Focus document. Le vaisseau de guerre : Nicolas Charles Romme, L’art de la marine, Paris, 1787
p. 431-433
Texte intégral

Figure 1 – Nicolas Charles Romme, « Vaisseau de 74 canons », L’art de la marine, l’Art de la Marine ou, Principes et préceptes généraux de l’art de construire, d’armer, de manœuvrer et de conduire des vaisseaux (587 pages, 7 planches), Paris, Barrois, 1787.
1Cette planche extraite de L’art de la marine ou, Principes et préceptes généraux de l’art de construire, d’armer, de manœuvrer et de conduire des vaisseaux (587 pages, 7 planches) de Nicolas Charles Romme (1745-1805) publié à Paris chez Barrois et à La Rochelle chez Chauvet en 1787, dédié au ministre de la Marine, Charles La Croix de Castries, représente un navire de guerre, fleuron de la marine française, le vaisseau de 74 canons. L’adoption du plan type Borda-Sané en 1782 clôt plusieurs décennies de recherche et de mise au point d’un vaisseau à deux ponts offrant le meilleur compromis entre la puissance de feu et le coût de construction et d’armement. Différents éléments ont été 431 représentés : les lignes d’eau et la forme de la carène, la poupe et la proue, la voilure et des pièces décomposant la mâture du vaisseau (coupes longitudinales et transversales des mats d’assemblage). Le titre de l’ouvrage et l’image s’inscrivent dans cette grande entreprise de la « réduction en art » de l’époque moderne (Dubourg-Glatigny et Vérin, 2008) qui diffuse par l’écrit et par le dessin les savoirs destinés à faciliter les choix techniques et à rendre accessibles des savoirs partagés par les « gens du métier ». La Description des arts et métiers de l’Académie royale des sciences procède également de cette histoire et d’ailleurs, deux ouvrages de Nicolas Romme repris dans L’art de la marine appartiennent à cette série : L’art de la mâture des vaisseaux (1778) et L’art de la voilure (1781). L’expression graphique « standardisée » est constitutive d’un langage commun pour l’architecture navale. Le dessin en perspective domine et au cours du XVIIIe siècle les perspectives isométriques s’imposent pour la représentation des coques de navires, de même les tracés de figures et d’éléments de figures géométriques (Dhombres, 2006).
2Né à Riom, Nicolas Charles Romme est nommé en 1769 professeur de mathématiques des gardes de la marine à Rochefort sur la recommandation d’Étienne Bezout, membre de l’Académie royale des sciences et examinateur des gardes de la marine et de l’artillerie (Taton, 1986). Il devient membre correspondant de l’Académie royale des sciences en 1778, proposant des mémoires sur la résistance des fluides ou sur la mesure des longitudes à la mer. La publication de L’art de la marine revêt un double objectif, faire un traité complet et qui combine la théorie et la pratique. Cependant, Nicolas Romme se veut raisonnable en ne présentant qu’un traité élémentaire sur la marine, car écrit-il « les sciences exactes en sont la base fondamentale » et il existe entre ces sciences et cet art « une chaîne si étroite » qu’il n’est pas permis de les séparer. Nicolas Romme s’inscrit dans la même démarche qu’Henri-Louis Duhamel du Monceau avec ses Éléments de l’architecture navale ou traité pratique de la construction des vaisseaux dont l’ouvrage très clair et complété par de nombreuses illustrations de Nicolas Ozanne, met à jour les secrets des constructeurs jalousement protégés. La première édition de 1752 comporte neuf chapitres qui traitent de la charpente, des proportions des vaisseaux, de la conception du navire, des méthodes suivies par les constructeurs, de la pesanteur du vaisseau, du volume que doit posséder la carène, de l’hydrostatique et enfin de l’hydrodynamique. Le succès immédiat de la première édition est suivi d’une deuxième en 1758 auquel il ajoute un dixième chapitre consacré à la stabilité du navire. Les années 1770-1780 sont particulièrement fastes pour l’édition du livre de marine (Charon, Claeer et Moureau, 2004), les traités destinés à la formation, qu’ils soient généraux ou spécialisés constituent un corpus technique et scientifique complet. Autre trait saillant du temps dans L’art de la marine : la curiosité pour l’histoire de la technique, celle des machines flottantes, celle des premières idées par l’imitation de la nature, par l’analogie avec la forme des poissons, ou plus simplement dit « l’enfance de l’Art ». Au total, l’ouvrage de Nicolas Romme contient sept chapitres de « l’action de l’eau sur les corps flottants » aux « évolutions navales ». Entre ces deux chapitres, Nicolas Romme aura déployé avec clarté et dans une succession des plus logiques, les qualités recherchées, les plans, la construction, le chargement et l’arrimage, la mâture, la voilure, le gréement, la manœuvre. Le dernier prix annuel de l’Académie royale des sciences fut remporté par Nicolas Romme en 1791 sur un sujet déjà proposé en 1789. Il avait été demandé d’expliquer les expériences faites sur la résistance des fluides en France, en Suède, en Italie et ailleurs. L’époque était donc bien à la synthèse, à la diffusion, et à la pédagogie distrayante (Llinares, 2016), avec la certitude des progrès accomplis et l’accumulation d’un capital de connaissances théoriques qu’il fallait transmettre.
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
Charon Annie, Claeer Thierry et Moureau François (dir.), 2004, Le livre maritime au siècle des Lumières, Paris, PUPS.
Dhombres Jean, 2006, « L’aventure épistémologique de la mathématisation des Lumières éclairée par les images de marine de l’Encyclopédie méthodique », in L’Encyclopédie méthodique (1782-1832) : des Lumières au positivisme, Genève, Droz, p. 423-466.
Dubourg-Glatigny Pascal et Vérin Hélène (dir.), 2008, Réduire en art, la technologie de la Renaissance aux Lumières, Paris, éditions de la Maison des sciences de l’Homme.
Llinares Sylviane, 2016, « L’art de naviguer en s’amusant, le nouveau jeu de la marine au XVIIIe siècle », in Xavier Daumalin, Daniel Faget et Olivier Raveux (dir.), La mer en partage. Sociétés littorales et économies maritimes XVe-XXe siècle, Études offertes à Gilbert Buti, Aix-en-Provence, Presses universitaire de Provence, p. 23-42.
Taton René (dir.), 1984 [1964], Enseignement et diffusion des sciences en France au XVIIIe siècle, Paris, Hermann.
Auteur
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