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Le modèle partenarial

p. 177


Texte intégral

1La laïcité n’avait eu, jusqu’alors, qu’une existence discrète dans l’ordre juridique : la notion ne figure même pas dans la loi du 9 décembre 1905 qui se satisfait de parler de la « séparation des Églises et de l’État ». La consécration advient à la Libération. La laïcité prend alors valeur constitutionnelle. En 1946, le Constituant, sur une proposition du groupe communiste (Fajon et Hervé), insère, en effet, à l’article 1er de la loi fondamentale de la Quatrième République cette formule qui définit les principes fondateurs du nouveau régime : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Le Préambule va dans le même sens en invoquant l’obligation pour l’État d’instaurer un « enseignement public laïque1 ». Ces formules, qui seront reprises dans la Constitution de 1958, visaient, pour ceux qui les ont proposées, à graver dans le bronze le modèle de dissociation mis en place sous la Troisième République. Certains, du côté de la SFIO ou du PCF, voulaient même aller plus loin, en en appelant à une nationalisation laïcisatrice de l’enseignement privé.

2Le mot fait souche donc. Mais l’idée ? En fait, la laïcité connaît bientôt une modification substantielle de sa signification. Instrument de la protection de la liberté de conscience, la neutralité a donné lieu en France – ce qui souvent n’est pas le cas à l’étranger – par une dissociation stricte des institutions étatiques et ecclésiales. Alors même qu’elle entre dans le cadre constitutionnel, la laïcité, un peu sous la Quatrième République, beaucoup sous la Cinquième, se charge d’une valence coopérationniste. Jean-Paul Willaime a rendu compte de cette mutation socio-juridique, qui aboutit à penser autrement l’articulation de la relation entre l’égalité et la différence, entre l’unité et la pluralité, entre l’État et la société, en parlant de l’avènement d’une « laïcité de dialogue et de reconnaissance2 ». Ce modèle, qui se consolide tout au long de la Cinquième République, n’est pas d’une pièce. S’il s’articule autour du paradigme recognitif, c’est en maintenant de lourds éléments, notamment jurisprudentiels, du modèle séparatif antérieur et en incorporant, spécialement depuis les années 2000, l’apport assez inédit d’une législation puissamment intégrative.

Notes de bas de page

1 Alinéa 13 : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la culture et à la formation professionnelle. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. »

2 Jean-Paul Willaime, Le retour du religieux dans l’espace public, Lyon, Olivétan, 2008.

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