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Les bains d'al-Andalus

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Caroline Fournier

Première partie. Recherche sur la formation du bain en al-Andalus

Conclusion de la première partie

Texte intégral

1Mis à part deux exemples anecdotiques à Jaén et à Lérida, aucun édifice balnéaire de l’Antiquité tardive n’est réutilisé comme tel à l’époque islamique. Ils sont abandonnés de manière massive au cours des IVe et Ve siècles et sont détournés de leur fonction initiale. Quelques cas d’occupation tardive de balnea sont attestés au début de l’époque médiévale mais jamais au-delà du VIIe siècle. Le christianisme modifie, en effet, en profondeur l’aspect et l’usage du bain mais cela ne signifie pas pour autant que ce dernier disparaît au cours du Moyen Âge. Bien au contraire, s’il n’est plus un lieu de sociabilité, il est l’image d’un petit baptême et peut être utilisé à des fins de purification ; en tout état de cause, on va au bain par nécessité. Aussi, constate-t-on l’apparition de petits thermes associés à des groupes épiscopaux dans l’Occident méditerranéen que ce soit en péninsule Ibérique ou en Afrique du Nord. Il n’est pas rare que les nouveaux évêques soient issus de l’ancienne l’aristocratie hispano-romaine, cette dernière ayant à cœur de conserver ses privilèges et sa position au sein de la société. La construction de ces petits bains dans les palais ou les complexes épiscopaux est peut-être l’ultime survivance de pratiques romaines qui s’éteignent dans la première moitié du VIIe siècle dans la péninsule Ibérique.

  • 1 Au sujet de la construction d’un paysage monumental omeyyade du côté oriental de la Méditerranée, (...)

2Dans le monde byzantin, les bains continuent également à être construits et à être utilisés mais les formes se modifient. Les espaces se réduisent et seules les salles strictement nécessaires au bain sont conservées, c’est-à-dire celles qui permettent un passage progressif vers la chaleur (frigidarium, tepidarium et caldarium). Qu’ils soient byzantins ou wisigothiques les constructeurs emploient des techniques inspirées de l’époque romaine et plus particulièrement tardo-antiques. Ces usages continus se transmettent dans le monde arabo-musulman. Cela se remarque nettement dans les premiers édifices balnéaires andalusī-s. Ces derniers sont le résultat de plusieurs influences. En ce qui concerne leurs formes, ils pourraient dériver de la simplicité de certains édifices de Maurétanie Tingitane que l’on retrouve dans le bâtiment marocain de Walīla à l’époque idrisside. En matière de construction, les techniques employées sont très proches de ce que l’on connaît durant l’Antiquité tardive. Parallèlement, certaines spécificités apparaissent dès le IXe siècle comme l’absence de parois chauffantes et l’élévation de murs en maçonnerie de mortier de chaux selon le procédé du ṭābiya. En ce sens, ils sont éloignés de ce que l’on connaît des bains omeyyades du Proche-Orient datés du VIIIe siècle construits en pierre de taille dans lesquels les salles tiède et chaude sont chauffées par des hypocaustes, précédées par une petite salle froide et un très vaste vestiaire. Cette configuration ne semble pas constituer une référence au IXe siècle. En revanche, on trouve, dès cette période, des bains associés à un alcázar comme cela est le cas à Mérida ou à Valence sur le modèle de l’ancienne citadelle omeyyade d’Amman. L’apparition du bain à l’époque émirale en al-Andalus semble donc être le produit de plusieurs modèles à la fois dans ses formes et dans ses techniques de construction. Il n’existe pas de réelle rupture puisque l’on continue à utiliser des procédés issus de l’époque romaine tandis qu’un plan simple et nouveau s’élabore. L’édification de ce type d’établissement est liée à une nouvelle culture qui s’impose en péninsule Ibérique. Comme la mosquée ou même les sūq-s et les funduq-s, le bain fait partie de ces bâtiments élémentaires qui participent à l’islamisation du paysage monumental qui trouve son plein développement au cours du Xe siècle dans le monde urbain et rural. Comme en Orient, les Omeyyades s’approprient le territoire et affirment leur autorité en al-Andalus1. Ils marquent également leur empreinte avec l’apparition de nouveaux types d’édifices parmi lesquels le ḥammām est présent dès l’époque émirale.

Notes

1 Au sujet de la construction d’un paysage monumental omeyyade du côté oriental de la Méditerranée, voir l’étude de A. Borrut et notamment la partie consacrée à « Patrimonialisme et fabrique d’un paysage califal » dans Borrut, 2011 : 385-395.

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