Chapitre III : Travail et emploi à la lumière des structures économiques insuffisamment articulées
p. 111-153
Texte intégral
1Les structures de production sénégalaises ont connu une évolution impressionnante au cours des cinq dernières décennies. À l’époque coloniale, l’économie sénégalaise était largement structurée autour de la culture arachidière, appuyée en amont et en aval par un tissu de services publics et d’entreprises relativement bien intégré. Au lendemain de l’indépendance, les décideurs devaient relever un défi considérable, lié tout d’abord au redimensionnement du marché. En effet, l’Afrique occidentale française avait une population de 25 millions de consommateurs. Cet espace fut soudainement morcelé en huit marchés nationaux, celui du Sénégal ne comptant que 3,1 millions. En même temps, d’importants bouleversements devaient intervenir dans le secteur des oléagineux, secteur traditionnellement crucial pour le pays. Les traits majeurs de ces bouleversements furent la baisse relative de demande de l’arachide et la percée de nouveaux pays producteurs extrêmement compétitifs comme les États-Unis, l’Inde et la Chine, autant de concurrents qui enregistraient des rendements pouvant aller jusqu’au triple de ceux du Sénégal. Les autorités sénégalaises n’ont pu que partiellement relever le défi : l’appareil productif peinait à se reconvertir et se diversifier, ainsi qu’à investir des niches porteuses. L’arachide ne représente, à l’heure actuelle, qu’une culture mineure, tout en étant convoitée par des négociants chinois, récemment arrivés sur le marché. Beaucoup d’attentes continuent à être placées dans l’agriculture, mais il s’agit d’un secteur peu créateur de valeur ajoutée, où prolifèrent des petites exploitations aux performances faibles. L’industrie a des potentialités réelles, notamment en ce qui concerne l’exploitation des phosphates ; mais celle-ci est entre les mains d’une seule entreprise, ce qui peut être problématique. Le tourisme est, lui aussi, présenté comme une source potentielle de richesse, tout comme l’est le secteur des BTP. Le Sénégal tient également à jouer un rôle de taille dans les nouvelles technologies ; il y arrive tant bien que mal. D’une manière générale, les niches véritablement porteuses de progrès sont limitées et les emplois créés sont loin de satisfaire la demande sociale. Compte tenu de cette situation, nombreux sont ceux qui se replient dans le commerce, secteur relativement facile d’accès. Mais ses potentialités pour le développement sont modestes. On passera en revue ces différents secteurs, toujours en fonction de leur contribution à la création d’emploi.
Le secteur primaire, legs d’une économie coloniale extravertie
2La situation du secteur primaire est d’autant plus difficile à appréhender que l’association des activités est particulièrement répandue. L’articulation entre l’agriculture – qu’elle concerne des cultures commercialisées ou non –, l’élevage – de bovins, de petits ruminants, mais aussi de volaille –, voire l’activité halieutique et la transformation du poisson nous donne un éclairage instructif sur les stratégies anti-risques et la manière dont la paysannerie sénégalaise pense sa reproduction sociale et économique.
Un secteur peu homogène : unités familiales et entreprises industrielles
3D’après le recensement de la population de 2013, 47 % des ménages sont qualifiés « d’agricoles », en ce sens que, conformément à la définition retenue, au moins un membre fait de l’agriculture, de la sylviculture, de l’élevage ou de la pêche1. Une autre source indique que la moitié des travailleurs actifs du Sénégal travaillaient, en 2011, dans le secteur primaire, activités extractives comprises (Sénégal, 2013a, p. 67). Mais il y a aussi création d’emploi sous forme indirecte. L’effet multiplicateur est particulièrement important pour des activités dont les produits sont généralement transformés, comme ceci est le cas de la pêche. Hormis les industries extractives, la contribution du secteur primaire au PIB régresse : d’après des estimations, celle-ci aurait été de 13 % en 2011, contre près de 20 % encore au début années 1980 (Sénégal, 2013c, p. 333 ; Faye et al., 2007, p. 192).
4Examinons tout d’abord l’agriculture. Pour ce qui est de l’emploi des individus même, il n’existe pas de données récentes précises, mais l’on sait qu’en 2004, elle occupait 31 % des actifs, soit moins qu’en 1990 (34 %) et en 1980 (37 %) (Banque mondiale, 2007, Annexes, p. 26)2. L’agriculture est ainsi le premier « employeur » du pays. Ce n’est pourtant pas un sous-secteur homogène, loin de là, que ce soit en termes de main-d’œuvre mobilisée, de surfaces exploitées et de production. Il s’agit essentiellement d’une agriculture vivrière3, à raison de trois quarts de la production d’ensemble. Le travail de la terre ne se cantonne cependant pas aux terroirs villageois, mais concerne aussi dans les zones péri-urbaines. C’est là que deux actifs agricoles sur dix exercent leur activité, en pratiquant essentiellement l’horticulture. On pense notamment à la zone des Niayes – d’après le terme local pour les cuvettes au sol lourd, temporairement inondées – qui s’étend entre Dakar et Saint-Louis, désormais considérée comme saturée (Ubifrance et Missions économiques, 2009). Comme ailleurs dans le monde4, l’horticulture a connu une progression remarquable au Sénégal. L’on estime qu’en 2005 déjà, un millier d’unités agricoles produisaient des haricots, destinés avant tout à l’exportation, et que cette industrie employait près de 12 000 travailleurs (Maertens et Swinnen, 2009, p. 165). L’horticulture combine ainsi l’embauche directe par les exploitations exportatrices et la contractualisation de la paysannerie locale (Baglioni, 2014), une articulation qui conduit à une accumulation remarquable de la part des exportateurs, nationaux ou non.
5Entre les campagnes 2002-2003 et 2010-2011, les agriculteurs sénégalais ont cultivé en moyenne 2,4 millions de hectares. 54 % de cette surface concernaient les céréales, les cultures de rente et l’horticulture 46 %5. La céréale la plus cultivée reste le mil qui a occupé, pendant la même période, en moyenne, 35 % des surfaces cultivées, suivi du sorgho (8 % en moyenne) et du maïs (6 %). La part des champs réservés au riz se limite à 4 % (Sénégal, 2013c, p. 298). L’arachide, première culture de rente du pays qui fit la réputation du pays à l’époque coloniale, est cultivée sur 32 % des surfaces. Mais ce n’est pas la seule culture de rente : le coton, la tomate et le sucre sont, eux aussi, produits à large échelle et à des fins industrielles (Ubifrance et Missions économiques, 2008e et 2009 ; I. Sow, 2006). L’évolution récente de l’agriculture sénégalaise mérite toute notre attention : depuis la campagne 2008-2009, les surfaces cultivées ont connu une augmentation remarquable. Alors que jusqu’en 2007-2008, ces surfaces dépassaient, en moyenne, légèrement 2 millions de hectares, ce sont désormais environ 2,4 millions qui sont cultivés tous les ans, une augmentation qui concerne à la fois les céréales et les cultures de rente.
6La taille des unités ainsi que le mode de gestion méritent également notre attention. Les exploitations – qu’elles se consacrent aux cultures de rente, aux céréales ou aux produits maraîchers – couvrent, en moyenne, une superficie de 4,3 hectares, généralement répartie entre plusieurs parcelles. Une exploitation sur cinq cultive moins d’un hectare. Ceci n’exclut cependant pas l’existence de véritables capitalistes ruraux qui disposent de quarante, cinquante, voire davantage de hectares (Oya, 2007). Ils pratiquent à la fois la culture de l’arachide et de céréales. Soucieux de poursuivre leurs stratégies d’accumulation et de déjouer autant que faire se peut les risques inhérents à l’agriculture, ils investissent le surplus dans des activités comme le transport et le commerce. Leur parcours s’explique largement par leur capacité de mobiliser leur réseau politico-économique, d’utiliser leur entregent de notable et de dignitaire religieux, de composer avec les décideurs nationaux et… d’exploiter à leur avantage les failles du système. Souvent aussi, ils ont su tirer profit des effets de la libéralisation du commerce et du vide provoqué par la suppression des institutions de l’économie administrée. C’est dans la région de Kaolack que les unités de production sont les plus vastes. C’est là que se trouvent également des exploitations maraboutiques recourant à une main-d’œuvre souvent importante et surtout peu chère et corvéable. Il s’agit essentiellement de cultures sous pluie. Moins de 3 % des terres cultivées bénéficient d’un système d’irrigation, mais seul un tiers des surfaces potentiellement irrigables sont effectivement exploitées. Des potentialités existent surtout dans la vallée du fleuve Sénégal (Faye et al., 2007, p. 37 et 41). D’après le recensement national de l’agriculture, le niveau d’équipement des exploitations agricoles serait « loin d’être catastrophique » (ibid., p. 406). Et même si la culture attelée bovine n’a pu être généralisée, le recours aux chevaux et ânes est courant.
7Les unités de taille « classique » font quasi exclusivement travailler une main-d’œuvre familiale, avec huit actifs en moyenne. Autrement dit, la surface cultivée moyenne par travailleur n’est que d’un demi-hectare. Si l’on fait abstraction des très grandes exploitations dans le bassin arachidier et dans la vallée du fleuve Sénégal, le salariat ou quasi-salariat, temporaire ou permanent, est peu répandu et concerne moins d’un travailleur agricole sur dix. Lors des pointes des activités, l’entraide est un mode de gestion courant7, pratiquée par neuf unités de production sur dix. Ce sont des unités dont la production est largement dominée par l’autosubsistance. Les modalités de gestion peuvent être rapprochées des activités non agricoles de type informel.
8Une dernière remarque au sujet de cette agriculture familiale s’impose. L’association des activités est une pratique courante. Elle ne correspond pas seulement à un mode de gestion des risques, mais renvoie, plus généralement, à la dégradation des conditions de vie en milieu rural, dégradation sur laquelle on reviendra. Ainsi, l’embouche bovine est fréquente pour les exploitations d’envergure moyenne ; elle est particulièrement répandue dans les régions méridionales du pays où des pâturages sont encore disponibles. En revanche, l’élevage de chèvres et de moutons ainsi que l’aviculture est le propre des petites unités, celles du bassin arachidier par exemple8. À ce titre, la distinction entre agriculteurs, d’une part, et éleveurs, d’autre part, n’est pas toujours pertinente, ce qui explique aussi certaines contradictions quant aux données chiffrées relatives à l’emploi.
9À côté de l’agriculture familiale, il existe aussi une agriculture d’entreprise. Elle occupe 5 % des terres cultivées. Localisées avant tout dans la périphérie de la capitale, mais aussi dans la région de Thiès et dans le delta du fleuve Sénégal, les entreprises en question cultivent le riz, mais aussi la tomate, l’aubergine et l’oignon. Ces produits sont essentiellement acheminés vers les centres urbains pour une consommation locale. Quant aux produits destinés à l’exportation, il s’agit avant tout du haricot vert dont le Sénégal est le quatrième fournisseur du marché européen, après le Maroc, le Kenya et l’Égypte (Faye et al., 2007, p. 86 ; Baglioni, 2014). Ces entreprises agricoles sont souvent approvisionnées par les unités horticoles familiales, ce qui peut créer des rapports de quasi-salariat au cas où les petites unités travailleraient quasi exclusivement pour les grandes sociétés. Ces dernières recourent aussi à une main-d’œuvre locale : jeunes des villages environnants, ouvriers agricoles issus de l’exode rural. Au moment des récoltes, l’emploi des enfants est une pratique courante. Les rémunérations sont souvent fixées en fonction du rendement, en dehors de toute convention collective, de gré à gré et sans délivrance de bulletins de salaire (Dieng, 2003, p. 16). Une initiative de grande ampleur a été prise, fin 2014, sous les auspices de la Banque mondiale. Il s’agit de développer l’agrobusiness dans la région du fleuve Sénégal9. 43 milliards de FCFA (66 millions €) seront mobilisés, nous disent les communiqués officiels, pour créer 10 000 emplois. Sans aucun doute, les rapports de travail sont susceptibles d’évoluer dans la zone.
10La production agricole connaît des évolutions en dents de scie. Ceci est particulièrement problématique en ce qui concerne les céréales. En effet, alors que le bilan céréalier du Sénégal est systématiquement déficitaire10, les fluctuations de la production locale ouvrent les portes aux spéculations de toutes sortes. Celles-ci sont susceptibles de déstabiliser le marché et d’engendrer par là des mouvements fort préjudiciables à la cohésion sociale. Toutes ces questions renvoient non seulement aux conditions météorologiques fort aléatoires, mais aussi aux relations en amont de la production proprement dite. On y reviendra.
11L’élevage – il concerne les bovins et les petits ruminants ainsi que les volailles – fait vivre 350 000 familles (Faye et al., 2007, p. 33)11. Essentiellement pratiqué dans le bassin arachidier et dans les régions de Kolda et de Tambacounda, il l’est tantôt en association, tantôt comme activité exclusive. En ce qui concerne la première formule, élevage et travail de la terre sont étroitement articulés, les animaux fournissant des engrais et servant pour le labour et l’attelage. Les animaux représentent à la fois un outil de travail, un « garde-manger » pour la consommation familiale ainsi qu’une valeur refuge et une sécurité en termes de ressources monétaires (ibid., p. 49). Quant à la formule consistant à pratiquer l’élevage comme activité exclusive de l’unité de production, on la rencontre surtout dans les zones péri-urbaines. L’investissement peut alors provenir de sources telles que le salariat dans une société privée ou une société régionale de développement, une activité de notable religieux, etc. (Missions économiques, 2006a ; Broutin et al., 2003 ; Duteurtre, 2006). Autrement dit, la segmentation est aussi une réalité dans ce sous-secteur qui profite, lui aussi, d’une demande urbaine de plus en plus importante. Cette dernière a aussi engendré l’essor de l’aviculture industrielle.
12La pêche, enfin, joue un rôle de taille pour l’économie sénégalaise. Une précision s’impose à cet égard : les documents officiels ne font généralement état que de la seule pêche maritime, négligeant ainsi la pêche fluviale12. Le développement de la pêche maritime dans les années 1960 est étroitement lié à la raréfaction des ressources dans les eaux européennes. Procurant aux Sénégalais au moins la moitié des protéines animales consommées13, l’activité halieutique correspond, en 2012, à 1,8 % du PIB (Sénégal, 2015a, p. 200). Ses produits contribuent à raison de 11 % aux exportations du pays et représentent ainsi une source de devises appréciable. Si la pêche occupe en 2012, directement, environ 115 000 Sénégalais, soit près de 3 % des actifs du pays, c’est surtout son effet multiplicateur qui mérite d’être souligné. En effet, on annonce régulièrement que, grâce aux activités de mareyage et de transformation des produits de la pêche – séchage, salage, fumage –, le secteur générerait environ 600 000 emplois directs et indirects. Cependant, aucune source n’indique les modalités de calcul de ce chiffre14…
13Tout comme l’agriculture et l’élevage, l’activité halieutique n’est pas une activité homogène. Dans neuf cas sur dix, l’emploi est de type informel. Les fluctuations de la production peuvent être considérables. Sur les 450 000 tonnes débarquées par la pêche maritime en 2012, 90 % sont dus à la pêche artisanale (ou piroguière), le reste provient de la pêche chalutière (Sénégal, 2015a, p. 209). D’après les sources officielles, il existe 16 300 pirogues enregistrées pour la pêche maritime15. La majorité des captures de la pêche piroguière est destinée au mareyage, un tiers va vers les unités de transformation artisanale ainsi que vers les conserveries industrielles. En revanche, les captures de la pêche chalutière nationale sont quasi exclusivement destinées à l’exportation. Parmi les deux types de pêche, chalutière d’une part, artisanale d’autre part, c’est la dernière qui s’est montrée la plus dynamique. Ceci fut notamment le cas pendant la décennie 1990 lorsque, proportionnellement, les débarquements des unités artisanales continuaient à augmenter, compensant, en quelque sorte, la baisse de la pêche industrielle, mais plongeant aussi l’activité halieutique dans une crise sans précédent (Sénégal, 2008a, p. 17 ; Thiao et al., 2012).
14Le tableau de la pêche ne serait pas complet sans que l’on mentionne les bateaux battant pavillon étranger et pêchant dans la ZEE (zone économique exclusive) du Sénégal. Les chalutiers en question transbordent leurs captures en haute mer dans des cargos transporteurs. Ce type de pêche n’a d’incidence ni sur l’emploi national ni sur les activités du Port Autonome de Dakar. Alors que ces bateaux étrangers peuvent pêcher jusqu’à 250 tonnes par jour, leur production ne se traduit pas dans les statistiques nationales, ce qui handicape bien entendu la connaissance des stocks de poisson et leur gestion adéquate. Fin 2011, au moment où les élections présidentielles occupaient l’esprit des Sénégalais, l’on en comptait une trentaine (Greenpeace, 2012, p. 12). Leur production correspondrait à la moitié des captures annuelles de l’ensemble de la pêcherie sénégalaise (ibid., p. 13). Nous reviendrons, dans le chapitre suivant, sur les enjeux de cette présence étrangère dans les eaux du Sénégal.
La faiblesse des rendements
15Les décideurs nationaux, tout comme les représentants des agences internationales et des bailleurs de fonds, sont particulièrement attentifs aux difficultés que traverse le secteur primaire. Les « émeutes de la faim » de 2008, qui ont frappé essentiellement la capitale, sans pour autant épargner les villes secondaires, ont incontestablement accentué cette prise de conscience16. Alors que le secteur crée des emplois générateurs de revenus pour la population rurale et contribue à la couverture des besoins alimentaires du pays, il est en panne. Et pourtant, l’agriculture, l’élevage et la pêche pourraient être des facteurs de croissance par excellence, pourvu que leur productivité progresse et que les articulations avec les entreprises situées en amont et en aval soient suffisamment fortes. Il s’agit là de conditions indispensables pour que ceux qui gagnent leur vie grâce aux produits primaires en vivent mieux ; pour que, grâce à une rentabilité accrue, une partie de la main-d’œuvre du secteur puisse être libérée et se consacrer à d’autres activités ; pour que, enfin, les surplus de production contribuent non seulement à l’amélioration de la ration alimentaire des citadins, mais qu’ils fournissent aussi des inputs aux industries transformatrices et contribuent aux exportations. Cependant, ces conditions ne sont pas réunies. Depuis des années, la rentabilité du secteur primaire est faible ; il est de moins en moins en mesure de nourrir convenablement les populations rurales. Il s’ensuit qu’en milieu rural la pauvreté sévit plus qu’ailleurs (Sénégal, 2013a, p. 29). Elle entretient les flux de ruraux vers les villes, nourrissant aussi les désirs d’émigration.
16Prenons tout d’abord l’agriculture dont les potentialités effectives sont difficiles à appréhender, tant sont entremêlés les déterminants météorologiques, d’une part, économiques et politiques d’ordre endogène et exogène, d’autre part. Pendant longtemps, les gains de productivité dans l’agriculture sénégalaise semblaient modestes ; ils concernaient tout d’abord les exploitations familiales (Faye et al., 2007). Un revirement semble s’être opéré à partir de 2008. Comme indiqué plus haut, l’on ne constate pas seulement une augmentation substantielle des surfaces cultivées, mais aussi une amélioration des rendements, particulièrement impressionnante pour le riz : entre 2008-2009 et 2010-2011, un hectare permettait de récolter 3,6 tonnes de paddy, contre environ 2,5 tonnes entre 2002-2003 et 2007-2008. De même, le rendement des céréales dites traditionnelles, mil et sorgho, s’est amélioré. Il n’en reste pas moins que la production de céréales connaît des évolutions en dents de scie, ce qui est d’autant plus problématique que le bilan céréalier du Sénégal est systématiquement déficitaire. Ainsi, les fluctuations de la production locale ouvrent les portes aux spéculations de toutes sortes. Celles-ci sont susceptibles de déstabiliser le marché et d’engendrer par là des mouvements fort préjudiciables à la cohésion sociale.
17Les fluctuations ne sont pas le propre de la culture céréalière, elles touchent aussi la production d’arachide et celle du coton. Elles sont dues à la fois aux variations des surfaces cultivées et des rendements, ce qui implique des risques multiples. Ainsi, entre 2002-2003 et 2010-2011, les surfaces consacrées à l’arachide varient du simple au double, la production du simple au quintuple, le rendement du simple au triple, atteignant un maximum de plus d’une tonne à l’hectare en 2010-2011, d’après les données officielles. Pour la même période, la production du coton et les surfaces cultivées varient également du simple au double, alors que le rendement est relativement constant, se situant entre 940 et 1 200 kg par hectare. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les décideurs misent, justement, sur ce type d’agriculture pour promouvoir le développement du sous-secteur (Banque mondiale, 2006b ; Matsumoto-Izadifar, 2008 ; Hazard et al., 2006).
18D’une manière générale, peu de moyens sont mis en œuvre pour pallier les fluctuations des rendements. L’irrigation de grande ampleur se limite essentiellement aux casiers rizicoles de la vallée du fleuve Sénégal, d’où des rendements qui soutiennent la comparaison avec la Thaïlande ; mais les coûts de production restent élevés, 210 USD pour la tonne de paddy, soit 10 % de plus qu’en Thaïlande (Boutsen et Aertsen, 2013, p. 8). La culture des céréales dites traditionnelles, elle, ne bénéficie qu’exceptionnellement d’aménagements, si modestes soient-ils. Même les horticulteurs se contentent, dans leur très grande majorité, de l’irrigation à la main. Plus encore, le recours aux semences sélectionnées et aux espèces végétales plus résistantes semble insuffisant. Régulièrement, les producteurs d’arachide expriment publiquement leur insatisfaction quant à la mauvaise qualité des semences et se plaignent des retards dans leur mise à disposition. Souvent aussi des dysfonctionnements dans l’écoulement des coques poussent les agriculteurs à se tourner vers des spéculations moins problématiques que ne l’est l’arachide.
19En ce qui concerne la pêche, la situation est particulièrement préoccupante. Les stocks ont diminué drastiquement, affectant la production et les rendements. C’est notamment à la pêche chalutière, nationale et étrangère, que l’on reproche cette situation. La baisse des rendements est spectaculaire : alors qu’une sortie réalisée par une unité artisanale se traduisit par des captures de près de 400 kg en 1990, le chiffre est tombé à 300 kg en 2007. La situation est encore plus inquiétante pour la pêche industrielle qui, au cours de la même période, vit les captures par heure de pêche passer de deux tonnes et demie à une tonne environ (Sénégal, 2008a, p. 13 et 17). À notre connaissance, on ignore la productivité des chalutiers étrangers. Par ailleurs, la diversité des espèces capturées régresse. Certaines espèces démersales17 font l’objet de surexploitation, c’est-à-dire souffrent d’un déséquilibre entre les capacités de pêche et le potentiel biologique des ressources. La situation est particulièrement dramatique pour le mérou, poisson noble par excellence. Il n’est pas seulement la base du plat national, le thiébou dieune, mais aussi un poisson particulièrement apprécié sur le marché mondial. Depuis les années 1970, les prises du mérou par unité d’effort ont été divisées par quinze18 ; l’espèce peut être considérée comme étant menacée d’extinction. En dépit de mesures drastiques décrétées pour l’année 2012 et consistant à imposer aux pêcheurs un repos biologique des ressources, l’on voit mal comment la situation pourrait s’améliorer, car le Sénégal éprouve des difficultés à surveiller ses côtes, ce qui est indispensable pour la protection de la ressource. Plus encore, les tentatives d’une gestion commune avec la Mauritanie voisine se sont toutes avérées inefficaces. Reste l’aquaculture. Celle-ci n’est pas en mesure de compenser la détérioration du sous-secteur, loin de là, même si, depuis des d’années, elle fait l’objet de nombreux projets de développement (Sénégal, 2008a, p. 26-28 ; Missions économiques, 2006b).
20Autre sous-secteur du primaire, l’élevage. L’élevage laitier, tout d’abord, dispose d’atouts réels lorsqu’il est pratiqué de manière industrielle. En cela, il s’oppose à l’élevage extensif des unités familiales, avec une production journalière de trois litres par jour au maximum, contre le décuple pour une vache laitière de race montbéliarde dans les pays du Nord. L’élevage de volailles, ensuite – il a produit 44 millions de poulets en 2012 (dont la moitié provient de l’élevage industriel) (Sénégal, 2015a, p. 196), ce dernier employant 15 000 personnes19 – a connu des progrès considérables, notamment depuis qu’en 2005, le pouvoir décida de fermer les frontières à l’importation de volaille surgelée. Cette mesure s’expliqua par la productivité élevée des fermes avicoles en Union européenne, aux États-Unis et au Brésil, comparée à celle des producteurs sénégalais. Ainsi, le prix de revient d’un poulet sénégalais est deux fois plus élevé que celui d’un produit brésilien ou américain, une différence qui avait des répercussions désastreuses pour les producteurs sénégalais20. L’interdiction des importations de volailles à la suite de la grippe aviaire allait mettre fin à cette situation et relancer la production industrielle nationale. Ainsi, entre 2002 et 2012, la production industrielle de volaille a presque quadruplé (Sénégal, 2007h, p. 242 ; Sénégal, 2015a, p. 196).
21Indépendamment de ces réussites ponctuelles – auxquelles l’on peut ajouter celle de l’horticulture dont la production est passée, entre 2000 et 2012, de 260 000 à 900 000 tonnes (Sénégal, 2013c, p. 300 ; Sénégal, 2015a, p. 302) –, les résultats du secteur primaire, pris dans son ensemble, laissent à désirer. La production peine à couvrir la demande locale et l’on imagine aisément que les industries situées en aval éprouvent, elles aussi, des difficultés non négligeables. Il en découle des importations croissantes de produits alimentaires. En 2012, celles-ci correspondaient, en valeur, à 22 % des importations du pays (Sénégal, 2013g, p. 55), contre 15 % au début des années 1980 (Faye et al., 2007, p. 192), une augmentation qui pèse lourdement sur la balance des paiements. Les huiles végétales, les produits laitiers ainsi que le riz et le blé représentent les trois quarts de ces importations (Ubifrance et Missions économiques, 2008b, p. 1). Près de 70 % des produits laitiers consommés au Sénégal – dont 400 millions de litres de lait – sont importés. Les céréales représentent, en valeur, entre 10 et 12 % des importations. Pour ce qui est du blé, le pays dépend entièrement des importations. Quant au riz, l’autosuffisance est un sujet brûlant, et ceci depuis des décennies. Mais la production locale ne dépasse qu’exceptionnellement le tiers de la consommation du pays21. On y reviendra dans le chapitre suivant.
Une industrie mal en point
22Le legs de l’époque coloniale pèse aussi sur l’industrie. Pendant longtemps fortement arrimée à la production d’arachide, elle s’est diversifiée depuis, mais continue à être exposée à une multitude de risques et d’incertitudes liés notamment à l’irrégularité de la production du secteur primaire, à la volatilité des prix et à des reconfigurations de la production au niveau international.
Le travail industriel en perte de vitesse
23L’industrie sénégalaise comprend une palette d’entreprises fort hétérogènes. Il y a, a priori, peu de choses en commun entre, d’une part, la petite unité qui, dans un quartier de pêcheurs, transforme le poisson selon un procédé artisanal et recourt pour cela à une main-d’œuvre quasiment gratuite, car composée de membres de la famille et, d’autre part, une société comme les Industries Chimiques du Sénégal, ICS, comptant 2 500 employés et dotées d’infrastructures éducatives, sanitaires et sportives. Dans cette co-existence de micro-entreprises ignorant tout – ou presque – des normes en matière d’emploi et des unités industrielles certifiées ISO 9002 ou autres, il existe cependant un dénominateur commun : les fluctuations de l’emploi et le recours fréquent au personnel temporaire, une caractéristique qui découle de la saisonnalité des activités en amont.
24L’industrie occupait 13,1 % de la main-d’œuvre sénégalaise en 2004, pourcentage en recul d’un point depuis 1980 (Banque mondiale, 2007, p. 26-28). Neuf emplois industriels sur dix se trouvent dans les micro-entreprises. Celles-ci s’occupent, dans deux cas sur cinq, de la transformation agro-alimentaire. En revanche, l’emploi de type formel concerne tout d’abord la production d’électricité, de gaz et d’eau – 16 % des emplois industriels de type moderne –, les produits chimiques et la métallurgie, mais aussi l’agro-alimentaire22. Parmi ces emplois, un sur cinq est un emploi de cadre.
Encadré 2. – Les Programmes d’ajustement structurel au Sénégal
Les différents
Programmes d’ajustement structurel devaient confirmer, au Sénégal et
ailleurs dans la sous-région, « l’épuisement du modèle néo-colonial
de croissance » (Duruflé, 1988, p. 7). Ce modèle se caractérisait
par une économie de traite héritée de l’époque coloniale et basée
sur l’exportation de produits primaires, par le développement
d’unités industrielles de substitution d’importation contrôlées par
l’étranger et bénéficiant de fortes protections, par le rôle de plus
en plus central de l’État comme régulateur. Au fur et à mesure que
ce modèle montrait ses limites, l’intervention de l’État s’imposait
davantage, ce qui ne manquait pas de déplaire aux adeptes de
l’économie de marché.
Lorsque le Sénégal bénéficia, dès 1980,
d’un prêt d’ajustement, l’assainissement de son économie s’avéra
incontournable. Celle-ci accusait le contrecoup d’un endettement
disproportionné par rapport à ses capacités de remboursement. Dans
un contexte de laxisme financier, cet endettement avait été rendu
possible par une hausse des cours de l’arachide et des phosphates,
donnant aux décideurs du pays l’illusion de disposer de richesses
durables. Or, la hausse des cours ne fut que de courte durée et
suivie, quelques années plus tard seulement, d’une chute brutale,
alors que les investissements – réalisés grâce à l’emprunt, mais
souvent inappropriés aux réalités du pays – n’avaient pas engendré
de croissance économique. Les sécheresses successives,l’hypertrophie
coûteuse des services administratifs, les dérapages de l’ONCAD
(Office national de commercialisation et d’assistance au
développement) ainsi que les chocs pétroliers allaient faire le
reste.
Les Plans d’ajustement structurel (PAS) visaient tout
d’abord le rétablissement des grands équilibres macro-économiques,
celui de la balance des paiements et celui des finances publiques.
Pour cela, il fallait améliorer la productivité de l’agriculture et
de l’industrie, promouvoir les exportations, limiter les dépenses de
l’État et orienter les finances publiques vers des dépenses propices
à la croissance économique.
En ce qui concerne le secteur
primaire, la Nouvelle politique agricole (NPA), décrétée en 1984, se
traduisit par la suppression des subventions pour les intrants, le
démantèlement des structures d’encadrement, la privatisation des
circuits de commercialisation, la libéralisation des importations de
riz. L’un des objectifs annoncés de la NPA : une autosuffisance
céréalière à raison de 80 % de la consommation nationale en 2000. Un
objectif de plus en plus lointain en 2015… Le milieu paysan sortira
profondément déstabilisé de la NPA. D’autres facteurs encore, comme
le renchérissement des intrants et de l’équipement agricoles, dû à
la dévaluation du franc CFA en 1994, devaient davantage appauvrir
les populations rurales. Plus encore, elles subissaient également le
contrecoup de l’incertitude relative à l’avenir de la plus grande
huilerie du pays, la Sonacos.
Il s’agissait également
d’assainir le secteur industriel – composé de près de 90 entreprises
contrôlées par l’État, mais dont la moitié affichait des résultats
négatifs –, d’en finir avec les projets industriels de grande
envergure qui avaient marqué la période post-indépendance et de
mettre en œuvre la reconversion de l’industrie. D’où la Nouvelle
politique industrielle (NPI) qui allait se traduire par la
privatisation des entreprises publiques et parapubliques, désormais
assujetties à l’impératif de l’efficience économique. Les nombreux
licenciements et les incitations au départ volontaire étaient
supposés y contribuer, avec, comme résultat, la perte de 30 % des
emplois industriels entre les années 1970 et 1990 (Golub et Mbaye,
2000). D’autres mesures encore consistaient à encourager
l’investissement, à simplifier les démarches administratives et
douanières et à favoriser les exportations, moyennant des
incitations de toutes sortes.
Pour ce qui est du secteur
public, sa masse salariale était en passe de devenir ingérable,
représentant, en 1979, 60 % des dépenses courantes de l’État. Les
bailleurs poussaient à des réformes en profondeur, d’où le projet de
contrôler les recrutements, de renoncer au remplacement de ceux qui
partaient à la retraite, d’actualiser les fichiers du personnel, de
vérifier la présence physique des agents de l’État, d’inciter au
départ volontaire, etc.
Pendant plusieurs années, l’ajustement
paraissait être « ajourné » – Adjustment postponed
s’intitule, justement, un rapport qui allait faire date (Berg,
1990) –, et ceci pour des raisons évidentes. Ceux qui étaient censés
promouvoir les réformes risquaient d’être les premières victimes de
cette rupture imminente avec la politique des prébendes. D’une
manière générale, les bailleurs sous-estimaient l’étendue des
blocages sociaux et économiques et les résistances politiques, tout
comme ils surestimaient les vertus du libre jeu des forces du marché
(Duruflé, 1994, p. 6-7 ; Cling et Roubaud, 2008). Cependant, grâce à
des mesures susceptibles d’apaiser les hostilités, les Programmes
d’ajustement structurel allaient, progressivement, devenir la
référence pour les politiques publiques. Celles-ci allaient
cependant entraîner le Sénégal dans la déflation.
En ce qui
concerne le facteur travail, les Programmes d’ajustement structurel
ont un dénominateur commun : leurs effets néfastes sur l’emploi
salarié. Ou, dit autrement, l’assainissement de l’économie
sénégalaise se fit essentiellement par le biais d’un ajustement par
la main-d’œuvre. Le chiffre de 20 000 emplois salariés perdus, au
cours des années 1980, dans le cadre de restructurations et de la
libéralisation de l’économie paraît réaliste, chiffre qui
correspondait à 16 % des salariés du pays en 1990 (B. Fall, 1997,
p. 11).
25L’emploi industriel a tendance à reculer. Cette évolution a pris son départ dans les années 1970, tout en s’accélérant au courant de la décennie 1980, sous la pression des mesures d’ajustement structurel et, plus particulièrement, la Nouvelle politique industrielle (encadré 2). Depuis cette époque, l’emploi industriel de type informel stagne en termes relatifs, alors que l’emploi de type moderne, lui, recule. Un recul qui n’est cependant pas uniforme, mais varie en fonction de la taille des entreprises. Lorsqu’elles comptent entre 50 et 500 employés, elles connaissent une plus grande stabilité de l’emploi que les petites unités situées aux extrémités de l’échelle, celles de moins de 50 employés et celles qui en comptent plus de 500 (Banque mondiale, 2005a, p. 89-9023). Parfois, des grandes entreprises internationales censées respecter les normes internationales – pour une question d’image de marque, entre autres –, se heurtent à des unités évoluant dans un cadre réglementaire moins contraignant. On peut citer l’exemple de la compagnie américaine Colgate, acculée à l’arrêt de sa production, du fait – semble-t-il – d’un concurrent sénégalais particulièrement combatif. Alors que Colgate se devait de respecter les normes décrétées par la maison mère, son concurrent, le holding CCBM (Comptoir commercial Bara Mboup), pouvait se permettre d’importer, en vrac, des produits d’entretien des pays asiatiques, pour les conditionner sur place, tout en prenant certaines libertés avec les normes en vigueur. La fermeture de l’usine Colgate à Dakar se solda par le licenciement de plus de 150 salariés24.
26Si, proportionnellement, l’emploi industriel de type moderne a reculé, les données disponibles ne permettent cependant pas de conclure à la désindustrialisation du Sénégal. Certes, la crise traversée par les grands employeurs comme la Sonacos (Société nationale de la commercialisation des oléagineux du Sénégal), principale huilerie du pays depuis l’époque coloniale, les ICS (Industries chimiques du Sénégal), producteur de phosphates, et certaines sociétés du textile est préjudiciable à l’emploi. Mais sa stagnation actuelle peut aussi traduire une division accrue du travail, phénomène tout « naturel » dans un paysage économique qui se complexifie. Cette division du travail se traduit par la sous-traitance de certaines tâches à des entreprises prestataires de services, une évolution qui avait été amorcée à la suite des mesures d’ajustement structurel, libérant des énergies pour amener d’anciens employés à devenir patrons d’une unité fournissant des services (d’entretien, de maintenance, de saisie de données informatiques, de communication et de consultance) à l’ancien employeur.
27Un retour historique permet davantage d’éclairer l’évolution de l’emploi industriel et de mieux comprendre la difficile reconversion d’un secteur manufacturier fortement conditionné par l’expérience coloniale.
La diversification de l’industrie, un chemin semé d’embûches
28Comparé à d’autres pays de l’Afrique occidentale française, le Sénégal a connu une industrialisation précoce25. À l’époque coloniale, son industrie – la plus développée de l’Afrique subsaharienne – avait pour vocation d’approvisionner toute la sous-région. Dès les années 1920, le pays disposait d’une huilerie à laquelle allaient bientôt s’ajouter des entreprises dans des domaines aussi variés que la brasserie, la biscuiterie, la savonnerie, l’air liquide, la métallurgie, la cimenterie et le conditionnement. L’industrialisation prit véritablement son essor à la suite de la Seconde Guerre mondiale, se nourrissant de la demande en provenance d’un marché colonial en pleine expansion. Il s’agissait d’une industrialisation largement articulée autour de la filière arachidière. Les outils de production et les intrants – phosphates, engrais et matériel agricole – étaient fournis par des entreprises locales. La recherche agronomique et l’encadrement technique veillaient à la productivité. Des infrastructures de transport relativement satisfaisantes, dont notamment le port de Dakar, contribuaient à la santé de l’industrie. Une « santé » largement artificielle pourtant, car la métropole garantissait l’écoulement des produits dérivés de l’arachide – huile et tourteaux – moyennant des prix subventionnés, déconnectés des cours mondiaux.
29Beaucoup d’éléments portent à croire que l’économie sénégalaise articulée autour de l’arachide « n’a jamais cessé d’être en crise » (A.T. Gueye, 1997, p. 58), mais le contexte euphorique consécutif à l’indépendance a masqué les faiblesses, et ceci dans un environnement de croissance internationale et de facilité d’accès aux crédits. Ces faiblesses devaient éclater au grand jour à partir du moment où cessèrent les avantages accordés à l’industrie arachidière et où le pays dut affronter, sur les marchés des oléagineux, des produits aussi compétitifs que le soja et l’arachide produits aux États-Unis réalisant, eux, des gains de productivité substantiels. Par ailleurs, comme les pays voisins du Sénégal s’étaient dotés de leurs propres structures de production – doublant la balkanisation politique de l’éclatement des tissus de production –, l’industrie sénégalaise par substitution d’importation était surdimensionnée par rapport au marché national. Plus encore, celui-ci était – et est toujours – trop exigu pour réaliser les indispensables économies d’échelle. En ce qui concerne la manufacture, les quelques rares industriels étaient des expatriés qui tenaient à profiter aussi longtemps que possible du marché captif de l’ancienne métropole26. Tous ces facteurs contribuaient à la dégradation progressive des termes de l’échange, dégradation que l’agriculture n’arrivait pas à compenser par des gains de productivité suffisants (Duruflé, 1994, p. 51). Le contexte était ainsi peu propice au développement d’un secteur manufacturier viable.
30Il devenait alors nécessaire d’en finir avec les projets industriels de grande envergure qui avaient marqué la période post-indépendance et de mettre en œuvre la reconversion de l’industrie sénégalaise. La Nouvelle politique industrielle évoquée ci-dessus devait jouer un rôle central à cet égard. Les bailleurs étrangers et les décideurs nationaux surestimaient cependant les vertus développantes des mesures prônées, car, alors que les entreprises souffraient d’équipements obsolètes et de surcapacités, l’empressement des industriels pour réaliser ces investissements productifs fut faible. Les véritables problèmes des unités de production n’étaient pas ceux que leur prêtaient les experts, à savoir la faiblesse des investissements productifs, mais renvoyaient plutôt au coût élevé et à la faible productivité de la main-d’œuvre ainsi qu’à la cherté des consommations intermédiaires – dont tout particulièrement l’électricité, surtout en comparaison avec les autres pays de la zone franc (CNPS et CNES, 1996). De plus, de nombreuses d’entreprises étaient pénalisées par l’ouverture des frontières aux importations bon marché, d’origine asiatique essentiellement. Dans cette constellation, agir sur les inputs techniques (eau, électricité) s’avéra délicat, car ils étaient fournis par des sociétés nationales trop peu performantes pour se voir amputer des recettes. De même, il était exclu de revenir sur l’ouverture des frontières pour empêcher l’arrivée de produits hautement concurrentiels. Par conséquent, les réformes devaient se porter prioritairement sur la main-d’œuvre, facteur de production plus facile à « gérer » que les autres.
Tableau 6. – Les cinq principaux produits d’exportation (en % des recettes d’exportation), 2005 à 2013
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
|
Produits de la pêche |
23,7 |
21,3 |
18,0 |
10,3 |
13,1 |
11,9 |
12,6 |
10,7 |
11,9 |
Produits pétroliers |
17,6 |
26,7 |
19,7 |
34,7 |
33,2 |
22,1 |
15,5 |
14,6 |
17,7 |
Acide phosphorique |
14,1 |
5,6 |
7,1 |
12,0 |
5,1 |
10,1 |
14,1 |
11,0 |
6,6 |
Ciment |
3,9 |
5,6 |
6,6 |
6,2 |
8,2 |
10,2 |
9,9 |
8,9 |
6,7 |
Produits d’arachide |
2,4 |
4,4 |
4,9 |
[1] |
[2,4] |
[3,4] |
[4,1] |
[1,6] |
[2,7] |
Cigarettes |
[0,6] |
[0,6] |
[1] |
1,5 |
[2,2] |
[2,3] |
[2,1] |
[1,9] |
n.d. |
Or non monétaire |
s.o. |
s.o. |
[1,4] |
[1,1] |
9,9 |
10,4 |
10,3 |
17,7 |
14,3 |
Total en % des recettes d’exportation |
61,7 |
63,6 |
56,3 |
64,7 |
72,5 |
75,1 |
62,4 |
63,0 |
57,2 |
Sources : Sénégal (2007i, 2008b, 2013g, 2014d).
31Une chose est certaine : l’industrie sénégalaise continue à souffrir du fait qu’aucune branche n’a véritablement pu prendre la relève de l’économie arachidière. Celle-ci fournissait jusqu’au début des années 1980 le premier, sinon l’unique, produit d’exportation27. En 2012, cette part est inférieure à 2 %. En même temps, les exportations se sont diversifiées : un peu moins de 60 % concernent les produits de la pêche, les produits pétroliers28, l’acide phosphorique, le ciment et l’or monétaire (tableau 6). En effet, le Sénégal est parvenu à s’ouvrir à de nouveaux marchés, celui de l’Inde pour les produits chimiques, celui de la sous-région pour le ciment. En 2012, l’or non monétaire fut le premier produit d’exportation, relayé par les produits pétroliers l’année d’après.
32Il n’en reste pas moins qu’en termes relatifs, la production industrielle sénégalaise évolue à peine : depuis une quinzaine d’années, sa contribution à la production nationale varie entre 20 et 22 %. Cette quasi-stagnation est imputable à une pluralité de facteurs parmi lesquels les plus déterminants semblent être l’exiguïté du marché national, l’articulation de la production industrielle aux produits primaires et sa grande extraversion.
33D’une manière générale, les produits sénégalais se caractérisent par un niveau de transformation relativement faible, ce qui limite la valeur ajoutée et les effets d’entraînement sur le reste de l’économie. L’or en est un exemple flagrant. Les produits halieutiques en représentent un autre. Alors que la moitié de la production artisanale est destinée au mareyage, l’autre moitié se dirige vers l’exportation en frais ou vers les unités de transformation de type artisanal ou industriel. Mais les conserveries industrielles éprouvent de grandes difficultés, d’où la fermeture, entre 1999 et 2006, de 23 parmi elles (Sénégal, 2008a, p. 9). Depuis, le marasme s’est accentué, car si, en 2005, les conserves de poisson représentaient encore 10 % de la valeur des produits halieutiques exportés, le taux est de 1 % en 2011, de 0,2 % en 2012 (Sénégal, 2013g, p. 49). En même temps, les usines russes, chinoises et coréennes évoquées ci-dessus – elles sont installées entre Kayar et Joal et produisent de la farine de poisson – semblent prospérer : entre 2011 et 2013, onze unités se sont créées.
34Il s’agit aussi d’une industrie exposée à un grand nombre d’aléas. En effet, à la vulnérabilité par rapport aux chocs intérieurs – imputables aux conditions météorologiques, à la dégradation de l’environnement naturel, à l’épuisement des sols, etc. – s’ajoute la fragilité par rapport à l’environnement international. Ainsi, les produits chimiques – qui doivent désormais affronter la concurrence marocaine – ont connu, en 2002, une importante baisse provoquée, entre autres, par le tassement des cours internationaux. L’industrie agro-alimentaire, elle, se heurte à la raréfaction des ressources halieutiques, ce qui amène les conserveries, soucieuses de rentabiliser leur capital technique, à importer de grandes quantités de poisson en vue de la transformation. De plus, toujours par rapport aux produits halieutiques, compte tenu de la cherté relative du franc CFA – lié à l’euro par un taux de change fixe –, les exportations sénégalaises en zone dollar sont pénalisées par rapport aux concurrents thaïlandais et latino-américains. En outre, malgré de nombreuses mesures censées faciliter les exportations vers les pays du Nord, les pays importateurs édictent des normes d’hygiène de plus en plus strictes, ce qui oblige les unités de transformation sénégalaises à effectuer des investissements particulièrement lourds compte tenu de leur surface financière limitée, investissements qu’ils peuvent difficilement assumer29. La fermeture des nombreuses conserveries évoquée ci-dessus s’explique essentiellement par là. Le marasme de l’industrie textile basée sur le coton est également largement imputable au contexte international difficile : subventions massives de la production de coton aux États-Unis, haut degré de transformation par les grands producteurs mondiaux30, arrivée de produits chinois consécutive au démantèlement de l’accord multifibres, imitation et contrefaçon de tissus africains par des industriels asiatiques (Malaisie, Pakistan), forte concurrence de la friperie étrangère31, etc. On peut approfondir certains de ces points en examinant de près quelques fleurons de l’industrie sénégalaise.
Des fleurons de l’industrie sénégalaise dans la tourmente
35Dans le cadre des politiques d’ajustement structurel, près d’une centaine d’entreprises publiques et parapubliques devaient être transférées au secteur privé ; nous l’avons dit. Alors que d’une manière générale, les privatisations se sont faites dans un laps de temps relativement court, quelques rares entreprises ont eu beaucoup de difficultés à trouver des repreneurs. Prenons le cas de la Sénélec (Société nationale d’électricité) qui comptait, en 2012, environ 2 600 employés. Après des tentatives de privatisation infructueuses de cette entreprise qui représente un enjeu central pour l’économie sénégalaise, l’État a fini par opter pour le maintien de sa participation majoritaire. De même, la privatisation de la Sotrac (Société des transports urbains à Dakar) rencontra un certain nombre de problèmes et ne put se réaliser qu’en 2001. Celle de la Sonacos (Société nationale de la commercialisation des oléagineux du Sénégal) n’intervint qu’en 2005.
36Le cas de la Sonacos, la principale société de triturage des graines d’arachide et de raffinage d’huiles brutes, est particulièrement riche d’enseignements. Symbolisant à elle seule toute l’histoire de l’économie arachidière du pays, cette société avait fait l’objet de plusieurs tentatives de privatisation, tentatives avortées faute d’investisseurs. Parmi les raisons évoquées de ces lenteurs figuraient une « comptabilité peu transparente et des structures largement obsolètes [ainsi que] l’absence de la stratégie de l’État à l’égard des privatisations [et] la méfiance du secteur privé, face notamment aux investisseurs étrangers susceptibles de participer au capital de ces sociétés » (OCDE, 2002, p. 299-300). Ces atermoiements avaient une série de conséquences fâcheuses pour les pouvoirs publics et ont amené l’État sénégalais à poursuivre des mesures de subventions directes et indirectes, que ce soit en garantissant des prix aux producteurs, en fournissant des intrants à des conditions avantageuses, en prélevant une taxe sur les huiles alimentaires importées. Autant de mesures qui allaient retarder la modernisation des structures de production et la restructuration de la filière tout entière. La reprise de la Sonacos – devenue Suneor en 2005 – par un consortium mené par le groupe Advens n’allait pas fondamentalement changer la donne pour l’État sénégalais, du moins pendant les premières années consécutives à la privatisation. En effet, 40 % des travailleurs avaient opté pour le départ volontaire, ce qui amena l’État à les indemniser, une opération évaluée à 6 milliards de FCFA (soit 9 millions €)32. Plus encore, pour être rentable, le repreneur estimait indispensable que les pouvoirs publics continuent à subventionner les prix aux producteurs. À raison de 40 FCFA pour un prix au producteur de 150 FCFA en 2006, ces subventions coûtaient cher à l’État : 9 milliards FCFA (soit près de 14 millions €) (OCDE, 2007, p. 528). Ce n’est qu’à partir de la campagne 2008-2009 que ce système fut abandonné, tout comme les taxes sur l’huile végétale importée.
37Au lendemain de la reprise par Avens, l’huilerie avait mené une campagne de marketing efficace, mettant en avant l’image « santé » et « l’origine Sénégal » de l’huile d’arachide, et s’ouvrant à de nouveaux marchés comme la Chine et les États-Unis, etc., une stratégie qui devait conduire à des résultats satisfaisants, mais dans un premier temps seulement. Depuis, la situation de Suneor s’est sérieusement dégradée. L’indispensable restructuration de la filière d’arachide n’a fait qu’exacerber les difficultés d’approvisionnement de l’usine, compte tenu de l’absence de contrats avec les producteurs et d’une offre particulièrement atomisée, autant d’éléments générant d’importants coûts de transaction (Faye et al., 2007, p. 74-77). Les producteurs d’arachide estiment régulièrement que les prix fixés par l’État sont largement inférieurs aux coûts de production33. Or, étant donné l’effondrement des cours mondiaux – entre la mi-2012 et le début de la saison 2013-2014, le prix de l’huile d’arachide sur les marchés internationaux a perdu environ 40 % – les huileries comme Suneor peuvent difficilement proposer des prix plus attractifs. L’État sénégalais, lui, n’est pas prêt à subventionner les prix proposés aux producteurs. Plus encore, ces derniers craignent, à juste titre, que leur récolte ne soit payée avec d’importants retards, une situation qu’ils ont souvent connue par le passé. Il s’ensuit qu’ils se rabattent sur des circuits parallèles, sur la transformation artisanale, sur les petites huileries demandeuses de coques d’arachide et sur les marchés ruraux. Depuis peu, l’arrivée, sur ces marchés, de négociants chinois a changé la donne. En effet, cette même Chine que Suneor essaie de conquérir pour exporter son huile envoie des négociants. Ceux-ci proposent des prix bien plus élevés que ceux fixés par l’État sénégalais. Tel négociant, l’un des rares Chinois acceptant de parler de l’activité, s’explique : « J’achète aux paysans des graines d’arachide que je décortique avant de les exporter en Chine, en Russie, en Philippines et en Malaisie34. »
38Aux aléas liés à l’atomisation « naturelle » de l’offre et à l’absence de régulations étatiques s’ajoutent ainsi la reconfiguration des réseaux des commerçants et la grande imprévisibilité liée aux stratégies des producteurs35. Ceux-ci ont, de tout temps, agi en fonction des logiques qui leur sont propres et qui peuvent aller à l’encontre des options politiques des décideurs. Sur le marché – international et national – l’image de l’huile « made in Sénégal » s’en trouve de ce fait ternie.
39La crise profonde que traverse Suneor depuis des années est aussi lisible à travers les difficultés de gestion au quotidien. En huit ans, six directeurs se sont succédés. Alors qu’en 2007, la compagnie réalisait encore un chiffre d’affaires de 157 millions € et employait 500 salariés et 2 000 saisonniers, le chiffre d’affaires est, en 2013, de l’ordre de 45 millions €36. En 2013, deux des cinq sites industriels de Suneor, à Diourbel et Louga, sont restés fermés. Quant à l’emploi, la situation est dramatique : la société a dû réduire de moitié le nombre des quelque 2 000 travailleurs, permanents et temporaires. La reprise par l’État de Suneor, redevenue Sonacos en 2016, changera-t-elle fondamentalement la donne ?
40Une seconde société industrielle qui mérite que l’on s’y intéresse de plus près, les Industries Chimiques du Sénégal (ICS), est, elle aussi, exposée à des difficultés récurrentes et a même frôlé le dépôt de bilan en 2006. Produisant des phosphates, de l’acide phosphorique et des engrais, la société est la première entreprise industrielle du pays, tant en ce qui concerne les actifs et le chiffre d’affaires, mais aussi l’emploi. Les ICS comptent 2 000 emplois permanents auxquels s’ajoute un grand nombre d’emplois temporaires, pouvant atteindre les 4 000. De plus, plusieurs centaines de petites entreprises dépendent directement des ICS, comme fournisseurs de toutes sortes de biens et services. En 2002 encore, son nouveau directeur avait l’ambition de faire des ICS l’un des premiers exportateurs d’acide phosphorique dans le monde, et ceci grâce au doublement des capacités de production37. Il est vrai que ce fut une année exceptionnelle où les exportations vers l’Inde, le client quasi exclusif des ICS pour l’acide phosphorique, firent un bond de 65 % (OCDE, 2004, p. 348). Cependant, la diminution des phosphates disponibles, les difficultés d’acheminement ferroviaire, la baisse du cours de l’acide sur le marché mondial, l’appréciation de l’euro – et, par conséquent, du franc CFA – par rapport au dollar, des erreurs de management et la grande politisation des postes de direction allaient précipiter la société dans une crise sans précédent. En 2006, sept mois durant, la production a été quasiment arrêtée. Dans la mesure où 7 % de l’ensemble des prêts bancaires du pays concernaient les ICS, la crise que traversait la société présentait un danger pour la stabilité de tout le système bancaire. Le budget de l’État en fut à son tour profondément affecté, car la chute de la production et des exportations d’acide phosphorique – moins de 6 % des exportations du pays en 2006, contre 14 % l’année précédente – allait le priver de ressources fiscales considérables (Sénégal, 2008b, p. 8). Finalement, la crise a pu être désamorcée, d’une part, grâce à l’intervention de l’État qui avait accepté de garantir les dettes de la société et, d’autre part, grâce à la recapitalisation de la société (OCDE, 2011).
41Or, le répit ne fut que temporaire38. Premier client des ICS, le consortium indien Iffco est devenu repreneur majoritaire, promettant des investissements de l’ordre de vingt milliards de FCFA (30 millions €), l’objectif étant d’atteindre une production annuelle de 600 000 tonnes de phosphates. Une promesse avec laquelle les nouveaux patrons semblent prendre quelques libertés. En 2012, les ICS enregistrent une perte de production de l’ordre de 40 %. Officiellement, c’est une panne de chaudière qui en serait à l’origine. Le malaise au sein de la société est grand et la presse ne se prive pas d’en faire l’écho :
« La situation actuelle est caractérisée par des dysfonctionnements dont les plus préoccupants sont : la décadence de la production minière (phosphate) sur le site de Taïba où les engins miniers ne tiennent que par le génie des travailleurs. À force de rafistoler avec de la ferraille, on en est arrivé à réduire sensiblement la capacité de fabrication d’acides […] ; une dégradation continue des ateliers de production d’acides et d’engrais ; des conditions de travail en marge des normes de sécurité ; un management social sans âme, qui se distingue plus par sa promptitude à licencier des travailleurs que par une dextérité à booster leur moral et consolider leur expertise qui n’est plus à démontrer39. »
42Ces deux exemples illustrent à quel point l’industrie sénégalaise est exposée non seulement aux chocs liés aux aléas climatiques, mais aussi aux soubresauts de l’environnement international et aux fluctuations des cours mondiaux et des taux de change. Sans oublier l’émergence de concurrents particulièrement compétitifs, comme la Malaisie, le Pakistan et la Chine dans le domaine du textile (Missions économiques, 2007a), cette dernière concurrençant aussi la production locale de cosmétiques (Missions économiques, 2007b). Autant d’éléments difficilement maîtrisables qui pèsent sur les perspectives à long terme des entreprises et handicapent la création d’emplois pérennes.
L’État employeur n’est plus ce qu’il était
43Depuis l’époque coloniale, émarger à la fonction publique est synonyme de prestige social et de prospérité matérielle. Certes, les Programmes d’ajustement structurel devaient mettre en péril l’édifice de la fonction publique et porter atteinte à l’image de marque des fonctionnaires et agents de l’État. Plus récemment, c’est grâce à la création de nombreuses agences, sorte « d’État dans l’État » que le blason a pu être redoré.
L’effacement progressif du premier employeur du pays
44Comme certains emplois dans l’industrie, ceux de la fonction publique sont considérés comme étant de type moderne, car a priori assortis de garanties en termes de régularité des revenus, de durée de l’engagement, de protection sociale. Plus encore, ces emplois donnent souvent lieu à des situations rentières – surtout si un ministère loge, en son sein, un « projet de développement » –, un fait qui est également bien connu. Autant d’éléments générateurs de prestige qui permettent aux fonctionnaires de répondre aux demandes de redistribution formulées par leur propre entourage.
45On peut s’intéresser tout d’abord à l’évolution du nombre d’agents de l’État (tableau 7) pour constater que l’évolution du secteur public ne confirme pas l’idée que l’on s’en fait habituellement, à savoir qu’il y aurait une hypertrophie de l’emploi public liée au fait colonial. Au moment de l’indépendance, les effectifs du public ne représentaient qu’un cinquième de l’emploi de type moderne. L’accroissement soutenu des effectifs du public est venu par la suite seulement, avec le triplement entre 1961 et 1983, faisant de l’administration publique le premier pourvoyeur d’emplois dits modernes. Cette évolution connut un arrêt brusque avec les Programmes d’ajustement structurel qui poussaient aux départs volontaires des agents de l’État et au quasi-arrêt des recrutements.
Tableau 7. – L’emploi de type formel dans les secteurs public et privé, niveau national (1948-2006)
Secteur public |
Secteur privé |
Total |
Secteur public |
Secteur privé |
Total |
|
Effectifs |
Effectifs |
Effectifs |
Indice |
Indice |
Indice |
|
1948 |
12 300 |
71 800 |
84 100 |
100 |
100 |
100 |
1957 |
20 700 |
73 500 |
94 200 |
168 |
102 |
112 |
1961 |
22 000 |
83 300 |
105 300 |
179 |
116 |
125 |
1965 |
33 600 |
49 400 |
83 000 |
273 |
69 |
99 |
1979 |
54 200 |
67 300 |
121 500 |
441 |
94 |
144 |
1983 |
68 100 |
59 400 |
127 500 |
554 |
83 |
152 |
1990 |
73 000 |
52 000 |
125 000 |
593 |
72 |
149 |
1993 |
67 100 |
60 100 |
127 200 |
545 |
84 |
151 |
1995 |
67 100 |
70 300 |
137 400 |
545 |
98 |
163 |
1997 |
66 300 |
64 400 |
130 700 |
539 |
90 |
155 |
2002 |
65 300 |
n.d. |
n.d. |
531 |
n.d. |
n.d. |
2006 |
83 00040 |
n.d. |
n.d. |
674 |
n.d. |
n.d. |
Sources : Fall B. (1997) ; PNUD (2001) ; Banque mondiale (2005a).
46Il n’en reste pas moins que, comme dans de nombreux autres pays, qu’ils soient du Nord ou du Sud, le nombre des agents de l’État n’est pas connu avec précision : tel médecin du secteur public ne réintègre pas son poste après une permission, tel autre fonctionnaire continue à figurer dans les registres alors qu’il est décédé… Ainsi, un audit réalisé en 2006, fait état d’environ 5 000 « fonctionnaires fantômes » – 6 % de l’ensemble ! – qui restent inclus dans le budget (Banque mondiale, 2006a, p. 17). Plus récemment encore, on parle de près de 2 400 agents dont on semble juste savoir qu’ils touchent un salaire et d’environ 10 000 autres dont l’émargement à la fonction publique ferait l’objet d’un contentieux41. Un autre élément incite à la prudence : depuis un certain nombre d’années, de nombreuses agences « pseudo-publiques » emploient du personnel qui, lui aussi, peut être considéré comme relevant du public. Mais ces agences sont entourées d’une grande opacité, ne serait-ce que du fait de leur statut juridique ambigu, d’où la quasi-absence de données relatives à leur personnel. Avant d’approfondir cette question, un rappel historique s’impose.
La fonction publique à travers l’histoire
47L’attirance qu’exerce sur les Sénégalais la fonction publique est directement liée à la pénétration coloniale et tout particulièrement à la mainmise du colonisateur sur le négoce. De nombreux commerçants sénégalais, conscients des faibles perspectives d’avenir pour leur métier, décidaient de scolariser leurs enfants pour les diriger vers la fonction publique, demandeuse d’intermédiaires scolarisés (Amin, 1969, p. 20-21). Cette tendance répondait aussi au souci d’assimilation de la puissance coloniale, assimilation dont l’un des opérateurs clés fut l’École normale William Ponty. C’est là que fut formée l’élite intellectuelle de l’Afrique occidentale française, hauts fonctionnaires, dirigeants et autres leaders d’opinion (F. Sow, 1972). Si les « anciens » de William Ponty représentaient, pour le colonisateur, une clientèle politique de choix, ils étaient aussi les premiers à précipiter la désagrégation de l’ordre colonial. En effet, les fonctionnaires originaires du Sénégal réclamaient les mêmes avantages que leurs collègues métropolitains, ceux dont ils allaient prendre la relève au moment de l’indépendance du pays (Blanchet, 1983).
48Nous avons vu que dans les décennies 1960 et 1970, la fonction publique contribuait activement à l’essor de l’emploi salarié, grâce aussi à un vaste secteur parapublic composé de sociétés d’encadrement du monde rural. On peut en prendre comme exemple l’ONCAD (Office national de commercialisation et d’assistance au développement), créé en 1966, qui à lui seul comptait 6 000 agents en 1981 (B. Fall, 1992, p. 75). Les services de l’État accueillaient tous les diplômés possédant un baccalauréat ou un diplôme universitaire de niveau maîtrise. Le nombre de ces diplômés ne cessait de croître. Prenons les bacheliers : de 17 en 1958, leur nombre est passé à 611 dix ans plus tard (Sénégal, 1968, p. 7)42. Vers la fin des années 1970, alors que les capacités d’absorption du système étaient épuisées, la fonction publique devait gérer des cohortes de diplômés de plus en plus importantes, sans que leur qualification fût adaptée aux besoins (B. Fall, 1992 et 1997).
49Deux décennies après l’accès du pays à l’indépendance, la fonction publique souffrait d’un mal profond. La présence d’assistants techniques étrangers – Français avant tout – continuait à peser lourdement sur les structures… et le budget de l’État indépendant. Les vieilles générations n’étaient guère prêtes à se retirer et exerçaient leur métier au-delà de l’âge de la retraite. En même temps, l’administration manquait de jeunes cadres43. Dans ce domaine aussi, les bailleurs poussaient à l’assainissement et aux réformes. Compte tenu de l’importante masse salariale que représentait la fonction publique, le personnel devenait une variable d’ajustement par excellence, à l’instar de ce qui se passait dans l’industrie. Tout compte fait, près de 4 000 fonctionnaires et agents de l’État ont effectivement accepté un départ volontaire. Par la suite, les pouvoirs publics devaient surseoir aux recrutements, et ceci jusqu’au milieu des années 2000 où ils annoncèrent le recrutement de 15 000 agents de l’État, recrutement réparti sur trois ans (OCDE, 2007, p. 532).
50Alors que la fonction publique au sens étroit comptait, officiellement, environ 83 000 agents en 2006, l’estimation du personnel des nombreuses agences pose problème. Celles-ci ont vu le jour avec l’arrivée au pouvoir d’Abdoulaye Wade, en 2000, la première étant l’APIX (Agence chargée de la promotion des investissements et grands travaux). Pendant l’ère Wade, le nombre des agences – 33 en 2007 contre 24 l’année précédente (OCDE, 2008, p. 592) – dépassait celui des ministères. On peut mentionner notamment l’Agence sénégalaise de la promotion des exportations, le PCRPE (Projet de construction et de réhabilitation du patrimoine bâti de l’État), l’Agence nationale des aéroports du Sénégal, l’Agence nationale de conseil agricole et rural, l’Agence nationale du REVA, l’ADEPME (Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises), ainsi que deux agences aux attributions proches de celles de l’APIX, l’AATR (Agence autonome des travaux routiers) et surtout l’ANOCI (Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique)44. Un certain nombre de ces agences ont disparu avec l’arrivée du nouveau président Macky Sall, mais pas toutes. Contribuant indirectement à la création d’emplois, notamment dans les BTP analysés ci-après, ces agences mobilisent, directement, du personnel qualifié, généralement formé à l’étranger et rémunéré en conséquence. Elles doublent les services ministériels. Plus encore, leur statut juridique imprécis ouvre les portes à de nombreuses irrégularités. Une grande opacité entoure la question de la masse salariale45, les marchés de gré à gré, ainsi que le respect de la réglementation fiscale et salariale. Autant d’éléments qui ne font pas seulement l’objet de mises au point de la part de la Cour des comptes, mais aussi de critiques récurrentes formulées par les bailleurs de fonds46. Les populations, elles, considèrent les agences comme des outils au service du clientélisme politique, voire du népotisme. Une chose est certaine : échappant au contrôle des élus, les agences contribuent à l’accélération du phénomène d’un Sénégal à deux vitesses.
Les BTP et les services : potentialités réelles et imaginaires
51Trois secteurs méritent notre attention particulière, les BTP, le tourisme et les nouvelles technologiques. Ils sont susceptibles d’ouvrir des perspectives d’embauche à une main-d’œuvre pléthorique, y compris dans les zones rurales. Plus encore, ils peuvent aussi être à l’origine d’emplois indirects. Mais pour cela, un certain nombre de conditions doivent d’être remplies, ce qui n’est pas toujours le cas au Sénégal.
Le bâtiment : un boom aux lendemains incertains
52S’il y a un secteur économique qui a bénéficié, ne serait-ce que pendant un certain nombre d’années, d’une santé remarquable, c’est bien celui du bâtiment et des travaux publics. Enregistrant, entre 2002 et 2007, une croissance annuelle supérieure à 12 %, les BTP participaient, en 2007, au PIB à raison de 5,6 % (Missions économiques, 2005a ; Ubifrance et Missions économiques, 2008c). Cependant, depuis 2008, le secteur a reculé sensiblement et, en 2012, sa contribution au PIB est de 4,3 % (Sénégal, 2015a, p. 235).
53L’hétérogénéité du paysage des entreprises caractérise aussi le secteur des BTP, avec une poignée de grandes sociétés, d’une part, et de très nombreuses petites unités de type informel, d’autre part. Quant aux premières, une dizaine, leur capital est d’origine sénégalaise ou bien il s’agit de filiales de grands groupes étrangers. L’on peut mentionner le Consortium d’entreprise (CDE), Jean Lefebvre Sénégal, Sade Sénégal (groupe Véolia), Sogea Satom Sénégal (groupe Vinci), etc., avec des effectifs permanents compris entre 120 et plus de 500. Depuis quelques années, on enregistre aussi l’arrivée de sociétés originaires du Maroc, du Portugal, de Côté d’Ivoire et de Chine. Ces grandes entreprises, généralement certifiées ISO 9001, sont à même d’exécuter des grands travaux d’infrastructure, souvent avec l’appui des bailleurs de fonds internationaux. Mais, fréquemment, les délais d’exécution imposés sont irréalistes par rapport aux contraintes de l’environnement et aux potentialités réelles des entreprises. D’où des retards considérables qui poussent ces sociétés à des arrangements de gré à gré, contestés par les bailleurs, comme ceci fut le cas des travaux liés au sommet islamique de 2008. En ce qui concerne les entreprises de type informel, elles sont environ 20 000 et représenteraient 7 % des emplois de type informel (Sénégal, 2013f, p. 16). Leur main-d’œuvre est généralement temporaire, souvent insuffisamment formée, recrutée ponctuellement (OCDE, 2008, p. 598). Même si, à cet égard, ces unités correspondent, en quelque sorte, au « modèle » de flexibilité évoqué ci-dessus, le prix de cette flexibilité s’avère souvent élevé, car se traduisant par une grande précarité des conditions de travail et un respect très partiel des normes en vigueur47. Les lacunes quant à l’encadrement sont nombreuses, d’où de fréquentes malfaçons ainsi que des accidents aux conséquences parfois dramatiques ; la presse s’en fait régulièrement l’écho.
54Pour ce qui est de la création d’emploi dans les BTP, obtenir des données chiffrées fiables est une gageure, tant la main-d’œuvre fluctue. Les statistiques officielles nous indiquent qu’en 2004, ils étaient plus de 73 000, en équivalent temps plein, à travailler dans le secteur, tous statuts confondus. Si, entre 1980 et 2004, leur nombre a augmenté légèrement plus vite que la main-d’œuvre dans son ensemble, ce sont surtout les emplois de type moderne qui connaissaient une progression remarquable : ils étaient, en 2004, près de 15 000, soit six fois plus qu’un quart de siècle auparavant, ce qui semble indiquer une certaine professionnalisation.
55Deux éléments sont à l’origine du boom des BTP au Sénégal. Il y a, tout d’abord, les chantiers de l’immobilier résidentiel et commercial. Depuis 2002, ces constructions ont donné lieu à une croissance sans précédent, attisée par la spéculation immobilière (Sénégal, 2008d, p. 191 ; Sénégal, 2013c, p. 235-243 ; Diane et Fall, 2008). Elles correspondent à des projets réalisés par des émigrés, tout comme ils peuvent être le fait des sociétés immobilières publiques – SICAP, SCAT URMA, SNHLM – qui tentent d’apporter une réponse à la croissance démographique dans les villes. Appuyées par les agences mentionnées plus haut, les sociétés immobilières bénéficient de 10 % du budget global de l’État (Ubifrance et Missions économiques, 2008d ; Banque mondiale, 2006a, p. 8). Et il y aussi la politique volontariste menée sous la présidence d’Abdoulaye Wade. Celui-ci avait comme ambition de « permettre au Sénégal de se rapprocher substantiellement et définitivement d’un “Environnement des Affaires de Classe Internationale”, fondamental pour un Sénégal “émergent”, à l’instar de l’Île Maurice ou de la Tunisie » (Sénégal, 2008c, p. 3). Une ambition qui devait aussi se traduire dans les infrastructures routières. Ce sont notamment les travaux réalisés dans le cadre du sommet de l’OCI (Organisation de la conférence islamique), organisé à Dakar en 2008, qui méritent d’être mentionnés. Ils concernaient essentiellement la capitale. L’on pense à l’aménagement de la corniche, à la construction d’un certain nombre d’échangeurs, à l’amélioration des autoroutes desservant la zone péri-urbaine.
56Le secteur des BTP continue à faire preuve d’un dynamisme incontestable. Sa croissance s’est cependant ralentie et l’on peut s’interroger sur son avenir. Celui-ci risque d’être fragilisé par la situation internationale. En ce qui concerne l’immobilier, l’on sait que les transferts des émigrés, source de financement non négligeable, sont susceptibles de ralentir, ne serait-ce que temporairement, sous l’effet des crises (IMF, 2009a, p. 12 ; IMF, 2009b). Ensuite, la reprise économique en Côte d’Ivoire a incité de nombreux Ivoiriens à regagner leur pays, libérant par là des logements et des bureaux. Indépendamment de la crise mondiale, plusieurs éléments d’ordre local risquent d’entretenir les aléas du secteur. En effet, une certaine méfiance semble avoir gagné les propriétaires susceptibles de mettre en location des logements. Craignant se trouver confrontés à l’insolvabilité des locataires, ils préfèrent souvent attendre une hypothétique amélioration de la conjoncture économique et un regain de confiance des populations dans l’avenir du Sénégal. Cet attentisme est préjudiciable au déstockage des nombreuses surfaces disponibles. Désormais, des surfaces libres sont annoncées par des pancartes sur les immeubles même, un phénomène quasiment inconnu auparavant. Par ailleurs, l’autoroute à péage, inaugurée en août 2013 et synonyme d’une plus grande fluidité de la circulation, risque d’amener de nombreux Dakarois à s’installer en dehors de l’agglomération, là où ils bénéficient d’une meilleure qualité de vie que dans la capitale même. En outre, les entreprises de construction et toutes celles qui gravitent autour sont amenées à affronter la concurrence chinoise, en ce sens que les inputs fabriqués au Sénégal – l’on pense aux sanitaires, au carrelage, voire aux portes et fenêtres – deviennent relativement coûteux. Cette évolution incite d’ailleurs certains particuliers ayant un projet immobilier d’une certaine envergure, à se déplacer personnellement en Chine pour s’équiper en sanitaires, portes et autres carreaux48. Le déplacement peut être d’autant plus avantageux que des Sénégalais installés notamment à Canton proposent une intermédiation commerciale désormais bien rôdée. Il y a, enfin, la dépendance du secteur des BTP par rapport à l’évolution politique du pays. Une dépendance liée aux politiques d’investissement et à la volonté de l’État d’honorer ses engagements. Cette volonté peut apparemment faire défaut, a fortiori lorsque l’on tombe en disgrâce auprès de l’équipe dirigeante49. La société Jean Lefebvre en a fait les frais lorsque son patron, le Sénégalais Bara Tall, a connu la prison, entraînant toute la société dans une débâcle qui se solda par la délocalisation de l’entreprise, laissant des centaines de journaliers sans travail. Indépendamment de ce cas qui a défrayé la chronique, un grand nombre de petites entreprises ayant effectué des travaux pour l’OCI connaissaient des déboires fort préjudiciables à la poursuite de leurs activités, à cause des retards de paiement de l’État.
57Compter sur les BTP pour qu’ils contribuent de manière soutenue et durable à la création d’emplois, reviendrait donc à un pari audacieux. Seulement 2 % de la main-d’œuvre sénégalaise travaillent dans ce secteur, une main-d’œuvre largement composée de jeunes déscolarisés. À en croire les données disponibles, le dynamisme des BTP semble largement appartenir au passé. Les grandes banques de la place s’en font une raison, en évitant désormais de financer les grands projets immobiliers. Les autorités, elles aussi, semblent être conscientes de la fragilité du secteur50.
Le tourisme pourrait faire mieux
58Le tourisme est, avec l’agro-alimentaire, la pêche, le textile, les produits culturels et artisanaux, les technologies de l’information et de la communication, l’un des domaines supposés contribuer à la « croissance accélérée » de l’économie sénégalaise, conformément à la Stratégie élaborée en ce sens51. Il mérite attention à plus d’un titre.
59Le pays dispose d’atouts incontestables en matière touristique : 500 km de plages, un climat propice aux activités balnéaires pendant une bonne partie de l’année, un patrimoine culturel lié au rôle joué par le Soudan français au sein de l’AOF, des parcs naturels, une faune particulièrement riche, une situation politique relativement stable, la proximité spatiale – cinq heures de vol depuis Paris – et le faible décalage horaire par rapport à la clientèle européenne, etc. D’où les déclinaisons multiples du tourisme au Sénégal : le tourisme balnéaire est le produit phare dont bénéficient surtout la Petite Côte (Saly Portudal, La Somone, etc.), le Sine Saloum et la Casamance ; le tourisme d’affaires et de congrès concerne essentiellement la capitale ; le tourisme culturel et de découverte joue un rôle non négligeable grâce à des manifestations culturelles comme le Festival de jazz de Saint-Louis, la SIMOD (Semaine internationale de la mode de Dakar), la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’art), le Carnaval de Dakar, le Fesman (Festival mondial des arts nègres), le Salon du tourisme TICAA, etc.
60De façon récurrente, les décideurs mettent en avant les performances du tourisme sénégalais et insistent sur ses perspectives quasiment miraculeuses. Il semblerait, tout d’abord, que le secteur corresponde à 100 000 emplois dont un quart d’emplois indirects52. D’après les données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, l’on pouvait compter, en 2007, 31 000 lits dans 815 structures d’accueil53. Une offre hétérogène s’il en est, allant d’hôtels cinq étoiles aux campements équipés de manière rudimentaire, en passant par le logement chez l’habitant et des appartements meublés54. L’activité est, ensuite, présentée comme l’un des premiers pourvoyeurs de devises, après les produits halieutiques (Sénégal, 2012a)55. Combien sont-ils effectivement, ces touristes qui optent pour la « destination Sénégal » ? L’estimation semble poser problème. Des indications sont fournies par l’aéroport Léopold Sédar Senghor ; elles sont d’autant plus utiles qu’elles sont actualisées régulièrement. Il s’agit de compter l’arrivée, par voie aérienne, des « non-résidents », excluant par là les touristes arrivant par voie routière. En 2012, ils auraient été 444 000, soit presque deux fois et demie plus que trois décennies plus tôt. Quelques nuances s’imposent cependant. La moitié de ces touristes viennent au Sénégal pour les loisirs. Un touriste sur trois est accueilli par des amis ou la famille56, ce qui, bien entendu, entraîne un apport de devises moindre que s’ils étaient tous logés dans des structures hôtelières. Depuis 2010, le tourisme évolue sous de mauvais auspices, car le nombre des touristes diminue, de 10 % entre 2010 et 2012, davantage depuis, d’après les estimations officieuses.
61Toutes ces données ne font cependant pas l’unanimité, loin s’en faut. Ainsi, la contribution du tourisme à l’entrée en devises s’appuie sur des extrapolations hasardeuses57. De même, l’évaluation des emplois générés semble contestable, car il s’agit, d’une part, d’emplois de nature largement saisonnière, la saison touristique au sens étroit allant de novembre/décembre à mars. D’autre part, l’on ne peut estimer que très approximativement le nombre d’emplois induits par le tourisme, dans l’artisanat et d’autres activités situées en amont et en aval. Une chose est certaine : les objectifs annoncés, en 2005, pour la « grappe tourisme » – la création de 40 000 emplois et de 10 000 lits supplémentaires à l’horizon 2010, le nombre de 1,5 million de touristes en 2010, de deux millions en 2015 – étaient tout simplement irréalistes58.
62Les difficultés auxquelles se heurte le tourisme sont multiples. La première est liée au caractère saisonnier de l’activité balnéaire et au faible taux de remplissage des hôtels, entre 35 et 40 %, ce qui handicape lourdement la rentabilité des infrastructures. Un autre point problématique concerne le coût élevé des séjours touristiques au Sénégal et un rapport qualité-prix des prestations peu avantageux, notamment en comparaison avec le Maroc ou la Tunisie, destinations plus proches de la clientèle européenne. Le tourisme sénégalais pâtit aussi de l’abandon du rallye Dakar qui, depuis 2009, est organisé en Amérique latine. Et même si une solution de rechange, Africa Race, a pu être trouvée, cette manifestation ne bénéficie pas de la même couverture médiatique que le Dakar, d’où son impact limité.
63D’autres handicaps s’y ajoutent, comme les aléas du transport, qu’il soit aérien, terrestre ou maritime. Les billets d’avion à destination du Sénégal coûtent d’autant plus cher, qu’ils sont grevés de taxes d’aéroport élevées, environ 90 € par passager en 2011. Par ailleurs, l’introduction, en 2013, d’un visa obligatoire pour les ressortissants français, n’a fait que renchérir le coût des voyages touristiques, même si cette mesure, destinée au financement du nouvel aéroport international de Diass, fut supprimée en mai 2015, car jugée trop pénalisante pour le secteur. Plus encore, le transport aérien a été fortement perturbé par la faillite d’Air Sénégal international, et il l’est toujours par les pannes récurrentes des appareils de Sénégal Airlines, compagnie créée en 2011, ainsi que par le manque de coordination avec les petits opérateurs comme Sénégalair et Sahel Aviation Service. Pour ce qui est du réseau routier, son faible développement représente un frein aux déplacements à l’intérieur du pays et rallonge considérablement les trajets. Indépendamment des temps de transport, les conditions de sécurité laissent à désirer, que ce soit sur les routes ou en mer, comme l’a rappelé le naufrage du Diola, bateau qui reliait Dakar à Ziguinchor en Casamance ; on y reviendra.
64Par ailleurs, certains événements survenus au Sénégal même ou dans la sous-région créent un climat d’insécurité. En 2012, les élections présidentielles ont été précédées de troubles dont la presse étrangère s’est fait largement l’écho. De même, la situation politique est toujours préoccupante en Casamance, théâtre d’affrontements entre indépendantistes et forces militaires nationales. Mais il y a eu aussi la guerre au Mali ainsi que des enlèvements d’étrangers dans la zone sahélo-soudanienne qui crée un sentiment d’insécurité auprès de la clientèle potentielle qui préfère se replier sur des destinations supposées plus sûres.
65Un autre facteur qui mériterait d’être pris au sérieux concerne la dégradation du littoral. Un rapport de la Banque mondiale résume ainsi :
« La destruction des plages […] est devenue une cause majeure du déclin de l’industrie du tourisme. Le processus a commencé au début des années 1980, mais le problème n’a pas vraiment été pris au sérieux. En particulier, les principales causes du problème susmentionné sont l’accroissement des constructions, l’emprise humaine sur le littoral et l’élévation du niveau des mers qui ont entraîné l’érosion côtière […]. 25 % du littoral sénégalais sont à haut risque d’érosion côtière ; ce risque devrait s’élever à 75 % d’ici 2080 si les niveaux des mers continuent à monter. » (Banque mondiale, 2014, p. 34-35.)
66Une dernière difficulté qui mérite d’être signalée concerne les incertitudes relatives au foncier, incertitudes qui sont rédhibitoires pour les investisseurs potentiels. En effet, tout comme pour d’autres activités, l’accès au foncier représente un problème épineux. En absence d’un plan d’occupation des sols opérationnel, des terrains situés en bord de mer ont été accaparés de manière anarchique par une nouvelle bourgeoisie politique ayant su profiter du « sopi » de 200059. De ce fait, l’aménagement de nouveaux sites touristiques est devenu un défi que peu d’investisseurs sont prêts à relever.
67Ces différents points renvoient à une question plus générale qui dépasse les discours convenus sur la teranga, l’hospitalité sénégalaise. Des progrès indiscutables ont été réalisés pour rendre la « destination Sénégal » plus attractive. Des aménagements faits en bordure de mer à Dakar cherchent leur égal en Afrique subsaharienne. De même, des hôtels de grand standing ont récemment ouvert leurs portes dans la capitale, avec une capacité de 400 à 500 chambres chacun60. Plus encore, les embouteillages, pendant longtemps handicap de taille à Dakar et rédhibitoire non seulement pour les touristes, mais aussi pour les investisseurs potentiels, sont moins pénalisants que par le passé. Il est vrai que, du côté des décideurs, une plus grande détermination en faveur du tourisme semble se dessiner. L’on en veut pour preuve la création de la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal (Sapco), la mise en place d’un grand projet de promotion touristique couvrant dix pays de la sous-région, la réduction de la TVA de 18 à 10 % pour les hôtels et la restauration et, enfin, l’organisation, à Dakar, des salons du tourisme TICAA (tourisme, industries culturelles et artisanat d’art).
68L’attitude des décideurs est cependant ambiguë. Sans disposer de données fiables, nous l’avons dit, ils misent sur le tourisme comme « grappe » susceptible de donner lieu à une croissance accélérée. Ils réduisent la TVA pour les établissements hôteliers, tout en arguant que « l’État n’a pas pour vocation la promotion du tourisme61 ». Plus encore, un certain dilettantisme dans l’organisation de grandes manifestations ne peut être récusé, dilettantisme dont l’organisation de la Conférence islamique (2008) et le Fesman (2010) ont fourni des exemples patents62. Ce sont surtout une approche volontariste et une vision à long terme qui semblent faire défaut, un constat qui rejoint les observations relatives à d’autres secteurs économiques. Comment expliquer autrement que, dans les zones à fortes potentialités touristiques, les spéculations foncières sont si nombreuses et qu’elles restent, sauf illustres exceptions63, impunies ? Que le Sénégal dépense vingt fois moins pour la promotion du tourisme que le Maroc ? Que l’Office du tourisme à Paris, rattaché à l’ambassade, semble manquer de dynamisme ? Autant de questions qui mériteraient des réponses, tant le secteur paraît fragile64.
Les mirages des nouvelles technologies
69Tout comme le tourisme, les nouvelles technologies font partie des secteurs prioritaires de la Stratégie de la croissance accélérée. Pari réussi à en croire la croissance élevée et quasiment ininterrompue du secteur des postes et télécommunications, à savoir, depuis 2005, une moyenne annuelle de 10 %65. Cette évolution est tout d’abord due à la bonne qualité des infrastructures. En effet, l’accès à internet est à la hauteur des standings internationaux : le Sénégal bénéficie d’un raccordement à un réseau international de fibres optiques sous-marines, avec une bande passante de 23,2 Gbps en février 201666. L’opérateur historique, le groupe Sonatel-Orange – il comprend aussi les filiales implantées au Mali, en Guinée et Bissao –, représente la plus forte capitalisation boursière du marché sous-régional et a réalisé, en 2014, un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros, en hausse de 11 % par rapport à l’année précédente. Titulaire d’une licence de télécommunications globale, Sonatel (Société nationale des télécommunications) est le principal fournisseur d’accès à internet. Seule à proposer l’accès à la téléphonie fixe, la société joue aussi un rôle prépondérant dans le marché de la téléphonie mobile, marché qu’elle se partage avec deux autres opérateurs, Tigo (Millicom International Cellular) et Expresso.
70Beaucoup d’espoirs ont été placés dans les nouvelles technologies depuis l’ouverture de Metissacana, le premier cybercafé du pays, en 1996, et l’arrivée du téléphone portable trois ans plus tard. La croissance a, effectivement, dépassé toutes les espérances des opérateurs. En revanche, pour ce qui est de l’emploi, les résultats sont plus contrastés. Si les activités liées aux technologies de la communication contribuent désormais au PIB à raison de près de 7 %, elles sont peu créatrices d’emplois. En dépit de l’augmentation des résultats, le niveau des effectifs de la Sonatel est à la baisse, avec 1 750 agents en 2014 contre 1 955 en 200567.
71Il existe, par ailleurs, une dizaine de centres d’appel. Le premier, PCCI, créé en 2001, a souvent été présenté comme une success story à la sénégalaise susceptible de faire ombrage à des centres d’appel basés en France. On a attribué à cette entreprise des potentialités considérables en matière d’emplois, mais leur nombre semble stagner à 1 400, c’est-à-dire loin de l’objectif des 3 000 postes annoncé en 200668. Même si le Sénégal possède de nombreux atouts quant aux centres d’appel – allant du faible décalage horaire par rapport à la France à la disponibilité d’une main-d’œuvre relativement bien formée –, la concurrence est rude, et d’autres pays francophones comme le Maroc et la Tunisie pratiquent une politique commerciale agressive pour s’approprier des parts du marché en France.
72Certaines entreprises, utilisant la connexion à internet en tant que sous-traitants d’entreprises étrangères – l’on pense, par exemple, à telle société spécialisée dans la numérisation –, ont connu un parcours semé d’embûches du fait des difficultés d’approvisionnement en électricité. Nous y reviendrons.
73Des potentialités considérables quant à la création d’emploi se situent, a priori, aussi au niveau des petites unités fournissant des services liés aux nouvelles technologies, les télécentres et les cybercafés. Que ce soit dans les centres-villes et les quartiers résidentiels, tout comme dans les zones rurales plus ou moins reculées, ils occupent souvent un espace désaffecté de l’habitation, voire un garage. Recourant généralement à une main-d’œuvre familiale, ils sont gérés à l’instar d’autres activités de type informel. Inutile de dire qu’ils remplissent aussi un véritable rôle social, du fait de leur proximité avec les utilisateurs. Les télécentres ont connu une évolution impressionnante ; leur nombre atteignit plus de 24 000 en 2005, pour chuter à 4 250 trois ans plus tard (Sagna, 2009, p. 36). Si l’on compte, en moyenne, deux personnes actives par télécentre, l’on mesure l’ampleur du préjudice subi. L’évolution des cybercafés est similaire. Après une progression fulgurante jusqu’au milieu des années 2000, ils se heurtent, eux aussi, à un déclin quasiment programmé, compte tenu du succès que rencontre l’accès individualisé à internet grâce aux clés internet – branchés sur les ordinateurs portables – et aux technologies des G2 et G3 dont sont équipés 95 % des téléphones mobiles. En février 2016, on comptait un parc de téléphones portables de près de 15 millions, soit un taux de pénétration de 111 %69. Alors que le nombre d’abonnements à internet via les réseaux fixes (bas débit et ADSL) régresse – 119 000 en février 2016, contre 137 000 abonnements encore en septembre 201370 – l’internet mobile, lui, connaît une progression fulgurante qui fait que la moitié des Sénégalais ont désormais accès à internet71. La démocratisation du téléphone mobile a aussi été stimulée par l’offre de nouveaux services de téléphonie ; l’on pense surtout au mobile banking qui, lui aussi, connaît des avancées remarquables.
74Si les évolutions technologiques ont été déterminantes pour le déclin des télécentres, ces derniers pâtissaient et pâtissent toujours des rapports inégaux qui les opposent à la Sonatel, leur fournisseur exclusif. Loin d’accompagner les télécentres dans leur reconversion en leur laissant le monopole pour la vente des cartes téléphoniques prépayées, la Sonatel recruterait directement – « par l’intermédiaire de quelques agents de marketing sous le couvert de l’anonymat72 » – les vendeurs à la sauvette qui proposent les rouleaux de cartes sur la voie publique.
75Un dernier élément permet de compléter ce tableau des reconfigurations de l’emploi dans le secteur des nouvelles technologies. La perte d’emplois des petits prestataires de service a été compensée, ne serait-ce que partiellement, par l’émergence d’autres prestations liées à la technologie de la téléphonie mobile. Ils concernent la vente, la réparation et le décodage des téléphones portables. Et comme fréquemment chez les « informels », ce sont les rabatteurs, les rangouman qui, rémunérés à la commission, ramènent la clientèle vers des boutiques souvent difficilement repérables, comme celles situées près du port autonome de Dakar, au marché Sandaga et dans un lieu appelé « Paquou lambaye73 ». Bien entendu, ces emplois créés en aval échappent largement aux statistiques.
76En dépit d’une progression remarquable des activités générées par les nouvelles technologies, un constat s’impose, le même d’ailleurs que celui qui vaut aussi pour le tourisme : ce qui semble manquer, ce sont des signaux forts de l’État, une politique volontariste en faveur d’un secteur qui devrait et pourrait jouer un rôle central dans une économie qui se modernise. Alors, la solution résiderait-elle dans un projet particulièrement ambitieux annoncé, fin 2014, par Yaya Abdoul Kane, le ministre des Postes et Télécommunications ? Projet consistant à créer – sur une surface de 25 hectares, pour commencer… – un site d’innovation technologique inégalé sur le continent et qui bénéficierait d’un financement de 60 milliards de FCFA, soit 91 millions d’euros74 ? À moins que ce blogueur ait raison lorsqu’il conclut, sur une note pessimiste :
« Si le tourisme et la pêche sont des secteurs en grande difficulté, on peut compter sur les TIC pour rehausser l’économie sénégalaise. Plusieurs autres pays d’Afrique de l’Ouest emboîtent timidement le pas au Sénégal pour une orientation économique axée sur le numérique. Espérons que les fleurs tiennent la promesse des fruits. La plupart du temps l’annonce de milliards en Afrique fait ressortir le pickpocket en chacun de nous75… »
L’intermédiation commerciale : du bana-bana au directeur de holding ?
77La mesure de l’emploi dans le commerce représente un défi particulièrement grand pour les statisticiens du travail : les activités commerciales ne se pratiquent pas toujours au grand jour ; elles sont, par ailleurs, soumises à une grande instabilité spatio-temporelle ; elles sont, enfin, d’autant plus difficiles à saisir qu’elles s’articulent souvent à d’autres activités, salariées ou non. Mais l’on sait aussi que s’il y a un domaine où la création d’emploi semble être une réalité patente, c’est bien celui de l’intermédiation commerciale. En effet, entre 1980 et 2004, le nombre des emplois dans le commerce – exprimés en équivalent temps plein – a augmenté trois fois et demie plus vite que l’ensemble des emplois76. Cet essor est cependant essentiellement dû aux emplois de type informel, qui n’ont souvent d’emploi que le nom. L’on peut estimer que, désormais, seul un emploi commercial sur cent est de type formel.
Un milieu hétéroclite aux traditions bien enracinées
78L’intermédiation commerciale – elle contribue à raison de 16 % à la production nationale (Sénégal, 2015a, p. 335), une contribution qui est quasiment constante depuis le début des années 2000 – se caractérise par une panoplie de situations particulièrement large, que ce soit en termes de volume des affaires, de main-d’œuvre, de méthodes de gestion ou de complémentarité avec d’autres activités économiques. Ils sont donc nombreux, ces Sénégalais qui sont « dans les affaires », un actif sur cinq, voire sur quatre. Les uns tenant boutique dans un quartier résidentiel ou au centre de Dakar, souvent quasiment 24 heures sur 24, les autres faisant du négoce de voitures d’occasion qui bénéficient de facilités d’entrée sur le territoire, pourvu qu’elles ne soient pas vieilles de plus de cinq ans. Quelques privilégiés, des agents de l’État par exemple qui ont réussi à aménager leur temps de travail, se rendent au Maroc pour s’y procurer des produits artisanaux. Il y a aussi ceux qui profitent d’un voyage à La Mecque pour rentrer avec des produits liés – ou non… – aux lieux saints. D’autres encore, bien plus visibles au quotidien, font le bana-bana, le commerçant ambulant, en proposant aux carrefours animés des babioles, mouchoirs Kleenex et autres cartes de téléphone, et rêvent d’accéder à une de ces figures mythiques qui nourrissent les success stories du commerce au Sénégal. Il y a, justement, aussi ces grands commerçants, ceux qui importent du riz, des articles d’art ménager ou du matériel hi-fi. Rares sont ceux parmi eux qui arrivent à dépasser le stade du négoce, à diversifier leurs activités pour se lancer dans la production industrielle, à accumuler en profitant des changements technologiques, sans pourtant oublier les gestes qu’il faut envers leurs proches, seul moyen pour tempérer les jalousies77… Le fait qu’ils n’aient pas toujours suivi une scolarité dans le système « moderne » n’est pas nécessairement un handicap, tant qu’ils bénéficient d’un capital relationnel mobilisable en cas de besoin et qu’ils savent s’entourer de cadres formés aux techniques d’une gestion « orthodoxe ». Leur parcours fait fantasmer tous ceux qui, déscolarisés avant l’heure, nourrissent l’espoir de faire fortune grâce aux marchandises venant d’Europe, certes, mais aussi et surtout des îles Canaries, de Turquie, des pays du Golfe et, bien sûr, de Chine.
79Sans aucun doute, c’est la multiplication des intermédiaires qui fait la force, mais aussi la faiblesse du commerce sénégalais. La force parce que les nombreux niveaux créent des emplois et distribuent des revenus, si modestes soient-ils, parce que les commerçants sont en mesure de s’adapter rapidement à de nouvelles situations et qu’ils contribuent à entretenir le réseau social. La faiblesse, car on est davantage à la recherche d’opportunités et de multiplication de petites unités que dans une logique d’accumulation. Et surtout, les nombreux intermédiaires font grimper les prix au consommateur.
80L’histoire du commerce au Sénégal est longue, d’autant plus longue que c’est par les côtes sénégalaises que le colonisateur pénétra la sous-région78, ce qui donnait au Sénégal une certaine avance par rapport à ses voisins. Une histoire teintée tantôt de connivence entre les grands négociants et les maisons de commerce, tantôt d’opposition et de résistance, une histoire ponctuée de péripéties souvent lourdes de conséquences : chute du prix de l’or et de la gomme arabique, deux produits qui avaient fait la spécialité des commerçants sénégalais ; installation des comptoirs des grandes maisons coloniales – bordelaises et marseillaises, qu’elles s’appellent Devès et Chaumet, Morel et Prom ou Peyrissac – jusqu’à l’intérieur du pays, conduisant à la liquidation de fait du commerce sénégalais ; arrivée des « petits blancs » et des Syro-Libanais qui allaient affecter les Sénégalais à des rôles subalternes ; crise des années 1930 avec la chute des exportations d’arachide ; étatisation des circuits arachidiers à l’indépendance et remise en question du statut de commerçant. Pendant toutes ces décennies, le commerce sénégalais était relégué aux confins du commerce colonial d’abord, des structures de l’État dirigiste ensuite. Les commerçants ont dû faire preuve d’une capacité d’adaptation remarquable. Leurs stratégies allaient de la reconversion dans l’agriculture, l’élevage ou le transport, au regroupement en coopératives – pour avoir voix au chapitre vis-à-vis de l’État et des grossistes libanais, interlocuteurs privilégiés de celui-là –, en passant par l’investissement dans la formation de leurs descendants, pour qu’au moins eux accèdent à un statut prestigieux, celui du fonctionnaire. Ces commerçants ont dû se contenter de marges faibles tout en développant leur savoir-faire dans la distribution, un savoir-faire qui sera utilement mis en valeur par la suite.
Commerce tous azimuts
81C’est à partir des années 1970, que le commerce sénégalais allait prendre un tournant sans précédent, tournant lié à la sécheresse et au mot d’ordre d’Abdoul Ahad M’Backé, le Khalif de la confrérie des Mourides qui incitait ses co-religionnaires à innover par le travail en s’investissant ailleurs que dans la culture de l’arachide. Cette consigne, ndigueul comme on dit en ouolof, allait amener les victimes de la sécheresse à migrer massivement vers les villes, avec comme résultat la supplantation progressive des commerçants français et libanais, surtout ceux spécialisés dans l’électro-ménager, la confection et l’alimentation. Par la suite, ces migrations internes vont se doubler de mouvements migratoires vers l’étranger, l’Europe, certes, mais aussi vers les États-Unis et, après l’an 2000, vers la Chine.
82La libéralisation de l’économie, dans le cadre des Programmes d’ajustement structurel, va être décisive pour le déploiement accéléré du commerce sénégalais. Alors que pendant la décennie 1980, la fonction publique incitait aux départs volontaires et que les capacités d’absorption des grandes entreprises de la place s’avéraient de plus en plus limitées, le discours, promu par les bailleurs et les décideurs nationaux et rapidement assimilé par les populations, valorise la prise d’initiative individuelle. Ainsi, même ceux qui disposent d’un diplôme – parfois de l’enseignement supérieur – vont jusqu’à pratiquer le commerce, fût-ce en étalant leurs marchandises à même le sol (Babou, 1997 ; Badji, 1997 ; Correa, 1996). Le commerce de gros n’est pas en reste. L’État octroie des licences d’importation de biens de consommation, afin de couvrir le déficit chronique en produits alimentaires.
83Une dernière page du commerce s’écrit depuis l’arrivée massive, dans les années 2003 et 2004, de commerçants chinois. Ils sont proportionnellement moins nombreux qu’au Mali voisin où « ils occupent des places de choix dans l’ensemble des secteurs économiques de la capitale » (Kernen et Vulliet, 2008, p. 10). Les Chinois de Dakar sont spécialisés dans le textile, les accessoires de mode et de coiffure (Bredeloup, 2008). En dépit de l’implantation relativement restreinte de ces Chinois, les commerçants sénégalais vitupèrent contre leur présence, tout en s’approvisionnant auprès d’eux. Et si l’installation des boutiques chinoises, dans des quartiers d’habitation plutôt « haut de gamme » – on pense au quartier de Gilbraltar –, n’est pas sans créer des tensions avec la population résidente, la présence chinoise à Dakar engendre aussi des opportunités par des mises en location d’un garage, voire d’une villa et par des transactions immobilières. Elle donne aussi lieu à des créations d’emploi, permettant aux jeunes Sénégalais de se familiariser avec les pratiques commerciales. Tout compte fait, l’idée selon laquelle les immigrés chinois joueraient un rôle néfaste pour le commerce sénégalais et certaines industries, comme le textile, mérite d’être nuancée. En effet, la concurrence des produits chinois sur le marché sénégalais est moins due à la présence de ces nouveaux immigrés, elle est tout d’abord imputable à l’importation de produits chinois par les Sénégalais eux-mêmes. Dans cette entreprise, ils sont appuyés par leurs compatriotes expatriés dans l’Empire du soleil levant (ibid., p. 359)… Autant d’éléments qui contribuent aux bouleversements des pratiques, à la démocratisation de la consommation, à la recomposition du milieu commerçant.
84Si les commerçants représentent une communauté particulièrement influente au Sénégal, c’est notamment grâce à l’Unacois (Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal), leur puissant syndicat. Celui-ci disposait même de ses propres institutions de microfinance – le Réseau des mutuelles d’épargne et de crédit de l’Unacois (REMECU), l’un des réseaux les plus étendus du pays, fermé depuis79. Comptant 100 000 membres – dont 10 000 en dehors du territoire national – l’Unacois représente un interlocuteur avec lequel les décideurs doivent composer lorsqu’il s’agit de contenir le courroux des populations, régulièrement excédées par les hausses de prix.
85Plusieurs structures sont au service du commerce, avec un appui en technologies de la communication tout à fait remarquable. Ainsi, le TradePoint – affilié à la Fédération mondiale des pôles commerciaux, une émanation de la Cnuced – est un facilitateur des relations commerciales. Il favorise le commerce électronique, sert d’incubateur d’entreprises, fournit des services informatiques tels que la création de sites, l’hébergement de messageries, des listes de diffusion. Plus encore, il dispose de sa propre station de radio, Trade FM. Le TradePoint cible cependant essentiellement le haut de gamme du commerce, tant le coût d’accès aux différents services proposés est élevé.
86Compte tenu du déficit structurel de la balance commerciale, les autorités vouent une attention particulière aux commerçants exportateurs. D’où la mise en place de l’Agence sénégalaise de promotion des exportations, un facilitateur dont les activités s’inscrivent dans la stratégie de la croissance accélérée. Préoccupation centrale de l’ASEPEX : promouvoir le label « Origine Sénégal80 ». Alors que le commerce avec les autres pays de la sous-région bénéficie d’un tarif extérieur commun, beaucoup d’espoirs sont aussi placés dans l’AGOA, l’African Growth and Opportunity Act. Il s’agit d’un train de mesures décrété par Washington qui vise la promotion des exportations à destination des États-Unis, en aménageant aux produits africains des conditions d’accès supposées avantageuses. Pour le Sénégal, les résultats sont cependant modestes, car les produits concernés par l’AGOA ne correspondent qu’à une partie limitée des exportations sénégalaises vers les États-Unis, à savoir 14 % seulement entre 2011 et 2013, soit une moyenne annuelle de 5,6 millions de USD81. Les handicaps pour les produits sénégalais sont nombreux : volume de production insuffisant pour le pagne tissé, normes sanitaires difficiles à respecter quant aux produits agro-alimentaires pour ne citer que les plus flagrants. Dans l’ensemble, on ne peut s’empêcher de penser que l’ambition de l’AGOA est tout autre que celle de faciliter les exportations d’un petit pays comme le Sénégal. Il semblerait plutôt qu’il vise avant tout à assurer l’approvisionnement des États-Unis en hydrocarbures. En effet, la très grande majorité des exportations sub-sahariennes effectuées dans le cadre de l’AGOA concerne le pétrole nigérian et angolais. Autrement dit, ce n’est certainement pas l’AGOA qui promouvra le commerce sénégalais.
87Les autres peuples d’Afrique subsaharienne assimilent souvent les Sénégalais à des commerçants, tant le savoir-faire du négoce s’inscrit dans les pratiques quotidiennes, et ceci depuis très longtemps. Or, tout comme d’autres activités économiques, le commerce pâtit de la crise qui sévit depuis 2008, ceci est flagrant. Il a aussi dû s’adapter à la nouvelle donne liée à la précarisation de certaines couches de la population désireuses d’accéder à la consommation de masse, désir qui stimule les importations chinoises. En effet, l’arrivée massive de produits « Made in China » a bouleversé le paysage commercial, tout comme l’a fait le changement des habitudes de consommation, consécutif à l’urbanisation croissante. En même temps, le commerce continue à être un secteur de refuge par excellence, du fait d’une certaine facilité d’accès, ne serait-ce que grâce aux crédits fournisseurs. L’afflux vers cette activité – afflux perceptible de visu – ne semble pas se tarir tant que d’autres opportunités d’emploi se font rares, bien au contraire. Mais on peut craindre que, la concurrence aidant, les marges bénéficiaires se réduisent progressivement. Il serait ainsi illusoire de croire que le commerce puisse massivement engendrer des revenus décents. Sauf exception, il ne s’agit que de « miettes » d’emploi plutôt que d’un tremplin vers la fortune.
Conclusion
88Les problèmes auxquels se heurtent les différents secteurs économiques passés en revue sont comparables à ceux que vivent les autres pays d’Afrique subsaharienne, exception faite de l’Afrique du Sud (Hugon, 2013). Des problèmes qui interdisent des créations notables d’emplois dignes de ce nom. Alors que l’agriculture prédomine en termes d’actifs occupés, les créations d’emploi se limitent à l’horticulture. Des situations de pseudo-salariat ont fait leur apparition, mais à notre connaissance, le phénomène n’a pas encore donné lieu à des investigations académiques. La transformation des produits agricoles est réduite à sa plus simple expression et les effets multiplicateurs sur le reste de l’économie sont faibles. Ceci vaut également pour la pêche, victime d’un équilibre écologique qui se dégrade d’autant plus vite que, depuis peu, des chalutiers étrangers exploitent la ressource en vue de la transformer, au Sénégal même, en farine de poisson destinée à la pisciculture en Asie. En revanche, il n’existe quasiment plus de conserveries de poisson au sens traditionnel. Quant à l’industrie, sa base est faible et elle doit, de plus, affronter la concurrence des pays industriels et « émergents » comme l’Inde ou la Chine ; la situation du secteur du textile est tout à fait symptomatique à cet égard. Compte tenu d’un environnement instable, risqué et incertain, ce qui semble compter avant tout aux yeux des opérateurs économiques, toutes catégories confondues, c’est le retour rapide sur investissement. Cette condition est remplie par le commerce, qu’il soit pratiqué au micro-détail – où le crédit fournisseur est une source de financement de choix – ou au niveau import-export, pour les céréales ou les tissus, par exemple – où les grandes banques de la place se posent en partenaires privilégiés. Les BTP continuent à prospérer, grâce au pouvoir d’achat croissant des classes moyennes et leur souci d’investir dans l’immobilier, d’une part, et grâce aux travaux d’infrastructure initiés par l’État, d’autre part. Des domaines comme les nouvelles technologies et le tourisme ne sont pas en mesure de tirer suffisamment profit d’atouts aussi indiscutables qu’une infrastructure moderne et une main-d’œuvre jeune pour le premier, qu’un environnement naturel et des conditions climatiques favorables pour le second. Cette situation semble largement imputable à l’absence d’une politique volontariste et d’une vision à long terme des décideurs. Autant d’éléments qui seront approfondis dans le prochain chapitre.
Notes de bas de page
1 Source : Sénégal, 2014a, p. 347. La confusion entre secteur primaire et agriculture semble très répandue. Ainsi, on peut lire dans un texte aussi officiel que le Document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté que l’agriculture occuperait 60 % des actifs du pays. Voir Sénégal, 2006b, p. 30.
2 Dans les paragraphes qui suivent, nous nous appuyons essentiellement sur Touré, 2002 ; Sene, 2006; Oya, 2001, 2006 et 2007, ainsi que sur l’étude exhaustive de Faye et al., 2007, qui renvoie aux deux enquêtes agricoles réalisées au Sénégal depuis l’indépendance, celle de 1960 (exploitée in Diarassouba C. V., L’évolution des structures agricoles du Sénégal : déstructuration et restructuration de l’économie rurale, Paris, Université de Paris, Faculté de droit et de sciences économiques, 1965) et celle de 1998 (Ministère de l’agriculture et de l’élevage, Recensement national de l’agriculture, Dakar, 1998). Les données récentes proviennent des différentes éditions de Situation économique et sociale, [www.ansd.sn].
3 L’agriculture vivrière crée 74 % de la valeur du sous-secteur, l’agriculture industrielle et d’exportation 26 %. Source : Sénégal, 2011f, p. 46.
4 Depuis les années 1970, elle enregistre, au niveau mondial, une accélération supérieure à celle des autres branches des productions primaires, ce qui amène la Banque mondiale à parler d’une véritable révolution provoquée par l’horticulture. Voir World Bank, 2013, p. 58.
5 Ces moyennes se basent sur les données des différentes éditions de Situation économique et sociale, [www.ansd.sn].
6 Il semblerait qu’il n’existe pas de données plus précises sur l’équipement des unités de production.
7 On verra utilement Sabourin, 2013, qui s’appuie, entre autres, sur Sabourin E., Organisations et sociétés paysannes. Une lecture par la réciprocité, Versailles, Éditions Quae, 2012.
8 En 2006, 20 000 tonnes de volailles ont été produites dans un cadre villageois. Source : Ubifrance et Missions économiques, 2008e, p. 2.
9 Voir « Développement de l’agribusiness au Sénégal : un projet de 43 milliards de FCFA lancé à Saint-Louis », Le Soleil, 7 janvier 2015 et « Validation de la démarche foncière du Projet de développement inclusif et durable de l’agrobusiness au Sénégal », hubrural.org, [http://www.hubrural.org/Validation-de-la-demarche-fonciere.html?lang=fr&id=28], accès avril 2016.
10 D’après le bilan céréalier prévisionnel 2011-2012, les céréales disponibles correspondent à 38 % des besoins, et ceci en dépit d’une récolte précédente particulièrement bonne. Voir Sénégal, 2013c, p. 300.
11 En 2004, l’élevage et la chasse occupaient 18 % des actifs, soit moins qu’en 1990 (20 %) et en 1980 (21 %). Source : Banque mondiale, 2007, Annexes, p. 26.
12 L’une des rares données disponibles remonte à 2005. À l’époque, il y aurait eu 2 250 pirogues de fleuve, sur un total de 9 000 embarcations de la pêche artisanale. Source : Missions économiques, 2006b, p. 1.
13 Sources : Senegal Fisheries Sector, 2008 [http://firms.fao.org/firms/fishery/472/en#Sources] et Senegal Artisanal Fisheries Sub-sector, 2008 [http://firms.fao.org/firms/fishery/473/en], accès avril 2016. Les informations relatives à l’activité halieutique proviennent essentiellement de Banque mondiale, 2002a ; Missions économiques, 2006b ; Sénégal, 2008a, 2008h et 2015a.
14 Voir Sénégal, 2008a, 2008b, 2008h et 2014a. Personnellement, j’ai de forts doutes quant au caractère réaliste de ce chiffre qui me paraît surévalué.
15 400 pirogues sont désormais officiellement enregistrées pour la pêche continentale. Source : Sénégal, 2015a, p. 202. Voir aussi note 12 dans ce chapitre.
16 L’expression « émeutes de la faim » risque cependant d’induire en erreur. Le mécontentement des populations – à commencer par les commerçants ambulants, souvent originaires des banlieues de Pikine et Guediawaye – eut des sources multiples : la flambée des prix des denrées alimentaires et du gaz, les incessantes coupures opérées par la Sénélec (Société nationale d’électricité), le changement des grilles tarifaires de l’électricité, jugé abusif par les consommateurs. Plus généralement, les manifestants fustigèrent la faiblesse des perspectives d’emploi et le délaissement de l’agriculture sénégalaise. Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, des imams non affiliés à des confréries, se sont joints aux populations pour protester contre les politiques publiques menées par l’équipe d’Abdoulaye Wade. Voir notamment Antil, 2010 ; Boutsen et Aertsen, 2013, p. 11, ainsi que « Les jeunes manifestent leur ras-le-bol. Marche du Front Siggil Sénégal », Sud Quotidien, 17 novembre 2008 ; « Une marée humaine assoiffée de révolte. Marche des populations de Guédiawaye contre la vie chère », Sud Quotidien, 8 décembre 2008.
17 Les différentes espèces de poissons et crustacées vivent dans des milieux spécifiques, d’où la distinction entre ressources pélagiques et démersales. Quant aux premières, elles vivent dans les eaux proches de la surface ou entre la surface et le fond. On distingue, d’une part, les ressources pélagiques hauturières telles les thons, largement destinés à l’exportation, et, d’autre part, les ressources pélagiques côtières comme les sardinelles et les chinchards qui représentent la part la plus importante de la consommation des populations sénégalaises. Les espèces démersales, elles, vivent au-dessus du fond, elles sont très mobiles mais dépendantes du fond d’où elles tirent leur nourriture. Parmi elles, il y a, d’une part, les ressources démersales côtières, à la valeur marchande élevée comme les crustacés (crevette côtière, langouste, crabe) et des espèces nobles comme la sole, le rouget, le capitaine, la dorade et le mérou blanc (thiof). D’autre part, il y a les ressources démersales profondes comme les crevettes et le merlu. Une bonne gestion des ressources implique la prise en compte de tous ces paramètres. Sources : site d’Ifremer, [http://wwz.ifremer.fr/peche/], et Sénégal, 2008b, p. 9-10.
18 L’unité d’effort peut être la sortie de pêche, l’embarcation, l’heure de pêche, etc. Dans notre source – Thiao et al., 2012, p. 307 – il s’agit de la sortie de pêche.
19 Sources : « Filière volaille : 7 ans pour être compétitive », Walfadjri, 11 juillet 2013 ; « Filière avicole : La levée de l’interdiction d’importer du poulet n’est pas à l’ordre du jour », L’aviculture au Sénégal, 14 juin 2012, [http://avicole-senegal.blogspot.fr/], accès avril 2016.
20 Sources : Duteurtre et al., 2005 ; Duteurtre, 2006 ; Missions économiques, 2005 ; Ubifrance et Missions économiques, 2008e ; « Lutte contre la grippe aviaire. Le Sénégal met en place le plan Papluga », Sud Quotidien, 9 juin 2008.
21 Les variations inter-annuelles sont considérables : en 2007-2008, la récolte fut inférieure à 200 000 tonnes, mais près de 380 000 tonnes l’année suivante. En 2007, les importations de riz ont, pour la première fois, dépassé le million de tonnes – voir Ubifrance et Missions économiques, 2008b, p. 1 – pour s’élever à 805 000 tonnes en 2011 – Sénégal, 2013c, p. 333. Les importateurs éprouvent généralement des difficultés à anticiper la récolte locale, ce qui n’est pas seulement lié à l’imprévisibilité des conditions pluviométriques, mais aussi aux fluctuations considérables des surfaces emblavées par les riziculteurs.
22 Parmi les entreprises agro-alimentaires, on peut mentionner la Compagnie sucrière du Sénégal (production à partir de ses propres plantations de canne à sucre, projet de production de bio-carburants), les Grands Moulins (minoterie), la SOCAS (première unité subsaharienne de fabrication de concentré de tomates faisant vivre 5 000 familles dans la région de Saint-Louis), Nestlé (cubes Maggi), Jumbo (pâtes alimentaires).
23 Les entreprises enquêtées dans le cadre de l’étude sur le climat d’investissement au Sénégal, auraient perdu, entre 1995 et 2003, un emploi permanent sur quatre. Voir Banque mondiale, 2005a, p. 90.
24 Voir « Fermeture annoncée de l’usine Colgate Sénégal », Le Soleil, 1er décembre 2007, [http://www.xibar.net/FERMETURE-ANNONCEE-DE-L-USINE-COLGATE-SENEGAL_a5525.html], accès avril 2016.
25 Sources pour les paragraphes suivants : Berg, 1990 ; Daffé, 2002 ; Duruflé, 1994 ; B. Fall, 1997 ; Valette, 1990.
26 Une évolution qui est décryptée, pour le secteur textile, par Boone, 1992.
27 En 1965 encore, l’arachide et ses produits dérivés représentaient 87 % des exportations du pays – voir Touré, 2002, p. 192 –, un taux qui devait tomber à 52 % en 1972 – voir Van Chi-Bonnardel, 1978, p. 61.
28 L’augmentation spectaculaire de la part des exportations de produits pétroliers en 2008 s’explique par une meilleure couverture des transactions sur les produits pétroliers, mais aussi par l’évolution des cours mondiaux, le prix de la tonne ayant connu une hausse de 30 % entre 2007 et 2008. Source : Sénégal, 2009c, p. 10. Quant aux années 2011 et 2012, les difficultés sont essentiellement dues aux problèmes de gestion de la raffinerie SAR, Société africaine de raffinage.
29 Il y a plusieurs années déjà, le secrétaire général du Syndicat autonome et démocratique des industries alimentaires a résumé la situation de la manière suivante : « Sur 85 entreprises recensées au Sénégal, il n’y en a actuellement que 35 qui fonctionnent bon an mal an. » Source : « Industries alimentaires. Les travailleurs de Condak veulent l’arbitrage du Président Wade », Le Journal de l’économie, no 417, 10 mai 2004.
30 L’Inde et la Chine transforment entre 90 et 100 % de leur production de coton et disposent d’une main-d’œuvre industrielle meilleur marché que la main-d’œuvre sénégalaise.
31 Cf. « De Dakar à Kinshasa. La fripe chiffonnée par les Asiatiques », Walfadjri, 4 janvier 2004 ; « Sotexka : pourquoi les machines ne tournent plus », Walfadjri, 24 juillet 2008. Voir aussi Missions économiques, 2007c.
32 6 milliards par rapport aux 11 milliards initialement réclamés par les partants. Sources : « Sénégal : commercialisation de l’arachide. Le CNCR réclame l’annulation de la privatisation de la Sonacos », Le Soleil, 30 décembre 2005 ; « Abdoulaye Diop, ministre d’État, ministre de l’Économie : “Je n’ai joué aucun rôle dans les chantiers de Thiès” », Nettali, 30 décembre 2005 ; OCDE, 2006, p. 504.
33 À titre d’exemple, l’État propose 165 FCFA/kg pour la campagne 2008-2009, alors que les producteurs évaluent leurs coûts à 215 FCFA/kg.
34 Source : « Sénégal : l’arachide, nouvel “or” du paysan grâce aux Chinois », Le Point, 21 mars 2013. Voir aussi : « Sénégal : les Chinois déferlent dans l’arachide », Jeune Afrique, 29 mars 2013 et « La Chine rouvre ses frontières à l’arachide du Sénégal », dakarflash.com, 5 septembre 2014.
35 « Prix aux producteurs d’arachide. La graine de la non-rentabilité », Sud Quotidien, 8 décembre 2008 ; « Arachide : la stratégie Sunéor », Jeuneafrique.com, 15 juillet 2007.
36 Source : « Qui a un plan pour sauver le sénégalais Suneor ? », Jeune Afrique, 23 décembre 2013.
37 Voir « Devenir numéro 3 mondial », Nouvel Horizon, no 321, 12 avril 2002 ; deux
dossiers réalisés par Walfadjri, sans date (2005
et 2006 ?) ; « Les ICS (Industries Chimiques du Sénégal). Retour sur
un pillage qui fera tomber des têtes », 24 heures chrono, 16 avril
2009, [http://www.xibar.net/DOSSIER-LES-ICS-Industries-Chimiques-du
-Senegal-Retour-sur-un-pillage-qui-fera-tomber-des-tetes_a15890.html],
accès avril 2016 ; « Nouvelle restructuration des Industries
chimiques du Sénégal », rfi, 16 septembre 2014. Voir
également le site des ICS, [http:/www.ics.sn], accès août 2015, site
non actualisé depuis des années.
38 Sources pour ce paragraphe : « Les ICS tanguent sous pavillon indien », Jeune Afrique, 26 mais 2009 ; « Malgré leurs difficultés : les ICS épongent 150 milliards de FCFA de dette entre 2008 et juin 2013 », Le Soleil, 7 novembre 2013 ; « Industries chimiques du Sénégal. La panne divise les cadres et les ouvriers », Sudonline.com, 9 novembre 2013 ; « Situation des ICS : Aly Nguouille Ndiaye donne ses assurances aux députés », leral.net, 8 décembre 2013.
39 Source : « Industries chimiques du Sénégal (Ics) : les promesses d’investissements qui cachent la décadence », Le Quotidien, 6 novembre 2013.
40 Pour cette dernière année, les indications viennent de « Sénégal. Des milliers de fonctionnaires fantômes », Syfia info, 1er septembre 2006. À partir de 1997, les statistiques nationales ne font plus la distinction entre privé et public. Voir Banque mondiale, 2007, Annexes, p. 26-28.
41 Source : « Le gouvernement compte suspendre les salaires de 2 378 agents », Walfadjri, 16 juillet 2013.
42 D’où aussi un afflux de plus en plus important vers l’université : de 395 étudiants sénégalais, toutes disciplines confondues, en 1959-1960, on est passé à 1 480 en 1967-1968. Source : Sénégal, 1968, p. 14. Ceci étant, ces données ne présagent en rien le nombre de diplômés, car le taux de réussite est faible (ibid.).
43 Ainsi, on peut lire : « Sur une population recensée de 700 agents de la fonction publique affectés dans le secteur para-public, 600 sont dans une position non prévue dans les statuts de la fonction publique. » Source : Ndaw, 1984, p. 25. Le même auteur regrette que « même lorsqu’on prend sa retraite, on [peut] plus facilement trouver du travail que le jeune diplômé d’enseignement supérieur » (ibid., p. 8).
44 L’ANOCI, mise en place pour encadrer la construction des infrastructures liées à la Conférence islamique et dissoute depuis, était dirigée par le fils du président de la République. Voir les paragraphes consacrés aux BTP. Sources relatives aux agences : Banque mondiale, 2006a ; Fall A. S. et al., 2006, « Grands travaux pour de l’ANOCI : Quand l’insécurité hante le quotidien des usagers », Le Quotidien, 22 février 2008 ; « Une législation pour mettre de l’ordre dans les agences », Le Quotidien, 23 février 2009.
45 Selon des sources généralement bien informées, le directeur d’une agence bénéficierait d’un salaire mensuel compris entre trois et sept millions FCFA (4 400 et 10 670 €).
46 L’on pense notamment au PCRPE et à l’ADEPME. Voir Sénégal, 2008e, p. 80-119 et 130-148 ; Banque mondiale, 2006a, p. 14.
47 La presse nationale relate régulièrement des effondrements d’immeubles en voie de construction. Pour les conditions de travail sur un chantier financé par la Chine, on lira avec intérêt « Des ouvriers dénoncent leurs difficiles conditions de travail. Chantier du Grand théâtre national », Sud Quotidien, 16 février 2009.
48 On peut prendre l’exemple d’un projet immobilier, type R + 2, c’est-à-dire comprenant trois niveaux, une surface totale d’environ 650 m2. Pour moins de 10 000 €, la propriétaire s’est équipée en sanitaires, carrelage, portes et fenêtres en Chine. Pour rentabiliser son déplacement, elle avait acquis des carreaux en surnombre, les vendant avec une plus-value consistante au moment où elle avait besoin d’un nouveau « ballon d’oxygène » pour continuer son propre chantier.
49 Sources : « Sénégal : Bara Tall va travailler hors de son pays pour “privation délibérée d’activité” », allAfrica.com, 7 juillet 2008, [http://fr.allafrica.com/stories/200807071778.html], accès avril 2016 ; « En tardant à éponger sa dette intérieure, l’État met les entreprises des BTP au bord de la faillite », Walfadjri, 8 juillet 2008 ; « Délocalisation de l’entreprise Jean Lefebvre. Des centaines de Pme et Pmi menacées de disparition », Walfadjri, 23 juillet 2008.
50 Ainsi, on peut lire : « En dépit du dynamisme noté au niveau des BTP, ce secteur gagnerait à être davantage assaini. L’initiative prise par la Direction des Travaux Publics du ministère de l’Équipement de mettre en place un système de suivi et de contrôle des prix pratiqués dans le secteur des travaux routiers doit être appuyée, afin d’aider les pouvoirs publics à mieux apprécier les coûts de ces travaux. » Voir Sénégal, 2008d, p. 197.
51 Voir le site du programme Stratégie de la croissance accélérée (SCA) : [http://www.sca.sn/]. Sources pour les paragraphes suivants : [http://www.senegalvision.com/] (erreur en 2017) qui reprend de nombreux articles de presse et [http://www.tourisme.gouv.sn/], le site du ministère du Tourisme et de l’Artisanat, accès avril 2016.
52 Source : Barry, 2008, p. 5. Si l’on prend le seul secteur « services d’hébergement et restauration », il comptait, en 2004, un total de 24 600 emplois en équivalent temps plein. Voir Banque mondiale, 2007, vol. 2, p. 26.
53 La fiabilité des données paraît limitée. Ainsi, entre 2004 et 2005, elles ont été ajustées pour passer de 22 000 lits (pour 415 réceptifs, selon la terminologie sénégalaise) à 31 000 (815 réceptifs). Source : Sénégal, 2009d.
54 Cette dernière formule, peu coûteuse, n’est d’ailleurs pas sans ternir l’image de marque de la « destination Sénégal », car c’est aussi à travers les appartements meublés que se développe le tourisme sexuel, notamment dans les stations balnéaires. On se souviendra, entre autres que, dans le cadre de l’émission « Ça me révolte », la chaîne française M6 a diffusé, en 2003, un film sur la pédophilie et la prostitution infantile, pratiques favorisées, justement, par l’existence d’appartements meublés disponibles sur la Petite Côte. Voir aussi Dehoorne et Diagne, 2008.
55 Les statisticiens comptabilisent, pour cela, la « production des services d’hébergement et de restauration », les branches « travail du cuir », « transport » et les « services auxiliaires de transport ».
56 Sources : Marché Tropicaux, 2001, p. 1740 ; Sénégal, 2015a, p. 225-232 et 316. Sur son site internet, l’APIX met en avant, depuis des années, les potentialités du tourisme sénégalais qui attirerait 700 000 touristes par an, un chiffre qui ne semble pas évoluer… [http://www.investinsenegal.com/Tourisme.html], dernier accès avril 2016.
57 « L’activité du tourisme est appréhendée à travers les dépenses effectuées par le touriste. Son évaluation économique est faite à partir d’une dépense moyenne journalière à laquelle sont appliqués la durée moyenne de séjour et le nombre de touristes recensés aux postes frontaliers. Cette méthodologie a été adoptée à partir de la balance des paiements de l’année 2007 par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour se conformer aux normes internationales adoptées par la Commission des Statistiques de l’Organisation des Nations unies en mars 2000, puis en février 2008 dans sa version modifiée. » Voir Sénégal, 2011a, p. 258.
58 Chiffres repris jusqu’en 2008 par la ministre du Tourisme. Voir « Le Sénégal mise sur le tourisme », Les Afriques, 11 août 2008. Les sites des agences successives chargées du tourisme ne donnaient jamais d’indications chiffrées quelles qu’elles soient. Pour l’Agence sénégalaise de la promotion touristique, voir [http://www.visitezlesenegal.com/], accès avril 2016.
59 Voir « Spéculation et bradage du foncier. La CA 2007 menace les “spéculateurs” », Sud Quotidien, 25 juillet 2008.
60 Cependant, les professionnels savent d’expérience que seul un client sur cinq reviendra pour un séjour dans ce type d’hôtel.
61 C’est le président de la Stratégie de la croissance accélérée qui est cité dans « Sénégal : baisse de la TVA de 18 à 10 %. Objectif réinvestissements », Sud Quotidien, 9 février 2011.
62 En ce qui concerne l’ONACI, les manifestations de ce dilettantisme étaient nombreuses : hôtels non achevés dans les délais, d’où nécessité de louer un hôtel-bateau resté, in fine, largement inoccupé, réquisition de villas et de véhicules mis à la disposition des invités, sans que les propriétaires aient tous été rémunérés, etc. Jusqu’à maintenant, les Sénégalais sont nombreux à demander une évaluation de l’ONACI, agence chargée des aspects matériels de la Conférence. Voir Coulibaly, 2009.
63 Voir « Escroquerie et vente illégale de terrains appartenant à autrui. Saliou Sambou, le gouverneur, condamné », Sud Quotidien, 6 août 2008.
64 Voir : Sénégal, 2013c, p. 227-234, et « Senegal’s Faiding Tourism Dreams », BBC News, 13 mars 2009, [http://news.bbc.co.uk/1/hi/business/7937754.stm], accès avril 2016.
65 Source : différentes éditions de Situation économique et sociale (de 2005 à 2012), publication annuelle de l’ANSD.
66 Contre 5,9 Gbps en 2011. Source : Observatoire sur les systèmes d’information, les réseaux et les inforoutes au Sénégal, [http://www.osiris.sn/], lien « Chiffres clés », accès avril 2016.
67 Source : Rapports d’activité disponibles sur [http://www.sonatel.sn/], accès avril 2016.
68 Créations d’emplois pas toujours exemptes d’ambiguïtés, à en croire la presse. Voir « Scandale portant sur 1,3 milliard au PCCI. Le rapport qui mouille de gros calibres du régime », L’observateur, 16 octobre 2008, [http://www.osiris.sn/Scandale-portant-sur-1-300.html], accès août 2015. Voir aussi « Call center au Sénégal : le bon filon », Capital, diffusée sur M6, 7 septembre 2004, [http://www.planete-senegal.com/senegal/videos_senegal.php?video=59], accès avril 2016.
69 Source : statistiques trimestrielles de l’Agence de la régulation des télécommunications et des postes, [http://www.artpsenegal.net/], accès avril 2016. Ces données sont cependant sujettes à caution, car l’on ne connaît pas le nombre de puces inactives.
70 Sources : ibid. et [http://www.osiris.sn/], lien « Chiffres clés », dernier accès août 2015. Voir aussi « Au pays des cyber-cafés », Jeune Afrique, 8 septembre 2007 ; « Sénégal : Les cybercafés en déclin », afrik.com, 14 septembre 2009.
71 Entre septembre 2013 et septembre 2014, le parc de l’internet mobile (G2 et G3) a plus que quintuplé. Source : [http://www.artpsenegal.net/], accès février 2015.
72 Citation de « Télécentres : une disparition programmée ? », Sud Quotidien, 28 juillet 2008. Voir aussi « Secteur des TIC. La difficile connexion des PME », Sud Quotidien, 8 septembre 2008 ; « Gérants de “Télécentres” : unité en forte baisse », Walfadjri, 30 avril 2009. Les relations entre la Sonatel et les petites unités de type informel se sont tout particulièrement dégradées à partir du moment où ces dernières se sont constituées en groupe de pression, en créant l’Union nationale des exploitants de télécentres et téléservices du Sénégal. Voir Sagna, 2009.
73 « Téléphone mobile : la réparation et le décodage, nouveaux métiers », Le Soleil, 28 avril 2009.
74 Voir « Sénégal : 60 milliards pour mettre la “Diamniadio Valley” sur pieds », AfriqueITnews, 16 décembre 2015, [http://www.afriqueitnews.com/2014/12/16/senegal-60-milliards-mettre-diamniadio-valley-pieds/], accès avril 2016.
75 Source : « Diamniadio Valley, la vallée numérique de l’Afrique », magicwords.mondoblog.org, 6 février 2015, [http://magicwords.mondoblog.org/tech-news/diamniadio-valley], accès avril 2016.
76 Avec un coefficient de multiplication de 5,3 et 1,9 respectivement. Source : Banque mondiale, 2007, Annexes, p. 26-28.
77 Voir le portrait de Serigne Mboup. Le holding qu’il dirige et dont il était question plus haut compte 700 employés. Le cursus de Serigne Mboup fait partie des success stories de « l’informel » sénégalais : « Serigne Mboup, PDG du groupe CCBM : de l’informel au formel : le pas du géant », Walfadjri, 30 avril 2009 et « Serigne Mboup, patron de CCBM », Managers africains, 17 février 2009. Mais on pense aussi et surtout à El Hadj Babacar Kebe dit Ndiouga. Les péripéties de sa fortune ont été largement commentées par la presse. Voir le dossier paru dans Sud Quotidien les 9, 10 et 11 août 1993 ; Marfaing et Sow, 1999, p. 109 et 118, ainsi que Coulibaly, 1998. De même, on peut mentionner Djily Mbaye dont le « château » est visité comme un monument historique.
78 On pourra notamment consulter Amin, 1969 ; Boone, 1992 ; Copans, 1993 ; Marfaing, 1991 ; Marfainget Sow, 1999.
79 Source : [http://www.unacois.sn/], accès février 2014 (erreur en 2017). Alors que 65 % de ses membres sont des détaillants, les demi-grossistes et grossistes représentent respectivement 20 % et 9 %, les importateurs et industriels 6 %. Comme d’autres organisations de la microfinance au Sénégal, le REMECU connaît, en 2014 et 2015, un certain nombre de problèmes de crédibilité auprès de ses adhérents.
80 Voir [http://www.senegalexport.com/fr], accès avril 2016.
81 Source : African Growth and Opportunity Act, [http://trade.gov/agoa/], accès avril 2016. La balance commerciale avec les États-Unis est structurellement négative. Entre 2004 et 2013, les exportations du Sénégal vers les États-Unis, tous produits confondus, correspondaient à une moyenne annuelle de 11,6 millions de USD, les importations à 16,4 millions de USD. Source : International Trade Administration, [http://tse.export.gov/], accès février 2015.
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