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    Plan détaillé Texte intégral La police dans le vingtième arrondissement Mourir « victime du devoir » Parcours de policiers Notes de bas de page Auteur

    Métiers de police

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Gardiens de la paix d’un arrondissement populaire

    Christian Chevandier

    p. 177-187

    Entrées d’index

    Index géographique : France

    Texte intégral La police dans le vingtième arrondissement Mourir « victime du devoir » Parcours de policiers Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1À l’est de la ville, populaire, frondeur, s’il est un arrondissement où la vie du policier ne devait pas être de tout repos, c’est bien le vingtième. Là, les apaches ont trouvé leur nom 1, Casque d’Or s’est faite une réputation. Et c’est par le récit d’une altercation dans une rue de Belleville, entre trois gardiens de la paix et un passant qui les bouscule, que commence la thèse de Quentin Deluermoz 2. Sans nul doute, l’exercice du métier devait y être si malaisé que, par l’exacerbation des tensions, son étude se révélerait fort significative pour comprendre la place des gardiens de la paix dans la société parisienne de la première moitié du xxe siècle.

    2Une approche monographique était prévue. La recherche vaine de sources classiques, dossiers individuels voire, pour l’entre-deux-guerres, registres du personnel d’un commissariat 3 (qui, les années de recensement, auraient permis grâce aux registres de dénombrement de trouver les policiers dans leur foyer puis d’aller dans l’état civil en apprendre un peu plus sur leur ascendance), m’a amené à me tourner vers les seules sources préservées, les dossiers des « victimes du devoir », pour la plupart des policiers morts en service. Pour ces cinq décennies, les Archives de la préfecture de police de Paris en conservent 420. Un rapide calcul, ces effectifs divisés par le nombre d’arrondissements, pourrait laisser attendre plus d’une vingtaine de dossiers, corpus significatif pour en tirer un certain nombre de leçons, les biais de la construction de cette source devant bien sûr être pris en compte. Mais une telle supputation omettrait la présence de services centraux, notamment la compagnie de circulation et l’école pratique, la Police judiciaire, les Renseignements généraux, les services techniques, ainsi que les commissariats des autres communes de la Seine qui relèvent de la préfecture de police. Ce sont les dossiers de sept membres du corps de gardiens de la paix, dont un brigadier, tous les policiers du xxe arrondissement « victimes du devoir » de ces années-là, qui ont été trouvés, au sein d’un ensemble de documents concernant 141 gardiens de la paix des commissariats d’arrondissements 4. Il est évident que l’étude de ces sources ne peut prétendre à une certaine pertinence que si l’ensemble des 420 dossiers des « victimes du devoir » de la première moitié du xxe siècle a été étudié ; pour être fécond, le changement d’échelle ne peut se réduire à une restriction du corpus 5.

    La police dans le vingtième arrondissement

    3Faire la police dans l’arrondissement n’a pas été un exercice de même nature tout au long de la première moitié du siècle. D’abord parce que l’espace urbain a considérablement évolué, notamment dans l’entre-deux-guerres 6. Si quelques faméliques troupeaux de chèvres y paissaient encore au début du siècle, l’arrondissement est complètement urbanisé cinq décennies plus tard ; les usines et ateliers qui y pullulent alors rendent pertinent le qualificatif d’industriel. Cette évolution s’est accompagnée d’un accroissement de la population, qui est passée entre le recensement de 1901 et celui de 1936, le moment de son histoire où ils furent les plus nombreux, de 166 000 à 208 000 habitants. Pour cet arrondissement qui n’était pas le plus peuplé de Paris 7, si les effectifs des gardiens de la paix étaient les plus considérables de la ville, 327 agents pour 78 îlots à la fin du xixe siècle 8, c’est bien parce que les autorités le jugeaient nécessaire. La croissance démographique correspond plutôt à une dynamique centrifuge, puisque les quartiers du centre commencent à se dépeupler cependant que la population de la banlieue est, comme celle des nouveaux arrondissements, en augmentation. Les fortifs disparaissent alors, tandis que la zone et l’octroi isolent tout autant que, plus tard, le boulevard périphérique. Plus sans doute que les changements des textes réglementaires et législatifs, que les mutations des techniques et les successions des pouvoirs, ces modifications affectent l’exercice du métier et c’est bien une approche dynamique qui doit être mise en œuvre. Certaines particularités n’en ont pas moins perduré, comme le relief qui faisait du vingtième le seul arrondissement dont, au début du siècle, l’usage de la bicyclette était ignoré par les agents 9.

    4Quand bien même il évoluait, l’arrondissement, créé en 1860 par le rattachement de communes situées au-delà du Mur des fermiers généraux, est resté tout au long du demi-siècle caractérisé par la présence d’un monde ouvrier moins immuable que celui du faubourg Saint-Antoine, plus ouvert aux idées et pratiques nouvelles. Ses quatre quartiers étaient tous 10 pourvus d’un poste et le commissariat central d’arrondissement situé dans les locaux de la mairie, monumental édifice républicain de la place Gambetta. La localisation de ces postes a évolué en fonction de contraintes politiques (puisque la municipalité les prenait en charge), financières et immobilières, mais aussi pour s’adapter aux mutations du quartier. C’est ainsi que le poste de Charonne 11, d’abord rue de Montreuil (devenue rue d’Avron au début de la IIIe République), a déménagé à l’angle des rues Terre-Neuve et Alexandre Dumas lorsque se sont urbanisés les environs de la place de la Réunion, puis s’est installé au tournant du siècle au carrefour des rues des Orteaux et des Haies 12, à deux pas de la rue des Pyrénées, quand la construction des ouvrages d’art de la Petite Ceinture a bouleversé cette partie de l’arrondissement. Chaque quartier avait, à cet égard, sa personnalité, qui aurait pu nécessiter des pratiques policières différentes. La réputation de Belleville est aujourd’hui encore notoire 13. Charonne n’était déjà plus le cadre bucolique de la seconde promenade des Rêveries d’un promeneur solitaire de Rousseau, mais les nombreuses friches et la proximité des fortifs en faisaient une marche propice à nombre de délits. Les deux derniers quartiers, Saint-Fargeau et Père-Lachaise, se révèlent plus urbains, dans les différents sens du terme.

    5En dépit de circonstances et de renommées distinctes, la consultation des mains courantes des postes 14 ne donne pas l’impression de véritables différences au sein de l’arrondissement : les jours semblent aussi tranquilles à Belleville que dans les autres quartiers. Faut-il y voir un effet de source, des policiers d’autant moins enclins à signaler des incidents qu’ils sont courants, ou une osmose de pratiques urbaines qui feraient fi de délimitations administratives au demeurant peu prégnantes ? La routine y prévalait. Ces registres fourmillent de rapports comme celui de ces deux gardiens qui « à 11h 15 rue de la Réunion, 29, ont remarqué à deux reprises un chien de petite taille qui errait non muselé et est rentré à l’adresse ci-dessus » ; la locataire, une lingère, a du reconnaître que l’animal était le sien. Un autre jour, une descente a eu lieu dans un débit de vin où les agents ont trouvé des « individus de mœurs douteuses » dont l’un sortait de « l’hôtel le plus mal famé du quartier ». Ce fut, une autre fois encore, un habitant de l’impasse Poule arrêté ivre à deux heures du matin 15. Dans ces quartiers, les tapages nocturnes se faisaient un peu plus souvent que dans le reste de la ville au chant de l’Internationale, et l’on arrêta même rue des Vignoles, pour port d’arme prohibée, un Italien qui brandissait faucille et marteau. Les affaires traitées se répétaient d’un jour à l’autre, d’un mois à l’autre. Les déménagements à la cloche de bois, signalés le matin par les propriétaires, étaient sans doute plus fréquents que dans les beaux quartiers, les infractions à la législation des étrangers étaient courantes là où les immigrés, Italiens surtout, se retrouvaient en nombre 16, mais le droit fiscal donnait aussi lieu à nombre d’infractions, de l’usage de briquets non estampillés à l’absence de plaque de bicyclette. Mois après mois, les inventaires se révèlent alors bien semblables, comme pour le poste de Charonne en juillet 1923 : 18 vols, 2 accidents, 3 aliénés, 42 contraventions, 8 exécutions de commissions rogatoires, 95 renseignements, 2 décès subits. Peut-être cette impression de routine un peu vaine vient-elle des difficultés que l’on peut éprouver à tirer une véritable signification de ces données ? Ainsi, lorsque deux agents surprennent en pleine nuit, au fond d’une impasse de la rue des Vignoles, un individu qui se livre à un « épanchement d’urine » contre un immeuble de rapport, il convient de remarquer que, dans cette voie privée qui échappe à l’éclairage public, à soixante mètres de la rue, dans un entre-deux-guerres où la ville était beaucoup plus sombre qu’elle ne l’est de nos jours, ces deux policiers n’évitaient pas les endroits les moins accessibles de cet arrondissement où les passages, impasses et villas sont deux fois et demi plus nombreux que dans les autres. Malgré l’habitude, en dépit de formulations qui prêtent parfois à sourire, c’était bien la misère, le malheur humain dont étaient témoins les gardiens, et pour lesquels ils devaient intervenir, constatant des traces de brûlures sur une enfant de sept ans qui leur déclare, en présence de sa mère :

    « Je n’ai jamais été maltraitée par ma maman qui me corrige lorsque je le mérite. […] Il y a environ cinq semaines, elle m’a giflée parce que je lui avais menti, comme ce jour elle avait un fer chaud dans l’autre main, je suis tombée sur le fer, me faisant une brûlure au visage. Je m’en suis faite une deuxième à la main droite en voulant éviter une gifle 17. »

    6Il est malaisé de savoir l’impact réel de cette part de leur activité professionnelle, mais il demeure évident qu’ils ne pouvaient en sortir indemnes. Surtout, en un temps où l’intervention policière était moins procédurale et que son premier but était de résoudre un problème avant de penser à noircir du papier, ces gardiens jouaient un peu le rôle d’un juge de paix qui ne serait pas un notable.

    Mourir « victime du devoir »

    7Sept membres de la compagnie du xxe arrondissement, six gardiens et un brigadier, sont morts en des circonstances qui les ont fait considérer comme « victimes du devoir ». Tous sont tombés dans des conditions en rapport avec une guerre, ce qui est le cas de plus des deux tiers des gardiens d’arrondissement parisiens « victimes du devoir 18 ». Les deux premiers sont décédés le 30 janvier 1918 au soir, sur le cours de Vincennes près de la station de tramways de Nogent, lors d’un raid de Gothas allemands alors que la foule se pressait pour s’abriter dans la station de métro. Deux gardiens du viie sont décédés, le 7 mars 1918, dans des circonstances semblables 19, tandis qu’un agent du xixe a été tué en février 1917 alors qu’il tentait d’appréhender un déserteur dans un bar de Barbès. L’impact de cette guerre sur la mortalité des policiers parisiens, qui est réel, relève cependant de processus plus complexes que ces causalités directes.

    8Quatre de ces hommes, plus de la moitié, sont morts dans les combats de la Libération. Ces quatre-là font partie des 74 gardiens de la paix parisiens tués lors des combats. Du 15 au 30 août 1944, 157 membres de la préfecture de police de Paris ont été « victimes du devoir », 37,4 % de celles des cinquante premières années du xxe siècle. Chez les gardiens de la paix des arrondissements, cette part est de 52,5 %. Le premier des quatre, lieutenant FF I, résistant engagé depuis mars 1943 dans Honneur de la Police, a été tué le premier jour de l’insurrection en se battant place du parvis Notre-Dame, aux abords de la préfecture de police sur laquelle, le 19 août, le drapeau tricolore a été hissé, donnant le signe du soulèvement 20. Deux autres gardiens sont également morts dans un combat (voire à son issue, « tués à coups de revolvers 21 »), le 21 août vers midi, lorsqu’un détachement allemand d’une vingtaine de soldats a attaqué le poste de police de Charonne pour délivrer des prisonniers qui y étaient retenus. Quatre automitrailleuses blindées et fusils à balles explosives contre armes de poing de petit calibre 22, le dénouement n’avaient rien d’incertain. En revanche, le lieu de ce combat n’est pas indifférent. Alors que depuis deux jours la mairie du xxe arrondissement, donc le commissariat central et le poste du Père-Lachaise situés en ses murs, étaient occupés par les FFI et des membres du mouvement Libération-Nord (où les socialistes étaient en nombre) bien implanté parmi le personnel municipal 23, dans un quartier où la résistance communiste était solide, mais alors que les Allemands contrôlaient encore certains grands axes, notamment entre la caserne Prince-Eugène sur la place de la République et le fort de Vincennes, que des blindés (dont des chars Tigre) parcouraient, le poste de Charonne ainsi que les bains-douches où s’était retranché la veille un groupe de policiers de l’arrondissement (voir infra) se situaient jusqu’au 26 dans les marges de zones incertaines mais libérées, dans un quartier hérissé de barricades 24, et pouvaient donc être considérés comme des avant-postes 25. La quatrième victime, un brigadier, a été tuée le 26 août aux abords des Champs- Élysées par la balle d’un de ces fameux « tireurs des toits 26 » au moment où passait le général de Gaulle. Il assurait alors le service d’ordre à la tête d’un détachement de gardiens du xxe. Le dernier de ces hommes est un gardien arrêté à son domicile par les autorités allemandes, le 19 septembre 1942, détenu ensuite à la prison de Fresnes, mort à Mauthausen le 18 mai 1945. Cet ancien agent du xe arrondissement a été reconnu le 25 mars 1943 par ses collègues gare de l’Est alors qu’il se trouvait dans un groupe de cinquante détenus déporté vers l’Allemagne 27.

    9Aucun des sept agents du xxe n’est mort lors d’une manifestation ou de ses suites, alors que ce fut le cas de deux parmi les 127 autres. Dans leurs dossiers, aucune trace de blessures subies à cette occasion. Aucun policier du xxe n’est tombé sous les balles d’un résistant, comme quatre, cinq ou six gardiens de la paix d’autres arrondissements. C’est que si Jules Romains était persuadé dans les années 1930 que « le peuple de 89, celui qui a fait le premier Quatorze Juillet », était monté jusqu’à Belleville et Ménilmontant 28, si les militants ouvriers, notamment communistes, y étaient en nombre, les défilés y furent moins vindicatifs que dans le centre de la ville ou vers la place de la République. Les plus grandes manifestations de ce côté de la barrière des fermiers généraux, les cortèges au Mur des Fédérés, qui ont pu rassembler plusieurs dizaines de milliers de personnes, ont même été, par un effet de réciproques tolérances, l’occasion du complexe apprentissage d’un ordre de la manifestation, le directeur de la Police municipale Paul Guichard se réjouissant en 1922 que les « bagarres avec la police » n’y soient pas de mise 29. Chez lui, le monde ouvrier est donc plus enclin à une certaine mansuétude que sur les marges de son domaine ou dans les lieux symboliques du pouvoir. Sa puissance passe par des pratiques de sociabilité où la violence n’a pas sa place 30. De ce rapport de force, les policiers tirent une leçon qui leur permet peut-être de ne pas être perçus comme illégitimes dans ce milieu populaire.

    10Sept morts, un vingtième précisément du corpus des « victimes du devoir » des vingt arrondissements, la moyenne est aussi la médiane tandis que les Ier et IIe arrondissement ont tous deux en un demi-siècle déploré la mort d’un seul de leurs gardiens (dans les deux cas lors des combats de la Libération) et les xe et xvie, celle de 14 de leurs agents « victimes du devoir » (la majorité lors de l’insurrection, 8 pour le xe et 9 pour le xvie). Il serait peu pertinent de tenter d’établir un triste palmarès entre les arrondissements, tant la contingence est essentielle en ces moments où tout peut basculer. C’est ainsi que le 20 août 1944, la veille de l’attaque du poste de Charonne, six agents se sont enfermés dans les bains- douches 31 du quartier avec cinq prisonniers, dont deux miliciens. Survint un détachement de l’armée d’occupation appuyé par un blindé, qui délivra les captifs et emmena leurs gardiens dans un casernement allemand. Là, ils furent fouillés, puis alignés. « Nous allions être fusillés lorsqu’un officier allemand est intervenu en notre faveur 32. » Les gardiens furent alors conduits à la caserne de la République, puis au fort de Vincennes, deux sites où l’occupant a, cette semaine-là, torturé et exécuté de nombreux policiers parisiens. Si ces six hommes n’avaient pas ainsi échappé à plusieurs reprises à la mort, le xxe arrondissement aurait été parmi les trois qui ont compté le plus de « victimes du devoir ».

    11Aucun souvenir ne subsiste des deux gardiens victimes cours de Vincennes d’un bombardement allemand. La mémoire de ceux qui sont tombés en luttant contre l’occupant est bien sûr plus forte. Les deux agents morts hors de l’arrondissement sont célébrés par une plaque sur les murs de leurs commissariats respectifs, sans détail sur les circonstances de leur décès. La victime d’un tireur des toits a la sienne à l’entrée du commissariat d’arrondissement : « À la mémoire du brigadier Louis Fleury, mort pour la France à la Libération de Paris le 26 août 1944. » Et c’est sur le mur du poste de Belleville que se trouve la seule plaque qui identifie ceux qui l’ont apposée : « À notre collègue André Perrin, mort pour la France et la Libération de Paris. » Sur le poste de Charonne, deux autres plaques : « À la mémoire des gardiens de la paix Marcel Imbert et Armand Jeudy assassinés par les Allemands le 21 août 1944 lors de l’attaque de ce poste de police », ainsi que : « À la mémoire du gardien de la paix Georges Amodru, arrêté par les Allemands le 18 août 1941, mort en déportation le 7 mai 1945. » Nulle trace pourtant de ce policier parmi les « victimes du devoir 33 ». En revanche, rien ne marque la mémoire de l’agent mort à Mauthausen.

    12Plus de soixante ans plus tard, les gardiens de la paix de l’arrondissement sont capables, s’ils ignorent les circonstances précises du décès de chacun d’entre eux, de situer le cadre de la mort de leurs héroïques prédécesseurs 34. Cela n’a rien de surprenant, puisque l’institution utilise copieusement le souvenir de l’insurrection pour souder le groupe social des policiers parisiens, mais la mémoire ainsi construite et perpétuée est à la dimension de la ville, pas à celle de l’arrondissement. Elle n’en reste pas moins largement interne, quand bien même les plaques sont situées à l’interface de la rue et du local de la police. Et qu’elles ne sont que quatre parmi les plus de 70 que compte l’arrondissement 35, dont celle qui honore un « adjudant FTPF arrêté par la police de Vichy et fusillé par les hitlériens », tandis qu’une autre n’évoque que par euphémisme l’activité des policiers parisiens : « victime de la rafle du 27 septembre 1942 36 ». Certes, la dimension largement institutionnelle et corporative des commémorations en limite la notoriété, mais la mémoire des policiers insurgés paraît moindre dans cet arrondissement que dans d’autres. À sans doute joué le fait que, contrairement à celui de leurs collègues de beaux quartiers largement désertés par leurs habitants, leur combat s’est déroulé dans un lieu où la population était présente et insurgée, dissolvant leur souvenir au sein d’une mémoire plus vaste. L’importance des communistes dans l’arrondissement et leur durable hostilité à l’institution policière n’ont sans doute pas contribué à diffuser le souvenir de leur sacrifice, mais ce phénomène de dilution a commencé très tôt, presque immédiatement 37. Somme toute, il peut être interprété comme un signe de plus de l’intégration de ce groupe social dans cet arrondissement populaire. Mais aucune de ses voies ne porte le nom d’un policier tandis que celui de Casque d’Or a été donné à un jardin municipal et qu’une crèche s’appelle même « Les apaches des Vignoles ».

    Parcours de policiers

    13Un des facteurs de l’intégration des policiers dans leur environnement, donc en partie de leur efficacité 38, est celui de la résidence à proximité de leur lieu d’exercice. Chacun des deux gardiens morts en 1918 louait une petite chambre dans l’arrondissement. Les cinq autres agents habitaient également l’arrondissement, s’y étaient souvent installés lors de l’année suivant leur affectation dans le xxe. Tous les sept logeaient même dans le quartier du poste où ils avaient été nommés 39, pratique distincte de celle de la plupart des ouvriers du même âge qui tentaient alors de mettre quelque distance entre leur domicile et l’usine. L’arrondissement et ses habitants, ces hommes les connaissaient donc fort bien. Si le règlement de 1860 a imposé aux policiers d’habiter dans leur quartier d’exercice, celui de 1896 les a autorisés à s’en éloigner 40. Le traitement d’un gardien ne pouvait pas lui permettre de se loger dans certaines parties de la ville, mais le vingtième arrondissement n’était en rien concerné. Plusieurs des 134 autres gardiens de la paix parisiens « victimes du devoir » habitaient alors dans le xxe arrondissement, et beaucoup ne résidaient pas dans l’arrondissement de leur affectation.

    14Les deux agents morts en 1918 et le résistant tué sur l’île de la Cité étaient célibataires. Les quatre autres étaient mariés ; un avait deux enfants, un autre trois (dont le plus âgé avait six ans). Aucune des quatre épouses ne travaillait l’année du décès du policier, et une seule, sans enfant, avait exercé un emploi (de manutentionnaire) l’année précédente. Prévaut ici, semble-t-il, le modèle de l’épouse à la maison, d’autant plus disponible au service du ménage que le mari l’est à celui de l’administration certes, mais qui correspond également à l’idéal familial des ouvriers qualifiés des années 1930. Les métiers des pères de ces agents sont mal connus, signalés dans des documents dont l’hétérogénéité doit rendre prudent pour toute interprétation. Sans que cela constitue une surprise, tous ces policiers sont d’origine populaire. Deux pères étaient cultivateurs ; il y avait aussi un ouvrier d’usine, un employé dans une maison de commerce, un menuisier et un gardien de la paix 41. Un seul d’entre eux, le brigadier, était né à Paris, dans le xe arrondissement 42. Les autres sont venus de départements éloignés (Corse, Vosges, Doubs, Ardennes, Haute-Savoie, Pas-de-Calais). Lorsque cette indication nous est donnée, nous savons que les parents sont nés dans le même département que le fils, et l’épouse, à une exception près 43, vient également de ce département.

    15Les deux morts de la Grande Guerre n’étaient point des agents ordinaires. L’un, âgé de 40 ans, était instituteur, nommé gardien de la paix auxiliaire sur sa demande après trois années au front (où il a obtenu la croix de guerre, qu’il portait sur lui au moment de son décès) et arrivé dans l’arrondissement en septembre, quatre mois avant le bombardement. Son compagnon, âgé de 28 ans, était policier depuis septembre 1913, sur un emploi réservé après cinq ans comme engagé volontaire dans l’infanterie coloniale. « L’ancien colonial avait voulu rester soldat » a expliqué le préfet lors de ses obsèques, mais s’il est mort de la guerre, il n’a pas connu le front, ce qui n’empêcha pas ses proches de faire venir sa dépouille dans son village de Corse et inscrire son nom sur un monument commémoratif. Les morts de la guerre suivante, qui sont devenus policiers à un moment où ils avaient déjà une réelle expérience du monde du travail (23, 24, 26, 22 et 28 ans, alors que tous avaient commencé à travailler à 13 ans – sauf un, à 16 ans), ont deux profils de carrière antérieure différents. Deux ont travaillé à la ferme de leurs parents ou comme journalier, tâcheron, terrassier ; pour eux, expliquent-ils dans l’autobiographe qu’ils ont rédigée à la fin de leur stage à l’école pratique, il s’agissait d’avoir une « situation ». Les trois autres, munis de leur certificat d’étude, ont acquis et exercé un métier, employé de commerce, électricien, ajusteur.

    16Nés entre 1901 et 1911, morts en ayant de 33 à 43 ans 44, ils ont donc été marqués par la Grande Guerre. Trois, dont les deux non-qualifiés, ont du quitter l’école, parce que le père était parti et qu’il fallait bien aider la mère à s’occuper de l’exploitation, parce que dans les Ardennes, occupées par les Allemands, il n’y avait pas classe, voire explique l’un d’eux parce que les institutrices ne s’occupaient pas de lui. Tous, sauf le plus âgé, racontent dans leur autobiographie l’absence du père, la mère qui ne s’en sortait pas, l’aide qu’ils devaient lui apporter. Vint la guerre suivante, et parce qu’ils étaient policiers à Paris, tous en furent dispensés. Mais la gloire n’était pas en quarante au rendez-vous et ceux qui n’étaient pas allés au front ont ainsi échappé à l’opprobre qui, lors du conflit précédent, frappait les embusqués, parmi lesquels les affectés spéciaux de la police parisienne.

    17La conclusion de cette approche m’amène là où je n’imaginais pas me rendre. J’étais parti du principe, non comme hypothèse mais en un présupposé d’une telle évidence qu’il ne semblait nécessiter aucune discussion, que le labeur policier dans le vingtième arrondissement était éprouvant. Si la mort compte le tout, alors qu’aucun des gardiens de l’arrondissement n’est décédé en service hors du cadre des conflits mondiaux, où tous les tués l’ont été par l’ennemi, elle révèle ici un exercice bien plus tranquille que je ne l’avais présagé. Sérénité que l’on retrouve dans des manifestations plus apaisées que dans les arrondissements du centre de la ville, dans la routine d’un travail où l’agent apparaît utile, lorsqu’il sépare les clients d’un tripot qui en sont venus aux mains. Un quartier où ces policiers se sentent si à l’aise qu’ils viennent y habiter s’ils n’y sont déjà. Enfants d’ouvriers, de paysans, d’employés, ils connaissent bien le milieu populaire qui en constitue la population, ils le connaissent d’autant mieux qu’ils ont, pour ceux qui ont été embauchés après la Grande Guerre, une longue expérience du travail, d’un travail d’ouvrier surtout. Si l’on est fondé à estimer que « l’autonomie des exécutants policiers peut s’entendre comme l’autonomie professionnelle de l’ouvrier qualifié ou du technicien 45 », on discerne l’efficacité des gardiens de la paix de cet arrondissement populaire, à l’aise dans ce milieu qu’ils connaissent et où ils savent n’en point trop faire, mettant à profit leur culture professionnelle que tempère une expérience de ce monde qui est le leur. Cette intégration des policiers dans la population de l’arrondissement a fait que, si des gardiens résistants de l’arrondissement ont comme André Perrin et sans doute une des victimes de l’attaque du poste de Charonne, fait partie d’un mouvement spécifiquement professionnel, un agent a pu s’engager dans le groupe des pompes funèbres de Libération-Nord 46.

    18Les sources scrutées soulèvent plus de questions qu’elles ne livrent de réponses. D’abord, l’impact des guerres, de la deuxième surtout, doit être considéré. Des séquelles qui perdurent au-delà de l’armistice de 1918 ou de la capitulation de 1945, des morts violentes bien plus nombreuses pendant encore une année : est-ce une brutalisation qui ainsi se révélerait ? Un autre élément doit être approfondi, le poids des brigadiers 47 dans ce corpus de 141 « victimes du devoir », au nombre de 15, en une part dix fois supérieure au 1 % du corps des gardiens de la paix parisiens auquel correspondaient en 1914 leurs effectifs 48. Ces décès sont incontestablement révélateurs d’une prise de risques plus forte, d’une conscience d’avoir un rôle à jouer, une place à tenir, des hommes à mener, tout comme les contremaîtres doivent, au vingtième siècle, passer pour des ouvriers exemplaires. En cela, les policiers parisiens participent bien des modalités de manifestation d’une identité ouvrière.

    19Comment, alors, ce groupe social des policiers parisiens a-t-il pu, dans des conditions différentes, prendre en charge nombre de problèmes de la société, auxquels est confrontée la population dont leurs chefs n’ont cessé tout au long du demi-siècle de rappeler aux policiers parisiens qu’ils étaient à son service ? Le soin nuancé que les agents du vingtième arrondissement semblent avoir, ces années-là, accordé à l’application de la loi, au respect de l’état de droit, est celui d’hommes de milieux populaires agissant en un milieu populaire fortement marqué par une conscience politique assumant sa dimension prolétarienne. C’est bien leur conscience d’une appartenance plus large qui semble apparaître ainsi. Sans doute une étude approfondie, prenant en compte l’ensemble du groupe social des policiers parisiens tout au long de ce demi-siècle, sans se limiter aux gardiens de la paix des commissariats de la ville, permettrait-elle de résoudre ce qui se révèle quand même une énigme politique et sociale, la participation, et à quel prix, de ces hommes d’ordre au soulèvement du peuple de Paris, seule velléité insurrectionnelle au vingtième siècle de la ville qui fut, lors du précédent, celle des révolutions.

    Notes de bas de page

    1 D. Kalifa, L’Encre et le Sang. Récits de crimes et société à la Belle Époque, Paris, Fayard, 1995, p. 152-164.

    2 Q. Deluermoz, Les policiers en tenue dans l’espace parisien entre 1854 et 1913, thèse d’histoire contemporaine, université de Paris 1, 2006, p. 7.

    3 Certains livres de contrôle subsistent, mais ils paraissent dans un premier temps peu propices à un tel usage.

    4 Je n’ai pas pris en compte les gardiens d’arrondissement détachés (en banlieue ou au laboratoire de la Ville de Paris par exemple) ; en revanche, j’ai compté les deux gardiens de la paix stagiaires dans la mesure où ils étaient affectés.

    5 Pour une approche de l’étude d’une population restreinte et de ses potentialités, voir la partie méthodologique de C. Chevandier, Infirmières à Paris. Émergence d’une profession (1900-1950), Paris, Éditions de l’Atelier, 2007.

    6 J. El Gammal, Les hauts quartiers de l’Est parisien d’un siècle à l’autre, Paris, Publisud, 1998, p. 51-87.

    7 Au recensement de 1901, les XVIIIe, XVIIe et XIVe arrondissements étaient plus peuplés.

    8 J.-M. Berlière., L’institution policière en France sous la Troisième République, 1875-1914, thèse d’histoire contemporaine, université de Bourgogne, 1991, p. 549.

    9 Ibid., p. 717-718.

    10 Du moins à l’époque qui nous intéresse, puisque les commissariats de Saint-Fargeau et Père-Lachaise ont été regroupés en 1960.

    11 Il s’agit du poste du quartier de Charonne, éloigné d’un kilomètre et demi de la station de métro Charonne, dans le XIe arrondissement, où des policiers parisiens ont tué le 8 février 1962 neuf manifestants.

    12 Célèbres alors pour leurs bandes d’apaches, celle des Orteaux était menée par un des principaux protagonistes de l’affaire Casque d’Or.

    13 T. Jonquet, Jours tranquilles à Belleville, Paris, Méréal, 1999, p. 44.

    14 Déposées sous la cote CB [numéro de quartier-de 77 à 80-. numéro de registre] (ainsi, les mains courantes de Charonne correspondent aux côtes CB80) aux Archives de la préfecture de police de Paris, elles sont pour le demi-siècle relativement peu lacunaires et permettraient une étude systématique.

    15 M. Lochard, Rue des Vignoles entre-deux-guerres, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, université de Paris 1, 2001, p. 78.

    16 M.-C. Blanc-Chaléard, Les Italiens de l’Est parisien. Une histoire d’intégration (1880-1960), Rome, École française de Rome, 2000. Charonne est un des deux quartiers parisiens étudiés dans cette thèse.

    17 Les déclarations portées sur la main courante semblent souvent reformulées par les policiers

    18 Soit 70 %. Cinq sont morts pendant la Première guerre mondiale dans des conditions liées au conflit et 93 lors de la suivante.

    19 Un gardien du ixe arrondissement a été tué le même jour que ses collègues du xxe, mais les modalités de son décès (il se trouvait à la fenêtre de son logement) n’ont pas fait de lui une « victime du devoir ».

    20 La relation des circonstances du décès de ces sept hommes s’appuie, sauf mention contraire, sur des documents contenus dans leur dossier.

    21 Lettre du directeur du service de recherche des crimes de guerre ennemis, ministère de la Justice, 23/12/1946.

    22 Pistolets automatiques 7,65 ou revolvers 8 mm (modèle 1892).

    23 M.-L. Patrault, La Résistance dans le xxe arrondissement, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, université de Paris 1, 2000, p. 43.

    24 Des photographies montrent qu’elles étaient plus nombreuses dans le quartier que les différentes recensions ultérieures ne le montrent. Sans doute tout inventaire de ces édifices incertains souffre-t-il de leur nature parfois provisoire au long d’événement qui ont duré une semaine.

    25 Sans doute avaient-ils une certaine difficulté à demeurer en contact avec l’arrondissement. C’est le bureau d’ordre du commissariat du xie qui a téléphoné à 12 h 25 au central téléphonique de la préfecture de police pour prévenir de l’attaque du poste de Charonne.

    26 Un rapport de la direction de la Police municipale, non daté mais vraisemblablement de début octobre 1944, mentionne des « miliciens ». Rien ne permet de le confirmer.

    27 La direction de la Police municipale a, sur-le-champ, avisé les Renseignements généraux et le cabinet du préfet. Rien dans son dossier ne permet de connaître les causes de son arrestation et de sa déportation.

    28 J. Romains, Les hommes de bonne volonté, 14, Le drapeau noir, 1937 ; sur le xxe arrondissement, où il a habité, voir surtout Les hommes…, 4, Eros de Paris, 1932.

    29 Cité par D. Tartakowsky, Nous irons chanter sur vos tombes. Le Père-Lachaise, xixe-xxe siècle, p. 97 ; ur cet apprentissage, voir p. 92-106.

    30 J.-J. Meusy (dir.), La Bellevilloise (1877-1939), Une page de l’histoire de la coopération et du mouvement ouvrier français, Paris, Créaphis, 2001.

    31 Remarquons la pertinence du choix de ce bâtiment récent, en béton armé recouvert d’un parement de briques, aux ouvertures peu accessibles et aisément défendable par des hommes mal armés pour peu que leurs assaillants ne soient pas équipés d’un armement lourd.

    32 Audition d’un gardien de la paix du xxe arrondissement par le commissaire du quartier de la Roquette, 26/8/1944.

    33 Ce qui permet d’insister sur la nature de ce corpus. Il s’agit des gardiens de la paix du xxe arrondissement considérés par leur administration comme « victimes du devoir ». Sur cette catégorie, Q. Deluermoz, op. cit., p. 503-585, notamment 519-525.

    34 Je me suis entretenu à cinq reprises avec des gardiens de la paix (en prenant garde à ce qu’il ne s’agisse pas de stagiaires ou d’adjoints de sécurité) en faction devant le commissariat de l’arrondissement, sous le prétexte de la plaque apposée à la mémoire du brigadier. Ces entretiens informels ont eu lieu début juillet 2006, afin d’éviter les effets des cérémonies commémoratives de fin août. Tous m’ont parlé (en utilisant ce mot) de l’ » insurrection », soit comme étant celle des policiers parisiens, soit à propos de leur participation à l’ » insurrection d’août 44 » où à l’« insurrection de la Libération ». Aucun n’a pu me dire ce qui s’est passé dans l’arrondissement.

    35 Sans compter celles qui évoquent les enfants déportés, qui pour la plupart ont été arrêtés par des policiers parisiens.

    36 Sur les plaques de la Libération de Paris, en attendant la thèse en cours de Nicolas Fasseur à l’université de Paris 8, voir pour le xxe arrondissement M. Pigenet, « Indices de marbre, bribes d’histoire », F. Gasnault et J.-P. Dumas (dir.), Le xxe arrondissement. La montagne à Paris, Paris, Délégation à l’action artistique de la ville de Paris, 1999, p. 168-171, et Cahiers de la Mémoire vivante du xxe, n° 3, décembre 2002, « Les plaques du souvenir 1939-1945 dans le xxe arrondissement de Paris ».

    37 Dans une brochure publiée quelques semaines après les événements, alors que pour d’autres arrondissements (notamment le quatrième) le rôle des policiers est largement pris en compte, il n’en est pas question dans le passage consacré au xxe, G. Fronval, Paris brise ses chaînes ! Épopée des 20 arrondissements et de la banlieue dans les journées du 19 au 25 août 1944, Paris, 1944 [texte daté du 28 septembre], p. 27.

    38 Voir à ce sujet S. Roché, Police de proximité. Nos politiques de sécurité, Paris, Le Seuil, 2005, 309 p.

    39 Un seul habitait du mauvais côté d’une rue délimitant deux quartiers, mais à moins de 500 mètres de son poste.

    40 Q. Deluermoz, op. cit., p. 107-108 et 389.

    41 Une approche rapide des 141 dossiers permet de caractériser comme exceptionnel ce cas d’hérédité professionnelle.

    42 30 des 141 sont nés à Paris (plus d’un sur cinq), et quatre autres dans le département de la Seine. Un dans le xive et deux dans le xviiie, tous morts après la Libération, exerçaient dans l’arrondissement de leur naissance.

    43 La femme du natif des Ardennes, elle-même née dans la Creuse.

    44 Des gardiens parisiens morts pendant l’insurrection, le plus jeune avait 23 ans, le plus âgé 47 ans, et l’âge médian se situait à 36 ans.

    45 D. Monjardet, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, La Découverte, 1996, p. 38.

    46 M.-L Patrault., op. cit., p. 42.

    47 En revanche, j’ai préféré ne pas détacher comme un groupe spécifique les neuf sous-brigadiers. Le caractère administrativement incertain de ce grade, qui n’était pas mentionné sur les fiches de carrière, a motivé ce choix. Il est celui de l’institution lorsqu’elle présente ses « victimes du devoir » dans divers documents.

    48 J.-M. Berlière, op. cit., p. 675. Cette comparaison ne donne qu’un ordre d’idées, et il conviendrait bien sûr de connaître le rapport précis du nombre des brigadiers et de celui des gardiens dans les commissariats d’arrondissement.

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    1 D. Kalifa, L’Encre et le Sang. Récits de crimes et société à la Belle Époque, Paris, Fayard, 1995, p. 152-164.

    2 Q. Deluermoz, Les policiers en tenue dans l’espace parisien entre 1854 et 1913, thèse d’histoire contemporaine, université de Paris 1, 2006, p. 7.

    3 Certains livres de contrôle subsistent, mais ils paraissent dans un premier temps peu propices à un tel usage.

    4 Je n’ai pas pris en compte les gardiens d’arrondissement détachés (en banlieue ou au laboratoire de la Ville de Paris par exemple) ; en revanche, j’ai compté les deux gardiens de la paix stagiaires dans la mesure où ils étaient affectés.

    5 Pour une approche de l’étude d’une population restreinte et de ses potentialités, voir la partie méthodologique de C. Chevandier, Infirmières à Paris. Émergence d’une profession (1900-1950), Paris, Éditions de l’Atelier, 2007.

    6 J. El Gammal, Les hauts quartiers de l’Est parisien d’un siècle à l’autre, Paris, Publisud, 1998, p. 51-87.

    7 Au recensement de 1901, les XVIIIe, XVIIe et XIVe arrondissements étaient plus peuplés.

    8 J.-M. Berlière., L’institution policière en France sous la Troisième République, 1875-1914, thèse d’histoire contemporaine, université de Bourgogne, 1991, p. 549.

    9 Ibid., p. 717-718.

    10 Du moins à l’époque qui nous intéresse, puisque les commissariats de Saint-Fargeau et Père-Lachaise ont été regroupés en 1960.

    11 Il s’agit du poste du quartier de Charonne, éloigné d’un kilomètre et demi de la station de métro Charonne, dans le XIe arrondissement, où des policiers parisiens ont tué le 8 février 1962 neuf manifestants.

    12 Célèbres alors pour leurs bandes d’apaches, celle des Orteaux était menée par un des principaux protagonistes de l’affaire Casque d’Or.

    13 T. Jonquet, Jours tranquilles à Belleville, Paris, Méréal, 1999, p. 44.

    14 Déposées sous la cote CB [numéro de quartier-de 77 à 80-. numéro de registre] (ainsi, les mains courantes de Charonne correspondent aux côtes CB80) aux Archives de la préfecture de police de Paris, elles sont pour le demi-siècle relativement peu lacunaires et permettraient une étude systématique.

    15 M. Lochard, Rue des Vignoles entre-deux-guerres, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, université de Paris 1, 2001, p. 78.

    16 M.-C. Blanc-Chaléard, Les Italiens de l’Est parisien. Une histoire d’intégration (1880-1960), Rome, École française de Rome, 2000. Charonne est un des deux quartiers parisiens étudiés dans cette thèse.

    17 Les déclarations portées sur la main courante semblent souvent reformulées par les policiers

    18 Soit 70 %. Cinq sont morts pendant la Première guerre mondiale dans des conditions liées au conflit et 93 lors de la suivante.

    19 Un gardien du ixe arrondissement a été tué le même jour que ses collègues du xxe, mais les modalités de son décès (il se trouvait à la fenêtre de son logement) n’ont pas fait de lui une « victime du devoir ».

    20 La relation des circonstances du décès de ces sept hommes s’appuie, sauf mention contraire, sur des documents contenus dans leur dossier.

    21 Lettre du directeur du service de recherche des crimes de guerre ennemis, ministère de la Justice, 23/12/1946.

    22 Pistolets automatiques 7,65 ou revolvers 8 mm (modèle 1892).

    23 M.-L. Patrault, La Résistance dans le xxe arrondissement, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, université de Paris 1, 2000, p. 43.

    24 Des photographies montrent qu’elles étaient plus nombreuses dans le quartier que les différentes recensions ultérieures ne le montrent. Sans doute tout inventaire de ces édifices incertains souffre-t-il de leur nature parfois provisoire au long d’événement qui ont duré une semaine.

    25 Sans doute avaient-ils une certaine difficulté à demeurer en contact avec l’arrondissement. C’est le bureau d’ordre du commissariat du xie qui a téléphoné à 12 h 25 au central téléphonique de la préfecture de police pour prévenir de l’attaque du poste de Charonne.

    26 Un rapport de la direction de la Police municipale, non daté mais vraisemblablement de début octobre 1944, mentionne des « miliciens ». Rien ne permet de le confirmer.

    27 La direction de la Police municipale a, sur-le-champ, avisé les Renseignements généraux et le cabinet du préfet. Rien dans son dossier ne permet de connaître les causes de son arrestation et de sa déportation.

    28 J. Romains, Les hommes de bonne volonté, 14, Le drapeau noir, 1937 ; sur le xxe arrondissement, où il a habité, voir surtout Les hommes…, 4, Eros de Paris, 1932.

    29 Cité par D. Tartakowsky, Nous irons chanter sur vos tombes. Le Père-Lachaise, xixe-xxe siècle, p. 97 ; ur cet apprentissage, voir p. 92-106.

    30 J.-J. Meusy (dir.), La Bellevilloise (1877-1939), Une page de l’histoire de la coopération et du mouvement ouvrier français, Paris, Créaphis, 2001.

    31 Remarquons la pertinence du choix de ce bâtiment récent, en béton armé recouvert d’un parement de briques, aux ouvertures peu accessibles et aisément défendable par des hommes mal armés pour peu que leurs assaillants ne soient pas équipés d’un armement lourd.

    32 Audition d’un gardien de la paix du xxe arrondissement par le commissaire du quartier de la Roquette, 26/8/1944.

    33 Ce qui permet d’insister sur la nature de ce corpus. Il s’agit des gardiens de la paix du xxe arrondissement considérés par leur administration comme « victimes du devoir ». Sur cette catégorie, Q. Deluermoz, op. cit., p. 503-585, notamment 519-525.

    34 Je me suis entretenu à cinq reprises avec des gardiens de la paix (en prenant garde à ce qu’il ne s’agisse pas de stagiaires ou d’adjoints de sécurité) en faction devant le commissariat de l’arrondissement, sous le prétexte de la plaque apposée à la mémoire du brigadier. Ces entretiens informels ont eu lieu début juillet 2006, afin d’éviter les effets des cérémonies commémoratives de fin août. Tous m’ont parlé (en utilisant ce mot) de l’ » insurrection », soit comme étant celle des policiers parisiens, soit à propos de leur participation à l’ » insurrection d’août 44 » où à l’« insurrection de la Libération ». Aucun n’a pu me dire ce qui s’est passé dans l’arrondissement.

    35 Sans compter celles qui évoquent les enfants déportés, qui pour la plupart ont été arrêtés par des policiers parisiens.

    36 Sur les plaques de la Libération de Paris, en attendant la thèse en cours de Nicolas Fasseur à l’université de Paris 8, voir pour le xxe arrondissement M. Pigenet, « Indices de marbre, bribes d’histoire », F. Gasnault et J.-P. Dumas (dir.), Le xxe arrondissement. La montagne à Paris, Paris, Délégation à l’action artistique de la ville de Paris, 1999, p. 168-171, et Cahiers de la Mémoire vivante du xxe, n° 3, décembre 2002, « Les plaques du souvenir 1939-1945 dans le xxe arrondissement de Paris ».

    37 Dans une brochure publiée quelques semaines après les événements, alors que pour d’autres arrondissements (notamment le quatrième) le rôle des policiers est largement pris en compte, il n’en est pas question dans le passage consacré au xxe, G. Fronval, Paris brise ses chaînes ! Épopée des 20 arrondissements et de la banlieue dans les journées du 19 au 25 août 1944, Paris, 1944 [texte daté du 28 septembre], p. 27.

    38 Voir à ce sujet S. Roché, Police de proximité. Nos politiques de sécurité, Paris, Le Seuil, 2005, 309 p.

    39 Un seul habitait du mauvais côté d’une rue délimitant deux quartiers, mais à moins de 500 mètres de son poste.

    40 Q. Deluermoz, op. cit., p. 107-108 et 389.

    41 Une approche rapide des 141 dossiers permet de caractériser comme exceptionnel ce cas d’hérédité professionnelle.

    42 30 des 141 sont nés à Paris (plus d’un sur cinq), et quatre autres dans le département de la Seine. Un dans le xive et deux dans le xviiie, tous morts après la Libération, exerçaient dans l’arrondissement de leur naissance.

    43 La femme du natif des Ardennes, elle-même née dans la Creuse.

    44 Des gardiens parisiens morts pendant l’insurrection, le plus jeune avait 23 ans, le plus âgé 47 ans, et l’âge médian se situait à 36 ans.

    45 D. Monjardet, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, La Découverte, 1996, p. 38.

    46 M.-L Patrault., op. cit., p. 42.

    47 En revanche, j’ai préféré ne pas détacher comme un groupe spécifique les neuf sous-brigadiers. Le caractère administrativement incertain de ce grade, qui n’était pas mentionné sur les fiches de carrière, a motivé ce choix. Il est celui de l’institution lorsqu’elle présente ses « victimes du devoir » dans divers documents.

    48 J.-M. Berlière, op. cit., p. 675. Cette comparaison ne donne qu’un ordre d’idées, et il conviendrait bien sûr de connaître le rapport précis du nombre des brigadiers et de celui des gardiens dans les commissariats d’arrondissement.

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    Format

    Chevandier, C. (2008). Gardiens de la paix d’un arrondissement populaire. In J.-M. Berlière, C. Denys, D. Kalifa, & V. Milliot (éds.), Métiers de police. Rennes: Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.4358
    Chevandier, Christian. « Gardiens de la paix d’un arrondissement populaire ». In Métiers de police, édité par Jean-Marc Berlière, Catherine Denys, Dominique Kalifa, et Vincent Milliot. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2008. doi:10.4000/books.pur.4358.
    Chevandier, Christian. « Gardiens de la paix d’un arrondissement populaire ». Métiers de police, édité par Jean-Marc Berlière et al., Presses universitaires de Rennes, 2008, https://doi.org/10.4000/books.pur.4358.

    Référence numérique du livre

    Format

    Berlière, J.-M., Denys, C., Kalifa, D., & Milliot, V. (éds.). (2008). Métiers de police. Rennes: Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.4324
    Berlière, Jean-Marc, Catherine Denys, Dominique Kalifa, et Vincent Milliot, éd. Métiers de police. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2008. doi:10.4000/books.pur.4324.
    Berlière, Jean-Marc, et al., éditeurs. Métiers de police. Presses universitaires de Rennes, 2008, https://doi.org/10.4000/books.pur.4324.
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