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Risques industriels

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Thomas Le Roux

Première partie. Risques, savoirs et marché

La lente construction d’une tarification des corps

Entre pratique assurantielle du risque industriel, actuariat, expertise médico-légale et enseignement (années 1890-1905)

Raymond Dartevelle

Texte intégral

1La loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail est accueillie favorablement dans l’ensemble par les principaux acteurs chargés de son application, qu’ils soient juristes, actuaires, médecins experts ou dirigeants d’organisations professionnelles d’assurances. Leur intérêt est à la mesure du progrès social que constitue désormais le principe du « risque professionnel ». Toutefois, sur bien des sujets évoqués par la loi, la circonspection est de mise en raison des questions statistiques, techniques et actuarielles que ne manque pas de soulever l’application de la loi, de telle sorte que les différentes instances qui en suivent l’application sont pendant de longues années en quête d’un compromis technique au nom d’une ambition de rationalité du risque industriel et de la « tarification des corps », alors que se construit une législation ouvrière, que se développe l’hygiène industrielle et que s’engagent les prémices de la médecine du travail.

  • 1 On se référera aux travaux sur l’histoire des accidents du travail (1975-1985) réalisés dans le ca (...)
  • 2 Se reporter notamment à la première journée d’études consacrée à La réparation des accidents du tr (...)
  • 3 Déjà à la fin des années 1990, la revue Entreprises et Histoire, no 17, 1997, avait abordé la ques (...)
  • 4 Bruno A.-S., Geerkens E., Hatzelfd N., Omnes C., « La santé au travail. Regards comparatistes sur (...)
  • 5 Brouardel P., Les Blessures et les accidents du travail, cours de médecine légale de la faculté de (...)
  • 6 Ibid., p. 387.

2Si depuis les années 1970-1980, les aspects juridiques et jurisprudentiels ont fait l’objet de nombreuses études à caractère historique1, qui ont permis de revisiter une historiographie déjà ancienne grâce aux travaux réalisés sur ce sujet avant et après la Grande Guerre, les années 2000 voient s’ouvrir de nouveaux champs d’enquête, du politique au judiciaire, grâce à une interrogation sur le rôle essentiel du juge. Celui-ci apparaît comme « le régulateur éminent de l’un des versants les plus saillants de la question sociale, la réparation des accidents du travail2 ». D’autres problématiques récentes et novatrices associent environnement, risques industriels, maladies professionnelles3. Elles ont ouvert la voie aux enquêtes sur la question de la santé au travail4. En délivrant le « certificat de blessure » (art. 11 de la loi), qui prévoit une incapacité temporaire, permanente partielle ou absolue, lorsqu’une affaire vient en conciliation (justice de paix et tribunal civil), en déterminant le degré de l’infirmité (définitive, totale ou partielle), mais aussi en délivrant les rapports d’expertise, le médecin devient, grâce à la loi de 1898, « le pivot sur lequel s’appuie toute l’action judiciaire5 ». Le professeur Paul Brouardel, acteur incontournable durant ces années 1900 de la médecine légale, n’hésite pas à souligner qu’« on ne nous demande pas seulement de constater les blessures, mais on nous demande de taxer la valeur de l’indemnité6 ». Il y a de ce point de vue une incontestable relation avec l’assureur et l’actuaire, dont l’expertise consiste à calculer en assurance vie « la valeur de l’individu » au regard de ses risques dits « tarés », qui dépendent de son âge, ses infirmités, son travail, son mode de vie, etc.

  • 7 De 1901 à 1910, les chiffres des rapports ministériels sur les accidents du travail, parus au Jour (...)
  • 8 Sur l’expertise dans un cadre international et transnational, plusieurs champs d’enquêtes ont été (...)
  • 9 Les sources des statistiques accidents sont au nombre de trois. Outre celles des entreprises d’ass (...)

3L’autre axe de réflexion concerne le recours nécessaire aux matériaux statistiques (catégories socio-professionnelles, salaire, durée du travail, typologie des industries…) et calculs actuariels nécessaires afin d’obtenir des projections précises relatives à la mortalité, la morbidité et à l’invalidité professionnelle. Or la nouvelle législation confronte les assureurs, quelle que soit la cause de l’accident, au droit de la victime à obtenir une indemnité journalière fixée à l’avance (art. 3), liée au type d’incapacité et au salaire, mais aussi à des charges nouvelles, les frais médicaux notamment (art. 4)7. De plus, elle contraint l’assureur à verser à la victime et jusqu’à extinction, une rente (pensions temporaires ou viagères), ce qui nécessite l’établissement de réserves mathématiques (art. 27) pour les sociétés d’assurance et un calcul précis des tarifs et des primes ou cotisations. Dès lors, cette situation nouvelle du risque industriel, détermine les organisations professionnelles d’assurances à travailler de concert dans un cadre international (notamment l’Allemagne et l’Autriche) avec les actuaires, médecins des compagnies d’assurances, médecins légistes, juristes et experts des législations sociales et des assurances, mais aussi en rapport avec les organismes étatiques (Office du travail) et organisations transnationales8 (Institut international de la statistique), afin d’améliorer la fiabilité des matériaux statistiques, dont les séries trop courtes sont loin de couvrir le champ d’enquête souhaité9. La loi de 1898 et la construction d’une tarification des corps qui en résulte, furent donc une occasion tant pour les professionnels de l’assurance que pour les médecins de s’engager résolument dans la voie d’une reconnaissance de leur expertise tant vis-à-vis de l’État, de son administration, des tribunaux que des industriels.

Juristes et actuaires : la mesure de la mortalité, de la morbidité et de l’invalidité professionnelle

  • 10 Le Comité est présidé par le député Louis Ricard, juriste, président de la commission d’assurance (...)
  • 11 C. Lyon-Caen est avec E.-E. Thaller le spécialiste reconnu du droit commercial. Il est en 1904, le (...)
  • 12 Le contrat d’assurance collective permet à l’ouvrier victime d’un accident de recevoir « une indem (...)

4La question de la tarification des corps, qui se fonde sur l’analyse des incapacités de travail et sur le calcul d’indemnités, se pose avec acuité aux juristes et actuaires, à la suite de l’application de la loi de 1898. Les débats qui en résultent au sein d’un Comité consultatif des assurances contre les accidents du travail10, institué auprès du ministre du Commerce, par l’arrêté du 28 février 1899, portant règlement d’administration publique pour l’exécution de la loi, sont l’occasion d’échanges approfondis avec les juristes, notamment le professeur Charles Lyon-Caen11, doyen de la faculté de droit de Paris, Georges Paulet, professeur de législation ouvrière à l’École libre des sciences politiques, qui devient en octobre 1900, directeur de l’assurance et de la prévoyance sociale au ministère du Commerce, chargé de la mise en œuvre de la loi. Le Comité voit aussi se renforcer la prééminence de l’expertise assurantielle sur des questions techniques essentielles. Parmi ces dernières, les bases statistiques et les méthodes utilisées pour la confection des tables de mortalité s’avèrent centrales puisque celles utilisées au moins jusqu’en 1894 (pour le calcul du tarif des primes) sont encore loin d’apporter toutes les garanties souhaitées en termes de fiabilité scientifique et d’application. Outre ses nombreuses missions, le Comité consultatif est chargé d’établir les bases du tarif de mortalité. Elles sont d’autant plus utiles en raison de leur répercussion sur le calcul des réserves nécessaires au fonctionnement des compagnies d’assurances. De plus, celles-ci doivent préparer dans un temps limité la refonte de leurs contrats – les polices anciennes relèvent de l’assurance dite collective contre les accidents12. Cette refonte porte principalement sur la fixation des tarifs, de la prime et le calcul des indemnités.

  • 13 Instituée par la loi du 10 juin 1850, la caisse sert les rentes aux ouvriers victimes d’accidents (...)
  • 14 Introduction aux Tables mortalité du Comité des compagnies d’assurances à primes fixes sur la vie (...)
  • 15 H. Charlon est le fondateur des cours publics et gratuits, dits de la mairie Drouot (9e arrondisse (...)
  • 16 Dormoy E., Théorie des assurances sur la vie, Paris, Gauthier-Villars, 1878 (2 vol. ). Ce polytech (...)
  • 17 Ces tables ont fait l’objet d’une présentation en 1889, Exposition universelle de 1889. Economie s (...)
  • 18 Présentation des tables par Bellom M., « Les tables de mortalité (1900) des rentiers et des assuré (...)

5Les assureurs français se heurtent ainsi à deux difficultés et au retard par rapport à leurs homologues étrangers dans la construction des différents types de tables de mortalité. D’une part, excepté les tables de mortalité des trois compagnies (Assurances générales, Union et Nationale) pour les rentiers viagers (1860) ou celle plus récentes de E. de Kertanguy pour les assurés en cas de décès de la Compagnie d’assurances générales (1874), les autres tables utilisées traditionnellement et au moins jusqu’en 1894, des plus anciennes comme celles de Deparcieux (1746), Duvillard (1806), de Hubbard pour les sociétés de secours mutuels (1852), à celle plus contemporaine de Achard et Charlon, pour les pensionnaires civils de l’État (1879) ou à celle dite CR. de Louis Fontaine pour les rentiers de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse (1887)13, « n’ont pas été construites à l’aide d’éléments fournis par la catégorie spéciale de population qui forme la clientèle des compagnies d’assurances sur la vie ». Les observations qui servent de fondement à la plupart de ces tables « portent sur un nombre de têtes excessivement restreint, et sont, en outre antérieures à la période d’expansion des opérations viagères en France14 ». Ce degré d’approximation des tables de mortalité avait été souligné par l’actuaire Émile Dormoy, directeur de la compagnie Le Soleil. Il côtoie alors les acteurs réputés du Cercle des actuaires fondé en 1872 – préfiguration de l’Institut des actuaires français (IAF) créé en 1890 –, comme Marc Achard, actuaire à l’Union, de même que le mathématicien Hermann Laurent, qui publie en 1873 un Traité du calcul des probabilités et Hippolyte Charlon, directeur de la Confiance15. E. Dormoy avait publié quant à lui de 1874 à 1877 dans le Journal des actuaires, une étude sur « la théorie mathématique des assurances sur la vie16 ». Il faut attendre 1894 pour que les travaux d’un Comité constitué en novembre 1876 et chargé de construire de nouvelles tables rationnelles de mortalité17, résultant de la mise en commun des données sur la longue durée et observations recueillies par les compagnies d’assurances (Assurances générales, Union, Nationale, Phénix, Paternelle et Urbaine), soient reconnus tant par l’IAF, le ministère du Commerce et le Conseil d’État, comme bases des nouveaux tarifs et adoptées par les principales compagnies françaises d’assurances. En raison d’éléments statistiques nouveaux résultant du développement considérable des rentes viagères et des assurances en cas de vie, le Comité des compagnies d’assurances sur la vie publie en 1900 de nouvelles tables qui permettent de compléter les observations recueillies. D’autant qu’il convient « de rechercher dans quelle mesure la mortalité dépend, aux divers âges, du sexe et de l’âge à l’entrée18 ».

  • 19 Voir à cet égard, les observations d’un actuaire, ancien inspecteur du travail et commissaire cont (...)

6Pour les assureurs, la deuxième difficulté provient de la question des rapports entre tables de mortalité, de morbidité, professions dangereuses et accidents du travail. Dans le cas des tables dites AF (assurés français en cas de décès) et RF (rentiers français), « l’auto-séléction des rentiers viagers […] et le contrôle sur les assurés en cas de décès par un médecin délégué par l’assureur » ont pour conséquence de « réduire le taux de mortalité » et de rendre ces tables inapplicables aux populations exposées à des dangers et des accidents du fait de leur travail19.

  • 20 ACAEF, B – 0062328/1, Séance du Comité consultatif du 9 mars 1899.
  • 21 « La loi du 9 avril 1898 a prévu dans son article 28 pour le versement à la Caisse nationale des r (...)

7Dans le cas précis des accidents du travail, lorsque celui-ci entraîne la mort, une table de mortalité spéciale n’est pas nécessaire, la commission technique du Comité consultatif, présidée par le président de l’IAF, Paul Guieysse, également membre du Conseil supérieur des sociétés de secours mutuels et chargée d’examiner les bases du tarif mortalité, se fonde sur la table CR de la Caisse nationale des retraites. Celle-ci est à compléter en dessous de l’âge de 3 ans et au-delà de 65 ans jusqu’à la limite de la vie pour les ayants droit à une pension. Toutefois la table CR nécessitait aussi des corrections, puisque fondée sur des têtes provenant de professions peu dangereuses : fonctionnaires, petits rentiers, propriétaires, employés et agents commissionnés des chemins de fer. De plus, un tarif applicable aux orphelins nécessitait la création d’une nouvelle table20. Pour ce qui concerne une incapacité permanente totale, les experts s’accordent pour constater qu’il existe un net infléchissement vital pendant les dix ou quinze premières années, qu’une table de mortalité classique ne prend pas non plus en considération. Dans le contexte de la loi sur les accidents du travail, les projets de tables21 sur ce sujet manquent de « bases expérimentales » et de recul suffisant en termes d’expérience « d’invalides d’accidents », de telle sorte qu’il est même envisagé de faire appel « aux éléments statistiques des pays étrangers pratiquant l’assurance obligatoire pour établir une table définitive ».

  • 22 Le polytechnicien L. Weber, membre du Conseil supérieur de la statistique depuis 1901, est l’auteu (...)
  • 23 Marie L., « Note sur une table de mortalité, dressée d’après les observations faites sur les agent (...)

8La plupart des tables étrangères de mortalité des invalides sont alors établies sur la base de renseignements fournis par l’industrie des mines et les compagnies de chemins de fer. Louis Weber22, membre de l’IAF, secrétaire depuis le 1er mars 1899 du Comité consultatif des assurances contre les accidents du travail, a très clairement montré l’impossibilité d’utiliser les tables de mortalité d’invalides construites sans prendre en considération l’ancienneté de l’invalidité. Il est donc primordial de faire un emploi de tables par âge à l’entrée, de telle sorte que le taux de mortalité soit calculé en tenant compte « non seulement de l’âge atteint par les individus observés, mais aussi du temps écoulé depuis l’origine de l’invalidité ». Devant la carence d’une table figurant la mortalité propre aux invalides et devant la nécessité depuis la loi de 1898 de « constituer de nombreuses rentes viagères sur la tête d’ouvriers atteints d’invalidité totale ou partielle23 », il convenait de construire une table pour l’évaluation de ces rentes. Le syndicat des compagnies d’assurances à primes fixes contre les accidents du travail a confié ce travail à Léon Marie, secrétaire général de l’IAF, actuaire-conseil du Musée social et membre du Comité consultatif des assurances contre les accidents du travail.

  • 24 Marie L., Tables de mortalité dressées d’après les observations faites sur les agents retraités pr (...)

9Faute de statistiques industrielles fiables concernant les « invalides accidentels », Léon Marie s’est résolu à utiliser les matériaux mis à sa disposition par les compagnies de chemins de fer, concernant leurs agents, pour beaucoup d’entre eux « invalides morbides », depuis leur mise à la retraite anticipée, car incapables de continuer leur service, jusqu’à leur décès. Il construit ainsi la table demandée (dénommée ICF, invalides des chemins de fer) – elle fait état de l’âge des pensionnés, de la durée du paiement de leurs pensions et de la nature de leur invalidité (maladies et/ou accidents du travail) –, en comparant la mortalité à chaque âge des invalides (pensionnés des caisses de secours et de retraites des chemins de fer français), groupés d’après la durée de l’invalidité, à la mortalité d’une table normale (table de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse)24. Si la table doit être dressée suivant l’âge atteint par l’invalide au moment où l’incapacité de travail a provoqué la mise à la retraite, elle a l’inconvénient, comme pour les tables allemandes d’invalidité, de se fonder sur des observations insuffisamment longues (durée) et larges (nombre de têtes). Grâce à des ajustements nécessaires, le mathématicien H. Laurent entend parvenir à représenter la marche générale de la mortalité des invalides et montrer que cette mortalité varie infiniment plus avec le temps écoulé depuis le début de l’invalidité qu’avec l’âge atteint par l’invalide.

  • 25 La loi du 1er avril 1898 relative aux sociétés de secours mutuels instaure un contrôle technique d (...)
  • 26 Caisse nationale de retraites pour la vieillesse, Note sur la constitution des contrats passés ave (...)
  • 27 ACAEF, B – 0062328/1, Séance du Comité consultatif du 9 mars 1899. Le capital constitutif servant (...)

10Rappelons enfin que les tarifs établis par la Caisse nationale des retraites ne tiennent compte que de la mortalité des deux tables CR (selon L. Marie la première « représente suffisamment bien la mortalité des ouvriers en état de santé normal ») et CRI (Caisse de retraite des invalides, établie sur les bases de la loi du 1er avril 189825 par la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, en 1899, en vue du calcul des réserves mathématiques des rentes des invalides du travail) et du taux d’intérêt de 3,5 % par an, « ils ne sont donc rigoureusement applicables qu’à la constitution des rentes définitives ». De fait, dans l’état de la statistique à la fin du XIXe siècle, il est difficile de prendre en compte pour le calcul du prix des rentes les « probabilités relatives aux révisions motivées par l’aggravation ou l’amélioration de l’état des invalides […] elles ne sont pas susceptibles d’être déterminées d’une manière assez précise pour entrer dans l’évaluation du prix des rentes provisoires26 ». Enfin, dans le cas d’une incapacité permanente partielle, il convient selon les experts de « mesurer la diminution de la vitalité de la victime sur celle de son salaire et de calculer le capital représentatif de la pension à verser par interpolation entre les tarifs applicables aux ayants droit dans le cas de mort et au blessé en cas d’invalidité permanente totale, et correspondant mieux à la réalité constatée27 ».

  • 28 Ibid., Séance du Comité consultatif du 15 mars 1899.
  • 29 Maurice Bellom souligne l’intérêt des caisses minières de Haute-Silésie qui dressent annuellement, (...)
  • 30 There C., « Morbidité et mortalité professionnelle au XVIIIe siècle », in Association internationa (...)
  • 31 Daric J., « Mortalité, profession et situation sociale », Population, 4e série, no 4, 1949, p. 675 (...)
  • 32 Tabah L., « La mortalité sociale : enquête nouvelle en Angleterre », Population, 1re année, no 1, (...)
  • 33 Bertillon J., De la morbidité et de la mortalité par professions, Paris, Impr. Municipale, 1891. J (...)

11Soucieux de progresser dans l’exploration de ce premier champ d’enquête, Émile Cheysson, professeur d’économie industrielle à l’École des mines, membre actif de la société statistique de Paris et des congrès internationaux des accidents du travail, et Louis Ricard, président du Comité consultatif, observent que la notion d’invalidité « n’est pas définie dans la loi comme en Allemagne » – celle-ci avait intégré « le calcul des charges probables » – ce qui risque de provoquer de nombreuses difficultés dans « l’évaluation de la pension28 ». Or dans la dernière décennie du XIXe siècle, les travaux sur les rapports entre mortalité, profession et situation sociale sont quasiment inexistants. Même les statistiques allemandes sont très incomplètes en matière de morbidité professionnelle. Elles ne mentionnent ni morbidité par âge, par profession, ni l’indication de la nature de la maladie29. En réalité, « l’étude de la mortalité différentielle selon la profession achoppe toujours sur le problème de l’interdépendance de facteurs30 » et sur « la discrimination à faire, lors de l’interprétation des taux de mortalité suivant la profession, entre la part à attribuer aux risques professionnels proprement dits et celles qui revient aux facteurs socio-économiques31 » (ressources, logements, nourritures, soins, genre de vie, etc.). Le taux de mortalité en rapport avec la profession n’est pas l’équivalent d’un taux de mortalité professionnelle. Dès lors, si en Grande-Bretagne et dès le milieu du XIXe siècle, « les études sur la mortalité sociale ont été poussées plus qu’en aucun autre pays, sous l’impulsion à la fois des compagnies d’assurances et des statisticiens du Registrar General32 », il faut attendre 1 891 en France, pour voir publiée l’importante étude réalisée par le médecin Jacques Bertillon, chef des travaux statistiques de la ville de Paris, sur la morbidité et la mortalité par profession à Paris, la première qui ait été calculée en France33. Les résultats ainsi obtenus sont comparés avec trois autres tables similaires calculées en Angleterre et en Suisse.

  • 34 Chantemesse A., Mosny E. (dir.), Traité d’hygiène, Paris, Librairie Baillière et Fils, 1908, p. 7- (...)
  • 35 Ibid., p. 13, sur le difficile rapport des sociétés de secours mutuels aux statistiques, Marec Y., (...)
  • 36 Quiquet A., Rapport définitif sur les travaux organisés par la commission des tables de mortalité (...)
  • 37 Les compétences du polytechnicien Alfred Barriol, membre de l’IAF depuis 1902, en matière de mathé (...)

12L’ensemble de ces questions révèle tant pour les assureurs, actuaires que pour les démographes et les médecins un retard des études statistiques qui perdure au moins jusqu’aux années 1910. Les auteurs du tome VII « Hygiène industrielle » du Traité d’Hygiène (Dr Brouardel et Dr Mosny), constatent ainsi en 1908 qu’« il n’existe pas en France de statistique de morbidité et de mortalité professionnelle à base étendue et à longue durée, observant un nombre considérable d’années de vie et portant sur des groupes professionnels bien définis, dont les maladies ou les décès sont enregistrés avec précision et exactitude34 ». Il en va ainsi pour les sociétés de secours mutuels, fort nombreuses (plus de 11 000), et qui dressent régulièrement pour le ministère de l’Intérieur une statistique de leurs activités. Elles ne font pas de « classification des invalidités par maladies causales, ni par groupe d’âges et celles qui les classent ne font pas ressortir les maladies spéciales à la profession, de sorte qu’elles ne peuvent fournir presque aucun renseignement sur la morbidité due aux conditions du travail35 ». En 1910, Albert Quiquet, actuaire de la compagnie d’assurances La Nationale, secrétaire général de l’IAF, proche du mathématicien H. Poincaré et rapporteur de la commission chargée d’enquêter sur les tables de mortalité et de morbidité de ces sociétés36, fait le même constat, de même qu’Alfred Barriol37, directeur de l’Institut des finances et des assurances.

La construction de catégories statistiques : un débat et un enjeu entre l’État et les organisations professionnelles d’assurance

  • 38 Gagnon M.-A., « Les réseaux de l’internationalisme statistique (1885-1914) », in Beaud J.-P., Prév (...)
  • 39 Armatte M., Desrosières A. (dir.), « 150e anniversaire de la Société de statistique de Paris », Jo (...)

13La construction d’une tarification des corps nécessite que l’établissement des tarifs des primes et le calcul des indemnités soient fondés scientifiquement. Pour cela les assureurs doivent pouvoir disposer de matériaux statistiques fiables, de séries longues et représentatives, d’un état détaillé des types d’industries, d’un classement des professions par catégories. Ces précisions chiffrées doivent aussi porter sur le nombre et les causes par année des accidents mortels, les incapacités de travail permanente totale, partielle, temporaire, le montant annuel des salaires, les dépenses (frais, secours, indemnités, etc.). Depuis le début des années 1890, cette question majeure de la « capacité à chiffrer devient un nouveau mode de légitimation scientifique38 » et s’avère déterminante afin de « construire une norme statistique » qui soit reconnue par les organisations scientifiques internationales, comme l’Institut international de la statistique (ISS), créé à Londres en 1885 et auquel participent principalement les responsables de bureaux statistiques nationaux auprès de leurs ministères respectifs et les membres de sociétés nationales de statistiques comme celle de Paris (1860)39 et de Londres (1835). Le congrès de l’ISS de Vienne (1891) se donne pour objectif en accord avec le congrès international du travail de Berne, la même année, de créer une commission en charge d’une unification élémentaire de la nomenclature des causes de décès par suite de maladies et d’accidents et de celle des professions. À cette occasion, E. Cheysson ne manque pas d’attirer l’attention sur la nécessité pour la quantification, de s’accorder sur une définition précise de l’accident du travail. Leur nombre en dépend tout autant que les innovations techniques et transformations industrielles qui modifient la physionomie des accidents. Connaître l’effectif exposé aux risques d’accidents implique d’opérer le recensement très précis des professions avec leur coefficient de risques et par conséquent d’obtenir un fondement scientifique à la fixation des primes d’assurances.

  • 40 J. Leclerc de Pulligny, polytechnicien, délégué de l’Office du travail à partir de septembre 1893, (...)
  • 41 Luciani J., Salais R., « Matériaux pour la naissance d’une institution : l’Office du travail 1890- (...)
  • 42 Bellom M., Les lois d’assurance ouvrière à l’étranger. t. II, Assurance contre les accidents, Paris (...)
  • 43 Étude statistique des accidents du travail d’après les rapports officiels sur l’assurance obligatoi (...)
  • 44 Weber L., Bases statistiques de l’assurance contre les accidents d’après les résultats de l’assura (...)
  • 45 Les congrès internationaux des accidents du travail des années 1890-1900 sont fortement marqués pa (...)

14Si l’Office du travail créé en 1891 dans le cadre du ministère du Commerce – il fonctionne comme un bureau d’expertises du Conseil supérieur du travail, mais aussi du gouvernement et des commissions parlementaires –, confie en 1894 à l’ingénieur des Ponts, Jean Leclerc de Pulligny40, les enquêtes sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans l’industrie et sur l’assistance par le travail en France, il éclaire aussi ses travaux statistiques sur le travail41 de l’expérience des pays voisins, notamment des corporations allemandes et caisses régionales autrichiennes. Celles-ci ont accumulé de très nombreuses données quantitatives produites annuellement « grâce au fonctionnement de l’assurance obligatoire depuis le début de son institution dans ces deux pays ». L’ingénieur des mines, Maurice Bellom, s’en est par ailleurs inspiré, outre ses enquêtes de terrain dans la tradition Leplaysienne, pour ses travaux sur la vie ouvrière, ses aléas (accidents du travail, invalidités, maladies…) et l’analyse des différentes législations sociales en Europe42. C’est à Louis Weber, premier actuaire de l’Office du travail depuis le 5 octobre 1891, qu’est confiée la mission de rassembler les matériaux statistiques, dans la perspective de déterminer les valeurs probables du risque accident et l’approximation que comporte ce type de statistiques dans les diverses industries, en s’appuyant sur l’expérience acquise dans ce domaine par les statisticiens allemands et autrichiens43. Pour Arthur Fontaine, directeur de l’Office depuis 1894, ce travail publié en décembre 189944, est d’autant plus fiable que les renseignements y ont été recueillis « sous la garantie du contrôle de l’État ». De fait, L. Weber s’appuie exclusivement sur les travaux et comptes rendus réalisés par l’Office impérial des assurances pour l’Allemagne45 et par le ministère impérial et royal de l’Intérieur pour l’Autriche. Les données numériques et statistiques officielles, qui y sont puisées jusqu’aux années 1897, s’avèrent fiables en raison de la période couverte (séries assez longues) et du nombre élevé d’établissements industriels, de corporations recensées et de la population ouvrière assujettie à l’assurance. Pour l’ingénieur des Mines Octave Keller, comme pour E. Cheysson, les lois sociales qui reposent sur l’obligation de l’assurance, comme en Allemagne et en Autriche, facilitent considérablement le travail des statisticiens, puisque les enquêteurs peuvent avoir accès à des tableaux détaillés et à des bilans collectifs grâce aux informations indispensables contenues dans les registres de comptabilité conservés dans les usines, avec la liste nominative des ouvriers, et dans les registres de salaires tenus par les assurés.

  • 46 Soubiran-Paillet F., « Parlement, administrateurs et experts (1900-1914). Le discours de la compét (...)
  • 47 H. Marestaing a établi les premières statistiques de cette combinaison d’assurance qui introduit e (...)
  • 48 Journal des assurances. Législation, jurisprudence, sociétés, statistique, janvier-juin 1891, p. 14 (...)

15Dans le cas de pays d’assurance facultative, comme la France, les responsables d’organisations professionnelles d’assurances revendiquent le bienfondé de leur expertise technique (recueil de données chiffrées, enquêtes statistiques et travaux), au même titre que celle des administrations du ministère du Commerce, comme experts de l’Office du travail, ceux des directions de l’Assurance et de la prévoyance sociales, de la Mutualité, de l’assistance et de l’hygiène publique, mais aussi des organismes consultatifs du ministère du Travail (créé en 1906), notamment du Conseil supérieur du travail. Ces organismes sont régulièrement consultés par la commission d’assurance et de prévoyance sociales du Parlement – Paul Guieysse en est le vice-président – pour les propositions et projets de lois (les extensions successives de la loi de 1898, les différents systèmes d’indemnisation relatifs aux retraites, la majoration des pensions, par exemple)46. Bien avant la loi du 9 avril 1898, Hippolythe Marestaing, directeur-fondateur de la compagnie La Préservatrice et promoteur auprès des patrons d’industries de l’assurance collective en France47 – le principe de l’indemnité contractuelle des polices d’assurance, soit une réparation pécuniaire au profit des victimes ou de leurs ayants droit en cas d’accident, annonce l’idée de l’indemnité forfaitaire de la loi de 1898 –, préside depuis 1891, un Comité de défense des sociétés mutuelles et compagnies anonymes d’assurances contre les accidents du travail48. Ce Comité se transforme en 1899 en une réunion des assureurs contre les accidents du travail présidé par Alfred Mayen, directeur de la Prévoyance. Cette organisation patronale qui comprend un Comité directeur et deux commissions (contentieux et médical) regroupe quatre ans plus tard, en 1903, pas moins de 29 sociétés, puis 32 en 1912, et a pour principal objectif de défendre le bien-fondé de l’assurance privée dans sa couverture du risque industriel, le rôle des actuaires-experts en charge des travaux statistiques et de proposer au législateur des améliorations de la loi et de son application.

  • 49 Marestaing H., « La statistique des accidents », in Congrès international des accidents du travail (...)
  • 50 Sur l’évolution de la loi entre 1898 et 1905, Paulet G., « Les assurances sociales en France. Rapp (...)
  • 51 Mayen A., « L’assurance privée contre les accidents en France », in Congrès international des acci (...)

16Si dès le début des années 1890, H. Marestaing considère que l’État est bien fondé et a « toute autorité pour dresser des statistiques sur les mouvements de population, sur l’hygiène… », il n’en va pas de même, selon lui, dans le domaine des accidents du travail, puisque « l’État ne possède pas les registres de comptabilité des chantiers et usines qui sont les seuls documents où se trouvent constitués par nature d’industrie tous les faits nécessaires à l’édification d’une table rationnelle sur les accidents du travail […]. Il n’y a que l’assurance, compagnie privée ou syndicat, qui puisse grouper les matériaux et arriver, en les accumulant par périodes annuelles, à dégager le coefficient de charge afférent à chaque nature d’entreprise ». Aux yeux de Marestaing et des cercles libéraux de la Réforme sociale, le rôle de l’État consiste à prendre « des mesures administratives » ou à légiférer afin de « faciliter aux institutions d’assurances la formulation des bons cadres statistiques » et pour cela obliger les chefs d’établissements à mentionner sur des « registres de comptabilité le nom de tous les ouvriers employés, le nombre de journée de travail effectuée par eux, le montant des salaires afférents au nombre de ces journées, ainsi que tous les accidents qui viennent à se produire (puisque) les seuls éléments constitutifs du risque sont la nature de l’industrie et la journée de travail49 ». En réalité, le Comité de défense puis la réunion ont suggéré au législateur de nombreuses adaptations qui ont été prises en compte, sous forme de modifications et d’amendements à la loi de 1898 (lois des 22 mars 1902 et 31 mars 1905)50. Elles concernent notamment le salaire moyen comme taux de l’indemnité quotidienne ; le droit pour l’ouvrier de choisir son médecin et pour le patron de faire surveiller l’état du blessé ; la procédure spécifique concernant la révision des indemnités51. Sa tâche la plus difficile consiste cependant à construire des barèmes et des tarifs scientifiquement fiables, alors même que les compagnies privées d’assurances assurent en 1905 environ 3,5 milliards de salaires, dont 2,8 milliards assujettis à la loi de 1898, soit 70 % des risques assujettis (contre 65 % en 1902). Le reste correspond pour au moins 25 % aux exploitations de chemins de fer et de mines qui restent leurs propres assureurs. Or comme nous l’avons déjà remarqué, ce sont précisément les mines, avec les chemins de fer qui fournissent les informations statistiques les plus complètes.

  • 52 Octave Keller fait de « la Statistique de l’industrie minérale […] un observatoire de la conjonctu (...)
  • 53 Keller O., « Divisions des accidents du travail en accidents individuels et accidents collectifs. (...)
  • 54 O. Keller, vice-président de la Société statistique de Paris, est intervenu au congrès internation (...)
  • 55 Bellom M., « Note sur la statistique des accidents dans les mines allemandes », in Annales des mine (...)
  • 56 Bellom. M., art. cit., p. 468 et suiv.

17Une enquête exhaustive sur les accidents dans les mines, conduite à la demande du ministère des Travaux publics dès 1888, par Octave Keller52, ingénieur des mines qui dirige de 1877 à 1902, la Statistique de l’industrie minérale, fait de cette institution « un observatoire de la conjoncture mais aussi un instrument d’analyse structurelle et prospective », en termes de cycle de vie professionnelle des ouvriers mineurs, d’évolution des accidents depuis 1830 (enregistrements des blessés, durée et types d’invalidités, prises en charge, variable d’un bassin à l’autre, voire d’une entreprise à l’autre)53. Ces matériaux statistiques recueillis sur la longue durée, de 1833 à 1893, permettent non seulement d’apprécier « les conséquences humaines du risque industriel », en termes d’indemnisation des mineurs blessés, de versement des pensions aux veuves et à leurs enfants, mais aussi de clarifier ce que représentent les contributions financières des compagnies minières, en termes des dépenses, de coût, autant d’éléments de calcul du prix de revient de l’assurance pour ce qui concerne les accidents du travail54. Cette enquête fait écho aux données quantitatives très détaillées fournies par la corporation minière étendue à tout l’Empire allemand, pour une période de neuf années (octobre 1885 à janvier 1895), qui représente quelque 3 000 établissements, soit environ 3,6 millions d’assurés55. La qualité de ces statistiques, véritable modèle connu des assureurs français grâce aux travaux de Bellom, en raison principalement des nombreuses rubriques répertoriées (dépenses, valeur des charges, nombre d’établissements, d’assurés, salaires, d’accidents, charges financières à la suite des accidents, et surtout les détails relatifs à la répartition des accidents par sexe, âge, lieu, périodicité, circonstances, causes, nature des blessures, parties du corps atteintes, etc.), s’explique par le recours à « un formulaire ou carte statistique d’accidents », adopté par le Comité de la corporation le 28 janvier 189056 et qui ne diffère pratiquement pas du formulaire utilisé par l’Office impérial des assurances en 1896.

  • 57 Derosières A., « Séries longues et convention d’équivalence », Genèses, no 9, 1992, p. 93-95.
  • 58 Viet V., Les Voltigeurs de la République. L’inspection du travail en France jusqu’à 1914, Paris, C (...)
  • 59 Chatriot A., « L’histoire politique de la difficile codification de la législation industrielle : (...)
  • 60 Desrosières A., « Séries longues… », art. cit.
  • 61 Elle donne lieu à de nombreuses analyses juridiques et techniques très fouillées, parmi lesquelles (...)
  • 62 Pagot E., « Les polices en cours et la loi sur les accidents du travail du 9 avril 1898 », Revue i (...)
  • 63 Voir la circulaire d’H. Marestaing adressée aux agents généraux de La Préservatrice accidents, dan (...)

18Dans le cas français, la loi de 1898 sur les accidents du travail, permet dans un premier temps aux assureurs de clarifier les deux types de convention induits par les termes accidents et travail, encore objets d’intenses débats dans les congrès internationaux (assurances sociales, statistiques, actuaires…). Outre une « procédure sociale de codage » (sur le plan juridique en cas de litige devant les tribunaux), le comptage des accidents pour l’assurance et la construction de catégories statistiques se réalisent grâce à la mise en commun des données quantitatives et la construction de tables de calcul, pour lesquelles la plus ancienne des compagnies d’assurances accidents, la Préservatrice, a recueilli des informations méthodiquement classées durant 37 années (elles concernent le personnel de 38 103 établissements, représentant 58,6 millions de francs de cotisations). Ce constat est indissociable d’une « procédure sociale de qualification57 », qui vise à comprendre les raisons de l’augmentation des accidents (augmentation des dangers industriels, insuffisance des mesures de protection et de prévention, action vigilante des inspecteurs du travail58, syndicats, et/ou plus de sévérité des juges). Quant au travail, sa codification59 tend à définir un statut de salarié, ou proche de celui-ci, et à compter cette catégorie en augmentation, en distinguant les « professions » : chefs d’établissement, employés, ouvriers, chômeurs… tout en prenant en considération les cas pour lesquels la « distinction nette entre salariat et non salariat n’est pas encore faite », soit environ 20 % des actifs recensés au début du XXe siècle (artisans, commerçants, travailleurs à domicile nombreux notamment dans l’industrie textile, mais aussi petits paysans, etc.60). Toutefois, pour les assureurs, l’application de la loi de 189861 va perturber l’établissement des cadres statistiques. Les « bases des assurances collectives ouvrières62 » sont modifiées en raison des nouvelles charges qu’il convient de garantir et qui incombent aux souscripteurs (notamment frais médicaux, d’hospitalisation, et funéraires) et du fait que « l’indemnité en cas de mort et d’incapacité permanente de travail, doit désormais exister […] sous forme de pension viagère63 ». De fait, la connaissance encore insuffisante du nouveau risque entraîne une tarification rudimentaire et rend difficile à « établir l’équilibre entre le taux de la prime et la valeur de la garantie ». Pour ces raisons, les pertes enregistrées par les compagnies d’assurances à primes fixes (à capital) ne cessent de s’aggraver depuis 1899, et atteignent 18,2 millions de francs entre 1901 et 1906. Dès lors, dans la perspective de constituer un tarif « accidents du travail » et un barème d’invalidités professionnelles, quels sont les moyens techniques à la disposition des assureurs ?

Les expertises médico-légales et assurantielles : une coopération indispensable pour une tarification des corps

  • 64 Quelle que soit la forme juridique mutuelle ou société commerciale, « c’est toujours la mutualité (...)

19Au lendemain de la loi de 1898, A. Mayen, président du Syndicat d’assurance accidents et de la réunion des assureurs contre les accidents du travail, propose non seulement la mise en commun des statistiques établies par les sociétés accidents (sociétés d’assurance mutuelle, compagnies à primes fixes et syndicats de garantie, soit en 1902 une trentaine de sociétés appartenant à la Réunion)64, mais aussi de réunir médecins, actuaires et assureurs dans le souci d’adapter les tarifs et construire les barèmes des incapacités de travail, en prenant en compte la nature précise des lésions et leur répercussion sur le travail professionnel.

  • 65 Premier congrès international des médecins des compagnies d’assurances, Rapports et procès-verbaux (...)
  • 66 P. Brouardel est un acteur essentiel de la « médicalisation de l’État » et de la lutte antitubercu (...)
  • 67 A. Lacassagne est le chef de file de l’école lyonnaise du « milieu social », réputé pour son appro (...)
  • 68 G. Hamon, est professeur titulaire d’un cours d’assurances ouvert en 1886 par l’Institut commercia (...)
  • 69 Au début du XXe siècle, il existe deux autres écoles professionnelles : l’Institut des finances et (...)
  • 70 Se référer aux articles 1, 2 et 4 des statuts de l’Association internationale des médecins des com (...)
  • 71 Voir les actes du 3e congrès international d’actuaires (Paris, 25 au 30 juin 1900, Palais de l’éco (...)
  • 72 Ibid., p. 1020-1022 (observations conclusives de M. Weber).
  • 73 Ce congrès se réunit deux autres fois avant la Grande Guerre, à Rome en 1909 puis à Düsseldorf en (...)
  • 74 Jacques Bertillon construit dès 1891 au sein de l’Institut international de la statistique cette n (...)

20Cette préoccupation des assureurs intervient alors même que se constitue à la fin du XIXe siècle un réseau médico-légal académique et que se développent les congrès internationaux des médecins des compagnies d’assurances, parallèlement à ceux des actuaires. Le premier d’entre eux qui se tient à Bruxelles en 189965 voit la participation de deux figures majeures de la médecine légale, les professeurs Paul Brouardel66, doyen de la faculté de médecine de Paris (1887), président depuis 1884 du Comité consultatif d’hygiène publique (celui-ci dépend du ministère de l’Intérieur depuis 1889) et Alexandre Lacassagne67 de la faculté de Lyon. P. Brouardel est aussi directeur du service médical de la compagnie Equitable Life Company Insurance. Du côté français, outre les médecins des grandes compagnies d’assurances (Assurances générales, l’Union, l’Urbaine, l’Aigle, la Nationale, la Caisse Paternelle, l’Abeille…), les services de médecine de grands hôpitaux parisiens, comme l’hôpital Saint-Antoine, l’Hôtel Dieu, etc., sont représentés par des médecins hospitaliers. Enfin, la participation de l’actuaire Léon Marie et de Georges Hamon68, professeur à l’Institut commercial de Paris créé en 1884, illustre le souci de voir se développer la diffusion des résultats des travaux scientifiques dans le cadre des enseignements réalisés par les écoles professionnelles69. Ce premier congrès émet le vœu de voir se développer « l’expertise médicale en matière d’assurance sur la vie et d’assurances contre les accidents » grâce à la création en 1901 de « l’Association des médecins experts », d’un Comité permanent chargé de centraliser les travaux statistiques recueillis dans les différents pays et de publier un bulletin réunissant les travaux relatifs à l’expertise médicale70. Il y a plus que de simples similitudes avec le Comité permanent des congrès internationaux d’actuaires, fondé en septembre 1895 à l’occasion du premier congrès tenu à Bruxelles. Ce dernier a pour objectif de promouvoir, organiser et poursuivre les travaux scientifiques et recherches intéressant la science et la politique de l’actuariat. La question de la « réparation des accidents du travail » qui avait fait l’objet du congrès tenu à Londres en 1898, est suivie en 1900 à Paris, de celle concernant l’étude du « risque d’invalidité d’origine morbide, sénile ou accidentelle71 ». Les travaux réalisés par les spécialistes du sujet, tant pour l’Allemagne, la Hollande, la Suisse, la Grande-Bretagne, les États-Unis, concluent tous à « l’insuffisance des bases statistiques » à la disposition des actuaires, afin de calculer les primes et les réserves. Ce point est révélateur de la question centrale pour l’assureur de l’invalidité, de ses degrés, des rapports avec les types de professions et leurs risques associés, des probabilités d’invalidités, dont l’origine est imputable à un accident de travail72, mais aussi plus globalement des préoccupations communes et recoupements thématiques propres aux congrès internationaux, qu’ils relèvent de l’actuariat, des accidents du travail, de ceux d’hygiène et de démographie (qui fusionnent en 1880) et de médecine. Enfin, dans cette volonté de voir se développer une expertise médicale à part entière relativement aux accidents du travail, est créé en 1905 le premier congrès médical international des accidents du travail73 dont les séances se tiennent à Liège. Lors de ces nombreuses rencontres, sont évoquées les questions de la normalisation statistique autant dans les domaines sanitaires, de l’hygiène et de la santé sociale, de l’épidémiologie, des causes de décès, d’incapacité de travail et de la taxinomie des maladies74.

  • 75 L’IAF créé le 30 mai 1890 et reconnu d’utilité publique par décret du 30 octobre 1896, est ainsi r (...)
  • 76 Derosieres A., « La statistique, outil de gouvernement et outil de preuve », inDesrosieres A., Pou (...)
  • 77 Ihl O., Kaluszynski M., Pollet G., « Pour une socio-histoire des sciences de gouvernement », in Ih (...)
  • 78 Lengwiler M., « Technologies of Trust: Actuarial Theory, Insurance Sciences, and the Establishment (...)

21Convoquée par le législateur au sujet des grandes lois sanitaires et sociales des années 1893 à 1910, l’expertise de l’actuaire – pour le calcul des risques –, indispensable aux sociétés d’assurances, caisses de retraite, associations coopératives, sociétés de secours mutuels, institutions patronales et aux administrations publiques (Office du travail, chemins de fer de l’État, Caisse des dépôts et consignations) pour le calcul des risques, est ainsi reconnue par l’État75. Sa maîtrise d’une science de la connaissance en matière de statistiques et probabilités, permet dans le domaine démographique, de la santé et de l’hygiène publique, une catégorisation des populations. Elle donne aux gouvernements et administrations des outils de gestion76, répondant ainsi aux besoins de savoirs de l’État77. Dès lors « le pouvoir d’intégration de la théorie actuarielle dans le champ politique marqué par de profonds antagonismes » s’expliquerait moins par une « technologie de pouvoir », condition d’une gouvernance moderne (au sens foucaldien) que par une « technologie de confiance », indispensable à la construction d’une société assurantielle78.

  • 79 Chauvaud F., Les Experts du crime. La médecine légale en France au XIXe siècle, Paris, Aubier, 200 (...)
  • 80 Leonard J., « Les débuts du “Concours médical” », Histoire des sciences médicales, revue de la SFH (...)
  • 81 Brouardel P., La Profession médicale au commencement du XXe siècle, Paris, Baillière, 1903.
  • 82 Paul Lagrange, publiciste et financier, fondateur et directeur de L’Argus, rend compte régulièreme (...)

22Cette conjonction d’intérêts, se retrouve avec les médecins experts79. Dans leur souci de faire travailler ensemble l’expertise actuarielle avec celle des médecins légistes, les assureurs cherchent à étendre le champ de l’expertise assurantielle. Il est vrai qu’il existe durant cette période une réelle synergie de préoccupations scientifiques, professionnelles mais aussi de revendications corporatistes, tant chez les médecins que chez les assureurs. Pour les premiers, la révolution pasteurienne, avec la conversion à la bactériologie et à l’immunologie, va justifier la revendication statutaire de la médecine consultante au cœur de la République et conforter le discours des intérêts corporatifs. La parution en juillet 1879 de l’hebdomadaire, Le Concours médical, journal de médecine et de chirurgie80 entend conjuguer information scientifique à l’intention des praticiens et défense des intérêts matériels de la profession en encourageant la constitution de premiers syndicats (1881), l’Union des syndicats médicaux (1884), la réforme de l’enseignement (sélection et qualification par un renforcement disciplinaire en physique et chimie notamment) et de l’exercice de la médecine débarrassé de l’officiat de santé81. Du côté des assureurs, L’Argus. Journal international des assurances82, fondé en mars 1877, se veut une publication d’informations professionnelles et scientifiques. Elle défend l’assurance libre et ses intermédiaires, les agents, contre toute forme de monopole d’État et valorise les initiatives visant à promouvoir l’assurance, en tant qu’organisation essentielle au cœur de l’économie et de la société.

  • 83 Créée par le docteur H. Bergeron, médecin des prisons de la Seine, fondateur de la collection « Tr (...)
  • 84 Lecuyer B.-P., « Médecins et observateurs sociaux : Les Annales d’hygiène publique et de médecine (...)
  • 85 Dumoulin L., « La médecine légale aux fondements de l’expertise judiciaire : de l’activité de méde (...)
  • 86 Brouardel P., « De la réforme des expertises médico-légales », Annales d’hygiène publique et de mé (...)
  • 87 Sur « la méthode qui doit présider aux recherches et suivant laquelle doivent être formulées les c (...)
  • 88 Brouardel P., « L’expertise médico-légale », art. cit., p. 526. Sur l’implication des médecins lég (...)
  • 89 Henri Napias est membre du Comité consultatif d’hygiène publique et du Conseil supérieur de l’Assi (...)

23La montée en puissance de l’expertise scientifique, notamment médicale, s’exprime grâce à la constitution d’associations, de sociétés savantes, comme la Société de médecine légale créée en 1868 et l’association internationale des médecins des compagnies d’assurances créée en 1901, dénommée « Association des médecins experts » et par la voie de revues médicales et juridiques, récentes comme la Revue de médecine légale et de jurisprudence médicale, créée en 189383, mais aussi beaucoup plus anciennes comme les Annales d’hygiène publique et de médecine légale (1829)84. Cette dernière, dans laquelle écrivent les médecins et professeurs spécialistes de médecine légale, informe ses lecteurs de l’ensemble des activités et travaux des congrès internationaux dès 1878 et des études et publications ayant trait à la médecine des accidents du travail. Faire reconnaître la médecine légale comme discipline à part entière, grâce à un enseignement spécifique dans le cadre d’un Institut de la faculté de médecine de Paris, et créer une « élite médico-légale », ayant une expérience scientifique et professionnelle, représente un gage de compétence vis-à-vis des magistrats et avocats85. Le certificat d’aptitude aux travaux médico-légaux86, reconnu par le décret du 22 juin 1903, doit faciliter l’impartialité du médecin-expert auprès des tribunaux, d’autant que « la loi du 9 avril 1898 a fait surgir [des] questions nouvelles que le médecin légiste seul peut trancher87 ». De plus, « les études de médecine légale, qui ont tant d’objets communs avec l’hygiène, ouvriront les portes des conseils d’hygiène et des commissions sanitaires à un grand nombre de ceux qui seront munis de ce nouveau titre88 », d’autant que les médecins se sont engagés pleinement dans la cause hygiénique, marquée dès 1877 par la création de la Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle, animée par le médecin Henri Napias89, qui en est le secrétaire général – le pastorien P. Brouardel en sera élu président en 1882 –, et Émile Vallin, professeur de médecine au Val de Grâce, directeur de la Revue d’hygiène (1879).

  • 90 Napias H., Manuel d’hygiène industrielle, Paris, Masson, 1882 ; Napias H., « L’inspection hygiéniq (...)
  • 91 Gauvin P., Manuel de l’inspecteur. Assurances contre l’incendie, 2 vol. , Paris, L’Argus, 1909 (3e(...)
  • 92 Moriceau C., « Les perceptions des risques au travail », Revue d’histoire moderne et contemporaine (...)
  • 93 Chantemesse A., Mosny E. (dir.), Hygiène industrielle, op. cit., p. 7-11.
  • 94 Lacassagne A., Précis de médecine légale, Paris, Masson, 1906, p. 464-467.
  • 95 Ministère du Travail, Maladies professionnelles. Étude technique sur leur assimilation aux acciden (...)

24Ces acteurs majeurs de la médecine légale et hygiéniste, auteurs de célèbres manuels et traités90, s’intéressent de près aux questions d’hygiène industrielle directement en rapport avec l’étude des risques industriels (explosion, incendie) dans les usines, manufactures et ateliers. Leurs études sur les conditions de salubrité, leurs observations de l’outillage mécanique, machines utilisées, mécanismes et produits utilisés et fabriqués, qui rejoignent celles des inspecteurs d’assurances91, ont été déterminantes dans l’élaboration de la loi du 12 juin 1893 sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels92. De plus les médecins experts attirent l’attention sur certaines pathologies, notamment les brûlures, dermatoses, infections microbiennes, intoxications professionnelles massives (plomb, phosphore, arsenic, mercure, cuivre, substances explosives : nitrates, chlorate, acide chlorhydrique, gaz sulfureux, vapeurs nitreuses, etc.), traumatismes de l’œil…, « auxquelles une jurisprudence extensive peut reconnaître et a reconnu dans certains cas, le caractère d’accidents du travail aux termes de la loi du 9 avril 189893 ». A. Lacassagne ne manque pas de souligner en 1906 que « tant qu’il n’y aura pas un risque professionnel visant les maladies ainsi que les accidents, l’ouvrier ne sera pas assez protégé94 ». À cet égard, A. Fontaine, rappelle que dès 1901, la commission d’hygiène industrielle avait mis à son ordre du jour « l’étude des maladies exclusivement engendrées ou nettement provoquées par un travail professionnel [et] l’établissement de la liste des industries susceptibles d’engendrer ou de provoquer ces maladies95 ». Le 5 décembre 1901, le Parlement invite en conséquence le gouvernement à constituer une commission extraparlementaire sur ces deux questions.

  • 96 Anatomiste pathologiste, J. Cruveilhier a succédé à G. Dupuytren à la chaire d’anatomie pathologiq (...)
  • 97 Remy Ch., Notice sur les titres et travaux scientifiques de M. le docteur Charles Rémy, Paris, Lah (...)

25À l’occasion de l’application de la loi de 1898, ces différents degrés d’expertise se sont conjugués grâce à un renforcement de la collaboration professionnelle entre médecins et assureurs, notamment autour du Recueil périodique/spécial des accidents du travail, revue de jurisprudence, de législation et de doctrine, créée en mai 1900 par le juriste M. Villetard de Prunières. À partir du mois d’août 1902, une partie médicale est adjointe à la revue, sous la direction de Charles Rémy, professeur agrégé à la faculté de médecine de Paris. Celui-ci fait partie du groupe constitué par l’assureur Alfred Mayen, qui préside depuis 1899 la réunion des assureurs contre les accidents du travail, afin d’élaborer les barèmes et tarifs. C. Rémy a fondé au laboratoire des cliniques de l’hôpital de la Charité (1878-1885), le premier enseignement pratique en France d’anatomie pathologique avec l’autopsie. Enfin, à partir de 1902, il commence dans l’amphithéâtre dédié à l’anatomiste Jean Cruveilhier96 – l’élève de Guillaume Dupuytren fondateur de l’école parisienne d’anatomie pathologique –, de l’École pratique de la faculté de médecine de Paris, le premier cours libre de chirurgie et de médecine légale sur les accidents du travail. Il vient combler le retard français en matière d’enseignement de la médecine des accidents du travail, « très développé à l’étranger sous l’impulsion des nécessités créées […] par l’application des lois ouvrières analogues à la nôtre97 ». Ses conférences insistent sur les notions insuffisamment définies selon lui, sur le plan médical, de « risque vital général » et « risque professionnel maladie » ainsi que d’« incapacités temporaires et permanentes » et sur « les moyens d’arriver à leur évaluation ». La complexité de ces questions le conduit à créer une Association médico-chirurgicale des accidents du travail, en mai 1906, qui a pour objet, grâce à des travaux scientifiques et statistiques, d’explorer les méthodes de traitement, l’évolution des conséquences directes des accidents, le rapport des maladies antérieures ou consécutives aux accidents… L’ensemble de ces travaux et questions soulevées dans les rapports qu’établissent les accidents entre corps médical, victimes, patrons ou assureurs et tribunaux, sont publiés dans le Bulletin médico-chirurgical des accidents du travail, fondé par Ch. Rémy et dont le premier volume paraît en 1908.

  • 98 Vibert Ch., « Affections cardio-aortiques et accidents du travail », Annales d’hygiène publique et (...)
  • 99 Mosny E., « Le traumatisme, la tuberculose et la loi sur les accidents du travail », Annales d’hyg (...)
  • 100 Vice-président de la Société de médecine légale de France, Ch. Vibert a publié de très nombreux tr (...)
  • 101 Duchauffour A., « Accidents du travail. Évaluation des invalidités permanentes d’après les concili (...)
  • 102 Périer Ch, « Sur l’estimation de l’invalidité après les accidents du travail », in Congrès interna (...)

26Avec les pathologies associées aux accidents du travail, les médecins et experts sont confrontés à des difficultés d’ordre divers, qu’elles relèvent de particularités cliniques, d’une étiologie douteuse, d’une incertitude de pronostic (relatif par exemple à la consolidation de la blessure). De plus certains points, tels que les « blessures par commotion », l’influence considérable dans certains cas « du traumatisme sur des tares organiques antérieures » (à titre d’exemple l’anévrisme aortique rompu à la suite d’un effort98, la tuberculose pulmonaire aggravée après une contusion thoracique99, la mort subite à l’occasion de blessures même légères dans le cas d’ouvriers atteints de certaines cardiopathies…), ou bien les questions relative à la « névrose ou hystéro-neurasthénie traumatique », sont insuffisamment connus des médecins. Charles Vibert, expert près le tribunal de la Seine, chef des travaux d’anatomie pathologique au laboratoire de médecine légale de la faculté de médecine de Paris, et dont les travaux font autorité en matière d’accidents du travail, ne manque pas de souligner l’utilité de publier « un plus grand nombre d’expertises médicales relatives aux accidents du travail dans le but d’uniformiser autant que possible les solutions proposées par les experts, et à faire disparaître les écarts considérables dans l’évaluation du préjudice causé par des blessures à peu près semblables100 ». Il est vrai, comme le souligne en 1912 Paul Reclus, professeur de clinique chirurgicale à la faculté de médecine de Paris, que la plupart des manuels, traités et dictionnaires de médecine légale qui mentionnent le taux de rentes viagères correspondant aux diverses invalidités, se fondent sur « les évaluations résultant des conciliations faites au tribunal de la Seine en 1902 et 1903 » mentionnées dans le Manuel de A. Duchauffour, viceprésident du tribunal de la Seine101. À la suite de ce recueil, qui porte sur plus d’un millier de cas analysés méthodiquement (nature des lésions, profession, réduction professionnelle, rente allouée et capital de rachat), Charles Périer, professeur agrégé de la faculté de médecine de Paris, chef du service médical de la compagnie de chemins de fer du Nord, ne manque pas d’insister sur ses insuffisances, notamment l’absence d’informations sur « l’histoire de la victime dans la période post-judiciaire » afin d’analyser et comprendre l’écart, quand il existe, entre les prévisions du médecin-expert et la situation réelle du blessé après le jugement. Or, selon lui, une statistique sur le « devenu » des indemnités et le suivi de « l’invalide renté », nécessiterait « des agences d’informations que seules les compagnies d’assurances […] semblent capables d’organiser ». En réalité, Périer souligne un point essentiel du débat en cours : « Une même infirmité chez deux individus différents n’entraîne pas nécessairement la même invalidité ». Dès lors « tout barème basé sur la nature de l’infirmité est illusoire102. »

  • 103 Doucet-Bon J., L’état antérieur dans les accidents du travail, thèse de médecine, faculté de médec (...)
  • 104 Brouardel P., « Influence de l’état de santé antérieur sur l’évolution des accidents du travail »,(...)
  • 105 C’est le cas du président du tribunal civil de Senlis, Paul Zeys, qui se fonde sur 2 200 arrêts et (...)
  • 106 Vibert Ch., Les Accidents du travail, op. cit., p. 35.
  • 107 Brouardel P., Les Blessures et les accidents du travail, op. cit., p. 329.

27Cette conception jurisprudentielle répond à la philosophie de la loi de 1898 de « l’indemnité transactionnelle et forfaitaire », et ne prend pas en compte « l’état antérieur », plus exactement « le bagage pathologique, personnel et héréditaire de chaque ouvrier », ce que plusieurs arrêts de la Cour de cassation confirment en relevant qu’il n’y a pas lieu de « tenir compte des prédispositions morbides dans les accidents du travail103 ». Bouardel prend soin de rappeler celui du 23 août 1902 : « la détermination de l’indemnité dépend du salaire effectif de l’ouvrier et des facultés de travail que lui laisse l’accident. L’état d’infirmité dans lequel la victime se trouvait avant l’accident importe peu au point de vue de la détermination de son état actuel104 », tout en soulignant que ce constat juridique ne convient pas sur le plan médical. Certains magistrats et médecins souhaitent la publication la plus complète possible des jugements des tribunaux et arrêts de cours d’appel et de la Cour de cassation, dont les évaluations n’ont pas donné lieu à conciliation associée aux raisons médicales qui légitiment le taux de rente alloué105. Si Vibert souhaite également que soit bien exposée « la part qui revient à la blessure et celle qui revient à la maladie antérieure106 », Brouardel quant à lui conseille aux médecins experts « bien que la loi sur les accidents du travail ne tienne pas compte de l’état antérieur du blessé [de] toujours indiquer les causes qui ont pu aggraver les conséquences des blessures107 ».

  • 108 Rémy Ch., « De l’état général comme facteur d’aggravation ou même de production d’accidents », et (...)
  • 109 Compte rendu du IVe congrès international des médecins experts des compagnies d’assurances, tenu à (...)

28De fait, l’évaluation, par les médecins, des incapacités, action essentielle pour l’assureur afin de calculer les indemnités, est fréquemment liée à l’état antérieur du blessé. Cette question de l’antériorité du blessé, ses prédispositions morbides héréditaires, ses « dyscrasies héréditaires ou acquises » (tuberculose, syphilis notamment), « ses diathèses, son bagage pathologique » (terrain arthritique, rhumatismal, diabétique…), qui peuvent compliquer, voire aggraver les conséquences de la lésion traumatique, fait l’objet de nombreuses publications108 et de thèmes traités dans les congrès médicaux des accidents du travail. En septembre 1906 à Berlin, le quatrième congrès international des médecins experts est consacré à la question de l’étiologie traumatique et des rapports des maladies et des accidents. De nombreuses questions n’ont pas encore de réponses assurées : faut-il évoquer par exemple la notion de prédisposition à la tuberculose plutôt qu’un risque d’exposition au danger ? Ce qui nécessiterait des moyens, des examens cliniques et des pratiques physico-chimiques d’investigation encore insuffisants. Les accidents en corrélation avec les maladies internes, qu’elles soient chroniques, constitutionnelles latentes (comme la tuberculose), en voie de développement (artériosclérose par exemple) ou à évolution insidieuse (cardiopathies, néphrites, sclérose en plaque, paralysie progressive, notamment) et qui peuvent les aggraver, posent la question de la recherche des symptômes les plus saillants de la genèse traumatique, la localisation de la lésion, l’ordre d’apparition des manifestations pathologiques. En quoi la marche des maladies internes résultant d’accidents diffère de celles des maladies ordinaires ? Cette évaluation par les médecins est primordiale pour le juge et l’assureur en charge du calcul des indemnités. C’est la raison pour laquelle Charles Rémy à la suite de communications de médecins allemands et notamment dans le cas où « l’affection interne et l’accident se sont combinés de telle sorte que tous deux ont provoqué les manifestations pathologiques constatées après l’accident », ce qui rend indispensable un calcul en pourcentages, de la part du sinistre et celle de la maladie interne, est favorable à une « évaluation isolée des conséquences de l’accident et ses conséquences des états antérieurs109 ».

  • 110 Voir le compte rendu de Ch. Rémy dans le Recueil spécial des accidents du travail, décembre 1907, (...)
  • 111 Dupré E., « Diagnose différentielle entre démence paralytique et les autres formes de démences acq (...)

29En octobre 1907, le 20e congrès français de chirurgie s’intéresse également à ces questions dans l’objectif de « concilier les droits de la clinique avec les exigences de la jurisprudence ». Un des thèmes à son ordre du jour, « des affections chirurgicales chroniques (tuberculose et cancer) dans leurs relations avec les accidents du travail », permet aux professeurs Paul Segond de la faculté de médecine Paris et Émile Jeanbrau de celle de Montpellier de souligner « qu’une violence extérieure et soudaine peut servir de prétexte (cause occasionnelle mais non déterminante) à l’éclosion d’une tumeur maligne110 ». Dans un autre domaine, et sans aborder l’étude des rapports du traumatisme et de la paralysie générale, les travaux du premier congrès international de psychiatrie et de neurologie tenue à Amsterdam en septembre 1907, évoquent grâce au rapport de E. Dupré, professeur à la faculté de médecine de Paris, « les difficultés pratiques que soulève maintes fois, surtout dans la médecine légale des accidents du travail, le diagnostic de la nature paralytique ou traumatique de la démence111 ».

  • 112 Ce que dénonce fréquemment la revue le Concours Médical, Lambert-Giachetti D., La Loi du 9 avril 1 (...)
  • 113 Poëls E., « Rapport de la commission du formulaire médical universel », Actes du 3e congrès intern (...)
  • 114 Bertaux S., La Médecine d’assurance et le contrat d’assurance vie. Étude historique, thèse de méde (...)

30S’il ne faut pas nier l’existence de rapports parfois conflictuels entre médecins spécialisés dans les pathologies liées aux accidents du travail et assureurs suspectés de vouloir trouver une tare dans les antécédents du blessé afin d’innocenter le traumatisme et faire ainsi diminuer la rente112, ces deux experts sont contraints en l’état des connaissances médicales et scientifiques de faire les calculs les plus précis possible du préjudice, des indemnités et de la rente. Ce qui nécessite un bilan de la santé antérieure, un état du traumatisme subi par le blessé et une estimation de ses conséquences pour la reprise de son travail. Le troisième congrès international des médecins des compagnies d’assurances qui s’est tenu à Paris en mai 1903113, a permis d’examiner le travail réalisé par une commission constituée dès septembre 1899, lors d’un premier congrès à Bruxelles, et qui a travaillé sous la direction de E. Poëls, médecin adjoint des hôpitaux de Bruxelles, à l’élaboration d’un formulaire médical (interrogatoire et examen clinique) pouvant être utilisé par toutes les compagnies d’assurances. Le modèle allemand en matière d’assurances accidents, référence incontournable pour les assureurs français, s’appuie alors sur trois types uniformes de rapports médicaux visant la situation lors de l’accident, durant la prolongation de ses suites et lors de la guérison. Si l’expertise médicale a pour objectif de connaître les « antécédents héréditaires » et « antécédents pathologiques », susceptibles d’aggraver l’effet d’un traumatisme (accident), ce que les médecins examinateurs nomment en assurance vie les « risques tarés », d’apprécier le genre de vie et les habitudes, l’examen clinique (organes et fonctions respectives) doit permettre une meilleure « interprétation de la lésion pathologique découverte et son influence sur la vitalité du sujet », afin de porter un diagnostic précis et un pronostic relatif à l’évolution de maladies. Il y a dans ce domaine une incontestable similitude entre l’objectif du médecin expert (médico-légal) et celui du médecin examinateur (expertise assurantielle). Ce qui se traduit par des interrogations, observations et examens afin de poser des « diagnostics prévisionnels ». Le formulaire a donc pour objectif de renseigner non seulement sur l’identité précise (âge, métiers…), mais surtout sur les « antécédents héréditaires », le genre de vie et les habitudes. Tenter de circonscrire les pathologies antérieures susceptibles d’aggraver l’effet d’un traumatisme (accident), de mieux juguler les risques tarés, comme dans le cas des assurances vie, représente un des fondements de la science des assurances114 mais aussi de la médecine du travail naissante.

  • 115 Sachet A., Traité théorique et pratique de la législation des accidents du travail, Paris, L. Laro (...)

31Les années 1905-1910 marquent ainsi un tournant dans la construction d’une tarification des corps. La recherche de critères rationnels pour l’établissement de tarifs d’incapacités temporaires illustre deux approches juridiques et médicales, qui ont du mal à se coordonner, en raison de critères différents d’analyse, parfois même opposés. Cette difficulté révèle aussi une interrogation précoce sur les insuffisances de la loi en la matière, à tout le moins sur les critères à retenir pour son application. Si les travaux des juristes Adrien Sachet115 et Duchauffour excluent de la définition des accidents du travail (action soudaine et violente d’une cause extérieure ayant provoqué une lésion à l’organisme) tout état morbide en rapport avec une situation antérieure et une très grande majorité des intoxications d’origines professionnelles, les médecins, experts médico-légaux, n’hésitent pas quant à eux à mettre en doute la rigidité de cette conception, dont la logique s’exprime essentiellement par un objectif de conciliation entre le salarié et le patron afin d’éviter toute judiciarisation des accidents du travail et faciliter une rapide reprise du travail.

  • 116 Reclus P., préface à l’ouvrage de Reys P., La Valeur du corps humain devant les tribunaux…, Paris, (...)
  • 117 Professeur à la faculté de médecine de Paris, L. Thoinot s’est fait connaître par son analyse déta (...)
  • 118 Imbert L., Oddo C., Chavernac P., Guide de l’évaluation des incapacités, Paris, Masson, 1913, p. 4 (...)

32Le professeur de médecine Paul Reclus116 va plus loin que son collègue Brouardel, lorsqu’il souligne que non seulement la « définition d’origine de l’accident du travail est équivoque », mais que des auteurs aussi éminents que l’assureur Marestaing, le juriste Sachet et le médecin L. Thoinot117 qui ont une forte influence auprès des magistrats et des experts, ont entretenu « une insupportable confusion », car le mot « accident » s’applique aussi bien à la lésion elle-même qu’à la cause de la lésion ». Enfin la question de « l’évaluation des incapacités », notamment la difficulté d’apprécier les incapacités permanentes, au regard des incapacités totales (perte totale de la vision ou de deux membres par exemple), est soumise également à de vives discussions, puisque « la loi de 1898 ne reconnaît pas de degrés dans l’incapacité temporaire tandis qu’elle en prévoit dans l’incapacité permanente ». Le fossé entre le « juridique » et le « médical » se renouvelle de fait avec la notion de « consolidation », qui consiste dans la première acception du terme à fixer une date (arrêt des soins, reprise du travail), alors qu’il est fréquemment « impossible de le faire médicalement » (une fracture peut prendre plusieurs mois à se consolider, de même que la réparation des tissus blessés, qui peut aussi générer des modifications anatomiques). Dès lors, la prolongation de l’incapacité temporaire en raison de l’absence de consolidation interdit à l’ouvrier de retravailler, alors qu’il pourrait être employé dans un autre métier118.

  • 119 Rémy Ch., L’évolution des incapacités permanentes basées sur la physiologie des fonctions ouvrière (...)
  • 120 Ch. Rémy a commencé en 1906 avec la collaboration d’assureurs, d’ingénieurs et d’ouvriers une rece (...)
  • 121 Brouardel P., Les Blessures et les accidents du travail, op. cit., p. VI.
  • 122 Clinicien formé aux questions d’hygiène par son oncle Paul Brouardel, G. Brouardel est membre du C (...)
  • 123 Professeur de physique médicale à la faculté de médecine de Montpellier, A. Imbert a été quotidien (...)

33Cette querelle fait ressortir en creux l’apparition d’une médecine plus spécialement centrée sur la santé au travail, moins dépendante d’une recherche d’un classement rationnel des lésions avec leurs conséquences fonctionnelles suivant la spécialité de l’ouvrier, tel que Rémy l’avait envisagé119 à la suite des travaux étrangers qui ont été regroupés dans le Wiener Schema et le recueil des décisions du Reichs-Versicherungsamt120. Au regard du constat de Brouardel, « suivant les professions et les aptitudes intellectuelles, la même infirmité a des conséquences toutes différentes […], et j’ai eu souvent comme expert une véritable anxiété quand j’ai dû taxer le taux d’indemnité121 », les médecins experts se contentent durant les années 1900-1914, de se fonder sur un ensemble de pathologies traumatiques décrites par le professeur Georges Brouardel122, sous la forme de tableaux et qui fixent une échelle d’invalidités, déclinées selon quatre grandes catégories professionnelles (journaliers, professions utilisant surtout les membres inférieurs ou supérieurs et ouvriers d’art). Toutefois, le débat qui s’engage durant ces années au sein du corps médical français, déplace peu à peu la stricte approche d’une tarification des corps ; vers le champ de la physiologie et de la médecine du travail, sur lequel portent les travaux du professeur Armand Imbert123. C’est incontestablement dans ce contexte porteur que les expertises médico-légales et actuarielles ont participé, chacune dans leur domaine respectif, à une prise de conscience de la santé au travail et à la naissance d’une médecine du travail.

Notes

1 On se référera aux travaux sur l’histoire des accidents du travail (1975-1985) réalisés dans le cadre du Centre de recherche d’histoire économique et sociale de la faculté de droit et des sciences politiques de Nantes, autour de Philippe-Jean Hesse, qui a dirigé la revue semestrielle du CRHES, Histoire des accidents du travail (1975-1985). La revue est composée d’études et de documents sur l’histoire des accidents du travail, de leur réparation et prévention, de nombreuses fiches de lectures relatives aux ouvrages analysés et d’une abondante iconographie.

2 Se reporter notamment à la première journée d’études consacrée à La réparation des accidents du travail. Pratiques et acteurs XIXe-XXe siècles, France-Belgique, organisée le 15 décembre 2014 par le Centre d’histoire judiciaire de l’université Lille 2, dans le cadre du projet scientifique « Accidents du travail et droit social. Approche historique comparée France-Belgique. Logiques juridiques et pratiques judiciaires », les actes de cette journée sont à paraître dans la Revue du Nord en 2016.

3 Déjà à la fin des années 1990, la revue Entreprises et Histoire, no 17, 1997, avait abordé la question de « La sécurité dans l’industrie ». Beaucoup plus récemment, sous la direction de Thomas Le Roux, Le Mouvement social consacre son numéro d’octobre-décembre 2014 à « L’émergence du risque industriel (France, Grande-Bretagne, XVIIIe-XIXe siècles) ». Paul-André Rosental et Catherine Omnès, ont coordonné, quant à eux, le numéro de la Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 56-1, 2009, sur « Les maladies professionnelles : genèse d’une question sociale (XIXe-XXe siècles) », à compléter avec le numéro du Journal of Modern European History, vol. 7, 2009, coordonné par P.-A. Rosental, consacré à « Health and Safety at Work. À Transnational History ».

4 Bruno A.-S., Geerkens E., Hatzelfd N., Omnes C., « La santé au travail. Regards comparatistes sur l’historiographie récente », in Bruno A.-S., Geerkens E., Hatzelfd N., Omnes C. (dir.), La Santé au travail, entre savoirs et pouvoirs (XIXe-XXe), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 13-40 ; Rainhorn J. (dir.), Santé et Travail à la mine XIXe-XXIe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014.

5 Brouardel P., Les Blessures et les accidents du travail, cours de médecine légale de la faculté de médecine de Paris, Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1906, p. 306.

6 Ibid., p. 387.

7 De 1901 à 1910, les chiffres des rapports ministériels sur les accidents du travail, parus au Journal Officiel, montrent que la masse des salaires assurés (industries et entreprises commerciales) passe de 2,8 à 6,2 milliards de francs ; le règlement des sinistres (indemnités journalières, capitaux constitutifs de rentes, réserves complémentaires et frais médicaux) est multiplié par 2 (43,5 à 85,4 millions de 1901 à 1907). Le nombre d’incapacités permanentes partielles (accidents du travail judiciairement réglés) est multiplié par 6 entre 1900 et 1909 (26 985 IPP en 1908 contre 4 842 en 1900) et les frais médicaux passent de 5,4 à 16,9 millions de francs entre 1901 à 1910. L’ensemble des dépenses (y compris les frais de gestion, commissions et frais judiciaires) représentent en 1907, 107 millions de francs contre 98 millions de primes encaissés. Huit ans après la loi de 1898, la plupart des sociétés d’assurances privées n’équilibrent pas la gestion de la branche accidents du travail.

8 Sur l’expertise dans un cadre international et transnational, plusieurs champs d’enquêtes ont été récemment explorés par Lengwiler M., « Politics Through the Back Door : Experts Knowledge in International Welfare Organisation » et Moses J., « Contesting Risk : Specialist Knowledge and Workplace Accidents in Britain, Germany and Italy, 1870-1920 », in Brückweh K., Schumann D., Wetzell R. F., Ziemann B. E. (dir.) Engineering Society: The Role of the Human and Social Sciences in Modern Societies 1880-1980, Houdmills, Basingstoke, Hampshire, New York, Palgrave, 2012, p. 59-78 et 79-96. Voir aussi Moses J., « Policy Communities and Exchanges across Borders. The Case of Workplace Accidents at the Turn of the Twentieth Century », in Rodogno D., Struck B., Vogel J. (dir.), Shaping the Transnational Sphere. Expert, Networks and Issues from the 1840s to 1930s, New York/Oxford, Berghahn, 2014, p. 60-81.

9 Les sources des statistiques accidents sont au nombre de trois. Outre celles des entreprises d’assurances spécialisées dans ce type de risque, il est possible de se référer d’une part à celles dressées par l’autorité judiciaire d’après les ordonnances et jugements rendus (art. 16 de la loi), centralisés aux Parquets des Cours d’appel et transmis au ministère du Commerce puis du Travail, qui paraissent chaque trimestre au Bulletin de l’Office du travail, d’autre part les statistiques dressées par l’Inspection du travail d’après les déclarations d’accidents de travail fournies en vertu de la loi du 12 juin 1893 sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs. Ces dernières statistiques sont publiées dans le Bulletin de l’Inspection du travail et de l’hygiène industrielle.

10 Le Comité est présidé par le député Louis Ricard, juriste, président de la commission d’assurance et de prévoyance sociales de la Chambre des députés et rapporteur de la loi de 1898, Archives du Centre des archives économiques et financières (ACAEF), B – 0062328/1, Comité consultatif contre les accidents du travail, procès-verbaux des séances, 1899-1905, à compléter avec Archives nationales (AN), F22 317, Comité consultatif des assurances contre les accidents du travail, pour la période 1899-1901.

11 C. Lyon-Caen est avec E.-E. Thaller le spécialiste reconnu du droit commercial. Il est en 1904, le rapporteur général de la commission chargée d’étudier les dispositions législatives auxquelles pourront être soumis les contrats d’assurance.

12 Le contrat d’assurance collective permet à l’ouvrier victime d’un accident de recevoir « une indemnité proportionnelle à la gravité de l’accident et à l’importance de son salaire. En cas de mort l’indemnité est servie à sa veuve ou à ses héritiers (capital ou rente viagère). La compagnie, en échange, perçoit une prime proportionnelle aux salaires payés par le chef d’industrie par l’intermédiaire duquel le contrat est souscrit », Lecouturier E., « Assurance collective », in Baumgartner E. (dir.), Encyclopédie des assurances. Répertoire raisonné des questions de doctrine, de jurisprudence, de législation, de science en matière d’assurance en général, Paris, A. Fontemoing, 1899, t. I, p. 349-418.

13 Instituée par la loi du 10 juin 1850, la caisse sert les rentes aux ouvriers victimes d’accidents ayant entraîné une incapacité permanente ou la mort, Caisse nationale des retraites pour la vieillesse. Tarif au taux 3¾ % d’après la table de mortalité, Paris, Impr. nationale, 1887. L. Fontaine, polytechnicien et membre de l’IAF, devient par la suite l’actuaire de la Caisse des dépôts et consignations.

14 Introduction aux Tables mortalité du Comité des compagnies d’assurances à primes fixes sur la vie (compagnie d’assurances générales, Union, Nationale et Phénix), Paris, Gauthier-Villars et Fils, 1895.

15 H. Charlon est le fondateur des cours publics et gratuits, dits de la mairie Drouot (9e arrondissement), de finances, mathématiques, comptabilité, etc., et du Journal des actuaires français. Très proche de Paul Guieysse, polytechnicien et actuaire de la compagnie l’Union, H. Laurent, polytechnicien, devient vice-président de l’IAF en 1902. Bru M.-F., Bru B., Eid S., « Une introduction analytique à la Théorie analytique. Hermann Laurent (1873) », Journ@l électronique d’histoire des probabilités et de la statistique/Electronic Journ@l for History of Probability and Statistics, vol. 8, décembre 2012, p. 6 et 20-21, sur le site [www.jehps.net].

16 Dormoy E., Théorie des assurances sur la vie, Paris, Gauthier-Villars, 1878 (2 vol. ). Ce polytechnicien, ingénieur en chef des mines, a été en poste à Valenciennes et à ce titre a écrit de nombreux ouvrages sur la législation des mines en France, sur le bassin houiller et la législation comparée.

17 Ces tables ont fait l’objet d’une présentation en 1889, Exposition universelle de 1889. Economie sociale, section VII, Table de mortalité exposée par les quatre compagnies du Comité… Table de mortalité des rentiers viagers…, Table de mortalité des assurés en cas décès…, Paris, Imp de Jousset, 1889.

18 Présentation des tables par Bellom M., « Les tables de mortalité (1900) des rentiers et des assurés en cas de vie… », Bulletin de l’Institut des actuaires français, no 55, décembre 1903, p. 249 et suiv. Se référer aussi à la présentation des Tables de mortalité du Comité des compagnies d’assurances à primes fixes sur la vie, Paris, Gauthier-Villars, 1895.

19 Voir à cet égard, les observations d’un actuaire, ancien inspecteur du travail et commissaire contrôleur des sociétés d’assurances contre les accidents du travail, Razous P., « De la mortalité et de la morbidité des professions dangereuses », thèse pour l’obtention du titre de membre agrégé de l’IAF (juin 1903), Bulletin de l’Institut des actuaires français, no 56, mars 1904, p. 43-106.

20 ACAEF, B – 0062328/1, Séance du Comité consultatif du 9 mars 1899.

21 « La loi du 9 avril 1898 a prévu dans son article 28 pour le versement à la Caisse nationale des retraites du capital représentatif des pensions dues par les chefs d’entreprise ou les assureurs l’établissement d’un tarif spécial tenant compte de la mortalité des victimes d’accidents et de leurs ayants droit », Ministère du Commerce. Direction de l’assurance et de la prévoyance sociales, Tables de mortalité et de tarifs établis par la caisse nationale des retraites pour l’exécution de la loi du 9 avril 1898, Paris, Imp. nationale, 1902.

22 Le polytechnicien L. Weber, membre du Conseil supérieur de la statistique depuis 1901, est l’auteur de nombreux travaux sur les assurances ouvrières et statistiques accidents, publiés dans le cadre de l’Office du travail et de l’IAF.

23 Marie L., « Note sur une table de mortalité, dressée d’après les observations faites sur les agents retraités prématurément des grandes compagnies de chemins de fer », Bulletin de l’Institut des actuaires français, no 35, janvier 1899, p. 15-16. Polytechnicien, L. Marie a été aussi le rapporteur de la commission de comptabilité statistique et financière des sociétés de secours mutuels et l’auteur du traité Mathématiques et pratiques des opérations financières, Paris, Gauthier-Villars, 1890.

24 Marie L., Tables de mortalité dressées d’après les observations faites sur les agents retraités prématurément des grandes compagnies françaises de chemins de fer, Paris, 1898. Les observations sont réalisées en prenant en compte des invalides du même âge, atteint d’invalidité au même âge.

25 La loi du 1er avril 1898 relative aux sociétés de secours mutuels instaure un contrôle technique de l’État en vue de garantir la sécurité des adhérents (retraite). La loi prescrit l’établissement des tables de mortalité et de morbidité qui manquent encore à la mutualité française.

26 Caisse nationale de retraites pour la vieillesse, Note sur la constitution des contrats passés avec la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, par application de l’article 28 de la loi du 9 avril 1898, concernant la responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, Bar-le-Duc, Constant Laguerre, 1900, p. VI-VII.

27 ACAEF, B – 0062328/1, Séance du Comité consultatif du 9 mars 1899. Le capital constitutif servant à payer la pension s’avère insuffisant pour subvenir aux pensions des ayants droit de la victime en cas de décès de la victime d’accident du travail dans les trois ans.

28 Ibid., Séance du Comité consultatif du 15 mars 1899.

29 Maurice Bellom souligne l’intérêt des caisses minières de Haute-Silésie qui dressent annuellement, excepté la morbidité par âge, la morbidité par profession, par sexe, et par nature de maladies, voir ses observations sur « La statistique de morbidité en Allemagne », Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques, no 1, 1891, p. 199-205.

30 There C., « Morbidité et mortalité professionnelle au XVIIIe siècle », in Association internationale des démographes de langue française, Morbidité, mortalité : problèmes de mesure, facteurs d’évolution, essai de prospective, no 8, (actes du colloque international à Sinaia, 2 au 6 septembre 1996), Paris, Presses universitaires de France, 1998, p. 267-268.

31 Daric J., « Mortalité, profession et situation sociale », Population, 4e série, no 4, 1949, p. 675-676.

32 Tabah L., « La mortalité sociale : enquête nouvelle en Angleterre », Population, 1re année, no 1, 1955, p. 57-78 ; Schweber L., « Controverses et styles de raisonnement. Débats sur la statistique de population au XIXe siècle en France et en Angleterre », Enquête, 5, 1997 [http://enquete.revues.org/1113].

33 Bertillon J., De la morbidité et de la mortalité par professions, Paris, Impr. Municipale, 1891. J. Bertillon est membre du Conseil supérieur de la statistique de Paris et du Comité consultatif d’hygiène publique de France.

34 Chantemesse A., Mosny E. (dir.), Traité d’hygiène, Paris, Librairie Baillière et Fils, 1908, p. 7-11. Le tome VII, a été rédigé par Leclerc de Pulligny, ingénieur des Ponts, secrétaire du Comité des arts et manufactures et de la commission d’hygiène industrielle au ministère du Travail, Boulin, inspecteur du Travail, Courtois-Suffit, médecin en chef des manufactures de l’État, Lévy-Sirugue, médecin, ancien interne et par Courmont, professeur de médecine à la faculté de Lyon.

35 Ibid., p. 13, sur le difficile rapport des sociétés de secours mutuels aux statistiques, Marec Y., « Institutions sociales et statistiques en France à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle », in Marec Y., Vers une République sociale. Un itinéraire d’historien, Mont Saint-Aignan, Presses de l’université de Rouen et du Havre, 2009, p. 116-118.

36 Quiquet A., Rapport définitif sur les travaux organisés par la commission des tables de mortalité des sociétés de secours mutuels de 1899 à 1910 et sur leurs résultats, Paris, Impr. nationale, 1911. A. Quiquet, mathématicien et normalien, a régulièrement participé aux congrès internationaux des actuaires et aux congrès des mathématiques. Il est le rédacteur de l’ouvrage Le Calcul des probabilités (Paris, Gauthier Villars, 1896, rééd., 1912), cours professé par le mathématicien H. Poincaré, professeur à la Sorbonne depuis 1886.

37 Les compétences du polytechnicien Alfred Barriol, membre de l’IAF depuis 1902, en matière de mathématiques financières et actuarielles sont reconnues. Il est l’auteur de Théorie et pratiques des opérations financières, (Paris, Doin, 1908, rééd. en 1914), qui a formé des générations d’étudiants et d’assureurs.

38 Gagnon M.-A., « Les réseaux de l’internationalisme statistique (1885-1914) », in Beaud J.-P., Prévost G. (dir.), L’Ère du chiffre/The Age of Numbers. Systèmes statistiques et traditions nationales/Statistical Systems and National Traditions, Montréal, Presses de l’université de Québec, 2000, p. 189-220.

39 Armatte M., Desrosières A. (dir.), « 150e anniversaire de la Société de statistique de Paris », Journal électronique d’histoire des probabilités et de la statistique/Electronic Journal for History of Probability and Statistics, vol. 6, no 2, 2010, en ligne sur [www.jehps.net], précisément Cusso R., « Quantification internationale à la lumière de la SSP » [www.jehps.net/Decembre2010/Cusso.pdf] ; Aldrich J., « Tale of two Societies – Paris, London 1860-1940 » [www.jehps.net/Decembre2010/Aldrish.pdf].

40 J. Leclerc de Pulligny, polytechnicien, délégué de l’Office du travail à partir de septembre 1893, secrétaire puis rédacteur en chef de son Bulletin (1895-1898), devient en 1902 secrétaires du Comité consultatif des arts et manufactures.

41 Luciani J., Salais R., « Matériaux pour la naissance d’une institution : l’Office du travail 1890-1900 », Genèses, 2, déc. 1990, p. 100-107 ; Luciani J., « Enquête sur les salaires et la durée du travail », in Luciani J. (dir.), Histoire de l’Office du travail, Paris, Syros, 1992, p. 145-171 et Lespinet-Moret I., L’Office du travail 1891-1914. La République et la réforme sociale, Paris, Presses universitaires de Rennes, 2007.

42 Bellom M., Les lois d’assurance ouvrière à l’étranger. t. II, Assurance contre les accidents, Paris, A. Rousseau, 1895-1896. Son auteur y réserve une place importante à la législation allemande, source de référence et de débats. Ses approches juridique, statistique et sociologique des questions sociales ont permis à M. Bellom de définir « le rôle économique et social de l’ingénieur », Savoye A., Audren F., Naissance de l’ingénieur social. Les ingénieurs des mines et la science sociale au XIXe siècle, Paris, Presse de l’École des mines, 2008, p. 308-332.

43 Étude statistique des accidents du travail d’après les rapports officiels sur l’assurance obligatoire en Allemagne et en Autriche, Fascicule I des Notices et Comptes rendus de l’Office du travail, Paris, Impr. nat., 1892 ; Résultats financiers de l’assurance obligatoire contre les accidents du travail en Allemagne et en Autriche, Fascicule II des Notices et comptes rendus de l’Office du travail, Paris, Impr. nat., 1892 et Étude sur les derniers résultats des assurances sociales en Allemagne et en Autriche, t. I : Accidents, Paris, Impr. nat., 1894.

44 Weber L., Bases statistiques de l’assurance contre les accidents d’après les résultats de l’assurance obligatoire en Allemagne et en Autriche, Paris, ministère du Commerce, Office du travail, Impr. nat., 1899.

45 Les congrès internationaux des accidents du travail des années 1890-1900 sont fortement marqués par les travaux statistiques dirigés par le docteur Bödiker, président de l’Office impérial des assurances, Bödiker T., Die Arbeitversichirerung in den Europäischen Staaten, Leipzig, Dunckert & Humbolt, 1895.

46 Soubiran-Paillet F., « Parlement, administrateurs et experts (1900-1914). Le discours de la compétence », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 93, 2007, p. 154-155.

47 H. Marestaing a établi les premières statistiques de cette combinaison d’assurance qui introduit en cas d’accidents dus au « risque professionnel », le règlement par l’assureur d’indemnités « contractuelles » proportionnées à leurs conséquences (en cas de mort, d’infirmités plus ou moins graves et/ou d’incapacités temporaires de travail). Philanthrope, proche des cercles Leplaysiens, il a participé aux travaux qui ont permis de définir le risque professionnel, Marestaing H., « Définition des accidents du travail dans divers pays, caractères distinctifs de ces accidents et des incapacités qui en résultent », in Congrès international des accidents du travail, (9 au 14 septembre 1889), Paris, Évreux, impr. de C. Hérissey, 1889, p. 134-136.

48 Journal des assurances. Législation, jurisprudence, sociétés, statistique, janvier-juin 1891, p. 143-146.

49 Marestaing H., « La statistique des accidents », in Congrès international des accidents du travail, (21 au 26 septembre 1891), Rapports et Procès-verbaux (2e session), Berne, Imp. K. Staempfli & Cie, 1891, p. 632-634.

50 Sur l’évolution de la loi entre 1898 et 1905, Paulet G., « Les assurances sociales en France. Rapports aux congrès internationaux des accidents du travail et des assurances sociales », in Recueil des documents sur la prévoyance sociale, réunis par le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, Paris/Nancy, Berger-Levrault & Cie, 1909, p. 3-56.

51 Mayen A., « L’assurance privée contre les accidents en France », in Congrès international des accidents du travail et des assurances sociales, 7e session, (17 au 23 septembre 1905), vol. II, Vienne, E. M. Engel, p. 299-303.

52 Octave Keller fait de « la Statistique de l’industrie minérale […] un observatoire de la conjoncture, mais aussi un instrument d’analyse structurelle et prospective ». Escudier J.-L., « Les ingénieurs des mines et la protection sociale des ouvriers mineurs », in Garçon A.-F., Belhoste B. (dir.), Les Ingénieurs de Mines : cultures, pouvoirs, pratiques, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2012, p. 249-250.

53 Keller O., « Divisions des accidents du travail en accidents individuels et accidents collectifs. Résultats statistiques pour les mines et les appareils à vapeur », Journal de la société de statistique de Paris, no 4, avril 1893, p. 113-115 ; Conus M.-F., Escudier J.-L., « Les transformations d’une mesure : la statistique des accidents dans les mines de charbon en France 1833-1988 », Histoire & Mesure, no 12, 1997, p. 37-68.

54 O. Keller, vice-président de la Société statistique de Paris, est intervenu au congrès international des accidents du travail à Paris, dans le cadre de l’Exposition universelle de 1889, Keller O., Définition et statistique des accidents, I. Statistique des accidents du travail, II., Éléments du prix de revient de l’assurance, Évreux, Herrisey, 1889 ; Keller O., Conditions d’une statistique rationnelle des accidents du travail, Paris, K. Stoempfli, 1891.

55 Bellom M., « Note sur la statistique des accidents dans les mines allemandes », in Annales des mines, xviii, 1890, p. 439 et suiv. ; Bellom M., « Note sur la statistique de l’assurance contre les accidents dans les mines allemandes », Journal de la société statistique de Paris, t. 39, 1898, p. 23-31.

56 Bellom. M., art. cit., p. 468 et suiv.

57 Derosières A., « Séries longues et convention d’équivalence », Genèses, no 9, 1992, p. 93-95.

58 Viet V., Les Voltigeurs de la République. L’inspection du travail en France jusqu’à 1914, Paris, CNRS, 1994, 2 vol. 

59 Chatriot A., « L’histoire politique de la difficile codification de la législation industrielle : travail, intellectuel, administratif et politique », in Chatriot A., Hodern F., Tuffery-Andrieu J.-M. (dir.), La Codification du travail sous la IIIe République. Élaboration doctrinale, techniques juridiques et réalités sociales, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 81-100 ; F. Hodern, « Codification ou compilation ? Autour de la naissance du Code du travail », in Luciani J. (dir.), Histoire de l’Office du travail, op. cit., p. 247-257.

60 Desrosières A., « Séries longues… », art. cit.

61 Elle donne lieu à de nombreuses analyses juridiques et techniques très fouillées, parmi lesquelles : Pic P., « Étude critique de la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail », Revue d’économie politique, vol. 12, 1898, p. 497-521 et 573-597. P. Pic, professeur à la faculté de droit et à l’École supérieure de commerce de Lyon, fut un des premiers à dégager avec quelques autres spécialistes de la doctrine civiliste, la spécificité de la législation industrielle puis à enseigner à Lyon de 1895 à 1932, la législation et l’économie industrielle. Auteur du Traité élémentaire de législation industrielle, Paris, 1894, il fonde en 1901, avec Justin Godart, la revue Questions pratiques de législation ouvrière et d’économie sociale ; Hakim N., « La science de la question sociale de Paul Pic », in Hakim N., Mellery F. (dir.), Le Renouveau de la doctrine française. Les grands auteurs de la pensée juridique au tournant du XXe siècle, Paris, Dalloz, 2009, p. 123-151.

62 Pagot E., « Les polices en cours et la loi sur les accidents du travail du 9 avril 1898 », Revue internationale des assurances. Doctrine – Droit – Jurisprudence – Science, t. 2, fasc. no 6, 1898, p. 712-719 ; Bellom M., « La loi sur les accidents du travail et les difficultés présentes », Revue politique et parlementaire, t. XXI, no 61, 1899, p. 59-91.

63 Voir la circulaire d’H. Marestaing adressée aux agents généraux de La Préservatrice accidents, dans L’Argus. Journal international des assurances, 27 mars 1898, p. 210.

64 Quelle que soit la forme juridique mutuelle ou société commerciale, « c’est toujours la mutualité des assurés qui, sous le nom de cotisation ou de prime, fournit le capital servant à payer les indemnités », Capitant H., Cuche P., Cours de législation industrielle, Paris, Dalloz, 1921 (2e éd.), p. 434.

65 Premier congrès international des médecins des compagnies d’assurances, Rapports et procès-verbaux des séances, Bruxelles, Imp. Bruylant & Cie, 1899.

66 P. Brouardel est un acteur essentiel de la « médicalisation de l’État » et de la lutte antituberculeuse. Il est à l’origine de la loi du 15 février 1902 sur la protection de la santé publique. Il fait partie de droit du Comité de direction des services d’hygiène, avec le directeur de l’Assistance publique et l’inspecteur général des services sanitaires, Leonard J., « La médicalisation de l’État : l’exemple des premières décennies de la IIIe République », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. 86, no 2, 1979, p. 317 ; Lacassagne A., Paul Brouardel : l’homme, le professeur, l’expert, Paris, Masson, 1906.

67 A. Lacassagne est le chef de file de l’école lyonnaise du « milieu social », réputé pour son approche sociologique et sa volonté de donner un fondement scientifique aux décisions judiciaires afin de bannir l’arbitraire de tout jugement, Renneville M., « Alexandre Lacassagne (1843-1924), un médecin anthropologue face à la criminalité », Gradhiva, no 17, 1995, p. 127-140.

68 G. Hamon, est professeur titulaire d’un cours d’assurances ouvert en 1886 par l’Institut commercial de Paris. En 1893, son enseignement est étendu aux élèves des classes normales supérieures et agréé par l’État, voir sa communication sur l’enseignement des institutions de prévoyance parue dans les actes du Ier congrès international d’actuaires, Bruxelles, 2 au 6 septembre 1895, Bruxelles, 1896.

69 Au début du XXe siècle, il existe deux autres écoles professionnelles : l’Institut des finances et des assurances (1887), qui forme aux examens de l’actuariat et l’École de législation professionnelle (1905), qui dépend au début des années 1930 de la chambre de commerce de Paris.

70 Se référer aux articles 1, 2 et 4 des statuts de l’Association internationale des médecins des compagnies d’assurances, publiés dans les actes du 3e congrès international des médecins des compagnies d’assurances (Paris, 25 au 28 mai 1903), Paris, Masson, 1903. Le congrès de Paris est consacré aux assurances vie, celui de Berlin en 1906, qui a pour thème les assurances accidents, oriente une partie de ses sessions sur le problème de l’aggravation des maladies au cours ou par suite d’accidents.

71 Voir les actes du 3e congrès international d’actuaires (Paris, 25 au 30 juin 1900, Palais de l’économie sociale et du congrès de l’Exposition universelle), Paris, Librairie des assurances, L. Dulag, 1901.

72 Ibid., p. 1020-1022 (observations conclusives de M. Weber).

73 Ce congrès se réunit deux autres fois avant la Grande Guerre, à Rome en 1909 puis à Düsseldorf en 1912.

74 Jacques Bertillon construit dès 1891 au sein de l’Institut international de la statistique cette nomenclature des maladies. Une version nouvelle est adoptée au sein de l’ISS en 1899, voir « Trois projets de nomenclature des maladies… », Bulletin de l’Institut international de statistique, t. VIII, 1895, p. 304-328.

75 L’IAF créé le 30 mai 1890 et reconnu d’utilité publique par décret du 30 octobre 1896, est ainsi représenté par deux ou trois membres agrégés selon le cas au sein du Comité consultatif des accidents du travail, du Conseil supérieur des sociétés de secours mutuels, du Comité consultatif des chemins de fer, du Conseil supérieur des habitations à bon marché, et de la commission consultative des caisses syndicales et patronales, Cheysson A., « Rapport sur la demande de subvention formée par l’Institut des actuaires français », Bulletin de l’IAF, 1899, p. 45-46.

76 Derosieres A., « La statistique, outil de gouvernement et outil de preuve », inDesrosieres A., Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I., Paris, Presses des mines, 2008, p. 7-20.

77 Ihl O., Kaluszynski M., Pollet G., « Pour une socio-histoire des sciences de gouvernement », in Ihl O., Kaluszynski M., Pollet G. (dir.), Les sciences de gouvernement, Paris, Economica, 2003, p. 1-21.

78 Lengwiler M., « Technologies of Trust: Actuarial Theory, Insurance Sciences, and the Establishment of the Welfare State in Germany and Switzerland around 1900 », Information and Organization, no 13, 2003, p. 131-150.

79 Chauvaud F., Les Experts du crime. La médecine légale en France au XIXe siècle, Paris, Aubier, 2000 et Meneteau S., L’Autopsie judiciaire. Histoire d’une pratique ordinaire au XIXe siècle, Rennes, Presses universitaire de Rennes, 2013, p. 25-70.

80 Leonard J., « Les débuts du “Concours médical” », Histoire des sciences médicales, revue de la SFHM, 1981, p. 453-458 et Damamme D., « La jeunesse des syndicats de médecins », Genèses, no 3, 1991, p. 31-54.

81 Brouardel P., La Profession médicale au commencement du XXe siècle, Paris, Baillière, 1903.

82 Paul Lagrange, publiciste et financier, fondateur et directeur de L’Argus, rend compte régulièrement surtout durant les années 1890-1914, de l’ensemble des congrès internationaux (accidents du travail, actuaires et médecine, etc.).

83 Créée par le docteur H. Bergeron, médecin des prisons de la Seine, fondateur de la collection « Travaux de médecine légale et de jurisprudence médicale », publiée par l’éditeur Maloine et qui réunit des mémoires intéressant les médecins, avocats s’occupant de médecine légale, la revue est dirigée à partir de 1905 par E. Dabout, médecin légiste de l’université. C’est durant cette période 1905-1910 que les médecins experts près des tribunaux, médecins légistes et professeurs de médecine légale collaborent au Comité de la revue. Voir Crochepeyre-Flament N., Le médecin face à la loi sur les accidents du Travail du 9 avril 1898 : enjeux et pratiques à la lumière de la Revue de médecine légale, 1893-1914, mémoire (M2) sous la direction de F. Lekéal, université de Lille, 2013.

84 Lecuyer B.-P., « Médecins et observateurs sociaux : Les Annales d’hygiène publique et de médecine légale (1820-1850) », Pour une histoire de la statistique, t. 1, INSEE, 1977, p. 455-476. Cette revue a eu une large diffusion en raison aussi du réseau international constitué par J.-B. Baillière et fils, éditeurs de médecine depuis 1827. Par la suite, Masson & Cie, plus spécialisée dans les périodiques scientifiques, ont un rôle majeur, Gourevitch D., Vincent J.-F. (éd.), J.-B. Baillière et fils éditeurs de médecine, Paris, De Boccard Édition, 2008 ; Mollier J.-Y., « Masson & Cie », in Dictionnaire encyclopédique du livre, t. 2, Paris, Cercle de la librairie, 2005, p. 906-907.

85 Dumoulin L., « La médecine légale aux fondements de l’expertise judiciaire : de l’activité de médecin légiste à la profession d’expert », Équinoxe, no 22, 1999, p. 65-77.

86 Brouardel P., « De la réforme des expertises médico-légales », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 3e série, t. 11, 1884, no 4, p. 344-382 et no 5, p. 442 et suiv.

87 Sur « la méthode qui doit présider aux recherches et suivant laquelle doivent être formulées les conclusions des rapports », puisque selon P. Brouardel, « l’incompétence du juge crée l’expert, non pas seulement l’expert médecin, mais aussi, l’expert ingénieur… », Brouardel P., « L’expertise médico-légale », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4e série, t. IV, 1905, no 6, p. 497-527.

88 Brouardel P., « L’expertise médico-légale », art. cit., p. 526. Sur l’implication des médecins légistes dans le mouvement hygiéniste et la résistance parlementaire, Murard L., Zylberman P., « Le Parlement contre l’hygiène (1877-1902) », in Baudoui R., Cohen Y., (dir.), Les chantiers de la paix sociale 1900-1940, Fontenay/Saint-Cloud, ENS, 1995, p. 33-54. Voir aussi Zylberman P., « La raison de l’expert, ou l’hygiène comme science sociale appliquée », Archives européennes de sociologie, XXVI, no 1, 1985, p. 58-89.

89 Henri Napias est membre du Comité consultatif d’hygiène publique et du Conseil supérieur de l’Assistance publique, ainsi que de nombreuses commissions créées auprès de plusieurs ministères, sur les questions d’hygiène, il a participé régulièrement aux travaux des congrès internationaux, depuis 1878 (Paris), Napias H., Exposé des titres et travaux scientifiques du docteur Henri Napias, Paris, L. Bataille & Cie, 1896 ; Martinat Desve C., La Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle (1877-1900), thèse de doctorat en médecine, université Paris Descartes (Paris 5), 1990.

90 Napias H., Manuel d’hygiène industrielle, Paris, Masson, 1882 ; Napias H., « L’inspection hygiénique des ateliers », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 3e série, t. 10, 1883, p. 412-425.

91 Gauvin P., Manuel de l’inspecteur. Assurances contre l’incendie, 2 vol. , Paris, L’Argus, 1909 (3e éd.).

92 Moriceau C., « Les perceptions des risques au travail », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 56-1, 2009, p. 12-27.

93 Chantemesse A., Mosny E. (dir.), Hygiène industrielle, op. cit., p. 7-11.

94 Lacassagne A., Précis de médecine légale, Paris, Masson, 1906, p. 464-467.

95 Ministère du Travail, Maladies professionnelles. Étude technique sur leur assimilation aux accidents du travail, Commission d’hygiène industrielle, Paris, Impr. nat., 1903.

96 Anatomiste pathologiste, J. Cruveilhier a succédé à G. Dupuytren à la chaire d’anatomie pathologique. Président de l’Académie de chirurgie (1859), il est l’auteur entre 1828 et 1840, de l’Atlas d’anatomie pathologique.

97 Remy Ch., Notice sur les titres et travaux scientifiques de M. le docteur Charles Rémy, Paris, Lahure, 1903, p. 48.

98 Vibert Ch., « Affections cardio-aortiques et accidents du travail », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4e série, t. 3, 1905, p. 385.

99 Mosny E., « Le traumatisme, la tuberculose et la loi sur les accidents du travail », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 3e série, t. 48, 1902, p. 47 et 97. On se référera aussi à plusieurs thèses de médecine sur la tuberculose latente et la répercussion du traumatisme, notamment celles de R. Gillet (Paris, 1903), G. Hervouet (Bordeaux, 1903), A. Chaix (Paris, 1904), P. Balm (Lyon, 1905).

100 Vice-président de la Société de médecine légale de France, Ch. Vibert a publié de très nombreux travaux dans les Annales d’hygiène et de médecine légale. Son Précis de médecine légale, publié en 1883 en collaboration avec son maître Paul Brouardel, est devenu un manuel incontournable (10e éd. en 1921), voir Vibert Ch., Les accidents du travail. Étude clinique et médicale des affections internes produites par les accidents, Paris, J. B. Baillière et fils, 1906.

101 Duchauffour A., « Accidents du travail. Évaluation des invalidités permanentes d’après les conciliations intervenues au tribunal civil de la Seine », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 3e série, t. 48, 1902, p. 314-317 ; Duchauffour A., Manuel de conciliation. Résumé de la jurisprudence et évaluation des diverses invalidités…, Paris, J. B. Baillière & fils, 1905.

102 Périer Ch, « Sur l’estimation de l’invalidité après les accidents du travail », in Congrès international des accidents du travail, (17 au 23 septembre 1905), vol. II, Vienne, E. M. Engel, 1906, p. 360-362. Ch. Périer s’est beaucoup intéressé aux questions du pronostic après les accidents, des secours, service médical et soins à dispenser aux victimes d’accidents du travail, Périer Ch., Accidentés, médecins, assureurs, Paris, lib. Asselin et Houzeau, 1912, p. 79-91.

103 Doucet-Bon J., L’état antérieur dans les accidents du travail, thèse de médecine, faculté de médecine de Paris, 1907. Ce travail d’un élève du professeur V. Balthazard, de la faculté de médecine de Paris, vise à conforter l’inutilité d’une préoccupation des circonstances qui ont aggravé les conséquences des blessures.

104 Brouardel P., « Influence de l’état de santé antérieur sur l’évolution des accidents du travail », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4e série, t. 6, 1906, p. 11.

105 C’est le cas du président du tribunal civil de Senlis, Paul Zeys, qui se fonde sur 2 200 arrêts et jugements pour étayer son étude La valeur du corps humain devant les tribunaux et les lois sur les accidents du travail en France, Paris, Sirey, 1912.

106 Vibert Ch., Les Accidents du travail, op. cit., p. 35.

107 Brouardel P., Les Blessures et les accidents du travail, op. cit., p. 329.

108 Rémy Ch., « De l’état général comme facteur d’aggravation ou même de production d’accidents », et « Des divers points de vue sous lesquels se présente l’état antérieur dans l’évaluation des conséquences des accidents du travail », Recueil spécial des accidents du travail, 1906-1907, p. 466 et suiv. ; 1905, p. 47-56. Voir aussi les résumés des arguments développés sur l’état antérieur, par Ch. Faguet, médecin légiste et les professeurs V. Balthazard et P. Reclus, Bulletin médico-chirurgical, vol. 1, 1908, p. 367-370.

109 Compte rendu du IVe congrès international des médecins experts des compagnies d’assurances, tenu à Berlin, 10 au 15 septembre 1906, Recueil spécial des accidents du travail, juin 1907, p. 97-104.

110 Voir le compte rendu de Ch. Rémy dans le Recueil spécial des accidents du travail, décembre 1907, p. 302-307 et janvier 1908, p. 343-346.

111 Dupré E., « Diagnose différentielle entre démence paralytique et les autres formes de démences acquise », in Van Wayenburg G. A. M. (dir.), Compte rendu des travaux du 1er Congrès International de Psychiatrie, de Neurologie, Amsterdam, J. H. de Bussy, 1908.

112 Ce que dénonce fréquemment la revue le Concours Médical, Lambert-Giachetti D., La Loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail au travers du Concours Médical de 1895 à 1914, thèse de médecine, université de Rennes 1, 1997-1998.

113 Poëls E., « Rapport de la commission du formulaire médical universel », Actes du 3e congrès international des médecins des compagnies d’assurances, (Paris, 25 au 28 mai 1903), Paris, Masson, 1903.

114 Bertaux S., La Médecine d’assurance et le contrat d’assurance vie. Étude historique, thèse de médecine, université Paris-Descartes, Paris 5, 1998 ; Stevenin H., La Médecine d’assurance sur la vie. Facteurs biologiques, médicaux et sociaux de la mortalité et de la longévité, Paris, Masson, 1951.

115 Sachet A., Traité théorique et pratique de la législation des accidents du travail, Paris, L. Larose, 1900, p. 147-152.

116 Reclus P., préface à l’ouvrage de Reys P., La Valeur du corps humain devant les tribunaux…, Paris, Sirey, 1912 et son article paru dans Presse médicale, 5 avril 1911, p. 399 et suiv.

117 Professeur à la faculté de médecine de Paris, L. Thoinot s’est fait connaître par son analyse détaillée des manifestations neuro-psychiques provoquées par les accidents du travail, Thoinot L., Les Accidents du travail et les affections médicales d’origine traumatiques, Paris, O. Doin, 1904.

118 Imbert L., Oddo C., Chavernac P., Guide de l’évaluation des incapacités, Paris, Masson, 1913, p. 4-5.

119 Rémy Ch., L’évolution des incapacités permanentes basées sur la physiologie des fonctions ouvrières des diverses parties du corps, Paris, Vigot Frères, 1906.

120 Ch. Rémy a commencé en 1906 avec la collaboration d’assureurs, d’ingénieurs et d’ouvriers une recension, Rémy Ch., « Essai de dictionnaire des professions ouvrières et des fonctions physiologiques nécessaires aux ouvriers qui les exercent, pour servir à l’évaluation des incapacités professionnelles », Recueil spécial des accidents du travail, août 1906, p. 188-206 et suiv.

121 Brouardel P., Les Blessures et les accidents du travail, op. cit., p. VI.

122 Clinicien formé aux questions d’hygiène par son oncle Paul Brouardel, G. Brouardel est membre du Conseil supérieur d’hygiène depuis 1902. Médecin inspecteur des épidémies, en lien avec les inspecteurs départementaux d’hygiène, il est aussi expert au tribunal civil de la Seine. Suite à la loi de 1898, le président de la Cour d’appel le charge d’étudier les barèmes d’évaluation des principales infirmités rencontrées dans le cadre des accidents du travail. En 1902, il rapporte devant la Société de médecine légale, ses propositions sur l’évaluation des infirmités permanentes, Brouardel G., « Accidents du travail. De l’évaluation des infirmités permanentes », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 3e série, t. 7, 1902, p. 521-541.

123 Professeur de physique médicale à la faculté de médecine de Montpellier, A. Imbert a été quotidiennement en contact avec les accidentés du travail. Il est l’auteur de nombreux travaux scientifiques, qui en ont renouvelé l’observation, Imbert A., « Un nouveau champ d’action en hygiène sociale. L’étude expérimentale du travail professionnel », Bulletin de l’Alliance d’hygiène sociale, 1912, p. 35-84 ; Imbert A., Accidents du travail. Guide pour l’évaluation des incapacités, Paris, Masson & Cie, 1913. Sur Imbert, lire la contribution de Marco Saraceno dans ce volume.

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