Introduction de la deuxième partie

1À son retour au pouvoir en 1958, l’Amérique latine n’est certes pas prioritaire pour le Général, sauf pour défendre la politique française à l’ONU, où le nombre de voix latino-américaines peut faire pencher la balance en faveur de la France dans les débats sur la question algérienne, d’où la mission confiée à André Malraux, ministre d’État chargé des affaires culturelles, qui fait un voyage en Amérique latine en septembre 1959, décrit par Hebe Carmen Pelosi. Malraux visite le Pérou, le Chili, l’Argentine, l’Uruguay et le Brésil. Lors de l’assemblée générale, le projet afro-asiatique est voté par quatre États d’Amérique latine, mais les neuf autres s’abstiennent, ce qui constitue un véritable succès.

2La décolonisation achevée, de Gaulle peut lancer sa grande politique de présence dans le monde : ses voyages de 1964 (au Mexique en mars, en Amérique du sud à l’automne) en sont une des meilleures illustrations. Mathieu Trouvé distingue deux ensembles dans les discours prononcés à cette occasion : d’une part des thèmes controversés, voire critiqués (rejet de toute hégémonie, etc.), d’autre part des thèmes porteurs, comme l’indépendance et la coopération. Analysant les visites en Argentine et au Paraguay, Luc Capdevilla nuance l’image classique d’un voyage triomphal et serein et insiste sur l’image brouillée qui en résulte : les manifestations péronistes (« de Gaulle/Perón, même combat ») révèlent les divisions internes de l’Argentine ; la visite au Paraguay semble surtout profiter au général Stroessner, « l’un des dictateurs les plus exécrés ». Parmi les images qui restent du voyage, l’INA montre celles de la rencontre entre de Gaulle et des familles pieds-noirs, installés comme fermiers en Argentine, qui fut – comme le remarque Mario Ranalletti – un refuge pour les collaborateurs et les soldats perdus de l’Algérie française. Isabelle Vagnoux rappelle opportunément que depuis Napoléon III, « c’est la première fois qu’un chef d’État français prête autant d’attention à une région considérée comme le pré carré des États-Unis ». Les Américains d’abord inquiets de ce défi français à la puissance américaine dans un contexte diplomatique tendu constatent très vite qu’au-delà de l’appel aux liens culturels, le ressort de la troisième force, comme contrepoids à l’hégémonie américaine, ne fonctionne pas.