Le travail et l’organisation du travail dans les associations d’aide à domicile, entre industrialisation et résistances
p. 101-115
Texte intégral
1Le secteur de l’aide à domicile a engagé depuis les années 1970, avec la signature de la première convention collective du secteur en 1970, un processus multidimensionnel et multiforme de professionnalisation. Nous optons dans cette contribution pour une approche constructiviste de la professionnalisation, au sens de la constitution d’une profession, telle que définie par Aballéa (2005), à savoir : « Une activité ayant un objet spécifique », reposant sur une « qualification » (c’est-à-dire « un savoir constitué et validé »), mise en œuvre selon une « déontologie » (c’est-à-dire « des règles normatives reconnues et publicisées »), « dotant ceux qui la pratiquent d’un titre et d’un statut distinctifs » (p. 55). Lorsque les activités existent déjà, la constitution d’une profession implique la reconnaissance et la clarification des activités réalisées, comme c’est le cas pour l’aide à domicile. Ce sont précisément ces processus favorisant la reconnaissance et la clarification des activités et des métiers de l’aide à domicile que nous désignerons sous le terme générique de « professionnalisation ». C’est pourquoi, nous parlerons des processus et non du processus de professionnalisation.
2Ces processus de professionnalisation ont connu une nette accélération depuis le début des années 2000, notamment avec la loi rénovant l’action sociale et médico-sociale du 2 janvier 2002, ainsi que l’accord de branche du 29 mars 2002 sur les rémunérations et les qualifications des salariés aides à domicile. Cependant, plusieurs travaux (Puissant, 2006 ; Devetter et Rousseau, 2007) montrent que, parallèlement à un mouvement de professionnalisation (reconnaissance de la nécessité de compétences spécifiques et parfois de qualifications, autour de la création de nouveaux diplômes, de la clarification des tâches et des missions, etc.), ce secteur, dont les activités sont issues de la sphère domestique, évolue aussi dans le sens d’une industrialisation, où la performance technique (repasser une chemise dans un temps réduit) tend à constituer un des fondements de l’efficacité des salariés. Dans les services relationnels en général, plusieurs auteurs (Gadrey, 2003 ; Ughetto, 2004) ont constaté une tendance globale à la recherche de gains de productivité, tel que l’atteste la croissance du contrôle du travail des aides à domicile chez les usagers par des contrôles téléphoniques (diffusion d’outils de télégestion), ou par des recherches de normes productives (décider le temps que chaque salarié devra prendre pour repasser une chemise, ou pour nettoyer une surface donnée, et réaliser les plans d’aide en conséquence). Cette recherche de gains de productivité peut prendre la forme d’une industrialisation, dont l’outil principal est la rationalisation, qui s’avère entrer en contradiction avec la reconnaissance globale des missions des activités d’aide à domicile auprès des publics fragiles.
3Le but de cette contribution1 est ainsi de montrer que cette tendance à l’industrialisation ne s’opère pas sans résistances, tant le développement d’outils de rationalisation entre en contradiction avec l’histoire de l’émergence, de la construction et de la consolidation des activités d’aide à domicile au sein de ces institutions historiques particulières que sont les associations. Pour mettre en exergue ces résistances, elles-mêmes vectrices de tensions, nous procéderons en deux temps. Nous commencerons par revenir sur la manière dont le travail et l’organisation du travail se sont progressivement consolidés dans les associations d’aide à domicile, autour de deux processus majeurs : d’une part, autour d’un continuum allant du domestique au professionnel, et d’autre part, autour de l’affirmation de la centralité du rôle de l’usager dans la co-production des services. Dans un second temps, nous analyserons les points d’achoppement de ces héritages associatifs avec les tendances en cours à l’industrialisation des services d’aide à domicile. Ces points d’achoppement s’incarnent dans des résistances perceptibles à deux niveaux dans les associations du secteur : d’abord des résistances liées à la nature du travail et de l’activité, du fait de la contradiction entre les mondes de production domestique et industriel ; ensuite des résistances revendiquées par les acteurs, face aux risques de standardisation du service rendu.
Organisation progressive du travail dans les associations d’aide à domicile
4Le travail a émergé et s’est organisé autour de deux processus simultanés dans les associations d’aide à domicile : autour d’un développement de l’emploi salarié (passage du bénévolat au salariat) plus ou moins progressif selon les associations, ou pour certaines autour d’une professionnalisation (passage du domestique au professionnel), qui s’est elle-même réalisée sur la base d’une figure centrale dans ces associations, celle de l’usager des services.
L’activité professionnelle comme prolongement de l’activité bénévole ou domestique
Un continuumhistorique du bénévolat au salariat dans les associations
5En général, dans les associations de solidarité, l’intégration des salariés à l’organisation s’est traditionnellement faite sur la base d’un continuum entre bénévolat et salariat (Demoustier et Rousselière, 2007), sur le modèle traditionnel des grands établissements sociaux, socio-sanitaires et socio-éducatifs (Artis, Demoustier, Hofmann et Puissant, 2008). Le salariat était alors plutôt synonyme d’autonomie et de polyvalence, et faisait moins référence à la notion de subordination (Demoustier et Ramisse, 2000). Cette nature particulière du salariat tel qu’il a émergé peut s’expliquer par un mouvement symétrique, mis en exergue par Alain Supiot (1998), mouvement qui existerait entre différents statuts du travail présents au sein d’un même collectif de travail : la diffusion du modèle de travail salarié dans les sphères d’activité qui lui échapperaient, et parallèlement la réincorporation au travail salarié de valeurs qui étaient jusqu’alors le propre du travail non salarié. En ce sens, ce continuum pouvait permettre de réaménager le compromis juridique autour du statut salarié, à savoir la subordination contre la protection et la sécurité, en articulant de fait les notions de subordination (liée à la nature même du contrat de travail) et d’engagement au travail (activité salariée comme continuité de l’engagement bénévole antérieur). Ce continuum était structurant pour l’association qui s’assurait un recrutement aisé et l’adhésion de ses salariés, anciens bénévoles de l’association. Il l’était également pour le parcours individuel des personnes, en termes de carrière professionnelle, de promotion de l’engagement, ou encore d’intérêt pour un travail choisi. Aujourd’hui, ce continuum est éclaté entre les différentes formes du travail rémunéré (différents statuts du travail peuvent coexister au sein d’une même organisation), indemnisé (différentes formes de volontariat) et non rémunéré (militantisme, bénévolat).
Un continuum du domestique au professionnel dans les associations d’aide à domicile
6Dans le cas de l’aide à domicile, les premières formes de travail développées dans le cadre associatif pouvaient être du travail non rémunéré : l’entraide de voisinage auprès de ses voisins âgés, auprès de ses voisines, mères de familles célibataires, etc. Progressivement, ces aides à domicile sont devenues des bénévoles indemnisées puis rémunérées, jusqu’à devenir salariées de l’association pour laquelle elles travaillaient depuis déjà plusieurs années. Toutefois, la majorité des associations d’aide à domicile aux familles ne sont pas passées par cette étape du travail bénévole. C’est le cas pour les associations créées dans le cadre des mouvements familiaux populaires, qui ont tout de suite après la guerre salarié les intervenantes à domicile, et ont même, dès 1944, ouvert des écoles de formation pour les travailleuses familiales.
7Il semble ainsi que dans les associations d’aide à domicile, le mouvement structurant et consolidant le travail soit moins un continuum allant du bénévolat au salariat qu’un passage lent, progressif et non rectiligne allant du domestique au professionnel. C’est ici son origine domestique qui nous semble être l’élément déterminant du travail d’aide à domicile, et qui nous semble être explicative des obstacles à la reconnaissance de ce travail comme étant un travail professionnel. Qu’il soit d’emblée salarié ou d’abord bénévole, le travail des aides à domicile a d’abord été motivé par l’aide et le soutien aux personnes âgées et aux familles nécessiteuses, dans une logique plutôt domestique, au sens où on reproduit chez les usagers des services les mêmes activités et gestes que chez soi. L’intervention chez autrui s’appréhende dans ce cadre moins en termes d’externalisation des tâches domestiques qu’en termes d’extension de la sphère domestique. Le continuum ici déterminant est donc celui allant du domestique dans le sens précisé plus haut, au « professionnel », au sens où les services réalisés à l’extérieur de son propre domicile détiennent une plus-value par rapport aux activités pour soi et chez soi.
Introduction problématique de la figure du professionnel extérieur
8La recomposition de ce continuum s’impose du fait d’une double transformation. L’aide à domicile étant un secteur en pleine expansion mais, rencontrant des difficultés de recrutement, les associations de ce champ sont désormais des recruteurs directs sur le marché du travail, et gèrent moins des trajectoires professionnelles en interne. Avec l’élargissement de leurs activités, les associations ont dû embaucher à l’extérieur de leur réseau traditionnel. Elles ont ainsi mis en œuvre une réelle politique de recrutement et de gestion de la main-d’œuvre, qui dépasse l’organisation de l’ancien continuum en interne.
9Ainsi, depuis les années 1990, l’arrivée massive de nouvelles salariées2 a modifié le rapport au travail et à l’organisation. Ces aides à domicile travaillent dans ce secteur désormais davantage en raison de nécessités financières que par choix professionnel. Il s’agit en général de femmes faiblement qualifiées, qui sont orientées dans ce secteur par des structures d’insertion, des conseillers emplois ou des travailleurs sociaux. De ce fait, le salariat associatif perd progressivement son caractère d’engagement qui contrebalançait celui de subordination. Ce travail semblant être un travail avant tout « alimentaire » (ce qui n’exclut pas une envie au départ de travailler dans ce secteur), les salariées sont plus préoccupées qu’auparavant par l’organisation du travail et leurs conditions de travail, et ont par conséquent tendance à être moins conciliantes avec leur employeur.
10La remise en cause du continuum entre bénévolat et/ou domestique d’une part et salariat et/ou professionnel d’autre part, comme mode de consolidation de l’emploi dans les associations d’aide à domicile, implique une externalisation des tâches domestiques qui se réalise sur la base d’un emploi d’emblée professionnel (on fait intervenir une aide à domicile chez soi car c’est une professionnelle, et non plus parce qu’on la connaît). L’introduction de la figure de la professionnelle extérieure, au sens d’une personne d’emblée professionnelle, peut venir bousculer l’association qui fonctionnait principalement sur des logiques civique et domestique, à la base du fonctionnement associatif dans ce secteur. Il s’agit d’abord d’une logique civique, visant la promotion de la classe ouvrière : le soutien à domicile se fait par et pour les ouvriers. Il s’agit ensuite d’une logique domestique, visant un idéal de charité chrétienne, dans une relation fortement personnalisée, l’aidant faisant don de sa personne et de son temps pour secourir des populations dans le besoin (Dussuet et Loiseau, 2007).
11L’externalisation des tâches domestiques initialement réalisées dans la gratuité et le don, s’est ainsi appuyée dans les associations sur l’introduction de la figure du salarié professionnel, comme intermédiaire entre l’usager et le militant associatif. Mais cette intermédiation constitue un éloignement par rapport à la logique du don, du fait de l’entrée dans les familles d’une personne étrangère rémunérée pour son activité. Elle implique également un éloignement par rapport à la logique civique qui aspire à une égalité forte, puisque le salarié et le militant associatif sont liés par un rapport de subordination, inhérent à tout contrat salarié. Ainsi, la figure traditionnellement prédominante de l’usager (c’est avant tout pour servir les usagers que le service a été pensé, et non pour employer des salariés), ainsi que l’histoire particulière de la consolidation de l’emploi dans les associations d’aide à domicile contribuent à expliquer la lente émancipation de la sphère domestique et, par conséquent, la lente émergence d’une conscience professionnelle dans ce secteur, comprise comme un sentiment d’appartenance à une équipe de professionnelles, et la reconnaissance tout aussi lente que l’on ne réalise pas le même service chez soi et chez des usagers extérieurs.
La place centrale accordée aux usagers des services : un service initialement pensé sur la base d’une co-production
L’héritage ouvrier des associations
12Les associations d’aide à domicile sont issues de deux mouvements, ouvrier et catholique, intégrés dans la mouvance catholique sociale, à l’origine de la création des premières associations d’aide aux familles puis aux personnes âgées (Dermenjian, 1991). En ce sens et conformément à ce qui a été évoqué plus haut, les associations constituent un compromis entre les sphères civique et domestique (Dussuet et Loiseau, op. cit.).
13S’il est souvent noté que l’héritage catholique est encore perceptible dans les associations d’aide à domicile, l’héritage ouvrier est moins souvent évoqué. Pourtant, la promotion de la classe ouvrière par la participation des ouvriers à la réalisation de services d’entraide à la vie quotidienne est essentielle, et contribue à expliquer la forte compatibilité de l’organisation de ces services avec le statut associatif : à partir du principe de la « double qualité » (Vienney, 1994, p. 47), les femmes d’ouvriers sont à la fois usagères et productrices – conceptrices des services. La double qualité est organisée dans ces premières associations d’aide à la vie quotidienne, dans le cadre d’une fonction employeur collective, bénévole, assumée par un conseil d’administration, permettant la participation directe des usagers à l’activité de l’association. Aux débuts de ces associations, les conseils d’administration étaient composés de trois groupes, représentant chacun un tiers des administrateurs : les familles usagères (qui étaient en général aussi usagères des services), les responsables militants et les salariés. Dès le départ et comme le notent Dussuet et Loiseau (2007), le statut du CA est vecteur de tensions, les militants étant d’emblée écartelés entre la gestion et l’action.
14L’association des femmes d’ouvriers à l’organisation du service a été dès le départ affichée comme un objectif majeur des premières associations d’aide à la vie quotidienne, pour reprendre la terminologie de l’entre-deux-guerres. L’enjeu était de produire un service différent de l’aide sociale traditionnelle qui était une aide pour des bénéficiaires, et non pas un service pour des usagers. D’ailleurs, l’étude des statuts des premières associations atteste clairement que la centralité de l’usager, la préservation de son autonomie, de sa personnalité, de sa dignité, par sa participation directe aux services, constituent le premier objectif des associations dès leur création. Par exemple, le premier objectif des services de l’aide familiale populaire, créée en 1942 dans le cadre des jeunesses ouvrières chrétiennes, est le suivant :
« Il s’agissait tout d’abord de faire la promotion du monde ouvrier, d’assurer la participation des usagers, leur donner l’occasion d’une prise de responsabilité et leur permettre ainsi de ne pas se sentir de perpétuels assistés. » (Statuts cités par Bonamy, 1984, p. 299.)
15Une motion votée par l’assemblée générale du service des aides familiales au congrès du mouvement familial populaire en 1949 va dans le même sens : « Pour que notre service ne s’aligne pas sur le type des services sociaux actuels, l’assemblée condamne toutes les associations qui ne seraient pas gérées avec les USAGERS3 eux-mêmes » (citée par Duriez et Nizey, 2002, p. 206). C’est précisément pour ne pas reproduire les effets pervers de l’assistance sociale traditionnelle (assistance et infantilisation) que les services d’aide à la vie quotidienne ont été pensés sur la base de cette double qualité, qui est un élément de définition des organisations d’économie sociale. Cette double qualité et la centralité de la figure de l’usager dans la production et l’organisation des services impliquent un service d’une autre nature que les services destinés à des bénéficiaires non participants à la définition du service. En effet, la notion de l’usager implique l’organisation d’un service et d’une activité qui dépasse la stricte réponse à des besoins formulés : « Ce n’est pas pour répondre seulement aux besoins des gens que nous travaillons, mais pour une véritable mystique de grandeur et d’épanouissement. » (Rapport présenté au congrès du MPF de 1945, cité par Lemonnier, 2002, p. 318.) L’usager apparaît dans ce contexte comme étant l’« utilisateur de services dont le coût n’est pas celui du marché mais un coût inférieur puisque socialisé » (Lemonnier, op. cit., p. 317).
Co-construction du service et relation d’usage
16La place privilégiée que se voient accorder les usagers dans les associations permet une co-production des activités, le service étant d’abord envisagé du point de vue de l’usager.
17Le terme d’usager est bien antérieur à la notion de relation d’usage. Pendant longtemps, en effet, les usagers de l’action publique sociale ont été définis comme des personnes « en situation d’aide, d’urgence, d’exclusion, de marginalité », comme des « hommes de peu qui jouissent de la charité républicaine », dans le cadre d’une « économie moraliste » (Bourquin, 2001). L’apparition de la notion de « relation d’usage » a permis le développement d’une autre acception de la notion d’usager, centré sur celle d’usage, qui ne peut être ramenée à la notion d’utilisation4. En effet, « parler de l’usage, c’est choisir de laisser une place à toutes ces adaptations, tous ces accommodements et ces approximations successifs qui font le quotidien de celui qui a l’usage d’une chose. On refuse alors de cibler de façon trop définitive l’objectif d’un service et le mode d’utilisation qu’un public doit avoir » (ibid.). Cette acception est plus proche de la figure historique de l’usager, autour de laquelle s’est construit le mouvement populaire des familles, qui a donné naissance aux premières associations d’aide à domicile aux familles et aux personnes âgées.
18La relation d’usage est un point d’ancrage que les associations se donnent pour tenir et rendre compte de la relation complexe entre salariés et usagers dans l’aide à domicile. Cette relation d’usage renvoie à une relation institutionnalisée d’adaptabilité conjointe : intervenant et usager définissent à l’usage l’activité réalisée. En ce sens, « l’usage, c’est ce qui éprouve les conceptions toutes faites de ce que doit être l’aide sociale, il laisse place à une initiative de l’usager, il permet l’instauration d’une interaction, d’une participation » (ibid.). La co-production du service, qui est le propre de toute relation de service5 (Laurent, 1997), passe ici par une co-construction du besoin, permise dans les associations par la « double qualité » des usagers qui sont à la fois bénéficiaires du service tout en participant à sa définition. Concevoir le service d’aide à domicile dans le cadre d’une relation d’usage suppose dès lors de laisser une place importante à l’imprévu, à l’interaction avec l’usager, ce qui conduit à l’élaboration de contrats incomplets (entre l’usager et l’association, entre l’usager et l’intervenante à domicile, et entre l’intervenante-salariée et l’association-employeur), et implique de prendre en compte les besoins au sens large et dans leur pluralité. En effet, au vu de la complexité du service d’aide à domicile, celui-ci doit rester relativement indéterminé en amont, pour laisser la marge de manœuvre nécessaire aux salariées, directement en lien avec les usagers, pour procéder à des adaptations et des ajustements tout au long du processus de production du service. Ainsi, la reconnaissance de la centralité de la relation d’usage dans la production et la délivrance d’un service rend nécessaire la prise en compte de la personne usagère dans sa totalité et dans sa complexité, au-delà de quelques besoins précis et clairement formulés. En ce sens, la relation d’usage et la co-production du service impliquent une autonomie dans le travail des salariées, puisque cela nécessite d’organiser un service plus complexe que la réponse à un besoin d’entretien du foyer d’une personne âgée en perte d’autonomie. Le strict entretien du foyer pourrait être effectué par une entreprise de nettoyage, alors que la relation d’aide à domicile centrée autour de l’usager implique d’utiliser les tâches domestiques d’entretien du foyer comme l’occasion de nouer un contact étroit et d’installer une relation entre la professionnelle et l’usager. Le caractère incomplet des contrats doit alors laisser la possibilité à la professionnelle d’associer les usagers dans ses tâches matérielles, de dégager du temps pour ne pas seulement faire, mais aussi pour « faire avec », dans la mesure où une des missions reconnues aux aides à domicile par la loi du 2 janvier 2002 est la prévention de la dépendance : en associant les usagers à leurs activités, les aides à domicile contribuent à reculer le moment où les usagers perdent leur autonomie.
19Ainsi, les associations d’aide à domicile ont fait émerger des activités non reproductibles, qui comportent des dimensions d’implication et de dynamique collectives difficilement standardisables, dans le cadre d’un service construit autour d’une relation particulière, la relation d’usage.
Une tendance à l’industrialisation en contradiction avec les héritages associatifs
20La clarification des tâches réalisées par les aides à domicile, clarification qui, selon nous, participe d’un processus plus général de la constitution d’une profession, se réalise aujourd’hui largement selon des modalités industrielles qui ne s’appliquent pas aisément dans un univers issu du monde domestique. L’industrialisation des services d’aide à domicile s’appuie sur des processus de rationalisation, qui touchent aussi bien le cœur de l’activité que l’organisation du travail.
La rationalisation comme outil de la professionnalisation ?
21Sous la pression de diverses mutations (vieillissement de la population, croissance des handicaps, essor du travail féminin, précarisation croissante, etc.), les associations d’aide à domicile ont dû amorcer un processus de professionnalisation, qui a pris les formes d’un éloignement progressif du registre domestique, c’est-à-dire le lieu de la famille, où les règles existent mais sont implicites, et où l’efficacité ne se mesure pas aux compétences rationnelles, mais à la capacité des individus à suivre les traditions, l’exemple des aînés. Or, face à la pluralité des conventions de professionnalité possibles dans ce secteur d’activité particulier – domestique, civique, industrielle, marchande, etc. – (Ribault, 2008b), et à partir de la grille de lecture des économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot, 1991), il apparaît qu’une modalité de la professionnalisation en cours de ce secteur d’origine domestique est une modalité industrielle. Cette approche sous-entend que les processus de rationalisation, qui participent d’une logique d’industrialisation, n’entrent pas nécessairement en contradiction avec l’idée de la professionnalisation de certains acteurs du secteur, mais constituent au contraire, une modalité de la professionnalisation. En effet, une des acceptions du terme professionnalisation, que l’on retrouve auprès d’acteurs du secteur, est proche de la rationalisation de l’organisation du travail, telle qu’elle a pu s’effectuer dans des entreprises industrielles. Ainsi, Michèle Debonneuil, membre du conseil d’analyse économique à l’initiative d’un rapport qui a fortement influencé le plan Borloo, défend la nécessité d’une industrialisation des services à la personne, comme l’atteste le titre d’un article (Deschamps, 2009) : « Pour créer un nouveau cycle de croissance, il est nécessaire d’industrialiser les services à la personne. » Toutefois, si le processus de rationalisation est considéré par certains comme un processus de professionnalisation parmi d’autres, nous verrons que les processus de rationalisation tels qu’ils se développent dans les associations d’aide à domicile, entrent bien en contradiction avec la notion constructiviste de la professionnalisation, telle que définie au début de ce chapitre, qui insiste sur la reconnaissance d’un savoir et d’un savoir-faire spécifique et consacré aux salariés.
Un double processus de rationalisation
22La rationalisation dans les associations d’aide à domicile est le résultat de deux processus : d’une part, la rationalisation de l’activité, avec des tentatives d’instaurer une division « technique » du travail ; d’autre part, la rationalisation de l’organisation du travail dans une logique de maîtrise des financements publics, et notamment la rationalisation du temps de travail et de la gestion des plannings. Le « tournant 2002 » est le produit de plusieurs textes6 qui participent à la régulation du secteur d’activité (voir les deux premiers chapitres de cet ouvrage). Ce tournant marque la reconnaissance de l’aide à domicile comme appartenant au secteur social et médico-social, ce qui entraîne une reconnaissance de la nécessité d’avoir du personnel qualifié. Ce tournant constitue aussi un pas en avant dans la reconnaissance des professions, opérée notamment grâce à la classification des emplois réalisée dans le cadre de l’accord de branche. Ce tournant conduit enfin à la formalisation des pratiques, comme étape de la professionnalisation des activités.
23La structuration du secteur nécessite une reconnaissance de ses métiers et une clarification des tâches attribuées aux différentes catégories qui forment le vaste métier d’« aide à domicile » : avec la catégorisation des aides à domicile7, les tâches sont désormais répertoriées, et les emplois sont caractérisés en fonction de « la finalité, des principales activités, des conditions particulières d’exercice de la fonction, des conditions d’accès et des compétences » (Accord de branche du 29 mars 2002). Dans la pratique, la reconnaissance de la nécessité de compétences spécifiques pour une partie des aides à domicile seulement, prend la forme d’un découpage des activités et d’une division de la reconnaissance professionnelle. Ainsi, la reconnaissance des professions d’aide à domicile s’est opérée selon la logique du « dirty work » (Hughes, 1952) : on reconnaît des professions en ne prenant en compte que les tâches les plus « nobles » (l’aide à la personne plutôt que l’entretien du foyer) ; cela entraîne donc une division du travail entre travailleurs qualifiés et non qualifiés. C’est ce que nous entendons par rationalisation des tâches. Bien sûr, ces catégories ne sont pas étanches et la validation des acquis de l’expérience instaurée par la loi de modernisation du 17 janvier 2002 permet l’obtention du diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale, et ainsi le passage à la catégorie la plus élevée des aides à domicile, à savoir la catégorie C. D’ailleurs, entre 2002 et 2006, 10 000 dossiers ont été déposés pour le seul secteur de l’aide à domicile (Dohy et Fleury, 2006). Toutefois, des obstacles réels à la VAE existent (Neyrat, 2007). Une enquête de terrain réalisée auprès des principales associations iséroises d’aide à domicile (Puissant, 2010) montre que des salariées parmi les plus expérimentées refusent de s’engager dans une telle démarche, du fait de la difficulté pour des personnes à faible niveau d’études, d’amorcer un processus de validation fondé principalement sur l’expression. Devoir exprimer sur le papier ce que l’on fait de manière assez naturelle, chaque jour, peut nécessiter un accompagnement tout au long de la démarche, pour des personnes qui ne détiennent pas le niveau d’expression « académique » (Bourdieu et Passeron, 1970). C’est pourquoi, si elle n’est pas accompagnée, la VAE peut s’avérer inaccessible à toute une partie du personnel.
24Un second axe de ce processus de structuration du secteur d’activité est la modulation du temps de travail8. L’application conjointe de ces deux mesures a pour effet de morceler le travail des aides à domicile, c’est que nous appelons rationalisation de l’organisation du travail. Les relations uniques et privilégiées entre un professionnel et un usager, qui constituaient la motivation principale des salariés, sont de moins en moins possibles, du fait des exigences de rationalisation des temps d’intervention. Dans un contexte de rationalisation des structures et de leur organisation du travail, les cadres d’intervention régissent désormais l’activité des salariés, au risque que l’activité soit vécue comme moins passionnante. Ainsi, la rationalisation des temps d’intervention et de la gestion des plannings se manifeste notamment par une parcellisation des interventions ; dont le degré diffère en fonction des politiques locales, notamment celles des conseils généraux, en charge de la gestion de la dépendance. Les plans d’aide, en général établis par des assistants sociaux du Conseil général, deviennent de plus en plus précis et prévoient des interventions d’une demi-heure et même d’un quart d’heure, par exemple pour mettre un plat dans le four micro-onde. Ce quart d’heure d’intervention prévu, s’il est suffisant pour monter les escaliers jusqu’à la porte d’entrée de la personne, entrer, prendre le plat, le mettre dans le micro-onde, attendre qu’il soit chaud, puis le mettre sur la table avec des couverts, il n’est en revanche pas suffisant pour prendre des nouvelles de la personne, s’entretenir avec elle et ne pas se contenter d’entrer dans son domicile, dans son intimité, et se précipiter à la cuisine. De plus, ce temps n’est pas suffisant pour gérer les imprévus (une personne ayant besoin d’aller aux toilettes et attendant son aide à domicile pour y aller, une personne à changer, une personne déprimée et isolée qui attendait sa seule visite de la journée pour discuter un peu de ce qui se passe à l’extérieur, etc.). Le raccourcissement de la durée des interventions engendre une forte parcellisation des tâches et des interventions des aides à domicile et supprime la part d’incertitude et d’autonomie inhérente à la relation d’usage. Ces situations mènent à des phénomènes de saturation des salariées qui « enchaînent les personnes âgées comme on fait un marathon9 », mais aussi des personnes âgées elles-mêmes qui voient défiler plusieurs aides à domicile dans leur intimité. Cette double rationalisation du temps de travail et de la gestion des plannings est synonyme pour les salariées d’une accélération des cadences, d’un surcroît de stress (elles sont presque systématiquement en retard chez les usagers) et d’une baisse sensible de l’intérêt qu’elles trouvaient auparavant à leur travail.
Des résistances à cette industrialisation dans les associations
25Deux niveaux de résistance à cette professionnalisation rationalisante existent : d’abord des résistances autour de la nature de l’activité, mettant en exergue les contradictions entre les « mondes de production » domestique et industriel, pour reprendre la terminologie de Salais et Storper (1993). Il s’agit de résistances « de fait », qui se manifestent par les difficultés pratiques à appliquer des outils de rationalisation sur le modèle industriel dans ce secteur. Des résistances existent aussi à un deuxième niveau : il s’agit de résistances stratégiques, revendiquées, organisées par certains groupes d’acteurs, face aux risques de standardisation du service rendu. Ces résistances se manifestent par de vives tensions dans la relation de travail.
26La majorité des aides à domicile rencontrées sur le département de l’Isère (Puissant, 2010), énoncent en premier lieu l’organisation du travail, lorsqu’on aborde les difficultés qu’elles rencontrent dans leur quotidien professionnel. Ces difficultés s’expliquent largement par les changements radicaux nécessaires de l’organisation du travail, dans le contexte de mise en place d’une professionnalisation reposant, partiellement du moins, sur des logiques industrielles. Dans ce contexte, on note une double tendance : d’une part, une tendance à l’augmentation de la part du travail prescrit et, d’autre part, une tendance à la précision croissante des plans d’aide dans le cadre de l’APA (la part d’incertitude, qui représentait une marge d’action importante dans le cadre de la relation d’usage, tend à se réduire considérablement ; les aidants tendant à devenir de simples opérateurs des plans d’aide). Ces deux tendances se manifestent concrètement dans le raccourcissement des temps d’intervention prescrits par les prescripteurs publics essentiellement (conseil général, caisse d’allocations familiales, etc.) : les interventions de longue durée (deux heures) qui étaient la norme, deviennent de plus en plus rares, des interventions plus courtes mais plus fréquentes sont privilégiées, avec des injonctions précises et qui peuvent être quasiment minutées. Le quart d’heure ou la demi-heure prescrite le matin doit servir au lever et à la toilette, l’intervention du midi à la prise du repas, celle du soir au coucher, etc. Le temps de la relation, de l’adaptation à l’autre, est largement diminué, voire rendu impossible sous la pression de ce morcellement des interventions et corrélativement du travail des aides à domicile. Avec la disparition progressive de l’incertitude et du caractère incomplet des contrats tel que présenté plus haut, disparaît aussi la coproduction continue du service rendu avec l’usager. Ces deux tendances entrent en contradiction avec les héritages associatifs précédemment évoqués : caractère incomplet des contrats, respectueux de l’incertitude et de l’autonomie inhérentes à la relation de service, rendant limitée la prescription du travail, coproduction avec l’usager, etc. Ces activités historiques présentant des parties non standardisables ni reproductibles s’avèrent difficilement compatibles avec des modes de gestion industriels, visant à dégager des gains de productivité par des outils de rationalisation de l’organisation du travail. Enfin, cette double tendance freine l’émergence d’une professionnalité négociée, qui serait conforme aux logiques domestique et civique promues par les associations.
27À côté des résistances liées à la nature de l’activité, du fait de l’histoire et de la nature des activités centrées sur la figure de l’usager (voir plus haut), nous identifions un deuxième niveau de résistances, qui est le fait de stratégies collectives ou plus structurées de résistance. Ces stratégies qui révèlent une opposition aux risques de standardisation des services se manifestent essentiellement au travers des discours des représentants de l’association ou de fédérations d’associations d’une part, et des syndicats de salariés, d’autre part. Un premier type de discours répandu parmi les représentants d’associations, qu’ils soient directeurs salariés ou administrateurs bénévoles, consiste à mettre en avant l’incompatibilité de l’histoire et du statut associatifs avec les tendances actuelles à l’industrialisation. Ils insistent sur le fait que l’activité quasi naturelle des associations est l’aide aux publics fragiles, qu’il s’agisse des personnes âgées ou des familles. Il s’agit d’une activité sociotechnique qui nécessite des tâches a priori déterminées et quantifiables, notamment ménagères, mais aussi une activité plus sociale, non quantifiable, non définissable a priori (ni en terme de contenu, ni en terme de temps). C’est ainsi que des responsables de secteur10 rencontrées refusent de proposer des interventions d’une demi-heure aux usagers :
« On n’intervient jamais pour si peu de temps, cela n’a pas de sens quand on connaît un peu le métier qu’elles font. On n’intervient jamais que pour une tâche précise. Le temps de “faire avec”, et non seulement “faire”, de parler avec les personnes, de prendre son temps, de permettre un vrai temps de socialisation, en une demi-heure, c’est impossible11. »
28Les deux niveaux de résistances sont très liés : c’est bien sur la base des difficultés effectivement de compatibilité des activités associatives d’aide à domicile avec des modalités de gestion industrielles, que les acteurs construisent leurs stratégies de résistances, face aux risques de standardisation du service. Le second type de discours s’opposant au processus de professionnalisation rationalisante et au risque de standardisation des services qui en découle, est le discours syndical12. Des syndicats commencent en effet à s’emparer de ce secteur comme étant un secteur aux enjeux syndicaux multiples (précarité des femmes peu qualifiées, reconnaissance de professions dont les compétences vont au-delà des qualifications existant dans le secteur, construction d’un dialogue social avec des entreprises particulières que sont les associations, etc.). Les représentants syndicaux rencontrés insistent à la fois sur l’incompatibilité entre les missions associatives d’aide et de soutien aux personnes fragiles et l’industrialisation du service, et les conséquences néfastes de ce processus sur les usagers ; mais aussi sur les conséquences néfastes de ce processus sur les aides à domicile, leurs conditions de travail, l’intensification de leur rythme de travail, un amoindrissement de l’intérêt porté à leur travail. S’il est clair que des initiatives syndicales commencent à émerger dans ce secteur d’activité, des obstacles réels à l’implantation syndicale et à la syndicalisation des salariées existent. Ces obstacles tiennent tout à la fois au secteur d’activité (salariées isolées sur des lieux de travail en interaction exclusive avec les usagers, travail éclaté sur des temps et des lieux différents, amplitude horaire importante sur des horaires atypiques) qu’à la nature des employeurs. En effet, 80 % des salariées sont directement employées par les particuliers et sont par conséquent difficilement accessibles par les syndicats. En outre, parmi les 20 % restants, l’employeur associatif est majoritaire par rapport aux employeurs privés lucratifs ou publics, mais l’implantation syndicale est également très difficile : existence de très petites associations dans lesquelles les instances représentatives du personnel n’existent pas, une fonction employeur très éclatée qui peut rendre difficile l’identification par les salariées des interlocuteurs adéquats, etc. Un élément qui accroît ces difficultés est le fait que les employeurs associatifs ne maîtrisent pas l’enveloppe financière, qui est du ressort des partenaires publics (essentiellement les CAF pour l’aide à domicile aux familles, et les conseils généraux pour l’aide aux personnes âgées). Cette situation peut mener à des situations inextricables : des employeurs associatifs s’engagent sur un effort de qualification et donc de valorisation salariale d’une partie de leurs salariées, mais les financeurs publics ne suivant pas toujours, ces associations sont parfois obligées de fermer, faute de financements suffisants pour rémunérer les salariées selon la grille de classification déterminée par l’accord de branche de 2002. C’est notamment pour répondre à cette difficulté qu’un projet se monte dans la région Rhône-Alpes, en partenariat avec le comité régional de la CGT, la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire et l’université de Grenoble, pour la mise en place d’un dialogue social territorial dans ce secteur, qui mettrait autour de la table non seulement les salariées et les employeurs du secteur, mais aussi les financeurs publics.
Conclusion
29Les associations d’aide à domicile sont ainsi au cœur de différents processus de professionnalisation. L’instauration récente d’un processus de professionnalisation caractérisée par des dynamiques de rationalisation vient bousculer leur fonctionnement historique, fondé sur un compromis de logiques civique et domestique, et sur une figure de l’usager en tant que co-producteur du service. Au-delà de la nature des associations, c’est plus globalement la nature du secteur et des services d’aide à domicile qui est interrogée avec la diffusion du référentiel industriel aux services d’aide aux personnes fragiles. S’agit-il de « produits » comme les autres ? Est-il possible de dégager des gains de productivité substantiels dans ce secteur, en contrôlant, chronométrant, et établissant des procédures précises de production ? Ou bien ne change-t-on pas par là la nature même des activités réalisées ? Au-delà d’un risque de banalisation, les associations se trouvent aujourd’hui face au défi de réaffirmer la nature historique des services qu’elles co-produisent avec les usagers, ou bien de redéfinir ces services en se dotant de nouveaux outils de gestion. L’hybridation des deux dynamiques antinomiques que sont les tentatives de maintien de la relation d’usage historique, et l’application d’outils de gestion issus de la sphère industrielle, semble aujourd’hui avoir fait son temps. En témoignent les vives tensions qu’elle suscite au sein de la relation de travail dans les associations, notamment perceptibles dans la recrudescence des conflits du travail débouchant sur la saisine du conseil des prud’hommes.
Notes de bas de page
1 Ce chapitre s’appuie sur une enquête de terrain de 9 mois dans plusieurs associations d’aide à domicile de la région Rhône-Alpes, réalisée dans le cadre d’un travail doctoral (Puissant, 2010).
2 Nous employons le féminin pour désigner les aides à domicile, dans la mesure où selon l’enquête Emploi en continu 2007, plus de 98 % des salariés du secteur sont des femmes.
3 En lettres capitales dans le texte.
4 La notion d’utilisation n’ayant de sens selon Bourquin (2001) que « par rapport à une utilité préalablement pensée qui définit avec précision les fins et les moyens, fixe les objectifs et les modes d’utilisation ».
5 La relation de service lie le bénéficiaire du service au prestataire.
6 La loi du 2 janvier rénovant l’action sociale et médico-sociale et l’accord de branche du 29 mars relatif aux emplois et aux rémunérations.
7 Il existe désormais trois catégories d’aides à domicile : Catégorie A ou « agents à domicile » (qui ne disposent d’aucun diplôme ; l’essentiel de leurs tâches sont des tâches ménagères et administratives simples ; aide très occasionnelle à la toilette) ; Catégorie B ou « employés à domicile » (qui sont en cours d’obtention du diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale ; aide plus régulière aux « actes essentiels de la vie ») ; Catégorie C ou « auxiliaires de vie sociale » (qui avaient l’ancien certificat d’aptitude aux fonction d’aide à domicile lors de la signature de l’accord de branche, ou ont l’actuel DEAVS ; interventions régulières pour l’aide à la toilette, et ponctuellement lorsqu’il s’agit d’une toilette médicalisée ; aide à des tâches administratives plus complexes).
8 La « modulation » ou l’annualisation du temps de travail permet aux salariées d’être payées de manière stable chaque mois, quel que soit le nombre d’heures effectuées. Cette mesure est une réponse à l’instabilité des salaires qui était jusqu’alors la règle, les aides à domicile étant payées à l’heure. Les semaines où elles effectuaient moins d’heures (hospitalisation ou décès d’un usager, etc.), elles touchaient un salaire moindre.
9 Entretien mené avec une agent à domicile de 49 ans, travaillant dans l’aide à domicile depuis 7 ans.
10 Les « responsables de secteur » remplissent des fonctions d’encadrement intermédiaire et de coordination d’une équipe d’aides à domicile intervenant sur un même secteur (une même ville en campagne et montagne, un même quartier en ville).
11 Entretien avec une responsable de secteur d’une commune avoisinant Grenoble, 39 ans, ayant le rôle de responsable de secteur depuis 8 ans, en plus de son travail pour la municipalité.
12 Nous nous appuyons ici à la fois sur des entretiens réalisés auprès de déléguées syndicales et de représentantes du personnel syndiquées, et sur un travail mené avec le collectif « aide à domicile » du comité régional Rhône-Alpes de la CGT, et avec le collectif du même nom, au niveau national confédéral.
Auteur
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Emmanuelle Puissant
Économiste, ADEES (Association pour le développement des études économiques et sociales) Rhône-Alpes et CREG, UPMF, Grenoble
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