Introduction de la troisième partie
p. 175-176
Texte intégral
1Entre la France gaulliste et l’Amérique latine, les relations ne sont pas seulement politiques ou diplomatiques : elles sont aussi économiques et financières : contrairement à la légende, de Gaulle ne se désintéressait pas de l’intendance et ses voyages avaient aussi des objectifs commerciaux. Les exportations françaises ont du mal à accroître la place de l’Amérique latine dans le commerce extérieur de la France, qui reste faible. À travers l’exemple du Pérou puis par un survol général du sous-continent, Dominique Barjot et Getsiva Cayo pointent les difficultés de la présence économique française, qui exporte plus facilement dans le secteur des services que dans l’industrie. Choisissant l’exemple du Brésil, Rodrigo Nabuco de Araujo analyse comment les attachés militaires réussissent à vendre du matériel militaire (en particulier aéronautique) sur un marché largement dominé par les États-Unis. Même si les voyages du Général ont concerné la plupart des États d’Amérique latine, certaines des relations bilatérales sont plus étroites ou plus riches que d’autres. C’est le cas en particulier des relations franco-chiliennes qu’Émilie Lecat-Bringer qualifie de « parenthèse enchantée ». Les visites de De Gaulle au Chili et de Frei en France (1965), qui sont les premières du genre, donnent naissance à une conception commune fondée sur le rejet de la division du monde en deux blocs et une démarche quasi spirituelle, que partagent les deux présidents. Si de Gaulle ne s’est pas rendu à Cuba – Hortense Faivre d’Arcier parle d’un rendez-vous manqué –, sa popularité y est grande, car sa politique d’indépendance nationale parle à Fidel Castro, qui de son côté bénéficie dans une partie de l’opinion française d’une vague de sympathie. Il revient à Alvar de La Llosa de relier les deux périodes, expliquant l’accueil fait au général de Gaulle au cours de ses voyages par la mémoire conservée par l’opinion sud-américaine de l’épopée de la France Libre. À travers une analyse précise de la presse (et des dessins), des revues et de l’engagement des écrivains sud-américains, l’auteur insiste sur la filiation entre la francophilie traditionnelle des élites, l’antifascisme des années 1930, l’idéal de liberté des années 1940 et la volonté d’indépendance nationale incarnée par le Général, qui aboutit à la construction d’une image de De Gaulle « en fonction des nécessités continentales ». Quel plus bel hommage à celui qui avait « une certaine idée de l’Amérique latine » !
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