Doyennés et organisation de l’espace diocésain, le cas du bas-Maine (xie-xive siècle)
p. 343-365
Texte intégral
1Familiers mais méconnus, tels se présentent les doyennés et leurs responsables au Moyen Âge central et tardif. Pour peu que l’on ouvre un cartulaire, les doyens s’y présentent abondamment, simples témoins ou responsables d’une juridiction bien commode pour garantir des actes qui se multiplient au xiiie siècle. Malgré cela, les médiévistes ne s’y sont guère intéressés, préférant sans aucun doute se pencher sur des institutions plus prestigieuses ; la bibliographie du sujet est bien vite circonscrite. Dans les subdivisions du diocèse, archiprêtrés et archidiaconés suscitent incontestablement plus d’intérêt.
2Le doyenné, petite circonscription regroupant le plus souvent deux ou trois dizaines de paroisses, offre pourtant un cadre de réflexion intéressant sur l’encadrement ecclésiastique dans les campagnes, mais aussi plus largement sur l’organisation de l’espace. D’ailleurs, ce travail trouve son point de départ dans la constatation, faite naguère, de l’installation, sans lendemain, de doyens sur des sites châtelains du Bas-Maine au début du xiie siècle1. En reprenant le problème, c’est donc moins l’institution, encore que l’on ne puisse faire l’économie de son étude, que la logique spatiale, fondée sur les héritages antérieurs à l’an Mil et le dynamisme d’une époque marquée par les centres châtelains, qui se place au cœur de cette enquête. En partant du mieux connu, la carte des doyennés d’après le premier pouillé du début du xive siècle, on peut tenter de comprendre la logique du découpage et la participation des doyens à la structuration de l’espace dans le cadre du diocèse entre le xie et le début du xive siècle.
3La présente étude se limite au Bas-Maine car la documentation mise en œuvre, qui repose sur un dépouillement systématique, a été réunie pour un travail antérieur. Si l’étude de tous les doyennés du diocèse du Mans aurait pu être un objectif souhaitable, l’ampleur de la tâche ne le permettait guère. Le diocèse, un des plus grands de la France ancienne, ne comptait pas moins de vingt-quatre doyennés et plus de six cent paroisses. Malgré tout, les principes du découpage sont, sans doute, en partie transposables, même si un certain nombre de caractères différencient Haut et Bas-Maine.
Le doyenné, circonscription ecclésiastique
4L’histoire des doyennés demeure très largement à établir alors que les sources ne sont pas rares, bien au contraire. Il s’agit donc de faire d’abord le point sur les possibilités de l’enquête entreprise en essayant de définir les grandes lignes de l’institution. Il s’avère cependant encore difficile de faire toute la lumière sur les doyens et leurs circonscriptions.
Les données d’une recherche
5Une rapide recherche conduit à constater l’ampleur des lacunes. Pas d’article « doyenné » dans le Dictionnaire d’Histoire et d’archéologie chrétienne, ni dans le Dictionnaire de Théologie catholique, mais une courte synthèse de quelques pages est consacrée au sujet par Gabriel Le Bras dans Les institutions ecclésiastiques de la chrétienté médiévale2. Évidemment, les études portant sur des diocèses abordent le sujet. Pour l’ouest, la thèse de Joseph Avril sur celui d’Angers, tout proche, offre un index fourni aux termes « doyen » et « doyenné », mais il s’agit plutôt de mentions, l’étude elle-même, fort intéressante, présente une grande brièveté3. Dans son étude des châteaux du Rennais, Michel Brand’honneur pose la question de la naissance des doyennés en quelques pages fort denses4.
6Pour le diocèse du Mans, pratiquement tout est à faire ou à reprendre. La monumentale Histoire du diocèse du Mans de Dom Piolin remonte au Second Empire et ne peut plus être acceptée sur bien des points5. Il est possible, en revanche, pour commencer, de s’appuyer sur une première carte des doyennés due à Thomas Cauvin dans sa Géographie ancienne du diocèse du Mans6. Des travaux érudits autorisent une première approche : le Catalogue des actes des évêques du Mans de Léon Célier et surtout le Dictionnaire de l’abbé Angot, qui inventorie les doyens de chaque circonscription avec assez de rigueur pour que l’on puisse lui faire confiance7. Pour le reste, des études plus récentes et plus sûres sur le diocèse offrent des synthèses partielles et rapides, mais qui traitent peu notre sujet8. Seule l’étude de Daniel Power sur la frontière normande pose la question du découpage des doyennés dans le Passais9.
7Ce silence des historiens étonne, car le doyenné et son titulaire affichent une forte présence dans les sources. Nous disposons en effet d’une masse de pièces isolées et de cartulaires qui n’offrent pas moins de 250 mentions de doyens. Bien sûr, ces traces sont inégales : cela va de la simple présence pour témoignage à quantité d’actes délivrés par la juridiction décanale, surtout au xiiie siècle. Il en résulte quelques difficultés pour connaître les doyens qui disparaissent derrière leur fonction. Mais certains présentent un dossier assez étoffé pour sortir un peu de l’ombre. Il faut ajouter les statuts synodaux, qui consacrent plusieurs canons plus spécifiquement à ces relais du pouvoir épiscopal, et un compte de 1330 environ, publié par Auguste Longnon dans ses Pouillés de la province de tours10. Ce dernier présente un grand intérêt en nous livrant une première esquisse spatiale sérieuse11.
8Une difficulté subsiste cependant, un decanus n’est pas obligatoirement identifiable avec un dignitaire ecclésiastique. Une mention géographique du doyenné rend évidemment de grands services, mais n’est pas de règle. Il faut donc souvent se reporter au contexte de l’acte pour trancher, pas toujours avec certitude. Les cas difficiles ne se présentent pas en nombre, mais le doyen, comme l’institution du doyenné, conservent une certaine opacité.
Origine et développement des doyennés
9Dans le Bas-Maine, les textes mentionnent les doyens au xie siècle et plutôt dans sa seconde moitié, ce qui correspond d’ailleurs à la multiplication des sources. Les débuts sont discrets et inégaux. Un doyen Hubert lié à Laval apparaît à de multiples reprises et durant un temps relativement long, entre 1075 ou 1080 et 112512. Une telle carrière n’est pas impossible, mais l’existence de deux homonymes n’est pas à exclure. Au xiie siècle, les mentions se multiplient : en 1114, le doyen Jean à Mayenne, avant 1122, le doyen Richard à Ernée, puis vers 1123-1143, ceux d’Évron et Brûlon13. En 1190-1214, un acte épiscopal cite les doyens de Mayenne, Évron, Passais et Ernée14. Il faut aussi noter ceux de Sablé et de Javron en 119715. À ces doyens qui verront leur doyenné perdurer, il faut ajouter la mention isolée de doyens indubitablement ecclésiastiques à Ambrières, Villaines-la-Juhel, Bazougers et Sainte-Suzanne dans la première moitié du xiie siècle, qui ne sont voués à aucun avenir16. Au xiiie siècle, les actes de doyens se font nombreux et cela pour tous les doyennés qui subsisteront sans changement jusqu’à l’époque moderne17.
Carte 1 : Les paroisses du Bas-Maine (par convention, les limites adoptées sont les limites communales modernes qui ne différaient guère des anciennes limites paroissiales).

10Si l’on peut suivre la constitution progressive d’un réseau, les conditions de la mise en place des doyens demeurent obscures. Gabriel Le Bras pense à une création dès l’époque carolingienne et Jean-François Lemarignier et Olivier Guillot le rejoignent18. Il est difficile de se prononcer pour le diocèse du Mans. Notre enquête, certes peu approfondie, conduit plutôt à un constat d’absence avant le xe siècle, au moins dans le Bas-Maine. En revanche, comme le remarquent André Debord et Michel Brand’honneur, un certain nombre de doyennés se rattachentà de vieux centres de pouvoir du haut Moyen Âge, tels, en ce qui nous concerne, Mayenne et surtout Javron, chef-lieu de condita19. Cela ne contredit pas pour autant qu’il s’agisse ici d’une création du xie siècle, ce que suggère leur apparition dans les sources à cette époque. La généralisation de l’institution paraît bien un phénomène des temps féodaux. Les documents des xie et xiie siècles, trop rares, ne permettent toutefois guère de savoir en quoi consistait la fonction de doyen et encore moins de connaître la carte des circonscriptions ; si par la suite les doyennés ont connu une grande stabilité, cela n’alla pas sans certaines modifications. Le processus de création dût donc se faire dans la longue durée et au prix de nombreuses fluctuations, si bien qu’il est difficile d’imaginer une organisation élaborée dès l’origine.
11Le dossier du premier doyen qui nous apparaît, plutôt bien fourni, invite à le croire. À la fin du xie siècle, le doyen Hubert se signale à de multiples reprises. Il est cité comme doyen de Laval et tient des coutumes sur l’église de Nuillésur-Vicoin, située au xive siècle dans le doyenné de Laval20. Ces droits de visite, synode et relief de l’autel lui avaient été abandonnés par l’évêque pour le bénéfice de sa charge, ce qui jette quelque lumière sur la fonction (doc. 1). Il tient aussi une part de l’église de Bazougers, où il semble bien implanté. Il l’a peut-être desservie, même si un acte le montre vendant une terre au curé de cette église21. Il a un fils qui détient la cure de la Chapelle-Anthenaise, non loin de là. Ces deux dernières paroisses se trouvent au xive siècle dans le doyenné de Sablé. Doit-on en déduire que les circonscriptions tardo-médiévales ne sont pas encore fixées, voire que le pouvoir du doyen ne s’exerce pas dans un cadre territorial strictement défini ? Plusieurs indices tendent en tout cas à privilégier le rôle joué par la puissance personnelle de Hubert et la force de ses appuis.
Carte 2 : Les doyennés vers 1330.

12Il ressort de ce dossier l’image d’un doyen représentant de l’évêque et bien en place, même s’il est probable que l’institution soit récente. Laval est en effet fondé par l’installation du château dans la première moitié du xie siècle et un véritable peuplement ne s’y développe que dans la seconde moitié du siècle22. La création du doyenné ne peut être antérieure et les actes relatifs à Hubert laissent entrevoir une institution dans son enfance, aux limites encore mal fixées.
Les réformes de l’évêque Maurice et la fixation du système des doyennés
13Au cours du xiie siècle vient la stabilisation et, au xiiie siècle, les doyennés arrivent en pleine lumière en devenant l’un des éléments de la réforme pastorale entreprise par l’évêque Hamelin (1190-1214) et accomplie par son successeur Maurice (1216-1231). En 1230, ce dernier réorganise totalement l’administration de son diocèse en supprimant les archiprêtrés pour les remplacer par septarchidiaconés divisés en doyennés. À cette occasion, quelques remaniements assez limités sont opérés, transférant quelques paroisses d’une circonscription à l’autre23. Même si nous n’avons pas de description précise, on peut penser que sont alors en place les circonscriptions mentionnées par le premier pouillé, simple répertoire d’une taxe épiscopale, daté par Auguste Longnon des environs de 133024. Malgré quelques lacunes, le classement par doyennés offre une première vision précise que présente la carte 225. Tout laisse penser que la stabilité a dominé et que ces listes ont de fortes chances d’être déjà valables pour le xie siècle, sans qu’il faille cependant s’illusionner sur la rigidité d’un tel découpage dans les premiers temps.
14Dans son décret, l’évêque précise qu’« il n’est ni nouveau, ni inconvenant que les institutions humaines changent en fonction du changement d’époques » et qu’il a sollicité l’avis de son entourage et du chapitre26. Les statuts synodaux publiés à la même époque et souvent remaniés donnent très clairement le sens de ce décret. Il s’agit bien de quadriller le territoire par un système institutionnel autorisant non seulement une meilleure administration du diocèse, mais surtout un meilleur encadrement pastoral du clergé et des paroissiens27. Les archidiacres, dotés de pouvoirs importants, ont la haute main sur le recrutement des curés et la vie paroissiale. Sous leur direction, les doyens surveillent et contrôlent leur petit territoire. Une refonte du synodal datée de 1240 ou 1247, effectuée par l’évêque Geoffroy de Loudun, s’attache à définir la fonction décanale en lui consacrant plusieurs canons regroupés sous le titre « du devoir des doyens ». Ces derniers doivent visiter chaque année églises et prieurés, réunir quatre fois par an les curés, intervenir dans tout ce qui peut paraître scandaleux et s’occuper de la subsistance des lépreux (doc. 2)28. Cette réforme ambitieuse ira sans doute moins loin que ne l’avait souhaité son promoteur.
15La fonction décanale n’a donc rien de secondaire. Le doyen apparaît comme un relais majeur du pouvoir épiscopal, au moins pour le xiiie siècle, quand la multiplication des sources mais aussi la volonté pastorale des évêques se manifestent. Dans ces conditions, le découpage des circonscriptions révèle à la fois les réalités de l’organisation ecclésiastique et les facteurs qui concourent à la structuration de l’espace.
Le poids de la géographie et du passé
16Les lacunes du compte de 1330 ne soulèvent pas de graves difficultés et peuvent être comblées par les pouillés postérieurs, si bien que nous obtenons pour cette date une carte parfaitement fiable. Le Bas-Maine tel que nous l’avons défini est concerné par dix doyennés (voire onze : Gesvres est l’unique paroisse pour le doyenné de Fresnay qui relève de l’archidiaconé de Saosnois), mais quatre n’y sont présents que partiellement. Sans aucun doute cette situation provient de la conception même de l’espace du Bas-Maine qui renvoie à une terminologie géographique postérieure au Moyen Âge, reflet d’un compromis entre un certain nombre de réalités telles le cloisonnement forestier ou les mouvances féodales, par définition fluctuantes. La présente étude ne prendra donc en compte que les six doyennés complets, même si quelques renseignements utiles seront tirés des autres, si nécessaire.
17La situation au début du xive siècle fige une évolution qui s’est dessinée dès le xie siècle et dont les lignes essentielles n’ont certainement plus guère bougé dès le xiiie siècle. Au-delà du constat sur les centres et les limites, ce sont les principes qui ont motivé le découpage qui doivent ici retenir notre attention.
Analyse de la carte des doyennés médiévaux
18Le Bas-Maine s’inscrit essentiellement dans les archidiaconés de Laval – qui rassemble les doyennés de Laval, Mayenne, Ernée et Évron – et de Sablé – qui comprend les doyennés de Sablé, Brûlon et Sillé-le-Guillaume. Enfin, sur la frange nord, l’archidiaconé du Passais est représenté par une partie des doyennés de Passais et de la Roche-Mabille et par la totalité de celui de Javron. Les chefs-lieux se répartissent de façon relativement régulière, dessinant un véritable maillage du territoire, et les dimensions des doyennés apparaissent assez homogènes. Ils regroupent entre trente et quarante paroisses, seul celui de Mayenne n’en comptant que treize29. Les écarts sont plutôt moins forts que dans d’autres diocèses et l’on peut sans doute invoquer la volonté de l’évêque Maurice. Mais le choix des centres et certaines inégalités entre doyennés suscitent l’interrogation.
19La première remarque concerne les appellations des doyennés. En général, ils prennent le nom de leur centre, ville ou simple bourgade, ou celui d’un « pays » à caractère historique ou géographique. La presque totalité des cas du Bas-Maine renvoie au premier cas de figure : Sablé, Mayenne, Évron… Seul le doyenné de Passais déroge à la loi générale : écartelé entre Maine et Normandie du fait des conquêtes normandes, sans doute eut-il du mal à dégager véritablement un centre. Doit-on déduire de ce primat des centres l’existence d’une volonté épiscopale précoce de faire du doyenné un espace défini et organisé autour de lieux précis, ou bien s’agit-il d’une simple adaptation à une situation antérieure ?
20Les limites des doyennés ne reposent que rarement sur des éléments géographiques et le découpage ignore de façon générale ce qui pourrait offrir des repères commodes comme les cours d’eau, à l’exception de la Mayenne. Quatre des doyennés s’appuient sur la rivière depuis Mayenne, c’est-à-dire à partir de l’endroit où son importance rend son franchissement difficile. Les rares ponts sont réservés aux deux sites de Mayenne et Laval et sans doute pas encore au xie siècle. Pour le reste, même si certains affluents comme l’Erve pour le doyenné de Sablé ou la Colmont pour le doyenné de Passais semblent jouer un certain rôle, le recours aux repères géographiques (petits cours d’eau, collines…) reste très ponctuel). Il convient donc de chercher d’autres facteurs.
21Il faut évidemment considérer à part la limite occidentale des doyennés d’Ernée et de Laval qui coïncide avec celle du diocèse. Il s’agit là d’une très vieille frontière pour laquelle l’héritage gallo-romain peut-être évoqué. Les forêts ont ici très tôt matérialisé la limite séparant Riedones et Aulerques Diablintes. Le recul des Bretons au cours du xe siècle, après leur avancée au ixe siècle, a réuni frontière religieuse et frontière politique sur un tracé fort ancien. Il n’est pas sûr que la carte des diocèses en ait été bouleversée. Jean-Pierre Brunterc’h a bien montré le maintien d’une frontière linéaire au niveau des paroisses de Saint M’Hervé et la Croixille, marquée par l’étroit ruisseau des Ingoliers (devenu le ruisseau des Épronnières), cité dans la Vie de saint Mervé du ixe siècle30. Au sud, la limite des doyennés de Laval et Sablé recouvre de même la frontière entre les diocèses du Mans et d’Angers. Là aussi le tracé remonte aux antiques cités et ne fait guère l’objet de débats. Mais outre ces frontières diocésaines, d’autres délimitations de doyennés peuvent aussi relever du passé.
Des centres anciens
22Dans un nombre de cas non négligeable, les centres de doyennés affichent une grande ancienneté. Cela ne signifie pas obligatoirement que les doyennés sont anciens, mais, en tout cas, qu’ils se sont fixés sur des sites déjà existants. Le fait est incontestable pour Javron. Le doyenné est installé dans un vieux centre de condita, puis de vicaria, et un ermite des temps mérovingiens y avait fondé un monastère31. Bien plus, en 1047, une charte particulièrement précise mentionne à cet endroit une villa, c’est-à-dire une agglomération dotée d’un centre religieux formé de l’association de trois sanctuaires, dont les dédicaces à saint Constancien, saint Martin et au saint Sauveur dénotent fortement l’antiquité32. Un gros prieuré de Saint-Julien de Tours assure, au xie siècle, l’ensemble de l’héritage.
23Évron présente un cas semblable. Le doyenné prend pour référence un vicus doté d’une très ancienne abbaye fondée par l’évêque du Mans Hadouin dès le viie siècle33. Cette dernière fut un point d’appui de l’épiscopat manceau pour la christianisation et le contrôle du Bas-Maine. Ruinée par les invasions normandes, l’abbaye est restaurée dès 989 et devient une puissante maison bénédictine sur laquelle ne tarde pas à se greffer une agglomération, même si la mention d’un bourg dès le xe siècle n’est peut-être que le fruit d’une falsification du texte rapportant la restauration34.
24La situation de Mayenne doit être évaluée à la lumière des découvertes archéologiques retentissantes qui ont provoqué de nouvelles enquêtes et conduit à reconsidérer ses origines. Un établissement humain est attesté très haut dans le Moyen Âge et l’on a retrouvé des monnaies mérovingiennes portant l’inscription Medana castra, ainsi qu’un palais du début du xe siècle, voire de la fin du ixe siècle, encastré dans le bâti du château féodal. Même si la question reste discutée, il n’est pas impossible qu’un établissement religieux ait pu s’établir alors. L’hypothèse d’un transfert du centre de pouvoir régional de la vieille cité gallo-romaine de Jublains, totalement déclassée, à Mayenne est probable : le placage de la façade du palais à l’aide de grosses plaques de granite prélevées sur la forteresse romaine de Jublains conforte cette hypothèse35.
25Le cas d’Ernée soulève plus de problèmes. L’agglomération et son château n’apparaissent qu’assez tardivement, au xiie siècle, mais des indices suggèrent une occupation bien antérieure. La présence de nombreuses ruines dans les environs pourraient laisser entrevoir une agglomération gallo-romaine secondaire, comme on en a identifié à Entrammes et Craon, dans l’actuel département de la Mayenne36. L’église de Charné, le sanctuaire paroissial un peu éloigné du site principal du xiie siècle, a toute chance d’être plus ancienne que le château : cela laisse planer un doute en faveur de l’ancienneté du site, que renforcerait l’hypothèse d’une identification possible d’Ernée avec Lernegia, domaine royal de la fin du ixe siècle, proposée par Robert-Henri Bautier37.
26En définitive, il n’y a que pour Laval et Sablé que ne peuvent être évoquées des traditions du haut Moyen Âge. D’une façon globale, cette dernière période semble donc avoir joué un rôle déterminant dans l’émergence des futurs chefs-lieux de doyennés.
Des territoires anciens ?
27L’étude des circonscriptions vient toutefois relativiser le poids des héritages du passé. Si certains centres ont pu prolonger une ancienne influence territoriale, les circonscriptions témoignent de profondes évolutions.
28L’étendue de la condita de Javron n’est malheureusement pas connue, mais on peut noter une certaine analogie entre le doyenné d’Évron et l’implantation des biens de l’abbaye au haut Moyen Âge. Ainsi se trouverait délimitée une zone d’influence concrétisée tardivement par l’institution décanale38. En revanche, le centre politique majeur de la période gallo-romaine, Jublains, a complètement disparu de la carte. La capitale déchue a perdu toute importance et le système des doyennés l’a ignoré. Cela se comprend mieux si l’on accepte l’hypothèse d’un transfert de pouvoir vers Mayenne.
29Dans d’autres cas, de vieux pagi ont pu subsister, malgré des modifications éventuellement fortes. Deux premiers indices, certes fragiles, invitent à le penser. Le terme de pagus – dans le sens non pas de comté, mais de « pays », au sens où au haut Moyen Âge on parlait de pagus minor – est employé à deux reprises aux xie et xiie siècles. Il s’agit du pagus gabronense et du pagus ernensis39. Dans les deux cas, l’ancienneté du centre est attestée ou possible et l’espace qui les entoure ne semble pas dénué de cohérence. D’autres doyennés pourraient s’inscrire dans ce type d’héritage. Jean-Pierre Brunterc’h a proposé de placer le pagus Muffa, cité jusqu’au ixe siècle, dans le nord du Maine. Il se serait étendu autour du vieux centre de condita de Céaucé et aurait donc anticipé le doyenné de Passais40. Jacques Naveau, en étudiant la civitas des Diablintes, se demande si le doyenné de Sablé, à l’est de la Mayenne, et celui de Laval à l’ouest, ne rappelleraient pas le souvenir d’un territoire très ancien, un pagus dont l’agglomération d’Entrammes aurait pu être le chef-lieu. Bien sûr, les deux villes castrales de Laval et Sablé n’ont alors aucun rôle et Sablé, placée dans une excroissance à l’extrémité méridionale de son doyenné, y aurait été rapportée artificiellement. L’intérêt de cette hypothèse fragile est d’offrir une explication possible à la position très marginale des deux villes au sein de leur doyenné. On retrouverait alors les hypothèses de Michel Brand’honneur au sujet du Rennais, où les pagi du Vendelais et du Vitréen auraient survécu sous la forme de doyennés, non sans modifications pour le premier41.
30Si des bases anciennes ne sont donc pas à exclure, des remodelages se sont imposés au cours du temps, d’autant plus que l’éventuelle permanence spatiale des lieux centraux ne postule pas une naissance précoce de l’institution décanale. En prenant forme à l’époque féodale, les doyennés ont intégré d’autres facteurs dans l’élaboration de leur assise territoriale42. C’est du moins l’hypothèse que l’on peut avancer pour le Bas-Maine qui connut sans doute une structuration tardive.
Doyennés et châtellenies
31La configuration de la carte appelle obligatoirement une comparaison avec l’implantation des châteaux et le ressort des châtellenies, manifestations essentielles du pouvoir politique, d’autant plus que le mouvement de mise en place des châteaux ne va pas sans coïncider avec le développement des doyennés.
Centres de doyennés et centres de châtellenies
32De toute évidence, les similitudes sont fortes. La majorité des doyennés ont leur centre sur des sites châtelains. Échappent à cette règle seulement Javron, Évron et, sans doute, le Passais. En revanche, pour les autres : Mayenne, Laval, Ernée, Sablé, Brûlon, Sillé, non seulement on enregistre la présence d’un château, mais il s’agit d’un château majeur, centre d’une puissante seigneurie qui sera appelée, plus tard, baronnie43. Seul le doyenné d’Ernée a un château moins important, mais il commande l’une des plus fortes châtellenies de la seigneurie de Mayenne. Deux raisons différentes semblent déterminer cette situation. Dans certains cas – Mayenne, Ernée peut-être – le château fait suite à un centre de pouvoir antérieur et le doyenné s’implante sur le même lieu. Dans d’autres, l’apparition du château fonde un site nouveau et attire alors le doyenné. Le plus bel exemple est évidemment celui de Laval, mais Sablé relève sans doute du même type. Les deux pouvoirs semblent donc coïncider et l’hypothèse de leur association volontaire se trouve nettement confortée par une série de tentatives qui, pour avoir échoué, n’en sont pas moins révélatrices.
33Au début du xiie siècle, en 1120, un même acte fait connaître les doyens de Sainte-Suzanne et Ambrières, un autre de 1140, celui de Villaines-la-Juhel, un autre, enfin, vers 1152-1158, celui de Bazougers44. Ces doyens n’apparaissent qu’une fois, sauf celui d’Ambrières qui apparaît deux fois, et les mentions se concentrent sur la première moitié du xiie siècle. Deux sont associés à un site châtelain peu éloigné d’un centre de doyenné non lié à un château : Villaines est proche de Javron autant que Sainte-Suzanne l’est d’Évron. Cela suggère la tentative de déplacement du centre du doyenné vers le site castral proche. La forteresse de Sainte-Suzanne, tenue par le puissant vicomte du Maine, concurrence Évron, et Javron manque sans doute de puissance face au château du seigneur de Mayenne établi à Villaines. Ambrières n’appelle pas la même explication, pas plus que Bazougers, mais ces tentatives témoignent de la volonté d’associer sur un même site pouvoir religieux et pouvoir civil quand ce n’est pas déjà le cas.
Espace et circonscription
34Il faut considérer l’étendue des doyennés et comparer avec les zones contrôlées par les châteaux. Le recoupement ne va pas de soi et la comparaison entre les deux circonscriptions soulève quelques difficultés, car si les doyennés atteignent assez rapidement une réelle stabilité, il n’en est pas de même pour les châtellenies. L’abbaye d’Évron exerce visiblement une influence déterminante sur la définition du doyenné qui se déploie assez exactement dans la zone privilégiée de ses domaines et prieurés. Les mouvances féodales sont jusqu’à un certain point ignorées ou du moins marginalisées. L’influence incontestable de Sainte-Suzanne faiblit vite quand le vicomte n’y réside plus et le doyenné inclut Montsûrs, point fort des Laval, tandis que toute sa frange nord se déploie sur des terres dominées par les Mayenne.
35La situation du doyenné de Mayenne paraît étonnante. Il n’a qu’une modeste superficie. À l’est, il ne franchit pas la Mayenne, bridé par les influences anciennes de Javron et Évron. Au nord, l’extension du doyenné de Passais et son centre éphémère d’Ambrières transposent, dans le domaine ecclésiastique, la politique offensive d’expansion des ducs normands. Au xie siècle, Guillaume le Conquérant, en visant la conquête du Maine, trouve en effet sur son chemin Geoffroy de Mayenne. Pour menacer ce dernier, il élève vers 1060, après que le Passais est passé sous contrôle normand, le château d’Ambrières45. Tandis que le doyenné de Javron épouse au nord une limite qui se figera pour départager la Normandie et le Maine, puis les départements de la Mayenne et de l’Orne, le Passais, politiquement normand, demeure dans le diocèse du Mans et pousse une pointe vers le sud qui bloque l’extension du doyenné de Mayenne vers le nord46. La tentative de fixer le centre décanal à Ambrières s’inscrit pleinement dans ce contexte très politique. La présence d’un domaine épiscopal n’a sans doute tenu aucun rôle dans cette fondation, sinon l’évêque aurait tout fait pour maintenir ensuite la fonction en ce lieu47. Dans le nord du Bas-Maine, la carte décanale semble bien figer une situation politique de la fin du xie siècle et du début du xiie48.
36Par ailleurs, la tentative des Mayenne d’imposer Villaines, centre d’une de leurs châtellenies, au détriment de Javron, se comprend fort bien, car ce doyenné est totalement compris dans leur zone d’influence et, vers l’est, les paroisses appartenant au doyenné de la Roche-Mabille marquent bien les limites de leur pouvoir direct (au xie siècle, nous sommes sur la terre d’élection des Giroie, qui s’inscrivent toutefois dans leur vassalité)49. Un peu de la même façon, Ernée, puissante châtellenie du ressort de Mayenne, voit le doyenné épouser en partie sa mouvance. Le doyenné, fort étendu, semble englober un espace assez semblable à celui de la châtellenie, dont l’existence se précise au xiie siècle50. Cependant, tout le nord relève plutôt d’autres châtellenies, comme Pontmain, et la forêt de Fosse-Louvain est dite dans la châtellenie d’Ernée quand le lieu dépend du doyenné de Passais51. Vers le sud, le territoire s’étend assez nettement là où la mouvance des Mayenne et des Laval a passablement évolué, mais Saint-Ouendes-Toits, devant lequel il s’arrête, semble bien constituer le point d’avancée septentrionale des Laval.
37De son côté, le doyenné de Laval regroupe des terres de la seigneurie et sa limite sud, limite du diocèse, correspond assez bien avec l’extension de l’influence des Laval, même si dans ces zones de confins interviennent aussi les seigneurs angevins de Château-Gontier et Craon52. Les doubles allégeances n’y sont d’ailleurs pas rares. Le centre du doyenné est cependant très périphérique et toute la partie orientale de la seigneurie, à l’est de la Mayenne, s’intègre dans le doyenné de Sablé, centre d’une seigneurie d’influence angevine assez éloignée et plutôt opposée à celle de Laval. Dans les faits, toute cette région, sauf au sud, échappe toutefois à l’influence politique sabolienne. Châteaux et vassaux dépendants de Laval encadrent tout le territoire53. On comprend dès lors la tentative de création d’un doyenné à Bazougers. Il s’établissait sur une petite agglomération châtelaine dotée de deux bourgs et d’un prieuré, donc assez solide, et surtout siège d’une famille puissante, les Anthenaise, figurant au premier rang des vassaux de Laval54. Il ne s’agissait pas alors de procéder à un partage, mais de changer complètement l’orientation du doyenné de Sablé.
38On ne peut donc que constater la forte influence des châteaux sur la carte des doyennés, même s’il faut distinguer les cas où la perpétuation des centres de pouvoir encourage la réunion des deux institutions, de ceux des centres nouveaux où cette superposition est délibérément provoquée. Tout cela recoupe les observations faites dans le Rennais55. Sans surprise, au xie siècle, avant que la réforme grégorienne n’entame un processus de distinction des pouvoirs, leur confusion est poussée très loin, d’autant plus qu’il faut aussi envisager la personnalité des hommes en cause.
Doyennés et organisation de l’espace
39La carte des doyennés révèle aussi – mais dans quelle mesure ? – les aspects complexes d’un espace vécu. Elle résulte sans doute de compromis et d’arrangements qui traduisent, à travers l’influence croisée des deux pouvoirs, la façon dont l’espace s’est polarisé. Le doyen inscrit son action dans cet espace et l’anime tout en lui donnant ainsi sa signification
Doyens et aristocratie
40Lorsqu’elle nous est connue, l’origine des doyens est loin d’être dépourvue de sens. Le premier dans la chronologie, Hubert, doyen de Laval, apparaît très proche du seigneur et dispose d’une importante surface sociale. Les biens qu’il détient à titre héréditaire ou par sa fonction ne sont pas négligeables. Visiblement clerc, il n’en a pas moins un fils, qu’il fait doter de la cure d’Anthenaise. Son frère figure dans de multiples chartes de l’abbaye féminine du Ronceray : chapelain du seigneur de Laval, il est capable de donner des biens fonciers, mais se montre malcommode et entraîne les religieuses à de nombreux actes de conciliation56. Il s’agit donc d’une famille orientée vers les charges cléricales, proche du puissant seigneur de Laval et de ses vassaux : les paroisses où elle possède des intérêts, Bazougers et Anthenaise, relèvent des deux branches d’un même lignage. À travers cette famille de puissants ministériaux, ou plus probablement de petite aristocratie vassalique, le maître contrôle le doyenné. Le successeur d’Hubert est d’ailleurs un de ses neveux, nommé Hamon. Puis vient Lisiard, dont le nom rare pourrait nous reporter à une autre famille proche des Laval et liée aux Anthenaise : les Arquenay57.
Carte 3 : Les doyens dans leur doyenné (ernée et Sablé)

41Les Laval mènent la même action, mais de façon plus remarquable, dans le doyenné de Sablé, qui occupe une vaste part de leur seigneurie. Au tournant des xiie et xiiie siècles, le doyen porte le nom de Pierre d’Anthenaise, ce qui le rattache à la puissante famille évoquée plus haut. D’abord sénéchal de Laval, Pierre d’Anthenaise devient ensuite doyen de Sablé58. Il appartient alors à la collégiale du château de Laval, Notre-Dame du Bourg-Chevreau, et se montre particulièrement actif, avant de céder sa charge à Robert d’Anthenaise. L’abbé Angot conclut, avec quelque vraisemblance, que les deux personnages devaient être des cadets de la famille seigneuriale qui, à l’époque, a ses points forts à Anthenaise, Bazougers et Bouère. C’est la plus puissante famille du doyenné59. Au xiiie siècle, un de leurs successeurs, Pierre de la Marie, appartient encore à la petite aristocratie des environs de Laval60. Ainsi, le contrôle de ce doyenné n’échappe pas au seigneur de Laval.
42Au-delà de ces cas assez bien connus, l’occupation du poste décanal par l’aristocratie se remarque à chaque fois que l’on peut identifier le doyen. Celui de Javron, Ranulf, est investi en 1197 de la cure de Saint-Julien-du-Terroux, que son père et ses frères, seigneurs du lieu, viennent de remettre à l’évêque61. Un Le Porc est doyen à Mayenne vers 1230. Un peu plus tard, Robert de Saint-Loup occupe le poste de Javron et un Courceriers celui d’Évron62. Il s’agit à chaque fois de membres de familles importantes, liées au seigneur principal, dont ils constituent clairement les agents. Le phénomène apparaît en pleine lumière au xiiie siècle, mais l’abondance documentaire en est sans doute la cause. Le cas lavallois invite à étendre le constat aux deux siècles précédents. Le doyen est donc incontestablement le représentant de l’évêque. Mais, même après la réforme grégorienne, les grandes familles conservent assez de poids pour imposer leurs membres ou leurs fidèles aux postes de doyens, ce qui met en évidence les intérêts communs du monde ecclésiastique et du monde laïque, ainsi que l’enjeu non négligeable que représente la fonction à l’échelle locale et seigneuriale.
L’administration du doyenné
43L’administration du doyenné n’est pas sans importance, en particulier en ce qui concerne l’organisation et le contrôle de l’espace. Si la plupart des doyennés portent le nom d’une ville ou d’une bourgade importante, il est très rare que le doyen soit le curé de l’endroit. Dans le doyenné d’Ernée, en 1253, le doyen Michel est vicaire de Charné, c’est-à-dire qu’il tient du chapitre la cure de l’ancienne église d’Ernée63. Toujours dans le même doyenné, l’un des doyens précédents est curé de Montenay64. Il en va ainsi de tous ceux dont nous connaissons le bénéfice : Hubert de Laval semble avoir eu Nuillé ; le doyen de Javron, à la fin du xiie siècle, est curé de Saint-Julien-du-Terroux ; celui de Brûlon est curé de Saint-Jean-sur-Erve en 127765. Le fait s’explique assez bien : la cure du chef-lieu du doyenné ayant souvent, à l’exception de Charné, un patron monastique, il est difficile à l’évêque d’y installer son doyen ; il le nomme donc sur une cure à sa présentation.
Carte 4 : Les doyennés dans l’organisation spatiale.

44On peut par ailleurs se demander si c’est bien au chef-lieu de son doyenné que le doyen effectue la réunion régulière des curés, comme le demandent les statuts synodaux du xiiie siècle. Les cures rurales n’autorisent sans doute pas une assemblée d’ecclésiastiques relativement nombreux et l’on ne peut guère se rassembler que dans la ville ou la bourgade centrale, ce qu’atteste un seul texte, un peu tardif : en 1493, le doyen réunit à Évron les curés et chapelains de son territoire66. Sans doute est-ce aussi au centre de sa circonscription que le doyen exerce en général sa juridiction. Cela oblige les gens à opérer un déplacement vers la petite « capitale ». Au xiiie siècle, le doyen garantit en effet nombre d’actes passé devant lui, règle des conflits, installe aussi les curés… Il peut en résulter une certaine polarisation à l’échelle locale.
45L’enquête a été menée pour deux doyennés plutôt bien documentés, ceux d’Ernée et Sablé (carte 3). Reportées sur une carte, les interventions du doyen restituent l’étendue de son champ d’action. Bien sûr, il faut tenir compte des fonds documentaires dont nous disposons et de la chronologie de la documentation : apparaît essentiellement une carte du xiiie siècle. Dans l’ensemble, les doyens se cantonnent à leur doyenné. Celui d’Ernée intervient fort peu au sud de sa circonscription, ainsi que sur la frange orientale. En revanche, pour le reste, il se montre présent et même très présent au nord. Il s’agit toutefois là d’un biais probable dû au fonds de Savigny, qui pèse lourdement sur l’ensemble du corpus. Le cas du doyen de Sablé est plus intéressant, surtout si l’on se rappelle que celui-ci administre un territoire largement sous l’influence des Laval, dont il est lui-même peu ou prou une émanation. Tout d’abord, il tient sa cour régulièrement au cœur de son doyenné, à Arquenay, où se situe un puissant château dépendant des Anthenaise. On le voit aussi tenir un plaid à Argentré67. Il est donc loin de siéger à Sablé, centre de son pouvoir théorique. Ensuite, ses interventions concernent largement tout son territoire. La notoriété et l’influence sociale d’un Pierre d’Anthenaise expliquent sa présence en dehors de son doyenné, dans le doyenné de Laval. Elles expliquent aussi que l’on fasse appel à lui pour présider à la paix établie entre le seigneur de Laval et plusieurs de ses barons révoltés68. Toutefois, si l’espace du doyenné est totalement couvert, on peut légitimement douter d’une polarisation en son centre. Globalement le doyenné est bien un espace vécu et l’on s’adresse facilement à sa juridiction.
Doyennés et organisation de l’espace du Bas-Maine
46La circonscription décanale n’est donc pas le fruit d’un simple découpage administratif, mais révèle les forces qui s’exercent et les réseaux qui se dessinent dans l’espace considéré. En même temps elle les fige et les inégalités de la carte du xiiie siècle pourraient bien le montrer. Si l’on insère la carte des doyennés dans un ensemble plus complexe, il est possible de voir comment ceux-ci contribuent à l’organisation de l’espace (carte 4). Ils reprennent pour certains des réalités anciennes et ceux de Javron et d’Ernée, au moins, font perdurer, avec des nuances, un ancien pagus. Il y a là une réalité spatiale héritée que vient renforcer la châtellenie d’Ernée. À Javron, le vieux centre de condita conserve une partie de son rôle et l’échec de Villaines, tout comme celui de Couptrain, s’explique sans doute par la faiblesse de l’agglomération qui naît difficilement près du château.
47À l’exception de ces deux cas, les doyennés renforcent des pôles forts. Évron domine l’est du Bas-Maine, où le vicomte n’a pas une implantation suffisante, et le doyenné correspond à la fois au domaine monastique et au rayonnement de la petite bourgade qui s’esquisse. Ailleurs, le doyenné soutient un pôle castral, qu’il s’agisse d’un centre de pouvoir ancien, comme à Mayenne, ou non, comme à Laval. Les doyennés contribuent alors à fixer des pôles d’influence qui commencent seulement à dessiner un réseau appelé à se structurer autour de quelques centres essentiellement châtelains. Ils apparaissent comme l’un des facteurs contribuant au développement de places centrales permettant une véritable organisation de l’espace, à moins que des éléments contraires ne viennent s’interposer, comme dans le doyenné de Sablé. Ici, la polarisation de l’espace par Laval a complètement modifié le sens du découpage territorial et visiblement perturbé le réseau des petits centres.
48De manière globale, le doyenné devient l’un des facteurs organisant le territoire en fonction de la ville centrale. Il contribue ainsi à hiérarchiser les paroisses et constitue un élément constitutif des centres, au même titre que le château majeur, les bourgs multiples, les fondations religieuses ou les foires. On comprend mieux dès lors les échecs des petits sites castraux à devenir centres de doyenné : ils manquaient d’éléments de puissance pour pouvoir s’imposer. Le château en est un, mais il n’est pas le seul. L’implantation du doyenné peut d’ailleurs aussi intervenir dans les cas de concurrence pour dégager une hiérarchie. Il concourt à favoriser l’émergence d’une place centrale, en harmonie avec d’autres facteurs69.
49L’étude de la carte des doyennés ne relève donc pas d’une simple curiosité administrative. Derrière cette organisation se profilent les enjeux de l’organisation du territoire diocésain et plus largement de tout le fonctionnement de l’espace. Les implantations castrales des xe-xiie siècles ne remettent pas obligatoirement en cause les anciens territoires et les vieux centres, mais elles modifient bien des données. La coïncidence entre châteaux et doyennés s’affirme et paraît même recherchée, ce qui ne semble guère étonnant dans le contexte de confusion des pouvoirs et des fonctions antérieur à la réforme grégorienne. Les résultats demeurent toutefois inégaux, car les logiques d’encadrement ecclésiastique et seigneurial peuvent diverger. Par la suite, au xiiie siècle surtout, une distinction s’opère entre les deux sphères et la carte se fige. L’évolution n’est pourtant pas si radicale qu’elle mette la carte des doyennés en contradiction avec les nouvelles réalités qui s’affirment. Les forces en jeu affichent une grande diversité et le doyenné devient un élément parmi d’autres de polarisation de l’espace et de constitution de nouveaux réseaux, à l’échelle locale, autour de certains centres.
Documents
1. À la demande du doyen Hubert, l’évêque du Mans Arnaud donne les coutumes de l’église de Nuillé à l’abbaye Saint-Vincent en échange d’un arpent de vigne (1067-1078)
50Traduction (D. Pichot) :
51Arnaud, évêque du Mans, a donné à Dieu et à saint Vincent toute la coutume de l’église de Nuillé [sur-Vicoin] évoquée précédemment, que son doyen Hubert tenait de l’évêque dans cette église, en bénéfice, pour son décanat. C’est-à-dire : le droit de synode, de visite et de relief de cet autel ainsi que les forfaits.
52Et ce don fut fait par l’évêque à la demande et par la faveur du doyen Hubert lui-même. Et Hubert reçut de l’abbé de Saint-Vincent, Renaud, en échange de ces coutumes, un arpent de vigne, en Mont Baugé, que Hugues le camérier avait donné à Dieu et à saint Vincent pour le repos de son âme.
53L’abbé Renaud reçut ce don de la main de l’évêque Arnaud, dans le chapitre de Saint-Julien, le jour de la fête de l’Annonciation de sainte Marie, ceci étant vu et entendu par les chanoines suivants : le doyen Hoël, le chantre Ingelbert, Theduin Algout, Umbert, Sabin, Wandelbert, Avien, Renaud, Hubert, Foucher, Geoffroy Mulot, Wincer, Godefroy.
54Texte latin : Cartulaire de l’abbaye Saint-Vincent du Mans, éd. R. Charles et S. Menjot d’Elbenne, Mamers-Le Mans, 1886-1913, premier cartulaire, n° 472.
55Episcopus ergo Arnaldus Cenomannensis donavit Deo et Sancto Vincentio omnem consuetudinem supramemorate ecclesie de Nuillliaco, quam Hubertus, suus decanus, in eadem ecclesia de beneficio sui decanatus de episcopo tenebat ; id est synodum et circadam et relevamentum ipsius altaris et forisfacta.
56Et hoc donum factum fuit ab episcopo, deprecatu et favore ipsius Huberti decani. et ipse Hubertus recepit, pro excambium harum suarum consuetudinum ab abbate Sancti Vincenti raginaldo, unum arpennum vinee in Monte Balgiaco situm, quod Hugo camerarius Deo et Sancto Vincentio pro remedio anime sue donaverat.
57Hoc autem donum recepit raginaldus abbas de manu Ernaldi episcopi in capitulo Beati Juliani, in die festivitatis Sancte Marie de annuntiatione, videntibus et audientibus his canonicis : Hoello decano, ingelberto canonico cantore, Theduino Alguto, Umberto, Sabino, Wandelberto, Aviano, Raginaldo, Huberto, Fulcredo, Gaufrido Muloto, Wincherio, Godefrido.
2. Les doyens dans les statuts synodaux du Mans : remaniement de 1240 ou 1247
58Traduction (O. Pontal) :
59100. Du devoir des doyens.
60Nous décrétons que les doyens doivent chaque année visiter personnellement toute église soumise à leur juridiction, ainsi que les prieurés, et s’ils veulent abandonner les procurations, qu’ils n’en omettent pas pour autant la visite. Et en faisant cette visite, jouant le rôle de témoins synodaux, ils s’enquerront sommairement des forfaits notoires et des scandales de l’endroit aussi bien ceux provoqués par les clercs que par les laïcs. Et pour ce qu’ils ne pourront eux-mêmes corriger, ils en réfèreront à l’évêque dans le délai d’un mois afin qu’en fonction de leur rapport l’évêque engage la totalité de l’enquête et apporte les corrections qu’il jugera nécessaires…
61102. Nous prescrivons à tous les doyens et nous enjoignons expressément, en vertu de l’obédience, que chacun d’entre eux requière auprès de lui la présence des prêtres qu’ils ont sous leur juridiction quatre fois par an, dans le lieu et à la date qu’ils jugeront bons, et qu’alors chaque prêtre apporte son livre synodal en parfait état et corrigé, et au cours de leur réunion chacun lira une partie du livre désignée et choisie par le doyen de façon que, au cours des quatre convocations susdites, le livre puisse être lu et exposé en sa totalité. Quant à ceux qui ne se rendront pas à la convocation du doyen avec leur livre synodal, le doyen les renverra à l’évêque pour être suspens de leur office à moins d’une excuse légitime.
62103. Du statut des prêtres.
63Que les doyens sachent bien qu’ils ont pouvoir d’interdire les prêtres des paroisses, et d’écarter de l’entrée de l’église les tenanciers de taverne et leur famille, s’ils admettent dans leurs tavernes des assemblées de buveurs de la paroisse, et aussi ceux qui tiennent publiquement des concubines…
64Texte latin : Les statuts synodaux français du xiiie s., t. II, Les statuts synodaux de 1230 à 1260, éd. et trad. O. Pontal, Paris, 1983, canons 100-102.
65100. De officio decanorum
66Statuimus ut decani quamlibet sibi subjectam ecclesiam visitent annuatim personaliter et prioratus et si procurationes voluerint omittere, nullatenus tamen visitationem omittant. et dum visitant, officium testium synodalium exercentes, inquirant summarie de notoriis criminibus et scandalis ejusdem loci, tam clericorum quam laïcorum : et quod per se corrigere non poterunt, episcopo referant infra mensem, ut secundum eorum relationem ad plenam inquisitionem descendat episcopus et corrigat, ut viderit expedire…
67102. Universis decanis precipimus, in virtute obedientie districtius injungentes, quatenus eorum quilibet presbyteros sibi subjectos quater in anno ad suam vocent presentiam, ubi et quando viderint expedire, ut ibi singulis [presbyteri] libros suos synodales perfectos et correctos afferant, et in eorum congregatione legat unusquisque aliquam libri particulam quam decanus duxerit injungendam ; ita ut in quatuor vocationibus supradictis totus liber legi valeat et exponi. Eos autem qui ad vocationem decani cum libro non venerint synodali, remittat decanus episcopo suspensos ab officio, nisi legitime fuerint excusati.
68103. De constitutione presbyterorum
69Sciant decani presbyteros parochiales interdicere posse, et arcere ab ingressu ecclesie tabernarios et eorum familiam, recipientes in tabernis conventicula potatorum de eadem parochia, et eos qui tenent publice concubinas…
Notes de bas de page
1 Pichot, Daniel, Le Bas-Maine (xie-xiiie s.), étude d’une société, Laval, 1995, p. 248.
2 Le Bras, Gabriel, Les institutions de la chrétienté médiévale, dans Fliche, Augustin, et Martin, Victor, Histoire de l’Église, t. XII, Paris, 1964-1965, p. 428-434.
3 Avril, Joseph, Le gouvernement des évêques et la vie religieuse dans le diocèse d’angers (1148-1240), Lille, 1984, 2 vol., surtout p. 117-118.
4 Brand’honneur Michel, Manoirs et châteaux dans le comté de Rennes, Habitat à motte et société chevaleresque (xie-xiie s.), Rennes, 2001, p. 215-225.
5 Dom Piolin, Histoire de l’Église du Mans, Paris-Le Mans, 1851-1871, 6 vol.
6 Cauvin, Thomas, Géographie ancienne du diocèse du Mans, Institut des provinces de France, Mémoires, 2e série, t. 1, Paris, 1845.
7 Célier, Léon, Catalogue des actes des évêques du Mans jusqu’à la fin du xiiie siècle, Paris, 1910 ; Angot, Alphonse, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Laval, 1900-1909, 4 vol. (les doyennés font chacun l’objet d’un article qui donne son étendue et recense les doyens connus).
8 Dom Oury, Histoire religieuse du diocèse du Mans, Chambray, 1978 ; Pichot, Daniel, « Histoire du diocèse du Mans du xe au xive siècle », La Mayenne, Archéologie, histoire, n° 21, 1998, p. 55-92.
9 Power, Daniel, The Norman Frontier in the Twelfth and Early Thirteenth Centuries, Cambridge, 2004, p. 122124.
10 Pontal, Odette, Les statuts synodaux français du xiiie siècle, t. 1, Les statuts de Paris et le synodal de l’ouest, Paris, 1971, t. 2, Les statuts synodaux de 1230 à 1260, Paris, 1983. Ce second volume, qui publie les remaniements et additions, comprend de nombreux renseignements sur la définition de la fonction décanale. Une partie des textes manceaux est publiée dans Dom Martène et Dom Durand, Veterum scriptorum et monumentorum historicum dogmaticorum moralium amplissima collectio, t. VII, Paris, 1733, p. 1370-1404.
11 Longnon, Auguste, Pouillés de la province de Tours, Paris, 1903. À partir de l’étude de ce compte et d’autres documents Auguste Longnon se livre à une reconstitution des circonscriptions divisionnaires du diocèse très fiable et qui sert de support à cette étude.
12 Hubert apparaît à de multiples reprises dans les cartulaires et l’abbé Angot lui consacre même une petite notice dans son Dictionnaire ; Cartularium manasterii Beatae Mariae Caritatis andegavensis, éd. P. Marchegay, Angers, 1854 (désormais abrégé Cart. du ronceray), n° 353, 355, 368, 381 ; Cartulaire de l’abbaye Saint Vincent du Mans, éd. R. Charles et S. Menjot d’Elbenne, Mamers-Le Mans, 1886-1913 (désormais abrégé Cart. de Saint-Vincent), n° 437-440, 443, 448, 449, 462, 472 ; Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de La Couture et de Saint-Pierre de Solesmes, éd. Bénédictins de Solesmes, Le Mans, 1881, n° 19 ; Cartulaire de l’abbaye Saint-Aubin d’Angers, éd. A. Bertrand de Broussillon, Angers, 1903, 3 vol., n° 899.
13 Mayenne, Johannes decanus : Arch. dép. Mayenne, ms 35, n° 203b. – Ernée, Ricardus : Arch. dép. Mayenne, ms 33, n° 122 ; Hillion, Yannick, Le chartrier de l’abbaye Notre-Dame d’Évron, thèse de 3e cycle dactyl., Université de Rennes, 1977, 4 vol., n° 7.
14 Arch. dép. Mayenne, ms 33, n° 71.
15 Un acte de Gui VI de Laval de 1197 voit la réunion des doyens de Sablé, Laval, Évron et Javron : Bertrand de Broussillon, Arthur de, La Maison de Laval (1020-1605), étude historique accompagnée du cartulaire de Laval et de Vitré, Paris, 1903, 5 vol., n° 297.
16 Ambrières, Sainte-Suzanne, Guillelmus decanus, Adamus decanus : Le cartulaire manceau de Marmoutier, éd. E. Laurain, Laval, 1911-1945, 2 vol., Mayenne n° 9, 13. – Villaines, Hubertus decanus, : Cartulaire de l’abbaye de la Sainte-trinité de Tiron, éd. L. Merlet, Chartres, 1882-1883, n° 254. – Bazougers : Le cartulaire manceau…, op. cit., Arquenay, n° 5.
17 Un doyenné de Lassay sera prélevé sur celui de Javron en 1678.
18 Lemarignier, Jean-François, « Quelques remarques sur l’organisation ecclésiastique de la Gaule du viie à la fin du ixe siècle, principalement au nord de la Loire », dans Agricoltora e mondo rurale in occidente nell’alto medioevo, Settimane di studio…, t. 13, Spolète, 1966, p. 452-486 et 571-583 ; Guillot, Olivier, Rigaudière, Albert, Sassier, Yves, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, Paris, 1994, t. 1 p. 121.
19 Brand’honneur, Michel, Manoirs…, op. cit., p. 215-216 ; et Debord André, La société laïque dans les pays de la Charente, xe-xiie s., Paris, 1984, p. 88.
20 Cart. de Saint-Vincent, n° 472 (1067-1078).
21 Quand Hamelin d’Anthenaise, seigneur de Bazougers, en compagnie de sa femme, donne l’église à Saint-Vincent, il est ajouté : quicquid Hubertus decanus in ecclesia habebat : presbyterium et terram presbyterii… post mortem Huberti (ibid., n° 449). L’acte n° 453 (1096-1097) note un Hubertus prêtre à Bazougers.
22 Pichot, Daniel, Le Bas-Maine…, op. cit, p. 247-249.
23 id., « Histoire du diocèse du Mans… », op. cit. Le décret de l’évêque Maurice figure dans ce volume en annexe de l’article de Mazel, Florian, « L’espace du diocèse dans les cartulaires cathédraux, xie-xiiie siècles ».
24 Longnon, Auguste, Les pouillés…, op. cit., p. 58-82.
25 On trouve aussi des listes des paroisses par doyennés dans des publications antérieures qui font le point sur la situation à la fin de l’Ancien régime : Pesche, J. R., Précis historique sur le Maine, rééd., Mayenne, 1975 ; Maître, Léon, Dictionnaire topographique de la Mayenne, Paris, 1878, p. VII, X (la liste est sur plusieurs points en désaccord avec les textes antérieurs).
26 […] Cum non sit novum nec absonum ut, secundum varietatem temporum, statuta varientur humana, universati vestre notum facimus, nos de prudentium virorum consilio et juris peritorum diligenter requisito et habito, et de consensu decani et capituli Cenomanensis ecclesie, absorptis penitus et amotis archipresbiteratibus ejusdem ecclesie, statuisse sex archidiaconatus in ecclesia Cenomannensis, preter archidiaconatum annexum decanatui, qui continebit archiprebiteratum quondam Cenomanensem… Cet acte a été publié plusieurs fois, on se réfère ici à la version d’Auguste Longnon, Les pouillés…, op. cit., p. 56-57.
27 Pontal, Odette, Le synodal de l’Ouest…, op. cit. ; Pichot, Daniel, « Curés du Bas-Maine », La Mayenne, archéologie, histoire, n° 10, 1987, p. 49-62 ; id., « Histoire du diocèse du Mans »…, op. cit.
28 « Il est enjoint aux prêtres d’avertir et de contraindre leurs paroissiens par l’intermédiaire du doyen auquel nous enjoignons ceci expressément à pourvoir à la subsistance des lépreux selon la coutume du pays » : additions au synodal de l’ouest, vers 1230-37, canon 9 (Pontal, Odette, Le synodal de l’Ouest…, op. cit, p. 118-119). Dans la refonte de 1240-47, les devoirs du doyen couvrent les canons 100, 101, 102, 103 (ibid., p. 163-164 et 176-179).
29 Selon l’abbé Angot, la composition des doyennés se répartit ainsi : Javron : 43 ; Laval : 33 ; Ernée : 29 ; Évron : 32.
30 Différentes hypothèses ont été proposées pour la délimitation des diocèses de Rennes et Le Mans, dont on trouvera la présentation dans l’article de Brunter’ch, Jean-Pierre, « Géographie historique et hagiographie : la vie de saint Mervé », Mélanges de l’École française de Rome, 1983, p. 7-60. Il y a beaucoup à apprendre aussi dans Naveau, Jacques, « Le territoire des Aulerques Diablintes : la cité gallo-romaine de Jublains et le pays d’Entrammes », La Mayenne, archéologie, histoire, n° 18, 1995, p. 36-112.
31 L’abbé Angot donne dans son dictionnaire de nombreuses références largement tirées des Actus du Mans. Les nombreuses discussions qui, au début du xxe siècle, invoquaient une possible confusion avec SaintFraimbault-de-Gabrone en Saint-Georges-de-la-Couée, dans la Sarthe, ne peuvent infirmer l’antiquité de Javron. Voir, le résumé des débats et les références à La Province du Maine, dans Angot, Dictionnaire, t. 4, art. Javron.
32 Pichot, Daniel, en collaboration avec l’abbé Poussier, « Confirmation de la donation des églises de Javron faite au xie siècle par le comte du Maine à l’abbaye Saint-Julien de Tours », La Mayenne, archéologie, histoire, n° 20, 1997, p. 3-12.
33 Hillion, Yannick, Le chartrier de l’abbaye notre-Dame d’Évron…, op. cit. ; Pichot, Daniel, Le village éclaté…, op. cit., p. 83-84.
34 Lemaître, Philippe, « Évêques et moines dans le Maine : ive-viiie s. », Revue d’Histoire de l’Église de France, t. 62, 1976, p. 91-101.
35 Renoux, Annie, « Le vocabulaire du pouvoir à Mayenne et ses implications politiques et architecturales (viie-xiiie siècle) » et Early, Robert, « Les origines du château de Mayenne, apports archéologiques », dans Renoux, Annie (dir.), Aux marches du palais, qu’est-ce qu’un palais médiéval ?, Le Mans, 2001, p. 247-287 ; Naveau, Jacques, « Jublains capitale disparue », La Mayenne, archéologie, histoire, n° 27, 2004, p. 277-313.
36 Naveau, Jacques, Le chasseur, l’agriculteur et l’artisan, guide du musée archéologique de Jublains, Laval, 1998, p. 70-73.
37 Bautier, Robert-Henri, recueil des actes d’Eudes, roi de France (888-898), Paris, 1977, n° 18.
38 Voir la carte réalisée par Hillion, Yannick, Le chartrier de Notre-Dame d’Évron…, op. cit.
39 In gabronensi pago : Cartulaire de Saint-Julien de Tours, éd. abbé Denis, Le Mans, 1912-1913, n° 16 (1046). – pagus Herneensis : Cartulaire de Saint-Michel de l’Abbayette, éd. A. de Bertrand de Broussillon, Paris, 1894, n° 10 (1128).
40 Le pagus Muffa est cité pour la première fois dans un jugement de Clotaire III, (657-673) : Brunter’ch, Jean-Pierre, « Géographie historique… », op. cit., p. 45-46.
41 Brand’honneur, Michel, Manoirs…, op. cit., p. 216-220. Constatant une fréquente analogie de territoire entre vicaria et doyenné, celui-ci en vient à faire remonter la création des doyennés à l’époque carolingienne.
42 Les références à un passé lointain ne se retrouvent pas dans le découpage des archidiaconés du xiiie siècle qui n’ont guère que des visées administratives.
43 Pichot, Daniel, Le Bas-Maine…, op. cit., p. 144-147, 312-314.
44 Cart. manceau de Marmoutier, Mayenne, n° 13. Le n° 9 cite celui d’Ambrières. Guillaume, doyen d’Ambrières, est témoins deux fois, et Adam, doyen de Sainte-Suzanne, une fois, en compagnie de Nicolas, doyen sans doute de Mayenne : ibid., Arquenay n° 5 ; Cartulaire de l’abbaye de la Sainte-Trinité de Tiron…, op. cit., n° 254. Il n’y a pas de doute sur leur qualité de clerc, car ils figurent dans le groupe des témoins ecclésiastiques, souvent parmi d’autres doyens.
45 On trouvera les principales mises au point dans Neveu, François, La Normandie des ducs aux rois (x-exiie siècle, Rennes, 1998 ; et Louise, Gérard, La seigneurie de Bellême, xe-xiie siècles, Le Pays Bas-normand, 1990.
46 Les doyennés de Passais et la Roche-Mabille
47 Angot, Dictionnaire, art. Ambrières.
48 Les limites des doyennés de Passais et de la Roche-Mabile semblent correspondre aux régions contrôlées par l’avance normande : Power, Daniel, The norman frontier…, op. cit, p. 122-124.
49 Pichot, Daniel, Le Bas-Maine…, op. cit., p. 153-154.
50 La châtellenie apparaît dès 1199 puis est citée assez couramment au xiiie siècle : Recueil des actes de Philippe-Auguste, éd. M. J. Monicat, et J. Boussard, Paris, 1916-1966, t. 3, n° 1966 ; Arch. dép. Mayenne, 1J 42.
51 La châtellenie est citée seulement à la fin du xiiie siècle, mais le château remonte sans doute au xie siècle (Cart. de l’Abbayette, n° 38).
52 C’est ce que montrent les cartes de la seigneurie de Laval en ce qui concerne ses droits ou ses vassaux (Pichot, Daniel, Le Bas-Maine…, op. cit., p. 155, 160). Voir aussi Meuret, Jean-Claude, Peuplement, pouvoir et paysage sur la marche Anjou-Bretagne (des origines au Moyen Age), Laval, 1993 : carte de la seigneurie de Craon, p. 370, et surtout le chapitre 14 (Autour du Craonnais et du Pouancéen, le problème de la frontière médiévale entre Bretagne et Maine-Anjou), p. 385-401.
53 Pichot, Daniel, Le Bas-Maine…, op. cit.
54 Sur Bazougers, ibid., p. 152-153, 159, 232 ; Angot, Alphonse, Généalogies féodales…, op. cit., chapitre Anthenaise IV. Deux frères venus du Haut-Maine avec Gui de Laval sont à l’origine des familles d’Arquenay et Anthenaise, qui occupent les tous premiers rangs auprès des seigneurs de Laval. Le château de Bazougers est une des puissances majeures à l’est de la Mayenne après les châteaux du baron.
55 Brand’honneur, Michel, Manoirs…, op. cit.
56 Voir références notes 11, 19, 20, 21.
57 Abbé Angot, Dictionnaire, art. Laval, p. 581.
58 Id., Généalogies féodales…, op. cit., art. Anthenaise IV.
59 Ibid., art. Anthenaise, t. 1, p. 56.
60 Pierre de La Marie, cité en 1245 et 1260, appartient sans doute à une famille chevaleresque possessionnée en Argentré : abbé Angot, Dictionnaire, art. Laval, La Marie.
61 Chartularium insignis ecclesiae Cenomanensis quod dicitur liber albus, éd. abbé Lottin, Le Mans, 1869, n° 102.
62 Matthieu de Courceriers intervient en 1213 et 1215 : Hillion, Yannick, Le chartrier de Notre-Dame d’Évron…, op. cit., n° 55, 63, 91 ; Achon, M. d’, « Les seigneurs de Courceriers », Bulletin de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, t. IX, X, XI, XII, passim. Les Courceriers tiennent un château en Saint-Thomas-de-Courceriers et évoluent dans la vassalité des Mayenne et du vicomte. En 1230, un acte est passé devant M. Le Porc, doyen de Mayenne (Hillion, Yannick, Le chartrier de Notre-Dame d’Évron…, op. cit., n° 113). Les Le Porc font partie de l’entourage vassalique des Mayenne (Angot, Alphonse, Généalogies féodales… op. cit., Seigneurie de Mayenne, Le Porc).
63 Cartulaire de l’évêché du Mans, éd. A. de Bertrand de Broussillon, Le Mans, 1900-1908, n° 418.
64 Abbé Angot, Dictionnaire, art. Ernée, t. 2, p. 112.
65 Chartularium insignis…, op. cit., n° 102 ; abbé Angot, Dictionnaire, art Saint-Julien-du-Terroux et Saint-Jean-sur-Erve.
66 Ibid., art. Évron, t. 2, p. 141.
67 […] coram decano de Sabolio apud Herqueneium ad diem qua decanus consuevit audire causas… (Hillion, Yannick, Le chartrier de Notre-Dame d’Évron…, op. cit., n° 202) ; Cart. de Saint-Vincent, n° 202.
68 Bertrand de Broussillon, Arthur de, Maison de Laval…, op. cit., n° 254.
69 Pour une référence à la théorie des places centrales, voir Fray, Jean-Luc, « Petites villes et leurs réseaux en pays de moyenne montagne. L’exemple des hautes terres du Massif central à la fin du Moyen Âge », Montagnes médiévales, Paris, 2004, p. 241-262.
Auteur
CERHIO, UMR 6258, Université Rennes 2 – CNRS
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