21 - La rude condition de vieillard au début du siècle
p. 413-414
Texte intégral
1La coutume la plus égalitaire de France qui avait cours dans le Maine et en Anjou n’avait pas uniquement des conséquences heureuses. La condition du vieillard, père de famille sans pouvoir, n’était guère enviable et l’exercice farouche de l’égalité n’allait pas sans âpreté et sans mesquineries. Bien que nous ayons affaire au monde des gros artisans, les détails de l’accord, discutés en présence du vieux charron ; paraissent sordides.
29 avril 1709. Traité entre Jean Trouillard l’aîné et Jean Trouillard son fils pour la pension de Trouillard l’aîné par lequel acte les meubles du père sont demeurés à son fils par estimation
2Le vingt et neuf jour d’avril mil sept cent neuf avant midi devant nous Joseph Dupont… furent présents… chacun de Jean Trouillard charron, l’aîné, demeurant paroisse de La Fontaine Saint Martin d’une part, et Jean Trouillard aussi charron le jeune son fils, demeurant paroisse de Cérans d’autre part, entre lesquelles parties a été fait ce qui suit, savoir est qu’attendu l’âge avancé dudit Trouillard père n’étant plus en état de travailler ni gagner sa vie et n’ayant personne pour le soigner et gouverner, s’est volontairement mis en pension chez son fils qui l’a bien voulu prendre en sa maison pour le nourrir, soigner, et blanchir, gouverner et faire gouverner sain et malade le reste de ses jours, pour et moyennant la somme de quarante livres de pension pour chacun an, que ledit Trouillard père a promis et s’est obligé payer à son fils, premier paiement commençant d’huy174 en un an et à la charge de continuer ainsi d’an en an ; et à l’égard de l’entretien d’habits et linges, ledit Trouillard père s’en fournira, et au cas qu’il eut besoin de remèdes en cas de maladie et du secours des médecins et chirurgiens, il leur paiera, sans que son fils en puisse être tenu. Et au moyen de ce que Trouillard père n’aura plus besoin des meubles qu’il peut avoir, a été convenu entre lui et son fils qu’ils demeureront audit Trouillard le jeune, en paiement des pensions, suivant l’estimation qui en a été faite par Jean Lejeune et Louis Soyer marchands, demeurant paroisse de La Fontaine Saint Martin et Cérans…
3Ils ont affirmé avoir fait ladite estimation en leur conscience, suivant le juste prix et valeur desdits meubles, selon leur connaissance, en présence de René Rocher bordager, mari de Marie Jouanneaux, petite fille dudit Trouillard l’aîné, et d’Étienne Mauboussin, mari de Franche Jouanneaux, sœur de ladite Marie, lesquelles sont aussi comparues devant nous et ont déclaré que tant pour eux que les autres héritiers présomptifs dudit Trouillard l’aîné, ils ont été présents et ont consenti ladite estimation qui a été faite… Le prix des meubles… s’est trouvé monter et revenir à la somme de cent quatre vingt neuf livres dix sols dont [une couette] remplie de vieille plume d’oie pesant quarante et deux livres estimée neuf sols la livre revenant à dix huit livres dix huit sols… [et] huit draps de toile commune de chacun quatre aulnes dont un a été relaissé pour la sépulture dudit Trouillard l’ainé175…
4Les parties… ont consenti avec ledit Trouillard l’aîné que les meubles demeurent audit Trouillard le jeune… à la charge par lui d’en faire raison sur les pensions, jusques à concurrence qu’elles se trouveront monter au temps du décès dudit Trouillard l’aîné ; et au cas qu’il fut moins dû que le prix du meuble pour l’acquit des pensions, ledit Trouillard le jeune en fera raison à ses cohéritiers en ce qui leur en pourra appartenir, et a été convenu qu’en cas de longueur de maladie et infirmité dudit Trouillard l’aîné avant son décès, la plume dont la mention est faite ci-dessus sera estimée après le décès, et ledit Trouillard le jeune ne sera tenu du prix… que suivant l’estimation qui en sera faite en ce cas après le décès.
5Et ensuite, après que ledit Trouillard l’aîné a déclaré qu’il veut et entend qu’après son décès il soit fait un service solennel à sa sépulture, et un pareil service à son septime176, de chacun trois grandes messes, et offert un pain à bénir de quinze sols et un luminaire177 de quarante sols, et pendant le temps de cinq ans deux services comme dessus chacun an pour le repos de son âme et de celle de ses parents, amis et trépassés, ledit sieur Trouillard le jeune et Roger Mauboussin, tant pour eux que ceux de leur souche, ont promis… d’exécuter les… volontés dudit Trouillard père de point en point, après son décès… et de payer ce qu’il conviendra pour l’acquit desdits services sur les plus clairs effets de la succession.
6Fait et passé en notre étude, présents Pierre Léon cordonnier et Christophe Bourmault boucher demeurant paroisse de Cérans témoins. Ledit Trouillard l’aîné et Mauboussin ont dit ne savoir signer.
7[La minute est signée Jean Trouillard, Jean Lejeune, Louis Soyer, Christophe Bourmault, René Rocher, Pierre Léon].
Notes de bas de page
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un ingénieur de la Marine au temps des Lumières
Les carnets de Pierre Toufaire (1777-1794)
Pierre Toufaire Jacques Charpy (éd.)
2011
Paul Cocho, Mes carnets de guerre et de prisonnier, 1914-1919
Paul Cocho Françoise Gatel et Michel Doumenc (éd.)
2010
Souvenirs et observations de l’abbé François Duine
François Duine Bernard Heudré et André Dufief (éd.)
2009
Rennes sous la iiie République
Cahiers d'Edmond Vadot, secrétaire général de la ville de 1885 à 1909
Patrick Harismendy (dir.)
2008
Mémoires d'un notable manceau au siècle des Lumières
Jean-Baptiste-Henri-Michel Leprince d'Ardenay Benoît Hubert (éd.)
2008
En mission à Terre-Neuve
Les dépêches de Charles Riballier des Isles (1885-1903)
Charles Riballier des Isles Ronald Rompkey (éd.)
2007
Rennes : les francs-maçons du Grand Orient de France
1748-1998 : 250 ans dans la ville
Daniel Kerjan
2005
Le Journal de Stanislas Dupont de La Motte
Inspecteur au collège de La Flèche (1771-1776)
Stanislas Dupont de La Motte Didier Boisson (éd.)
2005
