Etats-Généraux

PREMIÈRE SECTION

1TOME 1^er Des Mémoires de l’Etoile, page 191, on lit : « 13 Décembre 1576, ouverture des Etats de Blois. Le Chancelier Birague harangua longuement, lourdement et mal-à-propos, dont fut fait ce Quatrain :

Tels sont les faits des hommes, que les dits,
Le Roi dit bien, d’autant qu’il sait mieux faire :
Son Chancelier est bien tout au contraire ;
Car il dit mal, et fait encore pis.

2La harangue fut méprisée ; le Chancelier s’étant excusé sur le peu de connaissance qu’il avait de nos affaires, excuse peu séante à un premier Magistrat ».

3Le Discours de M. le Garde des Sceaux, de Barentin, ne ressemble point à celui du Chancelier d’Henri ; aussi doit-il avoir place dans tous les cœurs et dans toutes les bibliothèques. En voici l’extrait :

« Le premier besoin de S. M. est de répandre des bienfaits ; mais pour être une vertu Royale, cette passion de faire des heureux doit prendre un caractère public, et embrasser l’universalité de ses Sujets. Des graces versées sur un petit nombre de Courtisans et de Favoris, quoique méritées, ne satisferaient pas la grande ame du Roi… ».
« Quelle jouissance vos ames doivent éprouver en la présence d’un Roi juste, vertueux ! Nos aïeux ont regretté, sans doute, de n’avoir pu comtempler Henri IV au milieu de la Nation assemblée. Les Sujets de Louis XII avaient été plus heureux, et ce fut dans cette réunion solemnelle qu’il reçut le titre de père du Peuple. C’est le plus cher, c’est le premier des titres pour les bons Rois, s’il n’en restait un à décerner au fondateur de la liberté publique... ».
« En songeant à vous réunir, MM., S. M. a dû se tracer un plan combiné, qui ne pouvait admettre cette précipitation tumultueuse, dont l’impatience irréfléchie ne prévoit pas tout le danger. Elle a dû faire entrer dans ce plan les mesures anticipées qui préparent le calme des décisions, et ces formes antiques qui les rendent légales... ».
« S. M. toujours prévoyante sur les véritables intérêts de ses Peuples... a desiré connaître leurs besoins et leurs droits. Les Municipalités, les Bailliages, les hommes instruits dans tous les états, ont été invités à concourir, par leurs lumières, au grand ouvrage de la restauration projetée. Les archives des Villes et celle des Tribunaux, tous les monumens de l’Histoire étudiés, approfondis et mieux développés, leur ont ouvert des trésors d’instruction : de grandes questions se sont élevées ; des intérêts opposés, toujours mal entendus quand ils se combattent en de pareilles circonstances, ont été discutés, débattus, mis dans un jour plus ou moins favorable : mais enfin un cri presque général s’est fait entendre pour solliciter une double représentation en faveur du plus nombreux des trois Ordres, de celui sur lequel pèse principalement le fardeau de l’impôt... ».
« En déférant à cette demande, S. M. Messieurs, n’a point changé la forme des anciennes Délibérations ; et quoique celle par têtes, en ne produisant qu’un seul résultat, paraisse avoir l’avantage de faire mieux connaître le desir général, le Roi a voulu que cette nouvelle forme ne puisse s’opérer que du consentement libre des Etats-Généraux, et avec l’approbation de Sa Majesté... ».
« Puisque l’impôt est une dette commune des Citoyens, une espèce de dédommagement et le prix des avantages que la Société leur procure, il est juste que la Noblesse et le Clergé en partagent le fardeau ».
« Dans des siècles où les Eglises n’étaient point dotées, où on ne connaissait encore, ni les Hôpitaux, ni ces autres asyles nombreux élevés par la piété et la charité des Fidèles, où les Ministres des Autels, simples distributeurs des aumônes, étaient solidairement chargés de la subsistance des veuves, des orphelins, des indigens, les contributions du Clergé furent acquittées par ces soins religieux ; et il y aurait eu une sorte d’injustice à en exiger des redevances pécuniaires ».
« Tant que le service de l’arrière-ban a duré, tant que les Possesseurs de Fiefs ont été contraints de se transporter à grands frais d’une extrémité du Royaume à l’autre, avec leurs armes, leurs hommes, leurs chevaux, leurs équipages de guerre, de supporter des pertes souvent ruineuses ; et, quand le sort des combats avait mis leur liberté à la merci d’un Vainqueur avare, de payer une rançon toujours mesurée sur son avidité ; n’était-ce donc pas un impôt réel que ce Service militaire, que l’on a même vu plusieurs fois concourir avec des contributions volontaires ? ».
« Aujourd’hui que l’Eglise a des richesses considérables, que la Noblesse obtient des récompenses honorifiques et pécuniaires, les possessions de ces deux Ordres doivent subir la loi commune... Leur acquiescement à cette loi eut, dans sa première forme, toute la vivacité de l’émulation, et prit tous les caractères de la loyauté, de la justice et du patriotisme ».
« Depuis que les Etats-Généraux sont déterminés, le Roi n’a jamais pensé sans attendrissement à cette réunion d’un bon père et de ses enfans chéris, qui deviendra le gage de la félicité commune ».
« Au nombre des objets qui doivent principalement fixer votre attention, et qui déjà avaient mérité celle de S. M., sont les mesures à prendre pour la liberté de la Presse, les précautions à adopter pour maintenir la sûreté publique et conserver l’honneur des familles, les changemens utiles que peuvent exiger la Législation civile et criminelle, et l’importance des Etudes ».
« Jamais la bonté du Roi ne s’est démentie dans ces moments d’exaltation, où une effervescence, qu’il pouvait réprimer, a produit, dans quelques Provinces, des prétentions ou des réclamations exagérées. Il a tout écouté avec bienveillance ; les demandes justes ont été accordées : il ne s’est point arrêté aux murmures indiscrets ; il a daigné les couvrir de son indulgence : il a pardonné jusqu’à l’expression de ces maximes fausses et outrées, à la faveur desquelles on voudrait substituer des chimères pernicieuses aux principes inaltérables de la Monarchie ».
« Vous rejeterez, Messieurs, avec indignation, ces innovations dangereuses, que les ennemis du bien public voudraient confondre avec ces changemens heureux et nécessaires qui doivent amener cette régénération, le premier vœu de Sa Majesté ».
« C’est dans l’union et l’amour mutuel du Monarque et des Sujets, qu’il faut chercher la principale cause de la durée de cet Empire... de tant de vie, de force et de grandeur ».
« La troisième race de nos Rois a, sur-tout, des titres à la reconnaissance de tout bon Français. Ce fut elle qui affermit l’ordre de la succession à la Couronne ; elle abolit toute distinction humiliante entre les Représentans si fiers et si barbares des premiers Conquérans des Gaules, et l’humble postérité des Vaincus, qu’on tint si long-temps et si honteusement asservis. Par elle, la Hiérarchie des Tribunaux fut créée, ordre salutaire qui rend par-tout le Souverain présent ; tous les Habitans des Cités furent appelés à leur administration, la liberté de tous les Citoyens fut consacrée, et le Peuple reprit les droits imprescriptibles de la Nature ».
« Mais si les intérêts de la Nation se confondent essentiellement avec ceux du Monarque, n’en serait-il pas de même des intérêts de chaque classe de Citoyens en particulier ? Et pourquoi voudrait-on établir entre les différens Membres d’une Société politique, au-lieu d’un rang qui les distingue, des barrières qui les séparent ».
« Le vice et l’inutilité méritent seuls le mépris des hommes, et toutes les Professions utiles sont honorables ; soit qu’on remplisse les fonctions sacrées du Ministère des Autels, soit que l’on se voue à la défense de la Patrie dans la carrière périlleuse des combats et de la gloire ; soit que, vengeur de crimes et protecteur de l’innocence, on pèse la destinée des bons et des méchans dans les balances redoutables de la Justice ; soit que par des Ecrits, fruit du talent qu’enflamme l’amour de la Patrie, on hâte les progrès des connaissances qu’on procure à son siècle, et qu’on transmette à la postérité plus de lumière, de sagesse et de bonheur ; soit qu’on soumette à son crédit et aux spéculations d’un génie actif, prévoyant et calculateur, les richesses et l’industrie des divers Peuples de la Terre ; soit qu’en exerçant cette Profession, mise enfin à sa place dans l’opinion des vrais sages, on féconde les champs par la culture, ce premier des Arts, auquel tient l’existence de la vie humaine... ».
« Si l’amour de l’ordre et la nécessité assignèrent des rangs indispensables dans une Monarchie, l’estime et la reconnaissance... ne séparent point des professions que la Nature réunit par les besoins naturels des hommes... Un grand Général disait, en parlant des Gaulois, qu’ils seraient le premier Peuple de l’Univers, si la concorde régnait parmi eux. Ces paroles de César peuvent s’appliquer au moment actuel. Que les querelles s’appaisent, que les inimitiés s’éteignent, que les haines s’anéantissent, que le desir du bonheur commun les remplace ; et nous serons encore le premier Peuple du monde ».
« Ne perdez jamais de vue que la discorde renverse les Empires, et que la concorde les soutient. La rivalité entre les Citoyens fut la source de tous les maux qui ont affligé les Nations les plus célèbres... Si la France a couru des dangers, si elle fut quelquefois malheureuse, faible et languissante, c’est quand elle devint le foyer ou le théâtre de ces tristes rivalités. Couvertes du voile toujours imposant de la Religion, elles jetèrent ces longues semences de haine, dont le règne entier d’Henri IV put à peine étouffer les restes, mais sans en réparer tous les désastres... ».
« Ah ! s’il pouvait rester des traces de division dans vos cœurs,... qu’elles s’anéantissent et s’effacent en présence de votre Roi... ».
« Représentans de la Nation, jurez tous au pied du trône, entre les mains de votre Souverain, que l’amour du bien public échauffera seul vos ames patriotiques. Abjurez solemnellement, déposez ces haines si vives qui, depuis plusieurs mois, ont alarmé la France ;...que l’ambition de subjuguer les opinions et les sentimens par les élans d’une éloquence impérieuse, ne vous entraîne pas au-delà des bornes que doit poser l’amour sacré du Roi et de la Nation. Hommes de tous les âges, citoyens de tous les ordres, qu’un engagement solemnel vous lie de tous les nœuds de la fraternité... Mais si quelque nuage venait altérer le calme de vos séances ; s’il était possible que la discorde y soufflât ses poisons, c’est à vous, Ministres des Autels, qu’il appartient de conjurer l’orage... Eh ! comment refuser aux interprètes d’une Religion pure et sublime, cette vénération, ces hommages, cet empire moral que des hommes enveloppés de ténèbres et livrés à d’extravagantes supers-titions, ont toujours accordés aux Ministres de leurs fausses Divinités. C’est donc sur vous que la Nation se repose du soin de ramener la paix dans cette Assemblée, s’il était possible qu’elle s’en écartât un instant...
« Quelle sorte de dévouement et quel concours patriotique ne doit-on pas attendre de ces braves et généreux successeurs de nos anciens Chevaliers, qui, prodigues envers la France de leur fortune, de leur sang et de leur vie, n’hésitèrent jamais sur un sacrifice que l’utilité publique avait prescrit ou consacré ? Vous suivrez aussi ces grands exemples de désintéressement, de soumission et d’attachement à la Patrie, hommes sages et laborieux, dont les travaux nourrissent, vivifient, instruisent, consolent, enrichissent la société ; tous les titres vont se confondre dans celui de Citoyen... ».
« MM., l’intention du Roi est que vous vous assembliez dès demain, à l’effet de procéder à la vérification de vos pouvoirs, et de la terminer le plus promptement qu’il vous sera possible, afin de vous occuper des objets importans que S. M. vous a indiqués ».

4Procédera-t-on à la vérification des pouvoirs dans la Salle commune aux trois Ordres, ou dans chaque Chambre ? Voilà la question qui s’est élevée. Question fâcheuse, dont la décision suspend le rapprochement, ou plutôt l’union des trois Ordres. En vain on a observé que tous les Ordres avaient intérêt à vérifier les pouvoirs des Députés de chaque Chambre ; en vain M. l’Archevêque de Bordeaux a représenté que tels étaient les principes admis dans les Provinces qui avaient conservé l’image des Etats Généraux dans leurs Etats particuliers ; que les pouvoirs se vérifiaient en commun sur le rapport d’une commission formée des Membres des trois Ordres, qu’il était de toute justice que les procurations fussent lues publiquement ou examinées par des Commissaires des Ordres respectifs, afin de pouvoir en approuver ou en arguër la forme et le fonds. Les Ordres de l’Eglise et de la Noblesse se sont retirés aux Chambres. Le Clergé, pour cet examen, s’est divisé par Province, et a choisi les Présidens de chaque Bureau. Celui de la Province de Languedoc qui a vingt-trois Evêques, dont sept sont Députés aux Etats-Généraux, a nommé un Curé pour son Président. Comme le Journal de Paris et les Affiches de Province ont donné la liste des Membres du Parlement général, nos Lecteurs pourraient peut-être regarder la réimpression de cette Liste, dans le Héraut de la Nation, comme une manœuvre sordide d’Editeur. Nous nous abstiendrons de l’y consigner ; mais nous nous empressons de partager avec le Public un travail entrepris d’abord pour notre avantage particulier, mais qui peut être fort utile, ou du moins très-amusant pour nos Lecteurs, par les chances que nos Tables peuvent faire calculer, et l’avenir qu’elles peuvent indiquer ou promettre.

5Dans l’Ordre de l’Eglise, sans compter les Suppléans, il y a 48 Evêques, 28 Ecclésiastiques chapitraux, un Conseiller Clerc au Parlement de Paris, d’une part ; 100 Curés, auxquels nous avons associé quelques Religieux rentés, d’une autre part ; totalité 267. – Différence, sauf erreur, entre les Dignitaires et les Pasteurs, 113.

6Dans l’Ordre de la Noblesse, sans compter les Suppléans, il y a 26 Gentilshommes de la haute Noblesse, 186 Gentilshommes qualifiés, 37 Gentilhommes non titrés, 21 Magistrats Parlementaires, trois Magistrats de Bailliages, un Avocat Noble, un Anobli ; totalité, sauf erreur, 277 Gentilshommes. – Ordres de la Noblesse et de l’Eglise réunis, 510.

7Dans l’Ordre du Tiers-Etat, sans compter les Suppléans, il y a 40 Laboureurs Propriétaires, parmi lesquels cinq Fermiers ; 76 Négocians, parmi lesquels nous comprenons, vu leurs connaissances dans la partie du Commerce, un ancien Intendant des Indes, un Intendant de Marine, 4 Maîtres de Forges, 3 Officiers de Navires, un Libraire et 8 Marchands détaillans. – 39 Membres, qui nous semblent appartenir à la partie d’Administration ; savoir, 2 Conseillers d’Etat, un Garde du Trésor royal, 3 Membres d’Assemblées Provinciales, un Avocat aux Conseils, 20 Officiers Municipaux, 9 Subdélégués d’Intendans, et 3 Financiers. – 122 Juges ordinaires, parmi lesquels nous comprenons 3 Officiers de Cours Souveraines et 3 Professeurs en Droit. – 14 Juges Royaux extraordinaires, y compris un Lieutenant de Maréchaussée. 169 Avocats, 15 Médecins. – 21 Officiers publics, savoir ; 13 Juges Seigneuriaux et 8 Notaires, Procureurs ou Greffiers. – 36 Bourgeois. – Enfin, 14 Membres étrangers au Tiers par leur naissance ou leur état, mais que l’équité en a rapprochés sans doute, savoir ; un Ecclésiastique, 9 Gentilshommes, 3 Anoblis et un Secrétaire du Roi. Au total 531 Représentans de la Nation.

8Cette balance est très-fautive, parce que notre Liste est inexacte, et qu’elle ne comprend pas la majeure partie des Représentans de la Ville de Paris ; quoique parmi les 22 Conseillers des Parlemens, référés dans l’énumération des deux premiers Ordres, les 8 de la Députation de Paris y soient compris. Elle l’est encore, cette Balance pour les trois Ordres, la Noblesse de Bretagne n’ayant point nommé de Députés ; l’Eglise de cette Province n’ayant pas nommé la totalité des siens ; et la Navarre et le Béarn ayant refusé d’envoyer des Représentans, ce petit Royaume se regardant totalement comme distinct de la France. (V. N° 37).

9Mais, quelle que soit la différence en plus ou en moins, elle sera peu considérable ; et l’on pourra pointer la carte, faire le quart, et calculer la marche du vaisseau d’Horace.

DEUXIÈME SECTION. Suite des Doléances de M. l’Abbé Leblanc

(La suite à un autre N^o).

BROCHURES

10L’Ami des trois Ordres, Ouvrage à relier avec le Moniteur et le véritable ami du Peuple : Auteur, M. Sage. Si cette Collection est trop mince, on y ajoutera quelques bribes de cet Auteur impartial, Brito-Neustrien, qui contenut les compilations de l’Abbé Trublet. Si ces trois Ouvrages ne conviennent pas au Tiers-Etat, ils sont dignes du ƒuniculus triplex qui difficile rumpitur.

11Le droit des Nations, et particulièrement de la France, fondé sur les principes immuables de la raison. – Déclaration des droits du Roi et de la Nation Française aux Etats-Généraux.

12On présume que ces deux Brochures nées à Tarbe, sont de l’Auteur de l’Adresse au Roi des Habitans de Tarbes. Il paraît qu’elles contiennent beaucoup de citations historiques. Quand notre faiseur d’Extraits nous en aura dit ce qu’il en pense, nous en dirons quelque chose, si nous avons place.