Chapitre I^er. Origine, naissance, 1^ere éducation

1 L’auteur de ces Mémoires naquit à deux heures et demie du matin, jour de la St Michel 1737. Le baptême eut lieu le même jour à sept heures du soir, célébré par Maître Jacques-Jean-Baptiste Pelois, docteur de Sorbonne et cousin de l’enfant.

2 C’est seulement à la fin du XVII^e siècle que la famille Pelois était venue s’établir au Mans. Le 10 février 1699, M^e Jacques Pelois, licencié ès lois, avait épousé, à l’autel du crucifix, Marie-Renée Le Prince, âgée d’environ trente ans. Né en la même paroisse, le 28 juillet 1707, Jacques-Jean-Baptiste Pelois fut le cinquième enfant issu de cette union. Revenu au Mans, en 1737, après avoir achevé ses études théologiques, il resta quelques mois sans exercer aucune fonction. L’année suivante, un ami de la famille Leprince, Jacques-Antoine Drouard de la Caillère, curé de la paroisse de Thorigné depuis 1680, se voyant accablé par l’âge et les infirmités, résigna son bénéfice à Jacques Pelois. D’anciennes relations unissaient les Le Prince aux Drouard qui occupaient au Mans une excellente situation et que l’on voit alliés aux Amellon, aux Hoyau et autres familles patriciennes de la cité. La mort de Jacques-Antoine Drouard, arrivée le 24 mars 1738, mit l’abbé Pelois en possession de sa cure de Thorigné ; il s’attacha à cette paroisse, y consacra toute sa carrière et y mourut le 8 février 1760, âgé d’environ cinquante-trois ans.

3 Dans le cahier des « naissances et décès des enfants Bouteiller et Leprince », Jean-Baptiste-Jacques Leprince précise : « Le 17 octobre 1737, j’ay envoyé mon dit fils en nourice à la famme de Julien Vannier, sacriste de la paroisse de Ste Jammes », in Cahier des naissance des enfants Bouteiller-Leprince (Archives privées du château d’Ardenay – dossier n° 30).

4 Les contemporains avaient coutume de dénoncer les « abus » de ce genre de nourrice qui avait recours aux bouillies indigestes et aux biberons mortifères pour compléter un lait insuffisant.

5 Elle nourrit l’enfant mais ne l’allaite pas. Il fut donc nourri au biberon.

6 Les occupations de M^me Leprince à la manufacture expliquent en partie la mise en nourrice. L’idée selon laquelle l’air vicié de la ville ne convient pas à un enfant se répand au XVIII^e siècle, ainsi les familles populaires pensent bien faire en envoyant leur enfant à la campagne têter le lait d’une robuste paysanne.

7 Il faut attendre 1760 et la publication de l’Emile (1762) pour que la pratique de la mise en nourrice soit condamnée et que l’allaitement maternel devienne une mode. Dans ses Instructions de morale, d’agriculture et d’économie, par un laboureur à son fils (1769), l’abbé Froger, curé de Mayet dans le Haut-Maine, donne de surprenants conseils de puériculture : allaitement naturel, horaires réguliers et soin du linge. In Anne Fillon, Fruits d’écritoire, « Eléonor Froger, curé des Lumières », p. 311-332.

8 L’abbé Froger recommande de les « réjouir », « badiner » avec eux, leur former l’âme, les caresser et leur montrer de la tendresse. Il faut toutefois se montrer parfois ferme mais les « corriger sans colère » (op. cit., p. 313). Il ne fait guère de doute que notre curé reprend et nous propose dans une version plus « progressiste » les instructions de l’examen de conscience avant l’office du matin du nouveau missel que Mgr de Froulay, évêque du Mans, fait publier en 1763 : Livre d’Eglise à l’usage des laiques, Paris, 1763. « Les pères et mères ne doivent point préférer un de leur enfans à l’autre sans raison, ni les engager dans quelque état contre leur vocation ; ou négliger de les instruire ou faire instruire ; ou manquer à les corriger : ils ne doivent pas non plus les maltraiter par violence. »

9 René-François Desiles, né au Mans en 1725, avait d’abord été confrère de Saint-Michel-du-Cloître et diacre d’office à Saint-Julien. Grâce à la bienveillance de M. de Grimaldi qui l’avait choisi pour son aumônier, il fut pourvu, en 1773, d’un canonicat dans le chapitre de Notre-Dame de Sillé-le-Guillaume. À la Révolution, il ne voulut prêter aucun des serments schismatiques et subit une détention d’environ trois années. Au concordat, il devint chanoine honoraire de Saint-Julien et mourut au Mans, le 26 décembre 1804.

10 Le 5 juin 1778, Charles Boyère, licencié en droit, avait pris possession de la cure de Saint-Pierre-le-Réitéré, vacante par la mort de Nicolas Chauvin du Ponceau. Cette nomination intéressait d’autant plus Leprince d’Ardenay que, dans cette paroisse, était située la demeure des Godard d’Assé, qui passa ensuite à son beau-frère, Pierre-François Le Febvre du Breil, Conseiller au Siège Présidial.

11 Née au Mans, le 26 novembre 1676, Geneviève-Madeleine Leprince était le neuvième enfant de Jean Leprince et de Catherine Hossard. Elle ne s’éloigna jamais de la paroisse du Crucifix et y mourut, le 13 février 1754, âgée d’environ soixante-dix-huit ans ; elle fut inhumée le surlendemain, dans l’église des Pères cordeliers où était la sépulture de sa famille.

12 Les Leprince habitaient leur ancienne maison qui est aujourd’hui le n° 14 de la rue de la Reine Bérengère. Cette demeure fut incluse dans la dot de Marie-Anne-Henriette qui épousa Louis-Claude Gauvain du Rancher en 1765. Elle fut mise en location et devint le siège de la « Juridiction Royale des Consuls ». Le portail qui fut détruit au XIX^e siècle reposait sur des substructions gallo-romaines. L’escalier du XVI^e siècle possédait de chaque côté de la porte, deux cariatides en pierre, représentant des guerriers barbus qui en décoraient les montants (Voir Victor Boitard, Les rues du Mans et leur origine, Le Mans, 1935, t. II, p. 174-176).

13 La blanchisserie de cires.

14 Cette expression évoque la sénilité de la vieille dame.

15 Le 28 janvier 1734, Mathieu-Guy Chesneau des Portes, conseiller au Siège Présidial du Mans, avait épousé à l’autel du crucifix, Magdeleine, fille de Jean-François Leprince et de Marie Bouteiller. Né en la paroisse de Notre-Dame de Saint-Vincent, le 11 novembre 1737, leur fils aîné, MathieuGuy-Jean-René Chesneau des portes, était du même âge que son cousin Leprince dont il partagea les jeux. M. Chesneau Desportes resta au Mans où toute sa famille était établie et fort bien alliée ; en 1763, il remplaça son père comme Conseiller au Siège Présidial, et sa maria en 1765. Francmaçon, cultivé et entreprenant, il fut le promoteur de la salle de spectacle du Mans en 1776. Alors que ses collègues du Présidial étaient exilés, il se retire à Tours en 1788 et participe aux travaux de la commission intermédiaire. Il résidait à l’hôtel de Clairaulnay, situé au numéro 108 de la Grande Rue. En 1794, il préside la commission des arts où il fait tout pour préserver ce qu’il peut des archives publiques. Après la révolution, il devint Conseiller de Préfecture de la Sarthe, et mourut le 6 avril 1828 à l’âge de 91 ans.

16 Période de huit jours qui suit chacune des grandes fêtes de l’année ; dernier jour de cette huitaine.

17 L’église paroissiale de Notre-Dame de Gourdaine, située au nord-est de la rue de Gourdaine, occupait à peu près l’emplacement du n° 4 actuel de la rue d’Enfer ; elle avait son entrée sur cette rue et était adossée aux anciennes murailles sur lesquelles sont édifiées les maisons de la place du château qui font face à la Cathédrale. Cette disposition topographique est parfaitement indiquée par le plan du Mans, si exact et précis, dressé en 1777, par l’abbé Janvier, curé de Changé.