Introduction à la première partie
p. 27-30
Texte intégral
1L’Organisation armée secrète (OAS) est créée en février 1961, à Madrid, par Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, en pleine guerre d’indépendance algérienne. Le choix de l’appellation OAS, référence explicite à l’Armée secrète, organisation de résistance à l’occupant nazi dans les années 19401 constitue la première d’une longue série de références à une mystique résistancialiste qui structure et anime l’organisation. Ces combattants, civils et militaires, unis dans le combat pour « l’Algérie française » se confrontent, par leurs actions de propagande et par un activisme terroriste, à la lutte indépendantiste du Front de libération nationale (FLN) algérien. Ils s’opposent également à la politique du Général de Gaulle marquée par le spectre de « l’autodétermination » (septembre 1959) et de « l’Algérie algérienne » (mars 1960). De Gaulle est dès lors érigé en figure repoussoir, responsable d’un supposé « abandon » de l’Algérie.
2Alors que l’OAS s’attache, dès sa création, à étendre son influence sur le territoire algérien et sur sa population pied-noir2 ainsi qu’à gagner le sou tien de métropolitains, elle est combattue par le FLN et le gouvernement français. Dès 1961, les activistes se mettent à la recherche de nouveaux territoires européens sur lesquels appuyer leur combat. Tandis que l’Espagne et son régime franquiste présentent des facilités d’accueil pour ces activistes, un certain nombre de militants « Algérie française » voient dans la péninsule italienne une terre qui paraît disposée à les accueillir. Dès 1960, avant même la création officielle de l’OAS, les premiers résistants à la politique algérienne du général de Gaulle se signalent aux autorités italiennes ou sont repérés par ses services de renseignements3.
3Nous avons centré notre étude sur ces liaisons de l’OAS en Italie qu’afin de saisir les réalités de l’exil et de l’activisme sur le territoire italien. Nous analyserons le processus de formation, la composition, la localisation, les effectifs et actions des réseaux qui se réclament du « label » OAS en Italie, afin d’identifier les soutiens dont ils ont bénéficié dans les années 1960.
4Unis par un même anticommunisme viscéral, ce sont les milieux de la droite et de l’extrême droite italiennes qui apportent leur soutien, verbal, symbolique ou effectif, aux militants OAS en déroute. Certains courants de la Démocratie chrétienne, plusieurs membres de la Curie romaine, une partie du MSI et des groupes extra-parlementaires ont favorisé le séjour des activistes français dans la péninsule.
5À la faveur du passage ou de l’installation sur le territoire italien de militants de l’organisation secrète, des réseaux militants européens, et plus spécifiquement bilatéraux, se tissent au début des années 1960, nourris par l’engagement d’Italiens aux côtés des « ultras » français.
6Outre les dynamiques internes à l’organisation secrète, notre étude vise à éclairer le difficile positionnement des autorités italiennes face à la menace OAS. Le combat OAS et l’exil politique des « ultras » dans la péninsule a en outre permis des circulations idéologiques et culturelles qui contribuent à former des éléments d’une culture politique commune entre Français et Italiens d’extrême droite.
Notes de bas de page
1 Wieviorka Olivier, Histoire de la Résistance, 1940-1945, Paris, Perrin, 2013.
2 L’origine du mot est discutée mais le Trésor de la langue française mentionne sa première occurrence en 1901.
3 Casa della Memoria de Brescia (CdM), Rapport d’expertise no 3 d’Aldo Giannuli commandité le 12 décembre 1997, annexe 69, Raggruppamento operativo speciale carabinieri (ROS), Reparto anti eversione, Document du Centro Controspionaggio (CS) de Bari à l’Ufficio « Difesa » (D), « secret », 29 juin 1961.
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