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  • Les moyens de la vie spirituelle
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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Lieux d’Église au service du clergé mobilisé Le soutien mutuel Les lectures des ecclésiastiques mobilisés La célébration de la messe Les fêtes chrétiennes Les moyens de la dévotion La prière à la Vierge et aux saints Notes de bas de page

    Prêtres soldats dans la Grande Guerre

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Les moyens de la vie spirituelle

    p. 175-228

    Texte intégral Lieux d’Église au service du clergé mobilisé Le soutien mutuel Les lectures des ecclésiastiques mobilisés La presse Les livres La célébration de la messe Les fêtes chrétiennes Les moyens de la dévotion Le bréviaire La prière devant le Saint Sacrement Le chapelet Reliques, insignes et médailles Pèlerinages Retraites spirituelles La prière à la Vierge et aux saints Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Abordant la vie spirituelle des clercs mobilisés, nous allons évoquer ici les moyens qui vont la favoriser, les moyens matériels, tels les cercles militaires catholiques et les ouvrages dont les soldats peuvent disposer, et ceux qui sont de nature plus spirituelle, offices religieux ou livres de prière.

    Lieux d’Église au service du clergé mobilisé

    2Dans les villes de garnison, il n’y a plus d’aumônerie militaire à l’intérieur des casernes, mais il existe de nombreux cercles catholiques pour accueillir les soldats1. C’est le cas, dans l’Allier, à Montluçon, où est habituellement stationné le 121e RI. On trouve même mention de deux lieux : un cercle sur la paroisse Notre-Dame et un « foyer du soldat » en Ville-Gozet2, moins éloigné de la caserne. Se rendant au Cercle Notre-Dame, en octobre 1916, Louis Allot y trouve une dizaine de soldats qui écoutent une conférence de l’un d’eux, séminariste à Saint-Sulpice3. Il y rencontre aussi un Père bénédictin avec lequel il dit espérer parler de liturgie et de chant grégorien. C’est chez les Pères maristes du collège Saint-Joseph que Pierre Martinet se rend, en février 1916, pour écouter un prêtre d’Arras. D’après lui, c’est l’abbé Edmond Müller (1878-1932), directeur des œuvres ouvrières à Montluçon, qui a organisé les premières réunions. À Clermont-Fd., la maison du soldat est située 11, rue Bansac, dans un quartier proche de l’église Notre-Dame du Port. Louis Allot note :

    Il y a une petite chapelle près des salles du cercle militaire où on y rencontre prêtres, séminaristes, laïcs. (Allot 8, 27 juin 1917.)

    3Stationné à Clermont, en octobre 1914, Léon Côte notait que, dans cette chapelle, le Saint Sacrement était conservé et qu’il y célébrait la messe chaque jour. Dans une lettre postérieure de quelques mois, on apprend qu’il a même la chance d’y loger et d’y accueillir certains de ses confrères :

    Le soir, il est maintenant de tradition que nous nous retrouvions tous dans la chambre que j’occupe au Cercle. C’est un bon moment, trop court malheureusement, que nous passons ainsi à deviser et à nous encourager mutuellement. Je suis heureux de pouvoir rendre service à mes confrères, pour leurs messes, pour leurs repas, et quand j’ai leur présence, j’oublie les heures d’ennui et je me sens moins seul. (Côte 3, [février 1915].)

    4Armand Fleurat apprécie beaucoup, lui aussi, de fréquenter le Cercle :

    Dans sa bonté, Dieu a permis que je puisse venir au Cercle tous les soirs où je trouve des amis avec lesquels je puis causer de choses sérieuses ou tout au moins de choses intéressantes et honnêtes tandis qu’à la caserne pour éviter les grossièretés, je suis constamment obligé de causer de choses banales. […] Enfin et surtout je trouve ici Notre-Seigneur dans la petite chapelle où il réside continuellement. […] (Fleurat 1, Clermont, 14 septembre 1914.)

    5À Lyon, les lettres mentionnent surtout le Cercle militaire de La Part-Dieu tenu par l’abbé Pech. Paul Pelletier, qui signale aussi les réunions qui se tiennent au Cercle du soldat de Bron4, évoque les activités de celui de La Part-Dieu5 :

    Deux fois par semaine, nous allons à La Part-Dieu : le mardi et le vendredi. Le mardi, il y a conférence sur un sujet historique, littéraire ou autre, par un professeur de l’Université catholique : Mgr Lavallée, MM. Tixeront, Jacquier, Aguettant, ont parlé tour à tour6. Le vendredi, il y a conférence spirituelle : on nous a parlé tout le mois dernier de la charité, avec une conviction, une piété, une onction, merveilleuses… (Pelletier 5, 2 juillet 1917.)

    6Jacques Pierre dit également s’y trouver très bien :

    La proximité de la maison militaire de Monsieur l’abbé Pech m’attire et j’en fais le plus possible « ma maison ». On est si bien loin du bruit du monde ! (J. Pierre 55, 7 mars 1918.)

    7Auguste Saulnier, envoyé en formation à la caserne de La Part-Dieu, se réjouit de pouvoir s’y rendre régulièrement :

    Chaque soir, je vais pouvoir aller au cercle militaire où Monsieur l’aumônier laisse une salle spéciale à la disposition des séminaristes7. J’ai pu rester ce soir un bon moment aux pieds du Maître, ce dont j’étais privé depuis 8 jours. (Saulnier 10, 10 octobre 1916.)

    8Bien qu’envoyé à Cusset, à 4 km de Lyon, il continue à fréquenter le Cercle :

    Nous avons toujours au Cercle une conférence sacerdotale tous les vendredis et même une autre conférence presque toutes les semaines faite ordinairement par un professeur des facultés catholiques. Nous avons entendu cette semaine l’abbé Tixeront, le 19 juin, nous entendrons M. l’abbé Jacquier. (Saulnier 22, Lyon, 10 juin 1917.)

    9À Besançon, un Cercle Sainte-Geneviève est installé 19, rue Mégevand, à proximité du séminaire et de l’église Saint-Maurice. Chaque soir, il y a bénédiction du Saint Sacrement. Comme l’explique Gaston Vérillaud, il a été ouvert au cours de l’année 1915 :

    Ce cercle d’où je vous écris a été ouvert spécialement pour les prêtres mobilisés à Besançon, il y en a près de 200. Je ne vous en avais jamais parlé car il n’existait pas lors de mon dernier séjour ici au mois de mars. Il est juste en face de ma caserne (qui était jadis le grand séminaire de Besançon) et j’y passe tous mes moments libres. Malheureusement ils ne sont pas nombreux. (Vérillaud 7, 15 août 1915.)

    10Outre les cercles catholiques pour soldats8, les prêtres et séminaristes sont généralement bien reçus dans les grands séminaires qui existent alors dans toutes les villes épiscopales. Souvent, ils y trouvent un prêtre directeur qui accepte de leur assurer un accompagnement spirituel et, parfois, le supérieur met une chambre à leur disposition pour qu’ils puissent s’y retirer dans le calme pour étudier et prier, loin de l’agitation de la caserne. Le séminaire d’Orléans est un bon exemple :

    Nous sommes plusieurs séminaristes qui pouvons-nous retrouver ensemble au séminaire. Monsieur le supérieur est bien bon pour nous et il met à notre disposition une salle spéciale. Il nous donne même une chambre quand nous le demandons et nous invite à la table des séminaristes tous les dimanches et aussi dans la semaine quand nous le voulons ; de temps en temps, il y a une lecture spirituelle, mais elles sont très rares pour le moment, et je n’ai qu’une fois la joie d’y assister. Elle nous est faite par un de MM. les directeurs, prêtre de Saint-Sulpice, qui est très intéressant et qui nous fait beaucoup de bien.
    Tous les dimanches, il y a le matin à 7 h 1/2 une messe de communion pour nous tout spécialement et à laquelle nous pouvons assister avec une permission de sortie qui nous est accordée facilement le dimanche matin surtout quand la demande est faite avec le motif. (Saulnier 25, 30 juillet 1917.)

    11Joseph Besson mentionne le bon accueil de M. Pourrat, sulpicien, au séminaire de philosophie de Lyon-Francheville. Paul Baron, mobilisé en Avignon, ajoute que l’économe l’a invité à prendre ses repas au séminaire lorsqu’il le pourra. Jean Chacaton, en convalescence au Mans après une grave blessure à la mâchoire, est très bien accueilli par le supérieur du séminaire du lieu, l’abbé Boudet. Celui-ci lui ouvre une chambre et lui offre de prendre ses récréations avec les séminaristes et même d’assister aux cours. Il lui propose même de faire de la pastorale en l’aidant comme secrétaire dans l’administration de la conférence Saint-Vincent-de-Paul dont il s’occupe. Il l’invite à rencontrer l’évêque du Mans en compagnie des séminaristes du diocèse et fait bon accueil à Albert Martenot de passage dans la ville.

    12Quoique bien reçu par le supérieur du séminaire d’Albi, Jean Thomas ne tarde pas à s’en montrer mécontent :

    Depuis mardi dernier, cher Père, j’ai quitté Albi, je vous avoue que cela ne m’a guère peiné de quitter le séminaire, non, ce n’est plus le même genre qu’à Moulins, je préfère de beaucoup le nôtre, les séminaristes soldats qui viennent à Moulins doivent se trouver bien plus à l’aise. J’ai vu une seule fois M. le supérieur, et le jour de Noël, jour où j’ai pu communier, je suis arrivé à 9 h au séminaire, j’ai demandé pour déjeuner, alors on m’aurait presque refusé, puis, quoique très enrhumé, on m’a donné des pois froids avec une saucisse ! ! (Thomas 2, 3 janvier 1915.)

    13À plusieurs reprises, les lettres mentionnent comment les évêques des villes où ils séjournent ont tenu à les recevoir. C’est le cas de Mgr Le Fer de la Motte (Nantes) :

    Dimanche, communion solennelle et confirmation ; nous (séminaristes et novices soldats) avons été présentés à Mgr Le Fer de la Motte qui nous a adressé un mot d’encouragement. (Chacaton 85, Ancenis, 6 mai 1917.)

    14Joseph Chautard, stationné à Sens, est reçu à l’archevêché, à l’occasion d’une visite de Mgr Penon, évêque de Moulins ; il est très heureux d’avoir été invité à « prendre le café avec leurs Grandeurs ». Isidore Lafaye signale la visite de Mgr Gauthey, archevêque de Besançon, à l’aumônerie de la caserne de Belfort, où il se trouve :

    Nous avons reçu, il y a une huitaine de jours, la visite de Mgr Gauthey, archevêque de Besançon ; ce jour-là, nous nous sommes trouvés à l’aumônerie 60 prêtres ou séminaristes. Mgr nous a surtout parlé de la dévotion au Sacré-Cœur, dont il s’est fait l’apôtre et le propagateur puisqu’il a écrit un ouvrage sur ce sujet9. Il y a eu à la cathédrale de Belfort le jour de la fête du Sacré-Cœur une cérémonie solennelle sur l’initiative de Mgr Gauthey, l’assistance était également très nombreuse. (I. Lafaye 14, Belfort, 18 juin 1917.)

    15Il en est de même de Jean-Marie Taillardat, qui est à Aubervilliers :

    Nous avons eu il y a huit jours la visite de Mgr Amette10 même à Aubervilliers pour nous entretenir au nom du Saint-Père et en son nom personnel de nos devoirs et obligations à l’heure présente ; dans sa causerie il a été très paternel, très affectueux également, il nous a laissé comme souvenir le portrait du Saint-Père. (Taillardat 5, Aubervilliers, 26 avril 1915.)

    16Dans l’immense majorité des cas, les curés accueillent très bien les prêtres et séminaristes stationnés dans leur paroisse. C’est parfois d’un grand réconfort pour ceux-ci, comme dans le cas de Valéry Peyroux à Cosne-sur-Loire. Il en est de même des religieuses. Donnons-en quelques exemples.

    Je suis l’enfant gâté de bonnes religieuses, Filles de la Sagesse, du bienheureux Grignion de Montfort. Il m’est bien doux de pouvoir m’entretenir avec ces saintes âmes. Elles m’ont donné le traité De la vraie dévotion à la Sainte Vierge de leur bienheureux. (Larbaud 20, 29 mars 1916.)

    Monsieur le curé est toujours d’une grande bonté à mon égard, me recevant chaque dimanche à sa table ; c’est un saint prêtre, comme le Maître sait m’en réserver dans mon exil. Le vendredi de chaque semaine, le vaillant pasteur réunira à partir de demain séminaristes, religieux, prêtres soldats dans son salon pour leur adresser le petit mot du Bon Dieu. (Chacaton 82, Ancenis [Loire-Atlantique], Ascension 1917.)

    La paroisse est dirigée par un prêtre excellent, qui n’a qu’un désir : faire du bien aux soldats et se mettre à la disposition de tous. Auprès de lui, on croit pendant quelques instants retrouver la douceur de chez soi familier et l’on peut faire pour les jours à venir provision de courage, de forces. (Côte 11, Hadol [Vosges], 20 janvier [1916].)

    Je suis chez M. le doyen de Rabastens. Il y a avec moi trois autres séminaristes dont Bernadat. Nous sommes chez lui, comme des enfants, nous restons dans son salon, nous mangeons avec lui, et de plus il va nous faire blanchir notre linge. Même j’ai quelque espérance de pouvoir coucher au lit. Comme le commandant est très catholique, M. le doyen va lui demander la permission de coucher à part. Moi je suis logé sur la paille bien entendu, dans un patronage, au 3e étage, il y a le logement de l’abbé actuellement au feu11. Alors M. le doyen a trouvé 4 lits et si le commandant permet, nous pourrons coucher tous les soirs au lit. Pourtant cela me paraît trop beau et je n’ose espérer. (Thomas 2, Rabastens [Tarn], 3 janvier 1915.)

    17À Taulignan (Drôme) ou Castelnaudary (Aude), les curés se montrent très heureux de la présence de séminaristes et les mobilisent pour la liturgie. En contrepartie, ils les reçoivent volontiers au presbytère. Dans les villages à l’arrière du front, les habitants doivent loger les soldats et, généralement, la hiérarchie envoie les prêtres ou séminaristes loger au presbytère. Henri Busserolles, stationné dans un village de Champagne, partage le sort d’un prêtre réfugié :

    Pour mon compte, j’ai la bonne fortune d’être logé au presbytère et d’être pour ainsi dire constamment en la compagnie d’un saint curé du diocèse de Châlons, bon vieux curé (72 ans) dont la paroisse est entièrement détruite et qui s’est réfugié ici ne possédant rien à lui, vivant dans les meubles de son prédécesseur mort au début de la guerre. (Busserolles 39, 19 février 1918.)

    18Parfois le curé est tout heureux de bénéficier de l’aide d’un prêtre soldat alors que son vicaire a été mobilisé, aussi l’emploie-t-il tout autant. C’est le cas de l’abbé Malvielle stationné à Vaucouleurs (Meuse).

    Les fêtes de Pâques, malgré l’éloignement des miens, m’ont été bien douces cependant, une liberté relativement grande m’a permis d’assister à tous les offices de la Semaine Sainte et du jour de Pâques. Étant pour ainsi dire vicaire ici, comme plus ancien arrivé – 5 mois au 30 mars ! – M. le doyen m’a fait chanter la grand-messe pour les Rameaux, dire les messes de communion du jeudi saint et de Pâques, présider plusieurs cérémonies et bénédictions, chanter aux ténèbres les Lamentations de Jérémie, etc., faire aussi plusieurs baptêmes… et invité à dîner à sa table le jour de Pâques. (Malvielle 18, 8 avril 1915.)

    19Le curé de Pierrefonds (Oise) s’ingénie à donner la plus grande solennité à la première messe de l’abbé Tronel :

    Dimanche dernier, en l’église de Pierrefonds j’ai eu le bonheur de dire ma première grand-messe solennelle. M. le curé de la paroisse dans sa joie de voir un jeune prêtre dire cette messe dans sa belle église, n’a rien épargné pour donner à cette cérémonie l’éclat et le décorum qu’elle comporte ordinairement. Il a magnifiquement orné le bel autel de la grande nef, préparé des chants et des cantiques de circonstance pour le chœur des jeunes filles qui d’ailleurs les ont exécutés parfaitement. Il a en outre donné un très beau sermon sur le sacerdoce et la guerre – un peu élogieux à mon endroit – devant une assistance des plus nombreuses, composée des fidèles de la paroisse, des soldats et d’une grande partie des officiers du 121. M. l’abbé Martin me servait à l’autel ceint de l’étole diaconale. Vraiment ce fut une cérémonie imposante qui a surpassé mon attente. Pour parfaire ma joie, il ne manquait que l’assistance des miens. À 3 h, j’ai présidé les vêpres et donné le salut du T.S.S.12 pour rendre la fête complète, M. le curé nous a reçus, M. Martin et moi, et d’autres prêtres soldats, de la façon la plus hospitalière chez lui. […] (Tronel 19, 5 octobre 1915.)

    20Outre le curé, il y a généralement au presbytère quelques membres de sa famille, souvent sa mère et/ou sa sœur, qui tiennent son ménage, ou bien une servante. Ces dames, souvent, sont pleines d’attentions pour le prêtre soldat de passage.

    Ici, je suis toujours de mieux en mieux, aux bons soins de la tante Mélie, la servante de M. le curé [de Bussang], chez qui je couche. Tous les soirs, je fais un repas supplémentaire à sa cuisine, elle a toujours quelque chose de bon à me faire manger13.

    21Il y a néanmoins des curés14 qui se montrent moins accueillants. Armand Fleurat mentionne l’un d’eux qui se plaint que les prêtres soldats célébrant la messe dans l’une des églises qu’il dessert consomment trop de bougies. Au détour d’une phrase, l’abbé G. Malvielle laisse entendre que, parfois, l’accueil réservé aux prêtres-soldats est plutôt frais :

    De temps en temps, par période de six jours, nous allons prendre un peu de repos et là, malgré les curés des villages meusiens qui ne nous reçoivent jamais en bons confrères […], je puis dire ma messe et réunir à l’église mes chers soldats : c’est une consolation au milieu de tant d’épreuves. (Malvielle 23, 1er août 1916.)

    22Ce sont des curés de la région de Châlons qui font les frais de la plume de l’abbé Philippon, à cause de leur méfiance :

    Pour le moment, je suis au repos dans un petit village, où il y a une belle église, mais le curé qui est doyen, et même chanoine honoraire de Châlons, nous facilite très peu la célébration de la messe. […] Véritablement, le clergé de ce diocèse est peu intéressant, car maintenant nous avons affaire à un curé suffragant de notre ancien doyen. Mais cela ne vaut pas son supérieur, car il fait des difficultés pour nous prêter les ornements de sa sacristie, il a été jusqu’à emporter chez lui certaines choses indispensables comme les burettes, etc., nous avons dit nos messes en nous servant de deux litres comme burettes. (Philippon 15, samedi 22 juillet-lundi 24 juillet 1916.)

    Le soutien mutuel

    23L’éducation dans les séminaires aurait pu encourager l’isolement. Le silence était de règle, hormis durant les temps de récréation, eux-mêmes strictement encadrés. Les visites dans les chambres étaient interdites, sauf autorisation d’un directeur spirituel. Cependant, placés dans les dures conditions de la guerre, les prêtres et séminaristes bourbonnais développent les relations entre eux. Très fréquemment, les lettres adressées à l’abbé Giraud servent à leur expéditeur à donner des nouvelles de ses confrères qu’il a pu rencontrer. Fréquemment, apprenant qu’un autre prêtre ou séminariste du diocèse, d’une autre unité, est stationné à quelques kilomètres, on les voit emprunter une bicyclette pour aller le rencontrer. Au début de la guerre, plusieurs se sont tournés vers l’abbé Giraud pour lui demander les unités d’affectation de leurs camarades et les lettres du supérieur servent à cet échange de nouvelles. On constate aussi qu’il existe une forte solidarité entre les séminaristes issus de Commentry15, petite cité minière qui est, à cette époque, une pépinière de vocations.

    J’ai vu pendant 8 jours MM. Vichy, Busserolles et Nicolaon car mon régiment a combattu alors avec le 98. La société de ces bons amis m’a été particulièrement réconfortante. Tous allaient très bien mais M. Nicolaon se laisse trop envahir par de noires idées. Je l’ai rassuré de mon mieux. Chez lui l’espérance n’est pas très grande. (Tronel 5, 1er novembre [1914].)

    24Des amitiés se sont nouées au séminaire, que révèle la correspondance. Paul Baron écrit de Valéry Peyroux qui vient de mourir :

    Je perds en lui, vous le savez, le camarade de toute ma jeunesse et mon meilleur ami. Nous nous sommes toujours aimés beaucoup et jamais je ne pourrai le remplacer. (Baron 29, 1er juillet [1917].)

    25Dans les mêmes circonstances, Joseph Besson témoigne de tout ce que Bernard de Montlaur lui a apporté :

    La mort de Bernard de Montlaur m’a aussi beaucoup affecté. Je l’ai apprise par l’Action française qu’il m’avait appris à aimer ; j’avais été son condisciple pendant mes cinq années de petit séminaire. Ensemble nous avons passé notre examen à Clermont-Ferrand en octobre. […] Au grand séminaire, pendant ma philosophie – je dois vous demander pardon de cette infraction – il nous est arrivé de faire la causette ensemble. J’aimais en lui son intelligence, l’expression d’une souffrance intime que révélaient ses traits, surtout sa piété. Je sais les visites personnelles qu’il faisait à Notre Seigneur dans la petite chapelle du Sacré-Cœur. Que de fois il m’a édifié par son attitude pendant la prière au commencement et à la fin des classes. Pour moi il a été apôtre sans le savoir. (Besson 23, 9 août 1916.)

    26L’abbé Jean Vichy se montre très affecté de la mort du séminariste Joseph Gilbert :

    Vous ne sauriez croire toute la douleur que j’ai éprouvée et que j’éprouve encore à l’annonce de la mort de ce cher Joseph Gilbert que j’aimais comme un frère. C’est la plus grande peine que j’ai éprouvée depuis le commencement de la campagne. Jour et nuit j’y pense et je revois en imagination ce cher ami couché sans vie sur un champ de bataille. Le 1er août, il était venu dans ma chambre à Saint-Paul16 et nous nous sommes dit au revoir au ciel ; nous disions aussi en riant : on se racontera là-haut comment on a été tué. Vous voyez que nous avions raison. (Vichy 16, 7 décembre 1914.)

    27Jean-Baptiste Monat écrit de Joseph Vexenat, très gravement malade :

    Merci de m’avoir donné des nouvelles de Joseph Vexenat. Je lui avais demandé plusieurs fois de me donner de ses nouvelles. Pauvre Joseph ! Je pense bien à lui et j’aurais bien aimé apprendre une amélioration de sa santé. (Monat 43, 16 mars 1915.)

    28Le séminariste René Saunier reçoit les encouragements de l’abbé Pinceton venu le visiter, qui lui donne des conseils pour se fortifier dans la sainteté17. Antoine Roussat apporte un soutien quotidien à Justin Lacoutière hospitalisé à Bar-le-Duc et qui a besoin d’encouragements.

    29La solidarité déborde naturellement les frontières du diocèse. Les prêtres présents dans une même unité, quoique de diocèses différents, ressentent entre eux une communauté de sentiments qui conduit à une certaine fraternité. Maxime Augiat noue des relations avec un prêtre de Bourges :

    Nous tâchons par nos conversations d’entretenir en nous l’amour de Jésus ; […] le temps passe très rapidement et le danger disparaît à nos yeux ; quelquefois les obus pleuvent et tranquillement, au lieu de descendre dans une cave, nous restons dans la chambre à continuer notre conversation. Souvent nous parlons de ces pauvres âmes qui, à chaque instant, paraissent au tribunal de Dieu ; qu’il est dur de voir s’éloigner de la terre des âmes de chrétiens qui, trop souvent hélas, ont oublié leur Dieu ; oh, comme il faut prier pour ces pauvres soldats, ils ne pensent à rien, ils ignorent qu’ils ont une âme et quelquefois quand on leur parle, de Jésus, de leur âme, de la mort, de l’enfer, ils sont tout étonnés et il semble que jamais ils n’aient entendu parler de ces choses-là, pauvres malheureux, qu’ils ont besoin de prières ! Et après la guerre, quel travail pour les prêtres et aussi quelle sainteté il leur faudra ! (Augiat 4, 15 février 1915.)

    30À la caserne, les séminaristes mobilisés se rapprochent, rompant ainsi avec les conversations malsaines qu’ils entendent :

    [Votre lettre], je l’ai lue et relue et mon âme a éprouvé un grand réconfort d’entendre le mot de Notre Seigneur. J’en avais bien besoin, mon bien cher Père, car cette joie à la caserne ne nous est pas accordée souvent tandis qu’à tout instant on a la douleur d’entendre des blasphèmes ou des paroles immorales. […]
    J’ai reçu hier une lettre d’Isidore Lafaye dont l’épreuve me semble autrement dure ; malgré tout, nous avons ici la joie d’être quatre séminaristes ensemble ; d’autre part, il y a quelques excellents jeunes gens, les uns de bons chrétiens, les autres au moins convenables. (Saulnier 5, Vaulx-en-Velin, 12 septembre 1916.)

    31Souvent, comme on l’a vu, les aumôniers réunissent prêtres et séminaristes, ce qui les aide à développer des liens entre eux. J.-B. Monat écrit :

    Je vous envoie la photographie de la petite communauté que forment les religieux et séminaristes soldats du 3e bataillon [du 105e RI]. (Monat 45, 29 mars [1915].)

    32Cependant, les clercs bourbonnais qui écrivent à l’abbé Giraud se montrent très attachés à leur séminaire. Ils se promettent d’y faire une visite lors de leurs permissions. Ce n’est pas toujours possible, car leur premier devoir les emmène naturellement vers leur famille et ils n’ont pas toujours la possibilité de marquer un arrêt prolongé à Moulins. En tous cas, ils disent unanimement prier pour leurs camarades au moment de la rentrée du séminaire et à l’époque des ordinations. Georges Blanchet marque bien le contraste entre la vie au séminaire et celle dans le monde :

    Pour la plupart, le séminaire est un petit paradis. Nous y servons Dieu sans difficulté. Notre âme s’y développe sans contrainte. L’Esprit agit en nous et autour de nous, rayonnant toutes les vertus. Le service militaire a été pour moi le premier apprentissage du monde et le premier contact avec les difficultés, auxquelles se heurte dans la vie toute âme qui veut n’être qu’à Jésus. (Blanchet 16, 20 janvier 1916.)

    33Jean Chacaton y voit un lieu de ressourcement, où puiser des forces pour la lutte de la vie :

    Qu’est-ce que le séminaire, si ce n’est le lieu où nos âmes se trempent pour les luttes à venir, luttes d’amour, exclusivement d’amour, mais pour lutter il faut des forces, et ces forces se puisent dans la solitude, la vie très intime de l’âme et du Maître, c’est-à-dire la pratique de toutes les vertus, surtout de cette obéissance qui fait germer dans les âmes l’humilité, jardin qui contient toutes les « fleurs » de nos âmes. (Chacaton 8, 2 octobre 1915.)

    34L’impression que ressent Edmond Micard est assez proche :

    Le séminaire est bien souvent présent à ma pensée. Là au moins, tous nous vibrons aux mêmes espérances, nous travaillons pour le même but, nous employons les mêmes moyens spirituels. (Micard 1, 28 juillet 1914.)

    L’esprit bien distrait souvent des tristes événements qui se déroulent, ma pensée ne quitte presque jamais le lieu béni dont le souvenir m’est bien cher, ainsi que les chers camarades que j’espère y revoir un jour. (Micard 84, vendredi 9 avril [1915].)

    35Alphonse Tronel pose bien la différence entre la fraternité entre séminaristes et celle entre soldats :

    Que de fois je soupire après le retour auprès de vous, de nos chers maîtres ! Certes ici j’ai de bons camarades qui adoucissent par leur amabilité à mon égard la rigueur de mon existence, mais néanmoins la charité entre nous est loin d’être celle du séminaire parce que ce n’est plus le même idéal, les mêmes appréciations. L’amour de la Patrie nous unit ; là-bas, il y a plus, il y a un autre, celui de Jésus, c’est dire beaucoup. Enfin je patiente : l’essentiel, n’est-il pas vrai, est que je revienne vers vous, malgré la longueur de l’absence. (Tronel 9, 5 janvier 1915.)

    36Durant la Semaine Sainte 1915, alors qu’il est au front, c’est la pensée du séminaire qui soutient l’abbé Jacques Pierre :

    Ces longues prières où le corps se fatiguait mais où l’âme puisait des forces pour aimer Jésus toujours plus. (J. Pierre 21, lundi 24 avril 1915.)

    37Antoine Roussat nous apprend que, lors du passage de certains prêtres ou séminaristes à Moulins, l’abbé Giraud organisait une réunion de la communauté du séminaire pour entendre leurs impressions sur la guerre :

    [Justin Lacoutière] m’a longuement parlé de la campagne. Ses souvenirs sont aussi impressionnants que ceux que Léon Berthon évoquait devant la communauté présidée par Mgr sous le marronnier de l’esplanade, par une belle soirée d’octobre dernier. (Roussat 8, Bar-le-Duc, 25 mai 1915.)

    38Marcel Lépée et Henri Larbaud, revenus au front, rendent grâces à l’abbé Giraud de son accueil et de l’accompagnement spirituel dont il leur a fait bénéficier durant leur visite au séminaire :

    Mon passage au grand séminaire a valu une retraite de plusieurs jours. Vous avez été, comme à l’ordinaire, si bon pour moi, et j’aime tant me plonger dans le souvenir des deux années qui resteront les meilleures de ma vie. Toute ma permission a été très bonne, passée, je puis le dire, aux pieds de Notre Seigneur, dans l’union la plus étroite avec Lui. (M. Lépée 26, 24 août [probablement 1916].)

    Voilà près de 15 jours que je vous ai quitté et il me semble que je suis encore auprès de vous, tellement notre dernier entretien m’a été doux et réconfortant, tellement vos paroles, d’un père tout affectueux, ont fait du bien à l’âme de votre fils. (Larbaud 17, 16 janvier 1916.)

    39Alphonse Petitjean se sent soutenu, dans sa captivité, par le souvenir de l’affection dont l’abbé Giraud témoignait pour ses séminaristes partant à la guerre :

    Père bien aimé, vous me rappelez nos adieux à la gare de Moulins. Le souvenir ne s’en effacera pas pour moi. Je vous revois encore sur le quai, au départ, le long regard que vous m’adressiez, et qui me disait tant de choses, toute votre affection, toute notre vie où vous fûtes tout pour moi, un père plein de sainte tendresse et où je m’efforçais de vous montrer toute mon affection de fils, puis ce regard me parlait de Jésus, du ciel et de Marie, il me redisait tout ce qu’ils furent pour moi, tout ce que je leur dois et en face de l’avenir sombre, vous me disiez : Courage, confiance, espoir ! J’évoque souvent le souvenir de cette minute suprême, et chaque fois, c’est la même émotion ! (Petitjean 15, Villingen, 18 janvier 1915.)

    40René Saunier pense à son retour au séminaire et estime qu’alors, il sera différent :

    Nous nous y voyons déjà plus homme, plus mûri, plus désireux de nous donner à Jésus, plus avide de la Vérité, de la Lumière, de l’Amour. Avec de telles pensées, comment être triste et comment s’apercevoir que l’on souffre ! (Saunier 16, 20 août 1917.)

    41Les liens spirituels avec le séminaire sont réciproques. En effet, des lettres nous indiquent indirectement que l’abbé Giraud avait institué au séminaire une prière à Notre-Dame du perpétuel secours18 en faveur des prêtres et des séminaristes mobilisés. Jules Nicolaon, quant à lui, prie pour la communauté :

    Ce retour le reverrai-je ! ! Dieu seul le sait, mais je dois affirmer que souvent déjà je n’aurais plus dû y songer. Dieu m’a sûrement protégé. C’est à vos bonnes prières certainement que je dois cette faveur. Je vous en remercie. En échange, j’offre pour vous et tout ce cher séminaire des chapelets. Malgré mon indignité, ils seront peut-être méritoires, car ils sont accompagnés de tant de fatigues. (Nicolaon 2, 28 octobre 1914.)

    42L’importance de la correspondance étudiée ici témoigne, en creux, de celle que revêtaient les lettres de l’abbé Giraud qui écrivait à certains séminaristes chaque semaine. Malheureusement aucune de ces lettres n’a été conservée19. Nombre d’attestations disent combien elles étaient appréciées de leurs destinataires. Pour Henri Busserolles, elles constituent même l’un des modes de présence de Jésus auprès d’eux :

    Ces lettres sont si bonnes et ce « mot de Jésus » que vous aimez à nous dire, que nous attendons chaque fois, est pour nous si plein de grâce : c’est un renfort de munitions contre les ennemis de nos âmes. Car, pas plus que les autres, moins que les autres, ces ennemis-là consentent à désarmer. Il faut même parfois contre eux soutenir de durs assauts. Mais, avec Jésus, la victoire vient toujours, et Jésus ne nous fait pas défaut ; nous l’avons par vos lettres et d’autres lectures pieuses, nous l’avons par la méditation, quoique bien souvent faite avec distraction ; nous l’avons par la prière, par le saint office, nous l’avons surtout par la sainte messe et la sainte communion. (Busserolles 18, 3 juin 1915.)

    43Jean-Marie Taillardat relit les lettres de l’abbé Giraud pour nourrir ses méditations. Henri Larbaud y trouve une attestation de la miséricorde divine et un encouragement pour sa vocation :

    Maintenant, ne parlons plus de mes fautes passées. J’en ai un grand repentir, car j’aurais dû puiser dans l’amour tout intime avec le divin Maître toutes les forces capables de résister au monde qui semblait m’entraîner avec lui. Malgré cela, mon Père, comme vous le dites dans votre dernière lettre, Jésus m’aimait jusque dans ces circonstances, tellement qu’il n’a pas voulu que je tombe. Et pourtant, à la caserne, on peut être facilement exposé à perdre sa vocation. Si, au contraire, j’ai conservé ma vocation sacerdotale plus affermie que jamais, c’est que Notre Seigneur me réservait pour lui. Je le dois certainement, mon Père, à vos bonnes prières. (Larbaud 4, Roumazières, 30 mai 1915.)

    Vous ne pouvez croire combien vos lettres m’encouragent et me font du bien, elles me montrent tout l’attachement profond que vous me portez, mais en retour, vous avez en moi le fils le plus confiant, le plus aimant, à qui il tarde de revenir avec vous, dans ce cher séminaire, pour se préparer à devenir le prêtre, le vrai saint prêtre de Jésus. (Larbaud 10, 20 juillet 1915.)

    44Auguste Saulnier et Jean-Marie Taillardat nous révèlent que, dans ses lettres et ses entretiens, l’abbé Giraud prêche aux séminaristes l’amour de Jésus :

    Vous me parlez du bonheur de ceux qui aiment Jésus et qui se sentent aimés de lui. Oui, vraiment, il n’y a que cela qui compte ici-bas, il n’y a que cela qui puisse consoler et fortifier dans l’épreuve. L’amour du Maître rend tout possible et la croix elle-même est une chose bien douce quand on songe que c’est surtout à ceux qu’il aime que Jésus l’impose. (Saulnier 8, 4 octobre 1916.)

    Quand reviendra pour moi l’occasion de vous entendre de nouveau me parler de Notre Seigneur, de l’amour parfait que je dois lui donner, de Notre Mère ? (Taillardat 12, 29 décembre 1915.)

    Les lectures des ecclésiastiques mobilisés

    La presse

    45À de nombreuses reprises, les soldats disent l’importance que revêt pour eux l’envoi de la Semaine religieuse du diocèse de Moulins qui représente un lien concret avec le diocèse20. C’est bien ce qu’exprime Célestin Alajouanine, mobilisé à l’ambulance 2/63 à Saint-Dié :

    Je suis seul prêtre de l’Allier dans mon ambulance et cet isolement est un peu pénible. Si vous pouviez m’envoyer les deux ou trois derniers numéros de la Semaine religieuse et continuer à me la faire parvenir, je vous en serais très reconnaissant. Je règlerai cet abonnement après la guerre. (Alajouanine 2, 28 octobre ?)

    46Les articles de la Semaine religieuse dont les soldats font mention avant tout, ce sont ceux qui annoncent les décès de prêtres, soit des ecclésiastiques mobilisés, soit d’autres prêtres qu’ils connaissent. Ils apprécient également quand un prêtre mobilisé donne de ses nouvelles dans le périodique diocésain :

    J’ai lu avec plaisir dans la Semaine religieuse les lettres relatives au bon abbé [Jacques] Pierre, c’est encore une belle âme à imiter. (Busserolles 29, 14 juin 1916.)

    47Pierre Tourret énumère les rubriques qu’il apprécie :

    C’est avec plaisir que je lis la Semaine religieuse qui nous donne des nouvelles des prêtres séminaristes du diocèse. Hélas, bien souvent, elle nous apprend la mort de quelque confrère. D’autres fois aussi, elle nous donne leurs belles citations. Je ne vous ai pas encore envoyé la mienne, je l’ai cependant. Depuis un mois et demi, mais c’est si peu de chose ! Cependant cela montre aux fidèles que les prêtres au front font leur devoir, et c’est seulement pour cela que j’ai été heureux d’avoir été cité à l’ordre du régiment. (Tourret 14, 29 août 1918.)

    48Alphonse Petitjean, qui est prisonnier, apprécie l’envoi :

    Une main inconnue m’a fait parvenir deux numéros de la Semaine religieuse, c’est un peu de vie diocésaine qui revient jusqu’à moi. (Petitjean 40, Brienz, 10 septembre 1917.)

    49Quant à lui, Pierre Philippon se plaint amèrement de ne rien recevoir :

    En attendant je souffre beaucoup de mon éloignement et souvent me sens bien seul ; pourquoi l’évêché ne nous envoie jamais la moindre brochure ou la Semaine religieuse comme dans les autres diocèses ? (Philippon 14, samedi 4 mars 1916.)

    50D’autres demandent plus sereinement de la recevoir. C’est le cas, en novembre 1915, d’Armand Fleurat, de Georges Malvielle, Eugène Martin un peu auparavant21. Ce n’est que tardivement, semble-t-il, en août 1917, que la décision est prise à l’évêché de Moulins, d’adresser régulièrement la revue aux prêtres et séminaristes mobilisés. Si certains séminaristes remercient l’évêque, qu’ils pensent à l’origine de cette mesure22, d’autres ne savent vers qui tourner leur gratitude23.

    51En sens inverse, la guerre occupe une place importante dans La Semaine religieuse. L’hebdomadaire diocésain reproduit les lettres pastorales de l’évêque, Mgr Penon, dont le plus grand nombre concernent la prescription de prières en faveur de la paix et pour le repos de l’âme des soldats tombés au champ d’honneur. D’autres articles rapportent les visites de l’évêque dans les hôpitaux militaires de son diocèse. La chronique générale, quant à elle, se fait l’écho de déclarations d’autres évêques, marquant notamment la profonde solidarité avec la Belgique (le Bourbonnais accueille de nombreux réfugiés belges) ainsi qu’avec Mgr Lobbedey, évêque d’Arras et ancien évêque de Moulins, dont la ville épiscopale est presque entièrement détruite par les bombardements et dont les lettres sont régulièrement reproduites. Deux rubriques (« Victimes de la guerre dans le Bourbonnais » et « Prêtres et séminaristes morts à l’ennemi ») rappellent l’effort accompli par les ecclésiastiques au service de la patrie. Les articles nécrologiques sont nombreux, qui concernent les tués de la guerre : prêtres et séminaristes du diocèse, religieux de la Trappe de Sept-Fons, Frères des écoles chrétiennes ayant enseigné à Moulins ou originaires du Bourbonnais, instituteurs libres, officiers issus de familles chrétiennes du diocèse.

    52Les soldats font fréquemment mention des revues qui ont été élaborées à l’intention des ecclésiastiques mobilisés. Ils en citent trois : Le prêtre aux armées, Prêtres soldats de France et Frères d’armes24.

    53Le prêtre aux armées est publié par les assomptionnistes de La Bonne Presse à partir du 15 février 1915. C’est un bimensuel de 16 pages. Outre un éditorial, il propose des textes émanant du magistère, des pensées et des lectures pour la méditation, des « sujets d’instructions », c’est-à-dire des commentaires de l’évangile du dimanche, et des articles sur l’actualité française en tant qu’elle concerne les mobilisés. Il reproduit aussi quelques extraits de lettres de soldats.

    54Dans le premier numéro, les initiateurs disent avoir voulu venir en aide aux prêtres et religieux mobilisés, dont certains ne peuvent, ni célébrer la messe ni y assister, qui, de surcroît, n’ont ni bréviaire, ni ouvrages de piété avec eux, et qui souffrent aussi de l’isolement. C’est à la demande « de supérieurs et d’amis » que La Bonne Presse publie cette nouvelle revue.

    Chacun de ces bulletins aura en principe quatre parties.
    Dans la première, nous prierons des hommes autorisés par leur situation ou par leur passé de vous apporter le réconfort de leurs conseils ou de leurs exposés d’actualité. Ou bien nous vous présenterons dans cette vue des extraits de documents appréciés.
    La seconde partie suppléera, en vous offrant des sujets de méditation et de lecture, à l’absence de livres spirituels dont vous souffrez.
    Puis nous recueillerons à votre intention les communiqués et les résumés militaires officiels, dont vous serez certainement heureux, ne recevant pas régulièrement les journaux, de trouver dans ces pages la collection.
    Notre rêve est que, dans la dernière partie, vous-mêmes, en toute charité, échangiez vos vues sur votre vie actuelle, que vous vous encouragiez mutuellement et fassiez bénéficier l’ensemble de méthodes apostoliques qui auront le mieux réussi à chacun25.

    55Maxime Augiat en fait grand compliment :

    Ce petit fascicule arrive régulièrement tous les quinze jours, quelles bonnes choses il renferme. Les méditations sont très bien faites et aident à ma sanctification. (Augiat 6, 13 mai 1915.)

    56Il en est de même de Fernand Beaumont :

    Le petit bulletin du Prêtre aux armées m’a fait beaucoup de bien, car on est heureux d’entendre des cœurs de prêtres vous parler de Jésus. (F. Beaumont 14, 19 mai 1915.)

    57C’est visiblement comme aide à la vie spirituelle qu’il est apprécié. En mai 1915, H. Busserolles demande qui il doit remercier pour cet envoi26. Mais, en octobre 1915, Louis Ducarouge signale qu’il ne le reçoit plus. Armand Fleurat se réjouit d’y avoir lu un article d’un prêtre de son diocèse :

    J’ai lu, dans Le prêtre aux armées de la 1re quinzaine de juillet, l’article très édifiant de M. Cristiani sur le prologue de st Jean. J’y ai puisé de grandes leçons. (Fleurat 42, 30 juillet 1916.)

    58Edmond Micard reproduit dans sa lettre des extraits d’un article qu’il a apprécié :

    Je lisais ce matin dans le Prêtre aux armées les réflexions de Mgr l’évêque de Gap qui m’ont beaucoup frappé. « Mourir, disait-il, est peu quand on juge la mort à son prix véritable. Mourir est beaucoup lorsque monte tout droit vers le ciel le sacrifice, comme le dernier parfum d’une vie consumée pour l’amour et le service de Dieu. » Comme tout cela est vrai et comme l’on est heureux d’avoir la foi ! Dans cette dure et terrible épreuve, l’incroyant souffre bien plus douloureusement que le chrétien et n’arrive point à comprendre le sens profond des tragiques événements qui se déroulent. (Micard 146, samedi 15 mai [1917].)

    59Si certains prêtres se plaignent que cette revue ne leur soit pas adressée, d’autres en reçoivent plusieurs, comme Antoine Roussat et Pierre Philippon. Si on lit généralement des compliments sur le prêtre aux armées, Charles Lancial est d’un avis différent : il dit préférer la revue Prêtres soldats de France pour l’envoi duquel il remercie l’abbé Giraud dont il a reconnu l’écriture sur la bande :

    Ces pensées ont le mérite d’avoir presque toujours la note qu’il faut pour que l’âme si fatiguée qu’elle soit puisse en tirer quelque profit de relèvement ou de consolation. À ce point de vue, je préfère ce modeste bulletin à celui plus vaste du Prêtre aux armées que j’ai quelquefois par notre aumônier. Il y a trop de dissertations savantes dans ce dernier, c’est mal connaître ce que pèse sur l’âme et son essor deux ou trois ans et davantage de guerre, pour penser qu’elle aura toujours le courage et le goût de suivre et de pénétrer un exposé théologique pour en extraire les enseignements de la piété qui seuls la soutiendront et la consoleront. Les extraits d’auteurs ascétiques que donne le Prêtre-soldat fournissent à l’âme cette pâture toute prête et elle peut s’y appliquer tout de suite. (Ch. Lancial 8, 6 août 1918.)

    60Ce n’est qu’en décembre 1917 que Jean Chacaton mentionne cette revue27, dont Léon Côte parlait déjà l’année précédente :

    Je viens de parcourir une sorte de méditation publiée dans une petite revue qui m’est servie régulièrement : Prêtres soldats de France, revue dirigée par les Pères jésuites, qui renferme d’excellentes pages. Cette méditation est consacrée à la dévotion au Sacré-Cœur, considérée comme moyen efficace de rester fervent et j’y ai trouvé tout un programme de vie intérieure et de vie d’apostolat, programme adapté aux conditions d’existence dans lesquelles nous nous trouvons. (Côte 12, 29 février [1916].)

    61Cette revue, publiée sous le patronage de l’Œuvre des campagnes, a été lancée pratiquement en même temps que la précédente, comme l’expliquent ses initiateurs :

    Au moment de mettre sous presse, nous apprenons la publication prochaine d’un bulletin bimensuel : Le Prêtre aux armées, Maison de la Bonne Presse, prix : 1,50 F. Ce bulletin semble avoir le même but que le nôtre. Néanmoins, nous croyons devoir maintenir nos lettres bi-mensuelles, gratuites, demandées et encouragées par plusieurs évêques et publiées avant le bulletin de la Bonne Presse. D’ailleurs, comme nous le disons plus loin : abondance de biens ne nuit pas28.

    62Le numéro est articulé en cinq parties. Il offre d’abord un calendrier liturgique détaillé, puis, sous le titre « La quinzaine ecclésiastique », des textes magistériels, une partie intitulée « Récollection sacerdotale » de nature spirituelle. Après une 4e partie, « Variété », on trouve une invitation à l’échange : « Entre nous ». Dans cette section, sont rassemblés aussi des textes de nature pratique pour les prêtres et religieux mobilisés.

    63En mai 1916, Jean-Baptiste Monat signale qu’il n’a pas eu la messe ce dimanche. Il a compensé ce manque en faisant quelques instants d’oraison à partir d’un article de Prêtres soldats. Jean Vichy, quant à lui, dit avoir beaucoup apprécié la prière de saint François-Xavier à la Vierge qu’il a trouvée dans le dernier numéro de Prêtres soldats de France29. Il se laisse recruter comme collaborateur de la revue Frères d’armes :

    J’ai fait la connaissance du RP Guitton sj que vous connaissez peut-être. Il a deux sœurs à la Pieuse union de Montluçon30, où il a passé quelques mois comme malade. Il est aumônier à notre corps d’armée et s’occupe de l’artillerie non indivisionée. Il a un ministère d’organisation important mais peu consolant. Il s’occupe de la petite revue pour soldats Frères d’armes dans laquelle il écrit quelques articles bien vivants. Il m’a demandé d’y collaborer. Je lui ai donné un petit article, en supposant la permission de mon évêque. (Vichy 76, 19 mars 1918.)

    64Ce périodique, bimensuel, publié sous le patronage de l’ACJF, qui comptera jusqu’à 35 000 abonnés, est souvent animé par des jésuites31. Son but et ses moyens sont précisés dans le premier numéro :

    Entre frères d’armes, unis dans une même Foi pour le service d’une même Patrie, nous nous offrons à vous comme l’agent de liaison attendu qui supprime les isolements et maintient pour l’unité de la tâche l’unisson des âmes. […]
    Chaque numéro de Frères d’armes vous portera : Une pensée chrétienne, semée au champ fertile de vos âmes par une main fraternelle ; des notions exactes et claires sur les points de doctrine mis au premier plan par la guerre, mais pas toujours connus avec la précision et la netteté nécessaires ; des idées et des projets pour les reconstructions de l’avenir, thèmes à vos méditations, à vos conversations, à vos résolutions ; des faits, enfin – non des récits de guerre, vous les vivez ! – mais des mots vrais, des exemples qui entraînent et des souvenirs de notre incomparable histoire nationale qui vous fassent mieux connaître et aimer la France éternelle. […] Frères d’armes aspire à être pour vous un ami, un ami dont le contact éclaire, réchauffe, soutienne32.

    65Si l’on considère les journaux, c’est naturellement le journal La Croix qui est le plus lu par les prêtres et séminaristes mobilisés33. Antoine Roussat et René Saunier disent apprécier les articles de Pierre l’Ermite mais Jean-Marie Millien et Jean Vichy34 sont plus critiques quant à l’image que le journal donne de la pratique religieuse des soldats :

    Je ne vous dis rien non plus, de la promiscuité infecte au milieu de laquelle nous sommes obligés de vivre, et des horreurs dont nous sommes les témoins muets et écœurés. Ne croyez pas que la guerre ait changé grand-chose aux mœurs de nos contemporains. Hélas ! Jusque sous les obus le péché s’étale dans sa plus ignoble nudité. Les faits édifiants que rapporte La Croix ne sont que des exceptions hélas bien rares ! ! ! et toujours exagérées. (Millien 2, 6 février 1916.)

    66Outre La Croix de Paris quotidienne, existent aussi des éditions diocésaines, le plus souvent hebdomadaires. C’est l’aumônier divisionnaire de G. Malvielle, le RP Cléret de Langavant, qui abonne celui-ci à La Croix de Paris, tandis que ses parents lui assurent le service de La Croix de l’Allier35 et le curé de Vaucouleurs celui de La Croix meusienne. Cela fait beaucoup de lecture, mais l’aumônier qu’il est en fait généralement profiter les soldats auxquels il rend visite !

    67Un autre journal qui arrive au front, c’est l’Écho de Paris dont on trouve plusieurs mentions36. C’est dans ce journal qu’Edmond Micard découvre la lettre du cardinal Mercier publiée in extenso37. Raymond Payrière, quant à lui, y trouve la lettre d’un sergent qui lui semble traduire de manière exacte les impressions qu’on ressent à Verdun (Payrière 5, 3 mai 1916).

    Les livres

    68Il convient de poser une différence entre les soldats au front et ceux qui sont prisonniers de guerre. Ceux-ci, qui disposent, par le fait, de loisirs, émettent d’emblée le désir de poursuivre ou de reprendre des études théologiques. Alphonse Petitjean échoue à pouvoir s’inscrire à la Faculté de théologie de Fribourg, en Suisse, mais Jean Thomas parvient à le faire. Ernest Aurambout, détenu à Ingolstadt, se met au travail avec deux confrères et se fait envoyer des ouvrages de Tanquerey et de Lehmkuhl38. Petitjean, prisonnier à Villingen, se fait adresser le Manuel biblique39 mais aussi le livre d’histoire contemporaine de Malet et Isaac40. Il écrit : « L’étude est d’un si grand secours pour passer les interminables journées » ; « mes confrères et moi faisons nos délices de M. Sauvé41 et de la Pratique. Quels prêtres, quels amis du Maître doivent être les auteurs de ces ouvrages42 ».

    69Plusieurs clercs se font adresser le nouveau Code de droit canonique qui vient de paraître (1917)43 ; l’un d’eux demande à recevoir le cours de morale professé au séminaire par Jean-Baptiste Colon, un autre celui de philosophie de Léon Cristiani…

    70Plusieurs séminaristes, durant leur passage à la caserne, méditent, sur le conseil de l’abbé Giraud, les lettres de saint Paul. Une fois au front, leur Novum (Nouveau Testament = Novum Testamentum) demeure leur compagnon. Plusieurs d’entre eux remercient l’abbé Giraud de leur avoir offert, lors d’un de leurs passages à Moulins, le Manuale christianum (manuel chrétien). Cet ouvrage, entièrement en latin, que nous avons pu consulter dans une édition plus récente44, est organisé en trois parties :

    1. Novum Iesu Christi Testamentum. Le texte du Nouveau Testament est suivi d’une concordance des évangiles (harmonia evangeliorum) selon la Bible de Crampon et d’un index du Nouveau Testament (noms communs et noms propres).

    2. Vade-mecum ecclesiasticum. Dans ce Vade mecum, on trouve le petit office de la Sainte Vierge (sa récitation est fréquemment utilisée pour remplacer le bréviaire), l’office des défunts, des prières à dire le matin et le soir, ainsi que l’ordinaire de la messe avec les prières avant et après la messe.

    3. De imitatione Christi libri quatuor. C’est le texte latin de l’Imitation de Jésus-Christ.

    71L’Imitation est, de loin, l’ouvrage de spiritualité le plus mentionné dans les lettres. Joseph Chautard, à la caserne à Sens, écrit :

    Ce qui me semble le plus pénible, c’est de ne pouvoir trouver un moment dans la journée où je puisse être vraiment seul livré à moi-même pour pouvoir m’entretenir avec le divin Maître. Si, au lit, le soir ou le matin quand le sommeil ne vous tombe pas. J’y supplée par mon Imitation dont je lis quelques pensées. Elles me guident dans la journée. (Chautard 2, Sens, 30 septembre 1916.)

    72Se demandant comment accomplir la volonté de Dieu, il ouvre son livre, et la réponse qu’il y trouve le pousse à accepter la mission de brancardier (voir chap. 8). René Cogoluègne, quant à lui, témoigne que ce livre l’a accompagné dans son hospitalisation :

    Je vous écris sur mon lit d’hôpital dans le brouhaha et la fumée d’une vaste chambre où une lecture de l’Imitation de Jésus-Christ fait un piquant contraste avec les préoccupations et les conversations du milieu. (Cogoluègne 4, 11 février [1916].)

    73Il en est de même pour Jules Nicolaon :

    À [la] récitation [du chapelet] j’ai l’habitude de joindre une petite lecture faite dans l’Imitation de Notre Seigneur. Les pages lues dans de telles circonstances sont particulièrement attrayantes et consolantes. C’est vous, mon père, qui m’avez fait cadeau de ce précieux livre pendant ma dernière retraite. Quel service vous m’avez rendu ce jour-là. Permettez-moi de vous en remercier à nouveau. (Nicolaon 2, 28 octobre 1914.)

    74Jean Vichy est peut-être le plus explicite sur les fruits de sa lecture :

    Quelle admirable consolation que l’Imitation. Je trouve tout ce dont j’ai besoin en ce moment. C’est que je suis bien isolé à ce point de vue-là. Je n’ai pas la consolation de voir Notre-Seigneur dans son église, je n’ai plus M. Busserolles auprès de moi, qui a la consolation de la messe, je ne vois M. Lestrade qu’une fois par semaine, et il est pressé, je ne puis faire qu’une confession rapide, mais il me reste l’Imitation et grâce à ce petit livre avec lequel je n’étais jamais resté seul, par conséquent que je n’avais jamais lu si lentement et si attentivement, le temps ne me semble pas long et je trouve tout ce qu’il faut pour causer avec Notre Seigneur. L’Imitation m’a appris aussi la vanité des choses d’ici-bas, au moment où j’éprouvais un vrai contentement lors d’une citation à l’ordre de l’armée ; cet excellent livre m’a appris la confiance en Dieu, que je pratiquais bien déjà et ç’a été ma grande force ; le moyen de surmonter les tentations et ne pas s’arrêter aux choses d’en bas et de ne voir que Dieu seul. (Vichy 16, 7 décembre 1914.)

    Que de bien me fait la lecture de l’Imitation, combien ce petit livre me détache des choses de ce monde et me donne l’indifférence que je m’efforce d’avoir pour tout ce qui n’est pas le bon Dieu, combien il me montre mon néant à côté de la grâce du bon Dieu qui fait en moi toutes les œuvres surnaturelles. (Vichy 31, 10 juin 1915.)

    75La variété des ouvrages de piété cités au travers des lettres est très grande. Ils sont de différentes époques, depuis le Moyen Âge avec les Fioretti de saint François, jusqu’à l’époque contemporaine. L’époque moderne est représentée par le Traité sur l’amour de Dieu de François de Sales, les Sermons de Bossuet, les écrits de Rodriguez et ceux du P. Grou (Manuel des âmes intérieures), le livre De la vraie dévotion à la Sainte Vierge de Louis-Marie Grignion de Montfort. Du XIXe siècle, on aperçoit Mgr de Ségur (La piété et la vie intérieure, 1864) et le RP S. Millet (Jésus vivant dans le prêtre, considérations sur la grandeur et la sainteté du sacerdoce, 1858). Marcel Lépée et Jean Vichy ont recours à la probation sur l’humilité de l’abbé Henri Chaumont (1838-1896), fondateur de la Société des prêtres de Saint-François-de-Sales à laquelle ils appartiennent ainsi que l’abbé Giraud.

    76Il y a aussi des ouvrages très récents, et en premier lieu, L’âme de tout apostolat du RP abbé de Sept-Fons, Dom Jean-Baptiste Chautard, publié pour la première fois en 1912, cité plusieurs fois, qui vise à mettre en garde les jeunes prêtres contre l’activisme en leur rappelant la nécessité d’une vie intérieure45.

    77Joseph Besson lit même un ouvrage de son confrère Léon Cristiani, Pages de foi46. Il en est de même de Jean Vichy qui a recours à Prescience divine et liberté humaine pour prêcher un soldat qui découvre la foi mais garde des objections. Jean Chacaton se fait envoyer les Méditations affectives et pratiques sur l’Évangile47 pour nourrir sa prière sur les textes d’Écriture Sainte ainsi que l’ouvrage de Dom Hébrard, Le Prêtre, aumônier, brancardier, infirmier, mémento de vie intérieure et d’action sacerdotale48.

    78La figure d’Élisabeth de la Trinité est présente également par ses souvenirs et une biographie entre plusieurs mains. Antoine Roussat cite l’ouvrage du jésuite Gustave Desbuquois : En guerre, pour ceux qui partent49. On constate aussi que Le voyage du centurion d’Ernest Psichari, relatant l’expérience croyante de ce militaire issu d’un milieu anticlérical et présentant une mystique du sacrifice, se répand vite alors qu’il a été publié durant la guerre. Le préfacier, Paul Bourget, célèbre écrivain catholique, le présente ainsi :

    Le romancier revendique le droit d’associer l’Évangile et l’épée, en vertu d’un texte qui prouve qu’il peut, qu’il doit y avoir une doctrine chrétienne de la guerre. […] C’est le soldat croyant qu’Ernest Psichari va nous peindre. […] Quand Psichari fait dire à Nangès que l’armée a sa morale à elle et sa mystique, il entend bien affirmer que notre activité, pour être complète, doit avoir un sens caché et impliquer une foi. Dans toute action humaine, il discerne deux éléments : une application positive extérieure à l’homme et une signification secrète qui lui est intérieure. Le soldat fait la guerre. C’est l’application extérieure. Il développe en lui secrètement, il porte à leur maximum de tension certaines vertus ; il nourrit, il enrichit son âme à travers son métier. C’est le travail intérieur. La vie de l’âme devient alors la raison profonde et dernière de l’effort, même le plus technique. L’acte de foi est là, dans cette affirmation que le monde spirituel, non seulement est une réalité, mais qu’il est la réalité par excellence50.

    79Plusieurs lectures portent plus précisément sur la liturgie et sur la messe. Il s’agit d’ouvrages de Dom Guéranger, l’abbé de Solesmes, restaurateur de la liturgie romaine en France au XIXe siècle, mais aussi de Vigourel51, de Dom Eugène Vandeur (La Sainte Messe. Notes sur la liturgie).

    80Aux côtés de plusieurs biographies52, on trouve quelques auteurs profanes, mais avec peu d’occurrences : Charles Péguy53, Charles Maurras54, Henri Massis (Le sacrifice 1914-191655).

    81Un seul ouvrage portant directement sur la guerre est mentionné, sous la plume d’Anatole Pinceton : Louis Colin cssr, Les barbares à la trouée des Vosges56.

    La célébration de la messe

    82Il n’est nul besoin de rappeler ici l’importance de la messe comme lieu de la vie spirituelle. En semaine, du fait de la règle du jeûne eucharistique (aucune nourriture solide depuis minuit si l’on souhaite communier), la messe est célébrée très tôt. Le dimanche, il y a généralement deux messes, l’une très tôt (« la messe de communion ») et l’autre, dans la matinée, qui est chantée (la grand-messe).

    83Les lettres nous révèlent la diversité du cadre de ces messes au front. Lorsqu’elles prennent place dans une église, celle-ci a bien souvent été abîmée par les bombardements. La messe, dite dans ces conditions, a donné à Georges Blanchet de « douces émotions » :

    Un saint prêtre, de pieux fidèles. […] L’église est à moitié brûlée depuis le passage des Allemands mais le chœur a été épargné par l’incendie. (Blanchet 48, dimanche 19 novembre 1916.)

    84Il en est de même pour Edmond Micard :

    Aujourd’hui j’ai eu le bonheur d’assister à la sainte messe dite par un prêtre infirmier militaire. Le canon tonnait avec rage tout près. L’église tremblait. Au milieu de telles émotions, l’âme est portée vers Dieu, elle prie tout naturellement. […] Je me souviendrais toute ma vie de cette messe entendue à quelques kilomètres de la ligne de front et au milieu de quel ouragan, Dieu le sait ! (Micard 18, dimanche 18 octobre [1914].)

    Il m’a été donné dimanche dernier de faire la sainte communion dans une pauvre église (église de Liancourt-Fosse à 5 km de Roye) à peu près en ruines. Dans cette église, l’autel seul restait intact. De quelle émotion poignante je ne me sentais pas saisi, en pénétrant dans cette église en ruine où, depuis le départ des Allemands, la sainte messe n’avait pas été célébrée ! (Micard 155, 11 juillet 1917.)

    85L’abbé Léon Côte, après avoir décrit le village de Haute-Alsace où il séjourne, et qui a été bombardé, continue :

    La pauvre église surtout a été saccagée : en remuant les décombres, j’ai pu sauver quelques ornements ou objets du culte, et avec cela organiser une petite chapelle où je célèbre la messe chaque matin, au son des marmites qui passent en sifflant. (Côte 12, 29 février [1916].)

    86Il en est de même pour l’abbé Eugène Martin :

    Je dis ma messe dans une église percée en trois endroits par des obus, en élevant les yeux vers la croix pendant la messe j’aperçois le ciel bleu. (E. Martin 14, 2 octobre 1915.)

    87Anatole Pinceton parvient à faire réparer par le Génie le toit d’une église qui a été percé et où il célèbre quotidiennement. Celle qu’utilise Jean Thomas a été recouverte provisoirement d’un toit en planches. Le séminariste René Saunier apprécie la différence entre une messe célébrée dans une église, pourtant bombardée, et celle du front, au fond d’une sape :

    Dans ce petit village que les obus ont saccagé, dans cette jolie église, elle aussi abîmée par le canon boche, au milieu de l’assistance, maigre hélas, tant d’habitants sont déjà partis, on goûte la douceur des belles cérémonies, la reposante paix de la liturgie. L’âme trouve un aliment pour sa faim, elle se baigne dans cette atmosphère saine et nourrissante qu’est une église, elle respire un air plus riche de piété, d’amour, de foi. Tout cela change de la petite messe basse célébrée dans une gaine humide et sombre, près d’une tourelle, à 8 h, sous terre. Grande reconnaissance au bon Maître. (Saunier 25, 8 septembre 1918.)

    88G. Malvielle, séjournant un certain temps dans les forêts de l’Argonne, fait aménager une petite chapelle tout à côté de la coopérative tenue par les musiciens du régiment avec qui il loge, ce qui fait que les soldats allant à la coopérative passent à côté de la chapelle qui est vitrée. Il en est très satisfait.

    [Je dis ma] messe tous les matins dans ma petite chapelle où j’ai fait édifier hier un petit bijou de clocheton, construit avec des caisses de bouteille de vin vieux et avec des instruments rudimentaires. […]
    Vous me parlez de mon petit clocher et de la bénédiction de la cloche ; hier soir, j’en ai fait mettre une, du poids respectable de 8 100 grammes, il y en avait déjà une plus petite dans le haut, sans compter une douille d’obus, avec battant intérieur, et qui donne également un beau son. Notre clocher est doté d’une… horloge avec cadran et aiguilles sous verre, malheureusement mes moyens ne m’ont pas permis d’y introduire un mouvement d’horlogerie… et les aiguilles restent toujours fixées sur 9 h, heure de ma messe du dimanche57.

    89Mais, parfois, il faut célébrer en dehors d’une église. En septembre 1917, Georges Blanchet assiste à la messe dans une carrière, où a été édifié un bel autel. Il en a été de même pour Albert Martenot l’année précédente :

    Nous sommes retournés aux tranchées, mais en réserve. Nous logeons dans des carrières souterraines qui ressemblent aux catacombes. Il y a là une chapelle où il y a messe et salut tous les soirs. (Martenot 26, 30 mai 1916.)

    90C’est un tableau semblable que décrit Jean Vichy :

    Nous voici en première ligne maintenant et jamais je n’ai été aussi bien, une chambre réservée pour moi seul, chambre taillée dans le rocher, me rappelle ma chère cellule du séminaire, chambre où je dis ma messe tous les matins, où j’aime à prier pendant les moments libres. Plus loin, une grande chapelle souterraine qui sert pour les dimanches, chapelle avec quelques sculptures avec sur l’autel, la Sainte Vierge du village, n’ayant pour se distinguer des catacombes que le costume des assistants et le genre de luminaire. (Vichy 52, 4 mai 1916.)

    91D’autres fois, c’est bien plus rudimentaire. La messe est célébrée dans un coin de la tranchée, aménagé en abri, où logent prêtres et séminaristes, et simplement marqué d’une croix de bois : « Chaque matin Notre-Seigneur descend sur un petit autel de bois58. » Georges Malvielle, qui se trouve un peu à l’arrière du Mort-Homme, décrit les conditions de célébration :

    Dimanche dernier, j’ai dit ma messe au camp ; j’étais à l’abri dans une petite chapelle en planches élevée là, mais tous les assistants ont dû recevoir, avec la plus grande patience, une pluie aussi ennuyeuse qu’inattendue. J’ai le bonheur de pouvoir dire ma messe à peu près tous les jours, avec la présence, encourageante, de mon colonel59. (Malvielle 24, 18 octobre 1916.)

    92Il brosse pour ses parents son portrait, lorsqu’il part dire la messe près du front :

    Mon autel sur l’épaule60, mon missel à la main, revêtu du casque et dans la boîte d’à côté un masque contre les gaz asphyxiants et voyez l’aumônier du régiment61.

    93Il a son abri auprès de la chapelle et a fait édifier un petit clocher. Un séminariste loge avec lui et lui sert la messe quotidienne. J.-B. Monat décrit une autre messe au front :

    Ce matin, en tranchées de 2e ligne, dans un grand abri, la messe nous a été dite par M. l’abbé Peyron, du diocèse de Clermont62. C’est la première fois que j’assiste à une messe de tranchées. Mais c’est bien touchant. Nous avions aménagé l’abri de notre mieux. Une large planche fixée à 4 piquets enfoncés en terre a servi d’autel. Comme ornement, 2 toiles de tente, une par-dessus et une contre le parapet. L’assistance était peu nombreuse, les soldats n’étaient d’ailleurs pas avertis car nous n’avions pas la permission des autorités supérieures. Une douzaine de soldats ont adoré Notre Seigneur et sont restés à genoux en prière de la consécration à la fin de la messe. (Monat 55, 6 juin 1915.)

    94Jean Vichy donne une description d’une chapelle aménagée par l’aumônier Claude Lestrade :

    Nous sommes en ce moment dans nos grottes d’arrière et on a inauguré aujourd’hui l’autel taillé dans le roc par les soins de M. Lestrade. C’est d’ailleurs le P. Haoum63 (sic) qui avait conçu le dessin des sculptures. Messe basse à 7 h, avec, hélas, peu de communions, messe plus solennelle à 9 h avec concours d’une chorale formée bénévolement dans la musique du 98, avec tout l’état-major du 16 et du 98, et un nombre bien grand d’auditeurs, dernière messe dite par moi à 11 h. Cette chapelle, une fois les rideaux tirés devant l’autel, sert aussi de salle de lecture, jeux et correspondances ; tout cela organisé par les soins de M. Lestrade. (Vichy 55, Pentecôte, 11 juin 1916.)

    95Stationné ailleurs, quelques mois auparavant, il a déjà célébré la messe dans la salle commune, mais dans des conditions plus rudimentaires, ce dont il tirait des enseignements spirituels, sur l’incarnation de la présence du Christ au cœur de la rude vie des combattants :

    Avant que mes camarades ne se lèvent, j’installe mon autel sur une table, et avec un brancardier comme servant, je célèbre ma messe. […] Comme je l’écrivais à Monseigneur, c’est la même table qui sert pour la sanctification et qui sert pour panser les membres souffrants du Christ. Où le sang de Jésus coule tous les matins, se répand aussi le sang de nos chers blessés. Jésus ne peut que bénir nos chers soldats et aussi ne peut que protéger mes camarades brancardiers qui dorment encore le matin tout à côté, dans la même salle où se célèbre le saint sacrifice. C’est d’ailleurs le seul endroit où je puis dire la messe, et je crois être tout à fait dans l’esprit de l’Église en disant la messe en cet endroit suffisamment décent. (Vichy 42, 24 novembre 1915.)

    96L’abri est parfois rudimentaire et n’est pas préservé des obus :

    Quand nous étions en première ligne, nous disions là la messe sous une voûte, ancienne cave, qu’on pourrait croire être une chapelle romane. Des hirondelles avaient bâti leur nid au-dessus de la planche servant de support à notre autel. Un jour, elles volaient dans l’intérieur du local. J’ai trouvé que ce n’était pas convenable. J’ai pensé à saint François d’Assise et je leur ai dit d’attendre à la porte, que les messes soient terminées. Elles ont dû comprendre et ont attendu bien sagement à la porte que les messes soient finies ; et après elles sont revenus à leur nid. Les autres jours, elles ne sont plus rentrées durant les offices. J’ai trouvé très touchante cette action du bon Dieu sur les petits oiseaux.
    Pendant le dernier séjour en première ligne, ma chapelle a été percée par de nombreux éclats, l’aube et la chasuble ont des trous multiples, mais peuvent servir, un obus ayant éclaté au-dessus de mon abri ; par bonheur, je me trouvais dehors à quelques mètres de l’abri, sans cela moi-même aurais été transformé en écumoire. C’est pour la 11e fois que j’échappe de près à la mort. Le bon Dieu ne veut peut-être pas encore de moi pour le ciel. (Vichy 68, 7 juin 1917.)

    97Le décor de la messe dans la tranchée est naturellement extrêmement simple :

    Nous logeons actuellement dans des gourbis et c’est là que les prêtres disent la messe le matin. Une planche, une petite chapelle portative installée dessus. Voilà pour Notre Seigneur. Mais il doit certainement avoir pour très agréables les sacrifices qui lui sont rendus dans de telles conditions. (Fleurat 32, 12 septembre 1915.)

    98Parfois, cependant, c’est impossible :

    Impossible de dire ma messe depuis 10 jours. Dans les abris effondrés où nous sommes entassés tant bien que mal, je ne trouverais pas une seule place satisfaisante pour célébrer convenablement. Nous sommes dans une tranchée boche mise à mal par l’artillerie française et que maintenant l’ennemi saccage pour nous la rendre intenable. De plus, impossible de songer à porter avec moi par les tranchées boueuses où l’on s’enlise, ma petite chapelle, malgré tout encombrante quoique assez légère, impossibilité également de nous ravitailler en vin de messe et en hosties. (Côte 9, jeudi 7 octobre [1915].)

    99La messe est parfois célébrée en plein air :

    Dimanche dernier 1er août, j’étais largement dédommagé en célébrant la sainte messe en plein air, tout près du champ de bataille tandis que sur nos têtes passaient les obus. Quel contraste ! Jésus, le roi pacifique au milieu des combattants. La petite clochette était remplacée par le sourd grondement du canon et les chants liturgiques par le ramage des petits oiseaux ! Quel recueillement dans la petite assistance ! Les bruits (du dehors !) ne troublaient personne ; seul, le célébrant l’était un peu, en priant pour ceux qui étaient là et pour ceux qui ne comprenaient pas la beauté de notre sainte religion. (J. Pierre 28, 3 août 1915.)

    100Devant les risques, elle peut ne pas se tenir :

    Aujourd’hui nous n’avons pu avoir la messe sur la ligne de feu. Le colonel a été obligé de la supprimer par mesure de prudence64. (Monat 20, 8 novembre 1914.)

    101Cependant Jean Vichy invite à se déprendre de l’image de ces messes en plein air rassemblant des foules de soldats :

    Je vous envoie la photographie […] d’une messe que j’ai dite au milieu des bois. C’est un peu flou à cause du manque de lumière. Vous voyez qu’il n’y a pas grand monde. On a supprimé depuis cette messe à cause du petit nombre d’assistants. C’est bien de cela que nous discutons avec beaucoup de personnes, le P. Prat65 en particulier. La Croix donne une fausse idée des choses en donnant des comptes-rendus de belles réunions religieuses sur le front, de manifestations de foi enthousiastes. Cela arrive de temps en temps heureusement, mais ce n’est pas la généralité de ce qui se passe à l’époque actuelle.
    Beaucoup de causes de cet état de choses. La monotonie de la vie, la diminution du danger, la fatigue qui abrutit et n’élève pas l’âme, et puis l’emploi physique de tous les hommes à part quelques-uns qui quelquefois ne pensent pas que c’est dimanche. Une chose est bien certaine, c’est que l’homme, la plupart du temps, aime le bon Dieu d’une façon bien égoïste. Quand il est en danger, qu’il a besoin de Lui, il a recours à Lui, quand le danger cesse, il oublie Dieu. (Vichy 36, 3 septembre 1915.)

    102C’est aussi ce que laisse entendre Jean Chacaton :

    Je viens d’entendre la Sainte Messe célébrée en plein air par un prêtre infirmier de passage d’un camp voisin. […] Que d’émotions l’âme ressent-elle lorsqu’elle assiste à un tel spectacle ; une tablette qui sert de support à une pierre sacrée, des nappes qui recouvrent à peine le dessus de cet autel improvisé, tout est pauvre et un Dieu descend là près de nous, entouré, hélas, de quelques assistants mais très fervents et pleins d’amour et de respect pour la divine Victime. (Chacaton 54, Transfiguration de N.S. [6 août] 1916.)

    103À quelques kilomètres à l’arrière du front, la messe est parfois célébrée dans une simple salle. Parfois les soldats l’embellissent en allant chercher un autel et des statuettes se trouvant dans une église inutilisable66. Il y a des situations plus étonnantes encore :

    Il n’y a pas d’église, la messe a été célébrée ce matin à l’école laïque, la voilà l’union sacrée ! (Aurambout 37, 5 mars 1916.)

    Le village où nous sommes n’a pas de culte, ou plutôt le curé qui y est installé est schismatique. Nous sommes obligés de célébrer le culte catholique dans un grenier où nous mettons quelques verdures. (Chambonnière 11, 20 mai 1916.)

    104Léon Côte fait ainsi, au camp de Mailly :

    Au camp, un vaste baraquement était libre, nous nous en sommes emparés, nous l’avons organisé, transformé en chapelle, une jolie petite chapelle, décorée avec tout le goût dont les constructeurs étaient capables. Avec des planches, de la verdure, des sapins, des faisceaux de drapeaux, et quelques tentures, nous avons édifié un sanctuaire où Notre Seigneur, j’en suis sûr, a dû se plaire ; car nous avons voulu le garder au milieu de nous, pour faciliter les communions matinales et pour recevoir, chaque soir, sa bénédiction. (Côte 19, 27 novembre 1916.)

    105Georges Malvielle, aumônier au 203e RI, célèbre dans diverses conditions :

    Tous les jours je puis offrir le Saint Sacrifice de la messe : le colonel a mis à ma disposition sa chambre et tout ce qui peut m’être nécessaire. Dès demain, je vais commencer à organiser une petite chapelle indépendante, où les soldats pourront se réunir et entendre la messe le dimanche. De plus, ce jour-là, je vais dire une autre messe aux tranchées, et ainsi faciliter à nos braves guerriers l’accomplissement de leurs devoirs de chrétiens, de soldats du Christ, même près de l’ennemi. (Malvielle 20, 30 mars 1916.)

    106De temps à autre, les conditions sont beaucoup plus favorables :

    Je suis heureux surtout d’avoir trouvé ici une petite chapelle élevée dans le parc du château de la famille de Bigault de Granrupt67. C’est un véritable bijou, qui me rappelle assez bien la chapelle du Réray68. Mais ce qui me la rend plus précieuse encore, c’est la présence de Notre-Seigneur dans le Tabernacle. Comme nous avons beaucoup de loisirs, je passe une bonne partie de ma journée dans cette petite chapelle, où je puis faire mes exercices de piété comme au grand séminaire. (Philippon 19, 27 octobre 1916.)

    107Les prêtres mobilisés cherchent à acquérir une chapelle et un autel portatif, qui leur permettent de célébrer en dehors d’une église. Certains, tel l’abbé Busserolles, en reçoivent une, adressée par l’Association Notre-Dame du Salut, proche des assomptionnistes. L’abbé Malvielle hérite de l’autel portatif d’un prêtre qui se trouvait dans son régiment et qui a été tué et ce sont les parents de celui-ci qui le lui attribuent69.

    Les fêtes chrétiennes

    108Ce sont les messes pour les morts tués au combat qui réunissent la plus nombreuse assistance. C’est le cas aussi bien à l’arrière que sur le front des troupes.

    Dimanche nous avons eu une belle cérémonie. Le bon M. Lestrade nous a dit la messe au milieu de tous les soldats tout émus. C’était la première fois que nous avions le bonheur d’avoir la messe au milieu de nous. On s’est réuni autour de la tombe où sont étendus les corps de tous nos pauvres camarades défunts et on a béni les couronnes. Tout le monde était uni dans un même sentiment de sympathie et de religion pour nos frères défunts et pour notre bon Maître. Comme l’adversité nous rapproche du bon Dieu ! (Vichy 12, 4 novembre 1914.)

    Aujourd’hui il y a eu à la cathédrale un grand service organisé par la Croix-Rouge pour tous les soldats des armées de terre et de mer tombés glorieusement pour la Patrie ; il y avait foule, Mgr l’archevêque a fait une allocution bien touchante et a donné l’absoute70. (Aurambout 12, Bourges, le 13 novembre 1914.)

    Beaucoup de soldats assistaient aux messes dites pour nos camarades morts au champ d’honneur. On sentait que réellement pour ces braves, il n’y avait autre chose que la terre, cette terre tant vantée par les impies et si laide actuellement. Sans doute, beaucoup se bornent à ceci, mais pour nos braves soldats, il faut être indulgent. (J. Pierre 18, 8 mars 1915.)

    Je viens de célébrer ce matin un service pour les morts de ma compagnie, tous les hommes y assistaient et à ces frères d’armes j’ai adressé un religieux adieu. (Ducarouge 12, 17 juillet 1915.)

    Ce matin, grand-messe solennelle pour tous les morts du régiment. Le sermon a été donné par un père jésuite, lieutenant et commandant de compagnie qui avait participé aux fameuses attaques. Le cardinal Luçon71 y assistait et a voulu donner l’absoute. Je n’ai pas besoin de dire que tous les soldats s’étaient fait un devoir de venir nombreux à cette cérémonie prier pour leurs camarades tombés au champ d’honneur. C’était une très belle manifestation de foi et de fraternité. (Monat 121, 15 mars 1918.)

    109Les messes de Noël revêtent elles aussi une très grande importance. Leur privation est d’autant plus douloureuse :

    Notre Noël n’a pas été bien gai : nous avons dû marcher une partie de la journée et il m’a été impossible d’assister à aucun office religieux. Je me suis consolé de mon mieux à la pensée, à l’espoir que notre Noël en 1915 réparera la tristesse de celui de 1914. (Tronel 9, 5 janvier 1915.)

    110En revanche, lorsque les soldats peuvent s’y rendre sans difficulté, ils sont en général nombreux à y assister :

    J’ai pu passer les fêtes de Noël dans un bourg de l’arrière, à proximité d’Amiens. Nous avons eu des cérémonies très édifiantes : jamais je n’avais vu une assistance aussi nombreuse de soldats. (Larbaud 30, 1er janvier 1917.)

    111L’abbé Jules de La Celle en décrit une, célébrée dans des carrières :

    Dès le 23 décembre ont commencé les préparatifs pour faire de la carrière une demeure convenable pour le Dieu de la crèche. Les bonnes volontés s’y sont employées nombreuses ; et comme parmi les soldats d’une compagnie il s’en trouve de presque tous les métiers, chacun a voulu y contribuer selon ses aptitudes. Des maçons ont réussi à tailler dans la pierre friable de la carrière un autel de belles dimensions, et à l’adosser à un des piliers sur deux marches de pierre. Pendant ce temps un artiste a trouvé moyen de sculpter sur le pilier lui-même une croix et un Sacré-Cœur. D’autres ont coupé dans le bois voisin deux gros genévriers qui encadreront l’autel et toute une profusion de branches de sapin, de gui et de houx qui, habilement disposées, forment avec quelques drapeaux et plusieurs centaines de bougies, une très heureuse décoration pour notre grotte de Bethléem.
    Tant de bonnes volontés se sont mises à l’œuvre activement, que la veille de Noël, quand l’aumônier vient voir où en sont les préparatifs, il ne peut revenir de sa surprise et ne sait comment témoigner sa reconnaissance à tous les artistes décorateurs. […]
    Mais l’heure de la messe arrive. Déjà autour de l’autel brillamment illuminé, officiers en tête, se presse la foule des soldats dont les rangs serrés emplissent la vaste salle.
    Une voix mâle entonne avec assurance au milieu du silence recueilli le Noël d’Adam « Minuit chrétiens ! » et la messe commence. À l’Évangile, l’aumônier, dans une courte allocution, écoutée avec une attention touchante, remercie les soldats de ce qu’ils ont fait pour honorer l’Enfant Dieu dans ces grottes qui rappellent si bien la grotte de Bethléem. Puis il leur dit la force surnaturelle que leur apporte dans sa faiblesse apparente le petit Enfant de la crèche, force dont ils vont, demain peut-être avoir si grand besoin pour faire jusqu’au bout et malgré tout leur devoir. Il leur montre aussi la Vierge de la crèche, la Mère du ciel, si bonne à ceux qui ont confiance en elle, si attentive à veiller sur chacune de leurs âmes, avec d’autant plus de sollicitude qu’ils auront plus grand besoin de son assistance. Et la messe se poursuit avec le chant des cantiques populaires : « Il est né le divin Enfant », « Les anges dans nos campagnes ».
    Les refrains sont repris par toute l’assistance et toutes les voix s’unissent en une seule voix puissante qui remplit la vaste enceinte. On y sent en même temps l’affirmation d’une foi vibrante, et l’expression d’une supplication instante. Mais le silence s’est fait, impressionnant. Tous les soldats présents se sont mis à genoux, et le frêle tintement de la clochette annonce la présence sur l’autel de l’Emmanuel, le Dieu fait homme et qui vient par amour habiter parmi nous. Et les voix se font plus graves, plus respectueuses pour exprimer dans le chant de l’O Salutaris l’adoration et la prière.
    Le moment de la communion est arrivé. Les soldats viennent s’agenouiller nombreux au pied de l’autel. On lit dans leur regard leur émotion profonde et plus d’une larme brille au coin des paupières. Combien qui depuis des années n’avaient pas reçu le Dieu de leur première communion ? Combien le reçoivent en cette nuit pour la dernière fois72 ?

    112En revanche, lorsqu’elles sont célébrées dans les tranchées, les messes de Noël n’attirent que peu d’assistants, ce qui s’explique aisément :

    J’espérais que le jour de Noël nous serions au repos, mais nous étions toujours en ligne et c’est dans la boue et les occupations du métier que nous avons passé cette fête. Heureusement que je fus encore privilégié et que je pus assister à la messe de minuit, dite par l’aumônier dans une cagna. Quand on est dans la souffrance, combien on apprécie davantage la venue de N.S. en nous, surtout quand on est dans le plus complet isolement, sa présence est encore plus réelle, car point d’autres consolations ne vient la voiler. (Ch. Lancial 5, 28 décembre 1916.)

    Souvenir de Noël. Il ne manquait plus que l’âne et le bœuf. À quelques mètres des Boches, pendant qu’une sentinelle veillait auprès de ce que nous sommes convenus d’appeler une porte, je célébrais la messe de minuit. L’autel était formé d’un lit de soldat (c’est-à-dire de quatre planches en forme de cercueil) rempli de paille. Pour donner quelque stabilité, nous avons mis sur la paille une planche recouvrant en partie la paille et c’est sur cet autel plus que rustique que Notre Seigneur est venu nous visiter jusque dans nos habitations reculées. Deux minuscules bougies de cire, quelques assistants, dont cinq, c’est-à-dire près de la moitié, tinrent à recevoir leur Sauveur dans leur poitrine. Beaucoup ont regretté de ne pouvoir assister à la sainte messe en ce beau jour où Notre Sauveur descendit du ciel pour nous et nous parla de paix. (J. Pierre 35, 30 décembre 1915.)

    113L’abbé Marcel Lépée sourit en décrivant à l’abbé Giraud la préparation de sa messe de Noël :

    J’organise dans ma paroisse une messe de minuit. J’ai un chœur de jeunes filles, qui chantent faux ! Si vous saviez comme elles chantent faux ! Mais elles ont tant de bonne volonté qu’il faut les complimenter tout de même. Mes vieux territoriaux les aideront de leur voix cassée, et je pense que cela fera un peu de bien à tous pour la plus grande gloire du bon Dieu. (M. Lépée 34, 19 décembre [1916 ou 1917].)

    114Mais c’est Léon Berthon qui est le plus ému :

    Je n’oublierai pas le souvenir de cette messe du 25 décembre 1914 à 8 h du matin. À la lisière de la forêt, dans la grange d’une ferme, bien souvent visitée par les marmites boches, qui, la veille encore, abritait des chevaux et des voitures, un autel avait été dressé, un autel de fortune, une planche sur deux tonneaux. Deux nappes apportées de l’église voisine cachaient la misère de nos bois, une croix de feuillage accrochée au mur. Sur les côtés, trois beaux sapins faisaient tout le décor de notre petit calvaire dont quatre bougies habilement disposées en équilibre de ci de là constituaient le luminaire. Je sais que l’étable de Bethléem était pauvre mais je gage que notre autel était aussi misérable que la crèche, encore y faisait-il plus froid. Mais qu’importe, tout à l’heure des cœurs bien disposés allaient recevoir Notre Seigneur dans une demeure plus chaude et mieux préparée. Les ornements, la pierre sacrée, le calice, en un mot, tout le nécessaire avait été envoyé par le sergent vaguemestre du régiment, prêtre lui aussi, qui, en la circonstance, desservait la paroisse voisine.
    Je commence donc ma messe servie par le brave sergent Lacoutière. Tout derrière moi une dizaine d’officiers, dont quelques-uns tout à l’heure s’agenouilleraient dans la paille boueuse pour communier, formaient comme un piquet d’honneur, et derrière, s’entassaient nombreux les soldats accourus du fond des bois à l’annonce d’une messe dite à la ferme.
    À l’Évangile, je crus le moment venu de dire un mot. Ce que je dis alors, je ne le sais trop. Noël chant de souvenirs, Noël chant d’espérance, mais je vous le dis simplement ; bien rarement, mon émotion fut plus vive de voir tous ces soldats à la figure minée par la fatigue et les privations aux uniformes ternis, usés et boueux, écoutant recueillis la parole de réconfort que j’essayais de leur adresser. Quel jour, Père très cher ! Combien grande fut ma joie et comme j’en ai remercié le bon Dieu ! (Berthon 11, samedi 26 décembre 1914.)

    115Dans son infirmerie, René Cogoluègne se réjouit de la célébration avec les soldats :

    Je puis vous dire combien je puisais de réconfort et de confiance dans les paroles saintes de la liturgie de Noël : Puer natus est nobis73 et je l’adorais de toute mon âme, ce cher Sauveur, heureux aussi de voir monter vers Lui les hommages rustiques de ces nouveaux bergers, mes camarades, qui se tenaient derrière moi, leur coiffure à la main. (Cogoluègne 3, 30 décembre [1915].)

    116De la célébration de Noël, Léon Côte dégage une certaine sérénité :

    Ce fut très simple, et très doux à l’âme. Nous étions parvenus à orner le sanctuaire et à l’illuminer pour la messe de minuit. L’assistance fut nombreuse, plus que je n’aurais pu le penser, il y eut d’assez nombreuses communions et c’est avec un entrain inaccoutumé que ces rudes voix d’hommes reprirent les vieux cantiques populaires. Les souvenirs très doux remontent en mémoire pendant cette nuit de grâce et de bénédictions, les Noëls d’autrefois, du temps que j’étais petit enfant, Noëls du Réray, Noëls du grand séminaire à l’époque inoubliable où j’apprenais de vous à aimer Notre Seigneur et à le suivre dans la voie douloureuse !
    Ils sont venus maintenant les jours où le cœur saigne et souffre dans la solitude. Notre joie, à nous, prêtres-soldats, n’est qu’un interminable calvaire, pourtant, au fond, tout au fond de moi-même, j’éprouve une grande paix, cette paix promise par les anges. Et je me résigne humblement à souffrir. (Côte 25, 29 décembre 1917.)

    117Jean Chacaton, hospitalisé au Mans, est très déçu de la faible pratique des soldats soignés dans le même hôpital :

    À 8 h 45, je servis la dernière messe, messe des soldats : dans tout l’hôpital, il n’y eut que quatre communions, c’est effrayant, il y a pourtant de bien braves gens, mais le respect humain tue les bonnes volontés ; ceux qui accomplirent leur devoir ont double mérite. (Chacaton 76, [26 décembre 1916].)

    118Jean Vichy n’est pas très heureux non plus du faible nombre des communions :

    Nous avons eu une messe de minuit. C’était une messe chantée, et comme il n’y a pas d’harmonium, j’avais prié un artiste de jouer quelques morceaux sur un violon que l’on avait réussi à se procurer. Le matin messe de l’aurore à 7 h 30 et la messe du jour à 9 h, messe chantée pendant laquelle j’ai un peu prêché. Encore assez de monde à la messe de minuit, mais peu aux messes du jour et très peu de communions, car le jour de Noël est plutôt un jour de réveillon et de joie humaine, 18 communions pour un bataillon entier, ce n’est pas énorme. (Vichy 44, 28 décembre 1915.)

    Quant à nos fêtes de Noël, elles étaient assez bien réussies, pour les cérémonies extérieures, mais il y manquait surtout les communions nombreuses, juste une douzaine de communions, ce n’est pas grand-chose, et c’est bien triste. M. Lestrade me console en me disant que je sème, en ce moment, que je ne récolterai peut-être jamais, mais qu’il faut continuer de semer surtout par la prière pour toutes ces pauvres âmes. Au point de vue extérieur, à minuit, j’ai célébré la messe, avec chants, j’ai dit quelques mots, parce que c’est à ce moment-là qu’il y avait le plus de monde. Comme il n’y avait pas d’harmonium, une dame voisine a prêté un vieux piano et M. Arlet74 a accompagné le chant au piano. Cela ne va pas du tout dans une église, mais on était encore heureux d’avoir cet instrument. À 9 h messe chantée et le soir à 2 h 30 vêpres complètes avec salut. Et comme nous étions quatre prêtres ou séminaristes, je leur ai demandé s’ils acceptaient de chanter complies, ils ont bien voulu et nous avons chanté nos complies. Notre belle liturgie est encore ce qui parle le plus à l’âme. C’était la première fois, à vrai dire, que je chantais complies accompagné sur un piano. (Vichy 64, 27 décembre 1916.)

    119Jules Nicolaon donne un écho de la fête de Noël bien éloigné des expériences de fraternisation avec les Allemands :

    Pour Noël, à minuit et dans la journée nous avons eu de belles cérémonies. Beaucoup de nos hommes y ont assisté. À l’extérieur, c’était le calme le plus complet. On eût dit un de ces Noël passés jadis en famille. Quelle différence avec l’an dernier où l’on avait passé une partie de cette nuit sainte à s’insulter avec les Boches ! (Nicolaon 8, 2 janvier 1916.)

    120Il en est de même de Jacques Pierre :

    Quelle fête de Noël passée dans les tranchées, sans messe bien entendue et comme musique religieuse, le sifflement des balles et des obus. « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. » Quel contraste ! Que le bon Dieu est plus compatissant que les hommes. Il vient souffrir pour nous racheter et combien ne pensent pas à Lui ! (J. Pierre 14, Alsace, 11 janvier 1915.)

    121La célébration de la fête de Pâques est l’occasion pour les prêtres mobilisés de décompter les « pascalisants » c’est-à-dire ceux qui accomplissent le commandement de l’Église de la confession et de la communion annuelles. Henri Busserolles se montre assez satisfait en constatant que, pour son régiment (le 98e RI, caserné à Roanne), au repos pour Pâques, un quart des soldats environ a accompli son devoir religieux.

    Ce n’est pas encore assurément la France redevenue chrétienne mais enfin il y a bien quelque chose. Nous avons confiance que Notre Seigneur tiendra compte des sacrifices et de la bonne volonté de ceux qui lui sont fidèles pour le salut de la France. (Busserolles 16, 14 avril 1915.)

    122L’abbé Eugène Martin estime les pascalisants à un tiers75. Jean-Marie Taillardat est plus pessimiste avec des recrues toulousaines :

    Le petit pays où nous étions cantonnés est comme toute la région dépourvu de tous sentiments religieux ; à nos messes, nous étions trois prêtres, nous avons eu quelques soldats, parmi lesquels 7 ou 8 nous ont donné la consolation de les voir s’approcher de la sainte table. Les soldats appartenaient à mon régiment, recruté en majeure partie dans la région de Toulouse, tous assez peu portés du côté de la piété, et puis parmi eux il y a tant de respect humain ! (Taillardat 21, 15 avril 1917.)

    123Évidemment, ce n’est pas comparable avec la pratique religieuse des territoriaux angevins qu’il rencontre au moment de la fête de l’Ascension. Tous ont assisté à la messe de 5 h, le quart a communié à la messe de 9 h, d’autres se sont confessés le soir. En dehors des offices, ils restent de longs moments à l’église devant le Saint Sacrement ou la statue de la Sainte Vierge.

    Leur confiance envers cette bonne Mère est vraiment touchante ! Et ce sont des hommes du peuple… Quel exemple pour ceux qui sont comblés de grâces comme moi ! (Busserolles 17, 15 mai 1915.)

    124Pourtant, il y a parfois de bonnes surprises :

    J’ai eu le bonheur ce matin de faire la sainte communion avec la plupart de mes camarades du ravitaillement. Presque tous sont venus gagner leurs Pâques. En les voyant s’approcher de la table sainte que quelques-uns avaient abandonnée depuis plusieurs années, j’ai éprouvé une des plus douces joies de ma vie. (Micard 81, dimanche soir de Pâques 4 avril [1915].)

    Le nombre des communiants a été extraordinairement fort. Tous les jours, 100 à 150 soldats s’approchaient de la sainte table. (Lacoutière 11, 8 avril 1915.)

    125Comme pour Noël, les clercs ne sont pas certains de pouvoir assister à la messe au jour de Pâques, il est donc parfois prudent de prendre ses précautions :

    Dimanche dernier, étant de passage dans un petit village bombardé, j’ai rencontré quand même un aumônier militaire, un père jésuite qui m’a fort engagé à faire mes Pâques le lendemain lundi, ce que j’ai fait avec une joie bien intime, n’ayant pu communier depuis Noël. J’ai bien fait, car quand aurais-je le loisir de m’arrêter dans une église, je ne le sais. (Lacoutière 10, 14 février 1915.)

    126Antoine Roussat, récemment ordonné diacre à Verdun, dit sa joie d’avoir pu participer aux offices de Pâques en cette qualité :

    J’ai eu la joie pendant les fêtes pascales de revêtir à deux reprises l’étole diaconale et la dalmatique : le jeudi saint et le samedi saint. Grâce à la pieuse insistance de M. le curé de Saint-Jean, le jeudi saint, j’ai assisté à la messe comme diacre, de l’Évangile à la communion. Le prêtre qui remplissait la fonction du diacre m’a cédé sa place pour aller confesser des fidèles et je n’ai pu consacrer à l’office du jour que ces 40 minutes. J’ai pu dans la soirée adorer Notre Seigneur au reposoir de Gondrecourt. Quant au samedi saint, j’ai assisté M. le curé de Saint-Jean pour tout le commencement de l’office jusqu’à la IXe prophétie : obligé de partir pour mon service, j’ai eu un fragment de la messe plus tard. J’étais bien heureux d’avoir chanté l’Exultet ! (Roussat 27, Gondrecourt-le-Château [Meuse], 2 mai 1916.)

    127Naturellement, la messe que célèbre l’abbé Côte, à proximité de Verdun, aux pires moments, est bien peu solennelle :

    Nous fûmes relevés dans la nuit du Samedi saint au jour de Pâques par le plus abominable temps de pluie qui se puisse rêver, pour arriver à 5 heures du matin dans un bois couvert de huttes de terre ou de branchages, aux toitures inexistantes et qu’il fallut improviser sous la pluie, au lieu de prendre du repos. Vers 10 heures, profitant d’une éclaircie, je pus célébrer la messe de la Résurrection : une pauvre petite messe basse très humble dans la boue, devant une assistance qui grelottait comme le célébrant, mais qui fut profondément édifiante de recueillement. (Côte 14, 5 mai [1916].)

    128Quand la fête de Pâques ne marque pas de trêve dans les combats, elle permet cependant aux séminaristes de reprendre des forces spirituelles :

    Les fêtes de Pâques sont passées. Bien que tristes et ensanglantées cette année, elles ont été quand même pour moi pleines de réconfort et d’espérance. C’est dans une église écornée par les obus que j’ai puisé dans la sainte communion les forces nécessaires pour surmonter les difficultés de l’heure présente. (Martin-Dreys 13, 5 avril 1918.)

    129Cependant, Alphonse Tronel, affecté au 121e RI, livre une impression très positive :

    Pendant toute la Semaine Sainte, nous avons eu des messes de communion le matin, sauf bien entendu le vendredi saint. Les officiers et les soldats sont venus en grande multitude recevoir Notre Seigneur. On a constaté même des retours nombreux. Les soirs, il y avait chapelet, instruction par M. l’abbé [Eugène] Martin et salut. […]
    Le soir de Pâques, la musique du 121 a donné concert à l’ambulance divisionnaire de Warsy76. Au salut à 6 h, M. de Chabrol, notre aumônier, a pris la parole. Son accent éloquent a profondément remué tout le monde. Nous avons chanté à deux voix divers morceaux de la maîtrise77 que mon oncle m’avait envoyés. C’était tout à fait solennel, et véritablement on ne se croyait plus à la guerre. Ni en ce saint jour, ni le vendredi précédent, on n’a entendu le canon. (Tronel 14, 11 avril 1915.)

    130Il en est de même de Jean Vichy :

    Nous avons eu des fêtes de Pâques bien consolantes. Sans doute ce n’est pas tout le monde, comme nous l’aurions désiré, qui a accompli son devoir pascal, mais pourtant le nombre des communions a été très consolant. Samedi saint j’ai confessé de 6 h du soir à 9 h et M. le curé était à son confessionnal depuis 4 h et le dimanche matin confessions depuis 5 h, je dis ma messe à 6 h, environ 250 communions, pendant que M. le curé confessait toujours et je continue à confesser jusqu’à 7 h 1/2 environ ; il y a eu environ 300 communions de militaires ce jour-là. Après, je vais à l’infirmerie où notre médecin-chef me donne la petite décoration de l’ordre de Saint-Georges devant le personnel médical et je vais chanter une grand-messe à quelques kilomètres dans une paroisse sans curé. J’ai déjeuné avec des officiers qui m’avaient d’ailleurs invité à venir célébrer la messe dans l’église, car ils tenaient à un office le jour de Pâques. (Vichy 28, 16 avril 1915.)

    131L’abbé Louis Ducarouge se dit également satisfait de la pratique religieuse à l’occasion de la fête de l’Assomption :

    Le 15 août s’est fort bien passé. J’ai confessé et communié pas mal de mes frères d’armes à la messe de 5 h, et leur ai parlé à la messe de 10 h. Le lendemain, changement de décors, tranchées, mines, crapouillots… Mais mes amis avaient le cœur pur et plus de courage. (Ducarouge 13, 19 août 1915.)

    132Il en est de même d’H. Larbaud :

    Tout en étant dans les tranchées, nous avons célébré l’Assomption de la Sainte Vierge par une cérémonie toute simple, mais bien pieuse : grand-messe, prédication, salut du Très Saint Sacrement. Officiers et soldats étaient nombreux à tous les offices : ils sentaient bien que cette bonne Mère du Ciel, puissante protectrice de notre pays, est le véritable soutien des soldats dans l’épreuve et dans le découragement. Voilà pourquoi ils la priaient avec tant de confiance78. (Larbaud 26, 18 août 1916.)

    133Ce qui rend difficile la communion, c’est la discipline du jeûne eucharistique, alors très stricte, qui requiert de n’avoir pris aucune nourriture depuis minuit. C’est ce qui explique la déception d’Armand Fleurat qui avait pourtant fait des efforts pour pouvoir communier le dimanche :

    Samedi soir, j’ai été consigné pour aller décharger des blessés à la gare. Nous sommes donc allés à la gare à 9 h 1/2, nous avons attendu le train jusqu’à 1 h du matin et nous avons regagné la caserne à 5 h. J’ai dormi un peu et je suis resté à jeun jusqu’à 10 h 1/2 dans l’espoir d’aller au Bon Pasteur. À cette heure-là on sert le repas ; j’ai demandé alors si le quartier était libre. On m’a répondu que nous ne pourrions probablement sortir que le soir. J’ai dû manger, mais je vous l’assure en toute vérité, les larmes me sont montées aux yeux quand j’ai commencé à manger mon bouillon. Et dire qu’une demi-heure après, on nous permettait de sortir ! Enfin j’ai tout de même pu assister à la sainte messe. (Fleurat 1, Clermont, 14 septembre 1914.)

    134Parfois, les obligations du service font que les conditions idéales ne sont pas réunies :

    Je n’ai pu avoir, ces deux dernières semaines, à mon grand regret, la messe chaque matin et le dimanche je devais me contenter d’un bout de messe et d’une communion hâtive. (Saunier 11, 22 juin 1917.)

    135Les conditions de vie au front ont conduit à assouplir les règles du jeûne eucharistique, ainsi que l’explique Marie-Claude Flageat. Dès le 16 novembre 1914, le Saint-Siège en dispense les soldats soignés pour maladie ou blessure contractée à la guerre. Puis une autre décision, du 11 février 1915, stipule que « les soldats appelés au combat, les soldats sur le front, peuvent être admis servatis servandis à la sainte communion sous forme de viatique ». Ainsi, dans la mesure où ces soldats peuvent mourir d’un moment à l’autre, ils sont assimilés aux mourants qui reçoivent une dernière communion dans la perspective de leur « passage » et auxquels aucune condition n’est imposée79.

    136Certains jésuites hésitent néanmoins à étendre le champ d’application de ce décret aux hommes au repos. Beaucoup optent par l’affirmative, dans la mesure où ce temps peut être abrégé subitement et les hommes envoyés au front sans avoir eu le temps de se confesser et de communier. L’abbé Thellier de Poncheville est du même avis80. Début juin 1916, deux articles, parus dans Prêtres-soldats de France et dans la Revue du clergé français, dénoncent comme des abus le fait d’organiser, le soir, des saluts suivis de communion, alors que les hommes auraient pu communier le lendemain à jeun. Le jésuite Louis Lenoir, se sentant visé, expose ses doléances à Mgr Ruch qui en réfère à Rome. La Congrégation des Rites répond que c’est aux aumôniers et à nul autre d’interpréter les permissions données. Plusieurs prêtres mobilisés usent de cet indult :

    Il me semble qu’on peut donner en viatique la sainte communion à des soldats qui remontent dans la nuit aux tranchées et ne peuvent pas par conséquent communier à jeun le lendemain. (Chambonnière 5, 11 avril 1915.)

    Pour la deuxième fois, usant du privilège accordé par le Souverain Pontife aux soldats dans la tranchée, j’ai distribué la sainte communion à des soldats non à jeun. (J. Pierre 28, 3 août 1915.)

    137Les clercs essaient de garder des habitudes régulières de confession :

    Je ne vois M. Lestrade qu’une fois par semaine, et il est pressé, je ne puis faire qu’une confession rapide. (Vichy 16, 7 décembre 1914.)

    Comme on prévoyait la bataille, nous nous sommes confessés mutuellement. (Vichy 3, 13 août 1914.)

    138J. Vichy admire l’humilité des gradés qui viennent le trouver pour se confesser, faisant passer leur foi avant la différence de grade et oubliant ainsi le « respect humain » :

    Ce qui m’édifie le plus c’est d’entendre des officiers demander à se confesser, m’appeler Mon Père et faire leur confession. Quel grand esprit de foi pour un officier de s’humilier ainsi et s’accuser devant celui qui humainement n’est qu’un simple soldat ! (Vichy 14, 14 novembre 1914.)

    139Il estime que le confesseur ne peut pas se montrer trop dur dans ces circonstances :

    Dimanche dernier nous avons eu une très belle assistance à toutes les messes militaires et le matin une cinquantaine de communions. J’ai eu encore pas mal de confessions ; quel ministère consolant que celui-là ; quelle joie de faire tomber sur ces âmes la grâce du bon Dieu qui les unit de nouveau à lui, et comme on s’ingénie à être le meilleur possible pour donner la consolation à toutes ces âmes. Je me souviendrai toujours de cette phrase d’un confesseur à qui on reprochait d’être trop bon : « J’aime mieux que le bon Dieu me fasse ce reproche, dit-il, que celui d’être trop sévère et il faut avoir confiance que le bon Dieu vous jugera comme on a jugé les âmes qu’il dirige vers nous. » D’ailleurs c’est le conseil du bon M. Dupuy qui répète après le pape : manica large81. Et je sais trop ce que c’est que le scrupule pour donner la moindre inquiétude à tous ceux qui viennent s’adresser à moi. (Vichy 38, 7 octobre 1915.)

    Les moyens de la dévotion

    Le bréviaire

    140Les séminaristes souffrent de n’avoir pu emporter leur bréviaire. Cependant plusieurs clercs reconnaissent qu’avec la surcharge de travail, il est bien difficile de dire quotidiennement son office :

    Je me suis jusqu’à présent dispensé du bréviaire, on a de la peine à trouver ses affaires, s’il faut encore avoir un bréviaire complet, et puis on est si peu libre, actuellement depuis deux mois je suis en 1re ligne, mais même au repos ce n’est guère pratique : ne pourrais-je y suppléer entièrement ? (Combeau 2, 9 août ?)

    Il n’y a guère de possibilité de réciter mon bréviaire, je le remplace, autant qu’il peut être remplacé, par la récitation de plusieurs chapelets dans le cours de la journée, lorsque mes occupations me le permettent. (Taillardat 6, 16 mai 1915.)

    141Cependant certains prêtres ont des scrupules de s’en dispenser, du fait des règles canoniques :

    Si je vais à Moulins en permission, je vous causerai de cette obligation du bréviaire dont on cause en ce moment pour tous les prêtres mobilisés. Et les aumôniers qui en demandent dispense pour eux personnellement ( ! !) et veulent seuls pouvoir dispenser les prêtres de la zone des armées. Je ne vous dis pas tout ce que j’en pense82. (Tourret 9, jour de l’Ascension [1er juin] 1916.)

    142Par ailleurs, le bréviaire est un livre coûteux83 et il serait ennuyeux de le perdre ou de l’abîmer dans le cadre de la vie dans les tranchées :

    J’aurais envie de faire venir mon bréviaire mais ne connaissant guère l’avenir qui m’est réservé, j’hésite devant ce projet. La récitation quotidienne du bréviaire me serait pourtant un précieux réconfort dans les tristes circonstances actuelles. (Micard 109, mercredi 7 juillet [1915].)

    143En mai 1915, l’abbé Giraud adresse à Pierre Philippon un petit bréviaire portatif84 dans lequel il a inséré des pages de méditations, ce dont son destinataire le remercie vivement. Un remède sera apporté par un abonnement à La Bonne Presse qui éditera sous forme de revue le bréviaire-missel. Apparemment, c’est l’abbé Giraud qui a pris en charge l’abonnement de celui-ci pour Edmond Micard85 et le chanoine Barret pour Alphonse Tronel, originaire, comme lui, d’Arfeuilles86. Une version légère, c’est la récitation de l’office de la Sainte Vierge87 (contenu dans le Manuale christianum) mais qui offre l’inconvénient d’être identique pour chaque jour et, ainsi, de ne pas se dérouler en simultanéité avec la prière de l’Église tout entière.

    La prière devant le Saint Sacrement

    144La visite quotidienne au Saint Sacrement, encouragée depuis la fin du XVIIIe siècle par saint Alphonse de Liguori, est recommandée aux personnes pieuses et elle est intégrée à l’emploi du temps des séminaristes88. Les clercs mobilisés la pratiquent donc le plus fréquemment qu’ils peuvent. Ils souffrent donc particulièrement de la privation de cette dévotion :

    Il me reste toujours la privation du Maître dans un tabernacle et son Saint Sacrifice. Dans ce secteur, je ne trouve plus que des églises saccagées et vides, une seule par ici reste avec un vieux curé : c’est celle de Somme-Dieu89 où j’ai pu passer le dimanche des Rameaux, mais, depuis ce jour, il ne m’a même pas été possible de voir l’aumônier. Quand donc un repos régénérateur viendra-t-il pour me permettre de visiter le Maître et de lui parler dans son petit tabernacle ! (F. Beaumont 25, 12 mai 1916.)

    145Lorsqu’ils le peuvent, les aumôniers organisent des saluts du Saint Sacrement90, suivis de la bénédiction.

    Nous avons tous les soirs un salut à l’église où M. l’aumônier dit quelques mots et fait la prière, puis a lieu la bénédiction. (Fleurat 30, 1er août 1915.)

    146À Besançon, où est stationné Georges Blanchet, c’est le cas chaque jour, dans une église de la ville réservée aux soldats. Il en est de même à Lyon, au Cercle catholique de La Part-Dieu. Parfois, c’est l’occasion aussi de proposer aux soldats présents une méditation ou une petite conférence :

    Tous les soirs au salut, un prêtre infirmier de l’Ardèche donne des conférences. Il a un succès énorme auprès des soldats : tous les jours on constate que l’affluence est plus nombreuse. Il fait beaucoup de bien, j’ai pu m’en rendre compte en parlant de ses conférences avec les camarades que j’y vois venir et plusieurs qui avaient complètement déserté l’église seront certainement ramenés. (Fleurat 55, 28 novembre 1917.)

    147La cérémonie peut revêtir une certaine solennité, comme à Belfort où, à l’occasion de l’octave de la fête du Saint Sacrement, il y a eu, tous les soirs, exposition du Saint Sacrement à l’aumônerie militaire :

    Je prie de mon mieux pour la France qui en a tant besoin à l’heure actuelle, pour les prêtres et séminaristes mobilisés, et aussi particulièrement pour le cher séminaire auquel je pense si souvent. Chaque soir de l’octave, nous avons chanté solennellement les complies en grégorien, chacun y mettant tout son cœur et toute son âme. (I. Lafaye 14, Belfort, 18 juin 1917.)

    148Jacques Pierre se montre assez satisfait de l’assistance :

    Nous avons fait à notre façon le mois de Marie et le mois du Sacré-Cœur. Presque tous les soirs, nous avions prière, chapelet et salut. Ces réunions où un grand nombre de soldats se rencontraient avant d’aller prendre un repos bien mérité nous procuraient une grande joie. La partie véritablement chrétienne de ces paroisses qui virent l’ennemi à leur porte ou dans leurs murs en était grandement édifiée et cela les consolait un peu de l’immoralité qui hélas s’étale un peu sur tout le front. (J. Pierre 27, 2 juillet 1915.)

    149Cependant, il convient de relativiser, comme le fait Jean Thomas :

    [Les soldats] restent dans cet état d’engourdissement où ils ne pensent à rien. Ainsi, dans un bataillon où nous sommes 700, le matin, à la messe nous sommes de 6 à 10, et le soir au salut de 25 à 30. Il n’y a que le dimanche que l’assistance est assez nombreuse. (Thomas 22, 7 février 1916.)

    150Même en l’absence de telle cérémonie, les séminaristes prennent l’habitude de prier devant le tabernacle où demeure la réserve eucharistique. C’est le premier geste de Jean Chacaton arrivant à la caserne :

    Nous venons d’arriver ici à 11 h 1/4. Bonne santé. Je suis allé rendre visite à Jésus-Hostie et à M. le Curé qui vous écrira prochainement. (Chacaton 2, Castelnaudary, 9 septembre 1915.)

    151Il en est de même pour Auguste Saulnier :

    Chaque soir, comme nous sortons vers les 6 heures, je vais avec l’abbé Croizier, rendre visite à Notre Seigneur dont le sanctuaire est à 200 mètres à peine de notre cantonnement ; c’est le bon moment de la journée, celui où l’on puise les sources d’énergie pour le lendemain. (Saulnier 4, Vaulx-en-Velin, 4 septembre [1916].)

    152Alphonse Tronel fait de même, mais en cachette de sa hiérarchie :

    Je suis obligé à la tombée du jour d’enfreindre les consignes pour quitter la ferme où nous sommes cantonnés et aller à l’église la plus voisine (800 m) prier le divin roi. Je le fais à peu près tous les soirs avec un ami que vous avez vu sur la photographie et même aisément car mon chef de musique se montre aimable pour moi et ferme les yeux sur l’observation stricte du règlement. (Tronel 11, vendredi 12 février 1915.)

    Le chapelet

    153Au travers des lettres, le chapelet apparaît avant tout comme une dévotion personnelle des clercs mobilisés91. La plupart d’entre eux le récitent quotidiennement. Armand Fleurat choisit de le faire au milieu d’un petit cimetière où sont inhumés des soldats morts dans son ambulance92. Henri Larbaud fait de même durant les longues nuits de garde dans les tranchées :

    J’ai passé les 9 derniers jours dans les entonnoirs de mines du labyrinthe, au sud de Neuville Saint-Vaast, à 15 mètres des tranchées allemandes93. Les nuits sont très froides dans cette région et afin que le temps me semble passer plus vite, il m’arrivait d’égrener cinq ou dix chapelets par nuit, me plongeant dans la méditation des mystères du Rosaire, m’abandonnant à la Très Sainte Vierge, cette bonne Mère à qui je me recommande sans cesse. Quand plus tard je retournerai au séminaire, mon bien cher Père, j’aimerai à me rappeler ces longues nuits qui auront été pour moi des heures de prière et de sanctification. (Larbaud 14, 14 novembre 1915.)

    154C’est aussi la seule prière qui reste à Justin Lacoutière soigné à l’hôpital de Bar-le-Duc, où toute cérémonie religieuse est proscrite94. Souvent pratiquée individuellement, elle est parfois proposée de manière collective, par les aumôniers lorsque l’unité est au repos, un peu à l’arrière du front, et, dans les hôpitaux, par les religieuses qui sont en charge du service. Souvent cette récitation commune a lieu durant le salut du Saint Sacrement :

    Ici j’ai le bonheur de pouvoir faire la sainte communion assez souvent et d’assister presque chaque soir à une petite réunion présidée par l’aumônier du 8e bataillon, un jeune père dominicain où l’on récite le chapelet ; nous avons de plus un petit sermon et la bénédiction du Saint Sacrement ; il y a chaque soir beaucoup de chasseurs et soldats. (Aurambout 33, 13 décembre 1915.)

    155C’est aussi la prière que font les soldats prisonniers à Ingolstadt, en attendant de recevoir des livres leur permettant de dire le bréviaire (Aurambout 45, 7 mai 1916).

    Reliques, insignes et médailles

    156Quelques lettres nous laissent entendre que l’abbé Giraud a donné quelques petites reliques à des clercs mobilisés. L’abbé Georges Dérat lui écrit :

    J’ai reçu de toi deux lettres et la relique de sœur Thérèse avec la dernière. Je t’en remercie beaucoup. Je me suis mis sous la protection de la petite sainte95. (Dérat 1, 25 octobre 1915.)

    157Beaucoup de soldats, en revanche, portent des médailles de la Sainte Vierge : c’est ce dont témoigne Maxime Augiat dans les débuts de la guerre96. Dans le train qui emmène les soldats au front, nombreux sont-ils à demander à l’abbé Aurambout des médailles et des scapulaires du Sacré-Cœur, apprenant qu’il en a distribué à quelques-uns97. Il en est de même pour l’abbé Cristiani. À Jean Chacaton mobilisé, l’abbé Giraud fait parvenir des médailles de saint Benoît98. Plusieurs remarquent que les soldats portent ostensiblement leurs médailles :

    La guerre est triste, mais, comme me l’écrivait mon cher ami M. Lépée, elle épure l’homme en l’idéalisant. Exposé sans cesse aux dangers, le soldat sent renaître en lui une autre vie, la vie de l’homme unie à son Dieu. Comme je le sens tout cela, en voyant se réunir dans les églises la plupart des soldats. Le respect humain a sombré. Tous arborent fièrement une médaille ou un scapulaire et les voûtes de nos chères églises retentissent de leurs cantiques. (Gaume 3, 21 avril 1915.)

    158Ces médailles ont été données aux soldats par leurs mères, leurs curés ou des religieuses, ce que rapporte J.-B. Monat sur le point de quitter son casernement de Riom99.

    159C’est bien pourquoi les prêtres sont sensibles aux mesures interdisant de munir les drapeaux de l’emblème du Sacré-Cœur100 :

    Le vieil esprit de parti n’est pas mort. Il vient se promener jusque sur le front. Il trouve excessif et dangereux pour la défense nationale que les soldats portent des Sacrés-Cœurs aux couleurs nationales101. (Chambonnière 8, 30 juillet 1915.)

    Ah, si nos drapeaux avaient l’image du Cœur de Jésus ! En 1870, nous avions ce drapeau fait à Paray sur l’ordre de l’abbé de Musy et que le saint M. Dupont remit au général de Charette. (Barnichon 5, Vichy, 28 novembre 1914.)

    Pèlerinages

    160Plusieurs clercs mobilisés vont tirer profit de leurs déplacements pour se rendre dans des sanctuaires de pèlerinage. Jean-Baptiste Monat, hospitalisé à Riom, en février 1917, apprécie de pouvoir se rendre à Clermont pour prier en l’église Notre-Dame du Port. Jean Chacaton, au cours de son instruction militaire à Castelnaudary, peut profiter d’une permission pour se rendre en pèlerinage à Lourdes. Jacques Pierre fait de même un peu plus tard. Tous deux s’en disent très heureux :

    J’ai puisé à Lourdes, dans ce premier pèlerinage de ma vie à la « cité sainte » de Marie, des forces nouvelles, un encouragement bien grand, qui m’aideront à supporter mieux les croix quotidiennes, à souffrir davantage. (Chacaton 15, 7 novembre 1915.)

    Quel bonheur pour moi, je passe une grande semaine à Lourdes. Pendant ces quelques instants, je m’efforcerai de bien m’abandonner à la sainte volonté de Dieu. (J. Pierre 56, Lourdes, 13 septembre 1918.)

    161Léon Côte et Armand Fleurat, de passage à Corbie, vénèrent le souvenir de sainte Colette :

    Il m’a été donné tout dernièrement de m’agenouiller dans la chambre où est née sainte Colette. Sa maison est assez bien conservée. Sa chambre forme le chœur de la chapelle d’un pensionnat de jeunes filles. J’ai prié un bon moment dans cette chapelle en pensant beaucoup au séminaire. (Fleurat 43, 28 septembre 1916.)

    162Jean Chacaton, en route vers Lourdes, s’arrête à Toulouse où, après avoir visité la cathédrale, il vénère les reliques de saint Thomas d’Aquin. Marcel Lépée et Stéphane Poulalier grimpent au sanctuaire de Notre-Dame-de-Sion et ce dernier pousse jusqu’à Mattaincourt (Vosges), lieu d’apostolat de saint Pierre Fourier (1565-1640), fondateur de la congrégation de Notre-Dame, des religieuses enseignantes. Georges Malvielle, quant à lui, va séjourner dans l’hiver 1914-1915 à Vaucouleurs. C’est l’occasion pour lui d’évoquer le souvenir de Jeanne d’Arc et de se rendre en pèlerinage à Domrémy. Eugène Priault, au camp de La Valbonne en novembre 1916, espère obtenir une permission d’une journée et visiter la paroisse d’Ars. Auguste Saulnier, stationné à Orléans, donne un compte-rendu de la journée qu’il a passée à Chartres :

    Hier j’ai eu la joie, mon cher Père, grâce à une permission de 24 heures, d’aller avec un autre séminariste mobilisé ici passer ma journée de dimanche à Chartres dans l’unique but de voir la cathédrale. Nous avons passé une bien bonne journée et nous avons pu assister aux offices à Notre-Dame de Chartres. C’était de bien imposantes et bien pieuses cérémonies. Tout contribuait à en rehausser l’éclat : l’observation intégrale de la liturgie romaine comme à Moulins, le plain-chant grégorien exécuté avec beaucoup d’art par une excellente maîtrise, un organiste d’un talent supérieur et d’une inspiration toujours très élevée rendaient vraiment les offices très beaux. Si on ajoute à tout cela le cadre de la cathédrale de Chartres, si impressionnant dans son ensemble, on a vraiment un spectacle des plus réconfortants auquel Notre Seigneur m’ait donné d’assister. (Saulnier 25, Orléans, 30 juillet 1917.)

    163Jean Barnichon, stationné à Troyes, va prier auprès du tombeau de la Mère Marie de Sales Chappuis (1793-1875), visitandine, ayant participé à la fondation des Oblats de saint François de Sales :

    Demain j’irai chercher au tombeau de la mère Marie de Sales un peu de cette confiance qui m’est si bonne et qui est si agréable au cœur de Jésus. (Barnichon 48, samedi 17 juin 1916.)

    164Plusieurs des prêtres et séminariste stationnés à Lyon vont au Prado, attirés par la figure du fondateur, Antoine Chevrier (1826-1879), fondateur de la Société des prêtres du Prado, en faveur d’un apostolat pauvre auprès des pauvres, et auteur du livre : Le véritable disciple. Jean Barnichon s’y rend, demande à voir la chambre du P. Chevrier et se dit « séduit par cette vie de pauvreté102 ». Il en parle à son père qui, de passage à Lyon, visite aussi le Prado et en revient plein d’admiration pour le P. Chevrier.

    165Cependant le sanctuaire le plus fréquenté est celui de Montmartre où tous les prêtres et soldats se rendent lorsqu’ils sont de passage à Paris. Souvent, ils sont frappés par le grand nombre de soldats présents, ce qui les aide spirituellement, surtout quand ils souffrent de l’isolement au front.

    Hier soir, je suis encore allé à Montmartre : j’ai bien confié mon sacerdoce au Sacré-Cœur. (Fradin 27, 2 mai 1915.)

    Ce matin, j’ai pu assister à la sainte messe au Sacré-Cœur de Montmartre et j’ai eu la joie de communier. (Monat 85, 18 avril 1916.)

    J’ai eu de bons moments à Montmartre. On respire là un air de ferveur. Tous ces soldats, toutes ces femmes en deuil qui prient les yeux levés vers l’ostensoir toujours exposé aident l’âme à s’élever, à supplier Jésus pour ce qui « grouille » en bas, pour ceux qui souffrent, pour la France et pour soi-même. (Saunier 5, 13 décembre 1916.)

    Vendredi dernier, j’ai pu y passer deux grandes heures. […] J’étais bien là aux pieds du divin Maître car j’ai pu prendre part à une magnifique cérémonie d’adoration ; il y avait bien près de 700 personnes dont la moitié d’hommes et de soldats qui priaient avec beaucoup de ferveur. J’ai profité de mon passage à Montmartre pour faire une revue du passé, ce que je me proposais d’aller faire avec vous, mon très aimé Père, lors de mon passage à Moulins. (Taillardat 5, Aubervilliers, 26 avril 1915.)

    En passant à Paris, comme je vous l’ai dit, je suis allé prier aux pieds de Notre-Dame des Victoires, et j’ai renouvelé ma consécration au Cœur Sacré de Jésus, dans la basilique de Montmartre. (Vichy 65, 26 janvier 1917.)

    J’ai fait un petit pèlerinage au Sacré-Cœur de Montmartre où je me suis consacré une fois de plus au bon Maître. Il y a un grand mouvement de piété vraiment édifiant dans cette basilique. Mais le monument n’a rien de bien religieux et même l’exposition du Très Saint Sacrement, il me semble, pourrait être mieux faite. (Vichy 69, 3 juillet 1917.)

    166Jacques Pierre, à peine sorti de l’hôpital, s’y rend en action de grâce :

    Hier, je suis allé à Montmartre payer mon tribut de reconnaissance. Notre Seigneur a encore de fidèles amis, trop rares, il est vrai, mais bien convaincus. (J. Pierre 52, 6 août 1917.)

    Dimanche dernier, accompagné d’un autre blessé, je suis allé au Sacré-Cœur, à la réunion des hommes de France ; ce bonheur que je désirais depuis mon arrivée à Paris m’a été procuré et je dois vous dire que s’il y a eu du bonheur spirituel, il y a eu aussi un bonheur purement humain. Se sentir nombreux, j’allais dire un véritable régiment acclamant tous la même foi, le même sauveur, cela fait du bien. (J. Pierre 54, Paris, 2 octobre 1917.)

    167Le sanctuaire de Notre-Dame-des-Victoires, cité par Jean Vichy, est aussi l’objet d’un pèlerinage de la part de Jacques Pierre :

    Avant-hier au soir, j’ai eu la visite de M. l’abbé G. Blanchet avec qui j’ai passé un bon moment. Hier matin, il m’a servi la sainte messe et puis nous sommes allés à Notre-Dame-des-Victoires prier ensemble la Bonne Maman. (J. Pierre 53, 5 septembre 1917.)

    168Les soldats stationnés à Lyon, ou seulement de passage, ne manquent pas de se rendre au sanctuaire de Notre-Dame-de-Fourvière. Jean Barnichon y passe la journée du 1er janvier 1915 et il prie aux intentions de l’abbé Giraud et du séminaire103. Il y retourne à plusieurs reprises. Auguste Saulnier fait de même :

    Le soir nous sommes allés à Fourvière où nous avons passé un bon moment et assisté aux vêpres. Je n’ai pas oublié auprès de la statue de la Très Sainte Vierge tous ceux que j’ai laissés au séminaire et auxquels je reste profondément attaché. (Saulnier 11, Vaulx-en-Velin, 17 octobre 1916.)

    169Léon Berthon s’y rend en octobre de la même année et rappelle à l’abbé Giraud leur pèlerinage commun en ce lieu104. Joseph Besson, affecté au service de santé à Lyon, s’y rend aussi avec plusieurs de ses camarades. Il participe naturellement aux grandes fêtes du 8 décembre 1915. Louis Ducarouge s’y trouvait l’année précédente :

    Aujourd’hui nous avons été à Fourvière avec le pèlerinage des hommes dont la moitié malheureusement n’a pu entendre Mgr Sevin. (Ducarouge 6, Lyon, 6 décembre 1914.)

    170Henri Busserolles, hospitalisé à Lyon, quitte son lit le 8 septembre pour aller sur la terrasse et recevoir la bénédiction du Saint Sacrement donnée à toute la ville depuis Fourvière :

    Il y avait foule autour de la basilique et sur les quais. La ville de Lyon paraît vraiment pieuse et dévote envers Notre-Dame. (Busserolles 43, Lyon, 16 septembre 1918.)

    Retraites spirituelles

    171Lorsqu’ils le peuvent, les aumôniers qui parviennent à regrouper des clercs mobilisés organisent pour eux de courtes retraites spirituelles, ce qui leur permet de revivifier leur vie spirituelle :

    Nous avons fait un jour de retraite pendant le dernier repos que nous avons pris il y a 4 jours. Le matin, communion, méditation, examen particulier, chapelet pendant la journée ; le soir, chemin de croix et préparation à la mort. Quelle délicieuse journée nous avons passée en union avec le bon Maître. (Monat 37, 31 janvier 1915.)

    Nous avons eu ces jours derniers la joie d’une petite récollection sacerdotale pour tous les prêtres qui se trouvent ici, c’est un aumônier de la place qui a bien voulu, à notre grande joie, se charger du nécessaire, c’est un chanoine de Saint-Flour, engagé pour la durée de la guerre. La petite retraite qui n’a pu durer que 4 jours nous a été prêchée par un père jésuite de Châlons. Comme cela fait du bien de pouvoir se retremper un peu ; il y a si longtemps que je n’avais pas eu ce bonheur d’une retraite ; quoique celle-ci ait été très courte et se soit bornée à un seul exercice par jour, j’en ai retiré, me semble-t-il, un grand profit. (Taillardat 14, 29 février 1916.)

    172Pour l’un ou l’autre qui a pu passer quelques jours au séminaire de Moulins, ce séjour a été également vécu comme l’équivalent d’une retraite105.

    La prière à la Vierge et aux saints

    173Le mois de Marie, la prière du chapelet durant le mois de mai, est une prière extrêmement pratiquée en France aux XIXe et XXe siècles106. Les prêtres s’efforcent d’organiser cette célébration pour les troupes au repos un peu à l’arrière du front et ils constatent qu’elle attire nombre de soldats :

    Nous avons organisé le mois de Marie tous les soirs à 7 heures, et notre initiative a eu plein succès : on aime à venir prier et chanter avec nous, et chaque soir l’assistance emplit à peu près l’église. (Côte 8, 19 mai [1915].)

    Tous les jours messe et mois de Marie. Pour le mois de Marie, l’église est pleine. La communion est un réconfort au milieu des petites misères de la vie. (Martenot 14, dimanche 30 mai [1915].)

    Toutes les fois que je cantonne à Cuvilly, c’est-à-dire tous les deux jours, j’assiste aux exercices du mois de Marie qui sont faits par M. l’abbé Lestrade, aumônier militaire. Il est très consolant d’y voir beaucoup de soldats du 98e d’infanterie. […] Tous chantent avec foi et ferveur. C’est un spectacle bien consolant. J’ai la douce confiance que ce mois de mai ne se passera pas sans que Marie ait obtenu, pour la France qui la prie, une grande faveur. Ce ne sera peut-être pas encore la victoire complète, mais du moins j’ai la ferme espérance que la Sainte Vierge nous obtiendra la grâce de chasser les Allemands de notre territoire. Je récite chaque jour mon chapelet et je demande bien à cette bonne Mère de m’obtenir la grâce d’être plus tard un saint prêtre de l’Église, s’il plaît à Dieu que je revienne de cette guerre. (Micard 93, vendredi 7 mai [1915].)

    174Avec quelques compagnons, Henri Larbaud pratique la méditation et la prière à Marie :

    Quand nous ne sommes pas retenus par le service, nous faisons ensemble notre prière et notre méditation, et l’on retourne à ses occupations journalières, après avoir reçu dans notre cœur le Maître adoré qui saura nous préserver des dangers de l’âme et du corps et avoir imploré la protection de la Très Sainte Vierge par la belle prière du « Souvenez-vous107 ». Qu’elles sont délicieuses, ces journées de tranchées où l’on prie pour ses parents, ses bienfaiteurs, et ses confrères qui sont dans la tourmente auxquels on se sent uni plus que jamais ! (Larbaud 35, 20 septembre 1917.)

    175Plusieurs séminaristes font une neuvaine de prière pour leur progrès spirituel :

    Nous faisons pour l’instant une neuvaine préparatoire à l’Annonciation, pour obtenir de la bonne Mère plus d’amour pour Jésus, un abandon de plus en plus complet à la volonté divine et la fin de cette guerre. (Monat 43, Arvelles-sur-Somme, 16 mars 1915.)

    176Jeanne d’Arc, quant à elle, réhabilitée par Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans en 1850, a été béatifiée par Pie X le 18 avril 1909. Sa maison natale, à Domrémy, a été achetée dès 1818 par le département des Vosges et la construction de l’église du Bois-Chenu, envisagée à partir de 1878, est achevée dans sa plus grande partie en 1897108. La bienheureuse est fêtée par les soldats, perçue en quelque sorte comme leur sainte patronne :

    Notre vieux petit village contient heureusement une gentille petite église, sans pasteur depuis la guerre. […] Maintenant ce sont les cinq prêtres du 413e qui remplacent le curé absent. […] L’idée nous était venue de grouper tous les jeunes gens ayant fait partie, dans leurs villes ou leurs campagnes, de groupes catholiques. […] Plus de 150 adhésions nous ont été apportées, et cela nous a permis de fêter Jeanne d’Arc dimanche dernier avec toute la solennité possible : nombreuses communions aux messes du matin, belle assistance à la grand-messe, et, le soir, au salut précédé des vêpres et d’un petit mot que je leur adressai, une assistance qui remplissait jusqu’aux plus petits recoins. La bienheureuse a dû être contente de nous, et je suis sûr qu’elle nous protégera. (Côte 8, 19 mai [1915].)

    Ce matin, nous avons eu une très belle cérémonie à l’église paroissiale. Elle était bondée de soldats. Hier toute la journée, des soldats avaient travaillé à l’ornementation de l’église pour la fête d’aujourd’hui en l’honneur de Jeanne d’Arc. Le panégyrique fut prononcé par un Père dominicain, aumônier militaire. (Fleurat 23, 16 mai 1915.)

    177Le réseau ecclésiastique, très dense à cette époque, apporte une aide morale importante aux clercs mobilisés. À l’arrière, dans les villes de garnison, ils bénéficient de l’accueil des cercles militaires catholiques et, dans les villes épiscopales, de celui des grands séminaires. Plus près du front, les prêtres encore en place se montrent généralement fraternels, même s’il y a des exceptions. Tout ceci représente incontestablement un avantage appréciable par rapport au soldat ordinaire. Alors que la vie au grand séminaire était d’allure monacale, elle laissait la possibilité que se nouent des liens d’amitié entre séminaristes, dont témoignent les lettres, liens qui représentent aussi un soutien important au fil des jours. La fraternité déborde naturellement les frontières du diocèse et prêtres et séminaristes s’apportent une entraide mutuelle. Mais le séminaire et son supérieur, l’abbé Giraud, représentent pour eux un pôle dont la seule pensée leur redonne de la force.

    178La lecture est également un moyen important pour prendre de la hauteur par rapport aux tristes réalités de la guerre. La Semaine religieuse assure un lien avec le diocèse, donnant des nouvelles des clercs mobilisés et de l’ensemble de la vie religieuse. Cependant, c’est seulement en 1917 que l’évêque prend conscience de la nécessité d’assurer ce lien et offre l’abonnement aux prêtres et séminaristes au front. Le service des trois revues conçues pour les clercs mobilisés et réalisées par les jésuites, les assomptionnistes et l’Œuvre des campagnes est assuré de manière irrégulière, soit par le diocèse, soit par les aumôniers militaires. Ce sont plutôt les textes servant à la méditation que les clercs apprécient en priorité, dans la mesure où il leur est difficile d’emporter des livres avec eux.

    179Les lettres donnent une idée assez large des ouvrages qui nourrissent leur vie spirituelle. L’Imitation de Jésus-Christ occupe la première place. J. Vichy explique que cette lecture l’invite à ne tirer sa force que de Dieu seul. Deux ouvrages récents sont cités à plusieurs reprises : L’âme de tout apostolat de Dom Chautard, qui pousse les prêtres à nourrir tous leurs actes par la vie intérieure et le Voyage du centurion de Psichari, témoignant d’un itinéraire de foi sous l’uniforme.

    180La messe, célébrée sous la menace des obus, dans une église parfois à moitié ruinée, revêt une intensité qu’elle n’avait pas à l’arrière. Les prêtres y sont sensibles et certainement aussi les soldats qui y assistent. Souvent l’eucharistie est célébrée dans les tranchées, dans des conditions précaires et très pauvres, avec une assistance réduite, mais fervente. On constate que les clercs bourbonnais sont bien sceptiques devant le témoignage que La Croix donne de messes rassemblant des troupes nombreuses. C’est pourtant le cas lorsqu’elles sont célébrées pour les soldats qui ont été tués, à la demande des autorités militaires. Mais, même dans ce cas, l’abbé Jacques Pierre doute des dispositions intérieures des soldats qui y assistent.

    181La fête de Noël représente un moment important, havre de paix dans ce monde bouleversé et les soldats s’ingénient à préparer la messe et à retrouver dans leur mémoire les cantiques traditionnels. Cependant il y a peu de communions, ce qui est peut-être dû au fait que les préceptes pontificaux sur la communion fréquente sont encore peu intériorisés ou encore aux réticences devant la confession. En revanche, le précepte de la communion pascale est encore largement observé, même si c’est seulement par un quart ou un tiers des soldats.

    182Les clercs mobilisés essaient de conserver leurs habitudes de piété, même si les conditions de vie rendent cela difficile : bréviaire, visite au Saint Sacrement, chapelet. Lorsqu’ils le peuvent, ils profitent d’une permission pour aller se recueillir dans un sanctuaire de pèlerinage. Certaines de ces dévotions font l’objet aussi bien d’une prière individuelle que collective, principalement le salut du Saint Sacrement et le chapelet, auxquelles les soldats participent volontiers.

    Notes de bas de page

    1 La loi du 8 juillet 1880 a quasiment supprimé l’aumônerie militaire mise en place par la loi du 20 mai 1874. Sauf exception, c’est au clergé paroissial qu’il revient d’assurer l’accompagnement spirituel des soldats. C’est dans ce cadre que se créent des cercles catholiques. Cependant, « le 22 août 1880, une circulaire du ministre de la Guerre interdit aux soldats et aux sous-officiers l’accès de foyers et des cercles militaires confessionnels, même s’ils sont situés en dehors des casernes ». Comme ce texte est peu appliqué, il est renforcé par une circulaire du 3 février 1904 qui interdit à tous les militaires la fréquentation des cercles et lieux de réunion ayant un caractère confessionnel. De nombreux cercles sont alors fermés. Cependant, vers 1907-1909, certains se réorganisent en apparaissant comme non confessionnels, car dirigés par un comité laïc. Boniface X., L’Armée, l’Église et la République (1879-1914), Paris, Nouveau Monde éditions, 2012, 524 p. (citation p. 161).

    2 44, rue de la République.

    3 Séminaire des prêtres de la Compagnie de Saint-Sulpice, situé à Issy-les-Moulineaux.

    4 « Notre petit groupe continue à s’accroître. Il y a maintenant sept prêtres, dont un Père jésuite et un Père capucin et douze ou treize séminaristes. Nous vivons dans le plus parfait accord. Nos réunions sont une des plus douces consolations de ma vie militaire. » (Pelletier 5, 2 juillet 1917.)

    5 Intitulé « Maison de famille militaire », il est installé 88, rue de La Part-Dieu, et il a pour devise : « Faire du bien en faisant des heureux. »

    6 Mgr Fleury Lavallée (1870-1961) est le recteur des Facultés catholiques de Lyon. De formation littéraire, il publie de petits ouvrages de spiritualité. Joseph Tixeront (1870-1925), prêtre sulpicien, enseigne à la Faculté de théologie. Il est notamment l’auteur d’une Histoire des dogmes dans l’Antiquité chrétienne (1905-1912). L’orateur suivant peut être Charles Jacquier (1845-1928), doyen de la Faculté de droit, bâtonnier de Lyon et orateur catholique réputé, ou bien son fils, le chanoine Eugène Jacquier, professeur d’Écriture Sainte à la Faculté de théologie. Louis Aguettant (1871-1931) enseigne à la Faculté catholique des lettres. Il donne de nombreuses conférences sur les musiciens et les poètes.

    7 Le cercle doit proposer des activités générales très ouvertes : salon de lecture et de correspondance notamment, jeux, pour tous les soldats. Les activités religieuses (prière à la chapelle devant le Saint Sacrement) n’attirent que les prêtres et séminaristes.

    8 D’autres cercles sont cités au fil des lettres : Ancenis, Belfort, Castelnaudary, Montélimar.

    9 Le Sacré-Cœur de Jésus. Allocutions des premiers vendredis durant la guerre 1914-1915, Paris, Téqui, 1916, VII-351 p.

    10 Léon Adolphe Amette (1850-1920), archevêque de Paris (1906-1920).

    11 Le vicaire paroissial, mobilisé.

    12 T.S.S. : Très Saint Sacrement.

    13 Lettre de G. Malvielle à ses parents, n° 796, 11 septembre 1918.

    14 Ils semblent être en bien plus petit nombre, ou bien est-ce que les rédacteurs des lettres répugnent à en parler ?

    15 Louis Allot et René Saunier, notamment.

    16 Presbytère de la paroisse Saint-Paul de Montluçon, où l’abbé Vichy était vicaire.

    17 Saunier 10, 25 avril 1917.

    18 Il s’agit d’une icône représentant la Vierge à l’Enfant, qui aurait été apportée à Rome par un marchand crétois vers 1480. Sa dévotion a été répandue par saint Alphonse de Liguori et les rédemptoristes. Des reproductions ont été diffusées dans de nombreuses églises.

    19 On se doute bien que nombre d’entre elles, conservées dans la poche de la vareuse, ont dû être perdues. Certaines sont peut-être encore dans des fonds familiaux inconnus de nous.

    20 Il semble également que certains clercs mobilisés reçoivent le bulletin paroissial que leur adresse leur curé.

    21 C’est visiblement l’abbé Giraud qui effectue les démarches nécessaires puisque la demande lui est adressée le 21 mai 1915 et que, le 4 juin, l’abbé Martin lui adresse ses remerciements pour l’avoir reçue. Il en est de même de Maurice Nény en juin 1915.

    22 C’est en août 1917 que le séminariste Jean Chacaton écrit à l’évêque pour le remercier de sa lettre où il lui annonce l’envoi hebdomadaire de la Semaine religieuse. Il en est ainsi également, en ce même mois, pour Gabriel Martin. En novembre 1917, Jean Thomas, interné à Fribourg (Suisse), signale qu’il a reçu la lettre de l’évêque lui annonçant cet envoi, mais que la revue n’a pas suivi.

    23 « Appris la mort de M. Millien par la Semaine religieuse (que m’envoie je ne sais quelle âme généreuse). » (Saunier 19, 26 septembre 1917.)

    24 Les occurrences sont respectivement au nombre de 19 (émanant de 15 correspondants), 8 (émanant de 7 correspondants) et 2. En février 1918, on trouve mention de la revue Prêtres soldats mobilisés sous la plume de Gilbert Cartailler, mais il semble qu’il s’agisse en fait de Prêtres soldats de France.

    25 Le prêtre aux armées, n° 1, 15 février 1915, p. 2.

    26 Là encore, on ne sait pas précisément qui assure le service de cette revue car Albert Martenot signale, en juillet 1915, qu’il ne la reçoit pas. Il en est de même de Jules Nicolaon en août et de Pierre Tourret en décembre de la même année. En revanche, Victor Thévenet écrit : « Je viens de recevoir le premier numéro de Prêtre aux armées que Mgr m’avait promis à titre d’employé sur le front. » (Thévenet 3, Fête de la Visitation ?)

    27 « J’ai reçu avec bien du plaisir la 1re brochure de Prêtres soldats de France ; là, je puiserai de précieux enseignements. » (Chacaton 92, dimanche 2 décembre [1917].)

    28 Prêtres soldats de France. Lettres bi-mensuelles d’information et de pratique pastorales, n° 1, 10 février 1915, p. 1.

    29 Vichy 52, 4 mai 1916.

    30 Autre nom de la congrégation des Oblates du Cœur de Jésus.

    31 Les jésuites assuraient l’aumônerie générale de l’Association catholique de la Jeunesse Française.

    32 Frères d’armes, n° 1, juillet 1916, cité dans Flageat M. -Cl., op. cit., p. 209.

    33 Une dizaine de correspondants en font mention.

    34 On trouvera plus loin la citation de la lettre de Jean Vichy.

    35 À partir de juin 1917, c’est Mgr Hippolyte de La Celle, vicaire général et directeur diocésain des œuvres, qui la lui fait adresser, sur sa demande.

    36 Ce journal quotidien, publié de 1884 à 1944, était de tendance nationaliste et conservatrice. Maurice Barrès y donnait souvent des articles.

    37 Micard 48, samedi 16 janvier [1915]. Le cardinal Désiré Mercier, archevêque de Malines-Bruxelles, devient l’incarnation de la résistance morale de son pays occupé par les Allemands, conjointement avec le roi Albert Ier qui refuse de s’exiler et s’accroche à un bout de territoire avec ce qui reste de son armée. Le cardinal publie sa lettre au retour d’un voyage à Rome, ce qui suscite une violente réaction des Allemands. Le texte de ses interventions sera publié dès 1917 par la maison d’édition catholique Bloud et Gay.

    38 Adolphe Tanquerey (1854-1932), pss, auteur de De vera religione, de Ecclesia, de fontibus revelationis : synopsis theologiae dogmaticae fundamentalis ad usum seminariorum, Paris, Desclée de Brouwer, 1911, 748 p. ; Augustin Lehmkuhl, sj, auteur de Theologia moralis, Herder, 1885.

    39 Bacuez L. et Vigouroux F., Manuel biblique. Cours d’Écriture Sainte à l’usage des séminaires, Paris, Roger et Chernoviz, 1878-1880, 3 vol.

    40 La France de 1789 à la fin du XIXe siècle, Paris, Hachette, 1910, II-300 p.

    41 Charles Sauvé (1848-1935), pss, auteur d’Élévations dogmatiques. Il est aussi l’auteur du livre Le prêtre intime, élévations, Paris, Amat, 1915, 22-VIII-511 p.

    42 Petitjean 20, 1er juillet 1915, Petitjean 27. Villingen, 31 août 1916.

    43 Jean Vichy lit également un ouvrage de circonstance : Rousseau N., Pouvoirs et privilèges des prêtres mobilisés. Législation canonique de la guerre 1914-1918, Le Mans, Monnoyer, 1918, 45 p.

    44 Manuale christianum, in quo continentur, nova edition RP A. Fleury studio comparata, Turonibus, typis Mame, 1933, 696-228-282 p. Il est intéressant de remarquer que ce livre est contenu dans un étui en cuir, ce qui était bien pratique pour les soldats désireux de le conserver dans leur vareuse. L’ouvrage semble avoir été édité pour la première fois en 1903.

    45 L’auteur répond à des objections courantes : la vie intérieure serait de l’oisiveté, elle serait égoïste et stérile, le zèle des âmes l’emporte sur n’importe quel sacrifice. Il affirme ensuite qu’il faut unir la vie active et la vie intérieure. Il estime que la vie active est dangereuse sans la vie intérieure, mais que, avec elle, elle assure le progrès dans la vertu. La vie intérieure rend les œuvres bien plus fécondes car elle attire les bénédictions de Dieu, donne à l’apôtre un rayonnement surnaturel qui irradie par le bon exemple qu’il fournit ; elle lui confère la vraie éloquence. Il termine par quelques conseils sur la vie intérieure : la fidélité à l’oraison matinale, l’importance de la liturgie et la garde du cœur. Le livre connaît un grand succès. À la veille de la seconde guerre mondiale, il a atteint sa 16e édition et a été tiré à 210 000 exemplaires.

    46 Il s’agirait plutôt de Pages doctrinales. Dieu et la religion, Moulins, chez l’auteur, 1913, IV-180 p.

    47 Ouvrage de Léopold Beaudenom (1840-1916), paru en 1914.

    48 Paris, Beauchesne, 1916, 212 p. Dom Léonard Hébrard, né en 1870, est un bénédictin de Ligugé.

    49 Paris, A. Noël, 1918, 107 p.

    50 Bourget P., Préface, dans Psichari E., Le voyage du centurion, Paris, Louis Conard, 1916, p. V-VIII.

    51 Adrien Vigourel, pss.

    52 Biographies de Pie X, du curé d’Ars, du P. Chevrier, du P. Didon.

    53 Jean Vichy cite une prière de lui à la Vierge : « Très Sainte Vierge, mes affaires de conscience sont en bien mauvais état, elles sont bien embrouillées, je vous les confie en entier, vous saurez bien les débrouiller, vous saurez bien arranger cela. » (Vichy 67, 11 mai 1917.)

    54 On note une seule occurrence dans la correspondance de Joseph Besson. Mais elle est double : le séminariste lit le journal L’Action française ; c’est là qu’il découvre l’annonce de la mort de son ami Bernard de Montlaur qui lui avait fait découvrir ce journal. D’autre part, avec un séminariste vendéen, de La Robrie, il lit le dernier livre de Charles Maurras.

    55 Paris, Plon, 1917, XII-271 p.

    56 Paris, Bloud et Gay, 1915, IX-355 p.

    57 Lettres de G. Malvielle à ses parents, n° 537, 27 juin 1917 et n° 542, 6 juillet 1917. Il a donné à sa chapelle le nom de Notre-Dame-des-sept-fontaines.

    58 Blanchet 44, dimanche 1er octobre 1916.

    59 Il s’agit du lieutenant-colonel Lion. Il est évident que, pour ces messes célébrées presque en première ligne, les règles de sécurité interdisent un grand rassemblement. Le prêtre n’a donc autour de lui que quelques assistants.

    60 Il nomme ainsi sa chapelle portative qui a l’aspect d’une petite valise à porter en bandoulière et qui contient, outre l’autel portatif (une petite plaque de pierre), tout le nécessaire pour célébrer la messe.

    61 Lettre de G. Malvielle à ses parents, n° 282, 9 avril 1916.

    62 Jean Peyron, né à Saint-Pardoux, le 19 janvier 1890, professeur à l’Institution Saint-Pierre de Courpière, est alors au 105e RI. Blessé à Dancourt, en septembre 1915, il terminera la guerre comme aumônier-brancardier au 86e RI.

    63 Il s’agirait en fait du RP Philibert Haour, religieux mariste, né à Saint-Chamond (Loire), le 25 avril 1882, caporal brancardier aumônier du 16e RI.

    64 Il n’est pas rare en effet que les églises soient bombardées lorsque les artilleurs allemands s’aperçoivent qu’il y a là un rassemblement. Un aumônier militaire, évoquant une messe de Noël, écrit : « L’église est à la portée des obus. Ne risque-t-elle pas d’être bombardée, précisément à minuit ? Mais des officiers de l’état-major ont demandé la messe. Ma responsabilité est dégagée. On prendra quelques précautions. Les lumières seront réduites au strict minimum : trois cierges sur l’autel et deux près de la table sainte. La population civile sera totalement exclue. On a pris soin de ne rien ébruiter dans le village. Même les soldats ne sont prévenus que par occasion. À minuit, l’église fut tout de même remplie. La cérémonie fut pieuse. Il n’y eut que des soldats et des communiants. J’avais pris soin de dire que ceuxlà seuls étaient invités. À partir de dix heures et demie, shrapnells, obus tombent autour de l’église. Pas d’accidents néanmoins. » Grandmaison L. de (éd.), Impressions de guerre de prêtres soldats, op. cit., p. 238-239.

    65 Le RP Ferdinand Prat, sj, né le 10 février 1857, est affecté au groupement des brancardiers divisionnaires de la 25e DI à laquelle est rattaché le 98e RI, auquel appartient Jean Vichy.

    66 Aurambout 33, 13 décembre 1915.

    67 Il s’agit du château appelé le Four de Paris, près de Sainte-Menehould, qui a été complètement détruit durant la Première guerre mondiale.

    68 Le petit séminaire du diocèse de Moulins.

    69 Lettre de l’abbé G. Malvielle à ses parents, n° 286, 15 avril 1916.

    70 Il s’agit du cardinal Louis Ernest Dubois (1856-1929) qui deviendra archevêque de Rouen en 1916.

    71 Louis Henri Joseph Luçon (1842-1930), archevêque de Reims de 1906 à 1930.

    72 Cité dans SR, 16 janvier 1915, p. 59-63.

    73 Un enfant nous est né.

    74 Neveu de l’évêque d’Angoulême, Henri-Marie Arlet (1858-1933).

    75 E. Martin 9, 20 avril 1915.

    76 Localité de la Somme, 35 km au sud-est d’Amiens.

    77 La maîtrise de chant de la cathédrale de Moulins, qui a alors une certaine réputation.

    78 Armand Fleurat note que beaucoup de ses camarades sont venus à confesse la veille de la fête (Fleurat 52, 16 août 1917).

    79 Flageat M. -Cl., op. cit., p. 244-245.

    80 Ibid., p. 246 note 1. C’est ce dont témoigne Henri Grach : « Le soir même de la bataille, comme nous creusions, sous la pluie, une tranchée de résistance, est venu nous visiter M. l’abbé Thellier de Poncheville, aumônier de notre division. Il portait le Saint Sacrement et m’a communié dans un trou d’obus. Ma voix tremblait bien fort en récitant le Confiteor, tant j’étais ému par ce témoignage d’amour que venait me donner encore notre bon Maître. » (Grach 3, 9 novembre 1917.)

    81 Utiliser des gants larges.

    82 De cette lettre, il semble ressortir que les décisions romaines dispensant de la récitation du bréviaire les clercs se trouvant effectivement sur le front ainsi que les aumôniers ne sont pas totalement connues des prêtres mobilisés ou bien ne sont pas appliquées aussi largement que J. Fontana le laisse entendre. Fontana J., op. cit., p. 278.

    83 Le bréviaire est alors composé de quatre volumes, un pour chaque saison.

    84 S’agit-il du Manuale christianum cité plus haut ?

    85 Micard 173, jeudi 11 avril [1918]. Pierre Philippon signale que l’abonnement pour six mois est de 8,50 F. (Philippon 15, samedi 22 juillet-lundi 24 juillet 1916.)

    86 Tronel 20, 15 novembre 1915.

    87 « J’ai pris, entre autres, comme résolution, de réciter chaque jour mon petit office de la Sainte Vierge ! Puissé-je y être fidèle ! » (Saunier 22, 25 février 1918.) « J’attends de M. Borde un petit office de la Très Sainte Vierge que lui a demandé mon oncle sur mon désir. Inutile de vous dire combien la possession de ce petit livre me sera chère et compensera de son mieux le bréviaire dont je suis fort privé. » (Tronel 5, 1er novembre [1914].)

    88 C’est l’article 11 du règlement.

    89 Sommedieue, localité de la Meuse, 10 km au sud-est de Verdun.

    90 Le salut du Saint Sacrement est une cérémonie religieuse consistant en une exposition de l’hostie consacrée dans l’ostensoir, au cours d’une célébration pouvant s’ouvrir par un chant mais comportant principalement une méditation silencieuse. Au terme, a lieu la bénédiction par le célébrant qui trace sur l’assistance le signe de la croix avec l’ostensoir.

    91 Dans ce chapitre, nous avons vu précédemment plusieurs exemples : Nicolaon 2, 28 octobre 1914 ; Tronel 14, 11 avril 1915 ; Taillardat 6, 16 mai 1915 ; J. Pierre 27, 2 juillet 1915.

    92 Fleurat 35, 7 novembre 1915, lettre citée p. 234.

    93 H. Larbaud appartient au 138e RI, intégré dans la 23e DI. Celle-ci a combattu, dans le cadre de la bataille d’Artois, dans le secteur d’Écurie. Neuville Saint-Vaast se situe à 5 km au nord d’Arras.

    94 Lacoutière 15, 23 mai 1915, fête de la Pentecôte.

    95 L’abbé Giraud a adressé un envoi semblable au séminariste Joseph Pasquier.

    96 Augiat 1, 17 septembre [1914].

    97 Aurambout 6, samedi 8 août 1914.

    98 Serait-il oblat bénédictin ?

    99 Monat 5, Riom, 2 août 1914 : lettre déjà citée p. 63-64.

    100 Joseph Besson croit savoir que, de Lyon, on aurait expédié dix millions de petits drapeaux munis de l’insigne du Sacré-Cœur (Besson 13, Lyon, 15 novembre 1915).

    101 Lettre semblable : Côte 21, 25 août 1917, citée p. 165.

    102 Barnichon 16, 8 février 1915 ; 50, [janvier 1917].

    103 Barnichon 10, 1er janvier 1915.

    104 Berthon 22, 13 octobre 1915.

    105 Lépée 26, 24 août [probablement 1916], lettre citée plus haut dans ce chapitre.

    106 De manière semblable, au mois d’octobre sont organisés les exercices du Rosaire.

    107 « Souvenez-vous, ô très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance, réclamé votre secours, ait été abandonné. Animé d’une pareille confiance, ô Vierge des vierges, ô ma Mère, je cours vers vous et, gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds. Ô Mère du Verbe incarné, ne méprisez pas mes prières, mais accueillez-les favorablement et daignez les exaucer. Amen. » Cette prière, très répandue, a été composée d’après des écrits de saint Bernard.

    108 Voir Martin Ph. (dir.), Jeanne d’Arc. Les métamorphoses d’une héroïne, Nancy, Éd. Place Stanislas, 2009, 180 p.

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    1 La loi du 8 juillet 1880 a quasiment supprimé l’aumônerie militaire mise en place par la loi du 20 mai 1874. Sauf exception, c’est au clergé paroissial qu’il revient d’assurer l’accompagnement spirituel des soldats. C’est dans ce cadre que se créent des cercles catholiques. Cependant, « le 22 août 1880, une circulaire du ministre de la Guerre interdit aux soldats et aux sous-officiers l’accès de foyers et des cercles militaires confessionnels, même s’ils sont situés en dehors des casernes ». Comme ce texte est peu appliqué, il est renforcé par une circulaire du 3 février 1904 qui interdit à tous les militaires la fréquentation des cercles et lieux de réunion ayant un caractère confessionnel. De nombreux cercles sont alors fermés. Cependant, vers 1907-1909, certains se réorganisent en apparaissant comme non confessionnels, car dirigés par un comité laïc. Boniface X., L’Armée, l’Église et la République (1879-1914), Paris, Nouveau Monde éditions, 2012, 524 p. (citation p. 161).

    2 44, rue de la République.

    3 Séminaire des prêtres de la Compagnie de Saint-Sulpice, situé à Issy-les-Moulineaux.

    4 « Notre petit groupe continue à s’accroître. Il y a maintenant sept prêtres, dont un Père jésuite et un Père capucin et douze ou treize séminaristes. Nous vivons dans le plus parfait accord. Nos réunions sont une des plus douces consolations de ma vie militaire. » (Pelletier 5, 2 juillet 1917.)

    5 Intitulé « Maison de famille militaire », il est installé 88, rue de La Part-Dieu, et il a pour devise : « Faire du bien en faisant des heureux. »

    6 Mgr Fleury Lavallée (1870-1961) est le recteur des Facultés catholiques de Lyon. De formation littéraire, il publie de petits ouvrages de spiritualité. Joseph Tixeront (1870-1925), prêtre sulpicien, enseigne à la Faculté de théologie. Il est notamment l’auteur d’une Histoire des dogmes dans l’Antiquité chrétienne (1905-1912). L’orateur suivant peut être Charles Jacquier (1845-1928), doyen de la Faculté de droit, bâtonnier de Lyon et orateur catholique réputé, ou bien son fils, le chanoine Eugène Jacquier, professeur d’Écriture Sainte à la Faculté de théologie. Louis Aguettant (1871-1931) enseigne à la Faculté catholique des lettres. Il donne de nombreuses conférences sur les musiciens et les poètes.

    7 Le cercle doit proposer des activités générales très ouvertes : salon de lecture et de correspondance notamment, jeux, pour tous les soldats. Les activités religieuses (prière à la chapelle devant le Saint Sacrement) n’attirent que les prêtres et séminaristes.

    8 D’autres cercles sont cités au fil des lettres : Ancenis, Belfort, Castelnaudary, Montélimar.

    9 Le Sacré-Cœur de Jésus. Allocutions des premiers vendredis durant la guerre 1914-1915, Paris, Téqui, 1916, VII-351 p.

    10 Léon Adolphe Amette (1850-1920), archevêque de Paris (1906-1920).

    11 Le vicaire paroissial, mobilisé.

    12 T.S.S. : Très Saint Sacrement.

    13 Lettre de G. Malvielle à ses parents, n° 796, 11 septembre 1918.

    14 Ils semblent être en bien plus petit nombre, ou bien est-ce que les rédacteurs des lettres répugnent à en parler ?

    15 Louis Allot et René Saunier, notamment.

    16 Presbytère de la paroisse Saint-Paul de Montluçon, où l’abbé Vichy était vicaire.

    17 Saunier 10, 25 avril 1917.

    18 Il s’agit d’une icône représentant la Vierge à l’Enfant, qui aurait été apportée à Rome par un marchand crétois vers 1480. Sa dévotion a été répandue par saint Alphonse de Liguori et les rédemptoristes. Des reproductions ont été diffusées dans de nombreuses églises.

    19 On se doute bien que nombre d’entre elles, conservées dans la poche de la vareuse, ont dû être perdues. Certaines sont peut-être encore dans des fonds familiaux inconnus de nous.

    20 Il semble également que certains clercs mobilisés reçoivent le bulletin paroissial que leur adresse leur curé.

    21 C’est visiblement l’abbé Giraud qui effectue les démarches nécessaires puisque la demande lui est adressée le 21 mai 1915 et que, le 4 juin, l’abbé Martin lui adresse ses remerciements pour l’avoir reçue. Il en est de même de Maurice Nény en juin 1915.

    22 C’est en août 1917 que le séminariste Jean Chacaton écrit à l’évêque pour le remercier de sa lettre où il lui annonce l’envoi hebdomadaire de la Semaine religieuse. Il en est ainsi également, en ce même mois, pour Gabriel Martin. En novembre 1917, Jean Thomas, interné à Fribourg (Suisse), signale qu’il a reçu la lettre de l’évêque lui annonçant cet envoi, mais que la revue n’a pas suivi.

    23 « Appris la mort de M. Millien par la Semaine religieuse (que m’envoie je ne sais quelle âme généreuse). » (Saunier 19, 26 septembre 1917.)

    24 Les occurrences sont respectivement au nombre de 19 (émanant de 15 correspondants), 8 (émanant de 7 correspondants) et 2. En février 1918, on trouve mention de la revue Prêtres soldats mobilisés sous la plume de Gilbert Cartailler, mais il semble qu’il s’agisse en fait de Prêtres soldats de France.

    25 Le prêtre aux armées, n° 1, 15 février 1915, p. 2.

    26 Là encore, on ne sait pas précisément qui assure le service de cette revue car Albert Martenot signale, en juillet 1915, qu’il ne la reçoit pas. Il en est de même de Jules Nicolaon en août et de Pierre Tourret en décembre de la même année. En revanche, Victor Thévenet écrit : « Je viens de recevoir le premier numéro de Prêtre aux armées que Mgr m’avait promis à titre d’employé sur le front. » (Thévenet 3, Fête de la Visitation ?)

    27 « J’ai reçu avec bien du plaisir la 1re brochure de Prêtres soldats de France ; là, je puiserai de précieux enseignements. » (Chacaton 92, dimanche 2 décembre [1917].)

    28 Prêtres soldats de France. Lettres bi-mensuelles d’information et de pratique pastorales, n° 1, 10 février 1915, p. 1.

    29 Vichy 52, 4 mai 1916.

    30 Autre nom de la congrégation des Oblates du Cœur de Jésus.

    31 Les jésuites assuraient l’aumônerie générale de l’Association catholique de la Jeunesse Française.

    32 Frères d’armes, n° 1, juillet 1916, cité dans Flageat M. -Cl., op. cit., p. 209.

    33 Une dizaine de correspondants en font mention.

    34 On trouvera plus loin la citation de la lettre de Jean Vichy.

    35 À partir de juin 1917, c’est Mgr Hippolyte de La Celle, vicaire général et directeur diocésain des œuvres, qui la lui fait adresser, sur sa demande.

    36 Ce journal quotidien, publié de 1884 à 1944, était de tendance nationaliste et conservatrice. Maurice Barrès y donnait souvent des articles.

    37 Micard 48, samedi 16 janvier [1915]. Le cardinal Désiré Mercier, archevêque de Malines-Bruxelles, devient l’incarnation de la résistance morale de son pays occupé par les Allemands, conjointement avec le roi Albert Ier qui refuse de s’exiler et s’accroche à un bout de territoire avec ce qui reste de son armée. Le cardinal publie sa lettre au retour d’un voyage à Rome, ce qui suscite une violente réaction des Allemands. Le texte de ses interventions sera publié dès 1917 par la maison d’édition catholique Bloud et Gay.

    38 Adolphe Tanquerey (1854-1932), pss, auteur de De vera religione, de Ecclesia, de fontibus revelationis : synopsis theologiae dogmaticae fundamentalis ad usum seminariorum, Paris, Desclée de Brouwer, 1911, 748 p. ; Augustin Lehmkuhl, sj, auteur de Theologia moralis, Herder, 1885.

    39 Bacuez L. et Vigouroux F., Manuel biblique. Cours d’Écriture Sainte à l’usage des séminaires, Paris, Roger et Chernoviz, 1878-1880, 3 vol.

    40 La France de 1789 à la fin du XIXe siècle, Paris, Hachette, 1910, II-300 p.

    41 Charles Sauvé (1848-1935), pss, auteur d’Élévations dogmatiques. Il est aussi l’auteur du livre Le prêtre intime, élévations, Paris, Amat, 1915, 22-VIII-511 p.

    42 Petitjean 20, 1er juillet 1915, Petitjean 27. Villingen, 31 août 1916.

    43 Jean Vichy lit également un ouvrage de circonstance : Rousseau N., Pouvoirs et privilèges des prêtres mobilisés. Législation canonique de la guerre 1914-1918, Le Mans, Monnoyer, 1918, 45 p.

    44 Manuale christianum, in quo continentur, nova edition RP A. Fleury studio comparata, Turonibus, typis Mame, 1933, 696-228-282 p. Il est intéressant de remarquer que ce livre est contenu dans un étui en cuir, ce qui était bien pratique pour les soldats désireux de le conserver dans leur vareuse. L’ouvrage semble avoir été édité pour la première fois en 1903.

    45 L’auteur répond à des objections courantes : la vie intérieure serait de l’oisiveté, elle serait égoïste et stérile, le zèle des âmes l’emporte sur n’importe quel sacrifice. Il affirme ensuite qu’il faut unir la vie active et la vie intérieure. Il estime que la vie active est dangereuse sans la vie intérieure, mais que, avec elle, elle assure le progrès dans la vertu. La vie intérieure rend les œuvres bien plus fécondes car elle attire les bénédictions de Dieu, donne à l’apôtre un rayonnement surnaturel qui irradie par le bon exemple qu’il fournit ; elle lui confère la vraie éloquence. Il termine par quelques conseils sur la vie intérieure : la fidélité à l’oraison matinale, l’importance de la liturgie et la garde du cœur. Le livre connaît un grand succès. À la veille de la seconde guerre mondiale, il a atteint sa 16e édition et a été tiré à 210 000 exemplaires.

    46 Il s’agirait plutôt de Pages doctrinales. Dieu et la religion, Moulins, chez l’auteur, 1913, IV-180 p.

    47 Ouvrage de Léopold Beaudenom (1840-1916), paru en 1914.

    48 Paris, Beauchesne, 1916, 212 p. Dom Léonard Hébrard, né en 1870, est un bénédictin de Ligugé.

    49 Paris, A. Noël, 1918, 107 p.

    50 Bourget P., Préface, dans Psichari E., Le voyage du centurion, Paris, Louis Conard, 1916, p. V-VIII.

    51 Adrien Vigourel, pss.

    52 Biographies de Pie X, du curé d’Ars, du P. Chevrier, du P. Didon.

    53 Jean Vichy cite une prière de lui à la Vierge : « Très Sainte Vierge, mes affaires de conscience sont en bien mauvais état, elles sont bien embrouillées, je vous les confie en entier, vous saurez bien les débrouiller, vous saurez bien arranger cela. » (Vichy 67, 11 mai 1917.)

    54 On note une seule occurrence dans la correspondance de Joseph Besson. Mais elle est double : le séminariste lit le journal L’Action française ; c’est là qu’il découvre l’annonce de la mort de son ami Bernard de Montlaur qui lui avait fait découvrir ce journal. D’autre part, avec un séminariste vendéen, de La Robrie, il lit le dernier livre de Charles Maurras.

    55 Paris, Plon, 1917, XII-271 p.

    56 Paris, Bloud et Gay, 1915, IX-355 p.

    57 Lettres de G. Malvielle à ses parents, n° 537, 27 juin 1917 et n° 542, 6 juillet 1917. Il a donné à sa chapelle le nom de Notre-Dame-des-sept-fontaines.

    58 Blanchet 44, dimanche 1er octobre 1916.

    59 Il s’agit du lieutenant-colonel Lion. Il est évident que, pour ces messes célébrées presque en première ligne, les règles de sécurité interdisent un grand rassemblement. Le prêtre n’a donc autour de lui que quelques assistants.

    60 Il nomme ainsi sa chapelle portative qui a l’aspect d’une petite valise à porter en bandoulière et qui contient, outre l’autel portatif (une petite plaque de pierre), tout le nécessaire pour célébrer la messe.

    61 Lettre de G. Malvielle à ses parents, n° 282, 9 avril 1916.

    62 Jean Peyron, né à Saint-Pardoux, le 19 janvier 1890, professeur à l’Institution Saint-Pierre de Courpière, est alors au 105e RI. Blessé à Dancourt, en septembre 1915, il terminera la guerre comme aumônier-brancardier au 86e RI.

    63 Il s’agirait en fait du RP Philibert Haour, religieux mariste, né à Saint-Chamond (Loire), le 25 avril 1882, caporal brancardier aumônier du 16e RI.

    64 Il n’est pas rare en effet que les églises soient bombardées lorsque les artilleurs allemands s’aperçoivent qu’il y a là un rassemblement. Un aumônier militaire, évoquant une messe de Noël, écrit : « L’église est à la portée des obus. Ne risque-t-elle pas d’être bombardée, précisément à minuit ? Mais des officiers de l’état-major ont demandé la messe. Ma responsabilité est dégagée. On prendra quelques précautions. Les lumières seront réduites au strict minimum : trois cierges sur l’autel et deux près de la table sainte. La population civile sera totalement exclue. On a pris soin de ne rien ébruiter dans le village. Même les soldats ne sont prévenus que par occasion. À minuit, l’église fut tout de même remplie. La cérémonie fut pieuse. Il n’y eut que des soldats et des communiants. J’avais pris soin de dire que ceuxlà seuls étaient invités. À partir de dix heures et demie, shrapnells, obus tombent autour de l’église. Pas d’accidents néanmoins. » Grandmaison L. de (éd.), Impressions de guerre de prêtres soldats, op. cit., p. 238-239.

    65 Le RP Ferdinand Prat, sj, né le 10 février 1857, est affecté au groupement des brancardiers divisionnaires de la 25e DI à laquelle est rattaché le 98e RI, auquel appartient Jean Vichy.

    66 Aurambout 33, 13 décembre 1915.

    67 Il s’agit du château appelé le Four de Paris, près de Sainte-Menehould, qui a été complètement détruit durant la Première guerre mondiale.

    68 Le petit séminaire du diocèse de Moulins.

    69 Lettre de l’abbé G. Malvielle à ses parents, n° 286, 15 avril 1916.

    70 Il s’agit du cardinal Louis Ernest Dubois (1856-1929) qui deviendra archevêque de Rouen en 1916.

    71 Louis Henri Joseph Luçon (1842-1930), archevêque de Reims de 1906 à 1930.

    72 Cité dans SR, 16 janvier 1915, p. 59-63.

    73 Un enfant nous est né.

    74 Neveu de l’évêque d’Angoulême, Henri-Marie Arlet (1858-1933).

    75 E. Martin 9, 20 avril 1915.

    76 Localité de la Somme, 35 km au sud-est d’Amiens.

    77 La maîtrise de chant de la cathédrale de Moulins, qui a alors une certaine réputation.

    78 Armand Fleurat note que beaucoup de ses camarades sont venus à confesse la veille de la fête (Fleurat 52, 16 août 1917).

    79 Flageat M. -Cl., op. cit., p. 244-245.

    80 Ibid., p. 246 note 1. C’est ce dont témoigne Henri Grach : « Le soir même de la bataille, comme nous creusions, sous la pluie, une tranchée de résistance, est venu nous visiter M. l’abbé Thellier de Poncheville, aumônier de notre division. Il portait le Saint Sacrement et m’a communié dans un trou d’obus. Ma voix tremblait bien fort en récitant le Confiteor, tant j’étais ému par ce témoignage d’amour que venait me donner encore notre bon Maître. » (Grach 3, 9 novembre 1917.)

    81 Utiliser des gants larges.

    82 De cette lettre, il semble ressortir que les décisions romaines dispensant de la récitation du bréviaire les clercs se trouvant effectivement sur le front ainsi que les aumôniers ne sont pas totalement connues des prêtres mobilisés ou bien ne sont pas appliquées aussi largement que J. Fontana le laisse entendre. Fontana J., op. cit., p. 278.

    83 Le bréviaire est alors composé de quatre volumes, un pour chaque saison.

    84 S’agit-il du Manuale christianum cité plus haut ?

    85 Micard 173, jeudi 11 avril [1918]. Pierre Philippon signale que l’abonnement pour six mois est de 8,50 F. (Philippon 15, samedi 22 juillet-lundi 24 juillet 1916.)

    86 Tronel 20, 15 novembre 1915.

    87 « J’ai pris, entre autres, comme résolution, de réciter chaque jour mon petit office de la Sainte Vierge ! Puissé-je y être fidèle ! » (Saunier 22, 25 février 1918.) « J’attends de M. Borde un petit office de la Très Sainte Vierge que lui a demandé mon oncle sur mon désir. Inutile de vous dire combien la possession de ce petit livre me sera chère et compensera de son mieux le bréviaire dont je suis fort privé. » (Tronel 5, 1er novembre [1914].)

    88 C’est l’article 11 du règlement.

    89 Sommedieue, localité de la Meuse, 10 km au sud-est de Verdun.

    90 Le salut du Saint Sacrement est une cérémonie religieuse consistant en une exposition de l’hostie consacrée dans l’ostensoir, au cours d’une célébration pouvant s’ouvrir par un chant mais comportant principalement une méditation silencieuse. Au terme, a lieu la bénédiction par le célébrant qui trace sur l’assistance le signe de la croix avec l’ostensoir.

    91 Dans ce chapitre, nous avons vu précédemment plusieurs exemples : Nicolaon 2, 28 octobre 1914 ; Tronel 14, 11 avril 1915 ; Taillardat 6, 16 mai 1915 ; J. Pierre 27, 2 juillet 1915.

    92 Fleurat 35, 7 novembre 1915, lettre citée p. 234.

    93 H. Larbaud appartient au 138e RI, intégré dans la 23e DI. Celle-ci a combattu, dans le cadre de la bataille d’Artois, dans le secteur d’Écurie. Neuville Saint-Vaast se situe à 5 km au nord d’Arras.

    94 Lacoutière 15, 23 mai 1915, fête de la Pentecôte.

    95 L’abbé Giraud a adressé un envoi semblable au séminariste Joseph Pasquier.

    96 Augiat 1, 17 septembre [1914].

    97 Aurambout 6, samedi 8 août 1914.

    98 Serait-il oblat bénédictin ?

    99 Monat 5, Riom, 2 août 1914 : lettre déjà citée p. 63-64.

    100 Joseph Besson croit savoir que, de Lyon, on aurait expédié dix millions de petits drapeaux munis de l’insigne du Sacré-Cœur (Besson 13, Lyon, 15 novembre 1915).

    101 Lettre semblable : Côte 21, 25 août 1917, citée p. 165.

    102 Barnichon 16, 8 février 1915 ; 50, [janvier 1917].

    103 Barnichon 10, 1er janvier 1915.

    104 Berthon 22, 13 octobre 1915.

    105 Lépée 26, 24 août [probablement 1916], lettre citée plus haut dans ce chapitre.

    106 De manière semblable, au mois d’octobre sont organisés les exercices du Rosaire.

    107 « Souvenez-vous, ô très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance, réclamé votre secours, ait été abandonné. Animé d’une pareille confiance, ô Vierge des vierges, ô ma Mère, je cours vers vous et, gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds. Ô Mère du Verbe incarné, ne méprisez pas mes prières, mais accueillez-les favorablement et daignez les exaucer. Amen. » Cette prière, très répandue, a été composée d’après des écrits de saint Bernard.

    108 Voir Martin Ph. (dir.), Jeanne d’Arc. Les métamorphoses d’une héroïne, Nancy, Éd. Place Stanislas, 2009, 180 p.

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