Les rouages de la Terreur
p. 23-37
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Texte intégral
1-Michel Biard
1Évoquer les « rouages de la Terreur », c’est évidemment utiliser ici le sens figuré du mot « rouage » tel qu’il apparaît au xixe siècle, lorsqu’il sert à désigner les éléments d’un ensemble qui fonctionne, que ce soit bien ou mal1. Qu’on s’entende, cela ne signifie pas pour autant qu’aurait existé une sorte d’institution centralisant toutes les mesures liées à la Terreur, d’autant que le sens de ce dernier mot retenu pour notre colloque évoque davantage des politiques mises en œuvre pendant le « temps » de la Terreur et non une « politique de la Terreur »2 qui serait supposée être une sorte d’instrument aux mains de révolutionnaires soucieux de jeter l’effroi parmi leurs adversaires. Ce « temps » de la Terreur sera ici saisi dans une définition assez précise – même si naturellement existe toujours un débat historiographique à propos des dates marquant les débuts et la fin de la Terreur3 –, c’est-à-dire des prémisses du printemps 1793, au moment où la crise multiforme frappant la République devient d’une gravité jusque-là inconnue, à l’été 1794, lorsque la mise à mort de Robespierre et de ses compagnons ouvre au bout de quelques semaines non seulement les portes des prisons, mais aussi de nouvelles orientations politiques. C’est dire que, à nos yeux, la Terreur ne peut se résumer à ses seules violences, sous peine, d’une part, d’ignorer les racines de celles-ci et de faire une quasi impasse sur les violences politiques postérieures à Thermidor, d’autre part, d’omettre les diverses politiques mises en œuvre ou au moins esquissées pendant cette période. Que ces politiques aient souvent pu prendre appui sur la coercition n’implique pas pour autant qu’elles soient sommairement amalgamées, sans plus d’analyse, aux violences de la Terreur. Le rêve d’une Cité idéale a bien coexisté en 1793-1794 avec l’ensemble des mesures mises en place pour défendre la Cité réelle, ce qui explique notamment comment cette France a pu être tout à la fois généreuse et violente, arbitraire et soucieuse du respect de la légalité, démocratique et intolérante, bref, pour oser le paradoxe, fraternelle et fratricide.
2Pourquoi, dira-t-on peut-être, ouvrir l’enquête au printemps 1793, là où traditionnellement l’historiographie insiste davantage sur l’effet des journées révolutionnaires des 4 et 5 septembre 1793 ou bien sur la proclamation du « gouvernement révolutionnaire » le 10 octobre suivant et le grand décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) qui en organise le fonctionnement concret ? Tout simplement en raison d’un certain nombre de décrets votés par la Convention au printemps qui créent des institutions « révolutionnaires », au sens qui va justement être donné à l’adjectif à l’automne, c’est-à-dire des institutions extraordinaires conçues pour faire face à la crise politique, militaire, économique et sociale. Parmi ces institutions, figurent notamment plusieurs des rouages essentiels du temps de la Terreur : les représentants du peuple en mission qui sont transformés de facto en une authentique institution le 9 mars, le Tribunal révolutionnaire créé le 10, les comités de surveillance le 21, le Comité de salut public le 6 avril. Ce sont là autant d’institutions qui ne sont point liées à des projets constitutionnels, mais qui pour autant, au nom de l’urgence des mesures dites de « salut public », prennent place dans les rouages de l’État, qu’on comprenne ce dernier en tant que forme politique ou comme appareil administratif. Comme ces institutions extraordinaires voient le jour avant l’élimination politique des Girondins, cela tend à prouver que la majorité des représentants du peuple a alors déjà, fût-ce de manière partielle, basculé du côté des solutions préconisées par les Montagnards pour assurer la victoire de la République face à ses adversaires. De ce fait, l’impact des journées de manifestation des 4 et 5 septembre 1793 à Paris doit être quelque peu relativisé, d’ailleurs aussi bien au regard de ces décisions du printemps que de celles d’octobre et décembre 1793. Jean-Clément Martin a récemment insisté sur le fait qu’on ne saurait continuer à affirmer qu’il y eu à ce moment là une « mise à l’ordre du jour de la Terreur »4, et d’un point de vue strictement légal on peut lui donner raison5. Cependant, d’une part, de nombreuses sources attestent l’usage du mot d’ordre dès l’été 1793 et plus encore sa propagation dans les départements dès la mi-septembre6, d’autre part et surtout, plusieurs nouveaux décrets n’en viennent pas moins satisfaire en partie les demandes des pétitionnaires à l’issue des manifestations ou dans les semaines qui suivent : création d’une armée révolutionnaire parisienne, loi dite « des suspects »7, maximum général des prix et des salaires. Néanmoins, ce sont là de nouveaux rouages de la Terreur qui vont vite montrer leurs lacunes et leurs ambiguïtés, et de ce fait les décisions du 10 octobre et du 14 frimaire paraissent à nos yeux beaucoup plus importantes que celles directement issues des journées de septembre.
3En effet, la nature particulière du « gouvernement révolutionnaire » réside dans certaines caractéristiques qui en font un gouvernement d’exception, destiné à durer pendant le temps de la guerre avant que le retour de la paix puisse permettre le rétablissement d’un gouvernement constitutionnel8. Outre la fameuse « centralité législative » qu’il instaure9, renforçant ainsi le pouvoir de la Convention face à l’Exécutif, mais aussi le pouvoir de son Comité de salut public en son propre sein, le décret du 14 frimaire distingue avec soin des lois dites « ordinaires » et des lois dites « révolutionnaires ». Parmi les premières sont rangées les « lois et mesures militaires », les « lois administratives, civiles et criminelles », pour lesquelles les rouages traditionnels du pouvoir continuent à fonctionner10. La surveillance de leur exécution est confiée au Conseil exécutif, à charge pour celui-ci de rendre compte une fois par décade au Comité de salut public, de même que chacun des ministres doit lui aussi le faire. Quant à leur application, elle est du ressort des « généraux et autres agents attachés au service des armées » pour ce qui concerne les questions militaires, des tribunaux (civils et militaires) pour les affaires de justice, des administrations de département pour les autres lois dites « ordinaires », tous devant là encore rendre des comptes tous les dix jours, cette fois devant le Conseil exécutif. C’est dire que, pour ces lois, ce sont les administrations mises en place depuis les grandes réformes des débuts de la Révolution qui continuent à fonctionner, même si bien sûr leur personnel a pu être « épuré » et si, au sommet de la pyramide des pouvoirs, c’est le Comité de salut public, organe devenu de fait extraordinaire, qui supervise l’ensemble. En revanche, le cas des lois « révolutionnaires » est radicalement différent et elles sont pour cette raison beaucoup plus importantes dans les rouages de la Terreur. En effet, pour ces « lois révolutionnaires et […] mesures de gouvernement, de sûreté générale et de salut public » (autant de concepts qui ne reçoivent pas de définition précise), la surveillance de l’exécution est certes confiée aux administrations de district et l’application aux municipalités, mais deux institutions « révolutionnaires » interviennent avec force. D’une part, les « comités de surveillance », dits aussi « révolutionnaires » (ce qui n’est pas un emploi innocent du vocabulaire), veillent à l’application de ces lois concurremment aux municipalités ; mais, si les deux types d’institutions doivent à leur tour rendre compte aux administrateurs de district tous les dix jours, les comités ont seuls le droit de correspondre « directement et sans aucun intermédiaire avec le Comité de sûreté générale de la Convention ». Qui plus est, aux procureurs syndics de district et aux procureurs de commune élus sont substitués des agents nationaux nommés, même si la plupart du temps les membres en place ne font que changer de titre (un procureur devenant agent national). D’autre part et surtout, à la surveillance des districts, qualifiée de « simple, secondaire et immédiate », vient s’ajouter une autre surveillance dite « active et supérieure », qui n’existe pas dans le cas des lois « ordinaires ». Or, cette surveillance n’est pas uniquement une sorte de précaution supplémentaire, puisque, là où la surveillance « simple » n’autorise les administrateurs de district qu’à prendre des renseignements pour améliorer l’exécution des lois, la surveillance « active et supérieure » confère à ceux qui la possèdent le droit de prendre des arrêtés exécutoires qui donnent « force à la loi ». Aussi est-ce là de facto une intervention directe dans les domaines en principe réservés au pouvoir exécutif. Or, ce second type de surveillance est confié aux deux grands comités de la Convention et aux représentants du peuple en mission. De ce fait, ceux-ci, déjà membres d’une institution par excellence « révolutionnaire » avant la lettre, supervisent l’ensemble du système des lois « révolutionnaires » et sont chargés en quelque sorte de surveiller les surveillants. Une circulaire du Comité de salut public, adressée aux agents nationaux de district pour accompagner l’envoi du décret du 14 frimaire, l’exprime sans détours : « Songez, surveillants, que d’autres yeux sont ouverts, songez que si les vôtres se ferment un instant, la peine appelée par vous-mêmes sur les coupables vous atteint et vous frappe […] Le dépôt de l’exécution des lois est enfin confié à des dépositaires responsables. Qu’ils tremblent, s’ils deviennent infidèles […] »11. Comme par ailleurs plusieurs signes attestent au même moment une volonté de la Convention et du Comité de salut public de renforcer leur propre contrôle sur les représentants du peuple en mission, qualifiés d’ » ouvriers de la République », c’est bel et bien à ce moment que prend corps une organisation des rouages du gouvernement révolutionnaire afin de conduire les politiques de la Terreur. Cela ne signifie pas pour autant bien sûr qu’il faille alors confondre gouvernement révolutionnaire et Terreur, comme l’atteste d’ailleurs la survie du gouvernement révolutionnaire bien au-delà de Thermidor ; pour autant ses rouages n’en sont pas moins décisifs dans les politiques alors mises en œuvre. C’est sa nature extraordinaire qui en fait une sorte de « gouvernement de guerre » destiné à non seulement organiser l’effort de défense de la République face aux puissances étrangères coalisées contre elle, mais aussi à vaincre les ennemis de la Révolution, réels ou supposés, sur le territoire national. C’est pour cela que l’ensemble des politiques menées pendant cette période, y compris par exemple les politiques sociales, les mesures économiques et nombre de décisions importantes en matière de culture, a très souvent été perçu sous le seul nom de Terreur, voire tel que l’a écrit Patrice Gueniffey comme « la politique de la Terreur », ce qui vise dès lors à assimiler les mesures prises par toute révolution radicale à une sorte de viol tenu pour systématique des principes élémentaires de la démocratie, de même que tout projet égalitaire serait de facto réputé liberticide.
4Par ailleurs, on a pu distinguer dans cet automne 1793 une rupture majeure entre une « Terreur légale décentralisée » et une « centralisation de la Terreur »12 qui verrait le renforcement du rôle du Tribunal révolutionnaire de Paris et la fin progressive d’un certain nombre d’excès de représentants du peuple en mission, d’armées révolutionnaires et/ou de militants locaux dans les départements. Le constat est certes pertinent, toutefois les contradictions, les conflits de pouvoirs et d’intérêts, les heurts des légitimités, n’ont pas vraiment cessé, de même que, au sommet, dans la capitale, jamais les rivalités internes à la Convention et aux comités n’ont disparu, tandis que l’affrontement entre les pouvoirs issus de l’été 1792 et les partisans d’une « démocratie pure » ne s’est guère atténué qu’avec la mise à l’écart des « factions » au printemps 1794. Qui plus est, il n’est pas évident de supposer que, en matière de justice extraordinaire, l’automne 1793 soit également une coupure importante. Il suffit d’étudier les mécanismes de la répression dans les départements pour constater qu’il est délicat de définir des rythmes vraiment précis à l’échelle nationale. D’une part, les différents départements n’ont pas connu les mêmes troubles politiques, a fortiori des luttes armées inexpiables. D’autre part, les formes « révolutionnaires » de la justice n’ont pas été mises en activité d’une manière uniforme et aux mêmes dates. C’est tout spécialement le cas bien sûr des commissions militaires, puisqu’elles ont été autorisées par un décret de la Convention dès le 9 octobre 1792, soit avant la période qui nous occupe ici. À leur naissance, elles ne devaient s’occuper que du jugement des émigrés pris les armes à la main, pour lesquels la peine de mort pouvait être rendue et exécutée dans les vingt-quatre heures après leur arrestation. Mais, dès le printemps 1793, leur champ d’action fut considérablement étendu et elles jouèrent un rôle clef aussi bien dans des répressions de vaste ampleur contre des « rebelles », comme dans l’Ouest, que dans le rétablissement de la discipline aux armées. Et de semblables commissions militaires sont encore utilisées par la Convention thermidorienne puis sous le Directoire13. Certes, on pourra par ailleurs objecter que d’autres tribunaux extraordinaires, nommés ici « commissions révolutionnaires », là « commissions populaires », ont eux été supprimés par un décret de la Convention le 19 floréal an II (8 mai 1794), mais, d’une part, certains continuèrent à fonctionner après cette décision comme dans le Gard ou le Pas-de-Calais, d’autre part, le représentant du peuple en mission Maignet obtint quelques jours après l’autorisation du Comité de salut public d’établir la commission populaire d’Orange, dont le fonctionnement a parfois été perçu comme une préfiguration de ce que devait devenir le Tribunal révolutionnaire de Paris avec la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794).
5On l’aura compris, pour qui veut définir les rouages de la Terreur, il convient tout à la fois d’étudier l’ensemble des institutions ordinaires qui ont contribué aux politiques alors mises en œuvre, mais aussi toutes ces institutions « révolutionnaires » qui donnent leur particularité aux années 1793-1794, sans oublier naturellement un autre lieu de pouvoir, souvent important à l’échelle locale, en l’occurrence les sociétés populaires14. Ces dernières ne sont ni des institutions, ni même des organes « révolutionnaires » au sens évoqué ci-dessus. Toutefois, par leurs interventions dans la vie politique locale, mais aussi dans des domaines aussi variés que les secours publics, l’effort de guerre, la surveillance des suspects, les fêtes et autres cérémonies civiques, elles tendent en l’an II à changer en partie de nature, se transformant de sociétés de pensée en groupes liés au pouvoir jacobin et montagnard15. L’explosion de leur nombre pendant cette période ne tient en aucun cas du hasard et nombreux sont les représentants du peuple en mission qui, au gré de leurs périples missionnaires, créent des sociétés populaires ici, en épurent d’autres là, avec comme même objectif de disposer d’un réseau de relais susceptibles d’appuyer les politiques mises en œuvre. C’est évidemment pour cela qu’elles seront attaquées et à terme supprimées en l’an III. Colin Lucas, dans son étude consacrée à ce qu’il baptisait « la structure de la Terreur » dans le département de la Loire, en est même d’ailleurs venu à les évoquer avant les comités de surveillance et les armées révolutionnaires16.
6S’agissant des intermédiaires entre la capitale et les départements, des liens et des réseaux qui les unissent aux divers rouages du pouvoir central, force est de constater que, si des travaux sont venus combler des vides ces dernières années, beaucoup reste encore à accomplir en matière de recherche. Le rôle majeur des comités de la Convention nationale reste toujours lui même un sujet d’enquête qui n’a pas livré toutes ses conclusions. Ainsi, récemment, des recherches sur l’un des nombreux comités peu connus, le Comité des Inspecteurs de la Salle, ont mis à jour la très grande importance de ses travaux. D’une part, ce comité gérait les fonds qui étaient remis aux représentants du peuple avant leur départ en mission, avec à la clef des sommes considérables dépensées pour qu’ils puissent mener à bien ces missions, en général 3 à 4 000 livres par missionnaire en 1793-1794, beaucoup plus après Thermidor, et un montant global de quelque 8 millions de livres de mars 1793 à vendémiaire an IV17 ! D’autre part, l’étude précise du fonctionnement quotidien de ce comité et de ses relations avec les autres comités, notamment le Comité de salut public, est venue attester que ce dernier, loin d’être tout puissant et plus encore omniscient, s’appuyait très souvent sur les travaux préparatoires réalisés par des comités en apparence plus mineurs18. Dès lors, siéger dans l’un de ces comités plus « obscurs » pouvait très bien être au final une manière d’influencer les décisions politiques essentielles, même s’il va de soi au demeurant que le Comité de salut public, par son surcroît d’autorité, était toujours à même de rejeter une proposition qui lui était faite. L’étude de ces nombreux comités peut naturellement être conduite grâce aux archives conservées de leurs activités, mais aussi grâce aux correspondances entretenues entre eux et le Comité de salut public, voire la Convention nationale. Pour ce qui est des représentants du peuple en mission, décisifs à bien des égards dans les politiques de la Terreur, quels que soient les aspects que l’on retienne, nous les connaissons mieux désormais grâce à une synthèse récente19, là où auparavant dominaient davantage des portraits individuels ou des études locales20, au mieux « régionales »21. Désormais, ils ne peuvent plus être perçus uniquement comme des « proconsuls » liés aux seules violences de la Terreur22. Les plus assidus ont passé jusqu’à 17 à 20 mois sur le terrain, dans les départements ou auprès des armées, presque sans solution de continuité. Cela a contribué à leur donner un rôle de précieux intermédiaires entre pouvoir central et pouvoirs locaux, mais aussi entre le pouvoir et les citoyens, d’autant qu’au temps de la Terreur, aucun domaine ou presque n’a échappé à leurs activités, dans la mesure où le pays tout entier était tourné vers un gigantesque effort de guerre pour favoriser le redressement militaire et en finir avec les périls intérieurs. De fait transformés en « hommes-orchestre » de la Révolution, ils ont été essentiels dans la vie politique nationale et locale, l’approvisionnement des populations urbaines, la mobilisation des citoyens pour soutenir les armées, la diffusion des idéaux et pratiques politiques révolutionnaires, les ruptures culturelles majeures du temps. Bien sûr, cette omniprésence les a aussi amenés à une responsabilité de tout premier ordre dans les aspects violents de la Terreur et certains d’entre eux ont couvert de leur autorité des répressions de masse, ainsi à Lyon, à Toulon, ou encore dans l’Ouest insurgé où Carrier devait devenir le représentant en mission le plus haï dans la mémoire collective nationale, sitôt que la Convention eut choisi en l’an III d’en faire un bouc-émissaire pour le moins idéal en la matière23. Pour autant, la France n’a pas été touchée de manière uniforme par ces missions et jamais il n’a été décidé officiellement de pérenniser leur présence dans un territoire, même si certains le suggéraient. Seules quelques armées ont connu une présence à peu près constante des représentants du peuple en mission du printemps 1793 à l’automne 1795, ce pour des raisons évidentes. Reste-t-il des travaux à mener sur ces missionnaires de la République désormais mieux connus ? Assurément, dans la mesure où leurs politiques de terrain sont encore à découvrir partout où des enquêtes locales n’ont pas été menées (en l’occurrence c’est le cas de la majorité des départements), notamment par un travail de recension de leurs arrêtés, qui à l’échelle nationale représentent un corpus potentiel de plusieurs dizaines de milliers de textes. L’importance des missions auprès des armées est telle que de nombreuses enquêtes sur ce thème sont encore possibles aussi, que ce soit pour leurs aspects strictement militaires ou bien pour tout ce qui aujourd’hui serait désigné sous le terme « logistique ». En outre, parallèlement aux représentants du peuple en mission, des centaines d’individus ont exercé des pouvoirs dans le cadre de diverses missions, commissaires du pouvoir exécutif24, agents du Comité de salut public, commissaires envoyés par des autorités locales, commissaires « secondaires » nommés par des représentants du peuple en mission25… autant d’individus, voire même parfois de groupes, et autant de conflits à étudier lorsque, sur les terrains de mission, se heurtent les légitimités, les pouvoirs et les réseaux relationnels.
7De tels conflits sont ainsi évoqués dans plusieurs des communications rassemblées dans la première séquence de notre colloque, notamment celles qui étudient un département particulier, en l’occurrence les Vosges, l’Aisne et l’Eure. Avant celles-ci, Haim Burstin nous offre une réflexion à propos des analyses de la Terreur proposées par l’historiographie et suggère sur cette base de distinguer ce qu’il baptise « Terreur revendiquée », « pratique de la Terreur » et « Terreur théorisée ». De leur côté, Alan Forrest et David Andress soulignent, pour le premier le poids considérable de la guerre dans la Terreur et le rôle de l’armée dans la répression lorsque le pouvoir politique se sert d’elle (et/ou de la justice militaire) pour « des opérations de police » dans des contextes et des zones géographiques précis, pour le second les rapports entre violences populaires et « terreur d’État » ; tous deux insistant au final sur le rôle de l’État et de ses rouages dans le contrôle, ou les tentatives de contrôle, de l’exercice de la violence. La question de la souveraineté, au cœur des débats, notamment avec l’exercice du droit de châtier, se retrouve dans les trois monographies départementales esquissées par Jean-Paul Rothiot (avec une étude portant sur quinze villes et villages des Vosges), Laurent Brassart (sur l’Aisne) et Bernard Bodinier (pour l’Eure). Dans ces départements qui n’ont guère connu de graves « violences terroristes » (Bernard Bodinier reprend d’ailleurs à son compte l’expression « Terreur douce »), les années 1793-1794 attestent avant tout l’extrême importance des pouvoirs locaux et le dynamisme de la vie municipale, comme le montrent bien les graphiques vosgiens de Jean-Paul Rothiot. En bref, comme ose l’écrire Laurent Brassart, il y aurait là « un apogée des pratiques démocratiques » en un temps pourtant si souvent décrit par nombre d’historiens comme peu propice à l’expression… de la démocratie. À quand désormais une première esquisse de synthèse nationale sur ces « pratiques démocratiques » de 1793 et de l’an II étudiées à l’échelle des communes, mais aussi des districts, pratiques qu’avait perçues autrefois Alphonse Aulard et que divers travaux récents – ainsi la thèse de Serge Bianchi – sont venus à bien des égards confirmer ? Une esquisse qui permette d’analyser les rapports de force et le personnel politique locaux, de dégager l’influence respective des différents organes de pouvoir (pouvoirs constitués aussi bien que pouvoirs « révolutionnaires »), de saisir le rôle des sociétés populaires déjà au cœur de nombreuses études, de suivre le cheminement et l’application concrète des lois dans chaque partie du territoire national… de rappeler enfin et surtout, si besoin était encore, que l’histoire de cette période ne peut être réduite à la « Vendée militaire » ou à la sanglante répression qui a suivi la reprise de villes « rebelles » comme Lyon et Toulon (sans pour autant minimiser, a fortiori oublier, les horreurs fratricides qu’ont connues ces zones géographiques).
2 – Christine Peyrard
8Pour ajouter mon grain de sel à ce rapport, suffisamment dense pour introduire nos débats, je me contenterai de soulever trois questions pour une étude historique des rouages de la Terreur au plan local.
9Et je reprendrai volontiers le propos de Louis Blanc dans sa fameuse Lettre sur la Terreur26 Après les dix-huit ans de recherche nécessaires à la publication de son Histoire de la Révolution, il participe à la polémique suscitée par la parution de l’ouvrage d’Edgar Quinet. « Plein d’estime » pour l’homme et « plein d’admiration pour son talent », il déplore le jugement de valeur du proscrit du Deux Décembre en ces termes : « Non, non, quoi qu’en dise M. Quinet, la Terreur ne fut pas un système ; elle fut, ce qui est bien différent, un immense malheur, né de périls prodigieux ». Au delà de l’analyse historique du socialiste proscrit en juin 1848, une phrase de son discours me paraît essentielle : « Mais ce qui précisément ne mourut pas le 9 thermidor, ce fut la Terreur ».
10En effet, quand on a consacré dix-huit et quelques années à dépouiller les archives de la Révolution dans les départements de l’Ouest comme dans ceux du Midi, la « terreur rouge » de Louis Blanc, cède la place à la « terreur blanche ». Ce qui nous introduit directement dans une première série de questionnements, chers à l’historiographie classique de la Révolution, que l’on peut pédagogiquement ou laconiquement décomposer en trois points, riches de contradictions :
11La chronologie, d’abord.
12Car une réflexion sur les temps de l’histoire est indispensable dans la mesure où les institutions révolutionnaires sont élaborées au fil des circonstances, qui ne sont pas uniquement celles de 1793, et leur évolution est très différenciée. Comme l’a souvent répété Françoise Brunel, les rouages du gouvernement révolutionnaire de l’an II ont permis la transformation d’un gouvernement de transition « provisoire jusqu’à la paix » en appareil d’État après Thermidor : « ses rouages essentiels sont investis pour mener une autre politique que celle définie en l’an II »27.
13Prenons l’exemple des comités de surveillance, sur lesquels une enquête nationale a été initiée à Aix28. Rouages importants de la politique de Terreur en l’an II, non seulement ils continuent de jouer, malgré la réduction de leur nombre, un rôle de dénonciation et de répression en l’an III, mais surtout, avant que la loi du 21 mars 1793 n’institue dans chaque commune un comité de surveillance, des comités révolutionnaires ont été créés dans plusieurs localités pour défendre la patrie en danger et surveiller l’arrière. Ces comités de 1792 ont laissé aussi peu de traces dans les archives que les cercles républicains sous le Directoire. Or ils permettent de faire le lien entre mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire et de penser autrement les rapports de Paris et de la province ou les politiques de la Terreur. Enfin, au delà des héritages de 1792, comme ceux de 1793, la périodisation n’est pas la même selon les régions, districts ou communes. L’exemple de la Haute-Normandie le montre bien, avec les travaux de Danièle Pingué, avec 99,5 % de communes dotées d’un comité dans le district de Rouen contre 21,4 % dans celui d’Évreux. Elle note aussi le parallélisme et le léger décalage dans le temps avec l’apogée des créations de sociétés populaires29.
14Le fonctionnement réel des institutions, ensuite.
15Même en s’en tenant à l’an II, en laissant de côté le fonctionnement des mêmes institutions sous une autre législation, il y a beaucoup à apprendre de travaux sur l’application concrète des lois. En effet, la cohabitation des autorités révolutionnaires et des autorités constituées, les organes réguliers de l’administration et les créations de nouveaux lieux de pouvoir (représentants en mission, district, municipalité, etc.) méritent des études archivistiques sérieuses. Sur une question aussi fondamentale que l’effort de guerre, la recherche de Nathalie Alzas montre que l’époque révolutionnaire peut déboucher sur des interrogations et des pistes méthodologiques neuves30. Ce sont bien de telles enquêtes patientes et rigoureuses qui rendent pertinentes les analyses sur les politiques de défense nationale et les moyens mis en œuvre.
16Ensuite, Michel Vovelle soulignait récemment la question de « la symbiose » à laquelle sont associés représentants en mission, d’une part, et les diverses autorités à l’échelon communal, d’autre part : « dont les équilibres internes sont incertains »31. Loin du vieux bréviaire cher aux néo-conservateurs d’hier et d’aujourd’hui, le jeu des pouvoirs et des contre-pouvoirs en l’an II reste un objet d’études passionnant. Certes, il y a des aspects bien connus comme les relations conflictuelles entre certains représentants du peuple (par exemple Rovère dans le Vaucluse faisant traduire devant le Tribunal révolutionnaire Agricol Moureau, le journaliste du club) ; mais de nouvelles recherches en cours s’attachent à une analyse dialectique de ces pouvoirs dans une période d’intense mobilisation politique.
17Enfin, les institutions civiques permettant de fonder une République démocratique ne peuvent être occultées. Une histoire intellectuelle de la Terreur ne peut se passer aujourd’hui de l’histoire sociale. Il est important que de jeunes chercheurs s’attellent à ce chantier difficile en raison des conditions actuelles de faisabilité d’une thèse en quatre ans.
18L’étude des rapports de force locaux est primordiale. Elle ne conduit pas seulement à tous ces bilans nuancés de la Terreur dans tel ou tel département, mais aussi à s’interroger sur la question de fond que l’historiographie classique de la Révolution nous a laissée en héritage : le temps de l’an II a-t-il été celui des anticipations, cher à Ernest Labrousse comme à Michel Vovelle ?
19Dans sa Lettre sur la Terreur Louis Blanc ne se contentait pas de considérer la Terreur comme une « noire tragédie », et non comme un « système », il évoquait aussi dans la tradition libérale du début de son siècle un « enfantement admirable » – en réservant aux générations suivantes la « partie intellectuelle de l’œuvre à accomplir ». Des enfants de Louis Blanc à ceux de Don Quichotte, dans le doux hiver français de 2007, on ne peut que s’interroger sur les résonances actuelles du verbe de Saint-Just : « Les malheureux sont les puissances de la terre, ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvernements qui les négligent ».
20Une des questions majeures est bien de savoir dans quelle mesure les institutions de la République démocratique ont permis la promotion des catégories populaires. La prosopographie du personnel politique local, les études de cas fouillées, après notamment les travaux de Georges Fournier sur le Languedoc, de Jean-Pierre Jessenne sur l’Artois ou de Serge Bianchi sur le pays francilien, et d’autres encore, restent à poursuivre. Des travaux très novateurs sont actuellement en cours sur l’arrière-pays marseillais, comme sur d’autres sites géopolitiques.
21Enfin, on ne saurait oublier que le temps de la Terreur est, aussi, celui de l’abolition de l’esclavage. J’écrivais, il y a peu de temps, que l’historiographie de la question coloniale était « beaucoup moins riche que celle de l’histoire agraire »32 juste avant l’explosion de fortes controverses sur ce sujet. Il est évident aujourd’hui qu’il y a un vaste champ d’études, très largement ouvert.
22Trois mots pour conclure :
23Aborder le « temps de la Terreur » par ses « rouages », quelle qu’ait été l’audace du projet, était peut-être une entreprise nécessaire, productive intellectuellement, en tout cas, essentiellement pédagogique. Ensuite, les historiens doivent poursuivre leur métier, plus laborieux que celui des politologues, pour enrichir nos connaissances sur les politiques de la Terreur. Enfin, une réflexion sur la démocratie en actes, tant représentative que participative, avec toutes ses contradictions, ne peut se passer de l’analyse des sources archivistiques locales, de leur interrogation méthodologique et d’une analyse scientifique.
Notes de bas de page
1 Le Dictionnaire de l’Académie, dans sa cinquième édition, en 1798, se limite aux sens traditionnels et évoque les rouages de machines ou encore le « bois de rouage » (le bois employé à faire les roues). Tout au plus, Révolution oblige, a-t-il désormais fait disparaître toute référence au droit de rouage, droit seigneurial qui se prenait « […] sur le vin vendu en gros et transporté par charroi avant que la roue tourne et qu’on le charrie » (Dictionnaire […] de Richelet, 1680). En revanche, la sixième édition, en 1832-1835, mentionne le sens aujourd’hui encore admis et que nous retenons dans le cadre du présent colloque : « Il s’emploie dans ce sens au figuré. Les rouages de cette administration sont trop nombreux, trop compliqués. Cette administration est une machine où il y a trop de rouages. Cette division du ministère est un rouage inutile [souligné dans le texte] ».
2 Pour reprendre le titre choisi par Patrice Gueniffey, La politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794, Paris, Fayard, 2000.
3 Pour avoir une idée du débat historiographique toujours en cours sur la Terreur, on pourra notamment se reporter aux ouvrages suivants parus depuis le bicentenaire de la Révolution française, ce qui ne rend pas moins indispensable bien sûr la bibliographie plus ancienne : Françoise Brunel, 1794. Thermidor. La chute de Robespierre, Bruxelles, Éditions Complexe, 1989 ; Keith Michael Baker (dir.), The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture, volume 4 The Terror, Oxford, Pergamon Press, 1994 ; Sophie Wahnich, L’impossible citoyen. L’étranger dans le discours de la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1997 ; Hugh Gough, The Terror in the French Revolution, Basingstoke, McMillan Press ; New York, St. Martin’s Press, 1998 ; Ladan Boroumand, La guerre des principes. Les assemblées révolutionnaires face aux droits de l’homme et à la souveraineté de la nation, mai 1789-juillet 1794, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999 ; dossier sur la « Culture de la Terreur », Annales Histoire, Sciences Sociales, juillet-août 2002 ; Sophie Wahnich, La liberté ou la mort. Essai sur la Terreur et le terrorisme, Paris, La fabrique éditions, 2003 ; Donald M. G. Sutherland (dir.), Violence and the French Revolution, n° spécial de Historical Reflections, vol. 29, n°3, 2003 ; David Andress, The Terror. Civil War in the French Revolution, Londres, Little Brown, 2005 (liste à compléter avec les ouvrages cités dans les autres notes du présent texte).
4 Jean-Clément Martin, Violence et Révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national, Paris, Éditions du Seuil, collection L’Univers historique, 2006, p. 186-193. Il a d’ailleurs repris cette affirmation dans son texte donné pour les Actes du présent colloque (cf. infra).
5 Le 5 septembre, un porte-parole de la Société des Jacobins et des commissaires des 48 sections de Paris utilise cette formule devant la Convention nationale (« Législateurs, placez la terreur à l’ordre du jour. Soyons en révolution, puisque la contre-révolution est partout tramée par nos ennemis. Que le glaive de la loi plane sur tous les coupables »), mais le président de l’Assemblée se contente de répondre : « Oui, le courage et la justice sont à l’ordre du jour » (Archives parlementaires, tome LXXIII, p. 420). Quant à Barère, qui intervient ensuite au nom du Comité de salut public, s’il évoque « […] ce grand mot qu’on doit à la commune de Paris : “ Plaçons la terreur à l’ordre du jour ” », il se borne à proposer au vote de la Convention le décret formant une armée révolutionnaire à Paris, tout en ajoutant cependant : « Le comité de salut public n’a pu préparer jusqu’à ce moment qu’une partie des mesures [souligné par moi] qu’il doit vous proposer » (ibid., p. 423).
6 Voir notamment à ce sujet les importants travaux de Jacques Guilhaumou, dont : « La Terreur à l’ordre du jour (juillet 1793-mars 1794) », dans Dictionnaire des usages sociopolitiques (1770-1815), fascicule 2, Paris, Klincksieck, 1987, p. 127-160 ; [avec Denise Maldidier], « L’apport de l’analyse du discours à la saisie historique de l’événement : la journée révolutionnaire parisienne du 4 septembre 1793 », dans L’événement, Aix-en- Provence, Publications de l’Université de Provence, 1986, p. 171-181 ; La mort de Marat, Bruxelles, Éditions Complexe, 1989.
7 Le texte, connu sous ce nom de « loi des suspects », est voté par la Convention sous la forme d’un décret le 17 septembre après lecture d’un rapport de Merlin de Douai, au nom du Comité de législation (Archives parlementaires, tome LXXIV, p. 303).
8 On connaît la phrase de Saint-Just, dans son rapport du 10 octobre 1793 présentant le gouvernement révolutionnaire : « Dans les circonstances où se trouve la République, la Constitution ne peut être établie ; on l’immolerait par elle-même [souligné par moi]. Elle deviendrait la garantie des attentats contre la liberté, parce qu’elle manquerait de la violence nécessaire pour les réprimer ».
9 Rappelons ici le laconisme du fameux article 1er de la section II de ce décret : « La Convention nationale est le centre unique de l’impulsion du gouvernement » (Archives parlementaires, tome LXXX, p. 630). Comme ladite section II porte le titre « exécution des lois », la phrase est sans grande ambiguïté, même si le décret a bien soin de préciser qu’il ne s’agit pourtant que d’ » impulsion » et que le pouvoir législatif ne se substitue donc pas purement et simplement au pouvoir exécutif
10 Pour tout ce qui suit à propos de la distinction entre « ordinaire » et « révolutionnaire », je me permets de renvoyer aux analyses que j’ai proposées dans : Michel Biard, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Éditions du CTHS, 2002, p. 234-247.
11 Alphonse AULARD, Recueil des actes du Comité de salut public, avec la correspondance officielle des représentants en mission et le registre du Conseil exécutif provisoire, Paris, Imprimerie Nationale, 1889-1999, tome IX, p. 175-176.
12 Ces formules sont utilisées dans la contribution de Claude Mazauric au Dictionnaire historique de la Révolution française : Claude Mazauric, « Terreur », dans Albert Soboul, Jean-René Suratteau et François Gendron (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, Presses Universitaires de France, p. 1020-1025.
13 Parmi les travaux récents sur ce thème, voir Howard G. Brown, « Mythes et massacres : reconsidérer la “terreur directoriale” », Annales historiques de la Révolution française, 2001, n°3, p. 23-52. On pourra aussi comparer l’activité des commissions militaires avec le cas d’un territoire étranger où les troupes françaises ont réprimé des troubles à l’aide de conseils de guerre chargés de juger des civils : Xavier Rousseaux, « Rebelles ou brigands ? La “guerre des paysans” dans les départements “belges” (octobre- décembre 1798) », dans Michel Biard (dir.), Des révoltes de l’Europe à l’Amérique au temps de la Révolution française, 1773 à 1802, n° spécial des Cahiers d’Histoire, revue d’histoire critique, 2005, n°94-95, p. 101-132.
14 Ce qu’a récemment exprimé de manière claire dans le titre de son ouvrage Daniel Schönpflug, Der Weg in die Terreur. Radikalisierung und Konflikte im Straßburger Jakobinerclub (1790-1795), Munich, R. Oldenbourg Verlag, 2002.
15 Sur la vie de ces sociétés et la diversité de leurs activités, voir les deux belles thèses de Christine Peyrard, Les Jacobins de l’Ouest. Sociabilité révolutionnaire et formes de politisation dans le Maine et la Basse-Normandie (1789-1799), Paris, Publications de la Sorbonne, 1996 ; et Danièle Pingué, Les mouvements jacobins en Normandie orientale. Les sociétés politiques dans l’Eure et la Seine-Inférieure, 1790-1795, Paris, Éditions du CTHS, 2001. Dans un tout autre genre, voir aussi le travail de Patrice Higonnet pour l’analyse qu’il propose des contradictions des Jacobins, entre le libéralisme dont ils sont imprégnés et les projets égalitaires qu’ils contribuent à porter, entre la démocratie bien vivante issue de leurs pratiques et l’intolérance induite par la volonté d’unicité pour faire face aux périls (Patrice L. R. Higonnet, Goodness beyond Virtue. Jacobins during the French Revolution, Cambridge [Mass.] – Londres, Harvard University Press, 1998).
16 Colin Lucas, La structure de la Terreur. L’exemple de Javogues et du département de la Loire, Saint-Étienne, CIEREC, 1990 (éd. originale, en langue anglaise, 1973).
17 Cf. Michel Biard, Missionnaires (…), op. cit., p. 144-150.
18 Alain Cohen, « Le Comité des Inspecteurs de la Salle de la Convention nationale », Mémoire de maîtrise inédit, sous la direction de Michel Biard, Université Paris I, 2003.
19 Michel Biard, Missionnaires (…), op. cit.
20 Pour ne citer, en toute injustice, que quelques exemples (outre l’étude de Colin Lucas déjà mentionnée) : Henri Labroue, La mission du conventionnel Lakanal dans la Dordogne en l’an II (octobre 1793 – août 1794), Paris, Champion, 1912 ; Pierre Libois, Les représentants du peuple Prost et Lejeune dans le Jura en l’an II, les luttes politiques, Lons-le-Saulnier, M. Declume, 1936 ; André Philippe, Les représentants du peuple en mission et le département des Vosges (1792-1797), Épinal, S. A. de l’Imprimerie Fricotel, 1931 ; Gabriel Cabannes, Dartigoeyte. Commissaire de la Convention dans les Landes, Mont-de-Marsan, Lacoste, 1986-1988, 2 vol. ; ou, beaucoup plus récemment, Florent Robin, Chronique d’une Terreur molle. Les représentants en mission en Isère, Paris, ADHE, 2002.
21 Ainsi le travail de Jean-Pierre Gross, « Les représentants en mission et les Droits de l’homme (Centre et Sud-Ouest, 1793-1794) », thèse, Université de Bruxelles, 1988. Cette recherche a servi en partie de base pour son ouvrage Fair Shares for all, Jacobin Egalitarianism in Practice, Cambridge, Cambridge University Press, 1997. Une version française, un peu modifiée, de ce livre a été publiée sous le titre Égalitarisme jacobin et droits de l’Homme, 1793-1794 (la Grande famille et la Terreur), Paris, Arcanteres, 2000.
22 Pour mémoire, soulignons une nouvelle fois ici la pérennité du jugement hostile aux représentants du peuple en mission en rappelant la phrase suivante de Robert Palmer dans son Twelve Who Ruled, publié en anglais en 1941, traduit au moment du Bicentenaire et alors présenté par François Furet dans une préface comme un ouvrage qui « a si bien vieilli » : « […] ces membres voyageurs de la Convention qui exerçaient une autorité souveraine là où ils avaient été envoyés, qui interféraient à tout bout de champ dans les affaires locales et appliquaient les lois selon leur bon plaisir […] incarnaient la majesté de la nation et voyageaient à travers le pays auréolés de sa gloire, comme les proconsuls romains ou les satrapes de l’Empire perse » (Robert R. Palmer, Le gouvernement de la Terreur. L’année du Comité de salut public, Paris, Armand Colin, 1989, p. 73 et 125 [édition originale : Twelve Who Ruled. The Year of the Terror in the French Revolution, Princeton, University Press, 1941]).
23 Dans l’attente de l’achèvement de sa thèse, on se reportera aux conclusions du livre, très bref mais éclairant, de Corinne Gomez-Le Chevanton, Carrier et la Révolution française en 30 questions, La Crèche, Geste Éditions, 2004.
24 Parmi eux, citons, à titre d’exemple, les agents du ministère de l’Intérieur auxquels Jacques Solé a consacré une étude très intéressante, quoique contestable dans ses conclusions (Jacques Solé, « Des voyageurs officiels dans la France profonde au temps de la Terreur », dans Par monts et par vaux. Migrations et voyages, actes du festival d’histoire de Montbrison 2000, Montbrison, 2001, p. 373-393).
25 De même, comme exemple, mentionnons ici la communication de Philippe Bourdin, « Entre Rhône et Allier, les délégués des représentants en mission : dévolution et interprétation des pouvoirs », dans La Révolution française. Idéaux, singularités, influences, actes des journées d’études de Vizille 2001 (textes réunis par Robert Chagny), Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2002, p. 329-344.
26 Lettre au journal le Temps, 22 février 1866
27 Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, 1989, p. 516.
28 Comités de surveillance et pouvoir révolutionnaire, Rives nord méditerranéennes, n° 18, 2004.
29 Danièle Pingué, « Les comités de surveillance : sources et problématiques, l’exemple de la Haute Normandie », Rives nord méditerranéennes, op. cit., p. 20-31.
30 Nathalie Alzas, La liberté ou la mort ! L’effort de guerre dans l’Hérault pendant la Révolution, Aix-en-Provence, PUP, 2006
31 Michel Vovelle, Avant propos, Rives, op.cit., p. 7.
32 Christine Peyrard, Présentation, dans Martine Lapied et Christine Peyrard (dir.), La Révolution française au carrefour des recherches, Aix-en-Provence, PUP, 2003, p. 15.
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