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    Plan détaillé Texte intégral Penser l’éducation : un certain appauvrissement de la réflexion L’éducation : la course au « chiffre » Enseignement technique et formation professionnelle : le retour ? Conclusion Notes de bas de page

    Sénégal, le travail dans tous ses états

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre VII : Éduquer les jeunes, former les travailleurs : des résultats peu probants

    p. 257-280

    Texte intégral Penser l’éducation : un certain appauvrissement de la réflexion D’un bien public qui appelle des régulations… … à un capital à rentabiliser Ces réalités subsahariennes qui contredisent les théories L’éducation : la course au « chiffre » Des avancées apparemment remarquables… … au prix de disparités considérables Enseignement technique et formation professionnelle : le retour ? Un domaine aux contours flous Le « haut de gamme » avant tout ! Conclusion Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Les dépenses publiques en faveur de l’éducation représentent le premier poste du budget de l’État sénégalais. Elles viennent avant celles relatives aux infrastructures, connues pour leur nature budgétivore, et celles qui concernent la santé. En 2010, elles correspondaient à 21 % des dépenses du gouvernement1. Vue sous cet angle, l’éducation apparaît comme une préoccupation centrale des décideurs. Tout porte à croire que l’effort financier en faveur de l’éducation bénéficie d’un large consensus, car ses répercussions se font sentir à la fois au niveau micro- et macro-économique et social. L’on sait que, généralement, plus le niveau de formation d’un individu est élevé, plus grandes sont ses chances d’exercer un métier rémunérateur et de jouir d’un certain prestige social. En même temps et au niveau macro, l’investissement dans l’éducation se traduit par une plus grande employabilité de la main-d’œuvre et une compétitivité accrue de l’économie nationale. Si le consensus autour de l’éducation se nourrit de motifs qui renvoient tout d’abord à l’économie, des motifs moraux, interviennent également. En effet, le droit à l’éducation n’est pas seulement proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme, il est aussi ancré dans la constitution du Sénégal2.

    2Tous ces éléments interpellent, bien entendu, aussi les organisations internationales et les bailleurs de fonds, en mal de « recettes » pour accomplir ce qu’ils estiment être leur mission et pour avancer sur le chemin du « développement ». C’est la Banque mondiale qui est désormais l’acteur central en matière d’éducation. À la fois think tank et opérateur financier, elle a relégué au second rang l’Unesco et fait des institutions nationales, en quelque sorte, des exécutants. Entre 2004 et 2013, les programmes d’éducation ont reçu en moyenne 8 % de l’ensemble des prêts distribués par la Banque, contre 4,6 % seulement pendant la décennie 1980, 3 % au courant des années 19603. Plus d’un cinquième des sommes allouées se dirige vers l’Afrique. Dans le cas du Sénégal, ce sont le PDEF (Programme de développement de l’éducation et de la formation) (Sénégal, 2003), la lettre de politique générale pour le secteur de l’éducation et de la formation (Sénégal, 2005a) ainsi que les différents contrats de performance signés, depuis fin 2012, par des universités publiques, qui traduisent les grandes orientations de la Banque mondiale. L’aide qui est en jeu – 14,2 millions € pour les seuls contrats de performance des universités – limite sérieusement la marge de manœuvre des décideurs nationaux. De ce fait, l’éducation est devenue un terrain d’expérimentation sans précédent pour les politiques publiques conçues ailleurs, alors que le débat au niveau national, lui, s’appauvrit. Avant d’approfondir cette question, on s’interrogera sur l’évolution des réflexions théoriques dont la dernière étape en date semble consacrer le triomphe du tout économique.

    Penser l’éducation : un certain appauvrissement de la réflexion

    D’un bien public qui appelle des régulations…

    3L’intérêt que les économistes portent à l’éducation est aussi vieux que la discipline même. Ainsi, dans ses réflexions sur la division du travail, Adam Smith insiste sur la dextérité de l’ouvrier et sur l’habileté des « savants » et « théoriciens ». Ces qualités permettent à l’individu de gagner du temps, tout comme elles contribuent à « l’opulence générale qui se répand jusque dans les dernières classes du peuple » (Smith, 1991, vol. I, p. 77). Smith souligne aussi les bienfaits de l’instruction au-delà du domaine économique, puisqu’« un peuple instruit et intelligent [est] toujours plus décent dans sa conduite et mieux disposé à l’ordre, qu’un peuple ignorant et stupide » (ibid., vol. II, p. 412). Deux traits fondamentaux des théories modernes sont ainsi annoncés. Le premier concerne la productivité du travailleur et les différences de rémunération liées à l’éducation. Le second est relatif au caractère de bien public que représente l’éducation, ce qui, selon Smith, justifie une régulation étatique. D’autres auteurs classiques, comme Thomas Malthus et John Stuart Mill, poursuivront cette réflexion lorsqu’ils interrogent les effets de l’éducation, par exemple en matière de limitation des naissances4.

    4Discours légèrement différent du côté de Marx et Engels. Pour eux, l’éducation renvoie avant tout à une revendication politique, proclamée dans un contexte où les travailleurs sont dépossédés de la maîtrise du processus de production. Plus encore, ces deux auteurs prêtent à l’éducation des qualités permettant de surmonter les contradictions propres au système économique capitaliste, contradictions induites par les innovations technologiques. Les innovations vont aussi être au centre des réflexions menées par Schumpeter, économiste d’origine autrichienne, qui, lui, s’interroge sur la connaissance en tant qu’élément essentiel du travail, un élément qui porte en lui les germes des évolutions futures. Le progrès technique intervient aussi lorsque des économistes néo-classiques comme Walras et Marshall assimilent l’homme à un capital.

    5C’est à partir du milieu du xxe siècle que l’on assiste à un bouillonnement d’idées sans précédent, qui va se traduire par la rupture avec le modèle néo-classique de la croissance et donner lieu notamment aux travaux sur le capital humain, défini comme l’ensemble des investissements dans l’éducation, la formation, la santé, la migration, etc., susceptible d’être mis en valeur dans le domaine économique. Les représentants de cette approche (Becker, 1962 ; Mincer, 1958 ; Schultz, 1959) établissent ainsi le lien entre connaissances et attitudes par rapport au travail, d’une part, et productivité, d’autre part, estimant que les décisions individuelles en matière d’investissement dans le capital humain, sont sujettes à des arbitrages en fonction des coûts et bénéfices.

    6Des économistes comme Robert E. Lucas (1988), Paul Romer (1986) et Robert Barro (1991) s’inscrivent dans le courant développé par Theodore W. Schultz et Gary Becker5, tout en développant le concept de la croissance endogène. Ils postulent que tous les facteurs de production sont accumulables, d’où l’élargissement des sources de croissance et des rendements croissants. La croissance est susceptible de s’auto-entretenir, et ceci notamment par l’effet des externalités6. Deux éléments mis en avant par la théorie de la croissance endogène nous intéressent particulièrement ici – tout comme dans le chapitre suivant : l’éducation et la formation, d’une part, la santé des travailleurs, d’autre part. Les bienfaits des actions en leur faveur viennent s’ajouter à l’héritage du capital humain légué par les ascendants. De ce fait l’accumulation du capital humain, source d’un surcroît du revenu individuel et de croissance économique, est une « activité sociale7 ». Ces répercussions vont, bien entendu, au-delà du « marché du travail », en ce sens que la scolarisation des femmes, par exemple, peut s’avérer bénéfique pour l’état de santé des enfants (Glewwe, 2002, p. 472-474). De là découle le bien-fondé de l’intervention publique qui, par ailleurs, se justifie aussi pour des raisons d’équité. Petit à petit, cette vision trouvera un écho favorable auprès des agences de développement. Ces réflexions auront des répercussions sur le plan moral, en ce sens que l’éducation et la santé se verront inscrites dans le catalogue des droits humains.

    7La théorie régulationniste, quant à elle, plaide encore davantage pour l’intervention de l’État. Celle-ci doit permettre de corriger le décalage entre le niveau de formation des travailleurs et les exigences de l’appareil productif (Boyer et Saillard, 1995 ; Boyer, 2001). Ce décalage est dû aux temporalités spécifiques régissant l’éducation et la formation, d’une part, et l’innovation, d’autre part, le résultat étant qu’il y a à la fois de la sous-qualification et de la sur-qualification des travailleurs. Toutes les deux sont potentiellement créatrices de tensions. D’où aussi l’intérêt de tenir compte des « nouveaux temps éducatifs » (Fontvieille et Michel, 2002, p. 334) tels qu’ils s’expriment à travers la formation continue, la formation hors travail et l’auto-formation. Ces formules permettent, justement, d’ajuster offre et demande de travail.

    8La socio-économie, enfin, a une vision davantage holistique que les autres approches théoriques (Rubinson et Browne, 1994). Elle interroge tout particulièrement l’articulation entre l’éducation et le marché du travail et décrypte, souvent de manière très fine, les déterminants de la demande d’éducation. Parmi les thèmes abordés au travers de cette approche, le désir de reproduction sociale et le prestige lié l’instruction sont primordiaux. De même, les socio-économistes questionnent la standardisation des systèmes d’éducation dans le monde et se montrent critiques par rapport à la faible prise en compte des spécificités nationales, tout particulièrement dans les programmes initiés par la Banque mondiale. C’est à ce titre que l’approche socio-économique paraît particulièrement apte à faire avancer la compréhension des réalités dans les pays du Sud (Rosenzweig, 2010).

    … à un capital à rentabiliser

    9Les mesures concrètes prises au Sénégal (ou dans d’autres pays subsahariens) s’inspirent largement de l’approche du capital humain. Rien d’étonnant à cela, étant donné le poids dont dispose désormais la Banque mondiale quant à la définition des politiques publiques en matière d’éducation : elle n’est pas seulement un think tank par excellence, mais aussi et surtout le premier bailleur de fonds. Conformément à l’esprit qui anime les interventions de la Banque mondiale, l’éducation est assimilée à un capital qui génère des bienfaits dont profitent, à des degrés variés, autant les individus que la société dans son ensemble. Depuis les années 1960, ces bienfaits – appelés rendement privé dans le premier cas, rendement public dans le second – ont fait l’objet d’un nombre impressionnant d’observations micro- et macro-économiques. Elles servent de base aux modèles mathématiques et aux propositions faites même pour les programmes d’éducation consécutifs à l’année 2015 (Psacharopoulos, 2015). Les arguments sont les suivants (Psacharopoulos et Patrinos, 2002)8 :

    • le rendement de l’éducation est fonction du contexte économique. C’est dans les pays les plus pauvres que les taux sont les plus élevés : pour le primaire, ils sont trois fois plus élevés en Afrique subsaharienne que dans les pays de l’OCDE9 ;

    • par rapport au niveau de l’éducation, c’est l’enseignement primaire qui a le rendement le plus élevé, alors que le supérieur, lui, enregistre les taux les plus faibles ;

    • le rendement est plus élevé pour les femmes que pour les hommes ;

    • le rendement privé est généralement supérieur au rendement social et, globalement, il a tendance à augmenter dans le temps.

    10En ce qui concerne la formation professionnelle, elle est également susceptible de faire l’objet de mesures. Cependant, dans la réalité, peu de données existent à cet égard, ce qui contribue inévitablement à sa marginalisation. Sa non-prise en compte peut s’expliquer par une pluralité de raisons qui seront exposées plus loin.

    11Les arguments avancés par cette approche que l’on peut qualifier d’utilitariste, reviennent à un appauvrissement par rapport aux réflexions antérieures. Plus encore, ils devaient inévitablement se traduire par l’uniformisation des politiques publiques. Celle-ci se reflète aussi dans les modalités de financement et le rôle attribué aux parties prenantes que sont les ménages privés d’un côté, l’État de l’autre10. Ainsi, des fonds publics sont massivement injectés dans l’enseignement primaire et secondaire moyen, alors que l’enseignement supérieur est largement réservé au secteur privé ; une attention particulière est accordée à la scolarisation des filles. Cette uniformisation peut cependant entrer en conflit avec des situations locales fort diverses, générant des stratégies spécifiques de la part des décideurs locaux, des organisations de la société civile et des familles. L’évitement, le contournement ainsi que des réinterprétations des modèles exogènes, selon des mécanismes bien connus dans les pays du Sud, en sont les manifestations les plus flagrantes.

    12Les réflexions exposées ci-dessus ont incontestablement permis de mieux connaître les liens entre l’éducation et la performance des travailleurs. Il n’en reste pas moins que le calcul utilitariste qui forme désormais le cœur des politiques publiques à travers le monde est tout d’abord une construction intellectuelle séduisante qui risque d’être en décalage par rapport aux réalités observables. Le constat suivant, établi il y a trente ans, est sans doute toujours valable : « Il reste beaucoup à faire pour transposer la modélisation théorique de pseudo-mondes en une modélisation applicable à des études chiffrées sur le monde réel. » (Malinvaud, 1993, p. 185.) En effet, le calcul utilitariste n’apporte pas de réponse à la question centrale qui est celle-ci : quelle est l’éducation qui soit conforme aux aspirations démocratiques des populations, une éducation qui soit en mesure d’améliorer les chances de réussite de tous, dans un contexte donné ?

    Ces réalités subsahariennes qui contredisent les théories

    13Lorsque les travaux théoriques récents sont confrontés au terrain, leur force explicative reste souvent en deçà des ambitions affichées. Ainsi, une analyse portant sur trente-cinq modèles, appliqués à la fois aux pays riches et pauvres, conclut que la relation entre facteurs humains et croissance de la production nationale est loin d’être aussi robuste que certains experts le prétendent (Altinok, 2005 ; Dumont, 1996). Un auteur nous interpelle même de manière provocatrice : « Where has all the education gone? » (Pritchett, 1996), pour rappeler, lui aussi, la fragilité de cette relation et pour signaler que, dès 1994, la Banque mondiale avait insisté sur la nécessité de combiner de manière judicieuse capital physique et humain. L’histoire économique est d’ailleurs riche en exemples confirmant ce constat (Easterlin, 1981).

    14En Afrique subsaharienne, les modèles théoriques sont particulièrement mis à rude épreuve (Pritchett, 1996). Moins que dans d’autres pays du Sud, l’investissement dans l’éducation n’y peut être considéré comme la solution à même de promouvoir la croissance et le mieux-être des populations. En effet, le décalage est manifeste entre les efforts déployés en matière d’investissement dans l’éducation, d’une part, et les résultats, exprimés en termes de croissance et de gains de productivité, d’autre part. Les données chiffrées disponibles permettent de confirmer ce constat aussi pour le Sénégal. C’est le modèle même – avec la relation supposée positive entre la durée de scolarisation, d’une part, et le niveau des revenus, d’autre part – qui semble peu applicable aux réalités subsahariennes (Bennell, 1996). La raison en est la structure même du « marché du travail », avec la prépondérance de l’auto-emploi. La promotion de ce dernier requiert moins des années de scolarité « classique », comme le suggère le modèle, que l’acquisition de compétences cognitives spécifiques (Glewwe, 2002, p. 467), des compétences pouvant être directement mises en valeur dans les activités de type informel. Pour les petits métiers, ces compétences, peu documentées, peuvent avoir un impact plus positif, en termes de revenus, qu’une scolarisation longue.

    15D’autres explications pour les répercussions limitées des investissements dans l’éducation semblent résider dans la demande d’éducation. Les familles ne souhaitent pas nécessairement le type d’éducation tel qu’il est proposé par les décideurs et les bailleurs de fonds. Elles ont des stratégies qui leur sont propres, fruit de contraintes démographiques, de solutions alternatives à la scolarisation de leurs enfants, fruit aussi de la représentation de l’enseignement, du diplôme et du travail même, du prestige qu’est supposé procurer tel ou tel métier, du désir de reproduction de la cellule familiale, de l’art de combiner stratégies familiales et individuelles. Parmi ces stratégies, des convictions religieuses peuvent également jouer un rôle. Ainsi, certains parents donnent la préférence à l’enseignement auprès d’un maître coranique, formule que les statistiques officielles ne prennent pas en considération. Tantôt ces stratégies peuvent s’articuler harmonieusement avec le modèle scolaire proposé par la puissance publique et des opérateurs privés, tantôt elles s’avèrent problématiques. Dit autrement, la demande de formation ne se dirige pas nécessairement vers l’offre proposée car supposée économiquement rentable. De nombreuses autres considérations entrent en compte lorsque les parents font – ou ne font pas – scolariser leurs enfants.

    16En effet, l’éducation telle qu’elle est conçue pour l’Afrique subsaharienne, semble favoriser l’afflux de la main-d’œuvre vers des situations rentières, celles-ci se trouvant souvent dans la fonction publique où la proximité avec les bailleurs peut ouvrir des perspectives intéressantes. Certains services et l’intermédiation commerciale, c’est-à-dire des activités peu génératrices de valeurs ajoutées, exercent également une force d’attraction considérable. L’argument sous-jacent semble être : pourquoi se fatiguer à monter une entreprise de production si l’on peut faire des « coups » rémunérateurs en guettant les bonnes occasions dans l’intermédiation commerciale ? En revanche, les sommes parfois considérables que les familles investissent dans l’éducation, surtout lorsqu’il s’agit du niveau supérieur, n’apportent pas nécessairement les bénéfices attendus. Elles risquent d’engendrer une offre surabondante de travail qualifié par rapport aux besoins, d’où des pressions vers le bas sur les salaires et une main-d’œuvre pléthorique dans certaines entreprises. Plus encore, les faibles capacités d’absorption du « marché du travail » local encouragent l’émigration des ressources les plus compétentes qui sont aussi celles dont la formation a coûté le plus cher à la communauté nationale. Les lacunes quant aux données chiffrées sur l’offre et la demande de travail ne font qu’exacerber ces tensions.

    17Ceci nous amène à interroger le bien-fondé même du volontarisme éducatif, tel qu’il transparaît à travers les Objectifs du millénaire, volontarisme dont la manifestation la plus patente est la marche forcée vers la scolarisation universelle, avec une échéance unique pour tous les pays du monde : 2015. Alors que les objectifs à atteindre sont rarement remis en question (Clemens, 2004), un grand nombre d’études empiriques montrent que les politiques éducatives ne représentent qu’une pièce d’un puzzle complexe et que même les mesures les plus volontaristes n’auront qu’une influence limitée sur les attitudes des familles par rapport à l’éducation de leurs descendants11. En effet, les conditions économiques et le niveau de formation des parents déterminent autant, sinon plus, le « long chemin » qui mène vers l’école. L’on dispose, pour cela, de données historiques pertinentes qui montrent une certaine uniformité de l’augmentation des taux de scolarisation, ceux-ci s’alignant, en quelque sorte, sur la progression du bien-être des populations. Il s’ensuit que la cible de la « scolarisation pour tous » en l’an 2015 n’a pu être atteinte que par un pays sur trois (Unesco, 2014), car chacun a son histoire et ses contraintes qui lui sont propres. Si toutefois tel ou tel pays s’est rapproché effectivement de la cible fixée par les experts, le prix en est parfois élevé : « acrobaties » pour comptabiliser des types de scolarisation dont le caractère éducatif est discutable, réduction des heures d’enseignement par élève, recours à du personnel enseignant mal formé et faiblement rémunéré, avec tous les risques en termes de désengagement des enseignants et de mauvaise qualité des enseignements dispensés. Le cas du Sénégal rappelle ces risques.

    L’éducation : la course au « chiffre »

    Des avancées apparemment remarquables…

    18Parmi les programmes déterminants pour les avancées en matière d’éducation, on mentionnera tout d’abord le PDEF (Programme de développement de l’éducation et de la formation), mis en place au début de la décennie 2000, conformément aux consignes de l’initiative « L’éducation pour tous » lancées en 1990 à Jomtien (Thaïlande). D’ailleurs, ce programme décennal n’a fait que poursuivre le chemin tracé par les politiques d’ajustement structurel, tout en accélérant les réformes. Dans un premier temps, celles-ci mettaient l’accent sur la scolarisation primaire et moyenne, pour petit à petit englober les autres niveaux, y compris le supérieur. A priori, cette réorientation semble contredire les conclusions de la concertation nationale sur l’enseignement supérieur de 1994, concertation qui plaidait pour la limitation de l’afflux vers l’enseignement supérieur (Banque mondiale, 1992 ; Sénégal, 1993e). Or, c’est le contraire qui s’est passé. De 25 000 étudiants au début des années 1990, on est passé à environ 150 000 en 2015, nous l’avons signalé au chapitre ii. L’intérêt accru pour l’enseignement supérieur s’explique, tout d’abord, par l’évolution démographique : la scolarisation massive dans le primaire se répercute progressivement non seulement sur les inscriptions dans l’enseignement secondaire, mais aussi, dans une mesure moindre certes, sur l’afflux vers le supérieur. Il est nourri, de plus, par le prestige qui adhère aux études supérieures : preuve de la réussite de l’éducation procurée par la famille, espoir de revenus pour les parents, dans le futur, certes, mais aussi dans le présent. En effet, il n’est pas rare qu’un étudiant – très souvent boursier – distribue ne serait-ce qu’une partie de sa bourse aux membres de la famille. Il renvoie, en outre, à des impératifs d’ordre politique – « canaliser » les nombreux bacheliers et éviter les troubles sociaux. Il répond, enfin, à des nécessités économiques – tenir compte des exigences de l’économie des connaissances, proposer davantage de formations professionnalisantes à tous les niveaux du cursus scolaire. À cet égard, les politiques publiques du Sénégal suivent également les consignes des bailleurs de fonds qui, depuis la fin de la décennie 2000, semblent avoir redécouvert les vertus de la formation professionnelle. On y reviendra.

    19À en croire les données chiffrées, des avancées considérables ont été réalisées au cours des décennies passées. En 1970, seulement deux Sénégalais adultes sur dix savaient lire et écrire ; quarante ans plus tard, ceci est le cas de cinq Sénégalais sur dix – avec toutes les réserves que cela implique quant à la maîtrise effective de l’écrit. La progression est particulièrement remarquable parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans, dont 73 % sont maintenant considérés comme sachant lire et écrire12. Mais ce ne sont là que les résultats les plus frappants… et politiquement porteurs. D’autres viennent s’y ajouter : taux bruts de scolarisation13 multipliés par deux, voire par trois au cours des quatre décennies passées, progrès considérables pour la scolarisation des filles dont l’espérance de vie scolaire a plus que doublé en vingt ans, multiplication par quatorze du nombre de bacheliers en trois décennies14, progression fulgurante du nombre de diplômés de l’enseignement – 30 000 en 2015 ! – évoquée plus haut, etc. (tableau 14). Des réalisations remarquables, nous l’avons dit. Mais elles ne permettent pas de fermer l’écart avec les pays du Nord, ne serait-ce qu’en termes d’années passées (« espérance scolaire ») dans un établissement scolaire. Quant à la qualité des enseignements dispensés, la situation est encore davantage problématique.

    Tableau 14. – Les taux bruts de scolarisation et l’espérance de vie scolaire (1970-2014)

    1970

    1980

    1990

    2000

    2005

    2010

    2014

    Enseignement pré-primaire
    (0-6 ans)

    Ensemble

    3

    7

    10

    12 (2013)

    – Garçons

    3

    6

    10

    11

    – Filles

    3

    7

    9

    13

    Enseignement primaire
    (7-12 ans)

    Ensemble

    n.d.

    43

    56

    68

    81

    84

    84

    – Garçons

    n.d.

    52

    65

    73

    82

    82

    80

    – Filles

    n.d.

    35

    47

    63

    79

    87

    87

    Enseignement secondaire
    (13-18 ans)

    Ensemble

    10 (1971)

    11

    15

    16

    23

    37

    n.d.

    – Garçons

    15

    15

    20

    20

    27

    40

    n.d.

    – Filles

    6

    7

    10

    13

    20

    35

    n.d.

    Enseignement supérieur

    Ensemble

    1

    3

    3

    3

    6

    8

    n.d.

    – Hommes

    2

    4

    5

    n.d.

    n.d.

    n.d.

    n.d.

    – Femmes

    0,5

    1

    1

    n.d.

    n.d.

    n.d.

    n.d.

    Espérance de vie scolaire
    (niveaux primaire et secondaire)

    Ensemble

    n.d.

    n.d.

    4,6 (1992)

    5,5

    6,6

    7,8

    n.d.

    – Garçons

    n.d.

    n.d.

    5,6

    6,0

    6,9

    7,8

    n.d.

    – Filles

    n.d.

    n.d.

    3,6

    4,9

    6,2

    7,8

    n.d.

    Source : Sénégal (2015c) et [http://data.uis.unesco.org/], accès avril 2016.

    20Le satisfecit par rapport aux réalisations appelle quelques nuances. Les indices retenus par le PDEF ne reflètent que les réalités se prêtant facilement à la quantification ; rien que leur choix traduit le caractère hautement normatif des objectifs à atteindre. Cependant ils ne permettent pas véritablement de rendre compte de toute la complexité de l’éducation (Altinok, 2005). Si ces indices – l’on pense tout d’abord aux « classiques » tels que le taux d’alphabétisation, le taux d’admission et de scolarisation, les dépenses unitaire par apprenant, les taux de redoublement, etc. – donnent lieu à des séries chronologiques qui paraissent cohérentes, ils peuvent aussi poser problème (H. Guèye et al., 2010, p. 68-73). Ainsi, l’on peut avoir des doutes par rapport à la mesure de certains phénomènes, comme l’alphabétisation dont on sait que l’évaluation est particulièrement délicate. De même, le taux de scolarisation – pourtant paramètre clé pour les cibles fixées par les Objectifs du millénaire – n’est pas nécessairement fiable et risque d’être surévalué. En effet, la course à la performance évoquée ci-dessus semble engendrer un excès de zèle de ceux qui collectent les données. Plus encore, la population scolarisable est calculée par extrapolation, à partir des données des recensements, d’où le risque de sous-estimation des effectifs scolarisables. Et enfin, ce taux de scolarisation est soumis à des révisions à la hausse, due à la reconnaissance problématique de certains établissements scolaires, à la limitation volontariste des redoublements, source d’abandons scolaires et donc de la baisse du taux de scolarisation. Autant dire que les « progrès » hautement médiatisés méritent d’être relativisés, car il s’agit souvent davantage d’une hausse formelle que de véritables avancées de l’éducation proprement dite.

    21Les autorités tentent de se rapprocher autant que faire se peut des objectifs fixés par les agences de développement, grâce notamment aux bailleurs disposés à injecter des sommes considérables dans le système d’éducation15. Indubitablement, c’est aussi dans cet esprit que les autorités sénégalaises annonçaient que le pays « est sur la bonne voie pour relever le défi de la scolarisation pour tous » (Sénégal, 2010c, p. 26). Or, en y regardant de près, certaines données tout à fait remarquables – tels le taux brut de scolarisation dans le secondaire qui dépasse dès 2013 la cible visée à l’horizon 2015 (Sénégal, 1015c, p. 55) – cachent mal d’autres résultats qui, eux, sont bien moins probants. En effet, inscrire massivement de nouveaux écoliers – en recourant à des méthodes qui mériteraient sans doute d’être examinées de près – est une chose, veiller, par exemple, à ce que ces élèves achèvent effectivement le primaire en est une autre. Si le bât blesse, c’est bien au niveau de ce décalage, car le rendement de la scolarisation au Sénégal – exprimé en diplômes obtenus – est faible. Seuls six élèves sur dix inscrits en première année terminent effectivement leur scolarité primaire (ibid., p. 54). Les taux de réussite au certificat de fin d’études élémentaires et au brevet de fin d’études moyennes connaissent des évolutions en dents de scie16. En 2013, un élève sur quatre seulement est reçu au brevet. Selon les zones géographiques, le taux de réussite au baccalauréat est généralement compris entre 25 et 50 %17. Autant de résultats qui semblent indiquer que la qualité de l’enseignement laisse à désirer.

    22La prudence est donc de mise lorsqu’il s’agit d’interpréter les données chiffrées relatives à l’enseignement. Et au lieu de se focaliser sur des améliorations exprimées en points ou dixièmes de points, améliorations que traduirait tel ou tel indice supposé porteur en termes de félicitations – et d’aide – de la part des agences internationales, il vaudrait sans doute mieux se contenter d’analyses en termes de grandes tendances… Ajoutons que l’amélioration de la production des informations statistiques semblerait sur la bonne voie : un projet, financé par l’AFD (Agence française de développement) et mis en œuvre par l’Unesco-Dakar, viserait à rendre plus précise la collecte de données statistiques et à étendre celle-ci à « tous les sous-secteurs » de l’éducation, y compris l’éducation non formelle18.

    23Les avancées en matière d’éducation sont largement dues à l’effort financier considérable que l’État sénégalais a réalisé, avec l’appui des bailleurs de fonds ; il n’y a guère de doute. Ainsi, les dépenses publiques pour l’éducation représentent 5,6 % du PIB en 2010, contre 3,2 % seulement dix ans plus tôt. Élément central pour l’appréciation des priorités que se fixent les décideurs et enjeu politique par excellence, ces chiffres sont cependant loin de rencontrer l’unanimité des observateurs19. Quoi qu’il en soit, l’État sénégalais a fait des efforts considérables pour un recrutement massif d’enseignants, surtout depuis 1996, c’est-à-dire à un moment où le taux brut de scolarisation a connu une baisse préoccupante. L’utilisation plus judicieuse des fonds publics est un autre facteur décisif pour les avancées décrites. Ainsi, la contractualisation des enseignants gagne du terrain, formule qui implique, elle aussi, des réductions des frais de personnel. Désormais, seuls 40 % des enseignants ont le statut de fonctionnaire20. De même, les autorités recrutent massivement des « volontaires de l’éducation nationale ». Bénéficiant d’une formation accélérée et faiblement rémunérés – 90 000 FCFA (137 €) par mois en 2012, soit l’équivalent du salaire d’un vigile –, ils coûtent relativement peu cher à l’État. En même temps, l’État veille à la rentabilisation des infrastructures, ce qui l’a amené à augmenter le nombre des classes à double flux ou multigrades21. Dernière innovation en date, les contrats de performance qui lient un certain nombre d’universités – dont l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et l’université Gaston Berger de Saint-Louis – à la Banque mondiale, cette dernière ayant accordé une aide de 14,2 millions d’euros sur cinq ans22. À ce sujet aussi, il est également question d’une meilleure utilisation des ressources disponibles.

    Tableau 15. – Effectifs scolaires dans le privé par rapport à l’ensemble des effectifs (en %) (1980-1990-2000-2010)

    1979-1980

    1989-1990

    1999-2000

    2009-2010

    Effectifs privé et public, 2009-2010

    Enseignement préscolaire

    82

    54

    69

    44

    147 000

    Enseignement élément.

    12

    9

    13

    14

    1 695 000

    Enseignement moyen

    33

    27

    20

    17

    532 000

    Ens. secondaire général

    20

    13

    19

    28

    156 000

    Enseignement supérieur

    0

    0

    29 (2003)

    30-40

    Plus de 100 000

    Sources : Sénégal (1993d, 2000, 2010b).

    24Le souci de rentabiliser les investissements publics va de pair avec l’ouverture au marché. Et c’est à cet égard que l’enseignement supérieur joue un rôle clé. En effet, alors que le recrutement d’élèves dans l’élémentaire privé fluctue peu – 14 % des élèves y sont scolarisés –, dès la libéralisation du secteur, les bacheliers se sont dirigés massivement vers les établissements privés du supérieur, un afflux qui se perpétue depuis (tableau 15). L’on estime qu’en 2015, sur un total de 150 000 étudiants, soit huit fois plus qu’il y a vingt-cinq ans23, entre 30  et 40 % sont inscrits dans le privé. Cette progression est surtout due au succès que rencontrent les business schools, environ 150 au total. Elles drainent aussi une clientèle étrangère de plus en plus nombreuse. Une facette spectaculaire s’il en est de l’évolution du système d’éducation sénégalais.

    … au prix de disparités considérables

    25L’ouverture aux initiatives privées va de pair avec une grande hétérogénéité des établissements scolaires, hétérogénéité qui renvoie aux modalités d’accès, aux frais de scolarité, aux conditions d’études ainsi qu’aux résultats. Très schématiquement et avec toutes les réserves qui s’imposent, l’on peut opposer écoles privées et publiques, les premières étant, de fait, réservées aux milieux plutôt aisés, les secondes aux populations moins fortunées. Cette ligne de partage couvre partiellement une autre opposition, celle entre les établissements en milieu urbain et ceux implantés en zone rurale. En effet, au niveau élémentaire, la proportion des élèves fréquentant une école privée est de 5 % seulement en zone rurale, contre 25 % en milieu urbain – 42 % à Dakar –, et cette tendance est à la hausse24.

    26Les oppositions se manifestent tout d’abord au niveau des effectifs par classe et de la proportion de classes à double flux et multigrades, sachant que ces dernières impliquent une réduction d’un tiers des heures d’apprentissage (Bianchini, 2004, p. 195)25. C’est dans les zones rurales, mais aussi dans les banlieues précaires de la capitale, comme Guediawaye, Pikine et Thiaroye, que se trouvent concentrées les classes à double flux et multigrades, alors qu’elles sont quasiment absentes au centre de la capitale. Mais les oppositions concernent aussi les infrastructures sanitaires, l’approvisionnement en eau et électricité, ainsi que l’équipement informatique (tableau 16).

    27Regardons ces réalités de plus près, en prenant l’exemple d’écoles maternelles en milieu urbain, comme l’école Aimé Césaire à Dakar, ainsi que l’école française Antoine de Saint-Exupéry à Saint-Louis. Elles ont leur site internet où l’on trouve les conditions d’inscription, le règlement intérieur, le calendrier scolaire et parfois jusqu’à l’adresse électronique des enseignants ; elles proposent, en dehors du programme français, des sections bilingues, voire trilingues, ainsi que de nombreuses activités extra-scolaires. Tout ceci a évidemment un prix26. Certains établissements accueillent à la fois des élèves du primaire et du secondaire, comme le complexe écolier turc Yavuz Selim ou le lycée Jean Mermoz à Dakar27. Spectacles, échanges internationaux, manifestations culturelles et autres visites d’entreprises de la place font partie intégrante du cursus scolaire et de la socialisation des élèves. L’uniforme, très souvent obligatoire, va également dans ce sens et permet l’identification à l’établissement et au groupe social auquel appartiennent les enfants. L’inscription dans des colonies de vacances dans des lieux de villégiature (Petite Côte), voire à l’étranger (Maroc, France) ne devient pas seulement un objet d’émulation entre les établissements, mais aussi une source de rivalité entre les parents et de compétition entre leurs enfants.

    Tableau 16. – Les infrastructures des établissements scolaires (année scolaire 2009-2010)

    total

    privé

    public

    urbain

    rural

    Enseignement élémentaire

    Écoles ayant accès à internet

    4 %

    21 %

    2 %

    15 %

    0,5 %

    Nombre d’ordinateurs par école

    0,7

    2,7

    0,4

    2,4

    0,1

    Écoles sans point d’eau

    40 %

    n.d.

    n.d.

    12 %

    49 %

    Proportion classes double flux/multigrades

    26 %

    11 %

    29 %

    18 %

    33 %

    Enseignement moyen et secondaire général

    Écoles sans point d’eau

    18 %

    5 %

    25 %

    7 %

    35 %

    Écoles sans électricité

    26 %

    6 %

    38 %

    9 %

    55 %

    Sources : Sénégal (2010b).

    28C’est incontestablement dans les établissements privés du supérieur que les jeunes sont le plus explicitement familiarisés avec le savoir-faire et le savoir-être dans un monde qui se globalise. Les enseignants viennent souvent des pays industrialisés, les équivalences de diplôme avec des établissements du Nord sont une pratique courante. Le bilinguisme est présenté comme allant quasiment de soi, certains établissements dispensant les cours en anglais. Jusqu’en 2011, Dakar comptait même le campus d’une université américaine, la Suffolk University, fermée depuis28. Dans ces établissements, l’esprit de groupe est forgé au travers les Alumni-clubs et lors de soirées organisées dans les hauts lieux de la sociabilité sénégalaise (hôtels prestigieux, centres de conférence, etc.), nous l’avons souligné dans le chapitre i. Rien de tel dans les universités publiques, en dépit de leur souci de se professionnaliser et de s’ouvrir au monde de l’entreprise, notamment en ce qui concerne les filières de sciences économiques et de gestion.

    29Mais le privé, cela peut aussi être ceci : des « instituts » proposant des formations en informatique ou promettant des perspectives dans le commerce international, installés dans des locaux inadaptés, avec un équipement insuffisant et une technologie dépassée. Ou bien des écoles élémentaires qui existent en marge de tout cadre institutionnel et qui dépendent du bon vouloir des bienfaiteurs et autres ONG29 ; ces formations « coins de rue » sont dispensées tantôt sur le trottoir d’un quartier précaire, tantôt dans un hangar improvisé en salle de classe30. Elles ne s’adressent pas seulement à des enfants sans pièce d’état civil, exclus de l’école formelle, issus de l’exode rural ou ayant dépassé l’âge de la scolarisation, mais aussi à des adultes, qu’ils soient marchands ambulants, apprentis chauffeurs, ouvriers ou cireurs au revenu mensuel généralement inférieur à 50 000 FCFA (76 €). Le problème majeur auquel sont confrontées ces « écoles » : la reconnaissance par l’État, seule condition pour bénéficier des fonds dans le cadre du programme Éducation pour tous.

    30Un aspect du système éducatif mérite particulièrement d’être souligné : les inégalités se mettent en place dès le préscolaire et elles sont fortement conditionnées par le lieu de résidence. La préscolarisation – elle concerne théoriquement tous les enfants de moins de six ans – est tout d’abord un phénomène urbain, même si, avec un nombre grandissant de structures communautaires, les enfants des zones rurales bénéficient de plus en plus d’un accueil préscolaire. Dans les villes, le privé accueille entre six enfants préscolarisés sur dix. À Dakar, ils sont quasiment neuf sur dix. Dans les quartiers chics de la capitale l’on trouve même des jardins d’enfants bilingues qui n’ont rien à envier aux établissements des pays industrialisés. En milieu rural, la situation est tout autre : parmi les enfants préscolarisés, seulement un sur dix l’est dans le privé (Sénégal, 2013h, p. 10-13). Certes, l’enseignement préscolaire fait l’objet d’un volontarisme indéniable de la part des pouvoirs publics, conformément à la conviction selon laquelle l’âge préscolaire est particulièrement propice pour lisser les inégalités sociales. On pense aux « cases des tout petits », initiative de prédilection lancée par Viviane Wade, ancienne première dame de la nation31. Or, pour ces structures communautaires, l’État recourt à des animateurs bénévoles, essentiellement de sexe féminin. Pendant des années, ceux-ci espéraient une formation leur permettant d’intégrer le corps des « volontaires de l’éducation nationale ». Or, la « précarité institutionnalisée » de ces animateurs risque de saper le système de l’intérieur et d’accentuer les inégalités entre milieu rural et urbain32.

    31Les maux dont souffre l’enseignement public sont multiples : grèves à répétition, débrayages, fêtes religieuses anticipées ou prolongées, absences injustifiées des enseignants. Une étude réalisée dans quelques lycées atteste une perte d’heures d’enseignement pouvant aller jusqu’à 40 % des heures programmées (A. Diouf, 2005). Formation initiale insuffisante, absence de formation continue et de recyclage, rémunérations à plusieurs vitesses liées à hétérogénéité des profils sont sans aucun doute pour quelque chose dans l’absentéisme des enseignants (Altinok, 2005 ; H. Gueye et al., 2010, p. 96-97). La situation est également préoccupante dans les universités publiques. Les grèves à répétition et le risque d’une année blanche ou nulle ont exacerbé l’intérêt des jeunes pour les établissements privés, et ceci d’autant plus que les redoublements y sont rares et que l’obtention du diplôme est quasi exclusivement conditionnée par le paiement des frais de scolarité. Le malaise touche, bien entendu, aussi les enseignants de l’université publique. Insatisfaits des conditions matérielles qui leur sont faites, ils sont nombreux à s’investir ailleurs, que ce soit dans le tutorat ou dans des vacations dans l’enseignement privé. Plus encore, les disparités entre le privé et le public semblent s’accentuer. Rien d’étonnant à cela dans un contexte où l’État ne dispose ni de la volonté politique ni des ressources suffisantes pour réguler le secteur et contrôler la qualité des enseignements. Les changements fréquents des ministres de tutelle – jusqu’à quatre ministères sous l’ère Wade – et l’insuffisante coordination entre les intervenants – les bailleurs de fonds, les ONG locales et internationales, etc. – ne font qu’ajouter au malaise général.

    32Le bilan que l’on peut tirer des politiques éducatives est pour le moins ambigu et les progrès ne sont pas aussi remarquables que le laissent entendre les indices habituellement mis en avant. Il est vrai que la scolarisation a progressé dans des proportions tout à fait impressionnantes et que l’accès à l’école s’est démocratisé (Lewandowski, 2011). Mais l’inégalité entre les établissements privés et le public est, elle aussi, une réalité, et ceci à tous les niveaux du système scolaire. Plus encore, les inégalités semblent se creuser au cours du temps. En effet, d’après une recherche exploratoire menée dans la capitale, le cursus scolaire se dégrade pour les garçons, notamment lorsqu’ils sont issus des couches intermédiaires qui réunissent des employés non qualifiés et des travailleurs permanents et non manuels (Moguérou, 2011). C’est aussi dans ces couches intermédiaires que les inégalités entre les genres, exprimées en années d’espérance scolaire, sont particulièrement pénalisantes pour les filles. Dit autrement, les données chiffrées médiatisées à force de communiqués de presse et de déclarations publiques ont tendance à occulter le fait que l’origine sociale – et géographique – continue à être déterminante pour le déroulement du cursus scolaire tout d’abord et la carrière professionnelle ensuite. Cette lacune présente également un handicap pour l’enseignement technique et la formation professionnelle.

    Enseignement technique et formation professionnelle : le retour ?

    Un domaine aux contours flous

    33Le bon sens semble indiquer que, puisque la productivité de la main-d’œuvre est faible, il ne suffit pas seulement d’augmenter le niveau d’éducation générale, mais qu’il faut aussi améliorer les performances des dispositifs de l’enseignement technique et de la formation professionnelle. Le Cadre d’action de Dakar va dans ce sens, lorsqu’il demande de « répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes et de tous les adultes en assurant un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objet l’acquisition de connaissances ainsi que de compétences nécessaires dans la vie courante » (Unesco, 2000, p. 16).

    34Or, les réalités de la formation professionnelle sont autrement plus complexes que celles de la formation générale. Cette complexité se lit, tout d’abord, à travers une terminologie qui n’est pas seulement polysémique, mais qui évolue dans le temps, sans pour autant gagner en précision. Ce qui plus est, la traduction de l’original – l’anglais, ceci va sans dire – vers d’autres langues n’est pas toujours chose aisée33. Ainsi, l’on parle tantôt de « formation technique et professionnelle » (vocational education and training), tantôt d’« enseignement technique et formation professionnelle » (technical and vocational education and training). Un certain flou entoure aussi des termes tels que « compétences professionnelles » (vocational skills), « compétences liées à la vie courante » (life skills), « compétences comportementales » (behavioral skills), « compétences générales et transversales » ou « compétences non-techniques » (soft skills). Les fluctuations terminologiques ont des conséquences néfastes pour la connaissance concrète des réalités.

    35La complexité de la formation professionnelle se lit, ensuite, à travers la pluralité des institutions concernées et des modalités d’organisation de l’enseignement. À l’opposition entre institutions privées et publiques, établissements scolaires et entreprises – chaque type ayant des contraintes spécifiques – vient s’ajouter une grande hétérogénéité des modèles organisationnels. La formation est assurée tantôt par des institutions spécialisées, tantôt dans le cadre de l’enseignement secondaire, tantôt sous forme de formation continue. De plus, l’articulation entre formation et vie professionnelle peut se faire en alternance, l’apprenant passant une partie de l’année scolaire en stage. Tout comme la formation à temps complet peut être suivie par l’entrée directe dans la vie professionnelle. Les cas de figure sont donc nombreux, au Sénégal comme ailleurs, les parties prenantes le sont tout autant : établissements de formation, ministères, organisations de la société civile, bailleurs de fonds.

    36Comme pour l’enseignement général, ce sont les agences internationales – Banque mondiale, OIT, OCDE, Union européenne – qui déterminent largement les grandes lignes des politiques nationales. Leur influence prépondérante n’est que le résultat de leur appui financier. Or, l’intérêt pour la formation professionnelle ne fluctue pas seulement en fonction des bailleurs, mais il évolue aussi dans le temps. Ainsi, après avoir été partie intégrante des politiques publiques des années 1960 et 1970, la formation professionnelle a été réduite à la portion congrue pendant les années 1980 et 1990, avec les Programmes d’ajustement structurel qui prônaient l’approche utilitariste des investissements :

    « Training in the private sector—by private employers and in private training institutions—can be the most effective and efficient way to develop the skills of the work force. In the best cases employers train workers as quickly as possible for existing jobs. Costs are low compared with training before employment. » (World Bank, 1991, p. 7.)

    37Ceci n’avait rien d’étonnant, étant donné la difficulté d’évaluer la rentabilité de la formation professionnelle dispensée par les établissements de type scolaire. Cette difficulté explique sans doute aussi l’absence de la formation professionnelle dans les Objectifs du millénaire. En revanche, tout au long de la décennie 2000, l’accent a été mis sur un enseignement de base généraliste, supposé stimuler des compétences utiles dans la vie de tous les jours. La valorisation de ces compétences devait atteindre son point culminant avec le Rapport mondial sur le développement 2007 où la Banque mondiale prônait le développement des « compétences de la vie », entre autres en matière de « prise de décisions ». Une injonction qui revient, en quelque sorte, à un aveu d’impuissance devant les résultats peu probants de « l’éducation pour tous » (World Bank, 2006 ; King, 2007a et 2007b).

    38Cependant, depuis quelques années, on peut constater un certain regain d’intérêt pour la formation professionnelle. On en veut pour preuve trois documents dont deux émanent de l’Unesco. Le premier, publié en 2010, analyse les inégalités devant l’apprentissage subies par les populations marginalisées (Unesco, 2010 ; King et Palmer, 2010). Le second (Unesco, 2012) semble indiquer que l’enseignement technique et la formation professionnelle (ETFP) sont effectivement « de retour ». Un constat que vient confirmer le Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale avec le sous-titre Emplois (2012). Plus encore, les préoccupations des deux organisations internationales sont partagées avec l’Union européenne, l’OCDE et l’OIT (Unesco, 2015, p. 127). À cet égard, il n’est pas inintéressant de noter que les préoccupations dans les pays du Nord rejoignent celles du Sud. Et de plus en plus, les décideurs semblent aussi conscients de l’importance de la formation sur le tas, dans les ateliers de type informel.

    39Cependant, les obstacles pour une meilleure connaissance des formations professionnelles sont nombreux. Profusion de définitions, pluralité d’intervenants, hétérogénéité des situations concrètes, petit nombre de personnes formées dans des disciplines fort hétérogènes : rien d’étonnant à ce que la collecte des données chiffrées s’avère particulièrement difficile, que l’information souffre de lacunes autrement plus grandes que pour ce qui est des autres niveaux de l’enseignement, et que l’efficacité de l’ETFP est particulièrement difficile à évaluer. Les experts de l’Unesco sont explicites, lorsqu’ils écrivent ceci :

    « Étant donné le renouveau d’attention à l’EFTP et la clarification de la conception et de la définition des compétences s’y rapportant, l’absence de données systématiques permettant un suivi et une évaluation de programmes d’EFTP efficaces a de quoi surprendre […]. Dans la plus vaste méta-analyse des programmes d’EFTP qui ait jamais été entreprise […], plus de 8 000 rapports d’études ont été analysés pour mesurer l’effet de modèles différents d’intervention en matière d’EFTP sur l’emploi et l’employabilité dans des pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire. Très peu d’études [26 sur 8 000 seulement] ont toutefois été conduites avec la rigueur nécessaire pour permettre d’évaluer l’efficience de l’intervention. » (Ibid., p. 127-128.)

    40Certes, cette évolution laisse entrevoir de nouvelles mesures en faveur de « l’employabilité ». Mais la modestie est de mise, car les questions suivantes – posées par la Banque mondiale il y a presque trente ans, et sans doute par d’autres bien avant – restent entières :

    « Vaut-il mieux, compte tenu de l’efficacité et du coût de chaque option, acquérir une formation professionnelle à l’école, à la sortie de l’école mais avant l’entrée dans le monde du travail, ou encore après l’entrée dans la vie professionnelle ? Vaut-il mieux former ceux qui travaillent déjà dans des centres régionaux pouvant accueillir un grand nombre des travailleurs d’une branche d’activité donnée, ou dans l’entreprise qui les emploie ? Quelle est la combinaison optimale entre formation théorique et expérience pratique ? » (Banque mondiale, 1988, p. 62.)

    41Le véritable obstacle à la promotion massive de la formation professionnelle renvoie à la finalité même de l’ETFP ainsi qu’à la tension entre offre et demande de ressources humaines qualifiées. Offre et demande n’obéissent pas aux mêmes temporalités. La formation professionnelle à elle seule n’est pas en mesure de créer de l’emploi, alors qu’une forte demande de professionnels risque de prendre de court ceux qui sont censés mettre en place les politiques publiques en la matière. Autrement dit, là aussi, une coordination efficace entre parties prenantes est indispensable, mais pas toujours suffisante.

    Le « haut de gamme » avant tout !

    42La difficulté de trouver la bonne formule – ou plutôt : les bonnes formules – pour l’enseignement technique et la formation professionnelle concerne aussi le Sénégal. Qu’en est-il concrètement ? Tout d’abord, une certaine instabilité institutionnelle caractérise ETFP. On en veut pour preuve qu’en trente ans, la direction de la Formation professionnelle a changé de tutelle sept fois (Walther, 2006, p. 14). Nouveau changement à la suite de l’accès à la présidence de Macky Sall : désormais, c’est un seul ministère qui s’occupe à la fois de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’artisanat34. L’enseignement technique initial est dispensé dans une pluralité d’institutions, allant des lycées techniques aux centres de formation professionnelle, en passant par les centres d’enseignement technique féminin et des entreprises privées. Lorsque ces institutions possèdent un agrément, elles délivrent une pluralité de diplômes, comme le brevet de technicien supérieur (BTS), le certificat d’aptitude professionnelle (CAP), le brevet d’études professionnelles (BEP) ou le baccalauréat plus brevet de technicien (BT). De plus en plus, le supérieur est, lui aussi, concerné par l’enseignement professionnel, avec des établissements tels que l’École supérieure polytechnique ou les Centres universitaires régionaux (CUR). Ils ont été initiés par le président Wade ; la nouvelle équipe au pouvoir entend les réactiver par le biais de formations « bac + 235 ».

    43Les données statistiques sur l’enseignement technique et la formation professionnelle sont peu abondantes, cela n’étonne guère. Ceci est particulièrement vrai pour la formation continue qui concerne tout au plus quelques milliers de travailleurs actifs par an36. Elle est financée par la taxe professionnelle – 3 % de la masse salariale – que les entreprises d’une certaine taille sont censées verser au Fonds de développement de l’enseignement technique et de la formation continue (FONDEF)37. Quant à la formation initiale, les données disponibles se limitent aux structures ayant pignon sur rue, publiques et privées (Sénégal, 2008g). Ces structures ont formé, en 2008, environ 35 000 jeunes, un chiffre en augmentation de plus de 5 % par an. Cette augmentation est largement due au succès des établissements privés qui, à eux seuls, accueillent 57 % des effectifs. Le privé propose surtout des formations dans des domaines ne nécessitant que des investissements relativement légers, comme l’informatique – réduite, généralement, à la maîtrise de logiciels de base – et le secrétariat. Quant aux outils pédagogiques, le recours au matériel d’occasion est fréquent, parfois offert par une ONG du Nord. La facilité relativement grande d’ouvrir un établissement formant au secrétariat contribue à une offre excédentaire dans un domaine déjà saturé. En revanche, les formations requérant des investissements lourds, mais ouvrant des perspectives professionnelles plus prometteuses – l’on pense aux métiers du froid –, elles, sont rares sur le marché sénégalais et relèvent généralement du secteur public. La formation professionnelle pèse lourd sur le budget de l’éducation nationale : le coût unitaire par élève est estimé à 570 000 FCFA (870 €)38, soit deux fois plus que la scolarisation dans le secondaire général. Et pourtant, de manière générale, l’effort de l’État en matière d’ETFP s’est considérablement accru, passant de 1,6 % du budget de l’éducation en 2001 à 8 % en 2012 (Sénégal, 2013h, p. 112), signe que l’approche de la formation professionnelle évolue vers un engagement plus important de l’État.

    44L’appui de la communauté internationale reste cependant substantiel et l’on voit intervenir la coopération espagnole, luxembourgeoise, canadienne, japonaise et surtout française, par le biais de l’Agence française de développement (AFD). Cette dernière s’implique tout particulièrement dans la formation des apprentis de l’industrie agro-alimentaire, des métiers portuaires ainsi que du bâtiment et des travaux publics (OCDE, 2008, p. 598-599). L’objectif que s’est fixé ce programme consiste en la formation de 10 000 apprentis par an, en collaboration avec des entreprises d’une certaine envergure. Avec 4 400 apprentis formés en 2013, les réalités restent cependant loin en deçà de cet objectif (Sénégal, 2015c, p. 22). Les difficultés se font notamment sentir pour le secteur des BTP dont les entreprises semblent peu enclines à faire profiter les jeunes de la formation proposée.

    45La promotion de la formation professionnelle n’a rien de nouveau, loin de là. Dans les années 1990 déjà, la Coopération française avait l’ambition d’appuyer un certain nombre de lycées professionnels39. Comme souvent pour ce type de projet, des sommes considérables ont été investies dans la réfection des locaux, ce qui contribua aussi à la visibilité du projet. Certains résultats furent tout à fait probants. Mais, dans l’ensemble, les opérations s’inscrivaient dans le court terme, sans véritable pérennisation des acquis40. Plus encore, le projet n’arriva pas à promouvoir la petite entreprise : les établissements de formation ne sont arrivés qu’à en créer une seule, craignant que les micro-entreprises ne nuisent aux entreprises industrielles ou artisanales existantes. Ce constat permet d’établir un parallèle avec l’initiative de l’AFD en cours. Dans ce cas non plus, les avancées réalisées ne résolvent les problèmes que pose la formation des apprentis des micro-entreprises. Ceux-ci sont cependant nombreux. Pour la seule capitale, l’on peut estimer leur nombre à environ 125 00041. Leurs rangs grossissent au fur et à mesure que se dégrade la situation sur le « marché du travail ». Quid donc de tous ceux qui quittent le système scolaire sans avoir acquis de véritables compétences professionnelles ? Les experts du Nord, parfois insuffisamment au fait des contraintes dans les pays du Sud, ont tendance à miser sur une scolarisation à temps complet ou éventuellement en alternance, une formule qui ne rencontre pas nécessairement l’enthousiasme des parties prenantes sénégalaises. La raison en est simple : comparé à la formation dans un établissement scolaire, l’apprentissage procure aux jeunes un certain nombre d’atouts, si modestes puissent-ils paraître. Il équivaut à une insertion rapide dans le monde du travail, garantit souvent la prise en charge d’une partie des dépenses au quotidien, le remboursement éventuel des frais médicaux, voire une petite rémunération dans trois cas sur cinq, et il permet de se constituer son propre réseau professionnel. Quant aux petits entrepreneurs, ils ne sont pas nécessairement en mesure de se priver, même pour un temps limité, d’une main-d’œuvre somme toute bon marché, temporairement absente à cause d’une formation. Cette dernière remarque vaut, bien entendu, aussi pour la main-d’œuvre familiale, généralement trop sollicitée pour que le chef de famille soit favorable à des absences pour des motifs de formation.

    Conclusion

    46Que peut-on conclure de ce tour d’horizon de l’éducation et de la formation professionnelle ? La focalisation sur l’enseignement de base, impulsée par les Objectifs du millénaire, devait inévitablement conduire à des cohortes de plus en plus grandes ayant achevé le cycle élémentaire et se dirigeant vers l’enseignement moyen et secondaire. Cette pression est, en principe, un atout, car elle permet de rehausser le niveau des compétences de la main-d’œuvre, et ceci dans un temps relativement limité, compte tenu de la jeunesse de la population sénégalaise. La formation professionnelle contribue à cette évolution.

    47Or, les opportunités liées au dynamisme démographique ne semblent pas avoir été suffisamment saisies, que ce soit par les décideurs ou par les jeunes générations et leurs familles, et ceci pour plusieurs raisons. Des raisons historiques, tout d’abord, sachant que les métiers manuels et l’enseignement technique ne sont pas particulièrement prisés par les populations. Cette attitude renvoie, bien entendu, à l’histoire coloniale, caractérisée par la valorisation du travail écrit, a fortiori lorsqu’il est exercé dans la fonction publique : pour se rapprocher du pouvoir et disposer d’un emploi prestigieux, il fallait avant tout savoir lire et écrire. Des raisons d’ordre symbolique entrent également en ligne de compte. Le travail manuel renvoie à la servilité ; de ce fait, il est mal payé. À l’opposé, sont divulguées à satiété des success-stories relatant l’ascension sociale fulgurante de tel ou tel commerçant n’ayant pas fréquenté les bancs de l’école… Autant d’éléments préjudiciables au prestige du travail manuel et à sa rémunération décente. Il y a, enfin, aussi des raisons relatives aux politiques publiques : les plus grands efforts en matière de formation professionnelle ne peuvent porter leurs fruits que s’ils sont articulés à une politique d’emploi digne de ce nom. Une politique d’emploi qui s’appuie sur des données fiables quant à l’offre et la demande d’emploi et à des dispositifs permettant la confrontation des deux, une politique d’emploi volontariste qui soit l’émanation d’une vision à long terme. C’est une telle approche qui semble faire cruellement défaut au Sénégal, et c’est sans doute cela aussi la plus grande lacune en matière d’éducation et de formation professionnelle.

    48Si essentielles que soient l’éducation et la formation des jeunes générations – pour leur intégration sociale et professionnelle, mais aussi pour leur épanouissement personnel –, la responsabilité des décideurs politiques, représentants de la société, ne s’arrête pas là. Ceux-ci sont aussi censés se préoccuper des questions situées en aval du travail, c’est-à-dire de la prise en charge de ceux qui, temporairement ou définitivement, ne sont pas en mesure d’exercer une activité génératrice de revenus. Tel est l’objet du dernier chapitre.

    Notes de bas de page

    1 Soit, 5,6 % du PIB. Source : Unesco, [http://data.uis.unesco.org/], accès avril 2016. On peut aussi voir Banque mondiale, 2006a, p. 9.

    2 Pour le Sénégal, voir la loi no 2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution de la République du Sénégal : « L’État et les collectivités publiques créent les conditions préalables et les institutions publiques qui garantissent l’éducation des enfants. » (Titre II, art. 21.) De même : « L’État a le devoir et la charge de l’éducation et de la formation de la jeunesse par les écoles publiques […]. Toutes les institutions nationales, publiques ou privées, ont le devoir d’alphabétiser leurs membres. » (Art. 22), [http://www.gouv.sn/-Constitution-du-Senegal-.html].

    3 Voir Bourdon, 2002, et World Bank [http://go.worldbank.org/PMV1NRBOM1], accès avril 2016, lien New Commitments for Education by Region.

    4 Pour une vue d’ensemble, on peut se référer à Michel, 1999.

    5 Je remercie le lecteur anonyme de m’avoir incitée à approfondir cet aspect des nouvelles théories de la croissance et à nuancer certains aspects de mes conclusions.

    6 Pour une vue d’ensemble, voir Guellec et Ralle, 2003 ; Fontvieille et Michel, 2002 ; Dumont, 2002.

    7 « Human capital accumulation is a social activity, involving groups of people in a way that has no counterpart in the accumulation of physical capital. » Source : Lucas, 1988, p. 18 ; c’est l’auteur de l’article qui souligne.

    8 George Psacharopoulos jouait, au cours des décennies 1980 et 1990, un rôle clé pour les recherches menées au sein de la Banque mondiale. On lira avec intérêt Jiminez et Patrinos, 2003, et les contributions au numéro de Economics of Education Review 22 (2003) dédié à G. Psacharopoulos.

    9 Exprimé en termes d’augmentation des revenus imputables à une année supplémentaire d’éducation par rapport à l’investissement nécessaire.

    10 Voir les travaux de référence en la matière : Mincer, 1974 ; Mingat et Suchaut, 2000 ; Psacharopoulos, 1973. Ce dernier travail a fait l’objet de nombreuses actualisations. Voir aussi Arestoff, 2000, pour le cas de Madagascar, et Hénaff et al., 2009, pour la relation entre éducation et pauvreté.

    11 Ainsi, une approche purement comptable comme celle des experts de la Banque mondiale – approche consistant à multiplier le coût unitaire par élève par le nombre d’enfants à scolariser pour connaître l’effort financier nécessaire – risque de passer à côté des contraintes réelles. Voir Clemens, 2004, p. 9-10.

    12 Soit 78 % des hommes et 68 % des femmes (estimations Unesco pour 2015), [http://data.uis.unesco.org/], accès avril 2016.

    13 Nombre d’élèves ou étudiants scolarisés dans un niveau d’enseignement donné, quel que soit leur âge, exprimé en pourcentage de la population de la tranche d’âge théorique qui correspond à ce niveau d’enseignement.

    14 2 920 en 1985, 7 000 en 1991, 39 500 en 2014. Sources : Banque mondiale, 1992, p. 5, et la page Facebook du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [https://www.facebook.com/mesr.sn/], avril 2016. Voir aussi [www.campusen.sn], site du Portail d’information sur les études supérieures au Sénégal. Données chiffrées disponibles sur [http://www.education.gouv.sn/], lien Chiffres clé/Annuaires statistiques, accès avril 2016.

    15 Les partenaires techniques et financiers contribuaient à raison de 4 % au financement de l’éducation en 2003, de 14 % en 2009. Source : Sénégal, 2010f, p. 116.

    16 Le certificat de fin d’études élémentaires sanctionne six années d’enseignement suivies par des enfants de sept à douze ans. Le brevet de fin d’études moyennes sanctionne quatre années d’études secondaires. Trois années supplémentaires mènent au baccalauréat.

    17 En 2013, 39 % des élèves sénégalais ont réussi le baccalauréat. Le taux est de 41 % pour les garçons, de 36 % pour les filles. Source : [http://www.education.gouv.sn/], accès avril 2016. En France, le taux de réussite au baccalauréat tourne autour de 85 %.

    18 Voir à ce sujet : [http://www.unesco.org/new/fr/dakar/about-this-office/single-view
    /news/statistical_yearbook_on_education_in_the_making_in_senegal/
    ], accès avril 2016.

    19 Voir « Financement national de l’éducation », La Gazette, 23 mars 2011 où l’on apprend que « l’ex-représentant de la Banque mondiale à Dakar […] avait déclaré en mai 2010 qu’une enquête était en cours pour y voir un peu plus clair », car tantôt les autorités prétendent que l’éducation représente 32 % du budget de l’État, tantôt 40 %.

    20 Calculs à partir de Sénégal, 2010b. La formule du volontariat représente désormais la seule voie d’accès aux postes d’enseignants dans le primaire. Après une certaine ancienneté, le poste est transformé en contractuel.

    21 Dans les classes à double flux, les effectifs sont scindés et l’enseignant s’occupe des élèves à tour de rôle, d’où une réduction des heures d’enseignement par élève. Les classes multigrades, elles, comprennent des élèves de plusieurs niveaux. En 2012-2013, 25 % des élèves de l’enseignement élémentaire (7-12 ans) fréquentaient l’un des deux types de classe, contre 31 % en 2003-2004. Sources : Sénégal, 2013h, p. 57 ; Sénégal, 2004d, p. 4.

    22 Voir « Enseignement supérieur : le contrat de performance veut remettre l’Ucad sur la voie de l’excellence », Dakaractu, 17 janvier 2013. Ce contrat prévoit l’amélioration de l’efficacité interne, l’utilisation des technologies de l’information dans les stratégies pédagogiques, le renforcement des liens avec le monde du travail, l’amélioration de la qualité de l’enseignement, l’amélioration de la gouvernance. Voir aussi Sénégal, 2013d.

    23 Les chiffres exacts font cependant défaut. Les Objectifs du millénaire visent le nombre de 250 000 étudiants du supérieur en 2015. Voir Banque mondiale, 1992 ; Lucmalle, 2004 ; Le Soleil, 2009 ; « Université : Serigne Mbaye Thiam annonce une large concertation nationale sur l’enseignement supérieur », Le Soleil, 6 août 2012, ainsi qu’une interview avec le directeur d’une université privée : [http://www.youtube.com/watch?v=ZZDLJOF_nuo], accès avril 2016. Initialement, le Projet d’amélioration de l’enseignement supérieur (PAES) tablait sur un effectif d’étudiants du privé de 15 % en 2003. Chiffre largement dépassé, car cette même année, le supérieur privé comptabilisait déjà 29 % des étudiants. Voir World Bank, 2003a, p. 57.

    24 Source : Sénégal, 2013h, p. 56-57. En 1990-1991, on comptait 9 % des enfants dans l’élémentaire privé, 6 % dans les campagnes, 11 % dans les villes. Source : Sénégal, 2000, p. 7.

    25 Ces données ne sont pas rendues publiques de manière systématique. Mais l’on sait qu’en 2003-2004, il y avait 54 élèves par classe dans l’élémentaire public de Dakar Banlieue, 34 dans Dakar Ville. Source : Sénégal, 2004d, fascicule Enseignement élémentaire, p. 24. Quant aux classes à double flux et multigrades, dans le public, 34 % des élèves en étaient concernés, contre 8 % des élèves du privé (ibid., p. 15).

    26 Voir [http://ecoleaimecesaire.com/], accès avril 2016. Dans ce dernier établissement, les frais d’inscription et de scolarité s’élèvent à 950 000 FCFA (1 400 €) par an pour la maternelle, à 1 250 000 FCFA (1 900 €) le primaire (année scolaire 2015-2016).

    27 Avec, pour les lycéens, des frais allant jusqu’à 5 000 € par an (« tarif étranger » au lycée Mermoz, année scolaire 2015-2016), [www.lyceemermozdakar.org], accès avril 2016.

    28 Les tarifs s’élevaient, à l’époque, à 5 millions FCFA (7 600 €) pour les droits d’inscription et la scolarité, à 1,2 million FCFA (1 830 €) pour l’hébergement en pension complète.

    29 Voir aussi Hénaff et al., 2009, p. 192 : « Les écoles privées incluent le meilleur comme le pire en termes de conditions d’accueil comme de qualité de l’enseignement. »

    30 L’article suivant paraît toujours d’actualité : « Formations “coin de rue” : les petits pas d’une école alternative », Le Soleil, 8 novembre 2004.

    31 L’initiative qui se poursuit d’ailleurs sous le régime de Macky Sall.

    32 Voir « Animateurs polyvalents des cases des tout petits et des classes préparatoires. Lutte, lueurs et leurres », Sud Quotidien, 24 juillet 2012.

    33 Pour l’évolution de la terminologie employée dans les grandes rencontres, de Jomtien à Dakar, voir King, 2011b.

    34 Voir [http://www.formation-professionnelle.gouv.sn/].

    35 Voir « Mary Teuw Niane, ministre de l’Enseignement supérieur : “L’étudiant sera désormais orienté là où il peut réussir” », Sud Quotidien, 4 janvier 2013.

    36 Voir « Financement de la formation professionnelle continue au Sénégal », Walfadjri, 13 juillet 2011.

    37 Plus récemment, a été créé le Fonds de financement de la formation professionnelle et technique. Nous ne tenons pas compte ici de cette réforme.

    38 Année de référence : 2008. Source : Sénégal, 2010f, p. 115. Les rapports suivants n’indiquent plus le coût unitaire par élève.

    39 Projet formation professionnelle pour l’emploi. Les formations concernaient l’habillement, l’agro-alimentaire, la maintenance mécanique et électrique, les structures métalliques. Sources : documents internes du projet.

    40 « Rien n’a été encore engagé par les autorités pour permettre au projet d’être pérennisé […]. Les différents rapports […] mettent en évidence le manque de prise en charge par le ministère de l’Éducation nationale du Sénégal des développements que le projet a permis pour l’enseignement technique et la formation professionnelle. » Source : Cayol J.-C. et Schuh P., Compte rendu sur la mission d’évaluation du projet du 23 au 27 avril 2001, p. 23.

    41 Extrapolation depuis Sénégal, 2004d, p. 10. En 2003, la capitale comptait 88 000 apprentis. D’après le recensement de 2013, il y aurait, au Sénégal, 173 000 apprentis. Voir Sénégal, 2014a.

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    1 Soit, 5,6 % du PIB. Source : Unesco, [http://data.uis.unesco.org/], accès avril 2016. On peut aussi voir Banque mondiale, 2006a, p. 9.

    2 Pour le Sénégal, voir la loi no 2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution de la République du Sénégal : « L’État et les collectivités publiques créent les conditions préalables et les institutions publiques qui garantissent l’éducation des enfants. » (Titre II, art. 21.) De même : « L’État a le devoir et la charge de l’éducation et de la formation de la jeunesse par les écoles publiques […]. Toutes les institutions nationales, publiques ou privées, ont le devoir d’alphabétiser leurs membres. » (Art. 22), [http://www.gouv.sn/-Constitution-du-Senegal-.html].

    3 Voir Bourdon, 2002, et World Bank [http://go.worldbank.org/PMV1NRBOM1], accès avril 2016, lien New Commitments for Education by Region.

    4 Pour une vue d’ensemble, on peut se référer à Michel, 1999.

    5 Je remercie le lecteur anonyme de m’avoir incitée à approfondir cet aspect des nouvelles théories de la croissance et à nuancer certains aspects de mes conclusions.

    6 Pour une vue d’ensemble, voir Guellec et Ralle, 2003 ; Fontvieille et Michel, 2002 ; Dumont, 2002.

    7 « Human capital accumulation is a social activity, involving groups of people in a way that has no counterpart in the accumulation of physical capital. » Source : Lucas, 1988, p. 18 ; c’est l’auteur de l’article qui souligne.

    8 George Psacharopoulos jouait, au cours des décennies 1980 et 1990, un rôle clé pour les recherches menées au sein de la Banque mondiale. On lira avec intérêt Jiminez et Patrinos, 2003, et les contributions au numéro de Economics of Education Review 22 (2003) dédié à G. Psacharopoulos.

    9 Exprimé en termes d’augmentation des revenus imputables à une année supplémentaire d’éducation par rapport à l’investissement nécessaire.

    10 Voir les travaux de référence en la matière : Mincer, 1974 ; Mingat et Suchaut, 2000 ; Psacharopoulos, 1973. Ce dernier travail a fait l’objet de nombreuses actualisations. Voir aussi Arestoff, 2000, pour le cas de Madagascar, et Hénaff et al., 2009, pour la relation entre éducation et pauvreté.

    11 Ainsi, une approche purement comptable comme celle des experts de la Banque mondiale – approche consistant à multiplier le coût unitaire par élève par le nombre d’enfants à scolariser pour connaître l’effort financier nécessaire – risque de passer à côté des contraintes réelles. Voir Clemens, 2004, p. 9-10.

    12 Soit 78 % des hommes et 68 % des femmes (estimations Unesco pour 2015), [http://data.uis.unesco.org/], accès avril 2016.

    13 Nombre d’élèves ou étudiants scolarisés dans un niveau d’enseignement donné, quel que soit leur âge, exprimé en pourcentage de la population de la tranche d’âge théorique qui correspond à ce niveau d’enseignement.

    14 2 920 en 1985, 7 000 en 1991, 39 500 en 2014. Sources : Banque mondiale, 1992, p. 5, et la page Facebook du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [https://www.facebook.com/mesr.sn/], avril 2016. Voir aussi [www.campusen.sn], site du Portail d’information sur les études supérieures au Sénégal. Données chiffrées disponibles sur [http://www.education.gouv.sn/], lien Chiffres clé/Annuaires statistiques, accès avril 2016.

    15 Les partenaires techniques et financiers contribuaient à raison de 4 % au financement de l’éducation en 2003, de 14 % en 2009. Source : Sénégal, 2010f, p. 116.

    16 Le certificat de fin d’études élémentaires sanctionne six années d’enseignement suivies par des enfants de sept à douze ans. Le brevet de fin d’études moyennes sanctionne quatre années d’études secondaires. Trois années supplémentaires mènent au baccalauréat.

    17 En 2013, 39 % des élèves sénégalais ont réussi le baccalauréat. Le taux est de 41 % pour les garçons, de 36 % pour les filles. Source : [http://www.education.gouv.sn/], accès avril 2016. En France, le taux de réussite au baccalauréat tourne autour de 85 %.

    18 Voir à ce sujet : [http://www.unesco.org/new/fr/dakar/about-this-office/single-view
    /news/statistical_yearbook_on_education_in_the_making_in_senegal/
    ], accès avril 2016.

    19 Voir « Financement national de l’éducation », La Gazette, 23 mars 2011 où l’on apprend que « l’ex-représentant de la Banque mondiale à Dakar […] avait déclaré en mai 2010 qu’une enquête était en cours pour y voir un peu plus clair », car tantôt les autorités prétendent que l’éducation représente 32 % du budget de l’État, tantôt 40 %.

    20 Calculs à partir de Sénégal, 2010b. La formule du volontariat représente désormais la seule voie d’accès aux postes d’enseignants dans le primaire. Après une certaine ancienneté, le poste est transformé en contractuel.

    21 Dans les classes à double flux, les effectifs sont scindés et l’enseignant s’occupe des élèves à tour de rôle, d’où une réduction des heures d’enseignement par élève. Les classes multigrades, elles, comprennent des élèves de plusieurs niveaux. En 2012-2013, 25 % des élèves de l’enseignement élémentaire (7-12 ans) fréquentaient l’un des deux types de classe, contre 31 % en 2003-2004. Sources : Sénégal, 2013h, p. 57 ; Sénégal, 2004d, p. 4.

    22 Voir « Enseignement supérieur : le contrat de performance veut remettre l’Ucad sur la voie de l’excellence », Dakaractu, 17 janvier 2013. Ce contrat prévoit l’amélioration de l’efficacité interne, l’utilisation des technologies de l’information dans les stratégies pédagogiques, le renforcement des liens avec le monde du travail, l’amélioration de la qualité de l’enseignement, l’amélioration de la gouvernance. Voir aussi Sénégal, 2013d.

    23 Les chiffres exacts font cependant défaut. Les Objectifs du millénaire visent le nombre de 250 000 étudiants du supérieur en 2015. Voir Banque mondiale, 1992 ; Lucmalle, 2004 ; Le Soleil, 2009 ; « Université : Serigne Mbaye Thiam annonce une large concertation nationale sur l’enseignement supérieur », Le Soleil, 6 août 2012, ainsi qu’une interview avec le directeur d’une université privée : [http://www.youtube.com/watch?v=ZZDLJOF_nuo], accès avril 2016. Initialement, le Projet d’amélioration de l’enseignement supérieur (PAES) tablait sur un effectif d’étudiants du privé de 15 % en 2003. Chiffre largement dépassé, car cette même année, le supérieur privé comptabilisait déjà 29 % des étudiants. Voir World Bank, 2003a, p. 57.

    24 Source : Sénégal, 2013h, p. 56-57. En 1990-1991, on comptait 9 % des enfants dans l’élémentaire privé, 6 % dans les campagnes, 11 % dans les villes. Source : Sénégal, 2000, p. 7.

    25 Ces données ne sont pas rendues publiques de manière systématique. Mais l’on sait qu’en 2003-2004, il y avait 54 élèves par classe dans l’élémentaire public de Dakar Banlieue, 34 dans Dakar Ville. Source : Sénégal, 2004d, fascicule Enseignement élémentaire, p. 24. Quant aux classes à double flux et multigrades, dans le public, 34 % des élèves en étaient concernés, contre 8 % des élèves du privé (ibid., p. 15).

    26 Voir [http://ecoleaimecesaire.com/], accès avril 2016. Dans ce dernier établissement, les frais d’inscription et de scolarité s’élèvent à 950 000 FCFA (1 400 €) par an pour la maternelle, à 1 250 000 FCFA (1 900 €) le primaire (année scolaire 2015-2016).

    27 Avec, pour les lycéens, des frais allant jusqu’à 5 000 € par an (« tarif étranger » au lycée Mermoz, année scolaire 2015-2016), [www.lyceemermozdakar.org], accès avril 2016.

    28 Les tarifs s’élevaient, à l’époque, à 5 millions FCFA (7 600 €) pour les droits d’inscription et la scolarité, à 1,2 million FCFA (1 830 €) pour l’hébergement en pension complète.

    29 Voir aussi Hénaff et al., 2009, p. 192 : « Les écoles privées incluent le meilleur comme le pire en termes de conditions d’accueil comme de qualité de l’enseignement. »

    30 L’article suivant paraît toujours d’actualité : « Formations “coin de rue” : les petits pas d’une école alternative », Le Soleil, 8 novembre 2004.

    31 L’initiative qui se poursuit d’ailleurs sous le régime de Macky Sall.

    32 Voir « Animateurs polyvalents des cases des tout petits et des classes préparatoires. Lutte, lueurs et leurres », Sud Quotidien, 24 juillet 2012.

    33 Pour l’évolution de la terminologie employée dans les grandes rencontres, de Jomtien à Dakar, voir King, 2011b.

    34 Voir [http://www.formation-professionnelle.gouv.sn/].

    35 Voir « Mary Teuw Niane, ministre de l’Enseignement supérieur : “L’étudiant sera désormais orienté là où il peut réussir” », Sud Quotidien, 4 janvier 2013.

    36 Voir « Financement de la formation professionnelle continue au Sénégal », Walfadjri, 13 juillet 2011.

    37 Plus récemment, a été créé le Fonds de financement de la formation professionnelle et technique. Nous ne tenons pas compte ici de cette réforme.

    38 Année de référence : 2008. Source : Sénégal, 2010f, p. 115. Les rapports suivants n’indiquent plus le coût unitaire par élève.

    39 Projet formation professionnelle pour l’emploi. Les formations concernaient l’habillement, l’agro-alimentaire, la maintenance mécanique et électrique, les structures métalliques. Sources : documents internes du projet.

    40 « Rien n’a été encore engagé par les autorités pour permettre au projet d’être pérennisé […]. Les différents rapports […] mettent en évidence le manque de prise en charge par le ministère de l’Éducation nationale du Sénégal des développements que le projet a permis pour l’enseignement technique et la formation professionnelle. » Source : Cayol J.-C. et Schuh P., Compte rendu sur la mission d’évaluation du projet du 23 au 27 avril 2001, p. 23.

    41 Extrapolation depuis Sénégal, 2004d, p. 10. En 2003, la capitale comptait 88 000 apprentis. D’après le recensement de 2013, il y aurait, au Sénégal, 173 000 apprentis. Voir Sénégal, 2014a.

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    Ce livre est cité par

    • Servet, Jean-Michel. (2015) La finance autrement ?. DOI: 10.4000/books.septentrion.8287
    • Servet, Jean-Michel. (2016) Critical Studies on Corporate Responsibility, Governance and Sustainability Finance Reconsidered: New Perspectives for a Responsible and Sustainable Finance. DOI: 10.1108/S2043-905920160000010028
    • Berrou, Jean-Philippe. Combarnous, François. Eekhout, Thomas. Mellet, Kevin. (2020) Mon mobile, mon marché. Réseaux, N° 219. DOI: 10.3917/res.219.0105

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