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L'Europe des sciences et des techniques

 | 
Liliane Hilaire-Pérez
, 
Fabien Simon
, 
Marie Thébaud-Sorger

Acteurs

Figures du savant, XVe-XVIIIe siècle

Patrice Bret

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1Dans son éloge de Leibnitz (1716), le secrétaire perpétuel de l’Académie royale des sciences Fontenelle écrit à propos de son confrère allemand, aussi célèbre pour ses travaux que pour son commerce épistolaire : « Un savant qui est illustre et familier, c’est presque un prince qui le seroit aussi. » Sans tenir toujours un tel rang dans la société, le « savant » est une figure majeure de l’époque moderne. Sa notoriété tient à sa production scientifique, mais aussi à sa place dans la société et à ses réseaux sociaux, politiques et savants.

La construction de la figure du savant

2Le vocable « savant » apparaît en français à la fin XVIe siècle. Désignant « celui qui sait quelque chose », il définit d’abord notamment la figure de l’érudit humaniste, qui vient défier celle du docteur de l’université scolastique. Consacré par le titre du Journal des savants (1665), le terme passe en anglais au début du XVIIIe siècle, marquant l’inscription des auteurs et des lecteurs dans la République des lettres. Avec la vision héroïque de la science, que le paradigme de la « révolution scientifique » a prolongée jusqu’à la fin du XXe siècle, la représentation du savant tend à s’individualiser à l’excès en faisant émerger quelques grandes figures. Dans un concours à l’académie de Besançon (1761), le jeune Lavoisier (1743-1794) associe déjà Bacon (1561-1626), Descartes (1596-1650) et Newton (1642-1727) aux grands hommes de l’Antiquité gréco-romaine (Bret, 2005). À ses yeux d’adolescent, la quête de la vérité fait du savant un modèle, qui lutte contre la coutume, l’opinion et les préjugés, au risque d’être écrasé et de devenir héros « martyr de la Raison et de l’humanité » – mais il ne mentionne ni l’Inquisition, ni l’exécution de Giordano Bruno (1548-1600) et pas même le procès de Galilée (1564-1642).

3Les éloges académiques du XVIIIe siècle ont moins contribué à cette héroïsation qu’à la consolidation de la figure du savant que révèle la réunion de ces mises en récit de la vie et de l’œuvre d’un individu. Par-delà la diversité des vies relatées se dessine l’image du type social émergent de « l’homme académique » (Roche, 1978) et plus particulièrement de l’académicien des sciences (Mazauric, 2007). Derrière les noms, ce sont moins les individus que la représentation d’une identité collective dépassant leur personne et leur spécialité qui fait sens. Par leur identité culturelle, les figures du savant, successives ou concomitantes, se démarquent de celles d’autres acteurs des sciences et des arts [Ingénieurs* ; Inventeurs*]. Toutefois, les interférences sont nombreuses, à la Renaissance [focus Stevin*] comme au siècle des Lumières, quand un ingénieur publie des ouvrages de mécanique ou de physique et se voit admis à l’Académie des sciences, où un géomètre, Pierre Bouguer, s’occupe d’architecture navale.

4Du XVe siècle à la fin du siècle des Lumières, diverses figures du savant émergent dans des contextes historiques spécifiques et sont progressivement cantonnées au domaine des sciences exactes et naturelles, avant que la professionnalisation du XIXe siècle et l’organisation contemporaine de la recherche au XXe siècle ne fassent place aux figures contemporaines du « scientifique » et du « chercheur ». Deux figures principales s’imposent et se déclinent elles-mêmes en plusieurs types (Daston et Sibum, 2003 ; Shank, 2015). Jusqu’au début du XVIIe siècle, le savant de la Renaissance partage un savoir dans de nouveaux espaces de sociabilité plus ou moins formels en mettant à son profit les jeux du patronage qui le rangent au service du prince. En étendant son cercle de reconnaissance et de diffusion par l’imprimé, volontiers en langue vernaculaire, il assure l’effacement à son profit du savant docteur de l’université médiévale et de la scientia scolastique. À partir de la seconde moitié du XVIIe siècle domine la figure de l’académicien, avec l’institutionnalisation des sciences, notamment sur le modèle français. Elle-même se décline autour des champs de savoir, que recouvrent les diverses académies royales, et des champs de recherche : la réforme de l’Académie des sciences de Paris en 1699 distingue les mathématiciens (eux-mêmes classés en géomètres, mécaniciens et astronomes) et les « physiciens » (anatomistes, botanistes, chimistes). Mais jusqu’aux dernières décennies de l’Ancien Régime, les savants sont assez peu spécialisés et Newton, dont la physique s’impose au siècle des Lumières comme la victoire définitive de la rationalité, fait aussi œuvre d’alchimiste.

5La catégorie générique qui distingue le savant praticien des sciences mathématiques et « physiques » des autres savants (érudits hellénistes, hébraïsants, arabisants et autres orientalistes ou historiens) est alors celle du « philosophe », elle-même très polysémique. En français spécialement, cette appellation a subi une double distorsion : son emploi a d’abord été détourné dès le XVIIIe siècle pour désigner principalement les « philosophes » des Lumières françaises, et il est de nos jours réservé aux praticiens de la philosophie stricto sensu. Mais, pour le Dictionnaire de l’Académie française, la « physique » – « science qui a pour objet les choses naturelles » – relève de la « philosophie ». Ainsi, l’auteur scientifique est « philosophe » (« philosophe naturel », « philosophe mécanique ») et en 1789 un « chimiste » est encore nommé aussi bien « philosophe » ou « physicien ».

Savants, demi-savants et amateurs

6Selon son domaine, le savant calcule, observe, expérimente. Quels que soient ses champs d’études, il s’impose aussi par ses publications, souvent rééditées et traduites. Avec sa monumentale Histoire naturelle, Buffon (1707-1788) – également membre de l’Académie française, comme Fontenelle, D’Alembert ou Condorcet – illustre la figure de l’auteur, bien que ses apports soient moins grands que son influence (Roger, 1989). Rares sont les savants renommés qui ne soient auteurs de volumineux traités.

7À Édimbourg, le chimiste Joseph Black (1728-1799), dont l’œuvre principale est posthume, ou à Pavie, l’abbé naturaliste Lazzaro Spallanzani (1729-1799), illustrent la figure du professeur, qui traverse la période en épousant l’évolution des institutions, dans une diversité qui reste de mise à la fin du siècle des Lumières. Les élèves de Joseph Black, Thomas Beddoes et Robert Perceval créent les chaires de chimie à Oxford et Dublin dans les années 1780, tandis que Richard Watson, titulaire de celle de Cambridge, est un évêque anglican. En France, les professeurs des institutions royales d’enseignement (Collège de France, Jardin du roi…) sont souvent des académiciens et les manuels de mathématiques que Camus, Bézout et l’abbé Bossut rédigent pour les élèves des écoles militaires dans la seconde moitié du XVIIIe siècle sont largement diffusés dans la société.

8Buffon illustre aussi la figure du « naturaliste-sédentaire », une catégorie qui accole à une appellation née au XVIe siècle un caractère désignant celui qui construit en cabinet un savoir à partir des matériaux fournis par d’autres (Chappey, 2013). Intendant du Jardin du roi et trésorier de l’Académie, c’est un homme de pouvoir qui a un réseau étendu de savants, amateurs et voyageurs. La vogue des récits de voyage assure le succès public de nombreux « voyageurs naturalistes » qui sont pourtant, pour la plupart, des figures moins en vue dont l’importance est essentielle dans les réseaux savants. Parfois diplomates, comme Pierre Belon (1517-1564), le plus souvent missionnaires (notamment jésuites) ou médecins, ils sont de mieux en mieux formés, tels les « médecins naturalistes » et « jardiniers botanistes » financés par le roi dans les expéditions et aux colonies (Laissus, 1981 ; McClellan et Regourd, 2011). En Angleterre, Sir Joseph Banks (1743-1820), puissant président de la Royal Society, a lui-même fondé sa carrière sur son voyage autour du monde avec Cook [Voyages*].

9De la Renaissance au siècle des Lumières, le savant n’est pas toujours la figure désintéressée que la légende héroïque présente. Il construit aussi sa carrière. Entre cours et académies, c’est le cas du premier mathématicien et premier philosophe du grand-duc de Toscane, Galilée (Biagioli, 1993). Entre académies et État, celui du fermier général et régisseur général des poudres et salpêtres, Lavoisier : en contact avec une quarantaine de sociétés scientifiques, il appartient à une vingtaine d’entre elles et est actif dans une dizaine – outre les sociétés philanthropiques (Poirier, 1993 ; Bret, 2005).

10À la fin de l’Ancien Régime, une ligne de partage s’accentue entre les « sciences spéculatives » (abstraites) et les « sciences utiles », qui intéressent directement l’État et la société ; une autre entre les représentants des « sciences mondaines » et les savants tenants d’une « science sévère », ayant les mathématiques pour modèle. La proto-professionnalisation des sciences tend alors à marginaliser ou exclure de la République des lettres deux figures qui comptaient naguère parmi les savants : le « demi-savant » et « l’amateur ».

  • 1 Cours d’études pour l’instruction du prince de Parme, t. III : Art de raisonner, Parme, Impr. royal (...)

11Le philosophe Condillac conseille au jeune prince de Parme, non d’être savant (« ni physicien, ni géomètre, ni astronome, ni même métaphysicien »), mais d’acquérir des lumières pour savoir raisonner, « d’autant plus qu’un faux raisonnement, de la part d’un prince, peut faire sa perte et celle de son peuple » : il évitera ainsi que sa cour ne s’emplisse de « demi-savants qui sont de tous les sots les plus importuns1 ». Tels Marat et le baron de Marivetz, le « demi-savant » en mal de reconnaissance publie souvent avec prétention et se répand en controverses dans les journaux. Il est accueilli ou couronné par les académies de province, mais l’Académie royale des sciences ne le considère guère au-dessus du charlatan qui cherche à se forger une légitimité en abusant le public, tels le magnétiseur Mesmer ou le sourcier Bléton dans les années 1780. Si un « demi-savant » se déclare rarement « philosophe », il use volontiers de l’appellation « physicien ». Celle-ci connaît un grand succès au XVIIIe siècle : elle est employée par les démonstrateurs de physique expérimentale de toute sorte et par les inventeurs et praticiens des nouveaux savoirs à la mode, acceptés (aérostation) ou rejetés (magnétisme animal) par l’institution.

  • 2 Fourcroy Antoine-François, art. « Laboratoire », Encyclopédie méthodique. Chimie, III, 1805, p. 56 (...)

12L’« amateur » est une figure mieux acceptée par les savants, car il participe avec plus de modestie à la vie scientifique par la communication d’observations ou d’échantillons – il est souvent collectionneur. Fils de fermier général, amateur de l’entourage de Guyton de Morveau et de Lavoisier, le président de Virly (1754-1805) a une solide formation en chimie et minéralogie ; jouissant d’un important réseau à la cour de Versailles et en Angleterre, autour de Shelburne, c’est un grand voyageur et un passeur culturel qui rencontre les savants de toute l’Europe et devient membre de plusieurs académies (Dijon, Uppsala, Dublin) et des nouvelles formes de sociabilité – société d’émulation de Bourg-en-Bresse, lycée, Société (internationale) de l’art de l’exploitation des mines (Bret, 2016). Les amateurs appartiennent aux trois ordres. Au sommet de l’échelle sociale, ils peuvent être en même temps protecteurs de la science, comme nombre de membres honoraires et associés libres de Paris, aristocrates (Noailles d’Ayen, La Rochefoucauld d’Enville…) ou parlementaires (Malesherbes, Bochart de Saron…). Pour le médecin chimiste Fourcroy, Lavoisier se rapproche d’eux par sa fortune personnelle et ses revenus considérables qui lui permettent de s’autofinancer largement pour le plus grand profit de sa discipline2, à l’instar de Descartes ou de Robert Boyle au siècle précédent, ou de son contemporain Henry Cavendish en Angleterre. Les limites entre l’amateur et le savant professionnel s’expriment surtout sur le plan scientifique mais peuvent être ténues socialement. Moins fortunés, la plupart des amateurs éclairés peuplent les institutions de province et participent de la diffusion des sciences.

Les figures de la femme savante

13À bien des égards, les femmes appartiennent surtout à ce monde marginal de la science. Bousculant les codes sociaux, autant que cela peut être admis, notamment dans la noblesse et la haute société bourgeoise, la figure de la femme de sciences peine à émerger. Malgré la faiblesse numérique de celles qui sont pleinement reconnues par le monde savant masculin, elles présentent une diversité d’attitudes qui manifeste leur investissement, mais aussi la difficulté d’être savante et de l’assumer.

  • 3 Guyton de Morveau Louis-Bernard, Discours publics et éloges, t. III, Paris, P.G. Simon, 1782, p. 3 (...)

14Certains historiens font des XVIe et XVIIe siècles l’âge d’or des femmes de sciences. Jadis exclues de la scientia de l’université médiévale latine, elles acquièrent alors une place de choix dans les cours de la Renaissance avant d’être à nouveau mises à l’écart par le monde masculin des Lumières avec l’émergence de la science proto-professionnelle liée à la bureaucratie gouvernementale et la spécialisation disciplinaire (Shank, 2015). De la cour des Médicis à celle de Christine de Suède, se forge une première figure de « femme savante », érudite et protectrice, qui discute de philosophie avec les savants : Galilée demande à Christine de Lorraine, grande-duchesse de Toscane, un arbitrage sur le système copernicien ; Elisabeth de Bohême correspond avec Descartes, qui lui dédie ses Principes de la philosophie (1644). Une autre figure de femme savante est ensuite la femme lectrice et apprenante, réelle ou fictive. L’aristocrate Elena Lucrezia Cornaro Piscopia (1646-1684) est la première femme docteur en philosophie reçue à l’université de Padoue (1678) (Maschietto, 2007) et c’est à la marquise de G*** que Fontenelle (1657-1757) explique l’astronomie (la physique cartésienne des tourbillons) dans les Entretiens sur la pluralité des mondes (1686). De même, dans Le Newtonianisme pour les dames (1737) de Francesco Algarotti, composé en partie chez Mme du Châtelet, une autre marquise défend vainement Descartes et Malebranche contre Newton. La représentation dépréciative que donne Molière dans Les femmes savantes (1672) atteste l’expansion du mouvement dans les milieux bourgeois et reflète le poids de la misogynie – qui tend à s’atténuer au siècle suivant, bien que le Dictionnaire de l’Académie française donne pour exemple : « Une femme qui fait la savante » (1762)… Ce jeu de dédicaces et de dialogues fictifs donne naissance à la vulgarisation, qui ne se limite pas au lectorat féminin. La femme doit être vectrice des sciences et faire à son exemple « des Physiciens laborieux & ardens, comme elle fit autrefois de preux & courtois Chevaliers » et comme elle répandit les civilités de la Renaissance3.

15Dans ce contexte, le double franchissement de la barrière de l’imprimé et du masque de l’anonymat rend encore plus difficile pour une femme l’entrée dans l’espace public comme auteur(e) de sciences. Le problème se pose moins pour la riche aristocrate Margaret Cavendish (1623-1673), qui publie des Observations upon Experimental Philosophy (1666), que pour des roturières (O’Neill, 2001). Ces dernières le peuvent en prenant soin de dédier leurs ouvrages à une aristocrate, de s’adresser aux femmes et de rester dans l’exercice d’un métier ou dans la sphère domestique : dans un ouvrage pratique de comptabilité, Marie Crous introduit ainsi le calcul décimal de Simon Stevin à l’usage des « filles exerçantes l’arithmétique » (1636), et Marie Meurdrac, dans la tradition des livres de secrets, traite aussi de parfums et pommades dans sa Chymie charitable et facile en faveur des dames (1666). Jeanne Dumée, dont l’Entretien sur l’opinion de Copernic touchant la mobilité de la Terre empiète sur un domaine masculin, ne peut publier malgré l’annonce parue dans le Journal des savants (1680). Ni l’aristocrate Émilie du Châtelet (1709-1749) dans ses travaux personnels ou en traduisant Newton (Zinsser, 2006), ni la présidente d’Arconville dans ses expériences sur la putréfaction et ses traductions de chimie et d’anatomie n’entendent s’adresser à un public féminin (Bret et Van Tiggelen, 2011). Pas plus que Giuseppa Eleonora Barbapicola, traductrice de Descartes (1722) (Harth, 1992), et Mariangela Ardinghelli, correspondante de Nollet et traductrice de Stephen Hales au milieu du siècle, toutes deux à Naples (Bertucci, 2013) ; ou Mme Picardet et Mme Lavoisier à Dijon et Paris, les principales traductrices de sciences de la fin du siècle (Bret, 2014 ; Poirier, 2004).

16Londa Schiebinger distingue les femmes des réseaux nobles, comme Cavendish et Du Châtelet, celles de la tradition des arts, celles des traditions féminines – comme l’accoucheuse Mme Du Coudray (Gelbart, 1998) – et les « assistantes invisibles » de leur mari ou de leur père (Schiebinger, 1989). En fait, à une échelle réduite, tous les types d’activités scientifiques masculines sont exercés par des femmes, mais quelques-unes dominent, soit par leur lien avec la féminité, soit peut-être par leur caractère auxiliaire, voire ancillaire : traductrices, dessinatrices et calculatrices d’astronomie, telles Reine Lepaute, Mme Dupiéry (Lémonon, 2016) ou Caroline Herschel en Angleterre.

17Toutes ces femmes de sciences ont un rôle important dans leur domaine, mais rares sont celles qui ont publié une œuvre scientifique de premier plan. C’est le cas en France de Mme du Châtelet avec ses Institutions de physique (1740) et le paratexte de sa traduction des Principia de Newton (1759), rédigés en lien avec Voltaire mais aussi Maupertuis, Clairaut et D’Alembert ; en Italie, de la Milanaise Maria Gaetana Agnesi (1719-1799) et ses Institutions analytiques (1748). Ces véritables femmes de sciences mathématiques et physiques sont reconnues – non sans difficultés –, publiées et admises avec des femmes de lettres dans des académies italiennes, à Padoue (l’Accademia dei Ricovrati organise un débat sur l’éducation des femmes en 1723) et dans les États pontificaux, à Rome et surtout à Bologne, qui confie même, dans les années 1770, une chaire de physique expérimentale à Laura Bassi, qui construit habilement sa carrière, puis à Cristina Roccati (Findlen, 1993 ; Messbarger et Findlen, 2005).

18Mais, comme chez les hommes, une grande variété d’attitudes vis-à-vis de la science existe chez les femmes à la fin de l’Ancien Régime, depuis la voyageuse naturaliste (la Hollandaise Maria Sibylla Merian, qui étudie les insectes de la colonie de Surinam) ou la collectionneuse visitée par les savants (la marquise de Boccapaduli à Rome, la comtesse de Rochechouart à Agey), jusqu’à l’anatomiste et céroplaste Anna Morandi Manzolini à Bologne encore (Dacome, 2014 ; Hamon-Lehours, 2014). À Paris, la marquise de Voyer d’Argenson prend successivement des leçons de chimie, d’anatomie et de mathématiques avec les plus grands savants de son temps, à l’instar de Mme d’Arconville : entre loisirs mondains et intérêt, cette dernière « cultivaille » la botanique, l’autre joue « aux osselets squelettiques » comme la comtesse de Coigny (Delhaume, 2014). Chacune à sa manière, les femmes font la conquête des sciences.

Bibliography

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Notes

1 Cours d’études pour l’instruction du prince de Parme, t. III : Art de raisonner, Parme, Impr. royale, 1775, p. 76.

2 Fourcroy Antoine-François, art. « Laboratoire », Encyclopédie méthodique. Chimie, III, 1805, p. 566.

3 Guyton de Morveau Louis-Bernard, Discours publics et éloges, t. III, Paris, P.G. Simon, 1782, p. 345.

Author

Chercheur honoraire au centre Alexandre Koyré et secrétaire général du comité Lavoisier de l’Académie des sciences, spécialiste de l’histoire culturelle des sciences et des techniques. Ses travaux portent en particulier sur les sociabilités savantes et la communication scientifique (correspondance, traduction, journaux savants) au XVIIIe siècle. Éditeur de la correspondance des chimistes Lavoisier et Guyton de Morveau, il a notamment publié L’État, l’armée, la science. L’invention de la recherche publique en France (1763-1830), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Carnot », 2002.

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