Épilogue. 1981 : histoire d’une victoire douce-amère
p. 351-352
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Index géographique : France
Texte intégral
1La victoire de la gauche en mai-juin 1981 fut accueillie avec joie dans les MJC, où « comme dans tout organisme sain, on avait le cœur à gauche1 ». Le contact fut rapidement renoué avec les administrations. Nouveauté, les fédérations de MJC furent accueillies au ministère de la Culture. Si des projets de financement étaient esquissés, des critiques sévères furent aussi adressées aux MJC, par les responsables qui soulignaient que celles-ci ne pouvaient se contenter de leur public de femmes inactives et d’enfants. Avec la Jeunesse et les Sports, devenue Temps libre, où l’on espérait que souffle le grand vent de 1936, les contacts furent bons, même si les fédérations de MJC redoutaient que certaines organismes, comme la fédération nationale Léo Lagrange, n’empochent « les dividendes du capital Mauroy2 ». Le principe d’un conventionnement pluri-annuel entre l’État et les fédérations de MJC était évoqué. La création d’un nombre important de postes FONJEP, nettement mieux subventionnés qu’au cours des années antérieures constituait un progrès remarquable. Quelques difficultés apparurent cependant, car le ministère exigeait que ces postes servent à créer de nouveaux emplois et ne viennent pas en substitution de financement municipal.
2Le 15 juillet, avant même que les lois de décentralisation ne soient précisées, le ministre de l’Intérieur et de la décentralisation signait des arrêtés qui créaient un statut d’animateur dans la classification du personnel communal. Le texte reprenait les dispositions qui avaient été élaborées par la précédente majorité3. À la même époque, l’attention des média commençait à être attirée vers la banlieue est de Lyon : Villeurbanne, Vénissieux, Vaulx-en-Velin et leurs rodéos qui allaient durer jusqu’à l’automne : un nouveau visage de la jeunesse émergeait dans la presse4. En septembre, Bertrand Schwartz remettait à Pierre Mauroy son rapport sur L’insertion professionnelle et sociale des jeunes. Le titre même indiquait où se trouvait désormais la priorité. Le rapport comportait cependant aussi des éléments au sujet des loisirs : « Les équipements collectifs ne répondent souvent plus aux aspirations des jeunes5. » Bertrand Schwartz appelait de ses vœux « une nouvelle forme d’animation », reposant sur des « lieux6 » – le terme était important – informels, laissés aux jeunes et la création d’associations de jeunes à « statut allégé ». S’il prenait soin de rappeler « le rôle irremplaçable » joué par les animateurs socio-culturels, « les dernières décennies », il ajoutait aussi : « Mais peut-être ce rôle doit-il être modifié maintenant, en fonction de la nouvelle situation économique et sociale actuelle, des nouveaux comportements des jeunes7. » Le rapport s’achevait par quelques phrases. Les deux premières auraient pu être prononcées par Maurice Herzog, vingt ans plus tôt : « Rien ne se fera sans les jeunes. C’est pourquoi cette politique ne peut être entreprise et menée à bien qu’avec ceux à qui elle s’adresse. » La dernière témoignait davantage de la dureté des temps : « C’est à eux [les jeunes] qu’il revient de donner à l’ensemble des forces sociales concernées des raisons de s’acharner à construire de nouvelles voies8. »
Notes de bas de page
1 Gérard Kolpak au congrès de Nanterre, nov. 1977. AFF 69.
2 Titre d’un article du Monde, 26 oct. 1981. [Rappel : Pierre Mauroy avait fondé et dirigé la Fédération Léo Lagrange.]
3 Création de concours avec option « animation » pour les grades d’attaché, rédacteur et commis.
4 Michelle Zancarini-Fournel, « Généalogie des rébellions urbaines en temps de crise (1971-1981) », Vingtième Siècle, revue d’histoire, n° 84 – 2004/4, a montré que les émeutes de l’été 1981 s’insèrent dans une histoire ancienne. L’été des Minguettes ne marque que le début de la médiatisation de violences dans les grands ensembles visibles dès 1971.
5 Bertrand Schwartz, L’insertion professionnelle et sociale des jeunes, rapport au Premier ministre, La Documentation française, 1981, p. 99.
6 Ibidem p. 98.
7 Ibid. p. 105.
8 Ibid. p. 143. C’est nous qui soulignons.
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