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    Plan détaillé Texte intégral L’OUVERTURE DES ESPACES RURAUX : DE L’ACCESSIBILITÉ PHYSIQUE À L’ACCESSIBILITÉ IMPLICITE LA DIMENSION POLITIQUE : DE L’AGORA AUX LIEUX INSTITUTIONNELS DE DÉBAT SUR L’ENVIRONNEMENT CONCLUSION : VERS UNE LECTURE SÉMANTIQUE Notes de bas de page Auteurs

    Espaces en transactions

    Ce livre est recensé par

    • Julien Aldhuy, Géographie et cultures, mis en ligne le 20 mai 2013. URL : https://journals.openedition.org/gc/1793 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.1793
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    Table des matières

    L’émergence d’un espace public en milieu rural : jalons méthodologiques

    Vincent Banos et Jacqueline Candau

    p. 177-190

    Note de l’auteur

    Note portant sur l’auteur1

    Texte intégral L’OUVERTURE DES ESPACES RURAUX : DE L’ACCESSIBILITÉ PHYSIQUE À L’ACCESSIBILITÉ IMPLICITE L’organisation géométrique de l’accessibilité L’accessibilité implicite LA DIMENSION POLITIQUE : DE L’AGORA AUX LIEUX INSTITUTIONNELS DE DÉBAT SUR L’ENVIRONNEMENT Faut-il rechercher la figure de « l’agora » ? Des objets publics qui changent de nature et de cadre de production l’environnementendiscussion CONCLUSION : VERS UNE LECTURE SÉMANTIQUE Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1On assiste actuellement, en France, à une recomposition du contrat social unissant le monde agricole au reste de la société civile, avec notamment la demande d’ouverture des espaces agricoles à de nouveaux usages au nom de leur caractère patrimonial et paysager, aussi bien de la part des pouvoirs publics que des publics. Ceci nous conduit à nous interroger sur la véritable concrétisation dans une perspective sociospatiale de cette « publicisation » de l’espace rural : assiste-on à l’émergence d’un espace public en espace rural ?

    2En effet, si la publicisation est maintenant largement admise (cf. Micoud, 2001), il convient de pousser l’analyse en profondeur en essayant de déceler dans les frémissements actuels, les traces visibles (matérielles et immatérielles) de la construction d’un ou de plusieurs types d’espaces publics, corollaires spatiaux d’un lien civil émergent. Partant d’une définition idéal-typique croisant une approche géographique et sociologique, nous avancerons trois dimensions constitutives de l’espace public : une dimension matérielle (accessibilité), une dimension politique (agora) et une dimension sémantique (construction de sens).

    3Cette présentation a pour but d’expliciter l’« opérationnalisation » du concept d’espace public ainsi défini à partir d’une enquête sur le Pays des Bastides, ensemble de trois communautés de communes dans le sud de la Dordogne qui cherche à conjuguer développement touristique et agriculture (figure 1). Loin d’être une analyse de cas présentant les résultats d’enquête, nos propos ici sont avant tout programmatiques et ont pour objectif de poser les jalons d’une démarche méthodologique permettant de mettre à l’épreuve du territoire cette présumée appropriation publique de l’espace rural.

    4Ceci amène à nous intéresser avant tout aux lieux, non comme simples marqueurs d’un territoire donné, mais bien dans une perspective constructiviste permettant ainsi de saisir la complexité des dynamiques territoriales à l’œuvre au quotidien. Pour la dimension matérielle, il s’agit de relever les indicateurs permettant de définir quels types de lieux dans l’espace rural sont accessibles à tous. La dimension politique est appréhendée à partir des projets d’intervention affichant une volonté collective afin d’identifier si leur élaboration donne lieu à l’émergence d’agora, ces scènes de discussions à plusieurs voix. Sommes-nous alors face à deux aspects si différents de la publicisation de l’espace rural qu’ils doivent être considérés comme deux phénomènes indépendants, d’un côté des lieux fréquentés et de l’autre des scènes de débat ? Nous soutiendrons au contraire que la dimension sémantique permet de comprendre cette coexistence : la mise en récit des lieux donne à voir le processus de construction de sens qui touche à la fois la pluralité de qualifications et d’appropriation par les pratiques dont les lieux font l’objet.

    Figure 1 : Localisation du Pays des Bastides.

    Image 1.jpg

    5Cet article vise donc à interroger l’émergence d’un lien civil, sorte d’aboutissement d’une certaine relation à l’autre dans l’espace qui s’élabore dialectiquement au travers des pratiques quotidiennes des acteurs et de l’action publique.

    L’OUVERTURE DES ESPACES RURAUX : DE L’ACCESSIBILITÉ PHYSIQUE À L’ACCESSIBILITÉ IMPLICITE

    6L’accessibilité peut être artificiellement découpée en deux grands domaines : d’abord l’accessibilité physique qui dépend de l’aménagement et du caractère juridique de l’espace et, ensuite, ce que nous appelons l’accessibilité « implicite », qui désigne le fait que l’espace public est avant tout un espace social.

    L’organisation géométrique de l’accessibilité

    7L’espace public serait « éminemment matériel, fait d’une matière travaillée dans la perspective d’un usage collectif qu’elle est sensée conditionner » (Debarbieux, 2001, p. 18). Ainsi, la dimension spatiale renverrait nécessairement à une localisation concrète et la dimension publique à une liberté d’accès totale, garantie par législation, c’est-à-dire par l’État. Ici, nous parlerons donc d’un espace public à la fois aménagé et décrété.

    8Les espaces publics sont avant tout des lieux publics pouvant être traversés ou parcourus librement (Joseph, 1991). Dans cette optique, les rues apparaissent comme des figures de proue car elles sont à la fois des espaces publics et également des facteurs d’accessibilité aux espaces publics. Ces derniers peuvent donc également être considérés comme un réseau de lieux parcourant une trame urbaine. Cette vision géométrique de l’espace public est importante, mais c’est paradoxalement en poussant à l’extrême cette perception fonctionnelle de l’espace que les aménageurs ont participé au déclin des espaces publics, accentué de fait par l’étalement urbain. La conséquence est bien souvent une aération maximale, aboutissant par exemple à la transformation des rues en simples « objets » de circulation. On assiste donc avec l’aménagement fonctionnel à une réduction « policée » des usages, à une ségrégation organisée : voies réservées, espaces pour vélos, rues piétonnières (Corajoud, 1998).

    9Un autre mal participe au dépérissement des espaces publics : la multiplication des espaces privés, ces espaces dont l’accès, par définition, « est un privilège non un droit » (Banerjee, 2001, p. 12). Du bourgeonnement des espaces clos à la privatisation des parcs urbains, en passant par la présence continue des enseignes ou autres panneaux publicitaires, de nombreuses traces matérielles indiquent une porosité croissante des espaces privés et publics.

    Figures 2 et 3 : Beaumont et Monpazier : deux bastides, deux types « classiques » d’espaces ouverts.

    Image 2.jpg

    Sources : Association « Les plus beaux villages de France » (fig. 2) et V. Banos (fig. 3).

    10La campagne, espace de sédentarité et d’ancrage réputé, se trouve aujourd’hui confrontée à ce processus d’urbanisation, et navigue dès lors entre une publicisation et une accentuation du phénomène de privatisation de ces espaces.

    11Dans un milieu rural bousculé par notre ère de la mobilité, l’accessibilité physique n’apparaît plus comme un obstacle majeur à la présence d’espaces publics, même si la situation varie énormément selon les espaces ruraux. Toutefois, il faut se demander si l’urbanisation galopante n’a pas amené avec elle les préjudices liés à l’aménagement fonctionnel, et donc tué dans l’œuf ces « potentiels » espaces publics. Dès lors, suivant en cela les critères que nous avons précédemment établis, notre recherche nous conduit à considérer en premier les lieux et les réseaux de lieux les plus apparents en milieu rural : les villages. En effet, ceux-ci semblent, a priori, être les lieux préférentiels pour appréhender quotidiennement le déploiement de la mixité sociale.

    12Le « Pays des Bastides » abrite deux villages particulièrement intéressants de ce point de vue. Ce sont tous deux des bastides, mais alors que l’une fut soumise à un aménagement fonctionnel, la seconde fut assez rapidement restaurée, puis préservée. Beaumont du Périgord est chef-lieu d’un canton encore dynamique, où l’agriculture demeure une manne économique importante, c’est un lieu de vie éventré par une route départementale, portant en son cœur les traces matérielles de l’urbanisation avec la transformation de la place de l’église en parc de stationnement. Monpazier a connu un sort inverse. Dès les années 1970, la place centrale a été fermée à la circulation, soulevant au départ, le mécontentement des habitants qui ne pouvaient plus faire leurs courses ou aller à l’église en voiture. Certains allant même jusqu’à prédire l’inexorable déclin du village (figures 2 et 3).

    13Dès lors, on peut se demander si la bastide la plus accessible est véritablement celle qui est la plus propice à l’émergence d’un ou plusieurs espaces publics ? Tenter de répondre à cette question nous oriente vers l’accessibilité, non plus strictement matérielle, mais implicite.

    L’accessibilité implicite

    14« L’espace public, tout structuré, tout architecturé soit-il n’est rien sans l’adoption par les individus de codes d’usages et de pratiques d’interactions sociales, éminemment symboliques. Ces pratiques publiques actualisent ce qui n’était que potentiel dans la forme urbaine » (Debarbieux, 2001, p. 19). L’espace n’est pas un simple substrat ; il existe une relation subjective et un attachement fondamental des individus à certains lieux qui se traduit par un processus d’appropriation.

    15L’espace public doit faire l’objet, pour exister en tant qu’espace social, d’une appropriation symbolique collective. Sa spécificité tient au fait qu’il exige une appropriation non exclusive puisque l’espace public doit rester ouvert à l’Autre, « il doit être le lieu par excellence de la présence simultanée de la figure de l’étranger et de celle de l’autochtone » (Ghorra-Gobin, 2001, p. 14). Cet équilibre est essentiel, mais fragile et précaire, comme le montrent les effets sur les espaces publics de la dissociation entre la dimension spatiale et les processus socioculturels promus par l’approche moderne.

    16Par ailleurs, même dans un espace juridiquement public, l’accessibilité est soumise à un contrôle social par le biais des normes, des représentations sociales, bref ce que I. Joseph (1991) appelle des « instructions ». Ces normes imposent des restrictions que l’on applique à soi-même, ou qui sont imposées par un pouvoir extérieur (Capron, 2002). Ce sont notamment les travaux de H. Lefebvre qui donnent l’appareillage conceptuel permettant de saisir « la production sociale de l’espace », en démontrant la relation permanente entre l’activité sociale et les circonstances matérielles de la vie quotidienne dans un processus rétroactif répétitif.

    17La compréhension des processus socio-spatiaux permet non seulement de rejeter « l’utopie de l’accessibilité pour tous », mais donne également des grilles de lecture permettant de rechercher, sous d’autres formes, les espaces de l’interaction sociale.

    18De nombreux auteurs se penchent désormais sur l’essor des « espaces ouverts ». Cette notion d’origine anglo-saxonne, très en vogue chez les urbanistes, sert la plupart du temps à désigner une portion d’espace privé ou public, ouvert à des usages variés allant notamment des usages récréatifs à la mise en scène esthétique, en passant par la protection des ressources naturelles. Les « espaces ouverts » véhiculent une sensibilité environnementale forte puisqu’il s’agit bien souvent de parcs, de squares, de « corridors verts » ou encore de forêts. Ainsi, ce type d’espaces paraît répondre aux attentes contemporaines du public en terme de sécurisation, de récréation et de paysages esthétiques et/ou « naturels ».

    19L’actuelle ré-appropriation sociale des territoires ruraux donne une acuité supplémentaire à notre piste de recherche. L’espace rural serait en effet parcouru chaque année par une multitude d’individus aux attentes variées, avec une diversité d’usages confortée par la polyvalence des espaces ruraux, mais également par une absence a priori de sélection des usagers. La combinaison de ces éléments conférerait à l’espace rural, et notamment agricole, un caractère ouvert.

    20Toutefois, cette appropriation de fait se heurte à certaines limites car l’espace rural, s’il n’est donc pas forcément obstrué par des barrières matérielles, reste parsemé de limites symboliques qui restreignent la portée sociale de tous ces « espaces ouverts » (Le Caro, 20022). On doit alors se demander quels sont les normes et les codes qui traversent actuellement l’espace rural, afin de saisir les jeux socio-spatiaux à l’œuvre. Pour Y. Le Caro, sur l’espace agricole, l’agriculteur reste encore le maître incontesté des lieux. Pour notre part, nous faisons l’hypothèse que dans un espace rural banal où la fonction agricole coexiste avec d’autres fonctions, les normes évoluent et ont tendance à remettre en cause la centralité du groupe social des agriculteurs. Mais la ségrégation, la marginalisation ou même l’exclusion ne concernent pas uniquement les agriculteurs3.

    21Ainsi, l’expérience commune ou la cohabitation sur un même espace n’implique pas nécessairement une présence simultanée, notamment dans un espace marqué par une faible densité. Par ailleurs, entre des agriculteurs qui peuvent apparaître comme marginalisés et des usagers qui recherchent une certaine tranquillité, tous les espaces ouverts n’offrent pas les mêmes opportunités de coprésence. Et même si c’est là qu’il faut rechercher en priorité l’émergence d’espaces publics, il ne faut pas oublier que ces lieux sont d’abord et avant tout des « espaces ouverts », c’est-à-dire des espaces dont l’appropriation est davantage régulée par la consommation que par la mise en débats et l’échange discursif.

    22Dans l’exemple des deux bastides de Monpazier et Beaumont du Périgord, il s’agit d’observer les pratiques collectives liées au processus d’appropriation des lieux. Est-ce que la mixité sociale a la même intensité dans les deux villages ? Entre un espace soumis à un processus de gentrification et un autre devenu un espace circulatoire, la réponse n’est pas évidente. Par ailleurs, est ce que cette hypothétique mixité sociale n’est pas nécessairement temporaire ? Ne faut-il pas privilégier les manifestations liées à des événements divers ? Nous pouvons également songer aux divers marchés qui supposent, entre autre, une coprésence d’agriculteurs et d’usagers divers et variés autour du produit agricole. Mais, à la campagne, les « espaces ouverts » sont en grande majorité, comme le souligne Y. Le Caro, des espaces de « nature4 ». Il faut donc également penser aux visites ou aux randonnées organisées qui impliquent de fait la coprésence d’un certain nombre d’individus. En particulier, celles qui font intervenir les agriculteurs, soit dans la présentation du territoire, soit dans la découverte du fonctionnement des exploitations. Enfin, il ne faut pas oublier toutes les autres formes d’appropriations collectives et en particulier celles qui ne seraient pas, a priori, traditionnellement liées à l’espace rural.

    23Ces espaces autorisant une diversité d’usages peuvent-ils maintenant ou du moins dans un avenir proche constituer des lieux participant à la constitution d’une communauté politique ? Sommes-nous dans une époque de transition où les « espaces ouverts » apparaîtraient comme une première phase de l’émergence d’espaces publics ? À moins que les changements d’usages et de formes modifient la nature même de l’espace public et donc sa dénomination ?

    24Le principal risque véhiculé par les « espaces ouverts » ne serait-il pas de nous faire admettre comme démocratiquement viable le fait d’abandonner notre vie publique dans des espaces où la mise sous contrôle, sous surveillance, aussi subtile soit-elle, guidée par le souci de marchandisation, de sécurisation, est autrement plus pernicieuse que le contrôle effectué par une société civile ? À trop se focaliser sur la diversité des usages, le risque est grand d’affaiblir la pertinence de l’espace public.

    LA DIMENSION POLITIQUE : DE L’AGORA AUX LIEUX INSTITUTIONNELS DE DÉBAT SUR L’ENVIRONNEMENT

    25Dans sa définition classique, l’espace public est souvent perçu comme un espace de débat public entre des citoyens où se nouerait le défi démocratique de nos sociétés. La qualité des relations sociales y est interrogée dans une dimension politique, pour rechercher une volonté commune qui se constituerait au-delà des usages, par la communication. C’est la figure de l’agora. Or, cette vision mythique a été amendée, que ce soit d’un point de vue théorique ou en tant que conception historiquement datée. Tenant compte de ces avancées, nous questionnerons l’intérêt que peut avoir cette notion pour comprendre les enjeux actuels de la publicisation de l’espace rural.

    Faut-il rechercher la figure de « l’agora » ?

    26J. Habermas (1978, 1989) dote l’espace public d’une qualité consubstantielle, celle d’être un espace où des individus se forment une opinion et une volonté commune ayant pour vertu de juger le système politique. Cette opinion et cette volonté se construisent par l’échange d’arguments au cours d’une discussion entre des individus usant de leur liberté et de leur autonomie de pensée et d’expression. C’est un débat à plusieurs voix gouverné par la raison. H. Arendt affecte elle aussi l’espace public d’une qualité éminemment politique : « La polis exige un espace public et l’institution du citoyen comme juge, comme elle exige une scène publique et l’institution du citoyen comme acteur » (Tassin, 1999, p. 538). L’espace public est le lieu de production d’une parole où se constitue du commun à partir de pluralités. De là provient la qualité politique de l’espace public. Or cet espace politique comme espace de discussion plurielle entre citoyens éclairés et raisonnables pose quelques questions, notamment d’un point de vue sociologique.

    27Faisant l’éloge de la raison, l’éthique communicationnelle de J. Habermas dégage les interactions verbales de toute contrainte autre que l’argument le meilleur. Il n’y a pas de place pour les rapports de force. Sa distinction entre activité communicationnelle et activité stratégique est à ce propos très claire5. L’échange évolue grâce à des arguments qui sont pertinents ou convaincants en fonction de leur seule valeur intrinsèque.

    28Cette conception invite à penser que les processus de légitimation reposent sur les échanges discursifs motivés par l’intercompréhension. On ne saurait la retrouver dans la posture de P. Bourdieu par exemple. Ce dernier, en effet, analyse les processus de légitimation au regard des pratiques stratégiques. Il pense que les agents sociaux sont dotés de ressources (économiques, culturelles, symboliques) réparties de façon inégale, et leurs relations sont pour lui le théâtre de rapports de force6.

    29L’analyse de politiques publiques rurales amène les observateurs à relever de façon récurrente que des catégories d’acteurs parmi les plus concernés par le projet ne sont pas associées aux débats participatifs organisés lors de la mise en œuvre de ces politiques. Certains peuvent être conviés, mais la place qui leur est aménagée ne les dote pas d’une grande liberté de parole. C’est notamment le cas des associations de protection de la nature au sein des forums constitués pour discuter des finalités de l’activité agricole où leurs représentants ont le statut d’invité aux côtés des organisations professionnelles agricoles qui, elles, sont dans leur propre lieu (Candau et Chabert, 2003).

    30Il faut donc reconnaître que dans la tension entre l’autonomie de l’espace public et son aménagement institutionnel (Habermas, 1989) peuvent interférer des processus de domination transmis par le dispositif mis en place pour l’organisation concrète des discussions.

    31J. Habermas insiste sur le fait que l’espace public est un processus d’élaboration cognitive qui invente son espace temporel et politique au fur et à mesure de son effectuation, tout comme l’appropriation sociale compose la qualité d’ouverture aux lieux que les acteurs pratiquent. Ce faisant, il présuppose que le public existe a priori, c’est-à-dire qu’il est toujours des personnes de la société civile ayant les capacités de s’impliquer dans une discussion contradictoire sur un sujet d’intérêt public.

    32Or, selon J. Dewey (2003), le sujet d’intérêt public doit lui-même être issu d’une réflexion préalable car il ne s’impose pas spontanément à la conscience de chacun : « Le public consiste en l’ensemble de tous ceux qui sont tellement affectés par les conséquences indirectes de transactions qu’il est jugé nécessaire de veiller systématiquement sur ces conséquences » (Dewey, 2003, p. 63). Pour s’organiser en collectif d’acteurs, les personnes doivent donc percevoir la nature et la portée de ces conséquences, et remonter à leur origine, ce qui ne va pas de soi tant les transactions d’origine sont souvent distantes des activités quotidiennes des personnes.

    33La vision classique de l’agora est bien une vision idéale. Doit-on en conclure que l’inférence des rapports de force dans les discussions et la nécessaire constitution du public organisé mettent à mal toute dimension politique de l’espace public au point de nuire à son existence ? Tout comme les usages et les formes matérielles de l’espace ouvert évoluent, de récents travaux nous poussent à faire l’hypothèse d’une transformation dans la forme et dans la nature des débats qui structureraient différemment l’espace public politique aujourd’hui.

    Des objets publics qui changent de nature et de cadre de production l’environnement en discussion

    34Habermas a conçu la notion d’espace public à un moment où l’identité nationale s’élaborait et Dewey annonce ses réflexions à une période de l’histoire où les États s’engagent (ou pas) dans la Société des Nations. H. Arendt annonce par contre une rupture historique dans la formation de l’ordre politique des États à partir du xxe siècle. Pour elle, c’est un principe distinct qui doit opérer à la constitution d’une communauté (basé sur l’identification fusionnelle) et à la constitution d’un espace politique (basé sur la pluralité). Car une concordance des deux donne forme à un régime totalitaire.

    35Cette distinction fondamentale libère l’espace public de l’unique institutionnalisation d’un ordre politique national. Elle permet d’envisager d’autres mobilisations collectives telles que les préoccupations environnementales qui annoncent un ordre politique émergent, difficile à qualifier aujourd’hui : « Cette forme de citoyenneté ne vient pas remplacer la conception territoriale préexistante, elle vient s’y heurter ou mieux s’y superposer par des phénomènes de résonance, de dissonance […] [elle] constitue un prisme de la complexité de la recomposition territoriale » (Banos, 2003, p. 32).

    36L’actuelle diversification des usages qui tendrait à faire évoluer l’espace rural vers une somme d’« espaces ouverts » ne manque pas d’être interrogée sur le plan de la qualité des relations sociales. L’idéal politique nous incline à espérer une cohabitation des usagers dans toute leur diversité, non de façon séparée, mais de façon reliée. Le lien social prendrait la forme d’une coprésence qui dépasserait l’acte de consommation individuel en tissant des ponts ou en mixant les territorialités de chacun afin d’éviter la juxtaposition de territoires particuliers. Car le paradoxe et le défi de l’espace public, si l’on suit H. Arendt comme le fait E. Tassin (1999, p. 514), c’est de relier tout en séparant par l’agrégation de la pluralité, ce qui permet d’échapper aux « deux écueils qui apparaissent ici comme deux formes de déliaison faisant écho aux deux figures dominantes de la politique moderne, l’image du corps politique [corps fusionnels tels les régimes totalitaires] et l’image libérale d’une société atomistique ».

    37Dans cette perspective, on peut interroger un programme récemment lancé sur le Pays des Bastides : le Contrat territorial d’exploitation à objectif paysager (CTE Paysage). Validé en 2002, conformément à la procédure européenne de la PAC et à la Loi d’orientation agricole de 1999, il propose aux agriculteurs des trois communautés de communes un contrat à signer avec l’État par lequel ils s’engageraient à entretenir certaines parties délaissées de leurs exploitations : haies, lisières, prés humides… L’objectif final vise à « Valoriser l’environnement et le patrimoine par l’amélioration de l’aspect visuel du territoire et donc sa mise en valeur auprès des touristes ». On voit de la sorte que l’espace dédié prioritairement à la production agricole est également voué à une vocation touristique. Cet élargissement peut-il faciliter la rencontre entre divers usagers sur certains espaces dorénavant ouverts ?

    38Plusieurs types d’acteurs sont a priori concernés par cet élargissement des finalités de l’activité agricole. Les agriculteurs bien sûr, mais aussi les touristes-visiteurs, tout comme les résidents secondaires et les résidents d’origine étrangère, relativement nombreux à être venus s’installer dans cette région du Périgord pour la qualité de son paysage. La légitimité de l’agriculture est renégociée, elle ne doit plus reposer sur la seule production de biens alimentaires. Les politiques publiques paysagères sur l’espace agricole ont accordé un droit de regard au visiteur. Dès lors, il se confronte à celui de l’agriculteur sur un même espace7.

    39Relier la pluralité tout en la maintenant, tel est le défi d’Arendt que l’on retrouve ici. Les préoccupations environnementales suscitent des débats. En discutant des relations que chaque catégorie d’acteurs entretient avec les objets environnementaux comme autant de conséquences inférant sur ces objets, ce sont en fi n de compte les relations entre les différents acteurs qui sont renégociées.

    40Si le public potentiel existe, au sens de Dewey, assiste-t-on pour autant à la constitution d’un espace public ? Autrement dit, la mise en paysage de l’espace rural pour poursuivre notre exemple se discute-t-elle dans des forums où la confrontation de points de vue pluriels produirait un nouvel ordre commun ?

    41L’agri-environnement a été institutionnalisé par des politiques publiques à partir des années 1980, notamment par les politiques agricoles, à la fois à l’échelle européenne et à l’échelle nationale. Sa reconnaissance la plus forte est même advenue dans le rapport de force commercial que se livrent les États Unis et l’Union européenne lors des négociations de l’Organisation mondiale du commerce. Pour justifier son soutien financier à ce secteur économique, les représentants européens ont fait valoir la vocation multifonctionnelle de l’agriculture de leurs pays (protection des ressources naturelles, protection des paysages, emploi, vitalité sociale des campagnes). Conformément à cette vision, des dispositifs d’intervention ont été conçus – comme les Contrats territoriaux d’exploitation – et leur mise en œuvre repose sur la participation d’une plus grande diversité d’acteurs. Dorénavant, les agents du ministère de l’Agriculture et les représentants professionnels qui siégeaient dans les instances officielles (la Commission départementale d’orientation de l’agriculture par exemple) ou les comités de pilotage partagent les tours de table avec des agents du ministère de l’Environnement, des représentants d’associations de protection de la nature, des représentants d’associations de pêcheurs ou de chasseurs. Autant de lieux institutionnels, à différentes échelles administratives, où il est intéressant de regarder le contenu et la dynamique des échanges8.

    42En conclusion provisoire, on serait tenté de dire que le débat public au niveau local, s’il existe, est morcelé, et s’installerait avant tout dans les réseaux institutionnels en lien avec les diverses échelles de la mise en œuvre des politiques publiques. La cause publique y serait portée par les agents de l’État (les fonctionnaires) ou les élus locaux (Candau et Moquay, 2004). Mais dans quelle mesure est-elle également défendue par des acteurs locaux organisés (de façon plus ou moins éphémère) et impliqués épisodiquement dans ces réseaux ou travaillant à des actions collectives autres, plus spécifiques et peut-être plus novatrices ?

    CONCLUSION : VERS UNE LECTURE SÉMANTIQUE

    43D’un côté, des espaces ouverts où est possible une coprésence d’acteurs divers entre lesquels la communication verbale a peu de place et, lorsqu’elle a lieu, est fortement régulée et planifiée par la marchandisation ou l’esthétisation des lieux. Les normes et valeurs lues et interprétées guident les personnes dans une syntaxe des conduites ordinaires qui autorise aussi l’évitement. D’un autre côté, des espaces de débats où la communication est avant tout langagière par la confrontation d’idées. Ici le cadre d’interaction proposé par le dispositif des discussions donne la grammaire d’une syntaxe discursive.

    44Comment convient-il de lire ces deux ensembles hétéroclites et apparemment imperméables ? Comme l’inscription spatiale d’un simple désir culturel de récréation sécurisée ? Comme la confiscation de l’impulsion politique par des « professionnels » ? On pourrait s’arrêter à cette première analyse pessimiste si on recherchait dès le départ un idéal-type d’espace public qui, finalement, bien qu’étant historiquement daté, appartient plus au monde de l’idéologie qu’à celui de l’expérience quotidienne. Nous préférons poser l’hypothèse que ce manque de lisibilité provient de la combinaison de trois éléments ponctuels : d’abord, si nous recherchons un espace public, l’évolution de sa forme et de sa nature nous laisse dépourvu de toute grille de lecture pour le reconnaître. Ensuite, comme nous nous trouvons, pour de multiples raisons, dans une époque de transition, il ne faut pas espérer trouver un espace public fabriqué de toutes pièces, mais plutôt des frémissements. Enfin, rien n’indique que ces frémissements aboutiront à l’émergence d’un véritable espace public, même si celui-ci, quelle que soit sa forme, demeure indissociable du fonctionnement d’une société démocratique.

    45Nous avons donc, pour l’instant, deux composants du puzzle. Il nous faut trouver le vecteur qui permettrait d’expliquer comment, à la période actuelle, apparaissent simultanément des espaces ouverts en milieu rural et des lieux de débats publics portant sur l’orientation environnementale de l’espace rural qui, jusque-là, avait une finalité agricole presque exclusive. Ce dénominateur commun, nous postulons que c’est la dimension sémantique.

    46Il faut considérer la notion « espace ouvert » comme étant une ramification de la figure théorique du lieu. En effet, en caractérisant certains espaces ruraux d’« espaces ouverts », on signale une construction sociale, un processus de transformation de l’espace en lieu. Or, un lieu n’existe pas par essence, sa dimension signifiante est socialement construite. C’est la narrativité, la mise en récit, qui rend possible l’émergence d’un lieu. En mettant l’accent sur le lieu, en tant qu’« espace interprétatif » (Micoud, 1991), nous souhaitons souligner que les dynamiques territoriales n’impliquent pas seulement des processus de reproduction d’une organisation sociale, mais peuvent également renvoyer à des dynamiques de production, d’avènement d’un sens nouveau. Le lieu peut ainsi être le contexte d’une expérience collective inventée pour répondre à un problème, cette fonction n’étant compréhensible que si l’on prend en compte sa dimension sémiotique. Mais cette production spatiale ne se fait pas à partir d’un espace neutre. Celui-ci est déjà investi par un système signifiant. On rejoint dès lors la dialectique transgression/acceptation des normes et des valeurs qui guident nos pratiques quotidiennes (Cresswell, 1996).

    47D’ailleurs est-ce que ce n’est pas dans cette capacité d’alternance entre construction/déconstruction des lieux qu’on doit voir une spécificité de la démocratie ? Ce qui idéalement distingue la démocratie des autres modes d’organisations est justement la manière dont les règles sont déterminées et peuvent être changées et appliquées (Entrikin, 1997). Par conséquent, dans une démocratie, la dimension publique du lieu ne serait-elle pas marquée par l’acceptation d’une indétermination de sens ? Autrement dit, l’espace public ne doit-il pas être un espace de négociation, où les valeurs à la base du lien social, tout en étant obligatoirement imposées, seraient soumises à un processus de construction/ déconstruction ? : « L’espace public est ce lieu où la communauté se défait d’un peu de sa rigueur ; elle y laisse, au moins jouer l’autre qui est en chacun de nous » (Pellegrino, Lambert et Jacot, p. 18).

    48Finalement, à la lumière de cet argumentaire, la particularité de l’espace rural, et sa potentialité de donner corps à un espace public, ne reposerait-elle pas justement sur un maintien d’une certaine ouverture, d’un certain flottement des significations, même dans le discours institutionnel ? J.-D. Urbain a certainement raison lorsqu’il dit « ce ne sont pas les faits que l’on critique ; ce sont les discours, qui prêtent aux lieux et aux usages un sens qu’ils n’ont pas et qui parlent à l’envie de « simple maison de pays » ou « d’un environnement nature » alors que rien n’est simple ni vraiment naturel dans cette affaire » (Urbain, 2002, p. 13). Même si, pour l’heure, cette publicisation est davantage une rhétorique, n’offre-t-elle pas, par sa puissance évocatrice, les conditions « idéales » pour construire des normes qui permettraient d’inscrire durablement cette tension nécessaire à l’existence d’un véritable espace public ?

    49La dimension narrative ferait ainsi le lien entre les réseaux institutionnels et les « espaces ouverts », c’est une sorte de fluide rendant possible l’émergence de ces lieux. Par ailleurs, c’est en maintenant, dans un équilibre instable, une pluralité sémantique que résident les meilleures conditions pour conférer une consistance d’espace public à cet ensemble. La question est de savoir si cette pluralité sémantique n’est pas nécessairement éphémère.

    50Dès lors, il faut pousser la conjecture plus loin et s’interroger sur la portée de cet ensemble : quel est le message qui se constitue ? En effet, de la nature du vecteur dépendra également le maintien ou non de cet équilibre instable nécessaire à la survie d’un espace public. Dans ces mises en récit, on devrait alors trouver une resémantisation du lien social par la requalification des objets de nature et des lieux.

    51L’espace public serait donc avant tout un espace de mise en récit, où se travaille la production de normes ; il ne serait donc plus seulement circonscrit en un lieu mais dans un domaine : « Parler de domaine, c’est désigner une topique des lieux articulés entre eux par l’institution symbolique d’un topos de la pluralité » (Tassin, 1999). Il nous faut peut-être considérer l’espace public en milieu rural comme étant une composition sémantique qui se manifeste concrètement en des formes éphémères et des lieux dispersés.

    52Toutefois, de nombreuses questions restent en suspens : À quelles échelles se déroulent ce processus complexe ? Où commence et où finit-il ? A-t-il même une finalité autre que celle que l’on peut observer actuellement ? Cet espace public ne serait-il pas nécessairement éphémère ? Enfin, concrètement, l’absence d’une matérialisation permanente de ces lieux n’enlève-t-elle pas l’historicité permettant l’identification des individus à ces valeurs ?

    Notes de bas de page

    1 Jacqueline.candau@cemagref.fr

    2 Pour une version actualisée de la thèse, voir Le Caro Y., Les loisirs en espace agricole. L’expérience d’un espace partagé, PUR, coll. « Géographie sociale », 2007.

    3 L. Bossuet (2003) montre au travers de divers exemples ruraux comment de simples attitudes quotidiennes alimentent l’incompréhension entre tous ces acteurs et donc le rejet mutuel.

    4 Hors des bourgs, la présence humaine est discontinue et la propriété privée prédomine, découpant l’espace en une multitude de petits territoires. Cela étant, les empreintes spatiales de cette propriété privée ne sont pas omniprésentes. Hormis les espaces clos (haies, clôtures électriques, murets) ou les espaces en cultures qui démontrent une priorité dans les usages au profit de la production agricole, il n’y a pas vraiment de barrières matérielles. Il y a donc, parfois, une absence de marqueurs univoques, c’est-à-dire un manque de visibilité de l’usage des espaces ruraux : « Les usages sociaux de l’espace agricole ne marquent pas le territoire. Ils ne sont ni permanents, ni continus » (Caro, 2002, p. 100). Par contre, de tels marqueurs ne sont pas l’apanage des exploitants agricoles car leur matérialisation est accentuée par l’urbanisation. Ainsi, le rachat de corps de ferme par des « néo-ruraux » s’accompagne bien souvent d’une mise en clôture de cet espace.

    5 « Dans l’activité stratégique l’un influe sur l’autre empiriquement (que ce soit en le menaçant d’une sanction ou en lui faisant miroiter des gratifications) afin d’obtenir la continuation escomptée de l’interaction, dans l’activité communicationnelle chacun est motivé rationnellement par l’autre à agir conjointement et ce en vertu des effets d’engagement illocutoires inhérents au fait que l’on propose un acte de parole » (Habermas, 1986, p. 79).

    6 « Dans la lutte pour l’imposition de la vision légitime, où la science elle-même est inévitablement engagée, les agents détiennent un pouvoir proportionné à leur capital symbolique » (Bourdieu, 1982, p. 101).

    7 Sur les politiques paysagères, voir Hervé Davodeau, « Politiques publiques et paysages : du discours aux pratiques », Dodier R., Rouyer A. et Séchet R. (dir.), Territoires en action et dans l’action, PUR, 2007, p. 157-167.

    8 D’un point de vue empirique, outre les mesures agro-environnementales, la mise en œuvre des projets de développement local (LEADER…) et les démarches de Pays doivent également être observées.

    Auteurs

    Vincent Banos

    Doctorant en géographie, Université Paris 4 et CEMAGREF Bordeaux

    Jacqueline Candau

    Sociologue,
    CEMAGREF Bordeaux

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    1 Jacqueline.candau@cemagref.fr

    2 Pour une version actualisée de la thèse, voir Le Caro Y., Les loisirs en espace agricole. L’expérience d’un espace partagé, PUR, coll. « Géographie sociale », 2007.

    3 L. Bossuet (2003) montre au travers de divers exemples ruraux comment de simples attitudes quotidiennes alimentent l’incompréhension entre tous ces acteurs et donc le rejet mutuel.

    4 Hors des bourgs, la présence humaine est discontinue et la propriété privée prédomine, découpant l’espace en une multitude de petits territoires. Cela étant, les empreintes spatiales de cette propriété privée ne sont pas omniprésentes. Hormis les espaces clos (haies, clôtures électriques, murets) ou les espaces en cultures qui démontrent une priorité dans les usages au profit de la production agricole, il n’y a pas vraiment de barrières matérielles. Il y a donc, parfois, une absence de marqueurs univoques, c’est-à-dire un manque de visibilité de l’usage des espaces ruraux : « Les usages sociaux de l’espace agricole ne marquent pas le territoire. Ils ne sont ni permanents, ni continus » (Caro, 2002, p. 100). Par contre, de tels marqueurs ne sont pas l’apanage des exploitants agricoles car leur matérialisation est accentuée par l’urbanisation. Ainsi, le rachat de corps de ferme par des « néo-ruraux » s’accompagne bien souvent d’une mise en clôture de cet espace.

    5 « Dans l’activité stratégique l’un influe sur l’autre empiriquement (que ce soit en le menaçant d’une sanction ou en lui faisant miroiter des gratifications) afin d’obtenir la continuation escomptée de l’interaction, dans l’activité communicationnelle chacun est motivé rationnellement par l’autre à agir conjointement et ce en vertu des effets d’engagement illocutoires inhérents au fait que l’on propose un acte de parole » (Habermas, 1986, p. 79).

    6 « Dans la lutte pour l’imposition de la vision légitime, où la science elle-même est inévitablement engagée, les agents détiennent un pouvoir proportionné à leur capital symbolique » (Bourdieu, 1982, p. 101).

    7 Sur les politiques paysagères, voir Hervé Davodeau, « Politiques publiques et paysages : du discours aux pratiques », Dodier R., Rouyer A. et Séchet R. (dir.), Territoires en action et dans l’action, PUR, 2007, p. 157-167.

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    Banos, V., & Candau, J. (2008). L’émergence d’un espace public en milieu rural : jalons méthodologiques. In R. Séchet, I. Garat, & D. Zeneidi (éds.), Espaces en transactions (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.448
    Banos, Vincent, et Jacqueline Candau. « L’émergence d’un espace public en milieu rural : jalons méthodologiques ». In Espaces en transactions, édité par Raymonde Séchet, Isabelle Garat, et Djemila Zeneidi. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2008. https://doi.org/10.4000/books.pur.448.
    Banos, Vincent, et Jacqueline Candau. « L’émergence d’un espace public en milieu rural : jalons méthodologiques ». Espaces en transactions, édité par Raymonde Séchet et al., Presses universitaires de Rennes, 2008, https://doi.org/10.4000/books.pur.448.

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    Séchet, R., Garat, I., & Zeneidi, D. (éds.). (2008). Espaces en transactions (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.414
    Séchet, Raymonde, Isabelle Garat, et Djemila Zeneidi, éd. Espaces en transactions. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2008. https://doi.org/10.4000/books.pur.414.
    Séchet, Raymonde, et al., éditeurs. Espaces en transactions. Presses universitaires de Rennes, 2008, https://doi.org/10.4000/books.pur.414.
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