Les communes rurales de l’Aisne et la Terreur
p. 95-110
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Index géographique : France
Texte intégral
1Guy-Robert Ikni, au terme d’une étude sur les relations entre les villages d’un département picard et l’État central avait conclu à un « divorce progressif entre la République montagnarde et les communes rurales de l’Oise »1. Non seulement la République montagnarde n’avait pas suffisamment pris en compte l’aspiration paysanne à une économie morale mais, en plus la politique qu’elle mit en œuvre déstructura durablement la communauté villageoise dans ses fondements culturels et sociaux. De ces divergences d’intérêts et de ce fond d’espérances déçues aurait jailli par contrecoup une profonde hostilité des pouvoirs communaux à la Terreur, avec des manifestations de refus plus ou moins paroxystiques en fonction des régions, selon une intensité qui irait de la Contre-Révolution au mauvais gré sans oublier les pratiques antirévolutionnaires.
2À ce diagnostic pessimiste se heurte la vieille intuition d’Alphonse Aulard, qui écrivait, il y a un siècle de cela : « C’est par les communes que vécut en France le gouvernement révolutionnaire, que se popularisa l’idée d’une République démocratique. Leur organisation est connue, plus connue que leur rôle réel. Je me bornerai pour l’instant, à signaler l’importance de ce rôle, à répéter que les communes furent les appuis du gouvernement révolutionnaire, comme elles avaient été les créatrices de la France nouvelle, de la Nation »2.
3Aujourd’hui, tout un courant historiographique, de Georges Fournier à Serge Bianchi en passant par beaucoup d’autres, reconsidère à la lumière d’Aulard le supposé divorce entre les communes et la Terreur3. Certains historiens ont porté leur analyse sur les processus d’imposition de la Terreur aux pouvoirs locaux, n’hésitant pas à remettre en cause la prétendue brutalité arbitraire de leurs décisions. Ainsi, la figure du représentant en mission réhabilitée par Michel Biard se rapproche désormais davantage de celle d’un médiateur que de l’ancienne, archétypale, de proconsul4. D’autres ont préféré s’intéresser aux mouvantes stratégies d’adaptation déployées par les communes pour répondre aux demandes réitérées de l’État central, en particulier pendant l’époque de la Terreur. Briser la représentation de communes bafouées dans l’exercice de leurs libertés locales, dépasser les stéréotypes de l’adhésion révolutionnaire et du refus contre-révolutionnaire, ne constituèrent pas le moindre de leur apport.
4Faut-il considérer les communes du département de l’Aisne comme les « appuis du gouvernement révolutionnaire » ou les ériger en inexpugnables bastions des libertés locales menacées par l’offensive de la Terreur ? La question mérite d’être posée, notamment parce que ce département picard, en raison de sa situation d’interface entre Paris et le front militaire septentrional, fut un espace d’exercice propice aux politiques de la Terreur. Pour autant, sa « période terroriste » fut assez courte au regard de la chronologie nationale. Initiée à l’instigation des représentants en mission Lequinio et Lejeune au mois d’août 1793 pour répondre au double défi de la crise de subsistance et de l’invasion ennemie, la Terreur ne se perpétua que sur sept mois. Dès germinal an II, une fois la chute de la faction d’Hébert acquise, une sortie de la Terreur s’amorce lorsque le représentant du peuple en mission Roux ouvre les portes des prisons locales et fait alliance avec certaines municipalités urbaines, en particulier celle de Laon, pour précipiter le renvoi de l’armée révolutionnaire parisienne dans la capitale5. Le recours à une durée aussi courte pour « terroriser » le département signifie-t-il que les politiques de la Terreur trouvèrent dans les pouvoirs municipaux des relais efficaces et zélés ?
Vers un éclatement du pouvoir communal pendant la Terreur ?
5À partir du résultat des élections municipales de l’automne 1792, Jean-Pierre Jessenne avait relevé un processus d’éclatement du pouvoir communal à l’œuvre dans les villages de l’Artois, largement accentué depuis par la création des comités de surveillance révolutionnaire au mois de mars 1793 et l’éclosion des sociétés populaires. Comme le remarque Jacques Péret pour la Vienne, « l’impulsion donnée, la Terreur rurale s’organise localement autour de trois pôles : les municipalités, les comités de surveillance et les sociétés populaires »6.
6Doit-on alors supposer que cet éclatement du pouvoir communal ait libéré une marge d’action plus grande pour le gouvernement central ? En ce qui concerne les communes du département de l’Aisne, nous en doutons. L’encadrement des comités de surveillance et des sociétés populaires sur les communes fut beaucoup trop lâche en milieu rural pour contraindre des municipalités éventuellement rétives à se plier aux injonctions du pouvoir central. Après sondage sur une petite vingtaine de villages axonais, aucun ne dispose de l’intégralité de la trilogie révolutionnaire « municipalité, comité de surveillance, société populaire »7. Seuls les chefs-lieux de district, et parfois quelques rares gros bourgs chefs-lieux de canton pouvaient s’en prévaloir. De surcroît, rien ne laisse présager qu’un pouvoir adjacent à une municipalité, aussi différent soit-il qu’un comité de surveillance ou un club, puisse s’ériger inéluctablement en un contre-pouvoir de cette même municipalité.
De si discrètes sociétés populaires
7L’automne 1793 fut le printemps des sociétés populaires dans le département, comme un peu partout sur le territoire national d’ailleurs8. Leur fut confié progressivement à partir de septembre 1793 le redoutable pouvoir de surveiller l’exécution des mesures prises pour la sûreté de l’État. Sur ce terreau favorable, la floraison fut spectaculaire : pas moins de quarante sociétés populaires se constituèrent, alors qu’elles n’étaient que quatorze au début de l’été9.
8Néanmoins trois nuances s’imposent. En dépit de cet accroissement de leurs fondations, la densité de sociétés populaires est restée très faible : selon les districts, 5 à 12,4 % des communes axonaises en étaient dotées en l’an II – une moyenne partagée par l’ensemble des départements picards et champenois, et même d’un grand est de la France, mais inférieure à la moyenne nationale de 14 %10. De plus, la répartition de ces structures politiques obéit à des logiques spatiales très diverses, laissant apparaître de forts contrastes entre un sud de forte sociabilité et le reste du département11. Enfin, cet essor profita davantage aux bourgs chefs-lieux, aussi bien de canton et de district qu’aux villages : à peine la moitié des sociétés populaires du réseau axonais est implantée dans des communes rurales, un résultat plus qu’honorable à l’échelle nationale (seulement 7 % des communes non chefs-lieux en étaient pourvues), mais insuffisant pour exercer un contre-pouvoir efficace aux municipalités12.
9À de rares exceptions près, les sociétés populaires ne furent pas en mesure de peser sur les choix politiques des communes rurales. Une des raisons en fut la concurrence que pouvait leur livrer un comité de surveillance local car, comme le reconnaît la municipalité de Ployart, un village vigneron du Laonnois méridional d’environ 190 habitants, « puisque la population [de notre commune] ne permet pas de former une société populaire, les membres susdits [du comité de surveillance] ont promis et se sont engagés à en remplir les fonctions »13.
Des comités de surveillance rares et inféodés aux municipalités
10L’implantation des comités de surveillance reste à ce jour beaucoup moins connue que celle des sociétés populaires14. Pour autant, à la lumière de nos propres recherches15, nous doutons qu’ils fussent, eux aussi, en mesure d’infléchir les décisions des municipalités rurales, et cela pour trois raisons : leur création tardive, leur rareté, et leur incapacité à s’ériger en un contre-pouvoir communal.
11Trois étapes ont jalonné la création de comités de surveillance dans l’Aisne, de la loi du 21 mars 1793 qui les institue à celle du 7 fructidor an II (24 août 1794) qui les supprime dans toutes les communes de moins de 8 000 habitants non chefs-lieux de districts. La première se déroule du printemps à l’été 1793 et voit toutes les municipalités des principales villes du département s’en doter. À l’automne 1793, sous l’impulsion des représentants en mission, une seconde vague de fondations affecte plusieurs localités de taille très variable, essentiellement situées dans les districts du sud, le long des routes fréquemment empruntées par l’armée. Enfin, la loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) sur le gouvernement révolutionnaire provoqua la troisième et dernière vague de création de comités de surveillance sur l’ensemble du territoire départemental. Il est vrai que cette loi les érigeait désormais en « main du corps politique dont la Convention est la tête »16. À charge pour eux de faire appliquer désormais, en concurrence ou en accord avec la municipalité de leur commune, les lois révolutionnaires17.
12Pour autant, comme dans l’Artois voisin, minoritaires furent les villages qui s’en dotèrent18. Une fois encore, procéder à une géographie des implantations revient à révéler des contrastes accusés. Comme pour les sociétés populaires, le district de Château-Thierry présente une forte densité d’implantation. En revanche, à Vervins, le désert de la sociabilité jacobine est partiellement compensé par la création de nombreux comités de surveillance. Nul doute que la proximité de la ligne de front et de la frontière avec les Pays-Bas autrichiens que cherchaient à franchir les candidats à l’émigration ait joué le rôle d’un puissant catalyseur dans la création de ces structures révolutionnaires. Pour autant, dans d’autres districts, notamment ceux de Saint-Quentin, Laon et Chauny, leur présence était plutôt rare. Sur la base d’un rapport envoyé par l’agent national du district de Saint-Quentin, le 2 pluviôse an II (21 janvier 1794) au Comité de sûreté générale, seulement 18 % des communes de son territoire administratif disposait d’un comité de surveillance en activité19. Dans le district voisin de Chauny, le modèle mis en place est différent : à l’exception de quelques localités des environs de la ville de Chauny, généralement seuls les chefs-lieux de canton se sont dotés d’un comité de surveillance. Ceux-ci désignaient pour chaque commune de leur ressort un commissaire particulier, à charge pour lui de faire appliquer localement ses décisions et de les tenir informés de la situation en retour20. Quoi qu’il en soit, cette solution s’avéra un dispositif d’encadrement du pouvoir municipal peu contraignant.
13Car, dans le canton de Coucy, comme dans la plupart des communes rurales de l’Aisne, jamais les comités de surveillance n’ont pu s’imposer comme de véritables contre-pouvoirs face aux municipalités. Quelques cas de tensions ont été relevés çà et là, dont l’issue fut invariablement la même : la défaite des douze membres du comité. Ainsi à Holnon, un gros village du Vermandois dans le district de Saint-Quentin, les aléas du conflit socio-politique pour le pouvoir municipal ont toujours rejeté vers le comité de surveillance tous les vaincus, quel que soit leur camp. Quand la municipalité fut remportée par les couches les plus modestes de la population villageoise en novembre 1792, le comité de surveillance créé le 20 nivôse an II (9 janvier 1794) fut investi aussitôt par la sanior pars de la population défaite aux dernières élections municipales. Une fois la municipalité renversée le 20 ventôse an II (10 mars 1794) par cinq des huit membres du comité de surveillance, ce dernier accueillit une fois de plus les nouveaux vaincus le 30 ventôse an II (20 mars 1794) suivant21. Bien sûr, dans tous les cas de figure, la rivalité entre ces deux pouvoirs communaux attisa les braises du conflit, mais jamais à l’avantage du comité. La municipalité, véritable dépositaire de la légitimité communale, ignora jusqu’à l’existence du comité de surveillance, refusant toujours de l’associer au processus décisionnel, même lorsque celui-ci relevait de ses attributions22. Emblématique de ce mépris est cette concession à son égard : le 23 germinal an II (12 avril 1794), elle consent enfin à mettre à la disposition du comité ses recueils de lois ! Ne nous leurrons pas, ces cas de rivalités conflictuelles abondent comme les roses en hiver. Toutefois, dans la majorité des cas, les comités de surveillance finissent vassalisés par les municipalités, qui progressivement les vident de leurs potentialités terroristes pour n’en faire que des appendices administratifs23. Ici, signer les certificats de civisme, là décerner des contraintes auprès des cultivateurs en retard dans leurs contributions. Après tout, il ne s’agirait que de collaboration entre les deux pouvoirs communaux, si les comités n’étaient pas noyautés par des hommes appartenant aux clientèles et parentèles des municipalités passées ou présentes.
14Les cas de cumul de fonctions entre personnels de la municipalité et membres du comité, bien qu’interdits par la loi, se rencontrent fréquemment. À Artonges, dans le district de Château-Thierry, cinq membres sur les douze du comité siègent aussi à la municipalité comme maire, procureur syndic, officiers municipaux et greffier, trois autres ont été élus autrefois au conseil-général de la commune de 1790 à 1791. Sur les douze membres du comité, seuls cinq n’avaient pas de relation directe avec la municipalité24. Et le cas de ce village briard ne fait pas figure d’exception. Souvent le comité de surveillance recycle les anciens élus municipaux. À Abbecourt dans le district de Chauny, cela concerne six membres sur les douze, à Bohain dans le district de Saint-Quentin quatre sur six, et à Chigny dans le district de Vervins onze sur douze25. Ce phénomène peut être d’autant plus exacerbé que nombre de ces comités fonctionnent en sous-effectif. Sur dix comités de surveillance ruraux relevés, seulement sept sont au complet. Les autres tournent avec six ou huit membres, sans compter les absences occasionnelles !
15Qu’il est difficile d’imaginer, au vu de ce recrutement, un comité de surveillance tenir tête à sa municipalité ! Quant à en faire un suppôt de la politique montagnarde ou même le porte-parole d’une sans-culotterie rurale, une fois encore, notre déception risque d’être aussi grande que nos présupposés. Ainsi à Montloué pourrait-on concevoir qu’un comité dans lequel ont pris place les quatre plus importants contribuables de la commune, tous imposés à la taille de 1789 pour plus de 100 livres et tous grands fermiers, puissent relayer avec conviction et efficacité les plus audacieuses mesures de la Convention26 ? D’autant qu’il est peu probable que les quatre manouvriers qui siègent à leur côté s’élèvent contre leurs employeurs saisonniers ! Comment expliquer ces étonnantes compositions sociologiques des comités de surveillance des communes rurales axonaises autrement que par le peu d’intérêt manifesté par les citoyens pour leur élection ? Rares sont les procès-verbaux de leur élection légués à la postérité, mais sur le très faible corpus à notre disposition, les quelques taux de participation relevés frayent dans un étiage très bas : 35 votants à Holnon qui compte presque 800 habitants, 48 à Ambleny une commune de 812 habitants du Soissonnais. Quant à Montigny-l’Allier, dans le district de Château-Thierry, deux scrutins furent même nécessaires pour élire le comité le 20 octobre 1793 : le premier, tenu le dimanche précédent, avait dû être annulé « par manque de votants27 ».
16À la différence de ceux des villes, qui furent systématiquement épurés par les représentants en mission, les rares comités de surveillance et encore plus rares sociétés populaires des communes rurales, même après la loi du 14 frimaire an II qui renforçait leur rôle politique, ne furent jamais en mesure de s’ériger en contre-pouvoir aux municipalités qui, elles, bénéficiaient davantage de la légitimité des habitants à les représenter. Jamais ces « pouvoirs révolutionnaires » ne réussirent à représenter la communauté face au pouvoir central, et moins encore sa couche sociale la moins aisée. Ne pourrait-on pas émettre l’hypothèse que si cet ordonnancement de contre-pouvoirs communaux n’a pas fonctionné, il le doit à une pacification sociale des campagnes ? La législation agraire et frumentaire de la Convention montagnarde, le départ des plus militants aux armées, et le besoin de faire front contre « les horsains » dépêchés par les pouvoirs intermédiaires, ont probablement contribué à apaiser les conflits internes aux communes, si forts dans les premières années de la Révolution. Qu’aucune bacchanale n’ait éclaté dans les grandes plaines céréalières du département à l’été 1793, et ce pour la première fois depuis 1788, serait un révélateur de cette pacification sociale en cours28.
17Dans ces conditions, ni les sociétés populaires, ni les comités de surveillance ruraux ne se sont imposés comme les efficaces relais locaux de la politique terroriste, pas plus qu’ils n’ont réussi à faire éclater le pouvoir communal. Dans quasiment tous les villages axonais, la municipalité élue restait l’interlocuteur privilégié et incontournable des pouvoirs intermédiaires et centraux. Quant au dispositif local de la Terreur, s’il existait donc parfois dans les faits, le conformisme de ses actions et sa vassalisation aux municipalités le rendaient complètement inopérant.
Le pouvoir municipal, assise essentielle du gouvernement révolutionnaire ?
18Puisque l’appareil terroriste local traditionnel a failli dans l’Aisne, toute la responsabilité de la mise en place de la Terreur dans les communes repose par conséquent sur le pouvoir municipal. Saint-Just pensait-il aux communes de son département lorsqu’à la faveur du débat sur la prochaine Constitution, il proclama le 15 mai : « La souveraineté de la Nation réside dans les communes… » ? Rien n’est moins sûr, même si les communes axonaises n’ont pas déshonoré son intuition. La vitalité de leur vie municipale, la persistance de leurs pratiques démocratiques, à une époque présumée être celle d’une centralisation autoritaire accrue, leur ont permis d’élaborer une culture du compromis avec les exigences de la Terreur.
Le dynamisme de la vie municipale
19Il se manifeste par la double explosion du nombre de réunions des municipalités et de leurs délibérations. Comme Georges Fournier pour le Languedoc et Jean-Paul Rothiot pour le département des Vosges l’ont remarqué, jamais les conseils généraux des municipalités ne s’étaient autant réunis et n’avaient pris autant de décisions depuis la fin de l’Ancien Régime qu’en 1793-179429.
20On pourrait à juste titre regarder avec suspicion une telle vitalité en invoquant un effet de trompe-l’œil. La croissance rapide des délibérations et des réunions ne serait-elle pas le résultat de la pression des exigences en tout genre de l’État central à l’égard des communes, telles les réquisitions de grains, les levées d’hommes et de chevaux ? Mais, à examiner attentivement les objets des délibérations, il est patent que si ces réquisitions et la fiscalité occupent la moitié des délibérations en 1793 et 43 % de celles de 1794, elles ne sauraient occulter l’importance prise par les questions relatives à l’économie locale (16 % en 1793 et 14 % en 1794), en particulier le partage des biens communaux, et même celle du fonctionnement municipal (10 % en 1793 et 15 % en 1794).
21En revanche, on serait en droit d’attendre un poids plus important des enjeux politiques et sécuritaires en pleine Terreur. Il n’en fut rien : en 1793, ils ne constituent que le troisième pôle d’intérêt de la municipalité avec 15 % des délibérations, et en 1794, le quatrième avec 13 %.
22Comme dans les communes rurales des Vosges étudiées par Jean-Paul Rothiot30, ce volume de délibérations traduirait une acceptation de l’effort de guerre et du contrôle économique et un refus de la Terreur dans ses aspects politiques, culturels et religieux. Enfin, ipso facto, n’apporte-til pas la preuve, qu’en période prétendument centralisatrice, les municipalités communales ont su se préserver des marges d’autonomie ?
Un apogée des pratiques démocratiques
23L’imaginaire de la Terreur exclut toute forme de démocratie pour consacrer le règne de l’autoritarisme et de l’arbitraire. Pourtant, à l’échelon des communes rurales de l’Aisne de moins de 1 500 habitants, les mois qui s’étendent de janvier 1793 à juillet 1794, ne marquent pas forcément la mise de la démocratie sous l’éteignoir. Tout d’abord, on l’a déjà montré, parce que les municipalités rurales axonaises ont été épargnées, à la différence de leurs homologues urbaines, par les épurations des représentants en mission. Ce qui eut pour conséquence immédiate le maintien à la tête des communes des hommes élus à l’automne 1792. Comme dans l’Artois voisin, même s’il n’y eut pas de véritable ébranlement des structures sociales du pouvoir municipal toujours aussi fermement tenu par la bourgeoisie rurale des fermiers et gros laboureurs, une ouverture, pour la première fois depuis 1789, s’est ébauchée. Quelques manouvriers et artisans font leur entrée dans les conseils généraux et les corps municipaux, souvent au détriment des paysans semi-dépendants. Quant aux fermiers et autres laboureurs, ce ne sont plus les plus puissants d’entre eux qui reçoivent prioritairement les suffrages en 1792. Pour preuve, en 1791, 9,5 % des membres des corps municipaux des villages de moins de 500 habitants avaient acquitté en 1788 une taille supérieure au montant de 100 livres. En octobre 1792, dans les nouveaux corps élus, ces gros contribuables ne représentent plus que 4,5 % des maires et officiers municipaux31. La timide ouverture sociale des municipalités opérée en 1792 et depuis, ni contredite, ni renforcée par les politiques de la Terreur, laisse entrevoir un processus de démocratisation à l’œuvre dans les communes rurales axonaises ; une tendance que ne peut contredire l’augmentation de la tenue d’assemblées générales des habitants dans les communes.
24De 1791 à 1795, jamais ces instances démocratiques ne furent autant convoquées qu’au plus fort de la Terreur, de 1793 au premier semestre de 1794 inclus. Une fois de plus, la précaution analytique conduit à se demander si cette croissance ne résulte pas de l’exécution obligatoire des mesures de salut public exigées par l’État central montagnard. Incontestablement, les diverses lois sur les levées d’hommes et de chevaux ont imposé aux municipalités de recourir à la convocation des assemblées générales des habitants. Mais cette suspicion ne résiste pas à l’examen des objets débattus par ces assemblées : en 1793, les levées d’hommes ne comptent que pour 23 % et la fiscalité, ordinaire comme extraordinaire, pour 5 %. En 1794, les parts des réquisitions et de la fiscalité régressent même à un total de 10 %. Si les assemblées générales des habitants se sont fréquemment réunies pendant la Terreur, c’est surtout pour débattre des problèmes inhérents à la vie de la commune : choisir un officier public et un garde-champêtre, si ce n’est un pâtre, location ou non du presbytère, vente ou non des objets liturgiques de l’église, approbation du choix de l’instituteur retenu par la municipalité. Que la question des biens communaux, à l’origine de plus du tiers de ces assemblées entre 1793 et août 1794, soit la conséquence directe de la politique de la Convention montagnarde, ne fait aucun doute. La loi du 10 juin 1793, pour l’essentiel mise en application en brumaire an II, stipulait le partage des communaux par tête entre les habitants domiciliés dans la commune, si le tiers des votants, femmes de plus de 21 ans comprises, l’approuvait. Il en va donc de l’Aisne comme de l’Essonne où remarque Serge Bianchi « la République montagnarde n’est pas un moment de réduction des assemblées communautaires villageoises mais d’apogée »32.
De la faiblesse des intrusions du pouvoir central en milieu rural
25Dans les villages du département de la Vienne, Jacques Péret avait constaté que « pour l’essentiel, la Terreur vient d’en haut ; de la Convention par le relais des représentants en mission, même s’ils interviennent peu directement, et surtout de la ville voisine, chef-lieu de département ou de district, dont la domination sur ses campagnes se resserre brutalement durant cette période de centralisation »33. Et cette intrusion fut aussi assez tardive : pas avant l’automne 1793 et l’arrivée du représentant en mission Engrand. À quatre cent cinquante kilomètres de là, en direction du nord, dans le département de l’Aisne, la situation s’avère en tout point identique.
26À partir d’un sondage effectué dans plusieurs communes rurales, le nombre d’interventions des pouvoirs extérieurs aux municipalités a plus que doublé entre le premier et le second semestre 1793 pour atteindre son apogée tout au long de l’année 1794 – période thermidorienne comprise –, et même entre temps, la nature des intervenants et les objets de leurs actions se sont profondément modifiés.
27L’automne 1793 correspond à cette période où toute une nuée d’agents envoyés par le pouvoir central, l’administration militaire et la « jacobinière parisienne », tels que Taine les décrit avec mépris, s’abattit sur les riches plaines céréalières picardes pour mieux contrôler les réquisitions des blés et fourrages destinés à nourrir Paris et l’armée du Nord si proches34. L’automne 1793 correspond au temps des grandes missions dans l’Aisne : après une première tournée avec Lequinio au mois d’août 1793, le conventionnel Lejeune revient dans l’Aisne, cette fois accompagné de Roux de septembre à décembre 1793, pour effectuer un travail de régulation politique et frumentaire plus approfondie. Travail malaisé néanmoins que le leur, tant il est concurrencé par d’autres interventions extérieures : celles des représentants du peuple auprès de l’armée du Nord, des agents militaires, ou encore ceux de la Commune de Paris. Évidemment, les actions et les inévitables conflits d’intérêt entre ces différents pouvoirs eurent pour théâtre les chefs-lieux des administrations du département et de district. Toutefois, vers les communes rurales, furent dépêchés quelques-uns de leurs fidèles commissaires locaux. S’il est une intrusion qu’ont particulièrement ressenti les communautés rurales à l’automne 1793 et à l’hiver 1794, c’est celle de l’armée révolutionnaire parisienne. Active seulement dans les quatre districts méridionaux et centraux du département, elle se fit le fer de lance de la déchristianisation et l’agent exécutoire des lois sur le Maximum et les réquisitions de grains pour Paris35.
28À l’hiver et au printemps 1794, la pression des pouvoirs extérieurs ne s’est pas relâchée sur les communes, bien que sa nature se soit altérée. Désormais la plupart des intrusions dans les affaires communales deviennent le fait quasi-exclusif des commissaires de district. Bien sûr, on peut voir dans cette transformation une conséquence directe de la loi du 14 frimaire an II, qui transfère le centre de gravité décisionnel du département aux districts. Néanmoins, l’effacement des précédents missionnaires y est aussi pour beaucoup. De retour fin janvier 1794 dans le département, le représentant en mission Roux n’y séjourna qu’un seul mois ; quant à l’armée révolutionnaire parisienne, enjeu du conflit des « factions », elle fut licenciée par décret de la Convention le 7 germinal an II (27 mars 1794). Pour autant, l’exécution des réquisitions d’effets militaires et de grains auprès de communes de plus en plus réticentes à s’y soumettre reste l’objet principal de ces intrusions du district.
Conformisme et acceptation mesurée des communes
29Quel fut l’impact de ces interventions sur les communes ? Une constante se dégage du début de l’été 1793 au suivant : le domaine essentiel des interventions des pouvoirs intermédiaires et centraux dans les affaires communales se résume à l’exécution des réquisitions, qu’elles soient d’ordre militaire ou frumentaire. Rares furent celles motivées par des préoccupations idéologiques et culturelles, à l’exception notable de la poussée déchristianisatrice de frimaire an II relayée par l’armée révolutionnaire parisienne. Quant à l’aspect le plus spectaculaire des intrusions du pouvoir central dans les affaires locales, celui de l’épuration des municipalités, s’il a frappé toutes les villes chefs-lieux de district, il a épargné, en revanche, complètement les communes rurales. Sur un échantillon de vingt communes rurales de 300 à 1 500 habitants prises dans la totalité des six districts entre 1793 et le 9 thermidor an II, une seule fut révoquée par ordre de son administration de district, et ce tardivement, le 10 germinal an II (30 mars 1794), au moment où la Terreur commençait à refluer du département36.
30Même le remplacement des procureurs syndics par les agents nationaux institués par le décret du 14 frimaire an II n’a pas fourni prétexte à intervention des pouvoirs intermédiaires dans la composition des pouvoirs communaux. Certes, le décret prévoyait que les plus irréprochables des anciens procureurs se succèderaient à eux-mêmes à la fonction d’agent national, mais il recommandait aussi aux districts de procéder à la destitution des moins fiables d’entre eux37. Certes, si sur notre échantillon de 20 communes, un peu moins de la moitié des agents nationaux furent renouvelés, précisons toutefois qu’aucun ne le fut selon la directive d’un pouvoir extérieur. Tous l’ont été à la suite d’une élection par les membres de la municipalité ou des citoyens de la commune. En matière d’arbitraire et de centralisme autoritaire, on pouvait s’attendre à mieux…
31Enfin, dans l’Aisne comme ailleurs, même traversée de tensions internes fortes, la communauté savait retrouver sa cohésion en situation de confrontation aux intrusions des pouvoirs extérieurs. Se déploie alors tout un « processus de prudence tactique » bien identifié dans le département de la Vienne par Jacques Péret, qui consiste à contrebalancer les adhésions par le recours au simulacre et au conformisme38. Prenons quelques exemples : à Ambleny, dans le district de Soissons, toute la population se retrouve dans l’église paroissiale le 4 frimaire an II (24 novembre 1793), afin d’y proclamer leur commune volonté de « vivre et mourir en aussi bons catholiques que républicains » et donc de s’opposer aux mesures déchristianisatrices impulsées par le directoire du département. Que vienne un détachement de l’armée révolutionnaire parisienne pour s’enquérir de la livraison de tous les objets liturgiques au district, et les clefs de l’église disparaissent comme par enchantement ! Et comme pour donner le change, le 4 messidor an II (22 juin 1794), la municipalité fait savoir à grand bruit qu’elle organise une adjudication des travaux pour « la construction d’une déesse sur la place de la liberté ». De l’inauguration prévue pour le 30 messidor (18 juillet), nous ne sûmes rien, probablement parce qu’elle n’eut pas lieu, défaut d’adjudicataires oblige39 ! Les exemples de ce type sont multipliables, chaque commune en regorge. Ce qu’il faut en retenir c’est la stratégie de conformisme et d’approbation mesurée qui est mise en application. Dans l’Aisne, les pouvoirs communaux ruraux ont su présenter une communauté d’action face aux intrusions des pouvoirs extérieurs, qui passa toujours par le refus d’un affrontement direct. Mieux valait faire semblant de s’exécuter, présenter une loyauté de surface et recourir à des compromis acceptables par tous.
32Dans l’Aisne, lorsque les commissaires des districts, des représentants en mission ou seulement des agents militaires sont intervenus dans les affaires communales, ce fut toujours pour répondre aux impérieuses nécessités de la politique de Salut Public, rarement pour des motivations d’ordre idéologiques au sens strict40. Seuls les sans-culottes de l’armée révolutionnaire parisienne – que l’on ne peut tenir pour des agents du pouvoir central – ont sillonné les campagnes des districts centraux et méridionaux pour contraindre les municipalités à exécuter des mesures déchristianisatrices, non sans l’appui complice de quelques militants locaux.
33Par conséquent, la Terreur imposée par « le haut » s’est confondue pleinement avec la politique de guerre. On reste surpris de constater que les mesures de politique générale, tels la loi des suspects, les décrets de ventôse, le calendrier républicain ou l’instauration du culte de l’Être suprême, parmi tant d’autres, aient rencontré si peu d’échos, et encore moins de volonté d’application auprès des municipalités rurales, alors que la plupart d’entre elles n’ont presque pas failli à leur devoir en ce qui concerne les réquisitions de blé, de chevaux, de convoi et les levées d’hommes jusqu’au début de l’été de l’an II.
34Comment comprendre cette dichotomie qui traverse les communes rurales, capables de souscrire, bon gré mal gré, à certaines demandes de la politique montagnarde et d’en rejeter d’autres ? La proximité du front militaire ne saurait tout expliquer. Plutôt que de poser l’attitude des municipalités face à la Terreur avec les concepts de refus/adhésion, résistance/approbation, ne pourrait-on pas plutôt préférer ceux d’« amortissement » et de « consentement partiel » avancés par Jacques Péret41 ? Ces nouveaux outils analytiques affineraient l’approche des pratiques de « Terreur négociée » utilisées entre les municipalités axonaises et leurs pouvoirs intermédiaires. S’acquitter de certaines exigences d’État, souvent les plus urgentes, garantissait en retour aux pouvoirs locaux une tolérance tacite de leurs supérieurs administratifs sur l’inexécution totale ou partielle de quelques autres, en particulier celles relatives aux pratiques religieuses et culturelles. Par conséquent toute une économie de l’obéissance a régi les articulations entre « Terreur imposée » et « Terreur acceptée ». En fonction des aléas de cette interaction, des stratégies très différentes ont pu s’ébaucher dans les communautés. Jean-Pierre Jessenne en avait distingué quatre pour l’ensemble de la France42 : les villages du refus, caractérisés par l’absence d’application des directives révolutionnaires – nous ne les avons pas rencontrés dans l’Aisne ; les villages « jacobins » où la communauté rurale, politisée dans le cadre des sociétés populaires ou des comités de surveillance, apporte à l’unisson de sa municipalité un soutien actif local au gouvernement révolutionnaire – quelques cas se sont manifestés surtout dans les villages du district de Château-Thierry, là où les hommes se font vignerons et pratiquent la polyculture ; les villages dans lesquels les antagonismes sociaux centrifuges à la collectivité rurale ont su profiter de la politique d’éclatement des pouvoirs communaux impulsée par les Montagnards pour remettre en cause la domination de la bourgeoisie rurale – cette configuration s’est rencontrée dans la plupart des districts, en particulier dans ceux de Chauny, Saint-Quentin et Laon, même si au final elle a échoué à se pérenniser. Incontestablement, le cas le plus répandu dans le département, est celui des villages qui, grâce à la cohésion de leur communauté, ont su à la fois éviter un éclatement du pouvoir communal et user de consentement partiel face aux politiques de la Terreur. Après tout, ce n’est pas un hasard si Michel Vovelle avait qualifié les départements des grandes plaines circonvoisines de Paris de « France du conformisme »43 !
35Si les relations entre les communes et le gouvernement révolutionnaire, au moins dans le département de l’Aisne, ne sauraient se réduire à un cas de divorce, peut-on encore affirmer pour autant, à la manière d’Aulard, que les municipalités furent « les appuis du gouvernement révolutionnaire » ? Effectivement, les pratiques de la « Terreur négociée » des communes cadrent mal avec la notion d’engagement militant que le grand historien de la Révolution leur prête. Pourtant en retour, le dynamisme de la vie municipale et communale dans l’Aisne est indéniable, voire exceptionnel en regard de toute la décennie révolutionnaire. Ne pourrait-on pas alors supposer que cette vitalité relève du paradoxe mis en évidence par Jean-Pierre Jessenne : « Les Montagnards projetaient au printemps 1793 un renforcement du pouvoir des communes ; c’est paradoxalement contre l’emprise du gouvernement révolutionnaire que s’actualise une volonté communale dont la vitalité sera une des formes essentielles de perpétuation de la communauté rurale au xixe siècle »44.
36Toujours est-il que le principal résultat politique de cette stratégie mise en œuvre par la majorité des communes rurales axonaises fut de dissocier violence et Terreur. Que l’effroi ait régné sur les âmes d’une partie des citadins du département, en particulier chez les Saint-Quentinois, ne saurait être mis en doute. Mais de sang versé, d’arrestations massives, il n’y eut point dans les campagnes du département de l’Aisne. Si bien qu’avec un peu d’audace, on pourrait se demander si la Terreur fut une réalité en milieu rural picard ?
Notes de bas de page
1 Guy Robert Ikni, « La République au village en l’an II », dans Michel Vovelle (dir.), Révolution et République : l’exception française, Paris, Kimé, 1994, p. 252-262.
2 Alphonse Aulard, Histoire politique de la Révolution française. Origines et développement de la démocratie et de la République (1789-1804), Paris, Armand Colin, 1901, p. 349.
3 Georges Fournier, Démocratie et vie municipale en Languedoc du milieu du xviiie au début du xixe siècle, Toulouse, Les amis des archives de la Haute-Garonne, 1994 ; Serge Bianchi, La Révolution et la première République au village. Pouvoirs, votes et politisations dans les campagnes de l’Île-de-France, 1787-1800, Paris, Éditions du CTHS, 2004.
4 Michel Biard, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Éditions du CTHS, 2002.
5 Laurent Brassart, « Armée et pouvoirs urbains dans le département de l’Aisne de l’an II au lendemain du 18 brumaire an VIII », dans Philippe Bragard, Jean-François Chanet, Catherine Denys et Philippe Guignet (dir.), L’armée et la ville dans l’Europe du Nord et du Nord-Ouest. Du xve siècle à nos jours, Louvain, Academia Bruylant, 2006, p. 223-239.
6 Jacques Péret, « Le village face à la Terreur : l’exemple du département de la Vienne », dans Roger Dupuy (dir.) Pouvoir local et Révolution, 1780-1850. La Frontière intérieure, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1995, p. 279-292.
7 Il s’agit des communes d’Artonges, Essômes-sur-Marne, Montigny-l’Allier, Verdilly (district de Château-Thierry), Abbecourt, Beautor et Bertaucourt-Epourdon (district de Chauny), Montloué, Mortiers, Ployart et Vassognes (district de Laon), Bohain, Brissy, Fontaine-Fieulaine, Holnon (district de Saint-Quentin), Ambleny, Laversine, Chacrise, Montigny-Lengrain (district de Soissons), Chigny, Papleux et Watigny (district de Vervins).
8 Jacques Bernet, « Aux sources de la sociabilité politique contemporaine : les clubs de Jacobins sous la Révolution française. L’exemple champenois et picard, 1789-1795 », Annales historiques de la Révolution française, 1986, n°266, p. 477-495.
9 Jean Boutier, Philippe Boutry et Serge Bonin, Atlas de la Révolution française, t. 6 « les sociétés politiques », Paris, Éditions de l’EHESS, 1992, p. 77.
10 Ibid, p. 37.
11 Ibid, p. 20. La polarisation du district méridional de Château-Thierry par l’aire d’attractivité parisienne, la permanence des combats de la révolution paysanne sur les plateaux de grandes cultures et celle des traditions démocratiques vigneronnes dans la vallée de la Marne expliquent la singularité de ce district à l’échelle départementale.
12 À ce jour, aucun registre des délibérations de ces sociétés populaires rurales n’a pu être retrouvé, à l’exception de ceux des deux bourgs assez proches de Chauny et de Saint-Gobain. Par conséquent, traiter de leur mode de fonctionnement paraît pour le moins hasardeux.
13 A.D.A (Archives Départementales de l’Aisne), L 820, Délibérations municipales de Ployard.
14 Le chantier historiographique concernant les comités de surveillance a été ré-ouvert récemment à l’initiative de l’Université de Provence (cf. Rives Nord-méditerranéennes, spécial « comités de surveillance et Révolution française », n°18, 2004. Consultable en ligne : http://rives.revues.org/sommaire207.html).
15 Il ne subsiste plus que deux registres de séances de comités de surveillance pour l’ensemble du département : celui de Coucy-le-Château (district de Chauny) et celui de Château-Thierry. Par conséquent notre enquête s’appuie sur des sources indirectes, essentiellement des rapports des autorités intermédiaires et des représentants en mission au pouvoir central, et des délibérations municipales.
16 Jacques Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, Paris, Presses Universitaires de France, 1951, rééd. 1985, p. 331.
17 Décret sur le mode de gouvernement provisoire et révolutionnaire du 14 frimaire an II, section II, art. 8 (Archives parlementaires, t. LXXX, p. 153).
18 Jean-Pierre Jessenne, Pouvoir au village et Révolution. Artois, 1760-1848, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1987, p. 95-104. Dans les départements de la Haute-Normandie et dans celui de la Haute-Marne, respectivement étudiés par Danièle Pingué et Jacques Bernet, la densité des implantations était bien plus forte que dans l’Aisne. À titre d’exemple, au moins la moitié des communes de la Haute-Marne a abrité un comité de surveillance (Jacques Bernet, « Les fonds des comités de surveillance en 1793-an III. Intérêt politique et usages historiques. L’exemple de la Haute-Marne », Rives Nord-méditerranéennes, spécial « comités de surveillance et Révolution française », 2004, n°18 ; Danièle Pingué, « Les comités de surveillance. Sources et problématique : l’exemple de la Haute Normandie », ibid.).
19 A.D.A., L 1765, Séance du 2 pluviôse an II.
20 Le modèle du genre est donné par le comité de surveillance de la commune de Coucy-le-Château : ibid., L 2116, Délibérations du comité de surveillance de Coucy-le-Château.
21 Ibid., Délibérations municipales d’Holnon, 1 D1.
22 Ainsi l'arrêté des représentants en mission Saint-Just et Lebas du 16 pluviôse an II qui exigeait l'arrestation de tous les ci-devant nobles des départements du Pas-de-Calais, du Nord, de la Somme et de l'Aisne dans les 24 heures, est-il exécuté par la municipalité seule !
23 Dans le Languedoc, Georges Fournier remarque que les comités de surveillance «... sont dans la majorité des cas proches des équipes municipales en place. Dans certains villages, ils ne semblent jamais avoir fonctionné » (Georges Fournier, « La vie politique au village en l'an II », Annales historiques de la Révolution française, 1995, n°2 p. 271-282). Dans l’Essonne, Serge Bianchi se demande : « les comités de surveillance ont-ils été des agents d’accélération de la Terreur au village et des facteurs de politisation ? La réponse sera partiellement négative » (Serge Bianchi, La Révolution […], op.cit, p. 664).
24 A.D.A., Délibérations municipales d’Artonges. D.1.
25 Ibid., L 825-826, Délibérations municipales de Bohain ; ibid., L 822, Délibérations municipales d’Abbecourt.
26 Ibid., Délibérations municipales de Montloué, 1 D1.
27 Ibid., Délibérations municipales de Montigny L’Allier, D 1, Séances des 13 et 20 octobre 1793.
28 Jacques Bernet, « Les grèves de moissonneurs ou “Bacchanales” dans les campagnes », Histoire et Sociétés Rurales, 1er semestre 1999, n°2, p. 153-186.
29 Georges Fournier constate que « le nombre de points débattus, qui n’a cessé de croître depuis 1789, atteint des records en l’an II, cinq à dix fois plus qu’à la fin de l’Ancien Régime » (Georges Fournier, « La vie politique au village […] », art. cit.).
30 Cf. supra la communication de Jean-Paul Rothiot.
31 L’ensemble de ces données est tiré d’un travail de doctorat en cours sur les relations entre l’État central et les collectivités locales dans le département de l’Aisne pendant la Révolution française.
32 Serge Bianchi, La Révolution (…), op.cit., p. 670.
33 Jacques Péret, art. cit.
34 Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, Paris, 1876-1893, rééd. Robert Laffont, 1986, 2 vol.
35 Richard Cobb, « L’armée révolutionnaire parisienne dans le département de l’Aisne », Revue du Nord, 1951, n°132, p. 242-252 ; 1952, n°133, p. 51-70 ; 1952, n°134, p. 109-132.
36 Cet échantillon comprend les communes d’Artonges, Essômes-sur-Marne, Montignyl’Allier, Verdilly dans le district de Château-Thierry ; Abbecourt, Beautor, Bertaucourt-Epourdon dans le district de Chauny ; Montloué, Mortiers, Ployart, Vassognes dans le district de Laon ; Brissy, Fontaine-Fieulaine, Holnon dans le district de Saint-Quentin ; Ambleny, Laversine, Chacrise, Montigny-Lengrain dans le district de Soissons ; Chigny et Watigny dans le district de Vervins.
37 Décret du 14 frimaire an II, section II, art.15 et art.22 (Archives parlementaires, t. LXXX, p. 153-154).
38 Jacques Péret, art. cit.
39 Laurent Brassart, « Obéir pendant la Terreur. Trois communes de l’Aisne et l’État jacobin en l’an II », Temporalités, 1995, n°2, p. 93-115.
40 Un constat que partage Georges Fournier pour le Languedoc (Georges Fournier, art. cit.).
41 Jacques Péret, art. cit.
42 Jean-Pierre Jessenne, « Le gouvernement révolutionnaire, la terre et la communauté rurale (1793-1795), Bulletin de la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine, 1999, n°1-2, p. 96-116.
43 Michel Vovelle, La découverte de la politique. Géopolitique de la Révolution française, Paris, La Découverte, 1992, p. 329-331.
44 Jean-Pierre Jessenne, art. cit.
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