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Christophe-Michel Ruffelet. Les Annales briochines, 1771

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Olivier Charles

Deuxième partie. La ville et le diocèse de Christophe-Michel Ruffelet

Chapitre 4. Les « fastes de l’Église briochine » : Ruffelet et la construction d’une identité diocésaine

Georges Provost

Texte intégral

  • 1 Les mises en perspective à l’échelle du royaume permettent, sur ce point, de dégager des constats (...)
  • 2 Aubert G. « L’érudition historique dans les villes bretonnes sous l’Ancien Régime », MSHAB, t. LXX (...)

1Dans la production historique bretonne du XVIIIe siècle, les Annales briochines tiennent une place originale : en un temps où le combat politique en faveur des libertés bretonnes puise largement son argumentaire dans l’histoire, le passé s’écrit d’abord à l’échelle de la province tout entière. Qui s’intéresse à l’histoire singulière d’une ville ou d’un diocèse doit partir à sa quête dans les monuments provinciaux de Bertrand d’Argentré, des Dominicains Augustin du Paz ou Albert Le Grand, des Bénédictins Lobineau ou Morice. Un panorama français, tant des « histoires épiscopales » des XVIIe et XVIIIe siècles (J.-M. Le Gall, O. Poncet)1 que des histoires de villes2 confirme ce « provincialo-tropisme » (G. Aubert) : comme si la Bretagne ne pouvait s’écrire que comme un tout indivisible.

  • 3 Raison du Cleuziou J., « Le calendrier briochin de 1741 », MSECDN, t. CVIII, 1979, p. 51-57.
  • 4 Connues par Miorcec de Kerdanet D.-L., Notices chronologiques sur les théologiens, jurisconsultes, (...)
  • 5 Ainsi pour l’Histoire de Bretagne de dom Lobineau, publiée à Paris à 500 exemplaires, cependant qu (...)

2Un tel environnement donne aux Annales briochines un intérêt que ne laisse pas forcément soupçonner leur apparente modestie. Celle-ci ne doit pas tromper : publier en 1770 un petit livre broché de 250 pages qui prend pour objet l’histoire d’un seul diocèse relève d’un défi éditorial, sinon d’une réelle audace intellectuelle. Ne voir dans les Annales que l’essai inachevé d’une Histoire générale que son auteur appelait de ses vœux mais qui ne vit jamais le jour serait passablement injuste. Saluons plutôt, avec les contemporains, un abrégé historique qui pour la première fois dépasse les très modestes chronologies ayant franchi le cap de l’impression. Que pouvait-on, en ce domaine, signaler jusqu’alors ? à Saint-Brieuc même, un Calendrier nouveau à l’usage de la ville et du diocèse avait été publié par Doublet en 1741 avec une chronique des origines à 17383 où l’on peut voir une première ébauche de ce qui deviendra, à la génération suivante, les Étrennes puis les Annales briochines. Aucun autre diocèse breton ne semble avoir été plus avant : seules pourraient être rapprochées de modestes Annales du Diocèse de Léon publiées localement par l’imprimeur Le Sieur en 17464. En vérité, l’histoire d’un diocèse ne peut intéresser, et sous une forme très sommaire, que l’imprimeur de la ville et la clientèle du lieu : seules l’envergure provinciale du propos, l’aide financière des États de Bretagne et, souvent, le recours à des imprimeurs parisiens peuvent autoriser des entreprises plus ambitieuses, au demeurant limitées à de faibles tirages5.

  • 6 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 Q 517, catalogue des livres séquestrés et annotés dans la bibliot (...)
  • 7 Suite de La Clef, ou Journal historique sur les matières du tems, octobre 1771, p. 267-272.

3La question se pose alors de savoir pourquoi l’audacieuse entreprise fut d’abord briochine. La personnalité de l’auteur est assurément décisive. En Ruffelet, la ville et le diocèse de Saint-Brieuc trouvent un véritable historien au fait des exigences de la critique comme en témoigne, dans sa bibliothèque inventoriée en 1794, la récurrence d’ouvrages mauristes qui sont autant de leçons de méthode6. Lui-même n’ignore pas que plusieurs diocèses ont fait l’objet de travaux historiques d’une réelle ampleur : il en possède certains, de la monumentale Histoire du diocèse et de la ville de Paris de l’abbé Lebeuf (Paris, 1754-58) à l’Histoire ecclésiastique et civile de la ville et diocèse de Carcassonne, avec les pièces justificatives et une notice ancienne et moderne de ce diocèse par l’Augustin Bouges (Paris, 1741) ; l’existence de beaucoup d’autres lui est connue, au moins indirectement par les Journaux dont il suit les recensions. Tous nourrissent chez lui le dessein d’honorer sa « patrie » – le terme revient souvent sous sa plume – d’une œuvre comparable. Mais l’érudit Ruffelet entend l’offrir au « public » sous une forme qui lui soit accessible (vingt-cinq sols) et dont il puisse même devenir participant, avec en perspective une future Histoire plus ambitieuse et plus collective. Entre l’exigence de rigueur érudite, le souci de vulgarisation et la viabilité commerciale, les Annales de Ruffelet témoignent donc d’un compromis. Leur composition, assez déroutante à nos yeux, en est sans doute le reflet en ce qu’elle entend conjuguer le registre classique de la chronologie commentée (les « annales ») et celui des « mémoires » critiques, de lecture plus exigeante… sans s’interdire des « tables » à valeur de « preuves » ou de pièces justificatives. Mais pour éviter la sécheresse de simples listes, ces dernières s’enrichissent elles-mêmes de commentaires – au risque de la redondance – et parfois d’« Anecdotes qui intéressent la curiosité » comme le souligne le Journal de Verdun dans une recension parue en octobre 17717.

  • 8 Péronnet M., Les évêques de l’ancienne France, thèse d’État, université Paris IV, 1976, Atelier na (...)
  • 9 Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers en Haute-Bretagne au XVIIIe siècle, Rennes, PUR, 19 (...)
  • 10 Pour une situation d’ensemble, très nuancée, Quéniart J., La Bretagne au XVIIIe siècle (1675-1789)(...)

4Au-delà de l’auteur, la clé des Annales briochines est aussi à chercher dans le diocèse qui en est le sujet. Ruffelet ressent, en effet, d’autant plus le besoin d’en dire le renom que ce dernier lui paraît souffrir d’un déficit de notoriété, sinon d’identité dans la Bretagne du XVIIIe siècle. Par rapport à la plupart de ses voisins – hormis Dol, encore auréolé du prestige de la métropole manquée – le diocèse de Saint-Brieuc souffre de sa superficie modeste, de son absence d’unité linguistique, de la faiblesse du revenu de son titulaire (environ 20 000 livres à la fin du XVIIIe siècle, soit la cinquième position bretonne8), de la pauvreté relative de ses bénéfices et de ses nombreuses cures à portion congrue9, de l’absence de grande ville ou de collège jésuite et, partant, de l’obscurité des « gens de lettres ». Un tel complexe, à demi avoué, détermine chez Ruffelet un projet constructif : dévoiler un passé ignoré ou tenu injustement pour secondaire, un passé proche ou lointain mais susceptible de nourrir l’amour de la patrie, le goût des lettres, des sciences et des arts. Si un fil rouge traverse les Annales briochines, sans doute est-ce celui-là : l’écriture de l’histoire peut consolider une identité diocésaine incertaine, parallèlement au renforcement administratif et pastoral dont la Réforme catholique est un ressort encore actif à hauteur de 177010. De ce dessein, on cherchera ici à identifier les traces : d’abord dans la manière dont Ruffelet expose les origines du diocèse ; puis dans ce qu’il laisse percevoir – et parfois ignorer – de son identité moderne ; mais parce que cette identité ne se construit pas seulement en soi mais aussi par rapport à l’extérieur, il ne sera pas inutile d’observer comment Ruffelet situe « son » diocèse – et peut-être d’abord « sa » ville – par rapport à la Bretagne, à Paris et à Rome.

Une Église et une cité fondées par saint Brieuc

  • 11 Toussaint de Saint-luc, Recherches générales de la Bretagne gauloise, première partie : Descriptio (...)
  • 12 Ibid., p. 23-29.
  • 13 Voir infra, Note XIV.
  • 14 « Cette origine est connue et n’a pas besoin de plus longues preuves », écrit-il de la filiation d (...)
  • 15 Voir infra, Annales IVe & Ve siecles depuis Jesus-Christ. L’extrait est repris, et favorablement j (...)

5À n’en pas douter, le premier déficit briochin tient à une moindre antiquité des origines. Examinons la présentation donnée, en 1664, par le Carme Toussaint de Saint-Luc dans sa Description générale du Pays de Bretagne qui ouvre ses Recherches générales de la Bretagne gauloise11 : l’ordre de présentation des différents diocèses tient d’abord compte de l’importance des villes-sièges (Rennes puis Nantes ont donc la préséance) mais il repose surtout sur les titres d’antiquité gauloise dont chacun peut, très inégalement, se prévaloir. Se reconnaît ici l’héritage direct de Bertrand d’Argentré qui, rejetant au rang des fables Brutus et les origines troyennes, voyait dans la Bretagne la « naïve semence des Gaulois restante seule en Occident ». Toussaint de Saint-Luc donne donc la priorité aux diocèses qui peuvent – à ses yeux qui ne sont plus les nôtres – se targuer de descendre de cités gallo-romaines mentionnées par César : Rennes et ses Rhedones, Nantes et ses Namnètes, Vannes et ses Vénètes, Quimper et ses Curiosolites (sic), Saint-Pol de Léon et ses Osismiens, Tréguier et ses Lexobiens. À cette aune, Saint-Brieuc ne figure qu’en septième place12, avant Saint-Malo et Dol qui n’y peuvent prétendre davantage : le pays briochin n’est en effet que « l’ancien pays des Bidusséens » mentionné par Ptolémée mais ignoré de César… Un siècle après Toussaint de Saint-Luc, Ruffelet peut sans regret faire son deuil des Bidusséens, désormais rejetés par la critique historique : ils n’étaient au fond pour Saint-Brieuc qu’une origine gauloise de second ordre. Mieux vaut donc admettre que le territoire du diocèse, quoique riche de vestiges romains, ne correspond à aucune « cité armoricaine » puisqu’il se partageait entre Coriosolites, Osismiens et Vénètes. L’identité briochine s’est donc cristallisée plus tardivement, lors du « passage & établissement des Bretons insulaires dans l’Armorique », soit au temps des saints Fragan et Brieuc. Aux yeux de Ruffelet, une telle origine n’est pas moins prestigieuse : outre « l’honneur d’avoir un saint pour fondateur13 », la fondation des saints lie directement la ville et le diocèse à Conan Mériadec, parent de saint Fragan ; Conan Mériadec, soit le premier roi de Bretagne que dom Morice avait réhabilité au terme (provisoire) d’une âpre controverse, ouverte par Lobineau et que Ruffelet considère logiquement comme close en 177014. À cette date, l’histoire la plus récente et la plus rigoureuse donne ainsi à la ville et au diocèse une origine assurée, moins antique que celle d’autres cités mais à tout prendre « infiniment plus noble & plus illustre que celles de tant de villes célèbres qui se vantent d’avoir eu pour fondateurs ou des héros fabuleux, ou d’illustres brigants15 ».

  • 16 Voir infra, Note XIX.
  • 17 La Devison L.-G. (de), La vie, les miracles et les éminentes vertus de s. Brieuc, premier evesque (...)
  • 18 Lobineau G.-A., Les vies des saints de Bretagne et des personnes d’une éminente piété qui ont vécu (...)
  • 19 J’y ai eu accès grâce à l’édition de 1741 : Officia propria dioecesis San-Briocensis, Saint-Brieuc (...)
  • 20 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 95. Dans cette liste, qui ouvre un terrier de la seigneurie épi (...)
  • 21 Voir infra, Note XIV.
  • 22 Godescard J.-F. (abbé), Vie des Pères, des Martyrs et des autres principaux saints, traduit librem (...)
  • 23 Voir infra, Note XV.

6Reconnaître saint Brieuc à « l’origine de l’Église briochine16 » ne résout assurément pas toutes les difficultés que le chanoine de La Devison avait reconnues un siècle et demi plus tôt17. Ruffelet ne peut évidemment dissimuler les lacunes voire les contradictions des sources hagiographiques, tenant en particulier à la datation de la vie du saint. Sans vraiment reprendre le dossier à nouveaux frais, Ruffelet mentionne les hypothèses en présence tout en marquant nettement ses préférences. En réalité, il suit très fidèlement dom Lobineau dont la Vie de saint Brieuc18 a inspiré très directement le Propre briochin de 173119. Le premier point controversé est le lieu de sa naissance : à la suite de Lobineau, Ruffelet ne croit pas à une naissance irlandaise – retenue par d’Argentré et reprise vers 1700 par Guillaume Allain, secrétaire de Mgr de Coëtlogon, dans une liste manuscrite des évêques de Saint-Brieuc20 – et privilégie une origine bretonne insulaire. L’incertitude s’étend également à la chronologie : « On ne sait pas bien dans quel siècle ce S. Evêque a vécu21 » et deux « systèmes » s’opposent, selon que le saint est présumé disciple de saint Germain d’Auxerre (fin du Ve siècle) ou saint Germain de Paris (VIe siècle). À nouveau fidèle de Lobineau, confirmé par l’abbé Godescard22, Ruffelet dit sa préférence pour la première solution tout en admettant que « cette question est du nombre de celles sur lesquelles il est permis d’avoir différens sentimens23 ».

  • 24 Le Gall J.-M., Le mythe de Saint-Denis entre Renaissance et Révolution, Seyssel, Champvallon, 2007 (...)
  • 25 Aussi bien celle-ci est-elle en Bretagne une donnée plus secondaire : Ruffelet admet par principe (...)
  • 26 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 1.
  • 27 La formule est reprise à Lobineau G.-A., Les vies des saints de Bretagne …, op. cit., p. 17.

7Que la chose demeure indécise ne le gêne pas outre mesure dans la mesure où l’identité du diocèse n’en est pas vraiment affectée. Rien de commun ici avec les controverses parisiennes des XVIIe et XVIIIe siècles, autour de saint Denis24, qui mettent en cause non seulement la datation du saint à haute époque – et donc la tradition d’une évangélisation apostolique – mais aussi son identité individuelle (Denis l’Aéropagite ou de Denis de Paris ?). À terme, tout l’héritage du saint – reliques, lien à la monarchie française, disciples reconnus par la tradition comme fondateurs d’autres diocèses – se trouve mis en cause dans un enchaînement de controverses-gigognes. À Saint-Brieuc, en revanche, l’unicité de l’individu n’est jamais en cause ; le débat ne porte que sur un siècle, à basse époque (Ve-VIe siècles), sans incidence sur une éventuelle évangélisation romaine25. Beaucoup plus embarrassante, comme le reconnaît Ruffelet, est la « lacune considérable dans le catalogue de nos évêques26 » : comment rendre compte du trou béant entre saint Brieuc, premier évêque au Ve ou VIe siècle, et le premier de ses successeurs à être attesté, Adam en 1032 ? comment admettre, plus encore, que Brieuc ait pu être le premier évêque alors que la plus ancienne de ses hagiographies – la Chronique d’Angers – n’en dit pas un traître mot et que tout indique que l’évêché de Saint-Brieuc n’a été érigé que bien plus tard, aux IXe-Xe siècles ? Lobineau éclaire à nouveau le débat, et Ruffelet le décalque fidèlement : Brieuc ne fut qu’évêque « régionaire, c’est-à-dire sans titre & siège particulier27 », missionnaire ou abbé « honoré du caractère épiscopal » comme on en trouve dans l’Église d’Angleterre : sans doute en fut-il de même pour ses premiers successeurs, jusqu’à ce que l’évêché soit formellement érigé, par Nominoé peut-être : à cette réserve près, Brieuc est bien le premier de la chaîne.

  • 28 Voir infra, Annales 1210.
  • 29 Voir infra, Annales 1765.
  • 30 Sur ce conflit, Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 162.
  • 31 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 17.
  • 32 Dès les années 1830, Habasque juge très négativement la cathédrale (Notions historiques, géographi (...)
  • 33 Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet », MSACDN, t. II, 1866, p. 130-198.
  • 34 Voir infra, Annales 1525.
  • 35 Voir infra, Note XIII.
  • 36 Raison du Cleuziou J., « Le calendrier briochin… », art. cité.

8Si elles n’ont pas l’ampleur des controverses dionysiennes, ces incertitudes ne sont pas sans enjeux locaux. Derrière la primauté de l’épiscopat de Brieuc se profile la question, toujours actuelle au XVIIIe siècle, de la seigneurie sur la ville : faire de Brieuc le premier fondateur revient à justifier le pouvoir originel des évêques et donc la légitimité d’un réguaire qui couvre les trois-quarts de la cité. Ruffelet prend ici position pour des raisons qui ne tiennent sans doute pas qu’à la vérité historique. Avant lui, de nombreux historiens – et non des moindres : Le Baud, d’Argentré, du Paz, Toussaint de Saint-Luc – avaient tenu que le réguaire épiscopal était issu d’une donation des Penthièvre, ce qui faisait implicitement de ces derniers les seigneurs originels. Ruffelet leur porte la contradiction avec une vigueur qui n’attend pas les Notes critiques : dès les premières Annales, elle inspire une digression détaillée dont Ruffelet reconnaît qu’« en voilà trop pour un abrégé28 ». Il y revient dans la Note XX, arguant du caractère très postérieur de la maison de Penthièvre par rapport à saint Brieuc et concédant tout au plus que l’évêque ait pu en recevoir des terres dans la partie du réguaire qui est extérieure à la ville. Il enfoncera encore le clou dans le catalogue final, affirmant que « la seigneurie directe de la ville de S. Brieuc appartenoit depuis long-tems à ses évêques ». L’insistance est révélatrice : les Annales défendent ici les droits des évêques face à tous ceux qui pourraient les leur disputer dans la cité. En premier lieu, les seigneurs de Boisboissel qui se réclament à tort de la donation initiale du comte Rigual mentionnée dans la Vita du saint : ils ne sont que les premiers vassaux de l’évêque, comme en témoignait jadis la « baroque » cérémonie de l’entrée épiscopale dont le rappel n’est pas que pittoresque29. Compétiteurs autrement puissants mais également illégitimes, les Penthièvre détiennent certes dans le diocèse « une des plus belles seigneuries du royaume » mais ils n’ont aucun droit dans la ville. Il en va de même du roi : que la juridiction de Goëlo y ait établi son siège depuis 1565 ne saurait lui donner quelque droit de justice ou de police dans la ville ou ses faubourgs30. Parmi les cités que compte le diocèse, Saint-Brieuc fait donc exception : Lamballe et Moncontour sont aux Penthièvre, Quintin au duc de Lorges… mais Saint-Brieuc est, au sens fort, ville épiscopale. De façon symbolique, la cathédrale y tient lieu de château fort : Ruffelet l’évoque avec fierté, tant pour sa partie ancienne « d’un gothique qui n’est pas dépourvu de beautés31 » que pour ce qu’il ressent comme des embellissements du XVIIIe siècle, cette nef reconstruite si vivement décriée au siècle suivant32. Cette cathédrale où il espère une prébende dès 177533, il la voit comme la matrice non seulement du diocèse mais de la cité puisque c’est à saint Brieuc et à ses successeurs – et évidemment saint Guillaume – qu’il fait remonter toutes les institutions ecclésiastiques de la ville : les chanoines du chapitre cathédral sont les dignes continuateurs des 84 moines menés par Brieuc et la paroisse Saint-Michel est elle-même née du chapitre qui en demeure curé primitif. Pour mieux attester de cette filiation, Ruffelet ne recule pas, alors que le format des Annales ne s’y prêtait guère, devant l’édition intégrale d’un acte de visite de l’archevêque de Tours en 1233. Le document a le tort de ne rien dire de la collégiale Saint-Guillaume et Lobineau a cru pouvoir en déduire que celle-ci était de fondation tardive. Ruffelet sort ici de son habituelle révérence pour le Bénédictin (Conan Mériadec mis à part) : « Lobineau se trompe34 » car ce silence ne s’explique que parce que la collégiale « n’avoit pas besoin de réforme35 ». Sans doute l’exigence de preuves cède-t-elle ici bien vite le pas devant la simple conviction : Ruffelet s’en expliquait sans doute davantage dans un Mémoire manuscrit sur la collégiale qui en datait la fondation en l’an 940… mais la trace du document est perdue depuis 196836.

  • 37 Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet »…, art. cité, p. 262-270. Voir également D (...)
  • 38 C’est pourquoi il peut appuyer telle de ses assertions sur un argument liturgique : au sujet du rô (...)
  • 39 Officium sanctorum Brioci et Guillielmi, patronorum dioecesis Briocensis, Saint-Brieuc, Guillaume (...)
  • 40 Paul-Aurélien, Guillaume Pinchon, Patern, Brieuc, Yves, Samson, Clair, Melaine, Malo, Tugdual, Cor (...)
  • 41 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 58.
  • 42 Voir infra, Annales 1618.
  • 43 Bisaro X., Une nation de fidèles. L’Église et la liturgie parisienne au XVIIIe siècle, Turnhout, B (...)
  • 44 Sur Rennes, Provost G., « Le vœu de Bonne-Nouvelle à Rennes (1632-1794) : une religion civique ? » (...)
  • 45 Minois G., « Le climat, les dîmes et les prix trégorrois à travers le culte de saint Yves (17e -18(...)
  • 46 Proprium Briocense, Saint-Brieuc, L.-J., Prudhomme, 1783.

9Le passé lointain n’est donc pas pour Ruffelet une matière froide : il sert toujours d’argument de poids dans les débats juridiques. Lui-même le sait bien, que l’on prie régulièrement de dire l’histoire pour fonder le droit, qu’il s’agisse de la défense des libertés de la province lors de l’affaire de Bretagne ou de la détermination précise, en 1781, des relations entre la collégiale de Lamballe et la paroisse Notre-Dame et Saint-Jean37. Au demeurant, ces jeux entre passé et présent ne sont pas pour dérouter un chanoine dont le quotidien est rythmé par le chant de l’office : une autre manière de redire l’ancrage du présent dans le passé. De l’histoire à la liturgie, il n’y a qu’un pas ; à l’inverse, la liturgie est chargée de dire l’histoire38. En accord avec le passé qu’il vient d’exposer, il souhaiterait donc qu’une place plus grande soit faite aux saints fondateurs dans la liturgie du diocèse. Le début du XVIIe siècle avait vu, à Saint-Brieuc comme ailleurs, l’adoption du bréviaire romain assorti d’un Propre diocésain (1621) qui ne faisait qu’une place très restreinte aux saints locaux : seulement saint Brieuc et saint Guillaume Pinchon, soit les deux patrons du diocèse39. Une tendance inverse se dessine à partir de la fin du XVIIe siècle, dans un double contexte qui voit, de manière non contradictoire, la nette réduction des fêtes chômées jugées trop nombreuses au regard des nécessités économiques et un certain retour de faveur pour les saints fondateurs. L’historien Ruffelet se reconnaît sans mal dans ces évolutions, en particulier la seconde, propre à flatter l’identité diocésaine. Il se réjouit vivement que le Propre rénové par Mgr Vivet de Montclus en 1731 ait adjoint « plusieurs saints bretons » : saint Yves et les fondateurs des neuf diocèses de la province y ont leur office propre40. À cette occasion, il salue chaleureusement l’œuvre des chanoines Le Mée et Kersaliou, « dont les noms méritent d’être consacrés dans les Fastes de l’Église Briochine41 ». Comment Ruffelet ne souhaiterait-il pas aller plus loin, lui qui réserve dans ses Notes une place à saint Guignolé et se plaît à citer Fragan, Guen ou Jacut ? Dans l’ensemble du royaume, la tendance est favorable, non pas tant aux saints locaux – dont la critique érudite met volontiers en doute l’existence – qu’aux saints fondateurs. « Plusieurs Eglises de France nous offrent là-dessus un exemple & des modèles à suivre42 ». Sans que le lien soit systématique, le succès croissant du rite parisien de 1736, adopté par 56 diocèses français à la veille de la Révolution – Saint-Brieuc sera du nombre en 1772 – s’accorde au mouvement43. À Rennes, à Quimper, les reliques des premiers évêques – respectivement saint Amand et saint Corentin – (ré)apparaissent dans les rues à partir de 1760 lors de nécessités publiques44. De même à Tréguier, les processions « climatiques » de saint Yves tendent à se faire plus fréquentes au XVIIIe siècle, en contradiction apparente avec le recul présumé des cultes d’intercession au temps des Lumières45. En réalité, un mouvement, d’affirmation identitaire locale croise la pente rationalisante du siècle, et Ruffelet en est un bon témoin. Lorsque l’heure sera venue en 1782 de réviser le Propre briochin en complément du rituel parisien46, Mgr de Bellescize lui confiera logiquement la tâche. Son empreinte se décèle à l’apparition d’offices spécifiques de saints non seulement bretons mais spécifiquement briochins : Guénolé, Jacut, Magloire, Osmane et Maurice de Carnoët (natif de Loudéac). La liturgie renoue alors avec l’histoire : en elle, le diocèse célèbre, dans une conscience renouvelée, ses authentiques fondations. Nul doute qu’à défaut de l’Histoire générale dont il avait rêvé, Ruffelet ait vu dans le Propre de 1782 l’aboutissement des Annales.

L’identité moderne du diocèse : traits saillants et angles morts

  • 47 Voir sur ce point les listes établies par Glaz M., Les évêques de Saint-Brieuc de 1220 à 1525. Étu (...)
  • 48 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 95, fo III-IX.
  • 49 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 55.
  • 50 Arch. dio. de Saint-Brieuc – Catalogue chronologique ou répertoire des évêques de Saint-Brieuc ave (...)
  • 51 Rappelons que la théorisation de la Contre-Réforme ne se fait qu’au XIXe siècle sous la plume d’hi (...)
  • 52 Voir infra, Annales 1564 et Catalogue des évêques, notice 48.

10De l’histoire diocésaine, Ruffelet conserve une vision fort traditionnelle qui ne doit pas surprendre en 1770, et même bien après : elle demeure un catalogue d’évêques dont il importe cependant d’éclairer d’un jour nouveau les ombres – à commencer par la lacune initiale – et de corriger les erreurs, en particulier au Moyen Âge47. Aussi tient-il à se démarquer partiellement des listes reçues jusqu’alors : celles d’Albert Le Grand et de ceux qui s’en inspirent, tel Guillaume Allain et son catalogue manuscrit48 que Ruffelet juge « rempli d’anachronismes & de fautes les plus grossières49 » ; tel, encore, ce Catalogue anonyme établi en 1726 – peut-être par Jouanin de La Roche, ancien maire de Saint-Brieuc50 – et dont circulent des copies. En accord avec les nouvelles exigences de l’érudition, Ruffelet s’emploie à établir aussi rigoureusement que possible la succession des évêques en les accrochant autant que possible à un document précis, la présence à un concile, etc. : à l’examen, une bonne dizaine d’évêques sont rejetés cependant qu’apparaissent deux nouveaux et qu’ici ou là la liste est réordonnée. Une fois consolidé par l’érudition, le catalogue donne à l’histoire diocésaine l’allure d’une longue chaîne bien rangée où l’évolution la plus repérable est l’allongement des notices au fur et à mesure que l’on avance dans le temps et que la documentation s’étoffe. L’image recherchée est celle d’un continuum où se détachent les prélats qui, à un titre ou un autre, ont honoré leur siège : par leur science et leurs vertus ou par leur œuvre réglementaire, en particulier la publication des statuts synodaux qui unissent, de manière cumulative, les plus récents prélats tridentins à leurs prédécesseurs du Moyen Âge tardif. L’exercice ne fait donc guère de place à ce qui pourrait briser ou altérer cette continuité, constats de crise ou de relèvements consécutifs. Inutile d’attendre chez Ruffelet les grandes inflexions qui gouvernent aujourd’hui l’histoire religieuse : point de Réforme grégorienne et pas davantage de Réforme catholique51. Ainsi, la commende et la non résidence de plusieurs prélats du XVIe siècle – que ne sauraient compenser les évêques portatifs – sont-elles largement euphémisées : qu’importe, visiblement, que Jean du Tillet ne soit jamais venu à Saint-Brieuc s’il a honoré par de savants ouvrages, publiés pour la plupart après son épiscopat briochin, l’histoire littéraire du diocèse52.

  • 53 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 56.
  • 54 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 39.
  • 55 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 59.
  • 56 Outre le Traité des superstitions, le Traité des jeux et des divertissements qui peuvent être perm (...)

11Si la Réforme catholique ne saurait être théorisée comme telle, l’évidence des changements ne saurait échapper à Ruffelet, ne serait-ce qu’à l’énoncé des qualités des prélats dont le « zèle » et la « piété » sont plus volontiers soulignés après 1600, pour culminer dans la figure du « converti » Frétat de Boissieux53. La conscience n’est pas moindre du renforcement de l’autorité épiscopale : le « règne des Moines54 » est révolu, que Ruffelet évoque sans nostalgie aucune. S’il fait bien sûr mention des fondations d’abbayes au Moyen Âge et signale leurs réformes modernes, c’est sans émotion qu’il évoque la fermeture – il est vrai théorique – de l’abbaye de Lantenac par la commission des réguliers. Le changement, c’est aussi l’évolution des règlements ecclésiastiques, en particulier à travers une série d’interdits jetés à partir de la fin du XVIe siècle sur des usages considérés comme « mascarades et superstitions profanes » : ainsi du charivari, du don rituel de balles et de raquettes à l’évêque et aux chanoines par le vicaire perpétuel de Saint-Michel, de la fête des Fous ou du premier mai ; ainsi des mystères, ces « tragédies ou farces indécentes qui étoient en usage dans quelques Paroisses de campagne & petites villes55 » en pays bretonnant mais aussi francophone. Ruffelet voit dans ces prescriptions de sages réformes qu’appelaient des abus : se devine ici le fidèle lecteur du curé Thiers, ce pourfendeur de superstitions dont il possède plusieurs ouvrages56. Perçoit-il dans ces interdits quelque chose des déplacements culturels que nous identifions aujourd’hui ? À dire vrai, il y porte surtout intérêt en raison de son approche très juridique de l’histoire ; il sait aussi que quelques anecdotes seront bien venues dans un ouvrage d’érudition qui entend demeurer lisible à de simples « curieux ».

  • 57 « À Lamballe au XVIIe siècle : la fondation de la Société de Saint-Thomas de Villeneuve », MSECDN, (...)
  • 58 Voir infra, Annales 1697.
  • 59 Torlay M., Jean Leuduger, « missionnaire apostolique » en Haute-Bretagne, [Saint-Brieuc], [Filles (...)
  • 60 Voir infra, Annales 1711.

12La même optique institutionnelle conduit Ruffelet à donner toute leur place aux nouvelles fondations monastiques de la Réforme catholique. Mention est donc faite des nouveaux couvents urbains du XVIIe siècle – à Saint-Brieuc comme à Lamballe ou Quintin – mais sans s’y étendre outre mesure, sans doute parce qu’ils ne sont guère originaux. Mieux vaut insister sur les deux familles religieuses qui ont vu le jour dans le diocèse, instituts plus récents, à vœux simples et donc sans clôture. Ruffelet ne peut que saluer avec chaleur les Sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve (Lamballe, 1661) et les Filles du Saint-Esprit (Plérin, 1706) qui déjà portent au loin le renom du diocèse : en 1770, les premières desservent une trentaine d’hôpitaux, d’écoles ou de maisons de retraite spirituelle en Bretagne mais aussi en Poitou et région parisienne57 et Ruffelet n’est pas peu fier d’écrire que « la maison de Lamballe est chef d’ordre58 » ; apparues plus tard, les Filles du Saint-Esprit n’ont encore que huit établissements mais répartis dans cinq diocèses bretons, et sept fondations nouvelles suivront dans la seule décennie 177059. Envers ce type d’établissement qui, comme les Filles de la Charité, sont « précieux à l’humanité et à la religion60 », Ruffelet laisse poindre une sympathie que l’on sent plus réservée à l’égard des Frères des Écoles chrétiennes, sobrement mentionnés en 1746 : on sait les réticences fréquentes de nombre d’esprits éclairés à l’égard de l’instruction gratuite des milieux populaires. Ruffelet ne dit mot des petites écoles, dont se préoccupèrent pourtant aussi les évêques.

  • 61 Voir infra, Annales 1738.
  • 62 Charles O., « Chapitres et chanoines de Saint-Brieuc. La cathédrale Saint-Étienne et la collégiale (...)
  • 63 En 1611 puis 1618, les responsables de la Compagnie opposent au vœu des Briochins la meilleure sit (...)
  • 64 Julia D., « Saint-Brieuc », dans Julia D., Compère M.-M. (dir.), Les collèges français (XVIe-XVIIIe(...)

13De telles réserves ne sont évidemment pas de mise pour les « bonnes études », celles qui font émerger les talents, en particulier dans le clergé. De façon révélatrice, le séminaire, lieu de formation spirituelle confié aux Lazaristes par Denis de la Barde en 1664, compte bien moins que le collège, que Ruffelet tient pour « l’un des plus célèbres de toute la province61 ». Faut-il rappeler que le collège de Saint-Brieuc est la seule institution éducative de la ville, celle qui, avec l’évêché, a largement motivé l’installation de l’imprimeur Guillaume Doublet en 1620, celle qui lui tient lieu aussi de théâtre ? Peut-on oublier également que Christophe-Michel y a fait la totalité de ses études, sans la sanction de grades universitaires glanés à Nantes ou Paris ? D’une certaine manière, l’érudit chanoine de Saint-Guillaume incarne ce que le collège peut produire de meilleur : son érudition et sa bibliothèque en remontreraient aisément à la plupart de ses confrères, au demeurant gradués, du chapitre cathédral62. Établissement d’abord limité à quatre régents, impuissant à faire venir les Jésuites en dépit de trois tentatives (1611, 1618, 167463), le collège connaît depuis les années 1730 un beau développement explicitement soutenu par l’évêque qui en est le premier financeur : règlement des études, nouveaux bâtiments, accroissement du nombre de régents qui passe à sept puis huit. Le collège fonctionne alors comme un véritable petit séminaire : les enseignants sont des séminaristes ou de jeunes prêtres spécialement choisis par l’évêque ; 41 % des élèves ruraux des années 1760-1780 entrent dans les ordres64. Au collège, les futurs prêtres font leur théologie et souvent beaucoup plus, leur ordination étant désormais conditionnée à une scolarité complète. Ce passage obligé explique pour une part l’importance des effectifs – 462 élèves (43 théologiens non compris) recensés en 1763 – et le prestige de l’établissement. Aussi bien l’expulsion des Jésuites du royaume en 1762 permet-elle de retourner en vertu positive l’amertume de n’avoir pu les faire venir : à l’heure où l’enseignement secondaire doit être réorganisé en se passant d’eux, la ville de Saint-Brieuc ne prouve-t-elle pas de façon exemplaire qu’un collège de plein exercice peut fonctionner au mieux sous la seule égide des pouvoirs locaux, évêque, chapitre et communauté de ville ?

  • 65 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 50.
  • 66 Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet »…, art. cité, p. 141, note 2.
  • 67 Annuaire des Côtes-du-Nord, 1836, p. 57-104 ; 1837, p. 53-70 ; 1838, p. 118-127.
  • 68 Respectivement infra, Catalogue des évêques, notice 58 et Annales 1559.
  • 69 Miorcec de Kerdanet D.-L., Notices chronologiques …, op. cit. Le relevé des origines géographiques (...)

14Ceci dit, Ruffelet ne saurait se satisfaire d’un simple petit séminaire : il est de ceux qui souhaitent depuis plusieurs années – le procureur du roi l’a exprimé dès 1757, sans convaincre l’évêque – que le collège se dote d’un maître de mathématiques et d’un autre d’hydrographie65. En accord avec une demande sociale émergente, Ruffelet souhaiterait aussi que la bibliothèque du collège profite plus largement au public. Dans une lettre de 1775 où il se réjouit que l’abbé de Bonrepos fasse don au collège d’une « collection de livres choisis sur différents sujets », il fait état de son espoir qu’elle devienne « le noyau d’une bibliothèque publique » car « c’est aux bibliothèques de Paris, Rouen, Orléans que nous devons les Rollin, les Le Bœuf, les Du Cange, etc. Avec les mêmes secours, le territoire de Saint-Brieuc ne produirait-il pas des hommes également utiles à la patrie, également propres à procurer le progrès des sciences, des arts, du bonheur de l’humanité66 ? » Dans l’immédiat, Ruffelet s’attache à recenser les talents que le diocèse a vu naître au long des derniers siècles. Son palmarès privilégie clairement les lettres : les premiers imprimeurs de Bréhand-Loudéac – Robin Fouquet et Jean Crez – n’y figurent pas, non plus que le retablier Yves Corlay, il est vrai toujours vivant. Mais dans le registre littéraire, son recensement peut sembler assez complet : un demi-siècle plus tard, les Notices sur les personnages célèbres du département publiées dans l’Annuaire des Côtes-du-Nord67 se contenteront souvent d’une actualisation. En recensant les gens de lettres au sens large – de Le Roy, signataire d’un commode traité d’orthographe au savant jurisconsulte Douaren68 – Ruffelet entend témoigner que la patrie a eu, trop méconnus, ses citoyens illustres, et qu’il tiendrait à peu de chose que l’avenir en accroisse le nombre et les talents. Ruffelet aura, en tout cas, bien servi la notoriété des intéressés : en 1818, les originaires de l’ancien diocèse de Saint-Brieuc demeurent peu nombreux parmi les Bretons illustres de Miorcec de Kerdanet69 (30 quand Rennes en a 112 et Nantes 65) mais presque tous les élus sont ceux que Ruffelet avait déjà distingués.

  • 70 La Devison L.-G. de, La vie, les miracles et les éminentes vertus de s. Brieuc …, op. cit.
  • 71 Sur ce personnage, voir Charles O., « Dictionnaire biographique des chanoines de la collégiale Sai (...)

15La sélection des Annales présente toutefois quelques absences d’autant plus significatives qu’elles concernent des hommes d’Église briochins dont Ruffelet connaît évidemment les œuvres : le chanoine « ronsardien » François Auffray qui a laissé des Hymnes et cantiques de l’Église (1625) et une tragi-comédie morale, Zoantropie, d’un style précieux assurément très démodé depuis longtemps ; plus surprenant, Ruffelet ne dit mot du chanoine de La Devison70, auteur d’une Vie de saint Brieuc et d’une autre de saint Guillaume que l’hagiographie érudite tient assurément en piètre estime mais dont on pouvait penser qu’elles ne méritaient pas tant d’indignité. Bien désuets aussi, car reflets passés d’une ambition encyclopédique peu en rapport avec le format réduit des ouvrages, les livres de Jean Rioche, provincial des Cordeliers (Compendium temporum et historiarum ab ascensione Domini in Coelum usque ad annum 1586) et G. Trébouta, principal du collège avant d’être recteur de Saint-Michel et chanoine de la cathédrale71 : son in-16 intitulé Politia universalis legum et errorum a constitutione mundi ad annum gratiae 1711, opus omnis litteraturae miscellaneum theologis, philosophis, historicis, oratoribus et grammaticis simul utile fait sans doute sourire Ruffelet, à moins qu’il ne l’afflige : il choisit en tout cas d’en taire l’existence alors qu’il le possède dans sa bibliothèque.

  • 72 Pocquet du Haut-Jussé B., « Les évêques de Bretagne dans la renaissance religieuse du XVIIe siècle (...)
  • 73 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 56.
  • 74 Voir infra, Annales 1618.
  • 75 Peronnet M., Les évêques de l’ancienne France …, op. cit., p. 925.
  • 76 Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers …, op. cit., p. 427-432 : en ce domaine, la palme r (...)
  • 77 Arch. dio. de Saint-Brieuc – Sujets … pour les années 1732 et 1775, non cotés ; Arch. dép. des Côt (...)
  • 78 Arch. dio. de Saint-Brieuc, cahiers de conférences échelonnées entre 1750 et 1788. Les plus remarq (...)
  • 79 Bons mots des tables presbytérales, ces réputations sont plus profondes qu’il n’y paraît : les Ren (...)

16Porte-t-il pour autant un jugement désabusé sur les dispositions aux études de ses confrères ? Ruffelet reconnaît en tout cas aux évêques de Saint-Brieuc du XVIIIe siècle un vrai souci de la formation des prêtres, au collège mais aussi après, via les conférences ecclésiastiques. Initiées peut-être par Le Porc de la Porte au début du XVIIe siècle72, elles semblent avoir vraiment débuté au séminaire de Saint-Brieuc après 1664 puis se sont organisées localement sous forme de réunions sacerdotales réglées par Mgr Frétat de Boissieux en 170773. À hauteur de 1770, rares seraient les diocèses de France où l’on pourrait écrire que l’institution est « aujourd’hui dans tout son lustre74 » : la formation permanente du clergé a souvent marqué le pas dès lors que les séminaires assuraient une formation initiale homogène75. La vitalité des conférences briochines au XVIIIe siècle n’est effectivement pas niable76. Sous la forme d’une réunion mensuelle dix mois sur douze – de février à novembre – elles traitent de trois questions : Écriture sainte, théologie dogmatique et morale. Défini par l’évêque, le réseau des conférences quadrille systématiquement le territoire, de manière plus étroite et rationnelle que les archidiaconés. Dans sa « conférence », chaque recteur-président est le relais de l’évêque et annonce les curés-doyens du XIXe siècle. L’assiduité des prêtres y est encouragée et contrôlée d’autant plus efficacement qu’elle conditionne l’attribution des bénéfices. Chaque année, un petit livret imprimé fournit les sujets des conférences et la liste des circonscriptions77. À défaut de conférences imprimées comme à Saint-Malo, plusieurs cahiers manuscrits nous assurent de l’assiduité des participants, du sérieux des secrétaires et de l’actualité relative des thèmes où se devine une apologétique de riposte aux Lumières78. Nul doute que les conférences, plus régulières que les synodes ou les retraites ecclésiastiques, ont contribué à homogénéiser le clergé du diocèse. Quant à leur dimension d’exercice intellectuel, elle n’est probablement pas sans incidence sur la réputation savante qu’auront bientôt les prêtres briochins – Briocenses docti – au sein de la province de Rennes79. À son niveau de responsabilité, Ruffelet participe donc d’une certaine valorisation du savoir.

  • 80 Du Guerny Y., « Journal d’un habitant de Quintin au XVIIIe siècle », MSECDN, t. 85, 1957, p. 19-75
  • 81 Séjourné X.-A., Histoire du vénérable serviteur de Dieu …, op. cit., t. 2 p. 197.
  • 82 Torlay M., Jean Leuduger …, op. cit., p. 76-77. Leuduger missionne également dans le diocèse de Sa (...)
  • 83 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 55. Cette distance à l’égard de l’héritage de Maunoir se (...)
  • 84 Voir infra, Annales 1706 et 1722.

17Comment ne pas souligner, en contrepoint, sa discrétion sur les ferveurs diocésaines ? Pas un mot, ou si peu, sur les missions intérieures : certes, la formule n’a plus le charme de la nouveauté vers 1770, comme en témoigne la relation très neutre que fait un bourgeois de Quintin, Chassin de la Villechevalier, d’une mission capucine de 177180. Pourtant, à bien y regarder, le XVIIIe siècle des missions briochines ne devrait pas souffrir de la comparaison avec le siècle précédent : les grands pionniers – Julien Maunoir au premier chef – s’étaient contentés d’effleurer le diocèse, et Ruffelet n’en dit d’ailleurs rien, lors même que la mission du P. Chaurand à Saint-Brieuc a suscité l’hôpital général (1677)81. Après la mort du P. Maunoir, l’héritage est inégalement repris, faute de véritable successeur, mais il trouve à Saint-Brieuc un continuateur d’envergure en la personne de Jean Leuduger qui est du diocèse par sa naissance (Plérin) autant que par sa carrière (Plouguenast, Moncontour, Saint-Brieuc). Prêtre séculier formé dans l’entourage de Maunoir, il est promu « directeur des missions » du diocèse dès 1685. Vingt-cinq de ses missions sont attestées, dans la partie francophone du diocèse, jusqu’en 1720 et sans doute y en eut-il d’autres dont la mention nous échappe82 : à la tête de tout un réseau de recteurs et de prêtres séculiers, Leuduger collabore aussi avec les jésuites, eudistes ou lazaristes. De tout ceci Ruffelet ne touche pas un mot : la seule allusion aux « missions laborieuses dont seule la Bretagne donne l’exemple » est réservée au chanoine de Tournai qui prononce en 1707 l’oraison funèbre de Mgr de Coëtlogon83 … Si Leuduger est qualifié de « célèbre missionnaire », Ruffelet en parle surtout au titre – institutionnel – de la fondation des Filles du Saint-Esprit ou à celui – littéraire – de son Bouquet de la Mission (1re éd. 1700) vaguement caractérisé comme « livre de piété84 ». Sans doute Ruffelet ne pense-t-il que du bien de l’homme et de l’œuvre qui reprend les instructions de la mission « en faveur des peuples de la campagne ». Mais ce n’est pas son monde ; et les Annales sont-elles le lieu d’en parler ? Il ne manque pas pour cela d’autres livres… qui remplissent les étals des libraires.

  • 85 Le Cozannet H., « La dévotion à saint Amateur en l’église Saint-Jean de Lamballe », Les Amis de La (...)
  • 86 Voir infra, Annales 1525.
  • 87 Qui possédaient leur propre congrégation fondée dès 1698 – antérieurement, donc à celle de la Croi (...)
  • 88 Herdier G., La congrégation des marchands et artisans de Saint-Brieuc au XVIIIe siècle, mémoire de (...)
  • 89 Séjourné X.-A., Histoire du vénérable serviteur de Dieu …, op. cit., t. 2, p. 200.
  • 90 361 inscriptions y sont recensées entre 1706 et 1787 (Mouchet A., Espace urbain et vie religieuse  (...)
  • 91 Raulet J., Les confréries de dévotion dans l’ancien diocèse de Saint-Brieuc du concile de Trente à (...)

18La même réserve vaudrait pour toutes les dévotions collectives. Si Ruffelet évoque incidemment les pèlerinages à Saint-Mathurin de Moncontour et à la relique romaine de « saint Amateur » que la ville de Lamballe s’est procurée grâce au P. Aimé de la Villéon, général des Capucins originaire de Landéhen85, il ne dit pas un mot du sanctuaire de Querrien (La Prénessaye) né d’une apparition mariale en 1652 ou de la ceinture de la Vierge vénérée à la collégiale de Quintin. Un évident laconisme recouvre les créations dévotes qui, dans le sillage des missions, animent la ferveur des villes et des campagnes. Les maisons de retraite spirituelle pour laïcs doivent se contenter d’une note infra paginale : l’initiative première est, il est vrai, vannetaise, et Moncontour précède Saint-Brieuc. Quant aux congrégations mariales qui sont sans doute le plus actif ferment de dévotion laïque dans les villes du diocèse au milieu du XVIIIe siècle, elles n’inspirent à Ruffelet qu’une précision érudite… : à Saint-Brieuc, écrit-il, la congrégation de la Croix a précédé (1707) celle des marchands et artisans (1710) qui n’est mentionnée que pour avoir rebâti la chapelle Saint-Pierre « bien plus belle qu’elle n’étoit auparavant86 ». Comment deviner que la congrégation, fondée en 1710 par un prédécesseur de Ruffelet à Saint-Guillaume, Julien Jouanigot, a rassemblé bon an mal an de 150 à 200 membres, des élites locales87 aux artisans plus modestes88 ? Quant aux congrégations comparables nées des missions de Maunoir à Lamballe ou Moncontour (1678)89 ou de celle du jésuite Le Roux à Quintin (1693)90, elles sont ignorées ; et à plus forte raison le tout-venant des confréries de dévotion91. On touche ici aux angles morts de Ruffelet : son histoire, qu’elle soit ecclésiastique ou civile, n’est pas celles des masses.

La cité et la province, le roi et le pape ad majorem dioecesis gloriam

  • 92 Brémond salua en Noulleau, un « très grand oublié » dont les écrits spirituels étaient admirables (...)
  • 93 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 53.
  • 94 Voir infra, Annales 1672.
  • 95 Voir infra, Annales 1658 et 1765.
  • 96 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 50.
  • 97 Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers …, op. cit., p. 590.
  • 98 Croix A., Moi Jean Martin, recteur de Plouvellec Curés « journalistes » de la Renaissance à la f (...)

19L’identité diocésaine se construit aussi dans le rapport avec l’extérieur, qu’il s’agisse des pouvoirs englobants ou concurrents ou encore des courants de pensée et de spiritualité. En ce dernier domaine, Ruffelet se veut très consensuel : à aucun moment l’érudit ne laisse percer de position dans les débats qui peuvent cliver le catholicisme de son temps. Les individualités distinguées dans les Annales le sont pour leur contribution aux lettres briochines, jamais pour l’appartenance à un camp, et si tel est plus nettement marqué, mention en sera faite sobrement. Ainsi pour Jean-Baptiste Noulleau, théologal de Saint-Brieuc entre 1640 et 1672, qui laisse localement le souvenir d’un réformateur implacable et d’un presbytérien processif « jouant à cache-cache avec son évêque » (Henri Brémond)92 : ce dernier, Denis de La Barde93, finissant par lui interdire de célébrer dans le diocèse, Noulleau se rendit chaque jour dans une chapelle de Saint-Quay-Portrieux, qui était enclave de Dol… Sans s’étendre sur le contenu de ses ouvrages publiés à Paris, Ruffelet se contente d’une discrète allusion à « l’indiscrétion de son zèle94 ». Bien malin qui pourrait, à la seule lecture des Annales, déceler chez lui l’expression d’une préférence spirituelle ou d’une ecclésiologie. L’oratorien Noulleau, les jésuites Rigoleuc ou Plesse, l’eudiste Sevoy font l’objet de notices favorables, à tout le moins neutres95. En tant que telle, la Compagnie de Jésus n’est jamais évoquée, ni en bien, ni en mal : son expulsion de 1762 est passée sous silence mais elle était, après tout, absente du diocèse. Le jansénisme n’y a guère plus de présence. Quand Ruffelet relève dans les statuts synodaux de Melchior de Marconay la mention de « pénitences publiques », il se tient au constat historique et se garde de toute conclusion théologique ou pastorale dans le débat opposant rigoristes et laxistes96. Si la bulle Unigenitus est mentionnée à l’année 1714 – sa réception par Mgr Frétat de Boissieux et non la bulle de l’année précédente – c’est parce qu’elle témoigne de l’insertion du diocèse dans l’histoire générale plus que pour son impact local : le jansénisme fut très peu influent dans le diocèse97, comme le suggérait dès 1661 l’orthographe du recteur de Landéhen consignant le « formulaire… contre les gens sénistes98 ». Le quiétisme n’est guère mieux partagé : la mention de la participation de Mgr de Coëtlogon à l’assemblée extraordinaire de Tours qui reçut la condamnation de Fénelon en 1700 vaut surtout pour le prestige qu’elle confère au prélat.

  • 99 Brengues J., Les francs-maçons dans la ville. Saint-Brieuc 1760-1990, Rennes, Soreda, 1995, 238 p.
  • 100 Leduc F., Louis-Jean Prudhomme, imprimeur du roi et de l’évêque à Saint-Brieuc (1745-1832), mémoir (...)
  • 101 L’expression se trouve dans une lettre du 19 février 1767 (Du Bois de La Villerabel A., « Le chron (...)
  • 102 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 3 E 3/126, testament du 30 juillet 1806.
  • 103 Charles O., Chanoines de Bretagne. Carrières et cultures d’une élite cléricale au siècle des Lumiè (...)
  • 104 Voir infra, Annales 1765.

20Plus que dans ces débats d’autant plus assoupis vers 1770 qu’ils n’avaient jamais été bien vifs, Ruffelet s’impliquerait-il un peu plus dans la dénonciation de la critique religieuse des Lumières ? Le relais donné par les évêques de Saint-Brieuc à la condamnation, par l’Assemblée du clergé de 1751, d’un ouvrage s’en prenant aux privilèges du premier ordre, puis l’interdit jeté par l’assemblée de 1765 sur plusieurs œuvres majeures des philosophes ne sont pas, cette fois, sans incidences locales. À Saint-Brieuc même, l’apparition à partir de 1760 d’une loge franc-maçonne, la Vertu triomphante, signale de nouvelles attentes culturelles de la part des élites, jusqu’au sénéchal Palasne de Champeaux, vénérable en 176599. La revendication, contre Prudhomme, d’un second libraire-imprimeur – Beauchemin, qui est de la loge – cristallisera le conflit avec les dévots dans les années 1784-1788100. À cette date, Ruffelet aura choisi son camp : celui de l’ami Prudhomme, le libraire chez qui il fait de la « bibliomanie » dès 1767101, l’imprimeur qui dirige déjà de facto l’atelier de Mahé quand les Annales sont sous presse, le conservateur et le dévot qu’un jour il choisira comme exécuteur testamentaire102. Ruffelet ne participe ni aux loges, ni à la Chambre littéraire fondée en 1787 où figurent quatre chanoines, plus jeunes il est vrai103. En 1790, il récusera la Constitution civile du clergé alors même que rien ne lui imposait de prendre position. Est-ce forcer l’interprétation que de déceler, dès les Annales, une sourde inquiétude face à la morsure possible de l’incrédulité ? Que cet érudit soucieux de critique, d’ordinaire si réticent aux propos édifiants, laisse échapper à la mort de l’eudiste Sevoy que ce dernier sut éviter que l’étude lui soit « un sujet de dissipation, qui dessèche le cœur & fait perdre l’esprit de recueillement104 » ne saurait être tout à fait anodin.

  • 105 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 53.
  • 106 « Régir et gouverner avec une verge de fer » : Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 20 G 527. Voir Lemar (...)
  • 107 Lours M., L’autre temps des cathédrales, Du concile de Trente à la Révolution française, Paris, Pi (...)
  • 108 Rauber J. « Une église à l’abandon ? Saint-Michel de Saint-Brieuc aux XVIIIe et début XIXe s. (171 (...)
  • 109 Rauber J., Le pouvoir en ville. La paroisse Saint-Michel de Saint-Brieuc au XVIIIe siècle, mémoire (...)

21Au demeurant, le souci premier du chanoine en 1770 est de célébrer la patrie harmonieusement rassemblée dans le manteau épiscopal. Inutile donc d’entretenir la mémoire de conflits révolus sans attaches avec le présent. Ruffelet fait ainsi presque complètement silence sur le protestantisme : il faut attendre le catalogue final des évêques pour voir aborder le calvinisme de la famille de La Moussaye105, à l’origine des Églises de Plénée-Jugon puis de Quintin. La Révocation a vu les derniers huguenots abjurer dans des conditions que l’action de Mgr de Coëtlogon a permis d’adoucir : le problème est donc réglé et il ne sert à rien d’y revenir. D’autres tensions, d’un ordre tout différent, sont en revanche sensibles vers 1770 : bien des recteurs de pauvres cures – les plus nombreuses – jugent excessive leur taxation aux décimes et revendiquent une représentation dans le bureau qui décide leur répartition. Alors que Ruffelet vient d’achever ses Annales, le recteur de Saint-Denoual rumine la rancœur qu’il nourrit, depuis près de vingt ans, à l’égard de l’administration diocésaine : « l’esprit du gouvernement de Saint-Brieuc est de regere et gubernare in virga ferrea106 ». Que les Annales n’en disent rien n’est pas pour surprendre mais rappelle opportunément que la conscience diocésaine ne se réduit pas à la simplicité d’une construction historique. Dans la ville épiscopale elle-même, Ruffelet entend pareillement mettre en valeur l’harmonie des pouvoirs. Il n’a guère à se forcer s’agissant de l’évêque et du chapitre cathédral : à Saint-Brieuc comme ailleurs, le XVIIIe siècle est celui de la pacification. Le réaménagement « à la romaine » du chœur de la cathédrale par Mgr Frétat de Boissieux – pomme de discorde fréquente avec les chapitres soucieux de conserver un jubé et un autel de fond de chœur qui garantisse leur identité et les usages de l’Église particulière107 – s’est effectué dans la concorde et même la reconnaissance du chapitre. Deux ans avant les Annales, un accommodement relatif aux maisons prébendales confirme que le temps n’est plus aux procès. Sans doute Ruffelet pèche-t-il davantage par omission lorsqu’il élude complètement les conflits autour de la paroisse Saint-Michel : procès récurrents avec le chapitre cathédral qui entend conserver l’usage du titre de « recteur », conflits bientôt relancés par les débats autour de l’éventuelle reconstruction de l’église108 ; conflits aussi avec la communauté de ville qui tient lieu de général de paroisse jusqu’à ce qu’intervienne une douloureuse séparation voulue par les « recteurs » et imposée par arrêt du parlement du 18 juillet 1742. En se tenant à la simple mention de ce dernier arrêt, Ruffelet fait silence sur une première tentative de séparation en 1729-1731 et plus généralement sur des années de tension dont son père avait été témoin direct comme trésorier de la paroisse en 1721-1723109.

  • 110 L’évêque, le chapitre, le sieur de Boisboissel (voir infra, Annales 1669).
  • 111 Voir infra, Annales 1569.
  • 112 Voir infra, Annales 1579 et 1591.
  • 113 Voir infra, Annales 1564.
  • 114 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 49.

22Dans les conflits qui opposent les différents acteurs de la vie locale, la justice royale joue un rôle d’arbitrage que Ruffelet ne manque pas de signaler en 1669 lorsqu’un arrêt du Parlement reconnaît aux habitants le droit de se rendre au moulin de l’un ou l’autre des trois seigneurs de la ville110. Le fait illustre bien la conception politique dont Ruffelet se fait régulièrement l’expression au fil des Annales : un loyalisme foncier à l’égard de la monarchie, détentrice légitime du pouvoir souverain que possédaient jadis les premiers rois puis les ducs, et que les Penthièvre avaient vainement prétendu singer111. C’est donc l’honneur du diocèse que d’avoir vu naître des hommes qui se sont distingués au service du monarque, particulièrement dans les armes. À l’inverse, révoltes et rébellions appellent la plus ferme des dénonciations : la Ligue en particulier est « un monstre », un « temps d’horreur et de confusion112 » dont la ville de Saint-Brieuc n’eut qu’à souffrir. Ce n’est qu’avec la dernière des réticences que Ruffelet avoue l’engagement ligueur de l’évêque Nicolas Langelier : préférant mettre en avant l’envergure nationale de « l’un des grands Prélats de l’Église de France113 », il ne se résigne qu’in extremis et à titre d’addendum, à avouer « un peu trop d’attachement pour le parti de la Ligue » : de fait, l’évêque fut un ligueur de la dernière heure (sa mort en 1595) et reconnaître en lui « un des plus illustres défenseurs des libertés de l’Église gallicane114 » est sans doute oublier un peu vite l’énergie qu’il déploya en faveur de la réception du concile de Trente.

  • 115 Voir supra, chapitre 2.
  • 116 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 57.
  • 117 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 44. Sur les origines de cette perception, Hamon P., « Re (...)
  • 118 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 46.
  • 119 Voir infra, Annales 1365 et sur le personnage Catalogue des évêques, notice 29.
  • 120 Voir infra, Annales 1499.
  • 121 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 56.
  • 122 « Réflexions sur un écrit moderne intitulé Preuves de la souveraineté du roi sur la province de Br (...)
  • 123 Quéniart J., La Bretagne au XVIIIe siècle…, op. cit., p. 111-115.
  • 124 Voir infra, Annales 1768.
  • 125 Aubert G., « Le duc d’Aiguillon, La Chalotais et l’Affaire de Bretagne », dans Le Page D. (dir.), (...)

23Ceci étant, ce loyalisme n’a de sens pour Ruffelet qu’à partir du moment où la monarchie reconnaît le particularisme de la province, enraciné dans son histoire la plus ancienne. Dans les débats historico-juridiques du XVIIIe siècle, Ruffelet se situe sans ambiguïté sur la ligne défendue depuis d’Argentré jusqu’à dom Morice115 : c’est à ce titre qu’il salue la contribution particulière de l’abbé Gallet, natif de Lamballe, qui a permis de fonder sur l’érudition la plus rigoureuse, en rejetant les « fables grossières » qui les déshonoraient, « l’histoire de nos anciens rois » considérés avec légèreté par l’abbé de Vertot116. L’enjeu est d’importance car les libertés bretonnes prennent ici leur source : pour Ruffelet, loin de les abolir, la monarchie française les a validées en 1532, dans ce qu’il appelle un « traité », « fait pour la conservation des droits, franchises et libertés de la province, droits qui loin d’avoir été anéantis par l’union de la province à la Couronne n’en sont devenus que plus sacrés et plus respectables117 ». L’acte d’union, « suivant le vœu de la nation », est donc « un événement heureux qui a permis de sortir des guerres presque continuelles qui désolèrent la Bretagne depuis 1392118 ». Dans ce lien pluriséculaire de fidélité conditionnelle, Ruffelet se plaît à souligner la part qui revient aux évêques de Saint-Brieuc : au XIVe siècle, Hugues de Montrelais soutient que l’hommage du duc au roi de France ne doit pas être lige119 ; ses successeurs assistent au couronnement du duc François Ier (1442) ou au contrat de mariage de la duchesse Anne avec Louis XII (1499) dont les archives de l’évêché conservent une copie120. Après 1532, les évêques de Saint-Brieuc président naturellement les États de Bretagne lorsque ceux-ci se tiennent à Saint-Brieuc, à la cathédrale puis dans la chapelle du séminaire. La défense des libertés bretonnes fait à l’évidence partie de ce que l’on attend d’un bon évêque : Ruffelet souligne notamment la plaidoirie de Frétat de Boissieux121 aux États d’Ancenis, dans le délicat contexte de l’après-Pontcallec (1720). Le Ruffelet des Annales briochines est donc en parfaite concordance avec celui qui défend, dans un mémoire de 1767122 à l’avocat général de Beaucours – au plus fort de l’affaire de Bretagne – « l’union libre » de 1532 et les libertés provinciales, présentées comme les « loix fondamentales de la Constitution bretonne ». Trois ans plus tard, les Annales briochines peuvent tenir un propos plus apaisé : la monarchie a rappelé l’ancien Parlement (10 juillet 1769) et n’a pas encore entrepris le « coup de Majesté » du chancelier Maupeou qui mettra de nouveau le feu aux poudres à partir de février 1771123. Que la première partie des Annales s’achève par un hommage à Louis XV « le meilleur et le plus chéri des rois124 » prend sans doute une signification particulière à ce moment précis, dans la liesse des retrouvailles – célébrées justement à Saint-Brieuc, aux États de 1768 – entre la Bretagne et la monarchie respectueuse de ses privilèges125.

  • 126 Voir infra, Annales 1692.
  • 127 Voir infra, Annales 1688.
  • 128 Voir infra, Annales 1766.
  • 129 Voir infra, Annales 1748.
  • 130 Voir infra, Annales 1751.

24Un tel contexte n’est peut-être pas sans expliquer que Ruffelet veuille également envisager sous un angle irénique les rapports du roi et de la ville de Saint-Brieuc. Dès l’origine, au temps de Louis le Gros, n’est-ce pas la monarchie française qui a permis aux villes d’échapper à la « tyrannie des seigneurs126 » ? Au fil des Temps modernes, l’action des rois semble avoir surtout consolidé l’entité municipale, depuis le papegaut établi par François Ier (1539) jusqu’aux décisions de la monarchie administrative : la démilitarisation de la tour de Cesson, que supervisa peut-être un ancêtre sénéchal, est vue par Ruffelet comme une nécessité d’ordre intérieur ; l’instauration de la milice par Louvois « a quelque rapport avec l’ancienne milice bourgeoise des Romains et avec celle des communes » médiévales127 ; les gouverneurs imposés aux villes de Lamballe, Quintin et Moncontour en 1766 ne sont que le rétablissement d’une charge ancienne et ne font donc pas injure à leurs droits128 ; quant aux aléas de la politique monarchique à l’égard des offices municipaux, ils préservent pour partie « l’ancienne liberté des élections129 ». En 1675, loin de se révolter, les Briochins sont récompensés par le roi pour avoir repoussé une attaque hollandaise130 : on ne saurait mieux dire qu’aux yeux de Ruffelet, issu d’une famille très présente à la maison de ville, l’intérêt de la cité ne peut qu’idéalement coïncider avec celui de la monarchie.

  • 131 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 58.
  • 132 Lours M., L’autre temps des cathédrales …, op. cit.
  • 133 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 46.
  • 134 Sans dire toutefois clairement quel est le premier évêque de Saint-Brieuc à avoir été nommé par le (...)
  • 135 Arch. dio. de Saint-Brieuc – non coté. Sur les concours, Berthelot du Chesnay C., Les prêtres sécu (...)
  • 136 Constitué, sous la présidence de l’évêque, par le vicaire général, l’official, deux chanoines de l (...)

25Peut-on en dire autant du rapport du diocèse avec Rome ? Ruffelet n’est assurément pas un ultramontain au sens que prendra le mot à la fin du XIXe siècle. Néo-gallican en matière liturgique, il donne clairement la préférence aux saints locaux sur les dévotions plus universelles : il tait la généralisation de la dévotion au Sacré Cœur par l’assemblée du clergé de 1765 et s’il évoque l’Ange gardien, c’est parce que l’instauration de sa fête est propre à la province (1757) ; antiligueur, de toute évidence assez libre à l’égard des Jésuites, il n’a pas un mot pour les jubilés de l’Année sainte et tient le voyage à Rome comme une source possible d’abus131. Quant à l’autel « à la romaine » dont il salue la précoce réalisation à la cathédrale, le vocable désigne en réalité une adaptation gallicane des autels des basiliques majeures, lesquels renvoient à la Rome des origines chrétiennes bien plus qu’à la Papauté moderne132. Référence romaine ici, gallicane là : peu importe à la vérité, l’essentiel étant qu’elles servent l’identité du diocèse. Aussi bien est-ce la question des bénéfices – et donc du particularisme breton en la matière – qui met réellement en jeu le rapport à Rome. L’union de 1532 a certes entraîné une « grande révolution dans le gouvernement ecclésiastique de la Bretagne133 » en mettant fin aux dernières élections d’évêques et d’abbés134 : Ruffelet considère que les abus qu’elles avaient fini par entraîner ne permettent pas de les regretter et reste, en contrepartie, bien discret sur les effets négatifs de la commende induite par la nomination royale. Mais l’union à la France a préservé, ici aussi, le particularisme provincial après un temps d’incertitude qui s’achève en 1553 : à l’exception des évêchés et des abbayes où le roi nomme et où le pape investit canoniquement comme dans le reste du royaume, les bénéfices demeurent soumis à un régime d’alternative entre le pape et l’évêque. Lorsqu’un bénéfice devenait vacant durant un mois du pape, il était pourvu par celui-ci lors d’un concours, selon la procédure voulue par le concile de Trente. Mais Ruffelet s’étend surtout sur le changement qui s’est produit en 1740 : jusqu’alors, le concours avait lieu à Rome, dans des modalités qui nous échappent largement ; cette année-là, Benoît XIV décida qu’il se tiendrait dans les diocèses bretons, sous la responsabilité des évêques qui désigneraient un lauréat à qui Rome délivrerait ensuite ses provisions. Comment Ruffelet ne se féliciterait-il pas du changement ? dans les faits, la bulle de Benoît XIV donne aux évêques de Saint-Brieuc le contrôle de l’attribution de la quasi-totalité des bénéfices de leur diocèse : à ceux dont ils avaient la pleine collation (13) et à ceux qui leur incombaient au titre du partage des mois (une possible cinquantaine) s’ajoutent désormais tous les autres, à la nomination du pape, dont l’évêque contrôle désormais l’attribution via un concours qu’il organise. Le registre des concours, conservé pour les années 1741-1789 atteste du bon fonctionnement de la procédure135. Ruffelet, quoique absolument extérieur au jury136, en approuve chaudement le principe et juge sévèrement ceux qui d’abord ont prétendu s’y soustraire – par crainte de l’examen, laisse-t-il entendre. Comment ne pas y voir une occasion rêvée d’institutionnaliser et de généraliser une véritable méritocratie diocésaine, engagée dès le collège et prolongée par les conférences ecclésiastiques ? En acceptant la localisation du concours pour les cures, Rome a ainsi offert les conditions d’un puissant renforcement de la cohésion diocésaine.

  • 137 Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers …, op. cit., p. 48-49.
  • 138 Le Gal La Salle J.-P., « Claude Visdelou, sinologue et jésuite (1656-1737), de Trébry à Pondichéry (...)
  • 139 Si ce n’est dans une ultime note à la fin de la dernière notice d’évêque (voir infra, Catalogue de (...)
  • 140 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 60.

26La vision de Ruffelet est donc très cohérente : entre Paris, Rome et Saint-Brieuc, fidélités emboîtées et intérêts partagés concourent également à l’identité du diocèse et à son bon fonctionnement. L’administration diocésaine arpente le territoire en trois tournées de visite rondement menées ; au rebours de la majorité des diocèses, les courbes d’ordination continuent de croître dans les trente années précédant la Révolution137 ; si les synodes sont plus rares, les conférences ecclésiastiques y suppléent avantageusement. Le diocèse peut même offrir deux évêques aux missions étrangères en la personne du jésuite Claude Visdelou en Chine138 puis de Jean Briant, compagnon de voyage du recteur de Plérin, Allenou de la Ville-Angevin, dont la promotion à l’évêché de Québec sera trop tard connue de Ruffelet pour être intégrée aux Annales139. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des diocèses… si les évêques, hommes de valeur, ne partaient si vite vers d’autres cieux. Au bout de trois années marquées par deux États agités à Saint-Brieuc, Bareau de Girac, d’un « mérite éclatant » est transféré à Rennes où son habileté politique doit faire merveille. Ruffelet se demande déjà combien de temps restera Ferron de la Ferronnays : pas tout à fait quatre ans… car le propre du diocèse est aussi, de plus en plus à la fin du XVIIIe siècle, d’être un évêché tremplin vers d’autres sièges plus prestigieux140.

  • 141 Chaix G. (dir.), Le diocèse. Espaces, représentations, pouvoirs (France, XVe-XXe s.), Paris, Cerf, (...)
  • 142 À Saint-Brieuc, un tel carnet a été publié par Lesage G., Notices historiques sur le diocèse sur l (...)
  • 143 À Saint-Brieuc, les portraits conservés aux Châtelets commencent avec Mgr de Coëtlogon (1680-1705) (...)
  • 144 Voir Gicquel S. (texte présenté et annoté par), Mémoires du chanoine Le Sage. Le diocèse de Saint- (...)

27Les Annales briochines sont donc porteuses d’un projet cohérent de recharge identitaire, un projet d’autant plus net que le diocèse est moins unitaire que d’autres. Le parallèle s’impose avec l’effort de cohésion administrative à l’œuvre dans les diocèses de France au long du XVIIIe siècle141 : à preuve tant de pouillés, de carnets de visites pastorales qui sont autant de fichiers sur les prêtres142, de galeries de portraits épiscopaux143 ou de cartes diocésaines… pour culminer dans les enquêtes systématiques – Rodez, Bordeaux, Reims… – qui se multiplient justement vers 1770. À cette date, Ruffelet qui n’est ni un administratif, ni un pasteur, élabore une histoire qui en est, finalement, le pendant intellectuel. À leur niveau, les Annales contribuèrent sans doute à fortifier l’identité briochine : ce ne sera pas indifférent pour l’avenir, quand le diocèse sera confirmé et élargi par la réorganisation révolutionnaire puis concordataire. Fort de sa cohésion renforcée au XVIIIe siècle, il s’avèrera capable d’absorber une partie du diocèse de Saint-Malo, même ci celle-ci toise parfois – à en croire le chanoine Le Sage – le « vieux Saint-Brieuc » qu’elle voudrait bien « malouiner » à l’exemple de la « terre de bénédiction144 ».

  • 145 Ainsi pour ce qu’il écrit de la fusion des trois portions de la cure de Lamballe, qu’il date de 17 (...)
  • 146 On pourra remarquer, à cet égard, que Ruffelet n’abuse pas des étymologies celtiques qui ont la fa (...)
  • 147 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 32.
  • 148 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 182, registre de la « société ecclésiastique du canton bretonna (...)
  • 149 Gicquel S., Prêtres de Bretagne au XIXe siècle, Rennes, PUR, 2008, 310 p.
  • 150 Corbes H., « Les vitraux de Notre-Dame d’Espérance », MSECDN, t. LXXXIX, 1961, p. 53-69.

28Ceci étant, la vision de Ruffelet a aussi ses points aveugles. Plus que l’étroitesse de l’angle de vue, qui est de son temps – son histoire est ecclésiastique et non religieuse, civile et non citoyenne – deux prismes déformants peuvent être signalés. En premier lieu la surreprésentation de la ville de Saint-Brieuc – le berceau de sa famille – pour laquelle l’information ne cesse de se densifier au fil des siècles et semble aussi parfois plus sûre145. En comparaison, la part de Lamballe ou de Quintin demeure bien modeste, pour ne rien dire de Paimpol, de Loudéac… et des campagnes qui n’existent guère que par les listes finales. Mais l’angle mort le plus étonnant est sans doute la partie bretonnante du diocèse146 : qui en ignorerait l’existence avant de lire les Annales ne pourrait la supposer car le Goëlo de Ruffelet n’est qu’une entité féodale et juridique. Pourtant, la « Basse-Bretagne » est l’une des trois tournées de visite pastorale des évêques de Saint-Brieuc147 et elle entretient, au sein du diocèse, un réel particularisme148. Se devinent ici de subtiles frontières – au-delà de la langue, les « mentalités » et les réseaux relationnels – que la dilatation du diocèse à la plus grande partie du Trégor et à la Haute-Cornouaille rendra évidemment plus apparentes au siècle suivant149 : d’une certaine manière, les Annales de Ruffelet signalent déjà le clivage au sein du « vieux Saint-Brieuc ». Quand le XIXe siècle cherchera à son tour à donner au diocèse élargi un symbole fédérateur, il ne pourra le trouver dans les saints de Ruffelet : ce sera Notre-Dame d’Espérance, son archiconfrérie liée aux Prudhomme (1848) et sa basilique dont les vitraux résument les pèlerinages des différents « pays », de Rostrenen à Plancoët150. Ruffelet ne l’avait pas prévu, qui ne dit à peu près rien de la congrégation mariale à l’origine du sanctuaire. Mais en léguant à Mgr Caffarelli sa bibliothèque, son calice et ses ornements sacerdotaux – l’histoire et la liturgie, toujours – il apporte une ultime pierre à un diocèse où tout était à (re)construire, en plus grand.

Notes

1 Les mises en perspective à l’échelle du royaume permettent, sur ce point, de dégager des constats tout à fait convergents : Le Gall J.-M., « Catalogues et séries de vies d’évêque dans la France moderne. Lutte contre l’hérésie ou illustration de la patrie ? », dans Bougard F., Sot M. (dir.), Liber, Gesta, histoire. Écrire l’histoire des évêques et des papes de l’Antiquité au XXIe siècle, Turnhout, Brepols, 2009, p. 367-405 ; Poncet O., « L’histoire des évêques saisie par l’érudition (XVIIe -XVIIIe s.) », ibid., p. 407-436.

2 Aubert G. « L’érudition historique dans les villes bretonnes sous l’Ancien Régime », MSHAB, t. LXXXIV, 2006, p. 443-471.

3 Raison du Cleuziou J., « Le calendrier briochin de 1741 », MSECDN, t. CVIII, 1979, p. 51-57.

4 Connues par Miorcec de Kerdanet D.-L., Notices chronologiques sur les théologiens, jurisconsultes, philosophes, artistes, littérateurs, poètes, bardes, troubadours et historiens de la Bretagne, Brest, impr. G.-M.-F. Michel, 1818, p. 270. Kerdanet cite également « une Brochure de quelques pages sur le même Diocèse » imprimée sur place par Crémeur.

5 Ainsi pour l’Histoire de Bretagne de dom Lobineau, publiée à Paris à 500 exemplaires, cependant que celle de dom Morice ne l’était qu’à 300 (Meyer J., « Recherches bretonnes [16e -18e s.] », dans Balcou J., Le Gallo Y. [dir.], Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, Paris/Genève, Champion, 1987, p. 273-281).

6 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 Q 517, catalogue des livres séquestrés et annotés dans la bibliothèque de Ruffelet, 18 brumaire an III.

7 Suite de La Clef, ou Journal historique sur les matières du tems, octobre 1771, p. 267-272.

8 Péronnet M., Les évêques de l’ancienne France, thèse d’État, université Paris IV, 1976, Atelier national de reproduction des thèses, Lille 3, Paris, Honoré Champion, 1977, 2 vol., 1 486 p.

9 Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers en Haute-Bretagne au XVIIIe siècle, Rennes, PUR, 1984, 656 p.

10 Pour une situation d’ensemble, très nuancée, Quéniart J., La Bretagne au XVIIIe siècle (1675-1789), Rennes, Ouest-France, 2004, p. 579-632.

11 Toussaint de Saint-luc, Recherches générales de la Bretagne gauloise, première partie : Description générale du pays de Bretagne, Paris, Calleville, 1664, 106 p.

12 Ibid., p. 23-29.

13 Voir infra, Note XIV.

14 « Cette origine est connue et n’a pas besoin de plus longues preuves », écrit-il de la filiation des Rohan par rapport à Conan Mériadec. Voir supra, chapitre 2.

15 Voir infra, Annales IVe & Ve siecles depuis Jesus-Christ. L’extrait est repris, et favorablement jugé, dans la recension du Journal de Verdun, p. 268.

16 Voir infra, Note XIX.

17 La Devison L.-G. (de), La vie, les miracles et les éminentes vertus de s. Brieuc, premier evesque de l’evesché appelé de son nom Sainct Brieuc, ensemble la translation des reliques dudict Sainct Brieuc, plus quelques Remarques et observations nécessaires pour l’intelligence d’aucunes difficultez qui se trouvent en cet œuvre, Saint-Brieuc, Doublet, 1627. J’ai consulté la réédition de Prudhomme, Saint-Brieuc, 1874.

18 Lobineau G.-A., Les vies des saints de Bretagne et des personnes d’une éminente piété qui ont vécu dans la même province, Rennes, Compagnie des imprimeurs-libraires, 1725, p. 11-18.

19 J’y ai eu accès grâce à l’édition de 1741 : Officia propria dioecesis San-Briocensis, Saint-Brieuc, J.-B. Doublet, 1741, 204 p.

20 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 95. Dans cette liste, qui ouvre un terrier de la seigneurie épiscopale dans la ville de Saint-Brieuc, Brieuc était dit « natif de Corch en Hybernie ». En revanche, le chanoine de La Devison présentait les deux hypothèses et Albert Le Grand choisissait clairement la naissance cornouaillaise. Sur Coëtlogon, voir infra, Catalogue des évêques, notice 55.

21 Voir infra, Note XIV.

22 Godescard J.-F. (abbé), Vie des Pères, des Martyrs et des autres principaux saints, traduit librement traduit de l’anglois de feu M. Alban Butler, Paris, 1763.

23 Voir infra, Note XV.

24 Le Gall J.-M., Le mythe de Saint-Denis entre Renaissance et Révolution, Seyssel, Champvallon, 2007, 537 p.

25 Aussi bien celle-ci est-elle en Bretagne une donnée plus secondaire : Ruffelet admet par principe que « la Religion catholique estoit établie dans l’Armorique » bien avant les Bretons mais que ceux-ci en sont les « seconds apôtres » (voir infra, Note XIX).

26 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 1.

27 La formule est reprise à Lobineau G.-A., Les vies des saints de Bretagne …, op. cit., p. 17.

28 Voir infra, Annales 1210.

29 Voir infra, Annales 1765.

30 Sur ce conflit, Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 162.

31 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 17.

32 Dès les années 1830, Habasque juge très négativement la cathédrale (Notions historiques, géographiques, statistiques et agronomiques sur le littoral du département des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc, veuve Guyon, 1832-1836, t. 2, p. 9). Parlant du chantier entrepris par Mgr Frétat de Boissieux, Jules Morvan déplore « cette lourde nef sans caractère qui restera la honte de son épiscopat » (Morvan J., « Histoire et monographie de la cathédrale de Saint-Brieuc », MSECDN, t. LV, 1923, p. 175-221).

33 Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet », MSACDN, t. II, 1866, p. 130-198.

34 Voir infra, Annales 1525.

35 Voir infra, Note XIII.

36 Raison du Cleuziou J., « Le calendrier briochin… », art. cité.

37 Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet »…, art. cité, p. 262-270. Voir également Dutemple C., Histoire de Lamballe, Saint-Brieuc, Guyon, 1918, p. 306-313, 318-336.

38 C’est pourquoi il peut appuyer telle de ses assertions sur un argument liturgique : au sujet du rôle de « passeur des âmes » de saint Michel, il cite un extrait de l’offertoire Domine Jesu Christe de la Messe des défunts (voir infra, Catalogue des évêques, notice 58).

39 Officium sanctorum Brioci et Guillielmi, patronorum dioecesis Briocensis, Saint-Brieuc, Guillaume Doublet, 1621. Voir Gaultier du Mottay J., « Anciens offices des saints patrons du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier », MSACDN, 1857, p. 269-281 ; Nomy F., « Notes sur les anciens livres liturgiques du diocèse de Saint-Brieuc », Semaine religieuse du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, 15 décembre 1899, p. 801-803 et 23 février 1900, p. 123-125.

40 Paul-Aurélien, Guillaume Pinchon, Patern, Brieuc, Yves, Samson, Clair, Melaine, Malo, Tugdual, Corentin.

41 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 58.

42 Voir infra, Annales 1618.

43 Bisaro X., Une nation de fidèles. L’Église et la liturgie parisienne au XVIIIe siècle, Turnhout, Brepols, 2006, particulièrement p. 291-302. Sur la poursuite du mouvement, dans un environnement favorable au rituel romain, Petit V., Catholiques et Comtois. Liturgie diocésaine et identité régionale au XIXe siècle, Paris, Cerf, 2011, 708 p.

44 Sur Rennes, Provost G., « Le vœu de Bonne-Nouvelle à Rennes (1632-1794) : une religion civique ? », BMSAHIV, t. 108, 2004, p. 65-86 ; à Quimper, Provost G., « Du pardon de saint Corentin à Santik du, les ferveurs de la cathédrale » dans Le Vert J.-M. (dir.), La grâce d’une cathédrale : Quimper, Strasbourg, La Nuée bleue, 2013, p. 371-379.

45 Minois G., « Le climat, les dîmes et les prix trégorrois à travers le culte de saint Yves (17e -18e s.) », ABPO, t. 88, 1981, p. 87-108. À Nantes, la publication par Le Breton de Gaubert, recteur de la paroisse Saint-Similien, de la Vie et les litanies de saint Similien, avec des notes historiques sur ce saint, Nantes, 1773 s’inscrit sans doute dans le même mouvement : saint Similien passait pour le troisième évêque de Nantes.

46 Proprium Briocense, Saint-Brieuc, L.-J., Prudhomme, 1783.

47 Voir sur ce point les listes établies par Glaz M., Les évêques de Saint-Brieuc de 1220 à 1525. Étude prosopographique, mémoire de master 1 (Y. Coativy, dir.), université de Brest, 2008, 199 p.

48 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 95, fo III-IX.

49 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 55.

50 Arch. dio. de Saint-Brieuc – Catalogue chronologique ou répertoire des évêques de Saint-Brieuc avec les choses remarquables en leur épiscopat depuis l’an 525 de l’incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ jusqu’aujourd’huy 1726, manuscrit non coté. L’attribution à Jouanin de La Roche (voir infra, Annexe 9, notice 25) repose sur le témoignage d’Habasque F.-M.-G., Notions historiques …, op. cit., t. II p. 234. Les archives diocésaines et la Bibliothèque municipale de Saint-Brieuc en détiennent une copie.

51 Rappelons que la théorisation de la Contre-Réforme ne se fait qu’au XIXe siècle sous la plume d’historiens allemands protestants ; quant à la Réforme catholique, malgré quelques timides occurrences à partir de 1880, elle ne devient d’emploi courant par les historiens qu’au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

52 Voir infra, Annales 1564 et Catalogue des évêques, notice 48.

53 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 56.

54 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 39.

55 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 59.

56 Outre le Traité des superstitions, le Traité des jeux et des divertissements qui peuvent être permis ou doivent être défendus aux chrétiens, le Traité des cloches et l’Histoire des perruques.

57 « À Lamballe au XVIIe siècle : la fondation de la Société de Saint-Thomas de Villeneuve », MSECDN, t. CV, 1976, p. 61-81.

58 Voir infra, Annales 1697.

59 Torlay M., Jean Leuduger, « missionnaire apostolique » en Haute-Bretagne, [Saint-Brieuc], [Filles du Saint-Esprit], [1990], 191 p.

60 Voir infra, Annales 1711.

61 Voir infra, Annales 1738.

62 Charles O., « Chapitres et chanoines de Saint-Brieuc. La cathédrale Saint-Étienne et la collégiale Saint-Guillaume au XVIIIe siècle », MSECDA, t. CXXXV, 2007, p. 3-28, 29-58.

63 En 1611 puis 1618, les responsables de la Compagnie opposent au vœu des Briochins la meilleure situation de Quimper, plus éloignée de Rennes et mieux défendue de murailles (Dainville F. de, « Projets d’établissements des jésuites en Bretagne sous Louis XIII », MSHAB, t. 31, 1951, p. 37-47 ; Lamare J., « Le collège de Saint-Brieuc du XVIe au XIXe siècle », MSECDN, t. III, 1866, p. 65-94). La tentative de 1674 a pour initiateur M. de Kerisac, l’un des auxiliaires du P. Maunoir mais elle n’aboutit pas davantage (Boschet R. P., Le parfait missionnaire ou la vie du P. Julien Maunoir, Paris, Anisson, 1697, p. 375-376 ; Séjourné X.-A., Histoire du vénérable serviteur de Dieu le vénérable Julien Maunoir, Paris-Poitiers, Oudin, 1895, t. 2 p. 198-199).

64 Julia D., « Saint-Brieuc », dans Julia D., Compère M.-M. (dir.), Les collèges français (XVIe-XVIIIe s.), t. 1 : France du Nord et de l’Ouest, Paris, CNRS/INRP, 1988, p. 613-617.

65 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 50.

66 Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet »…, art. cité, p. 141, note 2.

67 Annuaire des Côtes-du-Nord, 1836, p. 57-104 ; 1837, p. 53-70 ; 1838, p. 118-127.

68 Respectivement infra, Catalogue des évêques, notice 58 et Annales 1559.

69 Miorcec de Kerdanet D.-L., Notices chronologiques …, op. cit. Le relevé des origines géographiques des personnages cités donne les résultats suivants pour chaque ancien diocèse : Rennes 112, Léon 82 (l’auteur est léonard), Nantes 65, Quimper 65, Saint-Malo 56, Tréguier 48, Vannes 35, Saint-Brieuc 30, Dol 14.

70 La Devison L.-G. de, La vie, les miracles et les éminentes vertus de s. Brieuc …, op. cit.

71 Sur ce personnage, voir Charles O., « Dictionnaire biographique des chanoines de la collégiale Saint-Guillaume de Saint-Brieuc au XVIIIe siècle », MSECDA, t. CXXXV, 2007, notice 115 p. 56.

72 Pocquet du Haut-Jussé B., « Les évêques de Bretagne dans la renaissance religieuse du XVIIe siècle », AB, t. 47, 1954, p. 30-59. Au sujet de Le Porc de La Porte, voir infra, Catalogue des évêques, notice 51.

73 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 56.

74 Voir infra, Annales 1618.

75 Peronnet M., Les évêques de l’ancienne France …, op. cit., p. 925.

76 Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers …, op. cit., p. 427-432 : en ce domaine, la palme revient de façon nette aux diocèses de Saint-Malo et de Saint-Brieuc.

77 Arch. dio. de Saint-Brieuc – Sujets … pour les années 1732 et 1775, non cotés ; Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 32, Sujets… pour l’année 1718.

78 Arch. dio. de Saint-Brieuc, cahiers de conférences échelonnées entre 1750 et 1788. Les plus remarquables sont deux volumineux registres de la conférence de Lamballe (qui regroupe sept paroisses rurales autour des deux paroisses de la ville) pour les années 1756-1757 et 1766-1769.

79 Bons mots des tables presbytérales, ces réputations sont plus profondes qu’il n’y paraît : les Rennais sont fiers, les Vannetais humbles, les Quimpérois hospitaliers, les Briochins savants (Redones elati, Venetenses humiles, Corisopitenses hospitales, Briocenses docti). Voir Raison du Cleuziou J., « Saint-Brieuc et ses habitants dans la littérature », MSECDN, t. XCVII, 1968, p. 61-81.

80 Du Guerny Y., « Journal d’un habitant de Quintin au XVIIIe siècle », MSECDN, t. 85, 1957, p. 19-75.

81 Séjourné X.-A., Histoire du vénérable serviteur de Dieu …, op. cit., t. 2 p. 197.

82 Torlay M., Jean Leuduger …, op. cit., p. 76-77. Leuduger missionne également dans le diocèse de Saint-Malo.

83 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 55. Cette distance à l’égard de l’héritage de Maunoir se devine encore à la manière dont Ruffelet rapporte, en 1749, l’interdiction des processions où des laïcs figurent « les Patriarches, les Apôtres et les Saints » (voir infra, Catalogue des évêques, notice 59), soit l’une des pratiques répandues avec succès par le jésuite.

84 Voir infra, Annales 1706 et 1722.

85 Le Cozannet H., « La dévotion à saint Amateur en l’église Saint-Jean de Lamballe », Les Amis de Lamballe et du Penthièvre, n° 29, 2001, p. 161-174.

86 Voir infra, Annales 1525.

87 Qui possédaient leur propre congrégation fondée dès 1698 – antérieurement, donc à celle de la Croix – mais sans doute fondue dans la congrégation des marchands et artisans en 1738. Voir sur ce point Chevalier A., « La congrégation des marchands et artisans de la ville de Saint-Brieuc », MSECDN, t. CXVII, 1988, p. 3-35.

88 Herdier G., La congrégation des marchands et artisans de Saint-Brieuc au XVIIIe siècle, mémoire de maîtrise (G. Provost, dir.), université Rennes 2, 1999, p. 30

89 Séjourné X.-A., Histoire du vénérable serviteur de Dieu …, op. cit., t. 2, p. 200.

90 361 inscriptions y sont recensées entre 1706 et 1787 (Mouchet A., Espace urbain et vie religieuse : la paroisse Saint-Thurian de Quintin aux XVIIe et XVIIIe siècles, mémoire de maîtrise [G. Provost, dir.], université Rennes 2, 2003, 2 vol., 356 p.).

91 Raulet J., Les confréries de dévotion dans l’ancien diocèse de Saint-Brieuc du concile de Trente à la Révolution, mémoire de maîtrise (F. Lebrun, dir.), université Rennes 2, 1981, 90 p.

92 Brémond salua en Noulleau, un « très grand oublié » dont les écrits spirituels étaient admirables (Brémond H., Histoire littéraire du sentiment religieux en France, rééd. Paris, éditions Jérôme Millon, 2006, vol. III, t. VII, p. 160-203) mais le chanoine Pommeret tint à rappeler le « personnage outré » qu’il fut tout autant (Pommeret H., « Un oublié : Jean-Baptiste Noulleau, théologal de Saint-Brieuc 1640-1672 », MSECDN, t. LXI, 1929, p. 167-196).

93 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 53.

94 Voir infra, Annales 1672.

95 Voir infra, Annales 1658 et 1765.

96 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 50.

97 Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers …, op. cit., p. 590.

98 Croix A., Moi Jean Martin, recteur de Plouvellec Curés « journalistes » de la Renaissance à la fin du XVIIe siècle, Rennes, Apogée, 1993, p. 177. Landéhen est une enclave de Dol dans le diocèse de Saint-Brieuc.

99 Brengues J., Les francs-maçons dans la ville. Saint-Brieuc 1760-1990, Rennes, Soreda, 1995, 238 p.

100 Leduc F., Louis-Jean Prudhomme, imprimeur du roi et de l’évêque à Saint-Brieuc (1745-1832), mémoire de master 2 (G. Provost, J. Le Bihan, dir.), université Rennes 2, 2008, 215 p.

101 L’expression se trouve dans une lettre du 19 février 1767 (Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet »…, art. cité).

102 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 3 E 3/126, testament du 30 juillet 1806.

103 Charles O., Chanoines de Bretagne. Carrières et cultures d’une élite cléricale au siècle des Lumières, Rennes, PUR, 2004, p. 275 ; Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers …, op. cit., p. 533.

104 Voir infra, Annales 1765.

105 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 53.

106 « Régir et gouverner avec une verge de fer » : Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 20 G 527. Voir Lemarchand P. « Journal d’un curé de campagne au XVIIIe siècle », MSECDN, t. LXXXVIII, 1960, p. 56-97.

107 Lours M., L’autre temps des cathédrales, Du concile de Trente à la Révolution française, Paris, Picard, 2010, 328 p.

108 Rauber J. « Une église à l’abandon ? Saint-Michel de Saint-Brieuc aux XVIIIe et début XIXe s. (1711-1837) », MSECDA, t. CXXXV, 2006, p. 87-116.

109 Rauber J., Le pouvoir en ville. La paroisse Saint-Michel de Saint-Brieuc au XVIIIe siècle, mémoire de master 2 (G. Provost, dir.), université Rennes 2, 2006, 409 p.

110 L’évêque, le chapitre, le sieur de Boisboissel (voir infra, Annales 1669).

111 Voir infra, Annales 1569.

112 Voir infra, Annales 1579 et 1591.

113 Voir infra, Annales 1564.

114 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 49.

115 Voir supra, chapitre 2.

116 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 57.

117 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 44. Sur les origines de cette perception, Hamon P., « Rennes 1532 : le dernier couronnement ducal », dans Pic A., Provost G. (dir.), Yves Mahyeuc (1462-1541). Rennes en Renaissance, Rennes, PUR, 2010, p. 325-342.

118 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 46.

119 Voir infra, Annales 1365 et sur le personnage Catalogue des évêques, notice 29.

120 Voir infra, Annales 1499.

121 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 56.

122 « Réflexions sur un écrit moderne intitulé Preuves de la souveraineté du roi sur la province de Bretagne », publiées par Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet »…, art. cité.

123 Quéniart J., La Bretagne au XVIIIe siècle…, op. cit., p. 111-115.

124 Voir infra, Annales 1768.

125 Aubert G., « Le duc d’Aiguillon, La Chalotais et l’Affaire de Bretagne », dans Le Page D. (dir.), 11 questions d’histoire qui ont fait la Bretagne, Morlaix, Skol Vreizh, 2009, p. 208-234.

126 Voir infra, Annales 1692.

127 Voir infra, Annales 1688.

128 Voir infra, Annales 1766.

129 Voir infra, Annales 1748.

130 Voir infra, Annales 1751.

131 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 58.

132 Lours M., L’autre temps des cathédrales …, op. cit.

133 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 46.

134 Sans dire toutefois clairement quel est le premier évêque de Saint-Brieuc à avoir été nommé par le roi : selon Péronnet M., Les évêques de l’ancienne France …, op. cit., p. 486-487 et 631, il s’agirait de Jean du Tillet en 1553, François de Mauni étant le dernier élu du chapitre (voir infra, Catalogue des évêques, notices 48 et 47).

135 Arch. dio. de Saint-Brieuc – non coté. Sur les concours, Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers …, op. cit., p. 222-225.

136 Constitué, sous la présidence de l’évêque, par le vicaire général, l’official, deux chanoines de la cathédrale, le supérieur du séminaire, le principal du collège, éventuellement un recteur.

137 Berthelot du Chesnay C., Les prêtres séculiers …, op. cit., p. 48-49.

138 Le Gal La Salle J.-P., « Claude Visdelou, sinologue et jésuite (1656-1737), de Trébry à Pondichéry », Les Amis de Lamballe et du Penthièvre, t. 26, 1999, p. 118-132.

139 Si ce n’est dans une ultime note à la fin de la dernière notice d’évêque (voir infra, Catalogue des évêques, notice 60). Ruffelet en est informé par une lettre du 22 janvier 1771, publiée par Du Bois de La Villerabel A., « Le chroniqueur Ruffelet »…, art. cité, p. 174.

140 Voir infra, Catalogue des évêques, notice 60.

141 Chaix G. (dir.), Le diocèse. Espaces, représentations, pouvoirs (France, XVe-XXe s.), Paris, Cerf, 2002, 445 p.

142 À Saint-Brieuc, un tel carnet a été publié par Lesage G., Notices historiques sur le diocèse sur le diocèse de Saint-Brieuc pendant, avant et après la Révolution et sur les environs de Broons et d’Uzel, Saint-Brieuc, Prud’homme, 1890, 144 p.

143 À Saint-Brieuc, les portraits conservés aux Châtelets commencent avec Mgr de Coëtlogon (1680-1705). Je dois l’information à Yves-Marie Erard que je remercie pour la qualité de l’accueil toujours reçu aux Archives diocésaines.

144 Voir Gicquel S. (texte présenté et annoté par), Mémoires du chanoine Le Sage. Le diocèse de Saint-Brieuc de la fin de l’Ancien Régime à la monarchie de Juillet, Rennes, PUR/ SECDA, 2012, p. 150.

145 Ainsi pour ce qu’il écrit de la fusion des trois portions de la cure de Lamballe, qu’il date de 1730 (voir infra, Note V) alors que l’ordonnance épiscopale est du 20 septembre 1732 (Arch. dép. Côtes-d’Armor, 20 G 139).

146 On pourra remarquer, à cet égard, que Ruffelet n’abuse pas des étymologies celtiques qui ont la faveur du temps.

147 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 32.

148 Arch. dép. des Côtes-d’Armor – 1 G 182, registre de la « société ecclésiastique du canton bretonnant de Goëlo » (fin XVIIe-début XVIIIe s). Voir Provost G., « Comment peut-on être bretonnant ? Le clergé du Goëlo dans le diocèse de Saint-Brieuc aux XVIIe et XVIIIe s. », MSHAB, t. XCI, 2013, p. 73-108.

149 Gicquel S., Prêtres de Bretagne au XIXe siècle, Rennes, PUR, 2008, 310 p.

150 Corbes H., « Les vitraux de Notre-Dame d’Espérance », MSECDN, t. LXXXIX, 1961, p. 53-69.

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