L’empereur et les provinces au Bas-Empire
p. 107-124
Texte intégral
1Au cours du iiie siècle, la sécurité et l’intégrité de l’Empire romain avaient été menacées à la fois par les attaques simultanées des Perses en Orient et des Germains le long du Rhin et du Danube, et par des usurpations répétées qui donnèrent naissance à des pouvoirs régionaux. Les victoires de Dioclétien et de ses collègues avaient rétabli la paix et l’unité de l’Empire romain en 296. Les récits forgés un siècle plus tard par l’auteur de l’Histoire Auguste attestent que les souvenirs des mauvais jours du iiie siècle étaient encore vivants dans la mémoire des milieux aristocratiques romains, bien que les successeurs des Tétrarques, conscients des dangers, se soient efforcés d’assurer la tranquillité et la cohésion de l’empire en réorganisant l’armée et en réformant l’administration. Les empereurs ne purent cependant pas empêcher qu’en Occident, au ve siècle, des territoires soient successivement abandonnés, des royaumes barbares peu à peu constitués, et qu’en 476, Romulus Augustule ayant été destitué par Odoacre, l’Empire romain disparût alors qu’il se prolongeait jusqu’au xve siècle en Orient.
2Depuis la Renaissance, et plus encore depuis l’époque des Lumières, philosophes et historiens ont essayé de comprendre les raisons qui ont mené à la chute de l’Empire romain en Occident. À la suite d’E. Gibbon1, certains interprètent la victoire des Barbares comme la conséquence inéluctable de la décomposition interne de l’empire, issue du déclin des valeurs civiques et de l’influence chrétienne2. Pour d’autres, l’Empire romain, qui ne fut jamais mieux géré et plus romanisé qu’au ive siècle, aurait été « assassiné » par les Barbares3 qui avaient bénéficié d’un rapport de forces en leur faveur. Il est hors de question de reprendre cette controverse dans le cadre de cet article4, mais il faut l’avoir présente à l’esprit quand on envisage comment et avec quel succès, à partir de 306, les empereurs ont aménagé la gestion du monde romain.
3Bien que les inscriptions, encore nombreuses en Afrique, en Italie et en Asie au ive siècle, se raréfient partout au siècle suivant, la documentation est spécialement abondante et variée. Les sources écrites, païennes et chrétiennes, sont multiples : aux œuvres historiques d’Ammien Marcellin, d’Eutrope ou de Zosime5, il faut ajouter celles des historiens ecclésiastiques ; de plus, des discours6, des sermons, des poèmes, des correspondances foisonnantes de rhéteurs, de grands seigneurs ou d’évêques7 ont survécu en beaucoup plus grand nombre qu’aux époques antérieures.
4Quant à l’organisation de l’administration, elle est connue par des documents officiels exceptionnels dont la Notitia dignitatum8 est le plus important : élaborée après 398, sans doute en 401 alors que les tensions entre les deux parties de l’empire s’étaient un peu apaisées, elle est formée de deux parties, composées l’une en Orient, l’autre en Occident, rassemblées à Milan ; elle présente l’organigramme de tout le personnel militaire et civil qui est réparti entre 78 listes ; des retouches ont été apportées avant 420, mais uniquement au texte concernant l’Occident9.
5Enfin les compilations juridiques réalisées aux ve et vie siècles ont conservé une bonne partie de la législation impériale. Le Code Théodosien10, réalisé en 438 à l’instigation de Théodose II, rassemble quelque 2 500 lois émises entre 312 et 438 par les empereurs qui les ont adressées à des provinces, à des cités ou à des fonctionnaires. D’autres constitutions impériales sont conservées dans le Code Justinien qui fut promulgué au vie siècle, en 529. Certes, la loi exprime un idéal qui n’est pas forcément conforme à la réalité ; néanmoins, elle traduit les préoccupations du pouvoir à une date donnée et en cela est précieuse pour l’historien.
Le Prince, centre de l’univers
6« Sache que ta vie est au centre de la terre entière11 », cette recommandation adressée par Claudien à Honorius, en 397 paraît quelque peu inadaptée à la situation du temps. Mais elle témoigne de la permanence d’une idéologie élaborée durant le Haut-Empire dont les traces sont persistantes au ive et même au ve siècle. Les écrivains, païens et chrétiens comparent le rayonnement de l’empereur à celui du soleil dont le char parcourt l’univers12. Comme le soleil, il est omniprésent et rassemble tous les peuples. Comme le soleil aussi, son pouvoir est indiscutable, il est un maître : le titre de Dominus le qualifie désormais dans la titulature impériale. À la différence des usurpateurs qui divisent13, il est l’objet d’un consensus14 universel. « Maintenant, les peuples civilisés de la terre habitée, comme s’ils étaient rassemblés en un chœur, chantent à l’unisson15 » décrète Libanius, empruntant cette image musicale à la tradition rhétorique des éloges. Le Barbare est exclu de ce monde harmonieux.
7Les habitants de l’empire éprouvaient, semble-t-il, un véritable attachement à son égard. Un patriotisme romain s’était développé. Ainsi, par exemple, les habitants du Norique se définissaient encore comme Romani à la fin du ve siècle, alors qu’ils avaient été délaissés par l’armée romaine et qu’ils subissaient le passage des Huns et des Ruges16 dont ils se sentaient distincts. L’accusation de haute trahison portée en 468 par le Conseil des Sept Provinces, contre Arvandus, le préfet du prétoire des Gaules, qui avait suggéré à Euric, le roi des Wisigoths, de s’entendre avec les Burgondes et de procéder avec eux au partage du territoire gaulois selon le droit des peuples17, plutôt que de rechercher la paix avec un empereur impuissant, procédait aussi de la fidélité des élites de la Gaule méridionale à l’empire. La résistance de la cité arverne aux armées des Wisigoths que Sidoine Apollinaire, devenu l’évêque de Clermont, anima durant les hivers 471-473, reposait sur le même sentiment. La décision de donner la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’empire, en 212, continuait de porter ses fruits : Rome était toujours, pour Sidoine, « la capitale de l’univers […] l’unique cité du monde entier où seuls les Barbares et les esclaves sont des étrangers18 ». Alors que l’empereur d’Occident, Anthémius, ne disposait plus d’une armée capable de contenir les Burgondes et les Wisigoths, la réalité n’avait pas altéré l’image d’un empire universel uni autour de l’empereur et de Rome.
8Constamment, on rappelle l’unicité de l’empire autour du prince qui en assure la cohésion19 : « Toutes choses reviennent à lui, puisque, à la manière de l’Océan qui enserre le globe et reçoit des terres les eaux qu’il leur fournit, tout ce qui du prince sert bien ses intérêts, retourne au prince20. » Même après 395, alors que la rupture entre l’Orient et l’Occident devint très vite définitive, ce principe ne fut pas remis en question. Les lois étaient émises comme auparavant au nom des deux empereurs régnant. Lorsque, en 438, le Code théodosien fut promulgué à Constantinople, un exemplaire en fut adressé au Sénat romain. D’après le message qui l’accompagnait, il avait été rédigé « au nom de nos deux Seigneurs empereurs Théodose et Valentinien Augustes » bien que ce dernier n’y ait pas participé. Le code contenait « les préceptes des lois […] et les règles à suivre dans l’univers », et dans l’avenir s’il plaisait à l’empereur « de promulguer quelque loi, elle aura vigueur dans l’autre partie de l’empire21 ». On ne saurait mieux exprimer l’unité du droit qui prévalut dans tout l’empire jusqu’à l’extinction de la dynastie théodosienne en Orient (450)22.
9Mais ces principes ignoraient un certain nombre de difficultés nées de l’immensité territoriale et humaine de l’Empire romain, qui avait au début du ive siècle 12 000 km de frontières à défendre. En raison des distances23, la diffusion des décisions impériales et des nouvelles se faisait lentement. La voie maritime était préférée, mais en hiver la mer était fermée. Il fallait alors recourir à des coursiers dont les plus rapides parcouraient seulement un peu plus de 70 km par jour24. À ce rythme, il fallait près de deux mois pour aller d’Antioche à Milan. Bien des fois, la rumeur précédait l’arrivée du document officiel25, seul habilité à établir les faits. À ce moment, la réponse impériale pouvait être dépassée et en conséquence inadaptée : entre temps, dans l’urgence d’autres solutions avaient été retenues. Tout cela pouvait être cause de désordre, voire d’usurpation.
10Pour limiter ces dangers, sans revenir pour autant à la Tétrarchie dont les règles successorales avaient engendré des guerres civiles de 306 à 324, différentes solutions d’association ou de partage du pouvoir impérial furent mises en œuvre au ive siècle. Constantin associa ses fils à son pouvoir et avait prévu un partage de l’empire à sa mort entre ses fils et ses neveux. Ces derniers ayant été éliminés, seuls ses trois fils, Constantin, Constant et Constance se partagèrent le territoire. Puis ses deux frères ayant disparu, Constance II s’associa successivement avec ses deux cousins Gallus et Julien auxquels il confia en tant que Césars, l’Orient et la Gaule. Valentinien I partagea dès le début de son règne, en 364, le pouvoir avec son frère Valens, auquel il joignit son fils Gratien en 367, à titre d’Auguste. Après sa disparition en 375, Valens et Gratien, auquel on adjoignit son jeune frère Valentinien II, restèrent en place. Valens ayant été victime de la défaite d’Andrinople en 378, dès l’année suivante Gratien confia l’Orient à Théodose avec le titre d’Auguste. Resté seul en 383, Théodose conféra bien à ses deux fils le titre de César puis d’Auguste mais ils étaient encore trop jeunes pour participer réellement à la direction des affaires. Aussi peut-on dire qu’en fait Théodose, jusqu’à sa mort en 395, fut le seul maître du pouvoir impérial. Mais pendant tout le reste du ive siècle, les moments où un empereur régna seul furent très rares : ils se limitèrent aux règnes très brefs de Julien et de Jovien. Après 395, les deux jeunes fils de Théodose, Honorius et Arcadius régnèrent l’un en Occident, l’autre en Orient : chacune des deux parties de l’empire était dotée d’un prince sans que l’on remît en question l’idée de l’unité du pouvoir. On le vit bien après la disparition des derniers théodosiens. Ainsi, en 467, lorsque le pouvoir impérial fut vacant en Occident, Ricimer se tourna vers l’empereur d’Orient qui envoya vers Rome son gendre Anthémius.
11Le centre du pouvoir a donc été la plupart du temps réparti en deux, voire trois lieux, ceux où résidaient le prince et sa cour, le plus souvent à Trèves, Milan puis Ravenne en Occident et à Constantinople en Orient. En raison des guerres, les princes se déplacèrent souvent, aussi le centre du pouvoir fut-il itinérant. Les textes de lois indiquant la date et le lieu de leur émission donnent une idée de ces divers mouvements. Du fait de cette dispersion, pour maintenir l’unité du pouvoir, au moins jusqu’en 395, les échanges furent permanents entre les diverses cours. En 348, alors que Constance et Constant se partageaient le pouvoir, « chaque jour, des chevaux et des quadriges poussant leur vitesse grâce à des relais, leur transmettent leurs avis réciproques26 ». Plus que jamais le cursus publicus était nécessaire à la vie de l’État.
La maîtrise de l’espace
12Les empereurs disposaient de moyens hérités des siècles précédents pour assurer leur domination sur l’empire : la poste impériale et l’administration en étaient les rouages essentiels ; ils furent perfectionnés au cours du ive siècle.
13Le pouvoir veillait au bon entretien des routes et des relais dont l’accès était réservé à ceux qui disposaient d’un permis de circulation accordé par l’administration27. À partir de l’époque constantinienne, sans doute dès 326, il confia la surveillance de la poste à des agents en mission, les agentes in rebus28. Leurs fonctions d’abord limitées à des tâches techniques s’élargirent assez vite à des missions d’observation générale, à des enquêtes plus ou moins secrètes. On les vit s’infiltrer dans des réunions, les réceptions29 et y recueillir les rumeurs qui pouvaient laisser soupçonner un complot contre le pouvoir. Devenus « les oreilles du prince », à l’époque de Constance II et de Valentinien I, ils contribuèrent à la politique de terreur dénoncée par Ammien Marcellin. Même s’ils furent sans doute en nombre insuffisant – 1 200 au maximum pour tout l’empire – pour constituer une véritable police politique, leur existence témoigne d’un climat de méfiance.
14Mais la maîtrise de l’espace passa d’abord par un remaniement de l’organisation territoriale de l’empire. Traditionnellement, l’empire était découpé en provinces et en cités. Ces rouages ne furent pas supprimés. Ils furent uniformisés : d’une part, la vieille distinction entre provinces impériales et provinces du peuple romain disparut ; d’autre part, les titres de colonies et de municipes, qui faisaient la fierté des cités, avaient perdu toute valeur depuis que la citoyenneté romaine avait été octroyée à tous ; aussi ne conservèrent-ils qu’une valeur purement honorifique Mais deux cadres supplémentaires furent mis en place. À l’époque tétrarchique, sans doute pour restreindre l’assise territoriale des gouverneurs et donc pour éviter les usurpations, mais aussi pour rapprocher le pouvoir civil des populations, les provinces avaient été morcelées. De la sorte, les provinces étaient deux fois plus nombreuses qu’au siècle précédent bien qu’aucune conquête territoriale n’ait eu lieu. D’après la Liste de Vérone30, entre 312 et 314, elles étaient plus de cent. Simultanément, afin d’éviter l’émiettement, elles avaient été regroupées dans de nouvelles structures, les diocèses, au nombre de quatorze, placés sous l’autorité des vicaires. Au plus tard en 383, l’Égypte ayant été détachée du diocèse d’Orient31, on passa à quinze diocèses.
15Après le règne de Constantin, ces diocèses furent répartis entre des ensembles plus vastes, les préfectures du prétoire, dont le nombre se fixa à trois – la préfecture d’Orient, celle des Gaules et celle d’Italie, d’Afrique et d’Illyrie – à l’époque de Valentinien. Le partage de l’empire, en 395, entraîna celui de la préfecture centrale dont les diocèses de Dacie et de Macédoine furent détachés et placés sous la coupe de l’empereur d’Orient qui y constitua la préfecture d’Illyrie orientale. La création de ce nouveau ressort fit du préfet du prétoire, qui avait perdu ses fonctions militaires en 312, le premier des fonctionnaires régionaux.
16Tout au long du ive siècle, en fonction des événements militaires, des retouches furent apportées, des provinces furent encore morcelées32 si bien qu’on en dénombrait 114 au début du ve siècle, mais la hiérarchisation de l’espace avec ses quatre degrés – cités, provinces, diocèses et préfectures du prétoire – ne fut pas remise en question.
Une administration centralisée33
17Cette réorganisation territoriale s’accompagna d’une multiplication des fonctionnaires dont la hiérarchie était calquée sur celle de leurs circonscriptions34. La séparation des carrières civiles et militaires introduite au cours du iiie siècle fut respectée ; en conséquence, préfets du prétoire, vicaires et gouverneurs ne disposaient d’aucune troupe. Mais ils étaient dotés d’un bureau, l’officium, d’au moins cent personnes35 qui comme eux appartenaient à la militia, terme qui désignait alors l’administration civile et militaire. Leurs fonctions étaient lourdes : ils devaient non seulement diffuser les lois romaines et veiller à leur application, rendre une justice équitable, mais aussi veiller à la bonne rentrée de l’impôt, indispensable à l’entretien de l’armée sur laquelle reposait la tranquillité de tous, recueillir des informations, les transmettre… L’administration romaine, si peu visible dans les provinces aux deux premiers siècles de notre ère, était devenue pesante.
18Les provinciaux étaient sensibles à cette évolution. Déjà Lactance avait dénoncé les méfaits des fonctionnaires chargés du recensement des populations en vue de l’établissement de la capitation à l’époque de Galère en 30636. Les plaintes se répétèrent. Selon Libanius, les fonctionnaires étaient « aussi nombreux que les mouches sur les vaches au printemps37 ». Sans nul doute, ces propos du rhéteur font preuve d’exagération. Les évaluations établies par A. H. M. Jones aboutissaient à environ 30 000 fonctionnaires pour tout l’empire au ive siècle38. À l’aune des réalités du xxie siècle, c’est fort peu pour un État qui rassemblait cinquante à soixante millions d’habitants. Mais pour les contemporains, l’augmentation des effectifs de fonctionnaires pouvait sembler excessive : en effet, on estime à environ 300 seulement le nombre des fonctionnaires au début du iiie siècle. En une centaine d’années, leur nombre aurait centuplé. Cette évolution, un temps ralentie par Julien, se poursuivit jusqu’à la fin de l’empire.
19Toute cette administration était centralisée sous l’autorité de l’empereur et du maître des offices, fonctionnaire qui apparaît en Occident entre 320 et 323, et en Orient, dès 324, sans doute après la victoire de Constantin sur Licinius39. Théoriquement, le recrutement de ses membres était effectué par l’empereur lui-même qui, selon les panégyristes, accomplissait cette tâche avec grand soin. Pour les bons empereurs, les qualités morales des individus comptaient plus que leur amitié. « Ce ne sont plus tes intimes amis que tu choisis mais les plus intègres », disait Mamertin à Julien. Des compétences, et en premier lieu la connaissance du droit romain et donc du latin40, étaient aussi requises. Du coup, les écoles de droit de Beyrouth et de Rome attiraient des jeunes gens du meilleur monde41 dans l’espoir de faire carrière. On semblait s’acheminer vers une professionnalisation de l’administration. L’empereur prêtait certainement attention au choix des plus hauts fonctionnaires, de ceux qui siégeaient à la cour ou des préfets du prétoire qui dominaient l’administration et la justice dans les provinces. Les autres étaient recrutés par le maître des offices qui, depuis le règne de Constantin, avait la haute main sur toute l’administration. Mais même pour l’époque de Julien, l’orateur embellit la réalité, car les nominations répondaient aussi à des considérations de clientèle et d’amitié42 dont témoignent encore les innombrables billets de recommandation transmis par les correspondances. Le soutien – le suffragium – apporté à un candidat n’était pas toujours gratuit. Aussi Mamertin admire-t-il Julien car, sous son règne, « si l’on désire des provinces, des tribunats, des préfectures, des consulats, il n’est pas nécessaire d’amasser de l’argent par des moyens licites ou criminels43 ». La vénalité des charges était une pratique séculaire à Rome44. Mais, pendant longtemps, elle n’affecta que les postes secondaires. Au ive siècle, elle concerna tous les emplois45 ; son coût élevé suscita la corruption des fonctionnaires en dépit de la surveillance dont ils étaient l’objet. Ainsi le consulaire de Syrie, Cynégios était arrivé à Antioche grâce à une charge qu’il avait achetée ; mais, selon Libanius, il « n’avait pas assez d’argent pour payer la somme complète » ; aussi, dit le rhéteur « tu es devenu l’esclave de tes prêteurs. C’est à cause de cette dette que les lois sont transgressées, que des faveurs scandaleuses sont accordées46 ».
20Les agentes in rebus épiaient toutes les rumeurs, arrêtaient les suspects. En cas de crise, l’empereur dépêchait en province un notaire pour enquêter sur place47. D’un bout à l’autre de l’empire, des circuits parallèles à ceux de l’administration régulière fonctionnaient48. Jamais auparavant, l’État romain n’avait disposé d’autant de personnel ni d’autant de moyens de contrôle. La trace de l’action de tous était conservée car, à leur sortie de charge ou au terme de leur mission, tous devaient remettre un rapport écrit sur leur action. Les archives impériales engrangeaient tous ces mémoires que les bureaux palatins classaient sous l’œil du maître des offices.
L’autonomie des cités limitée
21Les cités étaient restées un rouage indispensable au fonctionnement de l’État. Elles étaient partout le cadre d’une vie politique locale. Leur fonctionnement et leurs institutions dominées par des notables locaux ne subirent pas de transformation radicale bien que désormais le curateur, nommé par le gouverneur, dominât tous les magistrats municipaux49. Mais leur fonction fiscale fut accrue par la mise en œuvre des réformes fiscales de Dioclétien et de Constantin. Le montant de la capitation était réparti par le préfet du prétoire entre les provinces, puis par chaque gouverneur entre les cités de sa province, à charge pour les curiales d’en récupérer le montant sur leurs concitoyens.
22La centralisation toucha ainsi toutes les cités : leur autonomie fut restreinte50. Les gouverneurs51, qui incarnaient l’État dans les provinces, intervinrent de plus en plus dans la vie municipale dès le ive siècle. Si l’on suit le propos de Libanius dans son Autobiographie52, de leur action dépendait le bonheur ou le malheur général, car si certains étaient respectueux des hommes et des lois, d’autres se comportaient en véritables tyrans, corrompus et brutaux53.
23C’était à eux de maintenir des relations avec les instances supérieures (vicaires et préfets du prétoire), avec la cour au premier chef, auxquelles ils adressaient des messages réguliers. À cette fin, ils veillaient au bon entretien des routes par les cités de leur ressort et au bon fonctionnement de la poste impériale54. C’est pourquoi Symmaque recommandait au consulaire de Sicile, sur le point de quitter sa charge, de mentionner parmi ses mérites dans son rapport d’activité « le nombre de chevaux mis en place » et « les moyens donnés aux relais55 ».
24Dans sa province, le gouverneur devait aussi « dépenser sa peine à réaliser la prospérité, à confectionner la paix, à augmenter les effectifs des conseils, à dénouer les conflits, à effacer sur les édifices les outrages du temps56 ». La prospérité était pour lui un gage de réussite car elle permettait aux cités de s’acquitter sans drame de leurs impôts dont il devait surveiller et améliorer le recouvrement57 de façon à satisfaire l’empereur et le préfet du prétoire dont la rentrée fiscale était le premier souci. Elle garantissait aussi la paix civile dans les cités de la province. La rareté des vivres, la cherté du pain engendraient, en effet, des troubles dont plus d’un gouverneur fut la victime, la foule lui imputant la responsabilité de la disette. Aussi quand la rumeur gronda à Antioche, accusant les boulangers de faire monter le prix du pain en 382, Philagrios les fit-il fouetter, bien que cela n’apportât pas de solution aux difficultés de ravitaillement ; mais pour satisfaire l’opinion publique, il avait eu recours à la force dans la cité, malgré l’avis de Libanius58.
25De la bonne marche des institutions municipales59, de la curie en particulier, dépendait la vie de chaque cité. Les curiales étant responsables de la perception des impôts, il fallait que leur nombre ne diminuât pas trop sous peine de rendre la charge insupportable aux survivants. La législation impériale a vivement combattu au ive siècle la désertion des curies60. Si des vides apparaissaient, il appartenait au gouverneur de les combler par la nomination de nouveaux membres61.
26Quant aux travaux publics, les cités pouvaient difficilement les accomplir sans sa participation financière62 depuis que Constantin avait confisqué leurs biens et ceux des temples63. Bien qu’on leur ristournât environ un tiers des revenus générés par ces biens, c’était souvent insuffisant si le gouverneur ne prenait pas sa part des travaux. La vie financière des cités était ainsi passée sous le contrôle des fonctionnaires impériaux.
27La charge la plus lourde du gouverneur était la justice64, d’où le nom de iudex qui lui est souvent donné. Tous les hommes libres étant devenus citoyens romains pouvaient faire appel à lui, il jugeait alors en première instance. En outre toutes les causes susceptibles d’être punies de la peine de mort relevaient de lui.
28Ainsi son action pénétrait de toutes parts la vie des cités de sa province. En revanche, celle-ci subissait des limites imposées d’une part par l’empereur et d’autre part par la province elle-même. Selon Libanius, « sans cesse, les empereurs relèvent tour à tour leurs précédents représentants pour en placer d’autres de nouveaux à la tête de leurs circonscriptions65 ». D’après les études prosopographiques menées en Afrique ou en Égypte, les gouverneurs restaient en fonction deux ans au maximum, parfois beaucoup moins. Une telle brièveté ne leur permettait pas de s’implanter solidement dans leur province. De plus, dans leur activité, ils ne pouvaient faire exécuter leurs décisions sans la participation des bureaucrates de leur officium sur lequel ils n’avaient que peu d’influence. En effet ils ne pouvaient ni recruter ni congédier ses membres parmi lesquels pouvait se trouver, plus ou moins dissimulé, un agens in rebus. Et en cas de crise, ils risquaient de subir une enquête menée par un notaire impérial. Ils avaient donc bien des pouvoirs plus vastes que leurs devanciers mais un contrôle impérial plus rigoureux s’exerçait aussi sur eux.
29En outre, leurs administrés aussi avaient barre sur eux. Une mesure impopulaire risquait de provoquer une émeute fatale pour eux66. Leur popularité se traduisait dans les cités par des acclamations populaires dont la teneur était transmise à l’empereur67. Le poids des notables surtout dans les grandes cités, où ceux-ci jouissaient de l’amitié de plus puissants qu’eux, s’exerçait en permanence68 : Libanius, par exemple, pouvait intervenir contre le consulaire de Syrie avec l’aide d’Anatolios, un ancien consulaire de Syrie (349) qui était devenu préfet du prétoire d’Illyrie en 356, dont il était l’ami. Et quand Théodose lui eut conféré en 383 le titre de préfet du prétoire honoraire, Libanius fut considéré comme un égal par les préfets du prétoire en activité. Dans une société aussi hiérarchisée, le consulaire de Syrie, moins puissant que lui, était tenu d’écouter ses avis. Chaque soir, le rhéteur venait lui présenter des requêtes et des recommandations pour ses amis. Le consulaire courait des risques à ne pas suivre les conseils donnés par les notables car ceux-ci ou leur cité pouvaient toujours adresser directement une supplique à l’empereur69 pour se plaindre de lui. À la cour même, la cité et ses puissants avaient des amis qui les aidaient à atteindre le prince70. Chaque année, l’assemblée provinciale, enfin, pouvait applaudir ou blâmer son action et voter un décret transmis à la cour. En cas de malversations, il risquait d’être poursuivi devant les tribunaux71. Inversement quand, durant son séjour dans la province, il avait réussi à s’imposer comme le patron de certaines de ses cités et comme l’ami de ses puissants, sa carrière ultérieure en bénéficiait grâce au jeu des recommandations. Les interférences entre l’administration et les réseaux de clientèle étaient multiples.
L’efficacité du système
30Ainsi les relations entre le prince et les provinces se faisaient dans les deux sens, de l’empereur vers les provinces et les cités et vice-versa. Leur intensité tout autant que la séparation des pouvoirs civils et militaires contribuèrent à la cohésion de l’empire et à la rareté des usurpations. Les menaces d’éclatement de l’empire, dangereuses au iiie siècle, disparurent à peu près entièrement. Les reculs territoriaux qui affectèrent l’Occident au ve siècle furent le résultat des reculs de l’armée romaine et non pas de l’avènement d’un prince local qui se proclamait empereur.
31Toutefois l’efficacité de cette lourde machine administrative ne peut être admise sans nuance. Des dysfonctionnements apparaissent à la lecture du récit brossé par Ammien Marcellin72 d’une affaire qui mit aux prises de 364 à 377, Lepcis Magna, une riche cité de Tripolitaine73 avec l’administration provinciale74 et la cour d’Occident75.
32L’affaire se déroula en quatre actes et un épilogue. Dans un premier temps, Lepcis Magna ayant subi un raid de populations libyennes (dans l’hiver 363-364), les Austoriani, avait lancé un appel à l’aide auprès du comte d’Afrique, Romanus, le seul à disposer de troupes dans le diocèse. Mais celui-ci, qui vint à Lepcis, refusa d’entamer une action militaire, la cité n’ayant pas équipé les quatre mille chameaux dont il estimait avoir besoin pour mener une expédition contre les Austoriani76. Comme l’assemblée provinciale s’était alors réunie, elle décida d’envoyer auprès de Valentinien, à Trèves, une ambassade destinée à lui offrir l’or coronaire et à lui exposer la situation de Lepcis Magna (6,7). Romanus, se sentant menacé d’une plainte de la cité, intervint de son côté auprès de Remigius, le maître des offices, dont il était parent, pour défendre sa cause : à ses yeux, le problème pouvait être réglé sur place, par le vicaire du diocèse et par lui-même (6, 8). Valentinien fut ainsi saisi de deux versions contradictoires, entre lesquelles il ne trancha pas. Ayant mal mesuré l’acuité du problème, il n’envoya pas de troupes (6, 9). Dès ce moment, trois obstacles apparaissent au bon fonctionnement de l’État : la distance, le jeu des clientèles et l’enchevêtrement des responsabilités détenues par les fonctionnaires. L’empereur reçut une information inintelligible. En différant une décision, il permit aux barbares de lancer une nouvelle agression contre Lepcis Magna (6, 10) ; celle-ci ouvre le deuxième acte.
33Les Austoriani commirent à nouveau impunément des ravages que le gouverneur de Tripolitaine, Ruricius77 ne put combattre car la direction des opérations militaires que la province lui avait confiée « était bientôt passée à Romanus » (6, 10-11). Informé de cette évolution, sans doute par Ruricius, Valentinien expédia vers le diocèse d’Afrique, un notaire, Palladius, pour verser la solde des troupes (et sans doute le donativum) et pour enquêter sur l’affaire de Lepcis afin de se faire une opinion (6, 13). Les Barbares, qui ne furent pas intimidés par cette démarche, mirent en vain le siège devant Lepcis (6, 13-16). La cité dépêcha alors auprès de l’empereur une nouvelle ambassade. Avant son départ, celle-ci croisa à Carthage l’un des envoyés de la première mission qui lui apprit que Valentinien était gagné à la cause de Romanus. En conséquence, le vicaire du diocèse Crescens devait régler le différend qui opposait Lepcis au comte d’Afrique (6, 16). Le gouverneur de Tripolitaine, un praeses, avait été écarté, sans doute parce qu’il était, comme beaucoup de gouverneurs du temps78, originaire de la province, peut-être même de Lepcis ce qui aurait pu nuire à son impartialité et surtout parce que les responsabilités militaires du comte s’exerçaient sur tout le diocèse alors que celles du gouverneur avaient la province pour seul cadre.
34L’arrivée de Palladius en Afrique marqua une troisième étape. Entre temps, Romanus avait persuadé les troupes de restituer au notaire les sommes qu’il allait leur distribuer (7). Palladius accepta aisément cette bonne fortune. Puis il mena une enquête approfondie sur les événements de Lepcis. Une fois informé, il prépara un rapport favorable à la cité. Mais il ne l’envoya pas, Romanus le menaçant d’une accusation de corruption (6, 18-19). À son retour à Trèves, ils transmit donc à l’empereur une version bienveillante pour Romanus : l’empereur fut alors convaincu du bien-fondé de l’action de Romanus. Aussi Palladius fut-il réexpédié en Afrique avec mission de faire régler l’affaire par le vicaire et par le comte (6, 20). Sous la pression de ce dernier, certains Lepcitains se rallièrent à sa position.
35Leurs concitoyens et le gouverneur de Tripolitaine apparurent alors coupables de mensonge, coupables d’avoir voulu tromper l’empereur et donc d’avoir commis un crime de lèse-majesté. L’empereur demanda des sanctions radicales : les envoyés de la cité qui l’avaient trompé et le gouverneur de Tripolitaine furent condamnés à mort et exécutés (6, 23).
36Cependant un doute restait probablement dans l’esprit de Valentinien, concernant l’action de Rémigius, si bien qu’en 374, une enquête fut lancée contre lui, par le préfet du prétoire des Gaules, alors qu’il avait quitté ses fonctions officielles depuis mai 374 et qu’il vivait dans une retraite paisible. Un de ses proches, le notaire Caesarius fut arrêté, torturé. Lui-même préféra se suicider79.
37Quelques années plus tard, l’affaire fut relancée par la découverte dans les papiers de Romanus d’une lettre que lui avait adressée Métérius d’après laquelle Palladius reconnaissait avoir menti à l’empereur dans l’affaire de Tripolitaine. Le suicide de Palladius, convoqué à Trèves, n’interrompit pas la justice (6, 26-27). Le document fut transmis à la cour. Gratien, qui avait alors succédé à son père, confia une nouvelle instruction au proconsul d’Afrique, Hespérius et au vicaire, Nicomaque Flavien. Ceux-ci découvrirent comment les Lepcitains avaient été amenés à charger les délégués de leur cité et envoyèrent un rapport à Trèves. « Aucune réplique n’y fut donnée (6, 28) » en haut lieu, mais la cité de Lepcis érigea une statue en l’honneur de Nicomaque Flavien. On était en 377 ; cette affaire était en cours depuis treize ans. Un élément nouveau l’avait ranimée. Un changement de règne ne suffisait pas pour y mettre fin. Mais les principaux protagonistes ayant disparu, il n’était pas possible de revenir sur les sentences.
38À travers ce dossier, Ammien Marcellin a voulu démontrer le mauvais fonctionnement de la justice à l’époque de Valentinien. Aussi a-t-il omis d’en situer les différents épisodes dans leur contexte général qu’il estimait sans doute connu du lecteur par ses autres chapitres. Que l’affaire ait débuté à l’époque de Jovien alors que les dangers extérieurs étaient multiples, alors que « la rage barbare embrasait80 » l’Afrique, que les sentences capitales aient été prononcées alors que le révolte de Firmus couvait, sont pourtant des circonstances qui aident à comprendre la lenteur puis la rigueur des réactions impériales.
39Avant que l’affaire n’arrivât à son terme, trois empereurs, Jovien, Valentinien puis Gratien s’étaient succédé : mais la marche de l’État continuait ; l’empereur, à son arrivée au pouvoir, trouvait des problèmes qu’il fallait régler et un personnel en place qu’il ne changeait pas immédiatement.
40L’affaire de Lepcis Magna permet de saisir les rivalités qui opposent dans les provinces les intérêts des civils à ceux des militaires. La cité et le gouverneur de Tripolitaine ont à cœur la paix et la prospérité locales, mais ne disposent d’aucune force militaire pour les imposer à des agresseurs. Romanus, le comes rei militaris, est placé à la tête des tous les limitanei et de tous les comitatenses du diocèse. Il ne peut donc supporter qu’une opération militaire soit confiée à Ruricius, un civil. Son refus d’intervenir avec ses propres moyens est interprété comme un acte de trahison par la cité et la province de Tripolitaine. Son exigence d’obtenir de la cité qu’elle équipe 3 000 chameaux est jugée excessive mais non illégale. Mais la poursuite des Austoriani, sans doute installés dans la Grande Syrte, à 600 km à l’est de Lepcis Magna81, supposait un long déplacement et une longue absence du comte. Sans vouloir réhabiliter Romanus, il faut peut-être nuancer le portrait brossé par Ammien : entreprendre une expédition lointaine, qui aurait dégarni d’autres secteurs du diocèse, était dangereux ; c’était un argument propre à convaincre le maître des offices et à provoquer de sa part une intervention convaincante auprès de l’empereur.
41Dans le difficile règlement de cette crise, on mesure aussi la réalité et l’intensité des relations entre les provinces et la cour. Pour y parvenir, il aura fallu deux ambassades de Tripolitains, deux missions confiées à un notaire, et des courriers entre le comte d’Afrique et le maître des offices et entre le gouverneur et la cour. Une cité, une province, un diocèse et la chancellerie ont été concernées ainsi que divers fonctionnaires civils (gouverneur, vicaire) et militaire (comte d’Afrique). Entre ces derniers les limites de compétence ne semblaient pas toujours clairement définies. Le comte d’Afrique pensait disposer d’une certaine liberté de choix des opérations militaires qu’il entreprenait. Le tribunal du gouverneur et celui du vicaire semblaient concurrents. Cet enchevêtrement pouvait alimenter dans les provinces toute une série d’intrigues que la cour devait démêler.
42L’empereur, quant à lui, n’a pas agi à la légère : il disposait d’un dossier de rapports écrits ; il a écouté les plaintes des Lepcitains et le point de vue contraire du maître des offices, puis de son notaire. Et pourtant ses réactions ne furent pas adaptées à la situation, ses décisions furent trop lentes et contraires à l’équité. Il a été victime à la fois de son isolement et de la puissance des clientèles. L’Afrique est trop éloignée de Trèves pour qu’il se rendît sur place. Son information venait d’intermédiaires qui l’ont faussée. Remigius protégeait Romanus ; tous deux appartenaient à la même coterie de Gaulois. A priori, Valentinien n’avait pas de raison de douter de leur parole, encore moins de celle d’un notaire qui dépendait de lui. C’était ignorer non seulement les liens qui unissaient le maître des offices et le comte, mais aussi la corruption qui sévissait dans les rangs de l’administration. Les fonctionnaires étaient d’autant plus facilement tentés qu’ils ne touchaient que de médiocres traitements. Recrutés, pour la plupart, parmi les notables des cités, ils ne jouissaient pas non plus de patrimoines comparables à ceux des sénateurs romains qui leur auraient permis de mener grand train.
43Ainsi le fonctionnement de l’État, malgré tous les contrôles instaurés au ive siècle, était altéré par une série de maux, l’isolement de l’empereur, la puissance des clientèles et la corruption essentiellement. Les réseaux de clientèle avaient gagné en extension et en puissance si bien que les populations provinciales, en particulier celles des grandes cités, s’y trouvaient intégrées. La corruption sévissait à tous les niveaux de l’État. Il est impossible de le nier. Jamais cependant, durant les époques antérieures, l’autorité impériale n’avait été aussi présente partout dans l’empire, jamais elle n’avait autant touché les populations provinciales. Aussi tant que l’empire fut aux mains d’hommes énergiques, les effets de ces plaies furent-ils atténués. Mais, après 395, après la disparition de Théodose I, le pouvoir passa aux mains de ses fils et de ses petits-fils, des princes jeunes et faibles qui furent la proie de leurs entourages. Les palais furent le lieu d’intrigues répétées au cours desquelles des clans se combattaient : Rufin, Stilicon, Aétius et Valentinien III par exemple en furent les victimes. La politique impériale y perdit en continuité et en force.
44Or, au même moment, la pression barbare devenait plus forte en Occident. Après l’échec de leur intégration en Orient, les Goths émigraient vers l’ouest où d’alliés, ils se transformèrent en ennemis qui ravagèrent l’Italie et prirent Rome (410) ; poussé par les Huns, un flot de Barbares traversait le Rhin gelé le 31 décembre 406 et mettait à mal les Gaules avant de franchir les Pyrénées en 408. Les garnisons de Germanie ou de Gaule n’avaient pu entraver leur passage, encore moins les repousser. Puis l’armée romaine quittait la Bretagne en 411 à la suite de l’usurpateur Constantin III en marche vers Arles. Ces défaites successives étaient accompagnées par le repli des services administratifs : la préfecture du prétoire des Gaules avait quitté Trèves pour Arles (à une date indéterminée entre 395 et 407), la Bretagne était abandonnée à elle-même. Les Wisigoths s’installaient en Narbonnaise, puis en Aquitaine avant de s’étendre vers l’Espagne. L’Espagne et l’Afrique conquise par les Vandales furent perdues. On essaya bien de pallier l’insuffisance des forces militaires romaines par l’utilisation de fédérés barbares qui, au prix d’un traité, furent installés sur des terres romaines à charge pour eux de participer à la guerre aux côtés des soldats romains ; les rois qui gouvernaient ces peuples n’avaient autorité que sur ceux-ci, les populations locales restaient sous le contrôle de la loi romaine. Sous l’énergique direction du maître de la milice Aétius jusqu’à son assassinat en 454, cette politique de lutte et d’alliances ralentit la décomposition de l’Occident romain. Les Huns conduits par Attila furent ainsi arrêtés dans leur marche aux Champs Catalauniques en 451 : mais l’armée qui remporta ce succès n’avait de romaine que le nom ; en fait elle était composée de troupes fournies par les divers peuples fédérés établis en Gaule, les Wisigoths et les Burgondes essentiellement. La disparition du maître de la milice, avec lequel ceux-ci avaient conclu leur foedus, les libéra du respect de leur parole. Désormais, ils se comportèrent avec indépendance, s’emparant par la force des terres qui leur avaient échappé. Ainsi, en 475, l’autorité de Rome ne s’exerçait que sur la Narbonnaise Seconde, à l’est du Rhône et, avant même la disparition du dernier empereur d’Occident l’année suivante, Arles tombait aux mains des Wisigoths. Les autres territoires de l’Occident étaient partagés entre des rois barbares. À suivre Salvien de Marseille, leur victoire était la punition divine punissant l’impureté des mœurs des Romains et l’injustice qu’ils avaient fait régner. Le poids des impôts était-il tel sur les populations locales alors que « les Huns sont exempts de ces crimes. Rien de cela chez les Vandales, rien de cela chez les Goths » que « les Romains préfèrent vivre auprès d’eux plutôt que parmi nous82 » ? La réalité est sans doute plus nuancée : pour les élites provinciales, sur lesquelles l’empire s’était appuyé pour gouverner aux ive et ve siècles et dont l’ambition était de servir dans l’administration impériale, l’avenir était devenu incertain83.
45À la même époque, l’Orient, qui avait détourné les Goths vers l’ouest, ne subissait la guerre que sur le continent européen ; au sud des détroits, la paix – en dépit de conflits et de difficultés internes – et la prospérité régnaient. Les lois et les institutions romaines restaient en place dominées par un empereur84 installé à Constantinople qui se sentait l’héritier de tout le passé romain. Les insuffisances de l’armée romaine en Occident ne le touchaient pas. Toutefois il ne renonçait pas à l’unité de l’empire. La déposition de Romulus Augustule par Odoacre en 476 ne l’avait pas affecté. C’est lui qui octroyait aux rois barbares les titres romains de maître de la milice, de patrice ou même de consul. Théodoric se voulait l’héritier du pouvoir impérial en Occident85. À ses yeux, l’empereur était le modèle du roi86. Après la victoire de Vouillé, Clovis reçut d’Anastase, à Tours en 508, le patriciat et le consulat honoraire87. Quant à Sigismond, le premier roi catholique des Burgondes, il écrivit à l’empereur, à son avènement en 516, sans doute à l’instigation de l’évêque Avit de Vienne, pour lui faire part de sa devotio : « Nous semblons gouverner notre peuple, mais nous croyons que nous ne gouvernons rien d’autre que vos soldats […] notre patrie est votre univers88. » Il attendait de Constantinople la confirmation de son pouvoir89. Même en Occident, l’idée d’un Empire romain universel n’était pas morte. La reconquête lancée par Justinien exprimait une idéologie que celui-ci pouvait croire partagée90.
Notes de bas de page
1 Gibbon E., Decline and Fall of the Roman Empire, 1776 ; trad. M.F. Guizot, Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain, Paris, 1983. Dans la continuité – et aussi la critique de cet ouvrage du xviiie siècle –, voir Ward-Perkins B.W., The Fall of Rome and the End of the Civilisation, New York, 2005.
2 Mac Mullen R., Le déclin de Rome et la corruption du pouvoir, Paris, 1991.
3 Piganiol A., L’empire chrétien, Paris, 2e éd. 1972, p. 466. Dans le même sens, voir Chastagnol A., La fin du monde antique, Paris, 1976, p. 76.
4 Les discussions sur cette question restent vives et opposent aussi ceux qui mettent l’accent sur la chute de l’Empire romain d’Occident à ceux qui, à la suite de P. Brown (World of Late Antiquity : from Marcus Aurelius to Muhammed, Londres, 1971) et d’H. I. Marrou (Décadence romaine ou Antiquité tardive, Paris, 1977), sont plus sensibles à la mutation de civilisation que connaît le monde romain du ive au viie siècle.
5 Ces différentes œuvres seront citées, sauf indications contraires, dans leur traduction publiée dans la Collection des Universités de France (Paris, Belles Lettres).
6 Sont importants pour notre propos les Panégyriques latins, le discours prononcé par Eusèbe de Césarée pour le trentième anniversaire du règne de Constantin, certains discours de Libanius, en particulier l’Éloge de Constance et de Constant, le discours de Synésios de Cyrène, Sur la royauté (éd. et trad. J. Lacombrade, Sources chrétiennes), les Panégyriques de Sidoine Apollinaire.
7 Les correspondances de Symmaque, de Basile de Césarée, de Libanius (dont 98 lettres sont traduites par B. Cabouret dans la coll. La roue à livres, Paris, 2000), de Sidoine Apollinaire sont spécialement abondantes et importantes pour notre propos.
8 À consulter dans l’édition due à O. Seeck, Berlin, 1876.
9 Voir la mise au point de Zuckermann C., « Comtes et ducs en Egypte autour de l’an 400 et la date de la Notitia dignitatum », Antiquité tardive, 6, 1998, p. 143-147.
10 À consulter dans l’édition de Th. Mommsen, Berlin, 1955. Traduction en anglais de Pharr C., The Theodosian Code and Novels and Sirmondian Constitutions, Princeton, 1952. Une traduction française est en cours. Est parue en 2005 (collection Sources chrétiennes, 497) la traduction du Livre XVI par J. Rougé avec une introduction et des notes dues à R. Delmaire.
11 Claudien, Sur le IVe consulat d’Honorius, v. 270.
12 Eusèbe de Césarée, Discours des Tricennales, III, 1-6. L’image solaire apparaît aussi chez Synésios de Cyrène, Sur la royauté, 29.
13 .Pacatus, Pan. XII, 31, 1.
14 Pacatus, Pan. XII, 31, 2.
15 Libanius, Éloge des empereurs Constance et Constant (Or. 59) 171. La métaphore musicale apparaissait déjà chez Aelius Aristide, En l’honneur de Rome, 29.
16 Eugippe, Vie de Séverin, 27, 1, par exemple.
17 Sidoine Apollinaire, Ep. I, 7, 5.
18 Sidoine Apollinaire, Ep. I, 6, 2.
19 Pacatus, Pan. XII, 22, 1.
20 Pacatus, Pan. XII, 27, 5.
21 Gesta senatus, éd. Th. Mommsen, Code théodosien, I, p. 2. Traduction Chastagnol A., La fin du monde antique, Paris, 1976, p. 112-114.
22 Valentinien II, Nov. 26 ; cette constitution donnée en 448 donne autorité en Occident aux lois de Théodose II promulguées après la publication du Code théodosien.
23 Voir Brown P., Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive, Paris, 1988, p. 23.
24 D’après les calculs de Pflaum H. G., les cavaliers de la poste impériale parcouraient au maximum 74 km par jour (Essai sur le cursus publicus sous le Haut-Empire romain, Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 14, 1, Paris, 1940, p. 386).
25 Sur ces questions, voir Chauvot A., « Guerre et diffusion des nouvelles au Bas-Empire », Ktema, 13, 1988, p. 125-135.
26 Libanius, Éloge des empereurs Constance et Constant (Or. 59), 152.
27 Il était recommandé de ne pas trop les multiplier pour laisser à la poste toute son efficacité, C Th VIII, 5, 5 par exemple.
28 Sur ces agents, voir Delmaire R., Les institutions du Bas-Empire romain, I, Les institutions civiles palatines, Paris, 1995, p. 97-118.
29 Par exemple, Ammien Marcellin XV, 3, 7-9.
30 Ed. Seeck O., Notitia dignitatum, Berlin, 1876.
31 La première attestation de ce partage se trouve dans une loi de 383, C Th XII, 1, 97.
32 Par exemple, la Cappadoce fut morcelée en 371, voir Basile, Ep. 48, 58-60, 98.
33 Sur l’administration, voir Kelly C., « Emperors, government and bureaucracy », Cameron A. et Garnsey P. (dir.), The Late Empire, AD 337-425, Cambridge Ancient History, XIII, 1998, p. 138-183.
34 Cette situation est bien analysée par Libanius, Or. 25, 57 (trad. B. Schouler, p. 210) : « Réfléchis encore bien à ceci en ce qui concerne les gouverneurs : leur pouvoir n’est pas uniforme. Bien au contraire, pour quelques-uns qui exercent des fonctions supérieures, combien occupent des postes subalternes et ont dû choisir entre ne pas commander du tout ou se soumettre à cette subordination. »
35 D’après la Notitia dignitatum. Sur ce sujet, voir l’étude de Palme B., « Die officia der Statthalter in der Spätantike », Antiquité tardive, 7, 1999, p. 85-193.
36 Lactance, De la mort des persécuteurs, 23.
37 Libanius, Or. 19, 23.
38 Jones A. H. M., The Later Roman Empire, 284-602, Oxford, 1964, p. 211. Les calculs de Mac Mullen, op. cit., (cf. n. 2) p. 226 aboutissent à une fourchette de 30 000 à 35 000 fonctionnaires.
39 Sur ce personnage, voir Delmaire R., op. cit. (n. 24), p. 75-95.
40 Recommandant un candidat, Libanius vante ses qualités rhétoriques et sa formation juridique (Ep. 339 F = trad. B.Cabouret, 19, p. 57).
41 Libanius se plaint de la fuite vers Rome de ceux qui veulent apprendre le latin, Autobiographie, 214 ou ep.951 f (= B. Cabouret, Ibid., 88, p. 187).
42 Ces liens personnels entre l’empereur et ses fonctionnaires expliquent que les empereurs ne laissent pas toujours en fonction ceux qui avaient servi sous leur prédécesseur. Voir par exemple la politique de Valentinien et de Valens qui écartèrent tous ceux qui avaient reçu des commandements sous Julien, Zosime, Histoire nouvelle, IV, 2, 3.
43 Mamertin, Pan. XI, 18, 6 ; 21, 1-3.
44 Voir Veyne P., « Clientèle et corruption au service de l’État : la vénalité des offices dans le Bas-Empire romain », Annales, Economie, Civilisation, 1981, p. 339-360 ; Mac Mullen R., Le déclin de Rome et la corruption du pouvoir, Paris, 1991.
45 De multiples lois la réglementent, par exemple C Th. VI, 22, 1 ; 32, 1 ; 38, 1 ; XII, 1, 25 … Ammien Marcellin (XXX, 9, 3) reconnaît que ni le gouvernement des provinces ni les charges administratives ne furent vendues à l’époque de Valentinien sauf au début du règne.
46 Libanius, Or. IV, 21-22.
47 Ainsi par exemple, Valentinien informé par le préfet du prétoire d’Illyrie de l’invasion qui sévissait sur les rives du Danube envoie le notaire Paternianus enquêter sur place, Ammien Marcellin, XXX, 3, 1-3.
48 En outre, l’empereur demandait des informations simultanément à des amis de confiance, par exemple, Symmaque, Ep. IV, 5.
49 Sur cet aspect, voir Lepelley Cl., Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire, 1, 1979, p. 168-193.
50 Voir Lepelley Cl., « Vers la fin du « privilège de liberté » : l’amoindrissement de l’autonomie des cités à l’aube du Bas-Empire » Splendidissima civitas. Études d’histoire romaine en hommage à François Jacques, Paris, 1996, p. 217-218.
51 Deux numéros de la revue Antiquité tardive (6 et 7) en 1998 et 1999 ont été consacrés aux gouverneurs. Voir en particulier dans le n° 6, Carrié J.-M., « Le gouverneur romain à l’époque tardive : les directions possibles de l’enquête », p. 17-30, ainsi que Roueché Ch., « The Functions of the Governor in Late Antiquity. Some observations », p. 31-36.
52 Libanius, Autobiographie, 156, 225 par exemple.
53 Libanius, Autobiographie, 221-225.
54 Des lois de l’époque de Valentinien rappellent qu’ils sont responsables de la poste : C Th. VIII, 5, 24, 25, 27, 29, 34.
55 Symmaque, Ep. II, 27.
56 Libanius, Or. 25, 54 ; trad. Schouler B.., Libanios. Discours moraux, Paris, 1973, p. 209.
57 Symmaque, Ep. II, 27.
58 Libanius, Autobiographie, 206-210.
59 Depuis un demi-siècle, des travaux importants ont montré la vitalité et l’évolution des institutions municipales au Bas-Empire : Petit P., Libanios et la vie municipale à Antioche au ive siècle, Paris, 1955 ; Lepelley Cl., Les cités de l’Afrique romaine, Paris, 1979-1981 et Liebeschütz H. W.G., Decline and Fall of the Roman City, Oxford, 2001.
60 Lepelley Cl., Ibid., p. 243-292.
61 Voir par exemple, Basile, Ep. 84.
62 Lepelley Cl., Ibid., p. 59-120 ; id., « Témoignages épigraphiques sur le contrôle des finances municipales par les gouverneurs à partir du règne de Dioclétien », Il capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente ed in Oriente, Actes de la Xe Rencontre franco-italienne sur l’épigraphie du monde romain (Rome, 27-27 mai 1996), CEFR 256, Rome, 1999, p. 235-247.
63 Voir Delmaire R., Largesses sacrées et res privata. L’aerarium impérial et son administration du ive au vie siècle, CEFR 121, Rome, 1989, p. 645-656.
64 Basile, Ep. 86 : « Le plus grand et le premier souci est de favoriser de toute façon la justice ». Voir aussi Ep. 96.
65 Libanius, Or. 59, 164.
66 Libanius, Or. 25, 54.
67 Code théodosien I, 16, 6 ; VII, 5, 32. Voir Ch. Roueché, « Acclamations : New Evidence from Aphrodisias », JRS 74, 1984, p. 181-199.
68 Voir Brown P., Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive, Paris, 1998, p. 52-53.
69 Libanius, Or. 59, 160-161. Le recours à une supplique et le rescrit par lequel l’empereur y répondait sont bien attestés par l’inscription d’Orcistus à l’époque de Constantin, voir Chastagnol A., « L’inscription constantinienne d’Orcistus », MEFRA 93, 1981, p. 381-416 et Feissel D., « L’adnotatio de Constantin sur le droit de cité d’Orcistus en Phrygie », Ant. Tard. 7, 1999, p. 255-267.
70 Libanius, Ep 1431 F (= 66 B. Cabouret).
71 Ammien Marcellin, XVIII, 1 rapporte l’exemple d’un gouverneur de Narbonnaise accusé de vol par ses administrés qui comparut devant un tribunal présidé par Julien lui-même, alors César en Gaule.
72 Ammien Marcellin, Histoires, XXVIII, 6.
73 Voir Lepelley Cl., Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire, 2, 1981, p. 354-362.
74 Voir Lepelley Cl., « Quelques aspects de l’administration des provinces romaines d’Afrique avant la conquête vandale », Antiquité tardive, 10, 1999, p. 61-72 ; Briand-Ponsart Cl. et Hugoniot Chr., L’Afrique romaine de l’Atlantique à la Tripolitaine, Paris, 2005, p. 286-300.
75 Sur cette affaire, la bibliographie est très abondante, voir Coskun A., « Der comes Romanus, der Heermeister Theodosius und die drei letzten Akte der « Lepcis Magna-affaire » (a. 373-377) », Antiquité tardive, 12, 2004, p. 293-308 avec bibliographie antérieure.
76 Ibid., XXVIII, 6, 5.
77 Sur les gouverneurs, voir Chastagnol A., « Les gouverneurs de Byzacène et de Tripolitaine », Antiquités africaines, 1, 1967, p. 119-134 (= L’Italie et l’Afrique au Bas-Empire, 1987, p. 163-178).
78 Par exemple Cynégios, gouverneur de Syrie était originaire d’Antioche, Libanius, Or. IV, 20-22.
79 Ammien Marcellin, XXX, 2, 9-12.
80 Ammien Marcellin, XXVII, 9, 1.
81 Modéran Y., Les Maures et l’Afrique romaine (ive-viie siècle), BEFAR 314, Rome, 2003, p. 279-281.
82 Salvien, Sur le gouvernement de Dieu, V, 36 ; trad. J. Lagarrigue, coll. Sources chrétiennes, 220, 1975, p. 339-341.
83 Sidoine Apollinaire, Ep. II, 1, 4 : « Si l’État n’a plus ni forces, ni soldats, si (comme le bruit s’en répand) l’empereur Anthémius n’a plus de ressources, la noblesse est décidée […] à renoncer soit à sa patrie, soit à sa chevelure. »
84 Feissel D., « L’empereur et l’administration impériale », Le monde byzantin, I, L’Empire romain d’Orient, C. Morrisson (dir.), Paris, PUF, coll. « Nouvelle Clio », 2004, p. 79-110.
85 Sur ces aspects, voir Reydellet M., La royauté dans la littérature latine de Sidoine Apollinaire à Isidore de Séville, BEFAR 243, Rome, 1981, p. 199-208.
86 Cassiodore, Variae, I, 1, 10, 13.
87 Grégoire de Tours, Histoire, II, 38. Sur cet épisode souvent discuté, voir Mathisen R., « Clovis, Anastase et Grégoire de Tours », Rouche M. (dir.), Clovis, I, Histoire et mémoire, Paris, 1997, p. 395-407.
88 La lettre de Sigismond se trouve éditée avec la correspondance d’Avit de Vienne (Ep. 83, MGH Auctores antiquissimi, VI, 2, p. 100) : « Gentem nostram videamus regere, non aliud nos quam milites vestros credimus […] patria noster vester orbis est. »
89 Reydellet M., op. cit., p. 130-133.
90 Voir Morrisson C., « Les événements perspectives chronologiques », Morrisson C. (dir.), Le monde byzantin, I, L’Empire romain d’Orient, coll. Nouvelle Clio, Paris, 2004, p. 32.
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