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Quelques souvenirs

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Jean Janvier

Troisième partie. La victoire et l'après-guerre (juin 1916-octobre 1923)

Chapitre 10. Le retour des joutes électorales

Texte intégral

— Avant les élections municipales

1[...] C’est le 30 novembre que doivent prendre place ces élections. Serons-nous réélus ? Je le pense, en me basant sur la logique manière d’administrer, qui fut et qui est la nôtre. Pendant la guerre en effet, je n’ai cessé de conseiller et au besoin d’imposer l’économie et la restriction : que la France fût vaincue ou victorieuse – et nous avions toute confiance en la victoire, mais il convient toujours de prévoir le pire – ce système ne pouvait que mettre la cité en meilleure position pour l’avenir. Victorieuse, la France devait avoir, en même temps que les plus vastes et les plus hautes espérances, de très gros problèmes économiques à résoudre. Pour cela, avec un trésor public obéré, il serait précieux d’avoir sinon des réserves, du moins une situation exempte de dettes. Mais alors aussi, devant la sécurité de l’avenir pour notre race victorieuse, devant les besoins de la population pour une existence fatalement plus coûteuse, il conviendrait de tenir une conduite nouvelle, d’être large par exemple vis-à-vis de notre personnel municipal et de lui assurer une suffisante aisance dans la retraite. Il conviendrait également de poursuivre les travaux projetés et commencés, en dépit de l’accroissement des dépenses, parce que quiconque s’arrête est devancé et que le travail, même cher, engendre toujours la satisfaction.

2Telles ont été, telles sont encore les raisons profondes de ma conduite comme maire de notre grande et si chère ville de Rennes. Tout le monde comprendra-t-il bien ? Au conseil, je crois que l’unanimité s’est faite pour approuver mes vues. À la séance publique du 13 novembre 1919, à propos de la nouvelle réglementation du personnel municipal – gros et très lourd travail – M. Malapert a conclu par ces phrases très significatives :

« Votre rapporteur a la conviction profonde que tout le personnel municipal se montrera satisfait de l’adoption des propositions qui vous sont soumises. Il sait aussi que, grâce à l’amélioration des situations, chaque employé ouvrier ou agent de l’administration apportera au service de la ville une collaboration plus étroite, plus active, plus entière encore qu’auparavant. La solution de cette grosse question de la réglementation est le dernier travail important – et ce n’est à coup sûr pas le moindre – qu’aura accompli notre conseil municipal. Si nous avons pu arriver, en un laps de temps restreint, à traiter cette importante question avant le renouvellement de la municipalité actuelle, c’est grâce au labeur de M. le maire, à son grand esprit de bienveillance, à son désir de voir aboutir la réforme attendue.
Je ne sais ce qu’il adviendra de nous demain. Serons-nous tous réélus ? Serons-nous même tous encore candidats ? Nul ne peut à l’heure actuelle répondre. Mais ce que je sais bien – et vous me pardonnerez d’exprimer ici mon sentiment personnel – c’est que si je ne reviens pas au sein de cette assemblée communale, je n’aurai qu’un seul regret ! Celui de ne plus pouvoir travailler aux côtés de l’homme excellent, de l’administrateur actif, si pratique, d’une assimilation si vive à tout, qu’est notre infatigable maire, ce magistrat municipal d’élite dont le congrès des maires vient récemment de dire que par son cœur et son intelligence, il était l’honneur des maires de France » (Applaudissements unanimes).

3Les applaudissements qui ont accueilli cette péroraison et que je crois sincères me rassureraient — si j’avais besoin d’être rassuré — quant à l’opinion du conseil sur mon compte. Mais la presse ? Jusqu’ici, elle a toujours paru approuver généralement mes actes administratifs et voici ce qu’elle dit, et qu’elle doit donc penser aujourd’hui, car je ne lui ferai pas l’injure de supposer qu’elle puisse écrire d’une façon et penser autrement.

4De L’Ouest-Éclair, le 22 novembre 1919, huit jours avant les élections municipales, sous la signature de son directeur politique, M. Desgrées du Loû :

« M. Janvier, maire républicain de Rennes, est un homme heureux ; sa réélection et celle de ses collègues du conseil municipal sont assurées, sans qu’ils soient obligés les uns et les autres de faire campagne. Bonheur mérité, hâtons-nous de le dire, puisqu’il est la récompense d’une bonne administration et l’une des conséquences de l’Union sacrée qui pendant les années difficiles de la Grande Guerre, fut si noblement et si largement pratiquée par le premier magistrat de notre cité et ses collaborateurs. Il n’y a qu’une voix dans Rennes pour rendre hommage à l’intelligence, à l’activité et au dévouement de M. Janvier. Nous croyons que cet accord unanime se manifestera le 30 novembre, par un scrutin sans précédent où tous les partis tiendront à honneur d’exprimer au maire de Rennes et à l’ensemble de ses collègues, leur approbation et mieux que leur approbation, leur gratitude ».

5Quelques jours après L’Ouest-Éclair, voici ce que dit Le Nouvelliste de Bretagne du 28 novembre, sous la plume de M. Eugène Delahaye, son directeur :

« Tenter d’abattre M. Janvier ? Non. Nous l’avons dit, nous ne pensons pas que, dans la majorité de gauche, quelqu’un soit susceptible de travailler autant que M. Janvier. Le maire est un homme actif, intelligent, expérimenté, qui aime l’administration, qui a le temps et les moyens de se consacrer aux affaires de la ville ; c’est un homme qui a l’habileté de la tolérance et qui, d’ailleurs, par nature, serait tolérant même s’il n’était pas habile. Son parti étant seul au pouvoir, il est normal que M. Janvier soit maire, et j’ajoute que si tous les partis étaient représentés à l’hôtel de ville, il serait vraisemblablement encore fort sage de lui confier l’administration de la ville ».

6Voilà donc pour la presse comme pour le conseil municipal. Mais quelle est encore ma situation vis-à-vis du public ? Évidemment en prenant le parti de l’intérêt général, j’ai dû heurter des égoïsmes et me faire des ennemis, mais j’ai le sentiment intime que je puis compter sur le bon sens et la gratitude de la population en faveur de laquelle j’ai rempli les devoirs de ma charge. Le succès fut du reste un triomphe – et à la joie de la population. Aussi rencontrai-je partout les manifestations diverses de cette satisfaction générale. J’en retrouve ici l’expression – simple comme son auteur, mais justement précieuse, à cause du noble et sage caractère de cet homme unanimement estimé – dans ces lignes de M. Gaspaillard, président de chambre à la cour d’appel, qui m’adresse « ses bien vives et bien cordiales félicitations à l’occasion de la manifestation de sympathie si justifiée » dont j’ai été l’objet de la part de nos concitoyens. Un autre fonctionnaire, bien placé pour apprécier les résultats de mon administration, M. Montigny, trésorier général, m’écrivit de son côté : « Toutes mes félicitations bien sincères et bien affectueuses pour votre brillant succès personnel et pour le triomphe de la politique de sagesse et de juste reconnaissance que vous avez fait ratifier par la population rennaise ».

7Je pourrais allonger, beaucoup allonger, les « mots » flatteurs qui me furent adressés de tous les points de l’horizon politique et de toutes les classes de la société, mais je m’arrête en citant M. J. Alexandre, membre de la chambre de commerce, président de l’Union du commerce et de l’industrie qui, le 11 décembre 1919, m’adresse « ses félicitations personnelles et celles de tous les membres de l’Union du commerce et de l’industrie pour (ma) réélection de maire de la ville de Rennes ». Voici comment l’Union du commerce et de l’industrie de Rennes a apprécié ma réélection.

Enfin les élections

8J’aborde ici un sujet qui me paraît mériter d’être traité plus longtemps car c’est un point d’histoire qui pourrait avoir son importance plus tard. Le calendrier électoral, dressé par le gouvernement de M. Clemenceau et voté par les chambres, fixait les élections dans l’ordre suivant : législatives, le 16 novembre 1919 ; municipales, le 30 novembre 1919 ; cantonales, le 14 décembre 1919 ; sénatoriales, le 11 janvier 1920.

9Dans la deuxième quinzaine d’octobre, M. René Brice, député sortant, président du conseil général d’Ille-et-Vilaine, vint à la mairie me demander de me présenter aux élections législatives du 16 novembre, sur la liste en formation où il figurerait lui-même. Je lui déclarai d’une part que, désirant prendre toutes mes responsabilités administratives devant les sérieuses difficultés soulevées par le passage de l’état de guerre à l’état de paix – transition cependant pleine de conséquences et que les politiques professionnels chercheraient à éviter – je demanderais aux électeurs rennais de me continuer leur confiance. Or la fonction de maire ne me paraissant pas pouvoir se concilier avec celle de député, chacune d’elles étant très absorbante, tandis qu’elle s’alliait plus facilement avec celle de sénateur, j’étais décidé de poser ma candidature aux élections sénatoriales du 11 janvier 1920.

10D’autre part, je ne cachais pas à M. Brice que certaines candidatures préconisées indiquaient le désir, pour l’ensemble des candidats de la liste républicaine aux élections législatives du 16 novembre, d’une politique de recul qui serait en opposition complète avec celle à laquelle j’étais attaché depuis plus de trente années. J’ajoutais que si, dans les moments extrêmement difficiles que nous traversions, on devait pratiquer une politique de ressaisissement, dans l’ordre et dans le travail intensif pour toutes les classes de la société, on ne devait cependant pas admettre une politique rétrograde qui pourrait amener de terribles conflits et être cause de grands malheurs pour le pays, déjà si fortement éprouvé par les cinq années de guerre. M. Brice me déclara qu’il regrettait ma décision car il m’assurait de mon élection à la Chambre des députés en tête de liste. D’ailleurs, il m’annonçait également un succès certain aux élections sénatoriales ; ainsi, le 19 novembre, quelques semaines après notre entretien, il m’écrivait ce qui suit : « Avec quelle joie j’applaudirai, le 11 janvier, à votre élection de sénateur, élection absolument certaine. À bientôt, et bien affectueusement à vous ».

11Je fus aussi très sollicité de me présenter aux élections du conseil général. Je refusai, estimant que les mandats de maire et de sénateur suffiraient à absorber toute mon activité, si j’obtenais ces deux mandats, ainsi que cela m’était assuré aussi bien par des adversaires que par mes amis de Rennes et du département. Ceux-ci ne comptaient contre moi que les forces de la liste opposée (parmi lesquelles j’aurais d’ailleurs obtenu un certain nombre de voix personnelles), puis les inévitables mécontents et les éternels grincheux, mais comme vous le verrez plus loin, il y eut plus que ces prévisions pour empêcher l’élection sénatoriale.

Élections municipales

12Voici avec quel programme, je me suis présenté devant le corps électoral rennais pour les élections municipales du 30 novembre. Ce programme résumait d’abord l’œuvre accomplie depuis 1908.

Élections municipales du 30 novembre 1919

- Liste républicaine

Citoyens,
Ce sont des républicains que vous avez élus en 1908 et en 1912 qui viennent à nouveau solliciter vos suffrages. Ainsi qu’ils le déclarèrent alors, ils mettent au-dessus de toute discussion la Patrie républicaine et ses lois et s’engagent à nouveau à continuer de placer les questions administratives, économiques et sociales au premier plan de leurs préoccupations. Quelques nuances d’opinion peuvent nous séparer, mais notre union sur le terrain municipal est parfaite et si, comme nous le croyons, vous approuvez l’action réfléchie et de réalisation employée au cours de nos douze années d’administration, nous continuerons de travailler en pratiquant les mêmes méthodes pour rechercher et tâcher d’atteindre encore les résultats heureux qu’elles nous ont donnés jusqu’ici. Les conséquences de la Grande Guerre obligent les administrations, comme les particuliers, à modifier les bases de leurs nécessités financières. Nous agirons en cela avec le même souci que celui qui nous a guidés pendant nos douze années d’administration en prenant nos responsabilités, toutes nos responsabilités, et dans la volonté de confondre notre action administrative avec les intérêts bien compris de notre cité.

Citoyens, C’est à toutes les forces vives de la démocratie rennaise, c’est à tous les républicains, sans distinction de nuances, que nous faisons appel.

Tous aux urnes !

Vive la République !

  • 1 Louis Deschamps (1878-1925) est, après Waldeck-Rousseau (mais à un degré bien moindre), l’un des h (...)
  • 2 Eugène Quessot (1882-1949), issu d’une famille de Brie-La-Rochefoucault (Charente), d’abord forger (...)
  • 3 Comme Jean Janvier, Armand Rébillon (1879-1974) était né à Saint-Georges-de-Reintembault où son pè (...)

Janvier (Jean)

maire sortant.

Laurent (Charles)

professeur à l’école de médecine et de pharmacie, adjoint sortant.

Daniel (Alfred)

agent voyer principal en retraite, adjoint sortant.

Leroux (Oscar)

chef de travaux à l’École nationale d’agriculture, adjoint sortant.

Bahon (Carie)

maître de conférences à la faculté des lettres, conseiller sortant.

Banchereau (Auguste)

courtier assermenté au tribunal de commerce, conseiller sortant.

Bardet (Edmond)

plombier zingueur.

Berthaut (Léon)

homme de lettres, président de la Société d’instruction populaire.

Bossoreil (Louis)

propriétaire, ancien industriel, conseiller sortant.

Bougot (Charles)

conseiller prud’homme, conseiller sortant.

Claude (René)

contrôleur comptable, conseiller sortant.

Clément (Francis)

typographe, conseiller prud’homme, conseiller sortant.

Commeurec (Honoré)

typographe, conseiller sortant.

Delisle (Alfred)

négociant, conseiller sortant.

Denis (Pierre)

avocat, conseiller sortant.

Deschamps1 (Louis)

Député, sous-secrétaire d’État à la Guerre, conseiller sortant

Dottin (Georges)

Doyen de la faculté des lettres, conseiller sortant.

Dubois (Francis)

employé de commerce, conseiller sortant.

Duhamel (Gustave)

ancien préposé en chef des octrois.

Dupont (Désiré)

capitaine des douanes en retraite, conseiller sortant.

Fauconnier (Eugène)

mécanicien, conseiller sortant.

Grécet (Amand)

employé aux Chemins de fer de l’État, conseiller sortant.

Guillaume (Wilfrid)

architecte, conseiller sortant.

Le Clainche (Louis)

ajusteur, conseiller sortant.

Leprince (Eugène)

tourneur sur métaux, conseiller sortant.

Leray (Henri)

docteur en médecine, conseiller sortant.

Malapert (Eugène)

avocat à la cour d’appel, conseiller sortant.

Montagnon (Jean)

armateur, conseiller sortant.

Noël (Auguste)

ingénieur civil, conseiller sortant.

Nourry (Julien)

membre de la chambre de commerce, conseiller sortant.

Pichon (Julien)

propriétaire, conseiller sortant.

Quessot2 (Eugène)

ajusteur.

Rébillon3 (Armand)

professeur au lycée.

Roque (Henri)

menuisier, conseiller sortant.

Rouget (Jean-Baptiste)

commis aux chemins de fer de l’État.

Troufflard (Francis)

ouvrier sellier, conseiller sortant.

- Œuvre accomplie et programme

Chers concitoyens,

Il y a bientôt douze ans, les comités républicains ont désigné des hommes qui se sont présentés à vos suffrages sans vous faire de promesses vaines ou irréalisables, mais en vous assurant de leur désir le plus ferme de donner à notre cité un essor de jour en jour plus grand. Et si vous avez élu des républicains, ceux-ci n’ont pas oublié qu’en venant siéger à l’hôtel de ville, ils avaient le devoir de s’occuper, avant tout et surtout, d’administration pour arriver à une utilisation toujours meilleure des deniers publics. Nous avons conscience d’avoir fait notre devoir. Sans créer de ressources spéciales pour nos budgets ordinaires, nous avons clos nos différents exercices par des excédents de recettes qui nous ont permis d’exécuter des travaux importants et urgents. Nous nous présentons à nouveau devant vous, avec une administration entièrement à jour. La situation financière est saine ; dès à présent, nous pouvons affirmer que le compte d’administration pour l’exercice 1919 se soldera sans déficit. Les crédits affectés aux travaux et aménagements engagés par nos délibérations sont réservés à leur affectation spéciale malgré les difficultés de tout ordre et de toute nature auxquelles il a fallu faire face au cours de ces cinq dernières années. Oui, chers concitoyens, nous avons conscience d’avoir fait notre devoir, et ce n’est pas sans fierté que nous vous exposons ci-dessous les principaux actes d’administration réalisés depuis que vous nous avez confié la direction et l’administration des affaires municipales. Nos réalisations ont été effectuées de deux façons différentes.

1. Travaux et organisations effectués sur les excédents budgétaires, sans création de ressources nouvelles
* Œuvres d’assistance et mutualité
Dépenses d’application de la loi sur les retraites ouvrières et paysannes ; contribution pour la part communale dans l’assistance aux familles nombreuses et aux femmes en couches ; création d’un dispensaire antituberculeux avec le concours de la Croix-Rouge américaine ; d’un patronage pour la protection de la première enfance ; ambulance automobile ; création d’une maison des étudiants ; locaux mis à la disposition du foyer du soldat ; création et aménagement d’une maison de la Mutualité.
* Voirie
Prolongement de la rue de l’Alma ; ouverture de la rue Paul Bert ; aménagement des abords de l’église Saint-Germain, en vue de son classement parmi les monuments historiques ; suppression de la cale Bossard, acquisition d’immeubles pour rectification d’alignements ; rue Jules Simon, place de la Halle aux Blés, rues Poullain-Duparc, Vasselot, du Pré-Botté, Paul-Louis Courrier, Alphonse Guérin, Saint-Melaine, de Penhoët, d’Antrain, construction de très grandes longueurs de bordures de trottoirs ; participation dans l’asphaltage des trottoirs gravelés ; transformation et extension de l’éclairage public au gaz ; installation de l’éclairage électrique au Thabor et place de la République, devant le palais du Commerce.
* Propriétés communales
Achèvement et aménagement de l’hôtel de ville ; amélioration et décoration du théâtre ; agrandissement des musées ; construction de la grille sud du jardin des plantes ; contribution à l’entretien des monuments historiques ; remise en état et aménagement des pavillons des Lices.
* Secours pendant la guerre et ravitaillement
Indemnité de cherté de vie au personnel municipal ; continuation des traitements et

salaires du personnel mobilisé ; maintien du demi-traitement ou salaire en faveur des veuves, orphelins ou personnes à charge des disparus jusqu’à la clôture des hostilités ; subventions au Comité central des secours de guerre, à l’école de rééducation des mutilés de la guerre et à l’œuvre des pupilles de la Nation ; avances aux organisations de ravitaillement civil ; parc municipal des combustibles, stocks de secours, boucherie municipale, laiterie municipale, beurrerie municipale, approvisionnement en blé, farine, riz, haricots, bois de four, etc. ; culture maraîchère et potagers municipaux pour aider au ravitaillement des cantines populaires et autres œuvres de bienfaisance.
* Organisation du travail
Création d’un office de placement gratuit ; mise à la disposition des syndicats d’une maison du Peuple, construction pour celle-ci d’un hangar destiné à servir de salle de réunion ; subventions à la Bourse du Travail et à la maison du Peuple ; amélioration des traitements et salaires du personnel municipal ; caisse municipale de chômage. Nous avons facilité la création d’une école d’apprentissage des cheminots et permis à la section d’Ille-et-Vilaine du Comité des arts appliqués de faire aboutir l’organisation de son atelier-école de préapprentissage en lui votant des subventions et en mettant des locaux à sa disposition.
* Instruction publique et œuvres post-scolaires
Création et installation d’un internat municipal au lycée de filles ; création et aménagement provisoire d’une école primaire supérieure et professionnelle de filles ; organisation de garderies de vacances ; création du Cercle Paul-Bert ; subventions aux sociétés sportives.
* Hygiène et salubrité
Travaux de protection des captations d’eau de sources ; création d’un cimetière à Saint-Laurent ; lutte contre le taudis.

Voilà dans leurs grandes lignes, nos réalisations exécutées sans création de charges nouvelles d’aucune sorte.

2. Entreprises exécutées au moyen d’emprunts communaux
* Voirie
Élargissement de l’entrée du faubourg Saint-Malo ; prolongement et aménagement du boulevard de Chézy ; achèvement des avenues du Mail-Donges et du Gué de Baud ; ouverture des rues d’accès à l’école primaire supérieure et professionnelle de filles ; couverture de la Vilaine devant le palais du Commerce ; aménagement du jardin, élargissement et aménagement de la rue Saint-Martin et de la rue de la Paillette.
* Hygiène et salubrité
Importante extension de la canalisation d’eau et du réseau d’égouts, construction d’un troisième réservoir au Gallet, d’une station de désinfection rue de la Cochardière ; dispensaire et bains douches rue Thiers.
* Divers
Contribution de la ville à l’amélioration des installations de l’hôtel-Dieu, à la construction de pavillons à Pontchaillou et d’une caserne boulevard Jacques Cartier ; création d’une crèche rue Saint-Hélier.
* Instruction publique
Travaux d’aménagement des facultés et des bibliothèques ; construction d’un groupe scolaire boulevard de la Liberté, de l’école maternelle rue Papu ; amélioration des autres écoles maternelles et des écoles municipales ; installation des écoles régionales des Beaux-Arts et d’architecture, du conservatoire.

Électeurs,
Nous avons tenu nos engagements et vous reconnaîtrez même que nous avons dépassé de beaucoup le programme sur lequel vous nous avez élu. Nous continuerons, comme avant la guerre, de contribuer par des mesures appropriées à donner au commerce et à l’industrie une prospérité plus grande, indispensable au développement incessant du bien-être des travailleurs. La situation des faubourgs continuera à être l’objet de tous nos soins et nous ne négligerons rien pour y apporter des améliorations. Rien non plus ne sera négligé pour que notre université soit de plus en plus florissante ; l’enseignement à tous les degrés ne cessera de très vivement nous préoccuper, nous mettrons d’ailleurs à l’étude la création de nouvelles écoles municipales.

Citoyens,
Il reste encore beaucoup à faire. Voici le programme que nous soumettons à votre jugement :

  • Panthéon rennais en l’honneur des enfants de notre ville morts pour la France pendant la Grande Guerre ;
  • Amélioration et extension des captations et de la conduite d’eau pour l’alimentation de la ville ;
  • Perfectionnement du service d’incendie par l’acquisition d’une pompe automobile ;
  • Réfection du pavage et rechargement des chaussées de la voirie urbaine ;
  • Acquisition d’un matériel automobile pour le balayage et l’arrosage des voies publiques et pour les services municipaux ;
  • Construction d’une grande salle de réunions à la maison du Peuple ; le hangar aménagé en salle de réunion provisoire étant tout à fait insuffisant ;
  • Achèvement et aménagement de l’école de plein exercice de médecine et de pharmacie ;
  • Construction de grilles au pourtour des squares de la gare et des musées, et aménagement de ceux-ci ;
  • Continuation du grand programme d’assainissement et d’embellissement de la ville de Rennes ;
  • Agrandissement et modernisation de notre école pratique d’industrie ;
  • Réparations de gros entretien à exécuter aux bâtiments communaux ;
  • Reconstruction et aménagements complets de l’école primaire supérieure et professionnelle de filles ;
  • Travaux d’achèvement du palais du Commerce et des jardins ;
  • Continuation des travaux de la halle centrale, avec grand pavillon pour poissonnerie et pavillons annexes pour légumes, viandes, charcuterie, etc., criée municipale ;
  • Contribution de la ville au fonctionnement de l’Office public des habitations à bon marché.

Les signataires de ce programme vous donnent l’assurance que, si vous leur faites l’honneur de les élire, ils en poursuivront la réalisation complète. Notre ville est un centre des plus intéressants et elle peut devenir de plus en plus prospère, en lui donnant ce qui peut développer son activité et grandir son renom. Voilà, brièvement résumé, ce que nous avons réalisé et dans quelles conditions nous comptons poursuivre l’œuvre entreprise si vous estimez que nous méritons à nouveau votre confiance. Le dimanche 30 novembre 1919, vous vous prononcerez sur notre gestion, nous nous en remettons à votre verdict et nous vous demandons d’aller au scrutin en laissant de côté les questions de personnes et en ne considérant que l’intérêt supérieur de la République et de la cité.
Aux urnes ! Pas d’abstentions ! Pas de ratures !
Vive la République !

J. Janvier, Laurent, Daniel, Leroux, Bahon, Banchereau, Bardet, Berthaut, Bossoreil, Bougot, Claude, Clément, Commeurec, Delisle, Denis, Deschamps, Dottin, Dubois, Duhamel, Dupont, Fauconnier, Grécet, Guillaume, Le Clainche, Leprince, Leray, Malapert, Montagnon, Noël, Nourry, Pichon, Quessot, Rébillon, Roque, Rouget, Troufflard.

Extrait du registre des délibérations du conseil municipal

13À la fin de la séance publique du jeudi 13 novembre 1919, le maire de Rennes, M. Janvier, s’adressant à ses collègues du conseil municipal, fit la déclaration suivante :

Mes chers collègues,
« Voici presque douze ans, que le 3 mai 1908, à une majorité importante, encore accrue en 1912, les électeurs rennais nous ont confié la direction de l’administration des affaires municipales. Jetant un regard en arrière, je revois tout le labeur qu’ensemble nous avons accompli. L’occasion s’est déjà présentée, à diverses reprises, de remémorer les plus importants de nos actes d’administration, réalisés avant et pendant la guerre. Je n’en recommencerai donc pas ce soir la longue énumération, inscrite dans le compte rendu de vos séances du 9 avril 1912 (gestion municipale), du 29 juin 1916 (huit années de gestion des finances municipales) et du 18 novembre 1918 (conclusions de M. le conseiller municipal, rapporteur sur le budget de la ville pour 1919).
Pendant la guerre nous avons pris un ensemble de mesures appropriées aux circonstances, qui ont distingué spécialement notre ville. Depuis la date de l’armistice, ce 11 novembre 1918, où vos commissions réunies travaillaient au bruit des réjouissances populaires les plus spontanées dont nous ayons jamais été témoins, nous nous sommes efforcés d’amoindrir, autant que possible, les conséquences de la guerre, d’en secourir et honorer les héros, de préparer la reprise de la vie économique : aide à notre filleule, la ville de Vouziers ; hommage aux morts ; secours aux démobilisés ; dispositions en faveur des mutilés ; travaux d’assainissement de voirie et divers autres travaux mis en adjudication ; traités de gré à gré ou conduite en régie pour aider à la remise en marche de la grande machine du travail.
Tout cela, mes chers collègues, nous l’avons fait d’un commun accord ; laissez-moi vous dire à tous, combien je suis reconnaissant de votre collaboration dévouée et affectueuse. C’est que, pendant douze ans, nous avons su laisser, chacun dans nos comités respectifs, les points de doctrine susceptibles de nous diviser et, comme ici, étant décidés à avoir pour seules préoccupations les intérêts généraux de nos concitoyens – l’aménagement, l’embellissement et l’assainissement de notre importante cité – il nous a été facile de réaliser une union féconde. Nous l’avions promise dans nos programmes de 1908 et de 1912 ; la même promesse se retrouvera garantie par le passé, dans le programme que nous allons élaborer en vue des élections du 30 novembre prochain.
Comment n’éprouverions-nous pas une satisfaction très grande d’avoir pu ainsi remplir impartialement notre mandat, mettant à la fois conscience et cœur dans l’accomplissement des devoirs de notre charge envers la population rennaise tout entière ! En un mot, nous avons administré. Ce n’est pas sans fierté que je le constate, au souvenir des nombreuses difficultés heureusement vaincues. Malgré la période extrêmement difficile des cinq dernières années, nous ne laissons pas d’arriéré dans nos engagements. La situation financière est saine ; dès cette heure, je suis certain que le compte d’administration pour 1919 se soldera en balance, sans déficit.
Par le fait des événements, la gestion de 1920 s’ouvrira sur des bases différentes ; les conditions de la vie et les prix de toutes choses se sont considérablement modifiés. Nous venons de réviser les traitements et salaires du personnel municipal dont nous avons pu apprécier la collaboration efficace et que nous savons dévoué à ses devoirs professionnels. Nous envisageons comme absolument nécessaire une augmentation sensible des crédits affectés à chacun des services municipaux et à toutes les dépenses matérielles exigées par l’administration d’une ville de près de cent mille habitants. Le programme général d’aménagement, d’assainissement et d’embellissement ne saurait non plus être suspendu ; nos projets devront tous être successivement exécutés, non seulement pour maintenir notre ville au rang qu’elle occupe, mais encore pour en développer le renom et assurer sa prospérité. À cet accroissement de dépenses assez considérables, devront faire face des ressources nouvelles importantes que nous aurons à créer.
Encouragés par la sympathie que, notamment, pendant la guerre, nos concitoyens n’ont cessé de nous montrer, forts de l’expérience acquise, nous regardons sans crainte l’avenir de notre cité, prêts à consacrer à son service le même dévouement dans le domaine administratif, économique et social. La tâche sera lourde, reconnaissons-le bien haut. Mais, si les électeurs, encore une fois, nous la confient, nous saurons continuer, comme jusqu’ici, à la remplir dans un sentiment profond d’affection pour notre chère ville de Rennes, de loyauté, de justice et de liberté envers tous nos administrés ».

  • 4 Conduite par le sieur Becdelièvre, cette liste ne réunissait que douze candidats.

14Une liste du comité dit « Comité républicain démocratique4 », mais en réalité composé de gros bourgeois égoïstes plus que d’initiatives désintéressées, fut opposée à la mienne, en même temps qu’une campagne très vive était menée par L’Ouest-Éclair et Le Nouvelliste, contre mes collègues socialistes en particulier. Ma liste fut néanmoins élue tout entière dès le premier tour de scrutin. J’arrivai le 1er avec 10 098 voix ; le plus favorisé de la liste adverse n’obtenait que 5 389. Mon chiffre dépassait ainsi de 2 000 voix celui qui avait été obtenu par les candidats les plus favorisés jusque-là aux élections municipales de Rennes. Inutile de noter que cela me fit grand plaisir. Dix jours après, j’étais à nouveau réélu maire par trente-cinq voix sur trente-six votants.

15Après mes collègues, avec la presse, c’était donc la population elle-même – à une majorité inconnue jusqu’alors – qui approuvait mon administration. Mais que pensait-on en haut lieu de ce succès significatif ? Je laisserai répondre un des plus désignés pour le dire, M. Chiappe, chef du service de l’administration financière au ministère de l’Intérieur, lequel est chargé de donner son avis sur les budgets des villes et les actes importants des municipalités : « Je ne puis que me joindre à vos nombreux amis pour féliciter les électeurs du succès triomphal et mérité qu’ils vous ont assuré... La reconnaissance ne se perd pas à Rennes... Et maintenant, un vœu : que les élections prochaines vous envoient au Sénat ! Ce ne sera que justice et tout profit pour le pays ». Donc, au lendemain des élections municipales, je me vois approuvé unanimement et désigné pour me rendre utile au Parlement [...].

— Élections sénatoriales

16[...] Enfin, le 28 décembre, le congrès républicain départemental, chargé de désigner ses cinq candidats aux élections sénatoriales du 11 janvier, se réunissait dans la salle des fêtes du lycée de garçons. Onze candidatures furent posées et les onze noms inscrits sur un tableau ; chaque congressiste fut prié de choisir parmi ces noms pour constituer une liste de cinq noms et de déposer cette liste dans l’urne placée devant M. Ch. Guernier, député, qui présidait le congrès. Le dépouillement donna les chiffres suivants :

17votants : 156 – majorité absolue : 79 voix

Janvier

maire de Rennes

139 voix

Thélohan

professeur à la faculté de droit, conseiller général d’Ille-et-Vilaine

119 voix

Garreau

maire de Vitré, ancien sénateur

119 voix

Le Hérissé

sénateur sortant, maire d’Antrain

93 voix

Surcouf

maire de Plerguer, ancien député

72 voix

18Des voix se portèrent sur les autres candidatures : MM. Ferron, conseiller général, maire de Tremblay ; Gasnier-Duparc, conseiller général, maire de Saint-Malo ; Bucheron, conseiller général, maire de Saint-Brice ; Tréhu, industriel, président de la chambre de commerce de Fougères, etc.

19Un deuxième tour eut lieu entre deux Malouins pour la cinquième candidature qui n’avait pas obtenu la majorité absolue au premier tour. M. Surcouf y obtint 59 voix, M. Gasnier-Duparc 34 voix. M. Surcouf fut donc, de droit, le cinquième candidat.

20Vous le voyez, mes chers enfants, les déclarations de M. Brice, l’opinion générale à Rennes et dans le département – j’ajouterais même au-delà – se trouvaient confirmées par le congrès, et tout permettait d’espérer un beau succès. Mais il est avéré que le nombre de voix réactionnaires est supérieur, dans le collège électoral sénatorial, au nombre de voix républicaines. Il me fallait donc, pour être élu, des voix personnelles en assez grand nombre ; j’en obtins environ cinquante puisque j’eus quarante-trois voix de plus que M. Thélohan qui me suivait. Nous fîmes cependant, les quatre autres candidats et moi, une belle campagne dans le département ; partout je recueillis les meilleures appréciations ; je marchais loyalement, très loyalement (trop loyalement peut-être), en républicain discipliné, respectueux d’une décision prise au congrès.

21Or il n’en fut pas de même pour tous les candidats et certains de leurs amis. Dès le samedi soir, veille de l’élection, j’appris que des manœuvres étaient dirigées contre moi ; ces manœuvres, habilement conduites, s’accentuèrent le dimanche matin : je ne fus pas élu, contrairement à ce que tout le monde attendait, voire même mes adversaires ; il me manquait vingt-neuf voix.

La majorité absolue était en effet de 546 et je n’obtenais que

517

M. Thélohan arrivait avec

474

M. Garreau avec

469

M. Surcouf avec

468

M. Le Hérissé, sénateur sortant, avec

444

  • 5 Furent élus sénateurs le 11 janvier 1920 : Eugène Brager de la Villemoysan, Paul Garnier, Louis Le (...)

22Mon échec réalisait quand même un succès personnel puisque j’arrivais, avec beaucoup d’avance, le premier de ma liste. Toute la liste réactionnaire fut élue – le dernier candidat avec seulement trois voix de majorité5 ! On m’avait reproché d’avoir une attitude trop loyalement républicaine pour certains modérés. Cela n’aurait d’ailleurs pas empêché mon élection si je n’avais été trahi par des personnalités qui occupaient une assez grande place dans le parti républicain et qui craignaient d’être diminuées par le fait même de mon succès. En tout cas, le nombre de voix qui m’a été donné prouve que mon attitude franche et droite était la plus en rapport avec l’intérêt de la République dans notre département.

23Non élu, un peu contrarié, ainsi que tous ceux qui avaient apprécié l’importance des services multiples que j’avais pu rendre à la chose publique, notamment pendant mes douze années d’administration comme maire de Rennes, mais n’oubliant pas mon devoir envers les Rennais en général et à l’égard de mes collègues du conseil municipal – je dirai même envers le personnel de nos divers services – je voulus, dès le lendemain de l’élection, le lundi 12 janvier, être à mon cabinet dès 8 heures et demi du matin suivant mon habitude, comme si rien ne s’était passé les jours précédents et malgré la fatigue de la campagne électorale.

— Au travail

24Donc, après le quart d’heure de surprise que les élections sénatoriales nous procurèrent à mes amis, à moi et – je puis le dire – au corps électoral rennais, je m’étais remis à la tâche. Bientôt, en homme d’action que je ne pouvais cesser d’être, j’allais retrouver le sourire même. N’y étais-je pas encouragé d’ailleurs par les souhaits qui m’avaient été adressés avant la bataille électorale et dont certains constituaient une véritable protestation anticipée, contre l’échec imprévu ?

25Un de ces témoignages, exceptionnellement considérable, me semble devoir être reproduit avant d’aller plus loin. C’est celui de M. Rault, conseiller d’État, qui, préfet d’Ille-et-Vilaine de 1902 à 1907, puis préfet du Rhône, et enfin devenu président de la commission administrative du bassin de la Sarre, m’avait écrit d’abord le 14 janvier 1918 : « Grâce à vous, la ville de Rennes, admirablement administrée au cours de cette abominable guerre, peut servir de modèle aux plus grandes villes de France. Mon vœu est qu’au prochain renouvellement du Sénat, le département d’Ille-et-Vilame s’honore en vous confiant à l’Assemblée, le siège que vous ont mérité tant d’éminents services rendus ». Le 12 décembre 1919, M. Rault, à l’occasion de mon succès aux élections municipales, revenait à son idée et me déclarait, en une lettre toute d’amicale spontanéité : « Je vous félicite de votre réélection en tête du conseil municipal et de votre réélection comme maire, à l’unanimité. C’est la juste récompense de l’habileté, de l’énergie et du dévouement avec lesquels vous avez administré Rennes pendant la guerre, vous plaçant au premier rang des grands maires de France ».

26Je ferme la parenthèse et reviens à mes nouveaux projets pour l’avenir meilleur de la cité. Les élections municipales avaient eu lieu le 30 novembre 1919 ; toute la liste républicaine était passée ; elle comprenait les anciens conseillers sortants – sauf trois candidats nouveaux pour remplacer les conseillers décédés ou qui s’étaient retirés pour raison de santé ou d’autres motifs.

27La séance d’ouverture, au cours de laquelle je fus réélu maire, se tenait le 10 décembre et, cinq jours après, le lundi 15, je réunissais le conseil municipal pour voter le budget de 1920 et l’ensemble des délibérations assurant la reprise immédiate de la vie économique et administrative de la cité. Peu de communes, je crois, ont pu présenter ainsi leur budget assez à temps pour qu’il pût être voté à l’époque normale. Cela se comprend du reste étant donné la date à laquelle étaient fixées les élections municipales : on pouvait en effet penser qu’il n’était pas utile d’étudier à fond un programme futur, programme qui, après le 30 novembre, serait peut-être sensiblement modifié par une municipalité nouvelle.

28Personnellement, j’avais certes le plus ferme espoir dans le succès de notre liste ; non pas cependant, la certitude, car, ainsi que l’ont montré ensuite les élections sénatoriales, dont je vous ai parlé précédemment, il est difficile de compter absolument sur l’opinion, si instable, des masses électorales ; plus difficile encore de prévoir les manœuvres plus ou moins occultes qui peuvent se produire comme d’en apprécier exactement les effets. Mais, admettant la possibilité d’un échec qui eût fait passer la direction des affaires municipales en d’autres mains que les miennes, je ne voulais pas mettre mon successeur éventuel dans l’obligation d’avoir à effectuer, du jour au lendemain, un travail qui, pour la sauvegarde même des finances communales, demande à être longuement et soigneusement examiné. Il ne me paraissait pas convenable – et cela d’autant plus qu’en 1908, en 1912 et, d’une façon générale, dans le cours de notre mandat, nous avions promis à nos concitoyens de nous consacrer de tout notre pouvoir à la bonne administration de la ville – d’agir en quelque sorte comme ces compagnies concessionnaires d’un service public qui, ayant géré au mieux tant que leurs intérêts étaient directement engagés, laissent péricliter l’exploitation au moyen du rachat, se désintéressant alors des difficultés que d’autres auront ensuite à résoudre.

29Or le nouvel exercice financier présentait cette difficulté que, en présence de l’inévitable accroissement des dépenses, il était nécessaire d’augmenter assez notablement les impositions. Nous nous en étions du reste très franchement expliqués devant les électeurs rennais en sollicitant le renouvellement de notre mandat. C’est avec la même franchise que je le déclarais dans mon rapport explicatif sur le budget de 1920. La question y était nettement exposée de la façon suivante [...] :

Messieurs,
« Nous avons eu la satisfaction de constater que les propositions budgétaires de 1914, 1915, 1916, 1917, 1918 et 1919 présentaient dans leurs grandes lignes une unité parfaite. Les conditions de leur établissement étaient telles que, sans création de charges nouvelles d’aucune sorte pour la population, elles assuraient la bonne marche des services si complexes de l’administration municipale et faisaient face aux dépenses exceptionnelles entraînées par les événements. Bien plus, elles réservaient tous les crédits votés, tant pour des organisations dont le fonctionnement était suspendu que pour les travaux gagés sur les excédents antérieurs de ressources. Enfin les reliquats d’emprunts affectés à notre programme de grands travaux restaient absolument intacts.
L’exercice de 1920 va s’ouvrir dans des conditions bien différentes. En présence de l’augmentation du coût de la vie, nous étions venus en aide à notre personnel pour l’attribution d’une indemnité de cherté de vie qui s’est accrue parallèlement aux difficultés de l’existence. De même que l’État et le département, vous avez voulu, dans votre dernière séance, stabiliser la situation des fonctionnaires, employés, ouvriers et agents municipaux en leur accordant un traitement équitable susceptible de sauvegarder leur dignité et d’assurer leur recrutement futur. En même temps vous avez renforcé l’aide particulière que vous accordiez déjà à ceux qui avaient la charge d’une famille nombreuse. Vous n’avez pas voulu oublier les retraités municipaux. Nous avons, en outre, à prévoir une élévation des crédits pour entretien, assurance des bâtiments communaux, achat de matériaux, imprimés, fournitures de bureau et scolaires, habillement, chauffage, etc., de même que pour l’assistance sous ses formes multiples, pour les établissements et organisations diverses subventionnées ou contingentées par la ville qui, de leur côté, ont majoré leurs tarifs. Sous peine d’une infériorité qui eût certainement abouti à une décadence, nous avons d’autre part été amenés à réorganiser nos grandes écoles de médecine et de pharmacie, de musique, des Beaux-Arts et d’architecture.
En dehors des grands travaux pour lesquels, ainsi que je le disais tout à l’heure, restent disponibles des crédits prévus comme très suffisants avant la guerre, mais qu’il faudra renforcer si nous voulons assurer l’achèvement des entreprises, un programme nouveau s’impose, que nous avons exposé publiquement à nos concitoyens et qui vient d’être soumis à vos délibérations. De tout cela résulte, Messieurs, pour notre budget de 1920, un surcroît de charges que nous nous sommes efforcés de limiter au nécessaire mais qui n’en est pas moins important. Pour y faire face, nous avons demandé des ressources nouvelles à l’octroi et aux centimes additionnels pour le surplus. Il était impossible d’agir autrement. La ville de Rennes doit garder son renom de grande cité, toujours au premier rang des villes de même importance. Elle ne saurait rester en arrière sans déchoir et, proclamons-le, sans perdre l’activité créatrice de son développement et de sa richesse, et l’attraction que lui assure sans conteste la qualité de grand centre régional et de capitale de la Bretagne ».

30Le total des dépenses passait donc de 6 141 139,73F ; chiffre qu’elles avaient en 1919, à 11 064 039,65 F en 1920. Cet écart paraissait d’autant plus sensible qu’il était brusque : il aurait pu être presque insignifiant entre les deux années 1919 et 1920 si, comme la plupart des autres villes, nous avions, au cours de la guerre, augmenté progressivement les dépenses à chaque exercice financier. Mais, comme vous le savez, j’avais réussi pendant cinq ans à faire face à toutes les charges nouvelles, pourtant très lourdes, avec nos ressources habituelles et sans avoir à recourir ni à des emprunts ni à des impositions. Il faut remarquer, de surcroît, que, dans ce total, figurent les dépenses ordinaires et les dépenses extraordinaires ; or, il convient, pour apprécier sagement un budget, de se rendre compte que les dépenses extraordinaires ne sont, pour une large part, que des prévisions pour paiement de travaux à exécuter au cours de l’année et que ces travaux n’étant pas, le plus souvent, entièrement effectués dans ce laps de temps, il reste en fin d’exercice d’importants crédits non employés qui sont reportés à l’année suivante. À ne s’en tenir qu’aux dépenses ordinaires, qui doivent servir de base pour l’examen du budget, elles passaient de 3 189 980,78 F à 5447361,45 F. Cette différence résultait principalement du relèvement des traitements accordés au personnel municipal et augmentés dans la proportion de un à trois, ainsi que des nouvelles nécessités qui accroissaient les dépenses relatives au fonctionnement des divers services municipaux.

31Parmi les dépenses extraordinaires, figuraient les sommes nécessaires à l’accomplissement des projets ci-dessous, que je soumettais, dans cette même séance du 15 décembre, à l’approbation du conseil municipal :

  1. Voirie urbaine – Réfection du pavage et rechargement des voies.
  2. Service des eaux – Projets d’amélioration et d’extension des captations.
  3. Services municipaux – Projet d’acquisition de deux voitures automobiles.
  4. Voirie urbaine – Balayage et arrosage des chaussées – Achat d’un matériel automobile.
  5. Service d’incendie – Achat d’une autopompe.
  6. Squares et promenades de la ville – Amélioration et embellissement complémentaires – Réparations d’entretien – Aménagement d’un laboratoire de chimie à l’hôtel-Dieu.
  7. Bâtiments communaux – Réparations de gros entretien.

32Les crédits nécessaires à l’exécution de ces projets s’élevaient avec ceux déjà votés pour le Panthéon rennais à 3 048 307 F Ils étaient couverts par un emprunt global que je présentais en même temps au vote du conseil, emprunt amorti par des annuités de 252 597,98 F pendant trente années. Tous ces projets étaient indiqués dans notre programme aux électeurs. Je les avais préparés également, de même que le budget, bien avant les élections municipales, et toujours pour la même raison : assurer, quels que soient les événements, la continuité immédiate de la vie économique et administrative de la ville. Les rapports même étaient établis ; il n’y manquait que la signature du maire, signature que mon successeur, le cas échéant, n’aurait eu qu’à apposer.

33L’utilité de ces travaux ne me semble pas avoir besoin d’être démontrée ; elle est évidente pour l’amélioration de la voirie urbaine et du service des eaux, l’achèvement et l’aménagement de l’école de médecine, les réparations de gros entretien des bâtiments communaux, l’achat d’une pompe automobile pour le service d’incendie. Mais deux de mes projets, celui relatif à l’achat de deux voitures automobiles pour les services municipaux et celui concernant la construction d’une grande salle de réunion, à la maison du Peuple, soulevèrent les critiques intéressées de mes adversaires politiques au moment des élections sénatoriales.

34J’avais pensé qu’il était désirable que les commissions municipales, les chefs de service intéressés et moi-même puissions nous rendre facilement sur les lieux des travaux afin de nous rendre compte par nous-mêmes, aussi souvent que de raison, et régler rapidement, sur place, les divers incidents qui peuvent se produire. Cela me paraissait particulièrement désirable pour observer les prises d’eau et canalisations très éloignées de la ville de Rennes et situées en des endroits où les communications sont difficiles. À une époque où l’automobile est d’usage courant, aussi bien dans de nombreuses administrations que dans le monde des affaires, je ne voyais pas dans cet achat une dépense somptuaire. Il était néanmoins aisé de l’interpréter ainsi et de faire entendre malicieusement au public – toujours prêt à écouter avec complaisance lorsqu’on s’adresse à lui comme au « monsieur qui ne se laisse pas rouler » – que ces automobiles serviraient en fait aux voyages d’agrément du maire et des conseillers municipaux. On n’y manqua pas.

  • 6 Couverture d’une Bourse du travail à Rennes fut réclamée par le conseiller municipal socialiste, M (...)

35Mais c’est principalement le projet de construction de la salle de réunions à la maison du Peuple6 qui servit à mener contre moi la campagne électorale, en permettant à mes adversaires de me représenter comme l’homme du parti socialiste. Je ne suis l’homme de personne, ni de ce parti ni d’aucun autre. Mes fonctions de maire me placent au-dessus des fractions du parti républicain, voire même des différentes parties de la population. Seulement en politique, ce qui compte parfois, ce n’est pas ce qui est vrai, mais ce qui se dit et qu’on réussit à faire croire.

36J’avais exposé très simplement dans mon rapport relatif à cette affaire, les raisons qui motivaient la construction de cette salle. Je disais ceci :

« Les organisations ouvrières à Rennes tiennent actuellement leurs réunions dans un hangar aménagé en salle provisoire à la maison du Peuple, rue Saint-Louis. Cette installation ne répond pas aujourd’hui, tant par ses dimensions que par son incommodité, à l’importance sensiblement accrue de nos syndicats d’ouvriers, d’employés, etc. D’autre part, la classe ouvrière de notre ville s’est trop bien comportée pendant la guerre – ceux qui sont restés dans nos usines et dans nos ateliers, comme ceux qui sont partis au front ; ses organismes ont concouru trop largement à nos œuvres de guerre (leurs versements ont dépassé 300 000 francs) pour qu’à son tour le conseil municipal ne lui témoigne, s’inspirant d’ailleurs des sentiments démocratiques qui l’ont toujours animé, son très vif intérêt et même sa pleine confiance ».

37J’aurais pu dire encore qu’il était bon, à tous les points de vue, moral et social, de donner aux ouvriers, en dehors de leurs heures de travail, toutes les facilités pour passer leur temps utilement et agréablement, ailleurs que dans les cafés. Je n’ai rien à ajouter, après mon échec ; je ne regrette rien de ce que j’ai fait et je n’éprouve nullement le besoin de me justifier davantage. J’ai suivi, sur ce point comme ailleurs, ma règle habituelle de conduite ; faire ce que je crois juste, sans me préoccuper des avantages ou des inconvénients qui peuvent en résulter pour moi.

— Une belle journée

38M. Plédy, premier président à la cour d’appel de Rennes, ayant bien voulu me choisir comme « parrain » pour le recevoir dans le grade d’officier de la Légion d’honneur, auquel il venait d’être promu, le grand chancelier de la Légion d’honneur me déléguait par lettre du 5 février 1920, les pouvoirs nécessaires à cette réception. Je fus très touché de cette désignation. La cérémonie eut lieu le 21 février 1920. M. Aliez, préfet d’Ille-et-Vilaine, M. Demangeat, procureur général, et les plus hautes notabilités de Rennes y assistaient.

39J’avais à prononcer l’allocution d’usage qui comportait naturellement l’éloge de M. Plédy. J’ai souvent remarqué combien ces éloges étaient en général de style déclamatoire, comme si la banalité de la pensée – quelquefois même son manque de sincérité – cherchait à se dissimuler sous l’apparente richesse de la forme. Ce genre ne me conviendrait pas ; il nécessite d’ailleurs une sorte d’habileté oratoire que j’avoue ne pas posséder, car je ne sais exprimer bien que ce que je pense sincèrement.

40Je commençai par dire que la vie est une succession d’événements, les uns pénibles, les autres plus heureux ; que ce jour était pour moi un de ceux qu’on marque d’une pierre blanche, car j’éprouvais une fierté et une joie véritables d’avoir été choisi par M. Plédy pour être son « parrain », à l’occasion de la remise de la distinction qui lui était conférée. Et plaisamment, je me permis de raconter, que, ayant été invité récemment à un dîner de pendaison de crémaillère chez un ami, M. Mouillefarine, qui venait d’être nommé chef principal de la gare Montparnasse, j’avais eu l’occasion de répondre, à propos d’allusions qui m’étaient faites sur l’époque à laquelle je faisais mon tour de France, qu’évidemment je connaissais alors plus de cantonniers que de chefs de gare et qu’il ne me serait pas venu à l’idée qu’un jour je dînerais chez M. le chef principal de la gare Montparnasse, assis à la droite de la maîtresse de maison. Mais, à plus forte raison, ajoutai-je, comment le « petit compagnon » aurait-il pensé qu’il serait appelé à investir officiellement, dans le grade d’officier de la Légion d’honneur, le premier président de la cour d’appel de Rennes dont le ressort s’étend sur les tribunaux de toutes les villes de Bretagne ?

41En exprimant la fierté naturelle que j’en ressentais, je remerciai M. Plédy de m’avoir donné cet honneur et cette joie par un choix qui m’était d’autant plus sensible qu’il venait d’un homme tel que lui, dont les hautes qualités personnelles de droiture et d’amabilité étaient, comme sa valeur professionnelle, si justement appréciées de tous. Je lui dis aussi combien j’étais heureux de pouvoir exprimer tout le bien que je pensais de lui et la particulière estime dans laquelle le tenaient les milieux d’opinions les plus diverses. Et, vraiment, si mes paroles ont pu, dans cette circonstance, causer à M. Plédy quelque plaisir, lui-même, en me priant d’être son parrain, m’avait procuré une satisfaction vivement ressentie.

Notes

1 Louis Deschamps (1878-1925) est, après Waldeck-Rousseau (mais à un degré bien moindre), l’un des hommes politiques importants de Rennes, investis de fonctions gouvernementales. Quoiqu’oublié aujourd’hui, il marque l’époque de la municipalité Janvier dont il est la personnalité la plus prestigieuse. Docteur en droit et avocat au barreau de Rennes en 1898, il se fait connaître en Bretagne pour ses interventions dans des affaires civiles et commerciales. Conseiller général (1907), conseiller municipal (1908) de Rennes, il est élu député d’Ille-et-Vilaine en août 1913, à la faveur d’une élection partielle, et réélu en mai 1914. Il siège avec les républicains de gauche. Il est nommé sous-secrétaire d’État à la Démobilisation dans le second cabinet Clemenceau (déc. 1918-nov. 1919). Il s’agit d’une fonction clé puisqu'il doit démobiliser cinq millions d’hommes, meurtris par les combats, en quelques mois. Il est réélu député en nov. 1919, sur la liste dont aurait pu faire partie Janvier. On ne peut exclure que des discussions entre les deux hommes aient convaincu le maire de la lourdeur du mandat national à la Chambre. Louis Deschamps est ensuite appelé comme sous-secrétaire d’État aux Postes dans les cabinets Millerand (janv.-sept. 1920) et dans le cabinet Leygues (sept. 1920-janv. 1921). Il réorganise alors l’administration des Postes et Télégraphes, étend le réseau des câbles et fait construire la station TSF de Sainte-Assise (Seine-et-Marne). Il souhaitait (et demanda) la suppression des monopoles d’État, mais fut battu aux élections législatives de mai 1924.

2 Eugène Quessot (1882-1949), issu d’une famille de Brie-La-Rochefoucault (Charente), d’abord forgeron dans la région de Bordeaux, arriva à Rennes en 1910 comme ajusteur aux ateliers des chemins de fer. Élu secrétaire général du syndicat des cheminots en 1920 après la grande grève, il exerça plusieurs responsabilités au sein de la CGT. Mais il fut surtout un militant socialiste. Secrétaire de la fédération socialiste d’Ille-et-Vilaine dès 1920, il avait été élu conseiller municipal en 1919. La même année, il battait Le Hérissé aux élections cantonales. Il garda ces deux mandats tout au long de sa vie, sauf pendant la guerre où il fut suspendu par le régime de Vichy. Il fut plusieurs fois adjoint au maire (Carle Bahon en 1925, Yves Milon en 1945), mais se présenta sans succès aux élections législatives de 1914 à 1936.

3 Comme Jean Janvier, Armand Rébillon (1879-1974) était né à Saint-Georges-de-Reintembault où son père était instituteur. Agrégé d’histoire en 1903, il succéda à son maître Henri Sée à la faculté des lettres de Rennes en 1920 et fut l’historien des états de Bretagne auxquels il consacra sa thèse (publiée en 1932). Il fut conseiller municipal de 1919 à 1935 et de 1944 à 1953.

4 Conduite par le sieur Becdelièvre, cette liste ne réunissait que douze candidats.

5 Furent élus sénateurs le 11 janvier 1920 : Eugène Brager de la Villemoysan, Paul Garnier, Louis Lemarié et André Porteu de La Morandière.

6 Couverture d’une Bourse du travail à Rennes fut réclamée par le conseiller municipal socialiste, Mainguené, dès septembre 1891. Beaucoup de grandes villes françaises en sont alors déjà dotées (Bordeaux, Marseille, Toulouse, Saint-Étienne, etc.). Mais la municipalité républicaine de Le Bastard ne semble pas voir l’intérêt, ni la nécessité de la demande. Un projet est toutefois mis à l’étude par Martenot et, après avis favorable du conseil municipal, une Bourse est officiellement créée en avril 1893, dans l’ancien Café central du Champ-Jacquet. Celui-ci est vite trop petit. C’est pourquoi Janvier met une partie des surfaces de l’ancien couvent de la Visitation, transformé en école des Beaux-Arts, à la disposition de la Bourse du travail. En 1911, cette dernière rachète à la ville une parcelle de terrain, me Saint-Louis, afin d’y créer une maison du Peuple. Ce nouveau local paraît indispensable pour accueillir les cinq mille syndiqués de 1913, devenus neuf mille en 1917. Il est d’abord constitué d’un hangar sommairement construit par Le Ray, chargé du projet définitif en décembre 1919 (donc assez tôt pour permettre la cabale des élections sénatoriales). Selon son habitude, l’architecte bâtit un édifice à ossature de béton armé et revêtement polychrome (granit bleu, schiste violet, brique rouge, pierre blanche), éclairé d’un lanterneau sous lequel se déploie une vaste tribune à gradins et à bancs fixes. Haut lieu de la vie ouvrière pendant de longues années, la maison du Peuple, convertie en lieu de spectacle (la salle de la Cité), est demeurée un des grands repères publics de Rennes.

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