Nul n’est policier en son pays ?
Le dépaysement des gendarmes français au xixe siècle
p. 427-438
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Index géographique : France
Texte intégral
1Depuis la publication de nombreux travaux consacrés à l’histoire de la gendarmerie 1, on connaît mieux cette arme, première force de l’ordre étatisée dans la France rurale du xixe siècle. Membres d’une institution nationale, uniformément répartis dans chaque département, conscients de la chaîne hiérarchique qui les unit aux sommets de l’État et qui garantit leur indépendance professionnelle contre les prétentions des autorités locales, les gendarmes se distinguent très nettement des gardes champêtres et des policiers municipaux, qui restent attachés, qui à leur finage, qui à leur ville. Dans une analyse pionnière, Frédéric Chauvaud proposait ainsi d’exclure la brigade de gendarmerie, trop urbaine et trop nationale, de la communauté villageoise à proprement parler 2. « Nous nous en passerions aux fêtes de village et, à vrai dire, ce n’est pas nous qui les demandons », expliquait déjà Paul-Louis Courier dans sa célèbre Pétition pour les villageois que l’on empêche de danser 3. Paradoxe étonnant pour qui consulte les liasses de requêtes municipales sollicitant l’installation d’une brigade : à partir du milieu du xixe siècle, chaque canton arbore sa caserne et ses gendarmes, fixés à demeure et compétents dans l’ensemble de la circonscription. La gendarmerie possède sans nul doute toute les caractéristiques d’une police territorialisée. D’autres écrivains n’hésitent d’ailleurs pas à ériger l’arme en figure traditionnelle des campagnes et le bicorne en objet familier 4.
2Le fond du problème se résume donc très simplement : le gendarme est-il un personnage du dedans ou du dehors ? En observant la construction et les lents déplacements de cette dialectique du local et du national, il s’agit d’envisager sous un nouvel angle les rapports complexes qui unissent police, société et territoire au xixe siècle et d’identifier les logiques qui président à l’exercice de l’autorité publique dans cette « France des terroirs 5 ». Quand et au nom de quels principes choisit-on de dépayser les gendarmes ? En croisant l’étude des discours et l’observation des pratiques réelles, on veut, en définitive, mesurer la distance – spatiale, sociale, symbolique – qui sépare les agents des administrés. C’est de cette manière que l’on peut espérer comprendre la nature du métier policier dans la France du xixe siècle.
« On ne nomme pas un gendarme dans son canton »
3Présentée comme un proverbe dans la Bretagne du début du xxe siècle 6, cette formule peut prétendre au statut de dogme professionnel. Ses racines plongent dans l’histoire de la maréchaussée du xviiie siècle. Confronté à la corruption et à l’inertie d’une troupe dont les agents exerçaient souvent une seconde profession, le secrétaire d’État Le Boucher avait proposé d’éloigner les cavaliers de maréchaussée de leurs intérêts privés 7. Cette pieuse recommandation est peu ou mal appliquée jusqu’au début du xixe siècle. L’effet des épurations s’ajoute à la désorganisation provoquée par les guerres révolutionnaires et impériales pour entraver la professionnalisation : dans les années 1820, il n’est pas rare de découvrir de vieux gendarmes ayant effectué toute leur carrière dans leur bourg de naissance. Les officiers supérieurs n’en ont pas moins expérimenté une politique de dépaysement radical qu’ils appliquent d’abord aux nouveaux départements de la « plus grande France ». Dans l’Italie annexée, la gendarmerie du Premier Empire est expressément conçue comme un instrument de francisation. Coupées des populations civiles dont elles ne connaissent ni la langue, ni les coutumes, les brigades devaient incarner l’autorité de l’État central contre les résistances locales 8. Ce modèle colonial survit après 1815 dans l’organisation de la gendarmerie corse, qui n’accueille que des recrues métropolitaines auxquelles on déconseille d’épouser des jeunes filles du cru 9. De telles dispositions ne peuvent évidemment pas être généralisées dans l’ensemble du pays, à moins de détruire un recrutement déjà fragile ; elles échouent d’ailleurs en Corse, où l’on accepte finalement de recruter des autochtones, à condition qu’ils aient servi au moins deux ans sur le continent et qu’ils aient donné des gages de « leur bonne conduite et de leur zèle à perfectionner leur instruction 10 ».
4Débattus dans le cadre de l’expansion impériale et éprouvés face à la spécificité corse, ces principes n’en offrent pas moins un premier modèle normatif susceptible d’inspirer la gestion des carrières. Dès la Restauration, un durcissement se manifeste et les inspecteurs généraux du corps se montrent particulièrement attentifs aux risques de compromission. Ils conditionnent désormais explicitement la « faveur » d’une affectation locale à la promesse de « bons et loyaux services 11 ». Sans qu’aucun texte ne vienne sanctionner cette nouvelle politique institutionnelle, le mouvement s’accélère sous la monarchie de Juillet, peut-être à la faveur d’une épuration déguisée en mutations « dans l’intérêt du service », sûrement grâce à la relève naturelle des générations. Quasiment toutes les nouvelles recrues de la gendarmerie sont dépaysées au milieu du xixe siècle. En 1857, seuls 2 des 257 gendarmes de la compagnie du Nord exercent dans leur canton natal ; encore faut-il préciser que l’un attend sa pension de retraite, tandis que l’autre est muté l’année suivante 12. Commun à l’ensemble du pays, l’usage est définitivement entériné, d’abord par la circulaire du 13 décembre 1861 qui interdit l’envoi des nouvelles recrues dans l’arrondissement de leur résidence, puis par la circulaire du 13 juin 1868. Moins sévère et plus durable, ce nouveau texte empêche l’affectation d’un gendarme dans son canton, d’un lieutenant dans son arrondissement ou d’un chef d’escadron dans son département.
5Emblématique, la mesure couronne et fortifie un usage qui s’est construit dans la première moitié du xixe siècle. Sa formulation reste pourtant timide : rien n’interdit au gendarme astucieux de glisser le long des frontières administratives sans s’éloigner significativement de son pays natal. Ainsi du gendarme Gobinot, natif de l’Aube, entré au service dans la Sarthe en 1879. Après trois ans de service, le voilà qui revient dans l’Aube « où il a sa famille et ses intérêts ». Encore trois ans s’écoulent avant qu’il ne se lasse et ne sollicite un nouveau changement « pour s’éloigner de ses parents qui lui occasionnent des dépenses et le gênent dans son service ». Muté à l’autre bout du département, il y patiente onze ans, avant de retrouver, en deux étapes, ses intérêts familiaux 13. Parfaitement conforme aux règlements, cette technique de contournement est l’apanage de rares recrues, les plus chanceuses ou les mieux introduites. Construites à partir des registres matricules de contrôle des troupes, les statistiques sont éclairantes : entre 1840 et 1890, seul un tiers des nouveaux gendarmes sont affectés dans leur département de résidence. En tenant compte des recrues nommées dans les départements voisins, on peut considérer qu’un peu plus de la moitié des hommes restent dans leur région natale. Encore faut-il préciser que, parmi ceux-là, la plus grande partie rejoint un poste situé à distance de leur arrondissement natal. Quant à l’autre moitié des recrues, elles se déplacent dans d’autres contrées, parfois à l’autre bout du pays. C’est ainsi que la compagnie de l’Hérault accueille moins de 20 % de gendarmes natifs du département et puise l’essentiel de son effectif dans les Pyrénées, mais aussi en Bretagne ou en Alsace.
6On peut penser que cette première affectation éloignée constitue une sorte de purgatoire, une épreuve de motivation que l’on achève après quelques années sous l’uniforme. De fait, le gendarme bien noté est en droit de solliciter une mutation par « convenance personnelle » qui le rapproche de son pays natal. Si certains y parviennent, la plupart des recrues dépaysées préfèrent toutefois rester dans la compagnie où on les a nommées. Parmi les gendarmes en activité en 1857 qui avaient été nommés à distance de leur département natal, moins de 20 % s’efforcent de revenir dans leur pays. Cette proportion s’élève nettement quand on considère la génération suivante, celle des gendarmes actifs en 1890, mais elle ne dépasse pas les 40 %. Les raisons de cette stabilité ne sont pas faciles à établir. Craint-on un refus – toujours possible au nom de « l’intérêt du service » ? Reculet- on devant les frais du déménagement ? Renonce-t-on à un rapprochement qui resterait de toute façon relatif puisqu’il est interdit de s’établir dans le canton de sa famille ? Par dépit ou par conviction – n’oublions pas que les gendarmes ont pu s’acclimater à leur terre d’exil, on y reviendra –, force est de constater que la politique d’éloignement des recrues s’ajoute aux mesures de prohibition du pays natal pour construire un dépaysement forcé qui singularise, par sa précocité et par son intensité, la gendarmerie du xixe siècle.
Dépaysement et culture de guerre
7L’impératif du déracinement n’est pourtant pas spécifique à la gendarmerie, loin de là. On en trouve des exemples, sinon des modèles, dès le xviiie siècle finissant, aussi bien dans la gestion parisienne des commissaires de police 14 que dans l’organisation du corps des inspecteurs des manufactures 15. Le principe s’étend ensuite à l’affectation des inspecteurs de l’enseignement primaire 16, tandis que les esprits les plus avancés envisagent même – brièvement, il est vrai – de l’appliquer aux simples instituteurs 17. De manière générale, on peut rappeler, après Jean-Paul Jourdan, que la fonction administrative est associée à une culture du nomadisme professionnel 18. Mais il faut aussitôt préciser que ces formes de mobilité imposée sont étroitement corrélées à l’importance des responsabilités exercées. Durant la première moitié du xixe siècle, seuls les fonctionnaires de rang supérieur sont tenus d’exercer leurs fonctions à distance de leurs intérêts. Les fonctionnaires intermédiaires étudiés par Jean Le Bihan échappent assez largement à la règle. Les percepteurs, par exemple, peuvent être nommés dans leur bourg natal, au moins jusqu’aux années 1860 19. Quant aux plus humbles serviteurs, agents de police ou gardes champêtres, ils sont massivement affectés dans leur résidence. La spécificité de ces métiers policiers n’échappe pas aux observateurs, qui soulignent de temps à autre les périls de la partialité. On dénonce en particulier la timidité répressive de ces gardes champêtres qui ne veulent froisser personne ou qui se contentent de verbaliser les ennemis du maire 20. On relie de plus en plus souvent la professionnalisation à un impératif de déracinement, mais nul n’envisage sérieusement de réformer le système 21.
8En formulant et en appliquant un idéal drastique de dépaysement, la gendarmerie du xixe siècle se fond donc moins dans le moule des administrations publiques qu’elle n’adopte le modèle militaire des garnisons itinérantes. Fiers d’appartenir à l’armée qui garantit leur prestige social, les officiers entretiennent volontiers la comparaison. Ils rappellent tout naturellement que le gendarme est un vétéran habitué aux mouvements de troupes, ainsi qu’un soldat censé faire preuve d’un sens de la discipline et d’une abnégation que l’on juge radicalement incompatibles avec un trop profond enracinement local. « Que dira-t-il quand on lui demandera d’aller se faire tuer ? », s’indigne ainsi un officier de la Belle Époque qui vient de recevoir la demande de permission d’un gendarme fort préoccupé par ses intérêts familiaux 22. Éloignée de ses bases, à distance des tracas de la vie civile, la recrue doit pouvoir incorporer plus rapidement et plus facilement un esprit de corps et une conscience professionnelle susceptibles de diriger son existence. Très présente durant l’ensemble du siècle, l’idée est résumée, en 1910, par le chef d’escadron de la Mayenne : « les éléments qui arrivent à se rapprocher de leur pays d’origine ne sont jamais le vrai gendarme, l’homme pour qui le devoir passe avant tout 23 ». Au même titre que l’encasernement, qui permet d’isoler la brigade et qui complète le déracinement, le principe de dépaysement se met au service d’une acculturation des recrues : la distance spatiale qui sépare le gendarme de l’administré constitue le gage de son investissement professionnel.
9Immédiatement utilisée dans cette perspective d’éducation des gendarmes, la doctrine avait également été pensée en fonction des populations surveillées. Dans la première moitié du xixe siècle, la conception dominante du métier identifie, en effet, le travail des brigades à celui d’une troupe engagée dans une constante « guerre intérieure ». Parfois amené à manier le sabre contre des populations rurales qui le considèrent comme un ennemi 24, le gendarme doit savoir imposer une distance et faire respecter une autorité qui se fonde sur « le prestige effrayant de l’inconnu 25 ». Pour devenir le représentant anonyme et exemplaire de la puissance publique, il doit rester une fonction impersonnelle – un uniforme vidé de toute incarnation individuelle.
Fragilités d’une doctrine radicale
10Ce choix institutionnel présente toutefois de sérieux inconvénients, dont témoignent par exemple les mésaventures de ces gendarmes basques ou bretons qui ne parviennent pas à comprendre la langue employée par leurs administrés. Peut-on mener des enquêtes judiciaires si l’on n’entend rien aux déclarations des témoins ? L’utopie du gendarme déraciné se heurte ici au principe de réalité, et l’arme doit concéder de premières exceptions : massives dans les départements alsaciens, où l’on privilégie très tôt les recrues bilingues ; beaucoup plus limitées dans une Bretagne qui reste peuplée d’une forte majorité de gendarmes francophones, faute d’un nombre suffisant de recrues bretonnantes. Mais la composition des brigades y est calculée de telle sorte qu’au moins un gendarme puisse servir d’interprète 26. On aurait tort, en effet, d’imaginer des officiers insensibles aux difficultés de leurs hommes et – surtout – aux revendications des maires ou des sous-préfets. Conscients de l’enjeu, les responsables départementaux du corps n’attendent pas de recevoir des instructions officielles pour brasser leurs effectifs en fonction des frontières linguistiques. Ils sont soutenus par les inspecteurs généraux du Second Empire, qui signalent – timidement, il est vrai – « qu’il faut rendre plus faciles les communications des gendarmes 27 ».
11La question gagne progressivement en acuité. De plus en plus présentes au quotidien, les brigades de la Troisième République sont chargées de vulgariser dans les campagnes les informations relatives à la conscription et d’accueillir dans leurs casernes les populations qui déposent une plainte ou qui demandent un renseignement. Que la langue nationale se soit vite diffusée n’empêche pas la persistance de dialectes locaux. Aussi prend-on soin d’évaluer les compétences linguistiques des gendarmes nommés dans les terroirs les plus périphériques. C’est ainsi que le chef d’escadron des Hautes-Alpes organise une véritable filière de recrutement corse pour pourvoir aux besoins des cantons italophones du Briançonnais 28. Il est vrai que la lutte contre l’espionnage renforce cette nouvelle orientation. À partir des années 1880, chaque recrue doit signaler les langues étrangères qu’elle maîtrise afin d’être nommée, le cas échéant, dans une brigade frontalière 29.
12Il ne suffit pas de parler la langue de ses interlocuteurs pour exercer les fonctions de gendarme, il faut encore s’adapter au milieu. La question se pose plus particulièrement pour les pays de montagne ou pour les climats malsains. Il s’agit d’éviter la fuite des gendarmes, explique le commandant des Hautes-Alpes, inquiet de voir toutes ses recrues demander leur mutation. Reconstitués à partir des listes de nominations, les chiffres sont sans appel. Au tout début du xxe siècle, on peut estimer que 15 % des gendarmes passent au moins huit ans dans le même poste. Cette proportion s’élève à 20 % dans les brigades urbaines et descend à 13 % dans les cantons ruraux. Elle s’effondre à moins de 8 % dans les Hautes-Alpes, où certains postes d’altitude sont entièrement renouvelés tous les trois ou quatre ans. Après avoir vainement plaidé en faveur d’un statut d’exception, le chef d’escadron de cette compagnie suggère d’affecter sur place des gendarmes du cru ou des recrues corses ou pyrénéennes habituées à la rudesse du climat et à la pente des chemins 30. Les autochtones obtiennent ainsi une tolérance complice, sinon une priorité officieuse, lorsqu’ils sollicitent une affectation dans leur vallée natale. Menée à bien dans les premières années du xxe siècle, l’expérience ne semble pas très concluante. Mais elle ouvre une brèche dans le dogme du dépaysement des recrues.
13Les traitements particuliers révèlent en effet les failles du système : si les départements de montagne méritent un statut d’exception, pourquoi d’autres n’en bénéficieraient- ils pas ? Il ne faudrait pas sous-estimer la souffrance qu’expriment de nombreuses lettres de gendarmes victimes du mal du pays 31. L’historien découvre une douleur morale qu’il est difficile d’évaluer, mais aussi des maux physiques bien palpables – organismes fragilisés, maladies chroniques, etc. – qui se traduisent parfois par des mutations d’urgence 32. Ce n’est pas un hasard si les crises de mélancolie attirent l’attention des médecins militaires du xixe siècle 33.
14Contrairement à leurs prédécesseurs, qui étaient souvent d’anciens soldats blanchis sous le harnais ou de vieux militaires forgés dans le moule des campagnes coloniales, les gendarmes de la fin du siècle n’ont qu’une maigre expérience du dépaysement. Conscrits ayant effectué leurs trois ans de service, parfois sans quitter leur région natale 34, ces hommes restent fondamentalement des campagnards enracinés dans leurs terroirs et hâtivement convertis en militaires professionnels. Qu’ils acceptent le dépaysement forcé des premières années ne signifie pas qu’ils y prennent goût. Le maigre appât des promotions, qui restent rares et bornées aux grades subalternes, ne suffit pas à transformer leurs mentalités. Il est ainsi significatif de constater que beaucoup de gendarmes – une majorité ? – préfèrent renoncer à l’avancement pour ne pas subir une mutation supplémentaire.
L’autre enracinement
15L’institution est bien obligée d’en tenir compte et de gérer les ambitions et les déceptions de ses hommes, libres de démissionner ou de prendre une retraite proportionnelle après quinze ans de services. C’est pour cette raison que les hommes sont rapidement poussés au mariage. Voilà qui pourrait surprendre dans une institution militaire où le mariage a plutôt mauvaise presse 35. Mais les réserves timidement soulevées par certains officiers ne les empêchent pas d’accorder presque systématiquement des permissions de mariage à leurs hommes. Mieux, les recrues découragées par leurs débuts dans le métier sont officiellement invitées à trouver une épouse pour rompre leur isolement et pour faciliter leur vie quotidienne. Comme l’expliquait sans joie le commandant Dupleix, à la fin de la monarchie de Juillet, « la nature de son service, sa position, l’exemple qu’il doit donner d’une bonne conduite, lui font du mariage une nécessité 36 ». Les résultats d’une telle politique ne se font pas attendre : dès le milieu du xixe siècle, on peut considérer qu’entre 80 % et 90 % des gendarmes sont mariés. Ce chiffre n’évolue presque plus jusqu’à la Première guerre mondiale. À leur entrée dans le métier, la grande majorité des recrues sont célibataires, mais tous ou presque se marient dans les quatre ans qui suivent leur admission.
16Cette caractéristique invite à reconsidérer la nature du dépaysement. Le gendarme quitte son pays natal, sans doute, mais il se marie le plus souvent dans le canton où l’institution a choisi de le nommer. Si l’on se fie au lieu de résidence de la fiancée, on constate que 60 % d’entre elles vivent dans l’aire professionnelle de leur futur époux ; moins de 30 % ont été rencontrées dans la zone d’influence familiale, avant l’entrée au service – « soyez gendarme et ma fille est à vous », lit-on parfois –, par l’intermédiaire d’un parent 37 ou au profit d’une permission. La mobilité imposée par le statut professionnel semble donc compensée par la possibilité de construire un nouvel ancrage. Comme le signale un colonel dès 1848 : « le gendarme se fixe où il se trouve, s’y marie, s’y crée une famille ; ses enfants sont inscrits au registre de l’état-civil de sa nouvelle commune ; il cesse presque toujours d’avoir des relations avec le lieu de sa naissance 38 ».
17Comment interpréter en ce cas la circulaire de 1868 qui étend les interdictions de résidence professionnelle aux cantons natals des épouses de gendarmes et, de manière plus générale, à toutes les localités où le gendarme compterait des parents proches ? Cette prohibition supplémentaire marque un durcissement significatif du dépaysement. Mais le ministre de la Guerre précise aussitôt qu’il n’entre pas dans son intention « que les militaires actuellement placés dans ces conditions soient tous sans exception changés de résidence ». La prudence est de mise, dans la mesure où l’application drastique de ce nouveau règlement provoquerait une vaste recomposition des effectifs. Mais cette attitude conciliante qui devait rester provisoire inaugure surtout un demi-siècle de tolérances ponctuelles. Officiellement, tout gendarme qui décide de se marier dans sa résidence professionnelle signe une note d’information lui rappelant qu’il devra demander sa mutation dès que possible. Dans les faits, les officiers restent juges du bien-fondé d’une mesure d’éloignement. Quand ils se fiancent à la fille d’un commerçant ou d’une personnalité influente du bourg, les gendarmes savent qu’ils s’exposent à coup sûr à un déménagement rapide. Quand ils épousent la fille d’un cultivateur ou d’un artisan, ils peuvent, en revanche, parier sur la complicité d’un officier un peu moins rigoriste.
18En somme, pendant la majeure partie du xixe siècle, il n’est pas excessivement rare qu’un gendarme exerce son activité dans le proche voisinage de sa belle famille. La vigilance des chefs, les dénonciations des ennemis 39 et la fréquence des mutations « dans l’intérêt du service » en réduisent sensiblement la possibilité. Mais l’image du gendarme délié de toute attache dans sa résidence professionnelle sort passablement écornée d’un examen attentif des individus et de leurs trajectoires sociales. Les chiffres sont têtus, et il reste vrai qu’à raison de trois à quatre postes fréquentés en un peu moins d’une vingtaine d’années de carrière, les gendarmes restent soumis à une importante mobilité qui contraste avec les pratiques des administrations civiles 40. « Comme l’oiseau sur la branche », selon la belle formule d’un cultivateur provençal 41, ils sont sans cesse exposés à la menace du déménagement. Mais la moyenne statistique est trompeuse : après la succession d’affectations qui ponctuent les premières années de la carrière, une part significative de gendarmes parviennent à reconstruire un ancrage et à tisser des liens qui éclatent au grand jour dans les motifs des punitions infligées au début du xxe siècle : fréquentation des cabarets, bavardages indiscrets sur la voie publique, partialité en faveur des commerçants qui fournissent la brigade, etc. Les indices ne manquent pas qui permettent de conclure à l’insertion sociale des gendarmes dans leur canton d’adoption.
Nouvelles logiques du dépaysement
19Silencieuse et extra-réglementaire, cette intégration progressive inquiète tout de même les principaux responsables de la gendarmerie qui redoutent une dilution de l’esprit militaire, ainsi qu’un affadissement de la rigueur policière. Au-delà des risques de compromission, il faut surtout faire la part d’une profonde angoisse qui saisit les officiers attentifs aux rapides transformations sociologiques du corps et inquiets devant la banalisation de l’uniforme. Là où les gendarmes n’ont peu ou pas changé, recrutés dans les mêmes sphères de la petite agriculture ou de l’artisanat rural, la société civile se modernise et s’est habituée au bicorne. Inévitable, le rapprochement ruine le prestige dépassé du gendarme. Puisque la distance sociale s’est amoindrie, certains voudraient renforcer la distance spatiale. Le débat s’alimente aussi des doutes qui saisissent les dirigeants militaires confrontés aux contraintes de l’organisation régionale de l’armée telle qu’elle a été décidée en 1872 42. Ces hésitations et ces incertitudes provoquent régulièrement des rappels à l’ordre qui se traduisent parfois par des dispersions de brigades, mais qui ne bouleversent jamais complètement l’équilibre du système.
20L’expérience de plus en plus envahissante du maintien de l’ordre entraîne cependant un dernier sursaut du principe de dépaysement radical. Peut-on demander à des gendarmes, presque tous issus des couches populaires de la société, de lutter contre la foule ? Faut-il craindre une mutinerie, telle que le 17e d’infanterie en montre l’exemple ? Ces questions sont suffisamment prises au sérieux au début du xxe siècle pour que les autorités élaborent une double réponse. On rappelle d’abord qu’il y a des « inconvénients sérieux » à envoyer aux grèves des gendarmes issus des régions concernées. On propose ensuite de revenir à la lettre des textes réglementaires et de muter tous les gendarmes qui compteraient trop d’attaches dans leur circonscription. Soutenue avec enthousiasme par de rares officiers qui recommandent parfois de laisser « plusieurs centaines de kilomètres » entre le gendarme et sa famille 43, cette initiative pêche par son systématisme et par sa radicalité. Si des mutations frappent bon nombre de ces gendarmes mariés dans leur résidence que l’on avait jusque-là laissés en paix, la reprise en main semble plutôt limitée 44 et temporaire. La relative timidité des officiers doit évidemment se comprendre dans une logique de rapport de forces. Alors que les demandes d’admission se raréfient et que la gendarmerie peine à remplacer ses retraités, il n’est plus envisageable de durcir les règlements et de priver les hommes d’un des principaux attraits de la carrière.
21Mais ce constat d’échec peut également être lu comme l’essor d’une nouvelle conception du métier, où l’on privilégiera l’intégration des gendarmes. En témoigne l’attitude du commandant de l’arrondissement de Saint-Claude quand on lui suggère de muter l’un de ses hommes, Baudier, qui compte trop d’amis et de parents dans la ville de Saint-Claude : non seulement l’officier refuse de pénaliser l’un de ses meilleurs gendarmes, mais mieux encore, il rappelle que « ses nombreuses relations lui ont permis pendant les grèves et certains jours d’effervescence de rendre de grands services 45 ». Cette position pragmatique n’est pas tout à fait isolée au début du xxe siècle. Réticents à l’égard du projet de gendarmerie mobile qui agite l’enceinte parlementaire 46, plusieurs officiers expriment leur scepticisme quant à la valeur d’une troupe militaire qui n’interviendrait qu’en cas de conflit. Par la même occasion, ils font l’éloge des brigades territoriales, capables d’agir plus discrètement et de mieux apprécier la nature des tensions. Centrée sur l’image du médiateur, la nouvelle lecture du métier qui émerge publiquement à la Belle Époque rompt catégoriquement avec le principe séculaire du dépaysement nécessaire. Le renversement est bien trop brusque pour s’imposer dans l’ensemble de l’institution, mais l’idée fait son chemin 47, et l’utopie du déracinement cesse d’être avancée comme une priorité. Au contraire, certains officiers construisent même l’image fantasmée et nostalgique de « nos plus braves devanciers ayant accompli la majeure partie de [leur] carrière dans la même résidence, au point que plusieurs générations avaient grandi sous [leur] règne 48 ».
22Publié quelques semaines avant le déclenchement de la Première guerre mondiale, le nouveau décret sur le service intérieur de la gendarmerie maintient cependant les prohibitions géographiques définies depuis 1868. Aucun gendarme ne sera nommé dans son canton natal, et ceux qui prendront épouse dans leur résidence professionnelle feront toujours l’objet d’une enquête susceptible de conclure à la mutation d’office. Quant aux militaires trop affables qui noueraient des relations serrées avec les habitants, ils restent sous la menace d’un rapport disciplinaire et d’un déplacement punitif. Adaptés à la situation de l’arme au milieu du xixe siècle, ces règlements draconiens ne correspondent plus tout à fait à l’imaginaire du métier dans un pays pacifié et unifié. Comment faut-il expliquer leur longue survie et leur postérité durable ? La question admet plusieurs réponses, à commencer par l’indéniable conservatisme du corps officier. Vivement dénoncées par les retraités de la gendarmerie, les hautes instances exaltent volontiers les vertus de la tradition 49. Soucieux de maintenir une identité militaire dont ils redoutent qu’elle ne se dissolve au contact des populations civiles, ces dirigeants acceptent sans doute d’assouplir l’application des règles, mais ils refusent de renoncer à leur utopie. La frange réaliste du corps soutient ce compromis qui présente l’avantage d’offrir de puissants moyens de pression. Quand un gendarme se marie dans sa résidence, il est ainsi possible de le menacer d’une mutation immédiate à la moindre infraction commise : quel meilleur moyen d’asseoir l’autorité des chefs et de garantir la bonne conduite des hommes ?
23Plus profondément, le principe de dépaysement survit en tant que modèle de gestion des ressources humaines. Dès la demande d’admission, on explique au candidat que l’on désignera en priorité « ceux qui consentiraient à accepter telle désignation qui leur serait désignée » et que l’on ne nommera pas forcément ceux qui formulent des vœux précis 50. Une fois titularisé, le jeune gendarme pourra se rapprocher de son pays natal au prix d’une longue suite de mutations qui sont autant de « faveurs » qu’il devra mériter. S’il préfère tisser des liens dans sa région d’adoption, il ne pourra les consolider qu’en se montrant digne de la confiance de l’institution. Commun à toute la fonction publique du xxe siècle et déjà bien ancré dans la gendarmerie du xixe siècle, ce dispositif ajoute à la progression de carrière une mobilité géographique qui complète le pouvoir de l’institution.
24Si l’on voulait dresser un improbable palmarès des fonctionnaires les plus dépaysés, nul doute que les gendarmes n’y tiennent une place de choix, au xixe siècle comme au xxe siècle. Il serait tentant d’expliquer l’incontestable radicalité de cette politique institutionnelle par la nature du métier exercé : au même titre que l’uniforme distinctif, l’accent étranger garantirait la distance qui doit séparer les policier des administrés. En partie fondée, cette idée n’a toutefois jamais été au cœur de la réflexion des officiers. Et pour cause : se considèrent-ils vraiment comme policiers ? Ne prétendent-ils pas plutôt à l’image de marque du soldat ? Corollaire de la culture de guerre qui est entretenue dans la gendarmerie du premier xixe siècle, le dépaysement des recrues est d’abord pensé comme un facteur de militarisation du corps – que celle-ci facilite la professionnalisation du métier ne change rien à l’ambition initiale. La longue postérité de cette doctrine n’en est que plus paradoxale. Peut-on encore vouloir isoler les gendarmes et dépersonnaliser l’ordre public à l’heure de la démocratisation ? Fragilisés et – progressivement – délégitimés, les fondements traditionnels de la politique du dépaysement cèdent place à une argumentation administrative, la bonne gestion des hommes exigeant encore et plus que jamais de pouvoir diriger les affectations et les mutations. Les besoins du métier policier ne sont pas ignorés pour autant, mais, trop contradictoires, ils sont asservis à des logiques institutionnelles.
Notes de bas de page
1 J.-N. Luc, « Bibliographie », in Histoire de la maréchaussée et de la gendarmerie. Guide de recherche, Maisons-Alfort, SHGN, 2005, p. 387-478. Précisons d’emblée que de nombreux aspects de cette communication s’appuient sur les recherches menées dans le cadre de mon doctorat, Le Métier de gendarme national au xixe siècle. Pratiques professionnelles, esprit de corps et insertion sociale de la Monarchie de Juillet à la Grande Guerre, thèse d’histoire, sous la dir. de J.-. Luc, université Paris 4, 2006, à paraître aux Presses universitaires de Rennes.
2 F. Chauvaud, Les Passions villageoises au xixe siècle. Les émotions populaires dans les pays de Beauce, du Hurepoix et du Mantois, Paris, Publisud, 1995.
3 P.-L. Courier Œuvres complètes (1822), Paris, Gallimard, 1951, p. 136.
4 Entre Les Paysans de Balzac (1844) et le Maurin des Maures de Jean Aicard (1908), on peut ainsi songer à Monsieur le Gendarme, roman villageois (1891), l’un des rares romans de Clovis Hugues.
5 E Weber, La Fin des terroirs. La modernisation de la France rurale (1870-1914), Paris, Fayard-Recherches, 1983.
6 M. Le lannou, Un bleu de Bretagne. Souvenirs d’un fils d’instituteur de la Troisième République, Paris, Hachette, 1976, p. 35.
7 P. Brouillet, La Maréchaussée dans la généralité de Paris (1718-1791). Étude institutionnelle et sociale, thèse d’histoire, sous la dir. de Jean Chagniot, EPHE, 2002, p. 482-485.
8 M. Broers, « Notabili, Gendarmes & the State : Preserving Order and the Origins of the Centralized State in the Italian Departments of the First Empire », in R. Lévy, X. Rousseaux, Le Pénal dans tous ses États. Justice, États et sociétés en Europe (XIIe-XXe), Bruxelles, Presses des facultés universitaires de Saint-Louis, 1997, p. 179-190.
9 R. Bourgeois et G. Luciani, Gendarmes en Corse sous la Restauration, Grenoble, PUG, 2001, p. 61.
10 Circulaires du ministre de la Guerre, 8 mai 1862 et 10 juillet 1872.
11 SHD-Gendarmerie [SHD-G], 2 Mu 521-541, inspection générale de la compagnie du Gers pour 1827.
12 Sauf indication contraire, tous les renseignements prosopographiques se fondent sur le recensement des gendarmes actifs en 1857 et en 1890 dans sept compagnies. Ces informations sont extraites des registres matricules de contrôle des troupes (SHD-Armée de Terre [SHD-AT], série 42 Yc).
13 SHD-AT, dossier Gobinot, 6 Yf 26 159.
14 V. Milliot, « Saisir l’espace urbain : mobilité des commissaires et contrôle des quartiers de police à Paris au xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2003-1, p. 54-80.
15 P. Minard, La Fortune du colbertisme. État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard, 1998, p. 79.
16 G. Nicolas, « Entre attaches régionales et service de l’État : les inspecteurs primaires de l’Ouest au xixe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2002-3, p. 33-55.
17 J.-F. Chanet, L’École républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996, p. 71.
18 J.-P. Jourdan, Du sans-grade au préfet : fonctionnaires et employés de l’administration dans les villes de l’Aquitaine (1870-1914), Talence, MSHA, 1994.
19 J. Le Bihan, Fonctionnaires intermédiaires au xixe siècle. L’exemple de trois corps en Ille-et-Vilaine (« gradés » de préfecture, percepteurs, conducteurs des Ponts et chaussées), thèse d’histoire, sous la dir. de P. Harismendy, université Rennes 2, 2005.
20 F. Gaveau, L’Ordre aux champs. Histoire des gardes champêtres en France de la Révolution Française à la Troisième République. Pour une autre histoire de l’État, thèse d’histoire, sous la dir. de J-M Berlière, université de Dijon, 2005.
21 Exemplaire est à cet égard le cas des sergents de ville, tel que le décrit Quentin Deluermoz dans ce volume. Loin d’être déracinés, ces policiers sont parfaitement insérés dans le tissu social.
22 SHD-G, 34E 3, note du chef d’escadron de l’Hérault, 16 janvier 1904.
23 SHD-G, 53E 9, rapport du chef d’escadron de la Mayenne, 24 octobre 1910.
24 A. Lignereux, Force à la loi. Rébellions contre la gendarmerie et autorité de l’État (1800-1859), thèse d’histoire, sous la dir. N. Vivier et J-N. Luc, université du Maine, 2006.
25 AD Nord, 5R 41, lettre du chef d’escadron au préfet du Nord, [octobre] 1841.
26 SHD-AT, G8 10, rapport du lieutenant de Lannion au ministre, 18 février 1854.
27 SHD-AT, Xf 210, rapports de synthèse de l’inspection générale de 1863.
28 SHD-G, 5E 2, note du chef d’escadron des Hautes-Alpes, 1er janvier 1899.
29 Moniteur de la Gendarmerie, 23 octobre 1882.
30 SHD-G, 5E 12, note du chef d’escadron des Hautes-Alpes, 16 décembre 1903.
31 Ces documents sont conservés dans les dossiers de pension. On en trouve aussi des retranscriptions partielles dans les registres de correspondance des officiers.
32 Pour le seul mois d’août 1899, ce ne sont pas moins de trois gendarmes du Jura qui obtiennent une mutation « pour l’état de santé de leur famille et en raison du climat rigoureux » ; SHD-G, 39E 41, rapports journaliers.
33 S. Venayre, « Le corps malade du désir du pays natal : la nostalgie dans la médecine du xixe siècle (1800- 1880) », in A.-E. Demartini et D. Kalifa (dir.), Imaginaire et sensibilités au xixe siècle. Études pour Alain Corbin, Paris, Créaphis, 2005, p. 209-222.
34 À partir des années 1870, le recrutement régional de l’armée l’emporte sur le brassage national ; J.-F. Chanet, Vers l’armée nouvelle. République conservatrice et réforme militaire, 1871-1879, Rennes, PUR, 2006, p. 97-101.
35 « D’un bon soldat on en fait un bien mauvais en le laissant se marier ». Attribué à Louvois, l’adage est fréquemment cité au xixe siècle.
36 SHD-AT, 1M 2003, lettre du colonel Dupleix au général Préval, 4 décembre 1846.
37 Ainsi du gendarme Poinsard, qui demande à sa sœur de garder un œil avisé sur le pays natal ; SHD-G, 4 Mu 926, lettre d’Anne Poinsard à Antoine Poinsard, 23 juin 1851.
38 Cité par L. Saurel, La Gendarmerie dans la société de la Seconde République et du Second Empire, thèse d’histoire, université de Paris, 1957, t. 2, p. 119.
39 Ce cas de figure ne semble pas rare ; AD Nord, 5R 28, lettre de Léopold Dubart au préfet du Nord, 10 mars 1881.
40 À partir d’un échantillon de dossiers de pension, Terry Strieter signale une plus grande stabilité, un bon tiers des gendarmes effectuant leur carrière dans un seul poste. Mais la source employée ne permet pas d’identifier tous les mouvements ; T. W. Strieter, « The Faceless Police of the Second Empire : a Social Profile of the Gendarmes of Mid-Nineteenth Century France », French History, n° 2, 1994, p. 167-195.
41 C. Hugues, Monsieur le Gendarme… op. cit., p. 268.
42 O. Roynette, « Bons pour le service ». L’expérience de la caserne en France à la fin du xixe siècle, Paris, Belin, 2000 ; P. Boulanger, La France devant la conscription. Géographie historique d’une institution républicaine, Paris, Economica et Institut de Stratégie Comparée, 2001.
43 SHD-G, 3804, rapport du lieutenant de Lesparre, 9 août 1910.
44 Précisons que les gendarmes concernés se voient souvent proposer des résidences « de choix » à titre de compensation.
45 SHD-G, 39E 47, rapport du lieutenant de Saint-Claude, 14 septembre 1910.
46 La trame générale des débats est détaillée par J.-C. Jauffret, « Armée et pouvoir politique. La question des troupes spéciales chargées du maintien de l’ordre en France de 1871 à 1914 », Revue Historique, n° 547, 1983, p. 97-144.
47 C’est ainsi que le très conservateur Journal de la Gendarmerie du 2 janvier 1910, de même que tous ses confrères, propose de ne muter que les gendarmes dont « les relations d’alliance » nuisent explicitement à leur indépendance.
48 J. Carrez (lieutenant), Un mercredi par mois. Causeries morales ou pratiques à l’usage des militaires de la gendarmerie, Paris, Charles-Lavauzelle, 1912, p. 144.
49 Sur cette question, on voudra bien consulter notre article : « Un métier en crise ? La gendarmerie de la Belle Époque d’après ses retraités », Sociétés & Représentations, n° 16, 2003, p. 153-166.
50 Circulaire du ministère de la Guerre aux chefs de légion, 10 avril 1850.
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