.), France-Canada-Québec : 400 ans d’exception, Montréal, Presses Universitaires de Montréal, 2008, p. 54-97.

    2 Thomas P. D. G., George III : King and Politician, 1760-1770, Manchester, University Press of Manchester, 2002, chap. 1 et 2.

    3 Voir Peers D. M., « State, Power and Colonialism », Peers D. M. et Gooptu N. (dir.), India and the British Empire, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 16-43 ; Olmeyer J. H., « Ireland, a laboratory for Empire ? », K. Kenny (dir.), Ireland and the British Empire, Oxford, Oxford University Press, 2006, p. 26-60.

    4 Les correspondances coloniales citées dans cet article sont extraites du volume suivant qui rassemblent tous les échanges diplomatiques entre Québec et Londres : Shortt A. et Doughty A. G., Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada, 1759-1791, première partie, Ottawa, Thomas Mulvey, 1921. Lettre de lord Egremont aux gouverneurs militaires, janvier 1762, p. 29.

    5 Information rappelée par Egremont aux gouverneurs.

    6 Rapports de Murray (5 juin 1762), Burton (avril 1762) et Gage (20 mars 1762), reproduits dans Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada…, op. cit., p. 29-66.

    7 Les citations suivantes sont extraites du Rapport du général Murray au sujet de l’état du gouvernement de Québec, dans Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada…, op. cit., p. 26-66.

    8 Ibid.

    9 Ibid.

    10 Ibid.

    11 Rapport du général Murray (p. 61).

    12 Ceci apparaît clairement dans le rapport de Gage qui met un point d’honneur à fournir un calcul de la moyenne « communibus annis », des revenus réalisés par le roi de France dans toute la province du Canada, provenant des exportations et des importations, de l’affermage des postes et de diverses autres sources de profits. Rapport du général Gage au sujet de l’état du gouvernement de Montréal, dans Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada…, op. cit., p. 77-82.

    13 Rapport du général Murray (p. 50).

    14 Ibid.

    15 Lord Egremont aux Lords du Commerce « au sujet de l’établissement d’un gouvernement civil dans les territoires cédés à la Grande-Bretagne par le traité de Paris », 5 mai 1763 (Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada…, op. cit., p. 99-103).

    16 Rapport du général Murray, ibid., p. 65.

    17 Rapport du général Burton au sujet de l’état du gouvernement de Trois-Rivières, avril 1762, ibid., p. 67-76.

    18 Rapport du général Murray, ibid., p. 55.

    19 Une pratique qui sera au cœur de la colonisation des colonies indiennes, en s’appuyant au départ sur une forme d’orientalisme avant d’imposer une acculturation des élites dès les années 1830.

    20 Rapport du général Murray, ibid., p. 64 : « Il serait peut-être avantageux que Sa Majesté, si elle le juge bon, en vue de tenir ces curés dans un état de sujétion nécessaire, fasse les nominations elle-même. »

    21 Ibid.

    22 Par exemple, lettre du comte d’Egremont au gouverneur Murray, 13 août 1763.

    23 Thomas P. D. G., George III…, op. cit., p. 74-76.

    24 La suite de l’histoire lui donnera tort puisque l’article 4 du traité et le vote de la loi sur le Québec de 1774 serviront de jurisprudence pour demander des réformes sur les lois pénales en Irlande et seront un des déclencheurs du courroux américain contre le roi.

    25 Lord Egremont à Murray, 13 août 1763.

    26 Lords du Commerce au roi, 8 juin 1763.

    27 Adoption des commissions des gouverneurs du 7 octobre 1763 et Instructions au gouverneur Murray du 7 décembre 1763.

    28 Lettre de lord Egremont à Murray, 13 août 1763 : « Bien que le roi par le 4e article du traité définitif ait consenti à accorder la liberté de pratiquer la religion catholique aux habitants du Canada et que Sa Majesté n’ait pas la moindre intention d’empêcher ses nouveaux sujets catholiques romains de pratiquer le culte de leur religion suivant les rites de l’Église romaine, néanmoins la condition exprimée par le même article ne doit pas être perdue de vue, à savoir : en tant que le permettent les lois de la Grande-Bretagne, lesquelles lois n’admettent absolument pas de hiérarchie papale dans aucune possession appartenant à la couronne de la Grande-Bretagne et ne peuvent que tolérer l’exercice de cette religion. »

    29 Ibid.

    30 Ibid.

    31 Réponse des Lords du Commerce aux questions du roi sur la colonisation du Québec, 8 juin 1763.

    32 Proclamation royale, décembre 1763 : « Les gouverneurs avec le consentement de nosdits conseils, et des représentants du peuple qui devront être convoqués tel que susmentionné, de décréter, de sanctionner des lois, des statuts, des ordonnances, pour assurer la paix publique, le bon ordre ainsi que le bon gouvernement, conformément autant que possible aux lois d’Angleterre et aux règlements et aux restrictions en usage dans les autres colonies. »

    33 L’expression « salutary neglect » est citée pour la première fois par Edmund Burke dans un discours prononcé à la Chambre des Communes en mars 1775 (« Speech on Conciliation with America »). Il rappelle que le développement des colonies américaines ne doit rien au soutien des Britanniques car il est le résultat de leurs propres efforts mais qu’en contrepartie aucune contrainte législative ne les avait empêchés de se développer par ailleurs.

    34 Commission constituant James Murray capitaine général et gouverneur en chef de la province de Québec, 28 novembre 1763.

    35 Consignes du roi via lord Egremont aux Lords du Commerce, 5 mai 1763.

    36 À la rubrique « colons », les Lords du Commerce recommandent au roi dans leur rapport du 8 juin 1763 qui prépare la Proclamation royale : « Quelle que soit la forme du gouvernement établi dans ce pays, il faudra s’occuper particulièrement de conserver aux anciens habitants tous les titres, les droits et les privilèges qui leur ont été accordés par les traités et d’augmenter autant que possible le nombre de sujets britanniques et autres nouveaux colons protestants. »

    37 Le gouverneur Murray au comte d’Halifax (nouveau ministre des Colonies), 15 octobre 1764.

    38 Lettre de Murray aux Lords du Commerce suite à l’ordonnance établissant les cours civiles, 29 novembre 1764.

    39 Gouverneur Murray à lord Halifax, ibid.

    Auteur

    • Françoise Le Jeune
      Professeur d’histoire britannique et nord-américaine à la Faculté des Langues de l’université de Nantes. Elle est membre du Centre de Recherche en Histoire Internationale et Atlantique. Ses publications récentes incluent un ouvrage sur Les Rébellions canadiennes vues de Paris (Presses de l’université Laval, 2011), une monographie sur les colonies canadiennes à travers les contributions de voyageuses britanniques (Mellen Press, 2012) et un ouvrage collectif en cours de rédaction sur les immigrants français vers le Canada (1870-1914).
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    1 Pour approfondir le contexte, voir également Le Jeune F., « 400 ans de relations France-Canada : cession ou conquête ? », S. Joyal et P.-A. Linteau (dir.), France-Canada-Québec : 400 ans d’exception, Montréal, Presses Universitaires de Montréal, 2008, p. 54-97.

    2 Thomas P. D. G., George III : King and Politician, 1760-1770, Manchester, University Press of Manchester, 2002, chap. 1 et 2.

    3 Voir Peers D. M., « State, Power and Colonialism », Peers D. M. et Gooptu N. (dir.), India and the British Empire, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 16-43 ; Olmeyer J. H., « Ireland, a laboratory for Empire ? », K. Kenny (dir.), Ireland and the British Empire, Oxford, Oxford University Press, 2006, p. 26-60.

    4 Les correspondances coloniales citées dans cet article sont extraites du volume suivant qui rassemblent tous les échanges diplomatiques entre Québec et Londres : Shortt A. et Doughty A. G., Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada, 1759-1791, première partie, Ottawa, Thomas Mulvey, 1921. Lettre de lord Egremont aux gouverneurs militaires, janvier 1762, p. 29.

    5 Information rappelée par Egremont aux gouverneurs.

    6 Rapports de Murray (5 juin 1762), Burton (avril 1762) et Gage (20 mars 1762), reproduits dans Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada…, op. cit., p. 29-66.

    7 Les citations suivantes sont extraites du Rapport du général Murray au sujet de l’état du gouvernement de Québec, dans Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada…, op. cit., p. 26-66.

    8 Ibid.

    9 Ibid.

    10 Ibid.

    11 Rapport du général Murray (p. 61).

    12 Ceci apparaît clairement dans le rapport de Gage qui met un point d’honneur à fournir un calcul de la moyenne « communibus annis », des revenus réalisés par le roi de France dans toute la province du Canada, provenant des exportations et des importations, de l’affermage des postes et de diverses autres sources de profits. Rapport du général Gage au sujet de l’état du gouvernement de Montréal, dans Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada…, op. cit., p. 77-82.

    13 Rapport du général Murray (p. 50).

    14 Ibid.

    15 Lord Egremont aux Lords du Commerce « au sujet de l’établissement d’un gouvernement civil dans les territoires cédés à la Grande-Bretagne par le traité de Paris », 5 mai 1763 (Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada…, op. cit., p. 99-103).

    16 Rapport du général Murray, ibid., p. 65.

    17 Rapport du général Burton au sujet de l’état du gouvernement de Trois-Rivières, avril 1762, ibid., p. 67-76.

    18 Rapport du général Murray, ibid., p. 55.

    19 Une pratique qui sera au cœur de la colonisation des colonies indiennes, en s’appuyant au départ sur une forme d’orientalisme avant d’imposer une acculturation des élites dès les années 1830.

    20 Rapport du général Murray, ibid., p. 64 : « Il serait peut-être avantageux que Sa Majesté, si elle le juge bon, en vue de tenir ces curés dans un état de sujétion nécessaire, fasse les nominations elle-même. »

    21 Ibid.

    22 Par exemple, lettre du comte d’Egremont au gouverneur Murray, 13 août 1763.

    23 Thomas P. D. G., George III…, op. cit., p. 74-76.

    24 La suite de l’histoire lui donnera tort puisque l’article 4 du traité et le vote de la loi sur le Québec de 1774 serviront de jurisprudence pour demander des réformes sur les lois pénales en Irlande et seront un des déclencheurs du courroux américain contre le roi.

    25 Lord Egremont à Murray, 13 août 1763.

    26 Lords du Commerce au roi, 8 juin 1763.

    27 Adoption des commissions des gouverneurs du 7 octobre 1763 et Instructions au gouverneur Murray du 7 décembre 1763.

    28 Lettre de lord Egremont à Murray, 13 août 1763 : « Bien que le roi par le 4e article du traité définitif ait consenti à accorder la liberté de pratiquer la religion catholique aux habitants du Canada et que Sa Majesté n’ait pas la moindre intention d’empêcher ses nouveaux sujets catholiques romains de pratiquer le culte de leur religion suivant les rites de l’Église romaine, néanmoins la condition exprimée par le même article ne doit pas être perdue de vue, à savoir : en tant que le permettent les lois de la Grande-Bretagne, lesquelles lois n’admettent absolument pas de hiérarchie papale dans aucune possession appartenant à la couronne de la Grande-Bretagne et ne peuvent que tolérer l’exercice de cette religion. »

    29 Ibid.

    30 Ibid.

    31 Réponse des Lords du Commerce aux questions du roi sur la colonisation du Québec, 8 juin 1763.

    32 Proclamation royale, décembre 1763 : « Les gouverneurs avec le consentement de nosdits conseils, et des représentants du peuple qui devront être convoqués tel que susmentionné, de décréter, de sanctionner des lois, des statuts, des ordonnances, pour assurer la paix publique, le bon ordre ainsi que le bon gouvernement, conformément autant que possible aux lois d’Angleterre et aux règlements et aux restrictions en usage dans les autres colonies. »

    33 L’expression « salutary neglect » est citée pour la première fois par Edmund Burke dans un discours prononcé à la Chambre des Communes en mars 1775 (« Speech on Conciliation with America »). Il rappelle que le développement des colonies américaines ne doit rien au soutien des Britanniques car il est le résultat de leurs propres efforts mais qu’en contrepartie aucune contrainte législative ne les avait empêchés de se développer par ailleurs.

    34 Commission constituant James Murray capitaine général et gouverneur en chef de la province de Québec, 28 novembre 1763.

    35 Consignes du roi via lord Egremont aux Lords du Commerce, 5 mai 1763.

    36 À la rubrique « colons », les Lords du Commerce recommandent au roi dans leur rapport du 8 juin 1763 qui prépare la Proclamation royale : « Quelle que soit la forme du gouvernement établi dans ce pays, il faudra s’occuper particulièrement de conserver aux anciens habitants tous les titres, les droits et les privilèges qui leur ont été accordés par les traités et d’augmenter autant que possible le nombre de sujets britanniques et autres nouveaux colons protestants. »

    37 Le gouverneur Murray au comte d’Halifax (nouveau ministre des Colonies), 15 octobre 1764.

    38 Lettre de Murray aux Lords du Commerce suite à l’ordonnance établissant les cours civiles, 29 novembre 1764.

    39 Gouverneur Murray à lord Halifax, ibid.

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    • (2021) Le monde atlantique. DOI: 10.3917/arco.schna.2021.01.0349

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    Jeune, F. L. (2016). Les suites du traité de Paris vues du côté britannique : mise en place de « nouvelles » politiques de colonisation au Canada français (1763). In P. Joutard, D. Poton, & L. Veyssière (éds.), Vers un nouveau monde atlantique (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.47814
    Jeune, Françoise Le. « Les suites du traité de Paris vues du côté britannique : mise en place de “nouvelles” politiques de colonisation au Canada français (1763) ». In Vers un nouveau monde atlantique, édité par Philippe Joutard, Didier Poton, et Laurent Veyssière. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2016. https://doi.org/10.4000/books.pur.47814.
    Jeune, Françoise Le. « Les suites du traité de Paris vues du côté britannique : mise en place de “nouvelles” politiques de colonisation au Canada français (1763) ». Vers un nouveau monde atlantique, édité par Philippe Joutard et al., Presses universitaires de Rennes, 2016, https://doi.org/10.4000/books.pur.47814.

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    Joutard, P., Poton, D., & Veyssière, L. (éds.). (2016). Vers un nouveau monde atlantique (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.47795
    Joutard, Philippe, Didier Poton, et Laurent Veyssière, éd. Vers un nouveau monde atlantique. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2016. https://doi.org/10.4000/books.pur.47795.
    Joutard, Philippe, et al., éditeurs. Vers un nouveau monde atlantique. Presses universitaires de Rennes, 2016, https://doi.org/10.4000/books.pur.47795.
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