Chapitre 8. Vadot et l’affaire Dreyfus
p. 245-262
Texte intégral
L’affaire Dreyfus apparaît dans le journal de Vadot en janvier 1898 : moment significatif du caractère décisif de J’accuse !…, où Zola dénonce le processus qui, en 1894, aboutit à la condamnation pour trahison devant un conseil de guerre de l’officier d’origine juive Alfred Dreyfus. Dès lors, la révision du procès de 1894 est la revendication autour de quoi se constitue le camp dreyfusard. Après bien des péripéties, elle aboutira à l’arrêt de la Cour de cassation renvoyant Dreyfus devant le Conseil de guerre de Rennes.
Dans un milieu (la mairie de Rennes, sous influence de Le Hérissé) où l’on est antidreyfusard par culte de l’Armée et fidélité à l’esprit du boulangisme, la netteté avec laquelle Vadot va à la vérité montre qu’un homme de bonne foi pouvait échapper à l’aveuglement de l’antidreyfusisme et que l’intelligence de l’Affaire n’était pas réservée aux « intellectuels ». Son attachement à l’état de droit, son jugement fondé sur le raisonnement, mais aussi son regard sur Dreyfus feraient de lui un vrai dreyfusard, s’il suffisait pour cela de croire à l’innocence de Dreyfus et d’être ému de son martyr. Pourtant Vadot n’est qu’un « dreyfusard en for intérieur » qui ne fait part de ses convictions qu’à son journal et sa famille : si tous les dreyfusards avaient été aussi discrets, Dreyfus aurait fini ses jours à l’île du Diable. Réserve obligée de fonctionnaire ? peut-être, mais les dernières entrées suggèrent une autre explication. Révulsé par les excès de l’antidreyfusisme, Vadot refuse aussi les formes et le contenu (« rêver d’une autre politique à partir de l’Affaire comme révélateur des insuffisances de la République1 ») de l’engagement dreyfusard tel qu’un Victor Basch l’incarne à Rennes
Vadot dreyfusard ?
1En même temps que Vadot commence à parler de l’Affaire, celle-ci fait irruption dans l’espace public rennais après la signature par quelques professeurs d’Université de la « protestation » réclamant la révision2 ; cela déclenche des manifestations révélatrices de l’antidreyfusisme de la société rennaise. De janvier 1898 à fin mai 1899, le manuscrit ne comporte que sept entrées, mais correspondant à des moments-clés, où Vadot va de la critique des arguments et des comportements des antidreyfusards au sentiment que le crime de Dreyfus est « invraisemblable » pour aboutir à la conviction de son innocence « évidente ».
Mercredi 19 janvier 1898
2Samedi soir 15 janvier3, Mme Le Bastard avait réuni dans ses salons un grand nombre d’invités parmi lesquels beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles qui ont dansé jusqu’à 4 heures du matin. […].
3Pendant que tout ce jeune monde dansait et s’amusait, les parents et amis entretenaient des conversations un peu à bâtons rompus. À un certain moment, je me suis trouvé dans un petit groupe où l’on causait de cette malheureuse affaire Dreyfus qui passionne aujourd’hui l’opinion publique et fait écrire tant de vilaines choses4. L’un de nous, M…5 conseiller à la Cour d’appel nous fit à ce sujet la déclaration suivante : « L’innocence de Dreyfus serait-elle démontrée, on doit néanmoins s’incliner devant le jugement rendu et accepter le fait accompli. Je considère cette attitude comme une règle absolue. » Je ne peux m’empêcher de protester courtoisement contre une pareille théorie. Voilà bien nos magistrats. Une pareille déclaration dénotait la perte de sens moral chez son auteur. M. Bodin m’avoua qu’il y avait exagération.
4Aujourd’hui, M. Legros, adjoint et avoué à la cour, m’a fait […] une déclaration à peu près identique. Pour eux, juges et hommes de loi, l’autorité de la chose jugée est sacrée ; elle ne saurait être discutée6.
5Dans cette même charmante soirée et à la suite de ce même entretien, M. Bodin me dit à part : « Ce qui arrive aujourd’hui est pour moi la preuve indiscutable de la divinité du Christ. Les Juifs continuent à subir la punition du crime qu’ils ont commis en crucifiant Jésus Christ. » Je ne pus m’empêcher de sourire à cette confidence naïve de ce charmant M. Bodin7.
6Les journaux sont en ce moment pleins de récits des manifestations organisées dans les grandes villes par la jeunesse des écoles qui fait partout des monômes en brûlant les journaux qui ont publié la dernière lettre de Zola au Président de la République et des mannequins représentant Dreyfus8. Des bandes de jeunes gens circulent dans les rues en conspuant Zola ou, comme à Rennes, quelques professeurs des facultés qui se sont rendus coupables de mettre en doute la sincérité et la légalité du jugement rendu contre Dreyfus9. Ils crient « À bas les juifs » en menaçant de saccager leurs magasins.
7Et la population semble partager les sentiments de cette jeunesse qui ne raisonne pas et s’imagine venger l’armée injuriée par Zola et quelques journalistes en criant sous les fenêtres du cercle militaire : « Vive l’armée, conspuez Zola, à mort les juifs. »
8Personnellement, je blâme ces manifestations violentes qui nous ramènent au Moyen Âge10.
9Quant à Dreyfus, s’il est coupable de l’action abominable pour laquelle il a été condamné, les tribunaux qui l’ont condamné et le gouvernement qui l’a poursuivi sont coupables de ne pas rassurer les consciences troublées en faisant connaître les véritables motifs de sa condamnation.
10Il n’est pas possible qu’à la fin du XIXe siècle, un homme puisse être condamné à un supplice aussi atroce au vu de documents qui ne lui ont pas été communiqués non plus qu’à son défenseur.
11Je me joins à tous ceux qui protestent énergiquement contre de pareils procédés11.
Vendredi 21 janvier 1898
12Nos jeunes étudiants depuis plusieurs jours ne cessent de manifester contre les Juifs, de conspuer Zola pour sa lettre au Président de la République, de demander la démission des professeurs Andrade12, Basch13, Sée14 qui ont commis le crime de s’associer aux protestations contre les procédés des conseils de guerre qui ont jugé Dreyfus et Esterhazy15. Ils se promènent dans nos rues en hurlant, criant, conspuant les israélites qui tiennent des magasins et font des affaires. Ils conspuent même les femmes. Cela est tout simplement odieux16. Ils oublient que l’armée renferme des officiers et des soldats israélites qui ne sont ni moins français ni moins compatriotes que ces braillards qui, le jour où une guerre serait inévitable, commenceraient par se défiler dans des bureaux militaires17.
13Il est honteux qu’à notre époque18 on ne puisse exprimer sa pensée sans être l’objet des manifestations de cette jeunesse peut-être généreuse mais à coup sûr inconsciente19.
Lundi 4 avril 1898
14Il n’est plus question aujourd’hui que de l’arrêt de la Cour de cassation qui a cassé la décision du jury de la Seine lequel avait condamné Émile Zola20 […].
15Contrairement à l’opinion publique21, j’approuve cette décision et je trouve que la cour suprême a fait preuve d’un grand courage en rendant cet arrêt. Je continue à penser que Dreyfus n’est peut-être pas coupable et qu’il est victime de la haine de hauts personnages de l’État-major général.
16Le crime de haute trahison de cet officier m’a toujours paru invraisemblable. Le vrai coupable ne serait-il pas Esterhazy ? L’avenir nous l’apprendra22.
Mercredi 31 août 1898
17Le colonel Henry, chef du bureau des renseignements au ministère de la guerre, a avoué être l’auteur d’une lettre qui a servi à M. Cavaignac pour prouver devant la Chambre la culpabilité de Dreyfus. Il a été immédiatement incarcéré au Mont Valérien23.
Jeudi 1er septembre 1898
18Le colonel Henry s’est coupé la gorge et s’est ainsi fait justice. Le général de Boisdeffre, chef de l’État-major, a remis sa démission au ministre de la guerre.
19À quand l’exécution de Paty de Clam24 ?
20Les événements vont se précipiter et il est à craindre que d’autres révélations ne viennent aggraver la situation25. Il m’est pénible d’avouer ici que ma confiance dans les chefs de notre armée va chaque jour en s’affaiblissant. […]
21Quel effort de volonté il va nous falloir maintenant pour reprendre confiance et marcher le front haut !
22Je n’ose croire encore à la décadence irrémédiable de la France ! Mais où sont les hommes qui relèveront le moral du pays que ces épouvantables événements vont abattre ?
Mercredi 31 mai 1899
23M. Malherbe est d’une humeur massacrante. Serait-ce l’affaire Dreyfus qui l’horripilerait ? Il est certain que la Cour de cassation et le rapport de M. Ballot-Beaupré26 ne sont pas faits pour réjouir les adversaires de la révision et notamment Le Petit Rennais qui a fait à ce sujet une campagne idiote27. On est plus clairvoyant que cela ! Que diable !
Jeudi 1er juin 1899
24Dans la crainte de déplaire à M. Le Hérissé, antidreyfusard, le maire ne veut pas confier à M. Mornard, avocat à Paris, défenseur de Dreyfus28, une affaire contentieuse de la ville. Conçoit-on un pareil état d’esprit surtout alors qu’il est aujourd’hui acquis que Dreyfus est innocent29 ?
Le lieutenant Roubach, un Dreyfus rennais ?
25L’histoire privée rencontre parfois la « grande histoire » de façon troublante. Le lieutenant Roubach, qui faisait depuis 1896 une cour assidue à l’une des filles [Marie ?] de Vadot sous l’œil attendri de celui-ci, était comme Dreyfus artilleur, alsacien, juif, et se trouva accusé (non d’espionnage mais de proxénétisme) malgré ses protestations d’innocence. Éclatant en avril 1898, après la relance de l’affaire Dreyfus par Zola, l’affaire Roubach, révèle sinon un philosémitisme modéré de la part de Vadot, du moins l’absence de tout antisémitisme chez lui ; cela le rend encore plus sensible, par empathie, au malheur de Dreyfus. En tout cas cette affaire en forme de modèle réduit lui permet de mieux comprendre l’Affaire.
Juin 1898
26Le récit que je vais faire pourrait être intitulé : Incident de la vie d’un officier juif30. Depuis 18 mois ou 2 ans, nous avons été mis en relations avec un officier du 10e Régiment d’artillerie du nom de Roubach […] qui venait souvent à la maison, se plaisait avec nous et avec qui nous avons fait souvent de charmantes promenades aux environs de Rennes31.
27M. Roubach est originaire de…32, petite ville annexée depuis 1870 à l’empire d’Allemagne. Son père et sa mère ont dû rester au pays et, par ce fait, sont allemands. M. Roubach fut envoyé très jeune au lycée de Nancy où il fit ses études et d’où il entra à Polytechnique. Il sortit de l’école d’officier d’artillerie […].
28Il y a cinq ou six semaines, il fut envoyé en mission dans le département des Côtes-du-Nord […].
29Vers la fin de mai, le commissaire central Samyon […] entra dans mon cabinet de travail où se trouvait déjà le maire et nous donna lecture d’un procès-verbal d’enquête dans lequel il établissait qu’une femme Marquet employée au balayage des rues de la ville, livrait des filles mineures à la prostitution pour se procurer à elle-même des ressources. Ces filles interrogées, […] déclaraient que lorsqu’elles rentraient le soir à la maison sans apporter d’argent, l’odieuse femme les renvoyait et leur disait surtout : « Va donc chez Roubach, il te donnera de l’argent. »
30Je fus presque atterré du récit qu’elles faisaient des scènes auxquelles elles avaient été mêlées chez M. Roubach. […]
31Je fis part immédiatement de ces faits à ma femme sans toutefois lui donner certains détails qu’il est impossible de conter à une honnête femme. Je lui dis qu’il fallait rompre de suite avec M. Roubach. […] À ce moment, j’étais moi-même loin de soupçonner toute la gravité qu’allait prendre cette affaire.
32Le dossier fut envoyé au Parquet ; […] le juge d’instruction […] adressa le procèsverbal d’enquête et un rapport au chef de corps, c’est-à-dire au colonel du 10e. Pendant ce temps, M. Roubach […] était loin de se douter de ce qui se passait ici et de l’inquiétude dans laquelle nous étions, ma femme et moi. […].
33Le samedi matin [4 juin], il rentrait à Rennes appelé par le colonel qui lui infligeait 15 jours d’arrêts de rigueur et le faisait remplacer dans sa mission. […].
34J’allai le voir le lundi matin et je causai longtemps avec lui. […] Assis en face de moi, les bras tombants, les sanglots l’étouffaient. Le colonel lui avait donné connaissance des faits relevés contre lui. Il me les fit connaître, car il ignorait que je les connaissais déjà. Il me répéta vingt fois que tout cela était faux, inventé à plaisir, qu’il ne connaissait pas les filles qui l’accusaient […].
35Le lundi après-midi, […] je vis le Procureur de la République, M. Martin, qui […] me parut convaincu que les déclarations des filles interrogées étaient exactes. Je plaidai la cause de M. Roubach […].
36M. Martin m’assura que M. Roubach pouvait être tranquille ; que l’affaire Marquet serait jugée à huis clos et que le nom de cet officier ne serait pas prononcé, qu’il n’y serait pas même fait allusion33. […].
Lundi 4 juillet 1898
37L’affaire Roubach prend bonne tournure ; toutes les filles qui ont déposé contre lui retirent successivement leurs déclarations.
Mardi 12 juillet 1898
38Aujourd’hui, réunion du conseil d’enquête appelé à donner son avis sur la conduite de M. Roubach et sur sa mise en réforme. […]
39Lorsque je suis entré dans la salle du conseil, M. Roubach s’est mis à fondre en larmes. […]
40Je me suis efforcé non pas d’être éloquent, mais de dire simplement la vérité et d’affirmer, en mon âme et conscience, que je considérais M. Roubach comme un brave et digne garçon. […]
Mardi 26 juillet 1898
41Cet après-midi, causé quelques instants avec M. Bodin des affaires Roubach et Dreyfus. M. Bodin blâme ce que j’approuve et réciproquement34. Mais l’échange de ses opinions est courtois. Je continue à douter du crime imputé à Dreyfus. Je m’incline devant les affirmations des hommes qui sont à même de se rendre compte exactement de ce qui s’est passé, mais j’ai toujours des doutes, je ne suis pas convaincu. Ce qui s’est passé ici avec M. Roubach me fait deviner ce qui a dû se passer à Paris à l’État-major général.
Samedi 20 août 1898
42Ce matin, M. Roubach a été rendu à la liberté avec mise en non-activité par suspension d’emploi. C’est une indignité ajoutée à tant d’autres.
En attendant le procès
43La période allant de l’arrêt de renvoi au procès est intéressante du point de vue de l’histoire rennaise de l’Affaire. Vadot note la tension qui règne entre dreyfusards et antidreyfusards mais il la minimise, sans voir ce qui se joue là35. Il montre mieux l’antidreyfusisme de convenance du maire, dont il est la plume, et l’antidreyfusisme virulent du député Le Hérissé et de ses proches. Et sur un plan personnel, il exprime sa profonde émotion et celle de sa famille devant les épreuves et le courage du couple Dreyfus.
Lundi 5 juin 1899
44La Cour de cassation a cassé le jugement qui a condamné Dreyfus et renvoyé ce dernier devant le conseil de guerre de Rennes36. Mes prévisions se sont réalisées.
45Samedi soir, après la retraite militaire, une manifestation a eu lieu sur la place de la mairie. On a crié : « Vive l’armée ! À bas les juifs ! » Il faut ajouter que les manifestants étaient surtout des gamins ou des jeunes gens37.
46« Vive l’armée ! » mais aussi « Vive la justice, la justice pour tous ! », Juif ou chrétien38.
47M. Le Rondel39 m’a déclaré aujourd’hui […] qu’il ne croyait pas au républicanisme de Le Hérissé, qu’hier encore, il l’avait rencontré avec M. Jenouvrier, avocat du Rennes réactionnaire40. Je crois aux sentiments républicains de notre député, mais je le crois aussi tellement circonvenu par les nombreux officiers qu’il fréquente à Paris qu’il en perd la notion de justice41.
Mardi 6 juin 1899
48Hier, réunion du syndicat des entrepreneurs42, banquets et discours. Comme d’habitude le maire met à contribution ma prose. À cette occasion, M. Le Hérissé était à Rennes et le matin même du dimanche il annonçait que la tribune des courses à Auteuil serait envahie43. Bien inspiré notre député !
Mercredi 7 juin 1899
49M. Le Hérissé montrait aujourd’hui à un ami la liste des officiers devant composer le conseil de guerre dans l’affaire Dreyfus. Son ami Farinaux, lieutenant-colonel de l’État-major du Xe corps, antisémite enragé44 la lui avait probablement procurée.
50J’enrage quand j’entends certaines gens déclarer que Dreyfus devait rester au bagne ! Il n’a donc pas assez souffert ce malheureux, victime des odieuses machinations de Henry, du Paty de Clam, Esterhazy !
51Son acquittement ne me paraît pas douteux45.
Lundi 12 juin 1899
52Samedi 10, nouvelles manifestations au moment où la retraite militaire devait avoir lieu. Place du Palais rendez-vous des défenseurs de Dreyfus ; sur la place de la mairie les adversaires de la révision et les ennemis des juifs. Tout s’est borné à des cris de « Vive l’armée » à « À bas les juifs » auxquels on répondait « À bas la calotte », « Vive la République ».
« Devant la préfecture la manifestation [antidreyfusarde] prend un caractère sérieux. Les contre-manifestants – étudiants et ouvriers – se réunissent au nombre d’environ une centaine pour aller vers la maison de M. Basch où les antisémites avaient l’intention de se rendre. Mais ils entendent des cris venant de la rue d’Antrain. Ce sont d’autres républicains. La fusion s’opère immédiatement entre les deux groupes. Ils rencontrent une bande de nationalistes, rue de Robien. […] On se heurte. Un antisémite porte brutalement un coup de canne à un des contre-manifestants. Il lui en coûta quelque peu car les ouvriers qui, eux, n’ont pas l’habitude de se prémunir de cannes, mais se servent seulement de leurs bras, arrachèrent aux cléricaux leurs gourdins qu’ils cassèrent entre leurs mains ou brisèrent sur le dos de leurs malencontreux propriétaires. […] Nos adversaires ont reçu une leçon méritée : espérons donc que le calme va se rétablir maintenant à Rennes46. »
53Ce matin, conférence à la préfecture entre le préfet, le maire, le procureur général et le procureur de la République. Tous, sauf le maire, se montrent pessimistes47. M. Lajat a déclaré au préfet qu’il répondait de l’ordre mais à la condition que le commissaire central n’en fasse pas à sa tête. Il leur a lu un petit manifeste qu’il adresse à la population et que j’avais préparé ce matin, au jardin, en écoutant siffler les merles et gazouiller mon canari.
Mardi 13 juin 1899
54Le manifeste est affiché ce soir. Il est lu avec beaucoup d’empressement […]
« Mes chers concitoyens,
Les manifestations qui viennent de se produire dans notre ville n’ont été marquées par aucun incident regrettable, grâce à votre sagesse, et les quelques arrestations qui ont été faites n’ont pas été maintenues. Cependant, dans l’état actuel des esprits, il est à désirer que ces manifestations ne se renouvellent pas. L’armée de la République a toutes nos sympathies ; nous l’aimons parce qu’elle est la sauvegarde de notre indépendance et notre force devant l’étranger ; mais il y a aussi la Justice dont nous devons savoir respecter les décisions. Il faut que la cause qui depuis si longtemps sème la division parmi nous soit jugée à Rennes avec toute la sérénité qui convient à un peuple libre et ennemi de tous préjugés. C’est pourquoi, mes chers concitoyens, je fais appel à votre sagesse, à votre esprit d’ordre et de tranquillité, à votre patriotisme, pour éviter le retour de manifestations qui pourraient, à mon plus grand regret, donner lieu à une répression48.
En mairie, Rennes, le 13 juin 1899.
Le Maire, Lajat. »
Lundi 26 juin 1899
55Gendarmes et journalistes se sont donné rendez-vous à Rennes, les uns pour maintenir l’ordre, les autres pour le troubler au besoin49. Les gendarmes sont consignés dans différentes casernes, quant aux journalistes ils se répandent dans les cafés et à défaut de nouvelles ils en inventent.
56Une nuée d’agents de la Sûreté s’est également abattue, paraît-il, sur notre ville. Je n’ai pas eu la chance encore d’en rencontrer. Je crois que nos bons Rennais voient des agents dans toute personne dont la physionomie leur est inconnue50.
57Quoi qu’il en soit, Rennes est parfaitement calme et il ne me paraît pas que des émeutes doivent déplanter nos pavés.
Jeudi 29 juin 1899
58Hier soir, par le train de 6 h 50 du soir, Mme Dreyfus est arrivée à Rennes accompagnée de personnes de sa famille. J’étais allé à la gare avec Marie. Une centaine de personnes avaient pu pénétrer dans l’intérieur de la gare. Aucune manifestation, aucun cri ne s’est produit lorsque Mme Dreyfus a traversé au milieu des personnes qui l’attendaient. J’ai ôté mon chapeau au moment où elle est passée près de moi, mais j’ai bien été un des seuls à saluer cette pauvre femme toute vêtue de noir51. […]. J’ai éprouvé un véritable serrement de cœur à la vue de cette femme qui depuis quatre ans lutte avec tant d’énergie pour la défense de son mari. En mon âme et conscience, je suis convaincu de l’innocence de Dreyfus et les misérables qui l’ont soumis à de pareilles tortures physiques et morales devraient être écartelés. Et dire qu’il y a des gens qui s’acharnent encore après cette malheureuse famille !
59Conversation aujourd’hui, cet après-midi, avec le maire au sujet de l’affaire Dreyfus. Il ne sort pas de cette idée… Dreyfus a été condamné, il est coupable. Dans tous les cas, nous attendons le jugement du Conseil de guerre. Rien ne peut faire sortir de là M. Lajat. Attendre le jugement du nouveau conseil de guerre, c’est très bien, mais croire encore à l’heure qu’il est à la culpabilité de Dreyfus, c’est ne pas vouloir croire à la lumière du soleil.
Samedi 1er juillet 1899
60Dreyfus est arrivé ce matin à 6 heures par la ligne de Lorient52.
Jeudi 6 juillet 1899
61Tous les miens éprouvent pour Mme Dreyfus un profond sentiment de pitié ; ma femme et les enfants lui ont adressé une carte avec ces mots : sympathie, espoir et courage53. Mme Dreyfus a répondu par des remerciements.
62Qu’elle a dû être poignante la première entrevue entre Mme Dreyfus et son mari54.
63Hier, j’ai préparé un speech pour le maire qui doit le réciter, en y mettant toute l’éloquence dont il est capable, au banquet du 14 juillet. Qui m’aurait dit, il y a vingt ans, qu’un jour je serai chargé de préparer des discours aux maires de Rennes ! J’essaie de leur faire dire ce que je pense et j’y arrive assez bien. J’aurais voulu, au 14 juillet, tomber à bras raccourcis sur les antidreyfusards […]
« La fête nationale se déroule cette année dans des circonstances toutes particulières. Si nous en croyons certains prophètes de mauvais augure, la République toucherait à sa fin et serait bientôt remplacée par un gouvernement autocratique […] Il est évident que la République subit en ce moment les assauts furieux de toute une réaction qui, depuis bientôt 30 ans, attend l’heure favorable […]. Mais les réactions ne sont qu’un retour en arrière des idées et c’est pourquoi elles ne peuvent être qu’éphémères55. »
Samedi 15 juillet 1899
64[…] Dans la journée [d’hier] quelques incidents sans gravité du côté du faubourg d’Antrain56 et près du domicile de M. Basch57. Le soir, une petite bagarre près de la préfecture et c’est tout.
65Au banquet des Lices, discours de M. Le Hérissé, de M. Lajat et du Dr Leray. Le discours de notre député ne m’a pas séduit : le bout de l’oreille était trop visible58. L’affichage en a été voté. […] Je crains que loin d’amener de l’apaisement il ne soit la cause de violentes polémiques voire de troubles […] Quant à M. Lajat, il a mal lu ou mal récité le sien ; on sentait trop la chose apprise par cœur et cela sans aucune espèce de conviction […].
1er août 1899
66Malgré l’affaire Dreyfus, nos rues sont tranquilles et nos braves Rennais pas trop tapageurs. Quelques réunions et quelques coups de poings entre quatre murs et voilà tout59. Et dire que l’on a mobilisé près de 200 gendarmes pour assurer le service d’ordre et contenir la population qui ne pense qu’à une chose : s’éponger par cette température sénégalienne60.
Les débats
67Vadot est, comme tant d’autres, bouleversé par les grands moments du procès qu’il suit de bout en bout et son indignation va croissant devant les mensonges de Mercier et de l’État-major. Mais le plus étonnant est son regard sur Dreyfus dont beaucoup trouvent qu’il se défend mal, avec son attitude froide et nullement théâtrale. Vadot comprend et apprécie cette défense dont il souligne la clarté et le sang-froid61.
7 août 1899
68Ce matin, à 7 heures précises, ont été ouverts les débats de l’affaire Dreyfus. Au moment où Dreyfus est apparu et où après avoir gravi les quelques marches qui le conduisaient devant le tribunal62, il a fait le salut militaire, au moment où d’une voix ferme, il a juré qu’il était innocent et où il a nié avoir écrit le bordereau et avoir fréquenté des officiers allemands, j’ai été profondément ému.
69Mon impression est que Dreyfus n’est pas coupable. Dans le cas contraire, il serait le plus nuisible des hommes, car rien dans son attitude ne décèle une conscience troublée. Il parle avec calme, froideur même. Il écoute attentivement les questions qui lui sont posées et y répond avec sang-froid63. S’il est coupable, il est extraordinairement maître de lui. Mais je ne puis croire qu’un homme puisse ainsi jouer la comédie en la jouant aussi longtemps. Étant assez éloigné de l’estrade, je n’ai pu me rendre compte s’il avait une physionomie sympathique ou non.
70Cet après-midi à 3 heures, M. Le Hérissé étant dans mon cabinet, je lui ai demandé s’il croyait à la culpabilité de Dreyfus. « Oui certainement, m’a-t-il répondu, et je suis convaincu aussi qu’il sera de nouveau condamné. » M. Le Hérissé étant au mieux avec tout l’État-major et tous les officiers, activistes, engagés dans l’affaire, son affirmation m’inquiète sur l’impartialité des juges militaires.
71Le colonel Jouaust président du conseil a, du reste, interrogé Dreyfus sur un ton qui dénotait un certain parti-pris, presque de la partialité64.
72Quant au commandant Carrière, commissaire du gouvernement, il est au-dessous de tout65. […] Le général Mercier66 de qui on attend des révélations a une physionomie ingrate, peu sympathique.
10 août 1899
73[…] Il est à espérer qu’après cette instruction et après l’audition des témoins, la lumière sera complète.
74La lecture des journaux qui ont envoyé à Rennes des reporters est amusante. Chacun interprète à sa façon l’attitude de Dreyfus. Quant à moi, je l’ai trouvé absolument crâne sans forfanterie : il avait plutôt une attitude soumise, respectueuse.
75Attendons. […].
Samedi 12 août 1899
76Quel drame empoignant ce matin devant le conseil de guerre ! Après […] la déposition longue et monotone du général Mercier, quand celui-ci se tournant du côté de Dreyfus dit que s’il avait le moindre doute sur la culpabilité du capitaine Dreyfus, il reconnaîtrait son erreur et le dirait hautement, Dreyfus se leva d’un bond et s’avançant du côté de son accusateur, il lui cria : « Vous devriez le dire, Monsieur. »
77Ce fut une émotion indescriptible dans l’auditoire. C’était comme le cri du cœur qui sortait de la bouche de Dreyfus et ce cri était d’une autre éloquence que les accusations de Mercier.
78Quant à moi, je me sentis si profondément troublé et remué que j’avais peine à retenir mes larmes.
79Je n’ai jamais de ma vie assisté à une scène aussi poignante, aussi tragique.
80Dreyfus ou Mercier doit aller au bagne, il n’y a pas à sortir de là67. L’un des deux ment avec un cynisme sans nom.
81Mon opinion est toujours la même : Mercier ment : tout dans son langage, ses gestes, sa physionomie dit qu’il ment.
82Donc à moins qu’au dernier moment, il n’existe des pièces établissant d’une manière lumineuse la culpabilité de Dreyfus, je crois à son innocence68.
Lundi 14 août 1899
83Ce matin à 6 heures et quart, au moment où le conseil de guerre allait entrer en séance, une voix dans la salle cria que M. Labori était blessé. Il y eut un moment de surprise, puis au fur et à mesure que les nouvelles arrivèrent, la surprise devint consternation et pour un grand nombre épouvante69.
84Labori se rendait au conseil de guerre accompagné par le colonel Picquart et une autre personne70. Au moment où en suivant le Mail-Donges il allait pénétrer sur le pont du quai Richemont, avant la rue Hippolyte Lucas, un homme dissimulé à l’angle du petit chemin qui suit la rivière et aboutit à la cale de la Barbotière et au boulevard Laënnec, lui tira par derrière et à bout portant un coup de revolver. Labori s’affaissa et pendant qu’on s’empressait autour de lui, les deux messieurs qui l’accompagnaient poursuivirent l’assassin qui s’enfuyait par le chemin du bord de la rivière. En ce moment, deux compagnies d’infanterie cernent le bois des buttes de Coësmes, où l’assassin se serait, paraît-il, réfugié […].
85À la sortie de l’audience, ce matin, des manifestations se produisirent sur les quais les uns criant : « Vive l’armée », les autres : « À bas les assassins, Vive la Sociale », même « À bas la France ». Quelques coups ont été échangés sur le quai Chateaubriand. La gendarmerie a pu facilement faire déblayer les quais.
86Tous ces faits montrent à quel point les esprits sont surexcités. La tension est extrême et sous des apparences tranquilles, calmes, les passions sont prêtes à se déchaîner.
87Ce soir, manifeste de MM. Lajat et Le Hérissé :
Aux habitants de Rennes
Chers concitoyens
« Un abominable attentat dont l’auteur ne peut se réclamer d’aucun parti, vient de déshonorer notre chère ville de Rennes. Vous ne vous laisserez pas émouvoir par un acte de folie qui peut seulement servir les adversaires de l’œuvre de justice et de vérité qu’avec leur patriotisme et leur robuste bon sens les membres du conseil de guerre ont essayé d’accomplir. Résistez aux provocations d’où qu’elles viennent, et sachez conserver le calme plein de dignité dont vous ne vous êtes point départis. Vous aurez ainsi bien mérité de la France et de la République et servi le bon renom de notre vieille cité bretonne. »
Lajat, maire de Rennes
Le Hérissé, Député de Rennes71.
Samedi 19 août 1899
88Cet après-midi, M. Lajat, prétextant qu’il était fatigué, a envoyé un télégramme et écrit à M. Le Hérissé pour lui dire qu’il ne pourrait aller demain aux courses d’Antrain. Le vrai motif, m’a-t-il dit, c’est qu’il ne voulait pas se trouver en contact avec les Cavaignac, Mercier, Roget72, etc. « On prétend que je suis antidreyfusard, je ne veux pas me compromettre en acceptant l’invitation de Le Hérissé… » M. Lajat m’ayant demandé mon avis sur sa détermination, je n’ai pu, tout en lui disant qu’il avait bien agi, m’empêcher de sourire. Le maire cherche sa voie ; à cette heure il ne sait plus s’il doit être dreyfusard ou antidreyfusard. Il est décidément bien embarrassé et peu courageux.
89Quant à moi, plus j’entends de témoignages, plus je suis convaincu de l’innocence de Dreyfus.
90Le témoignage du commandant Cuignet73 est une vilenie. Témoigner ainsi par suppositions contre un camarade, c’est abominable. Les dépositions de ce matin, des Lauth, Gribelin et Junck74 ne sont pas plus honnêtes. […]
Jeudi 31 août 1899
91J’assiste tous les jours aux débats de l’affaire Dreyfus75 et je suis de plus en plus convaincu de l’innocence de l’accusé et de la culpabilité du général Mercier. On s’est trompé en 1894 et l’État-major, par orgueil, par entêtement, n’a pas voulu reconnaître son erreur76.
92Certaines audiences et quelques confrontations ont été absolument sensationnelles, voire tragiques. La confrontation de Freystaetter, du général Mercier et du colonel Maurel a été une des plus émouvantes. Mercier et Maurel ont été pris en flagrant délit de mensonge77. Dreyfus se défend bien, sobrement, clairement. Parfois comme ce matin, il a des accents d’une sincérité impressionnante78. […]
93Ma conviction est que Dreyfus sera acquitté à l’unanimité même79.
Lundi 11 septembre 1899
94Samedi à 4 heures – le conseil de guerre a prononcé par 5 voix contre 2, la condamnation de Dreyfus. La majorité a admis des circonstances atténuantes comme s’il pouvait y en avoir pour un crime de trahison. L’arrêt a été rendu après deux journées de plaidoiries de Me Demange dont l’éloquence, la persuasion, les démonstrations, si précises, n’ont pu faire échec aux préjugés, aux sentiments de la majorité du conseil de guerre.
95Étant donné l’attitude des généraux, je considérais depuis samedi dernier que la partie était perdue pour Dreyfus. L’acquittement de ce malheureux, c’était l’effondrement de Mercier, Gonse80, Roget, Billot81, Cuignet, etc. Il eut fallu une volonté, une conscience surhumaine pour prononcer l’acquittement ; seuls deux officiers ont eu assez de force de caractère pour écarter tout ce que leurs préjugés, leur éducation, leur discipline leur commandait presque82.
96Il n’y a pas de paroles pour peindre l’émotion que chacun ressentait lorsque de 3 h à 4 h dans la cour du lycée nous attendions la décision du conseil de guerre. Lorsque la cloche annonça la reprise de la séance, ce fut comme de l’affolement. On se précipita dans la salle des fêtes du lycée et ce fut dans une anxiété poignante qu’on attendit l’arrivée du conseil. Tous étaient debout, les avocats au banc de la défense ; mais Dreyfus était absent.
97Lorsque le colonel Jouaust lut l’arrêt et qu’il dit que par 5 voix contre 2 Dreyfus était reconnu coupable, pas un cri, pas une protestation ne retentit ; mais des murmures, des exclamations sourdes. Condamné ! Tel est le cri qui retentit immédiatement dans la rue Toullier et qui fut transmis rapidement dans toute la ville. Le reste du jugement ne fut pas écouté.
98Nous sortîmes en silence de la salle du conseil. On échangea ses impressions mais il n’y eut pas d’altercation.
99M. Cravoisier du Petit Rennais que je rencontrai devant l’église Toussaints avait peine à contenir sa joie ; il m’exprima le regret que dix ans seulement de détention fussent infligés à Dreyfus. Je ne pus m’empêcher de lui témoigner ma surprise. Un peu plus c’était mon mépris que je lui aurais craché à la face. MM. Cholley, pharmacien ex-conseiller municipal, et le Dr Leray, conseiller municipal, exprimaient hautement leur satisfaction83. Je les plains.
100Je rejoignis ma famille qui m’attendait devant le palais du commerce ; elle connaissait la nouvelle. Ma femme et mes enfants avaient peine à dissimuler leur colère et leur stupeur. Je les emmenais. Lolo pleurait84.
101Les quais et les rues aux abords du lycée, du Palais du Commerce et de la place de la mairie étaient noirs de monde. De plus, dès le matin, gendarmes, dragons et fantassins occupaient militairement la ville qui paraissait en état de siège85.
102Les dreyfusards étaient consternés ; quant aux antidreyfusards, à l’exception de quelques-uns, ils eurent le bon esprit de ne pas manifester.
103Cependant le soir au Café de la Paix, il y eut quelques manifestations qui furent faciles à réprimer86. Je ne puis toutefois m’empêcher de noter ici les noms de Guillaume (Wilfrid) architecte, Dunois, Raulin et un quatrième qui eurent l’audace d’aller dîner le soir à l’Hôtel Moderne afin d’y insulter plus à leur aise quelques femmes qui avaient pris parti pour Dreyfus […]. Ce sont quatre goujats qui méritent la réprobation des honnêtes gens.
104Le conseil de guerre qui a condamné Dreyfus a commis une infamie. Il s’est déshonoré et il déshonore la France, le pays de la générosité, de la justice87. Tout cela pour sauver ces misérables qu’on nomme Mercier, Roget et Cuignet, Lauth, Gribelin. Je ne parle pas des autres officiers, anciens camarades de Dreyfus, qui ont été odieux dans leurs dépositions.
105Le dernier acte de ce drame n’est pas joué. Attendons.
1900
106« Le dernier acte n’est pas joué. Attendons. » Une fois de plus, l’assertion de Vadot est lucide. Dreyfus fut gracié le 19 septembre 1899, puis une amnistie pour tous les faits touchant à l’Affaire fut proclamée en 1900, mettant Mercier et les autres protagonistes du camp antidreyfusard à l’abri de toute poursuite ultérieure. Mais à force de persévérance, Dreyfus finit par obtenir la réouverture du dossier. Au terme d’une nouvelle procédure, la Cour de cassation annula le 12 juillet 1906 le jugement du conseil de guerre de Rennes et proclama que « de l’accusation portée contre Dreyfus rien ne reste debout ». Après le procès, l’Affaire disparaît rapidement du journal de Vadot, mais à travers l’hostilité qu’il manifeste à l’égard des dreyfusards rennais, surtout Basch, se dessinent les limites de son propre dreyfusisme.
Samedi 10 février 1900
107Le 28 janvier dernier, le général Mercier a été élu sénateur dans le département de la Loire-Inférieure. Quelle aberration de la part des électeurs et quelle audace de la part de cet homme qui a menti, truqué la vérité, fait condamner deux fois un innocent, alors qu’il sait pertinemment qu’il y a eu erreur ! Si pareil fait restait impuni, ce serait à désespérer de la justice88.
Vendredi 27 avril 1900
108Je reste convaincu de l’innocence de ce malheureux, mais j’ai toujours blâmé les démonstrations des Basch, des Blondel89 et des socialistes au moment du procès de Rennes90. Dreyfus est innocent, Mercier est un misérable, mais l’armée doit être placée au-dessus des passions qui nous ont agités pendant toute la durée de cette monstrueuse affaire91.
Vendredi 4 mai 1900
109J’ai toujours été convaincu et je le suis encore de l’innocence de Dreyfus et je me suis associé de tout cœur92 aux protestations de tous ceux qui, comme moi, croient qu’il a été victime d’une erreur d’abord et de la mauvaise foi, ensuite, des Mercier, des Gonse, des Billot, etc. Mais il n’en est pas moins vrai que la liste Malherbe, Blondel, Pernot, avec par derrière, les Basch93, est faite pour troubler les consciences les plus timorées.
Notes de bas de page
1 V. Duclert, 1994, p. 84.
2 Une première protestation, avec la liste des signataires, parut dans L’Aurore ; une seconde, au texte légèrement différent, dans Le Siècle. On les désigne souvent sous le nom de pétition des intellectuels.
3 Deux jours après la publication de J’accuse !…
4 La scène pourrait sortir d’un roman comme L’anneau d’améthyste d’Anatole France.
5 Blanc dans le texte.
6 Argument principal, d’ordre juridique, de l’antidreyfusisme modéré [E. Cahm, 2000, p. 98-99].
7 Argument de l’antidreyfusisme extrémiste et antisémite, dans sa variante catholique (M. Bodin est proche, rappelons-le, des futurs fondateurs de L’Ouest-Éclair).
8 Dans les jours suivant J’accuse !…, des manifestations antisémites touchèrent une trentaine de villes de province [P. Birnbaum, 1998].
9 Andrade qui a publié dans Le Siècle une lettre ouverte au général Mercier ; Aubry, Basch et Sée qui ont signé la protestation dans L’Aurore. Ces manifestations durèrent du 16 au 20 [A. Hélard, 1999].
10 Vadot condamne les manifestations antidreyfusardes sans jamais approuver les dreyfusards visés par elles.
11 Critique du dossier secret, exemplaire du point de vue de la légalité dans un état de droit moderne. Voir aussi Clemenceau qui écrivait : « le progrès du temps […] ne peut plus accepter les jugements de l’ombre » [L’Aurore, 18 novembre 1897].
12 Jules Andrade (1857-1933), professeur de mathématiques à la Faculté des Sciences de Rennes. Il fut suspendu de cours, puis déplacé à Montpellier en juillet 1898 [A. Hélard, 2001].
13 Victor Basch (1863-1944), professeur de langue et littérature allemandes à la Faculté des Lettres de Rennes, acteur essentiel du dreyfusisme rennais. Nommé en 1906, professeur d’esthétique à la Sorbonne. Président national de la Ligue des droits de l’Homme de 1926 à 1940, il joua un rôle important en 1935-1936 dans la constitution du Rassemblement Populaire. Réfugié à Lyon pendant la guerre, arrêté par la Gestapo il fut assassiné par des Miliciens [A. Hélard, 2001].
14 Henri Sée (1864-1936), professeur d’Histoire contemporaine à la Faculté des Lettres de Rennes, fut, avec Basch, un des fondateurs de la section de Rennes de la Ligue des droits de l’Homme en janvier 1899.
15 Esterhazy, dont l’existence et la culpabilité ont été révélées en novembre 1897, a été acquitté à l’unanimité par un conseil de guerre le 10 janvier 1898 ; cet acquittement détermina Zola à écrire J’accuse !…
16 Le 19 janvier, un millier d’étudiants réclamèrent la démission des « professeurs amis de Dreyfus », puis assiégèrent la maison de Basch ; le 20, ils voulurent l’empêcher de faire cours [A. Hélard, 1999].
17 Pour Vadot, l’intégration des juifs de France à la République ne saurait être remise en question.
18 « […] à notre époque » (et plus haut « à la fin du XIXe siècle ») suggère bien l’idée que Vadot se fait d’une société moderne.
19 Au même moment Desgrées du Loû écrit : « nous applaudissons aux manifestations de la jeunesse universitaire qui, à Rennes notamment, a voulu prouver que, dans cette affaire, elle était pour l’armée et contre ses insulteurs » [L’Écho de l’Ouest, 23 janvier 1898].
20 Zola s’étant pourvu en cassation pour vice de forme (au motif que la plainte déposée contre lui pour diffamation après J’accuse !… n’aurait pas dû l’être par le ministre mais par le conseil de guerre), la Cour de cassation affirmait une première fois l’indépendance de la justice et revendiquait l’État de droit contre la raison d’État. Le 2 avril, Clemenceau se félicite « qu’il y ait en France des juges soucieux de juger selon la loi ».
21 Vadot se défie de « l’opinion », à un moment où la presse antidreyfusarde dénonce avec violence « les magistrats contre l’armée ».
22 Le cheminement de Vadot vers la vérité est celui de tous les dreyfusards : 1. Dreyfus a été jugé illégalement (à cause du dossier secret) ; 2. Il a été condamné injustement (à la place d’un autre).
23 La « preuve » brandie par Cavaignac n’était qu’un faux grossier, fabriqué pour « étoffer » l’accusation par le colonel Henry, officier du service de renseignements.
24 Officier au service de renseignements, présenté par Zola comme « le premier coupable de l’effroyable erreur judiciaire qui a été commise ».
25 La saisie de la Cour de cassation, devenue inévitable, aura lieu le 26 septembre.
26 Rapporteur de la demande en révision du procès Dreyfus devant la Cour de cassation, il se déclare convaincu que le bordereau est d’Esterhazy et conseille le renvoi de Dreyfus devant un nouveau conseil de guerre.
27 Le Petit Rennais (qui, dixit Vadot [2 septembre 1898], « passe pour le journal officiel de la municipalité ») a pour rédacteur en chef, depuis février 1898, Eugène Cravoisier (1870-1904), transfuge de La Libre Parole (où il est arrivé en 1894 et où il retournera en 1900) dont il a importé à Rennes l’antidreyfusisme extrémiste et antisémite.
28 Avocat à la Cour de cassation et avocat de Lucie Dreyfus dans sa demande en révision.
29 Depuis le 31 mars, Le Figaro publie quotidiennement l’enquête de la chambre criminelle.
30 Il est clair que pour Vadot, Roubach est victime d’une cabale en tant que juif.
31 Voir chap. 3.
32 Blanc dans le texte.
33 En l’absence du dossier personnel du lieutenant Roubach (non localisé au CHED, Vincennes), de traces de l’affaire dans les sous-séries 11 R (justice militaire), 3 U 4 (répertoires civils et correctionnels) des archives départementales [recherches Pascale Morne], I 50 et 51 (hygiène publique et prostitution) des Archives municipales de Rennes ou de dossiers de police relatifs notamment à la balayeuse Marquet, sa fille et la « fille Elan » comme on disait alors, nous ne pouvons, pour l’heure, que nous en tenir à la version de Vadot.
34 Ceci renforce la remarque du 19 janvier 1898 sur ce même M. Bodin.
35 Certains journaux parisiens le sentirent bien : « le conflit [est] latent entre les groupes irréductibles qui s’observent et s’épient » [Le Journal des Débats, 3 juillet 1898, C. Cosnier, A. Hélard, 1999, p. 157-158].
36 Rennes passait pour très paisible et était, parmi les villes possédant un conseil de guerre, la plus proche des côtes où l’on ferait débarquer Dreyfus, ce qui limitait au maximum les risques d’incidents.
37 Signal inquiétant pour les dreyfusards qui, peu soucieux de revivre les journées de janvier 1898, s’organiseront en conséquence, pour ne pas laisser, cette fois, le camp adverse maître de la rue [C. Cosnier, A. Hélard, 1999, p. 93 sq.].
38 Vadot affirme ainsi que le patriotisme ne doit pas faire oublier ce qu’est une justice républicaine.
39 Sur Le Rondel, voir chap. 15.
40 Proche de Brager de la Villemoysan.
41 Aligné sur la position de l’État-major, il se dit convaincu « que le Conseil de guerre de 1894 avait bien jugé », puisque « ou Dreyfus est coupable, ou les ministres de la guerre et les chefs de notre État-major, qui depuis six ans se sont succédés, sont des criminels » (Le Petit Rennais, 19 juillet 1898).
42 Présidé par Jean Janvier.
43 Le 4 juin, des antidreyfusards y agressèrent le président de la République, Émile Loubet.
44 Le même jour, Basch écrit à Reinach : « J’ai failli me colleter avec le sous-chef de l’État-major général, Farinaux, qui en me voyant acheter un journal révisionniste n’a pu résister à l’envie de me bousculer » [V. Basch, 2003, p. 51].
45 Beaucoup de dreyfusards pensent alors que le procès de Rennes ne sera qu’une formalité.
46 L’Avenir de Rennes, 12 juin 1898 ; Vadot n’a donc pas tout vu.
47 Les dreyfusards rennais eux, ne le sont plus : « Nos amis ont démontré, samedi soir, aux antisémites et aux nationalistes qu’ils n’étaient plus maîtres de la voie publique. […] Les ouvriers ont crié et frappé avec tant d’énergie que les jeunes preux bretons se le tiendront pour dit. » [V. Basch, 2003, p. 58.]
48 On note la volonté de tenir la balance égale entre l’Armée et la Justice.
49 Tous attendent l’arrivée de Dreyfus. De nombreux journaux parisiens et étrangers ont des envoyés spéciaux à Rennes [C. Cosnier, A. Hélard, 1999, p. 115 sq.].
50 Le Patriote Breton (25-26 juin 1898) prétend que « des agents de la Sûreté déguisés en commis-voyageurs s’introduisent dans les maisons » !
51 « Bien rares et bien maigres furent les coups de chapeau adressés à la sœur du juif Hadamard. Les Rennais, patriotes et chauvins, savent qu’il est des politesses qui déshonorent. […] Nous devons rester couverts devant celle qui porte le nom honni. » [Le Patriote Breton, 30 juin 1898.]
52 Débarqué à Port-Haliguen, il fut transporté en voiture à Auray, puis en train jusqu’au passage à niveau de la Rablais, à Saint-Jacques-de-la-Lande, et à nouveau en voiture à la prison militaire de Rennes, pour dépister les journalistes.
53 Mme Dreyfus a ainsi reçu d’innombrables lettres et télégrammes, aujourd’hui déposés au musée de Bretagne (fonds Dreyfus), par don de la famille Dreyfus.
54 Elle eut lieu le 1er juillet. « L’émotion que nous éprouvâmes, ma femme et moi, en nous revoyant fut trop forte pour qu’aucune parole humaine puisse en rendre l’intensité. » [A. Dreyfus, 1982, p. 221.]
55 Retenu par sa position, Vadot ne donne qu’une idée très lointaine de sa pensée dans le texte destiné au maire, évite toute dramatisation, référence précise à l’Affaire ou attaque contre les dreyfusards. Il n’en suggère pas moins un besoin de patrie apaisée et inspirée des principes de 89 l’autorisant à présenter l’attitude des antidreyfusards comme attentatoire à la République.
56 Devant l’auberge des Trois Marches, 66 faubourg d’Antrain, où se tint un banquet dreyfusard.
57 « Une centaine de gamins, conduits par quelques meneurs, sont venus hurler sous mes fenêtres, me casser quelques carreaux, et me lancer des pierres dont quelques-unes de taille. » [V. Basch, 2003, p. 102.]
58 Il accusait les dreyfusards qui ne partageaient pas « [sa] foi dans les juges de 1894 », d’avoir « des notions bizarres de leurs devoirs de citoyens et de patriotes » et de « se laisser endoctriner par un français d’hier » [i. e. Basch].
59 Vadot minimise encore. Le groupe antisémite rennais ayant des velléités d’agitation, une nouvelle « rossée » administrée par des ouvriers dreyfusards le 29 juillet, le calma une fois pour toutes [C. Cosnier, A. Hélard, 1999, p. 176-183].
60 L’été 1899 fut torride, avec des températures de 38/39°, et, signe de ce temps de la colonisation, on parla de température sénégalienne ou tonkinoise.
61 Sur l’attitude de Dreyfus et les jugements qu’elle suscita, voir V. Duclert, 2006, p. 639 sq.
62 Le procès eut lieu dans la salle des fêtes du lycée, parce que la salle de la Manutention où se tenait habituellement le conseil de guerre était trop exiguë.
63 D’emblée Vadot perçoit l’attitude rationnelle et méthodique de Dreyfus, qui dira lui-même : « Quand je lus ensuite : “Il n’a pas su émouvoir, le cœur n’a pas parlé”, je fus stupéfait et indigné. […] Je croyais que la raison […] devait être le seul guide du juge. » [A. Dreyfus, 1998, p. 182.]
64 (1840-1927), colonel, directeur du Génie. Malgré les apparences, il fut un des deux juges à se prononcer pour l’innocence de Dreyfus. Après le procès, rapidement identifié comme tel, il fut en butte à l’hostilité de son milieu. Admis à faire valoir ses droits à la retraite en décembre 1899, il ne voulut jamais parler du procès qu’il avait présidé [A. Hélard, 2002].
65 Commandant de gendarmerie. C’est de l’avis général « un esprit étroit », dont « la figure est vulgaire, la voix vulgaire, le geste vulgaire » [Jean-Bernard, 1900, p. 16].
66 Ministre de la Guerre quand l’Affaire éclata, il lança les poursuites contre Dreyfus et fit communiquer illégalement le faux dossier secret aux juges du premier conseil de guerre. Depuis l’arrêt de la Cour de cassation, il n’a cessé de dire qu’au procès « il dira tout, et qu’il en sortira, quoiqu’il doive en résulter, la révélation décisive » [J. Reinach, 1905, p. 179].
67 Vadot pose bien le problème…
68 … et y répond non moins bien.
69 C. Cosnier, A. Hélard, 1999, p. 243 sq.
70 Gast, beau-frère de Picquart.
71 Texte manuscrit et affiche [AMR I 80].
72 Ancien chef de cabinet de Cavaignac au ministère de la Guerre. « Le général Roget a été le semainier, le régisseur du procès de Rennes. Publiquement, il félicitait ou blâmait les témoins. » [J. Ajalbert, 1901, p. 164.]
73 « Il parla avec une telle haine, […] donna comme des certitudes de si misérables inventions que Dreyfus se leva, criant qu’il ne pouvait pas entendre tout le temps de pareils mensonges. » [J. Reinach, 1905, p. 387.]
74 Gribelin, archiviste au ministère de la Guerre, le commandant Lauth et le capitaine Junck s’acharnèrent à discréditer Dreyfus et Picquart, au besoin en s’attaquant à leur vie privée. Vadot réagit à quelques-unes des dépositions qui montrent le mieux le scandale de ce procès.
75 Assiduité à souligner. Une fois le premier mouvement de curiosité passée, certains assistants disent qu’ils s’ennuient et/ou qu’ils n’y comprennent rien !
76 En effet l’État-major a voulu « légitimer après coup ce qui ne fut d’abord qu’une erreur et devint un crime par l’entêtement de quelques-uns à couvrir la faute d’un homme par esprit de corps. C’est un effroyable engrenage » [Clemenceau, L’Aurore, 13 juillet 1898].
77 Maurel présidait le conseil de guerre de 1894, dont Freystaetter fut un des juges. Le témoignage courageux de celui-ci établit la communication du dossier secret à la cour pendant son délibéré. « Aucun de ceux qui ont assisté à l’audience de ce matin n’oublieront de leur vie les cinq minutes durant lesquelles le capitaine Freystaetter, le colonel Maurel et le général Mercier ont été confrontés. » [Jaurès, La Petite République, 28 août 1899.]
78 Le 31, Dreyfus est longuement intervenu pour réfuter la légende de ses prétendus aveux.
79 « Il ne reste plus rien de l’accusation. […] Les juges ne peuvent plus condamner sans déshonneur et sans suicide. » [Jaurès, La Petite République, 3 septembre.]
80 Sous-chef d’État-major général, il couvrit les faux fabriqués par Henry, et refusa de rouvrir l’Affaire quand Picquart lui fit part de sa découverte du vrai coupable.
81 Ministre de la Guerre d’avril 1896 à avril 1898 dans le gouvernement Méline, il s’est acharné à justifier le jugement de 1894 et à nier qu’il y ait une affaire Dreyfus.
82 Analyse tardive, mais impeccable.
83 Échantillons intéressants de « l’opinion publique » rennaise…
84 … À quoi s’oppose le dreyfusisme « privé » de la famille Vadot.
85 Des mesures de sécurité exceptionnelles ont été prises pour le jour du verdict.
86 La foule réclama que l’orchestre joue La Marseillaise et deux journalistes anglais furent molestés. Place de la Mairie, la présence de la troupe empêcha toute manifestation.
87 Beaucoup de dreyfusards français et étrangers ont souligné le tort fait par ce jugement à l’image de la France et de la République.
88 Un comité formé de monarchistes, de catholiques et de nationalistes en fit son candidat à l’occasion d’une élection partielle en janvier 1900 [J. Guiffan, 1999, p. 201-204].
89 Sur Charles Blondel, voir chap. 6.
90 Aveu tardif mais éclairant.
91 L’Affaire paraissant classée, l’armée retrouve sa place dans la hiérarchie des valeurs de Vadot.
92 « De tout cœur », mais, on l’a vu, toujours intimo pectore !
93 Sans entrer dans le détail du feuilleton des élections municipales de 1900 que l’on retrouvera au chapitre suivant, on retiendra la formulation péjorative que Vadot utilise aussi bien pour les dreyfusards rennais que pour les généraux de l’État-major.
Auteur
-
André Hélard
Professeur honoraire des classes préparatoires au lycée Chateaubriand de Rennes a consacré, dans la partie historique de son œuvre, plusieurs livres et articles aux relations entre la ville de Rennes et l’affaire Dreyfus, en particulier Rennes et Dreyfus en 1899, une ville, un procès (en coll. avec Colette Cosnier, Horay, 1999), L’Honneur d’une ville, la naissance de la section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme (Rennes, Apogée, 2001) ; il a également édité, avec Françoise Basch, les lettres de Victor Basch sur l’Affaire (Le second procès Dreyfus, Correspondance, Paris, Berg international, 2003). [Andre.helard@wanadoo.fr]
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