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L'Europe des sciences et des techniques

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Liliane Hilaire-Pérez
, 
Fabien Simon
, 
Marie Thébaud-Sorger

Acteurs

Focus thématique. Simon Stevin (1548-1620)

Raphaël Morera

Volltext

1Le parcours de Simon Stevin, scientifique et technicien atypique, résume l’histoire des Pays-Bas du XVIe siècle. Né à Bruges, au cœur des Pays-Bas espagnols, en 1548, il est mort en 1620, à La Haye, capitale de la République des Provinces Unies. À l’image de milliers de Flamands convertis à la Réforme, Stevin a quitté la Flandre vers 1581 pour s’établir dans la capitale de la République naissante. Très vite, il s’est imposé au sein du premier cercle de Maurice de Nassau, Stadhouder des Provinces Unies. La pensée de Stevin est ainsi indissolublement politique, scientifique et technique. Travaillant au service du pouvoir néerlandais en voie d’élaboration et d’affirmation, Stevin a travaillé à en consolider les fondements théoriques en élaborant une philosophie politique originale justifiant la sécession politique et l’autonomie de l’empire. En tant que scientifique, Stevin a contribué à la formation du prince et des élites néerlandaises et a développé des connaissances liées au commerce. Figurant parmi les premiers inscrits de l’université de Leyde, il a mis sur pied en son sein la première école d’ingénieur d’Europe. Il s’agissait par cet enseignement de contribuer au renforcement du pouvoir néerlandais en fournissant un personnel technique dont les compétences étaient tout autant civiles que militaires.

2Simon Stevin est issu d’une famille de notables flamands investis dans la gouvernance urbaine de leurs villes. Il est cependant difficile de retracer ses années de formation, même si tout laisse penser qu’il a mené des études approfondies de mathématiques, matière sur laquelle il a écrit des traités au cours des années 1580. Ses écrits se répartissent en deux catégories : les ouvrages didactiques et les essais. Les Problematum Geometricum (1583), L’arithmétique et La pratique d’arithmétique (1585) sont ainsi d’abord des ouvrages issus de son l’enseignement. L’arithmétique, notamment, présente une synthèse actualisée des connaissances algébriques de l’époque. Il apporte une contribution à la notation de l’inconnue et de ses puissances et propose une simplification de la classification des équations grâce aux coefficients négatifs, ainsi qu’à la définition de la nature des nombres. Mais Stevin a également produit des ouvrages plus ambitieux. Les Tafelen van Interest (1582), véritable essai sur le calcul des tables d’intérêt, et l’Appendice algebraique [ sic] (1594), élaborant une méthode pour déterminer les équations, sont également très liés aux besoins des praticiens, qu’ils soient commerçants, comptables, géomètres ou navigateurs. Publié en 1585¸ De Thiende reste l’essai mathématique le plus marquant de Stevin. Il y défend une décimalisation totale des systèmes de mesures et construit une approche décimale des nombres entiers et des fractions. Jalon intéressant dans l’histoire de la décimalisation des mathématiques, l’essai n’opère cependant pas une rupture totale dans la mesure où Stevin considère les nombres décimaux comme une catégorie particulière de nombres entiers, et non comme des fractions.

3Les savoirs mathématiques constituent le fondement de la réflexion de Stevin. Son apport essentiel a été de penser l’usage pratique des mathématiques et de contribuer ainsi à la définition de l’ingénieur moderne. En 1594, il publie ainsi De Sterctenbouwing consacré à la fortification. Il convient d’y ajouter le Nieuw Manieren van Sterctebouw door Spilsluysen (Nouvelle manière de fortifier par écluse) et la Castramétation publiés respectivement en 1600 et 1617. Au fil de ses pages, Stevin pose les fondements du système de fortification dit « à la Hollandaise ». Avec Stevin, les travaux de terrassement deviennent des tâches normales des soldats qui doivent notamment participer à la construction des réseaux hydrauliques ceinturant les places et devant servir à en inonder les alentours. Stevin applique en outre ses compétences mathématiques à la balistique et, par conséquent, à la poliorcétique. Il contribue ainsi à affirmer le plan en étoile des forteresses afin de multiplier les angles de tir tout en contraignant considérablement les éventuels assaillants.

4Tout à la fois technicien et scientifique, Stevin s’est également consacré aux tâches administratives et de gestion. Inventeur original d’un char à voile, Stevin a ainsi contribué de manière notable aux commissions chargées d’octroyer les brevets inventions et nouveautés techniques pour les Provinces Unies. Cette fonction revêtait une importance considérable dans un contexte où la jeune République pratiquait une politique très favorable à l’innovation technique. Très intéressé par les questions économiques, Stevin participe enfin activement à la gestion du domaine du Stadhouder au service duquel il introduit la comptabilité à partie double. Le cumul de ces charges lui vaut de figurer parmi les pensionnés les mieux rémunérés par le jeune État néerlandais.

Literaturverzeichnis

BIBLIOGRAPHIE

Crone Ernst, Dijksterhuis E. J. et Forbes R. J. et al., 1955, The Principal Works of Simon Stevin, Amsterdam, Swets & Zeitlinger.

Stevin Simon, 2005, De la vie civile : 1590, présentation de et traduit par Catherine Secretan et Pim den Boer, Lyon, ENS éditions.

Vanden Berghe Guido et al., 2004, Simon Stevin (1548-1620). L’émergence de la nouvelle science, Turnhout, Brepols.

Autor

Chargé de recherche au CNRS (Centre de recherches historiques, EHESS/CNRS, UMR 8558). Ses recherches portent sur l’histoire de la gouvernance de l’eau dans l’Europe moderne. Il a notamment publié L’assèchement des marais en France au XVIIe siècle, aux Presses universitaires de Rennes en 2011.

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