Conclusion
p. 305-306
Texte intégral
1Faible productivité du travail et vulnérabilité de la main-d’œuvre par rapport aux aléas de la vie : d’aucuns considèrent ces deux éléments comme des contraintes majeures pour qu’offre et demande de travail puissent se rencontrer, pour que l’économie prospère et que la pauvreté se résorbe, au Sénégal comme ailleurs. Pour relever la productivité et amortir la vulnérabilité, les bailleurs de fonds et les décideurs nationaux mettent l’accent sur l’éducation et la formation, d’une part, sur les mécanismes assurantiels et l’assistance sociale, d’autre part. Explicitement – ceci est le cas de l’éducation – ou implicitement – cas de la protection sociale en tant qu’aspect du « travail décent » – ces outils font partie intégrante des Objectifs du développement durable. Cette double préoccupation des bailleurs et décideurs nationaux n’est pas sans générer des ressources considérables pour les parties prenantes que sont les écoles et universités, les assurances, le corps médical, les établissements de santé, etc., tous, ne serait-ce que partiellement, entre les mains d’opérateurs privés, conformément aux règles du jeu de l’économie de marché.
2Au Sénégal, l’éducation privée – et l’on pense surtout à l’enseignement supérieur, mais aussi à la formation professionnelle – est un secteur économique qui semble bien se porter, à en juger les nombreux établissements qui se créent, se diversifient et, pour les plus dynamiques d’entre eux, mettent en place des collaborations avec des partenaires du Nord, formant ainsi, à prix plus modeste que dans les pays dits riches, une main-d’œuvre susceptible de s’expatrier. Ceci étant, la quasi-automaticité entre investissement éducatif et augmentation de la productivité ne semble pas aller de soi, tant les motifs pour scolariser – ou pas ! – les jeunes sont multiples, tant les conditions d’apprentissage peuvent varier d’un établissement à l’autre, d’une localité à l’autre (Sénégal, 2011g). En effet, s’ils sont mal répartis à travers l’espace national, les établissements scolaires peuvent contribuer à l’augmentation des inégalités, augmentation contreproductive sur le plan économique et préjudiciable sur le plan social. L’augmentation de la productivité dépend surtout d’autres facteurs que du seul investissement éducatif (Lockheed, 1980). Il faut que l’environnement économique tout entier soit propice aux affaires et à l’embauche, à commencer par le cadre législatif, l’accès aux facteurs de production autre que le travail – l’électricité tout d’abord, mais aussi l’eau1 –, sans oublier le pouvoir d’achat des populations. Tout comme il est indispensable que les populations puissent avoir confiance en leurs leaders.
3Le secteur des assurances connaît, lui aussi, une certaine prospérité, même si, pour le moment, les Sénégalais se contentent d’assurer surtout – mais pas toujours… – leur véhicule. On peut cependant penser que, compte tenu de l’émergence d’une classe moyenne et de la sensibilisation des couches moins bien loties, l’avenir du secteur est également prometteur, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les assurances vie. Or, la mise en place d’une protection sociale accessible au plus grand nombre peut être problématique si elle ne s’accompagne pas d’une renégociation des règles du jeu et d’une recomposition des rapports de force. Ceci est également vrai pour le Sénégal où une petite portion de la main-d’œuvre bénéficie de la protection sociale, avec des prestations limitées certes, alors que la grande majorité reste sans le moindre mécanisme de sécurisation. La solution retenue par Dakar consiste en la mise en place de la protection sociale universelle. En soi, l’idée est tout à fait louable et surtout novatrice. Mais lorsqu’on apprend que l’universalisation est supposée se faire par le biais de la micro-assurance et les mutuelles qui, elles, dépendent largement de bailleurs étrangers, on peut être sceptique par rapport aux chances de réussite de ce projet. En effet, il ne fera qu’entériner les inégalités pré-existantes, tout comme le font aussi, d’une certaine manière, les mesures en faveur de l’éducation et de la formation professionnelle. Autant dire que les responsabilités des hommes et des femmes politiques envers les travailleurs et leurs familles sont grandes.
Notes de bas de page
1 En septembre 2013, la capitale connaît des problèmes d’approvisionnement en eau sans précédent. Voir « Sénégal : Pénurie d’eau à Dakar et environs. Bes du ñiakk, surpris par les tâtonnements des autorités », Sud Quotidien, 30 septembre 2013.
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