Préface

1Rien, sans doute, ne prédisposait Justine Guillery à sortir de l’anonymat si ce n’est l’intuition de sa différence qui la distingue des femmes de son époque, si ce n’est également le sentiment récurrent et prégnant d’être une victime de la vie, broyée par la fatalité historique qui détruit, dès les premières heures de sa jeunesse, tout espoir de bonheur mais qu’elle saura transformer en un choix délibéré. Rien donc dans cette vie simple ne l’élèvera au rang d’héroïne mais tout se jouera dans l’acte fondateur de l’écriture. Son témoignage est capital à maints égards et on ne pourra que souligner la rareté d’un tel écrit qui permet de sonder les pensées d’une femme au tournant de deux siècles, les exigences et les difficultés du métier d’institutrice, les réflexions sur l’éducation des filles. Ces Mémoires sont plus rares encore si l’on songe au climat de suspicion qui règne à l’égard de la femme savante, de la femme cultivée. Pourtant bien des femmes écrivent à cette époque mai