Chapitre VI. Des directeurs pour les jeunes
p. 149-172
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Index géographique : France
Texte intégral
1Les directeurs professionnels des MJC ne se sont jamais reconnus dans le terme « animateur ». Ils lui préférèrent celui d’« éducateur populaire » ou, alors que la non-directivité triomphait, celui de « directeur ». À travers ces questions de vocabulaire, l’identité de leur corps professionnel était en cause. Celui-ci formait, de loin, le premier ensemble d’éducateurs populaires ou d’animateurs des années soixante, en raison de la précocité de la professionnalisation des MJC par rapport aux formules concurrentes. Les directeurs avaient conscience de la force qu’ils représentaient dans l’univers peu unifié des animateurs, ce qui, en retour, leur valut de fréquentes accusations de corporatisme. Mais avant de se pencher sur la naissance de cet esprit de corps, il faut examiner les conditions concrètes d’exercice de ce qui apparaissait alors comme un métier nouveau.
Le métier de directeur
Des tâches
2Un directeur était-il autre chose qu’un concierge ? Maître de maison, il devait d’abord entretenir son local. Au début des années soixante, beaucoup de MJC étaient encore équipées de moyens rudimentaires et « la journée commen[çait] par le nettoyage et le chargement de la chaudière »1, à Annonay, comme dans bien d’autres MJC. Corvée de charbon, mais aussi corvée de peinture, car la décoration restait souvent à achever dans les bâtiments neufs. Au quotidien, c’est le ménage qui souvent restait à la charge du directeur. Parfois certains jeunes se dévouaient, mais la bonne volonté, en ce domaine, avait ses limites. Puis, à partir de la seconde moitié des années soixante, les communes fournissaient quelques heures de femmes de ménage. Le directeur devait ensuite compléter les approvisionnements, entretenir le matériel, faire les menues réparations… Le combat que livraient les directeurs pour se libérer des tâches domestiques était permanent. N’y voir qu’une quête de respectabilité serait se méprendre : il correspondait aussi à une volonté de se consacrer au travail proprement éducatif. Ce combat était d’autant plus difficile que de nombreux bénévoles estimaient que le directeur était aussi payé pour entretenir la Maison. Mais ce quotidien pesant pour le directeur était en même temps valorisé ; par les responsables de la fédération d’abord, pour qui, les premières qualités à détecter chez un futur directeur était le « sens pratique », l’endurance aux difficultés de la vie quotidienne : héritage des mouvements de jeunesse, du scoutisme en particulier, mais surtout de la pauvreté des MJC des premiers temps… À cela, s’ajoutait la crainte qu’un directeur, en raison du flou de sa fonction, perde le sens des réalités. Les directeurs eux-mêmes avaient une attitude ambivalente à l’égard de ce quotidien : ils y voyaient aussi un espace qui leur permettait de mettre en valeur une qualité à laquelle ils attachaient du prix : « la débrouillardise », signe à leurs yeux de la liberté que laisse le métier.
3À l’opposé de ce « bricolage » : les tâches administratives. D’abord le classement du courrier, en particulier des circulaires, nombreuses dans une fédération centralisée. Le directeur suivait pour cela le plan de classement fédéral, qui lui avait été enseigné. Puis il devait tenir à jour le registre des adhérents, vérifier les assurances ; il enregistrait aussi les factures dans le livre journal et tenait la comptabilité deniers et matières. Dans les MJC les plus importantes, il fallait ajouter la gestion du personnel, constitué par des cuisiniers, des secrétaires à mi-temps, plus rarement, des animateurs salariés. Enfin, le directeur devait rédiger les multiples rapports que lui demandaient les services fédéraux : questionnaires destinés à compléter les statistiques fédérales ou rapport annuel sur l’activité menée dans sa MJC, une obligation statutaire, dont la négligence conduisait au blâme, et même au retard à l’avancement. Les rapports étaient conçus comme un moyen d’approcher la réalité des Maisons pour la fédération, mais ils étaient aussi destinés à inciter les directeurs à réfléchir à leur action2. Chaque rapport faisait l’objet d’une étude par les services fédéraux qui la renvoyaient au directeur avec des conseils. Mais à mesure que les années passaient, l’exercice devenait de plus en plus stéréotypé. Les directeurs le rendaient en retard ou ne le rendaient pas : « les carences de rapport » – selon la terminologie officielle – traduisaient l’émancipation vis-à-vis de l’administration fédérale, dans le contexte de crise de croissance de la fin des années soixante.
4Les autorités locales, étaient les interlocuteurs privilégiés des directeurs. Peu de villes disposaient de services spécialisés pour la jeunesse et sports. Aussi, même dans les grandes villes, comme à Toulouse en 1967 encore, les directeurs rencontraient-ils couramment les adjoints au maire, pour négocier une augmentation de la subvention municipale, ou, plus simplement, pour rendre des comptes3. Ils faisaient des visites de courtoisie aussi auprès des différents notables, qui pouvaient aller, dans une petite cité comme Altkirch, jusqu’à la réception des personnalités pour présenter son épouse et « le logement confortable que la ville a bien voulu mettre à sa disposition4 ». C’était également la tournée des commerçants à effectuer, afin d’obtenir des remises pour les achats de la MJC, de vendre des encarts publicitaires pour le journal de la MJC, de dissiper les rumeurs malveillantes, surtout lorsque la MJC, faute de directeur, ou par suite de l’incapacité de celui-ci, avait failli à sa réputation. Selon un directeur en poste en Cavaillon, « cela représent[ait] pas mal de kilomètres à pied, pas mal de pastis à ingurgiter et de tournées à rendre, de fauteuils à user, de salive5… » Enfin et surtout, le directeur entrait en contact avec les milieux de jeunesse et de culture du cru : l’inspecteur de la Jeunesse et des Sports, les militants d’éducation populaire avec lesquels il fallait se maintenir en bons termes et qu’il fallait convaincre de participer à la vie de la MJC. Bref, le directeur devait créer et entretenir un réseau de relations. Or, il était exceptionnel qu’il soit originaire du lieu où il exerçait. L’exécutif fédéral, en effet, eut toujours le souci de nommer les candidats hors de leur région d’origine.
5Combien de temps le directeur consacrait-t-il à ces différentes tâches relationnelles et administratives ? On ne dispose pas de budget-temps pour les années soixante6. Dix jeunes directeurs estimaient en 1968 leur durée de travail à onze heures quotidiennes ainsi réparties : « 3 h 30 d’administration, 3 h 30 d’animation globale, 2 h de courses et travaux, 0 h 30 pour les relations extérieures, 1 h 30 pour les travaux personnels7. » Ces chiffres peuvent paraître élevés. Ils ne devaient pourtant pas être très éloignés de la réalité. Un nombre important de MJC ouvraient plus de 40 heures par semaine, parfois beaucoup plus. Le directeur y était souvent le seul salarié. Il devait donc assurer des permanences. Mais il devait aussi effectuer les diverses tâches administratives. Aussi, une cinquantaine d’heures, souvent davantage, de travail hebdomadaire paraît-il bien avoir été la norme. Ce volume horaire était d’autant plus important qu’il n’existait aucun emploi du temps fixe et que ce travail se déroulait hors des horaires de travail classiques, en soirée et le week-end. Le temps de travail n’était donc pas vécu comme tel. Il n’était surtout pas perçu comme tel par les usagers, jeunes et membres du CA, pour qui le directeur était sinon corvéable à merci, du moins disponible en permanence.
6Les horaires lourds, ainsi que la surveillance des locaux justifiaient la nécessité de résider dans la MJC. En fait, en 1967, un tiers seulement des directeurs étaient logés à la MJC, faute de logement de fonction, souvent, mais aussi parce qu’avec les années qui passaient, ils s’éloignaient du modèle de la Maison-lieu de travail et lieu de vie qui avait été l’idéal des directeurs de la première génération8. On ne s’établissait pas loin de la MJC pour autant : dans le voisinage immédiat, le quartier où se trouvait la MJC, rarement au-delà, jamais en dehors des limites de la commune. La coupure entre le logement et le lieu de travail était sans doute inévitable : il s’agissait de préserver un minimum de vie privée, puisque deux-tiers des directeurs étaient mariés en 1968. Mais la famille restait étroitement associée à la vie de la MJC. La place de la femme du directeur était donc un sujet délicat. L’épouse servait parfois bénévolement de secrétaire suppléante. Mais parfois aussi on se plaignait de sa trop grande immixtion dans les affaires de la Maison, comme en témoigne ce commentaire d’un inspecteur de la Jeunesse et des Sports : « Le directeur devra veiller à mieux délimiter sa vie privée et son travail » – commentaire, qui, mis en rapport avec l’avis du collègue du département où le directeur avait exercé précédemment, « le CA de la MJC a admis la titularisation avec des réserves concernant la comptabilité et la participation de la femme du directeur9 », semble dessiner le portrait d’une épouse bien directive… Les enfants participaient enfin largement à la vie de la Maison, ne serait-ce que lors des camps de vacances, à laquelle la famille était souvent associée10. Les problèmes liés à la séparation travail/vie privée furent suffisamment importants pour justifier à partir de 1964 dans le cadre de la formation des directeurs, des séquences consacrées à la « vie du directeur », en collaboration avec l’École des parents.
Une fonction impossible ?
7La difficulté de placer la limite entre les aspects publics et privés de l’existence tenait à l’imprécision même de la fonction. Les tâches étaient nombreuses. Outre celles qui relevaient de l’animation proprement dite, nous venons d’en décrire quelques-unes. Mais quel était le lien, entre cette multiplicité d’actions quotidiennes, un peu hétéroclites ? Le « flair » d’abord, le « charisme » ensuite. Le flair parce qu’il s’agissait de savoir ce qui allait « marcher », parce qu’il s’agissait de repérer les animateurs – les leaders – sur lesquels on allait pouvoir s’appuyer pour « monter » le conseil de Maison ou telle activité. Parce qu’il fallait juger rapidement des gens, des situations, savoir aussi saisir l’occasion. Bref, une forme de bricolage permanent. Cela a pu être dit de beaucoup de travailleurs sociaux11. Mais c’était particulièrement net dans le secteur de l’éducation populaire, où les critères sont plus flous que dans l’action sociale, par exemple. Dès lors, l’importance accordée à la « sûreté de jugement » se conçoit. Restait à savoir si elle pouvait s’acquérir, ou si tout était affaire de personnalité. En dernier ressort, c’était bien la personnalité du directeur qui était évaluée. Les rapports des inspecteurs de la Jeunesse et Sports, ceux des délégués étaient stéréotypés. Mais pouvaient-ils ne pas l’être ?
« De présentation soignée, d’un abord facile et souriant, d’un humour de bon aloi, M. X sait d’emblée mettre ses interlocuteurs à l’aise. Présentation et tenue : irréprochable ; d’allure sportive, père de famille estimé par la population. Présentation : avenante, très à l’aise. D’une autorité souriante et rayonnante. Il a ainsi fait preuve de qualités essentielles pour un directeur de Maisons de jeunes : faculté d’adaptation, diplomatie, esprit d’initiative, qualités de contact12. »
8Derrière ces formules, on perçoit confusément un modèle dérivé du chef scout, un modèle qui n’est pas éloigné du modèle du cadre qui se répandait alors en France, ni d’ailleurs de celui du père « moderne ». Et, sans doute, les directeurs cherchaient-ils à s’y conformer. Celui qui a été choisi pour figurer dans Histoire de trois messieurs13 porte pull à col roulé, comme les prêtres « dans le vent », le bouc et la pipe. Le bouc semble répandu, si l’on en juge par les photographies qui figurent dans certains dossiers : il permettait de se vieillir, mais pas trop. Quant à la pipe, elle donnait une contenance lors des veillées et conférait un aspect intellectuel.
Un homme seul
9Tout reposait donc sur le directeur, en tant qu’individu. Cette situation était source de joies profondes, elle était aussi terriblement angoissante. En cas d’échec, la responsabilité incombait au directeur, et il n’était pas mis en cause pour ses compétences, mais pour sa personnalité, pour son être. « Ce n’est pas une flamme, c’est la veilleuse en permanence », notait un inspecteur à propos d’un stagiaire, avant d’ajouter, cynique ou non, « quand même un très bon garçon14 ». Certaines successions étaient difficiles à assumer, lorsque le directeur précédent laissait en héritage un groupe de jeunes à sa dévotion. « Monsieur X a dû dissoudre le précédent conseil de Maison, trop attaché à la personne de son prédécesseur, mais il s’est révélé incapable d’en susciter un autre. » On comprend, dès lors, l’intensité des conflits qui se déroulaient dans les MJC : considérations individuelles, professionnelles, politiques, amicales, tout était mêlé et il est bien impossible de démêler l’écheveau des causes de tensions. Seule certitude : le directeur était le fusible. En cas de crise grave, il était donc soit licencié, si sa responsabilité était établie, surtout en matière financière, soit muté15. Le changement de poste était en effet la principale ressource de la FFMJC en matière de gestion du personnel : promotion vers un poste plus important ou jugé comme tel, départ vers une MJC où le directeur devait se refaire une image. Cette solution aggravait les difficultés psychologiques d’un individu qui pouvait se retrouver ainsi muté à l’autre bout de la France, d’autant plus qu’à partir de 1966, du fait du hiatus entre le nombre de postes et le nombre de directeurs disponibles, ceux-ci servaient souvent à « boucher les trous », à assurer les intérims de leurs collègues partis en formation. On conçoit dès lors que la fragilité psychologique était répandue dans le métier. Les bulletins syndicaux dénonçaient l’aggravation des difficultés personnelles des directeurs, fruits des conditions de travail, ainsi que des pressions multiples auxquelles ils étaient soumis16. La lecture des dossiers confirme bien qu’il existait (quelques) cas de congés pour séjours en maison de repos, congés maladie prolongés, absentéisme, quelques cas d’alcoolisme aussi. Les délégués, celui en charge de la formation en particulier, y voyaient la conséquence « d’un mauvais recrutement17 ». La cause venait bien plus de l’absence de rôle clairement défini qui laissait une grande marge de liberté, source d’angoisse possible.
Le gestionnaire
10Devant une telle situation, on conçoit mieux l’intérêt des directeurs pour certaines fonctions, en apparence éloignées de leur métier, mais qui avaient un contenu concret, identifiable, permettant de tenir un vrai rôle. On peut l’observer à travers l’intérêt que ceux-ci portaient aux projets de construction des équipements. Quoi de plus concret, en effet, que l’édification d’une « vraie » Maison en dur ? Quoi de plus satisfaisant aussi que d’avoir accompagné la transformation d’une MJC depuis un vieux baraquement vers un immeuble neuf ? Hasard ou non, le rapport du directeur qui avait été choisi pour publication en 1967, était pour moitié consacré à la description d’un projet de vaste centre socio-culturel, projet dont il était l’initiateur et qu’il espérait voir aboutir rapidement18. D’une façon générale, on note une évolution, parfois qualifiée de bureaucratique : les tâches de gestion devenaient de plus en plus absorbantes. Certes, l’accroissement de la fréquentation des MJC, la multiplication des activités sans cesse diversifiées, favorisaient cette tendance. Mais si les directeurs la dénonçaient parfois, l’examen de leurs dossiers prouve que beaucoup d’entre eux ne la refusèrent pas véritablement. Après seulement quatre ou cinq années de carrière, ils étaient nombreux à poser leur candidature pour les poste de coordonnateurs, ou de délégués, qui ne comportaient pas de tâches d’animation. Les raisons pécuniaires – non négligeables – n’expliquaient pas tout. Il y avait plus ou moins confusément la volonté de faire autre chose, qui ressemblait à un « vrai métier », loin de l’incertitude qui était l’ordinaire du métier de directeur :
« Dans notre métier, il y a le côté visible, ce sont les réalisations, les activités, le rayonnement que l’on a pu donner à son affaire ; le côté invisible ce sont les différents contacts que l’on a pu établir, le travail éducatif que l’on a pu accomplir, tous les à-côtés ingrats du métier dont nous ne saurons jamais s’ils ont été productifs19. »
11Ce n’est pas donc pas la fonction qui faisait le directeur : c’est le métier qui le poussait à le devenir, s’il voulait survivre. Ainsi formulée la conclusion est excessive : les directeurs disposaient d’une marge de liberté. Tout était affaire de personnalité, de conditions locales aussi. Mais le métier, par son imprécision, par les responsabilités qu’il faisait peser sur les individus qui l’exerçaient, ne pouvait que favoriser cette évolution vers un rôle de directeur, disons même un rôle de gestionnaire, que beaucoup jugeaient rébarbatif à l’entrée dans le métier. Reste aussi que le flou de la fonction et l’insatisfaction qu’elle pouvait développer, rendaient ceux qui l’exerçaient disponibles pour bien des formes d’engagement possibles.
Des directeurs
12Du directeur il est temps de passer aux directeurs, de quitter le singulier pour le collectif. Car si le métier s’exerçait bien dans une relative solitude, les directeurs de MJC se distinguaient des autres éducateurs populaires ou animateurs, par leur nombre. Près de 600 directeurs, 573 exactement, ont exercé la profession au cours des années soixante. L’effectif qui s’élevait à 50 au 1er septembre 1959 fut multiplié par sept et demi et atteignait 381 directeurs en poste, dix ans plus tard20. La richesse de leurs dossiers de personnel permet de retracer les caractéristiques sociales de ce groupe.
Des hommes
13Jusqu’à présent, il n’a été question que de directeurs, jamais de directrices… conformément aux circulaires fédérales qui s’adressaient à « Messieurs les directeurs »…et qui semblaient ignorer l’existence de directrices. Ces dernières n’ont, il est vrai, jamais constitué qu’une part réduite de l’effectif : à peine 11 % du total. Les contraintes « objectives » du métier, les horaires en particulier, le rendaient difficilement compatible avec une seconde carrière de mère de famille. Les responsables fédéraux n’ont, d’ailleurs, jamais cherché à recruter des femmes, pour cette raison. Une commission de réflexion concluait à propos des candidates directrices « que la Fédération ne désir[ait] pas les décourager, mais les informer objectivement d’une situation réelle ». D’autre part, elle prévoyait « de définir parallèlement un statut spécifique d’animatrice distincte du métier de directrice et adapté à la condition féminine ». Il supposait « l’aménagement des horaires, une formation spécifique, la définition d’activités plus proprement féminines ou plus accessibles aux adhérentes ; ainsi serait précisée la place des femmes dans nos MJC21 ». On aura noté la division sexuelle des rôles, la directrice femme ayant vocation à s’occuper prioritairement des jeunes filles. Dans la pratique, les femmes assumaient autant que leurs collègues masculins des postes uniques dans lesquels elles assuraient toutes les tâches et s’adressaient à tous les publics. Leur tâche était sans doute plus difficile que celle des hommes, car elles devaient s’imposer face à des élus municipaux et associatifs qui redoutaient qu’une femme « tienne » moins bien sa Maison qu’un homme. Enfin, le type de rapports développés entre le directeur et beaucoup de jeunes, garçons pour la plupart, où il entrait une forme de complicité, mais aussi d’identification, était plus difficile à mettre en œuvre par une femme.
14Le faible nombre de directrices renforçait donc encore le caractère masculin des MJC des années soixante. Peuplée aux deux-tiers au moins de garçons, la Maison était dirigée dans neuf cas sur dix, par un homme. Et si les femmes y avaient leur place, celle-ci paraissait bien délimitée, du moins dans l’esprit des responsables. L’opposition avec le centre social dont la directrice, souvent une ancienne assistante sociale, encadrait des adhérentes et leurs enfants était, ici, évidente. Elle contribuait d’ailleurs à fonder l’identité des MJC, du moins de leurs directeurs, pour qui l’assistante sociale était une figure-repoussoir.
Comment devient-on directeur ?
15À l’exception de quelques vacataires qui n’avaient pas vocation à rester dans le métier, tous les directeurs devaient passer un concours de recrutement qui précédait leur entrée en stage de formation. Secteur nouveau, l’animation ne disposait pas de filière de recrutement, ni de diplôme comme les métiers plus anciennement établis. Aussi les individus qui se présentaient au concours d’entrée possédaient-ils des profils variés par l’âge (de 22 à 35 ans, parfois davantage), le capital scolaire, la formation militante ou l’expérience professionnelle. La sélection contribuait à réduire quelque peu cette hétérogénéité, en particulier en limitant le nombre des candidats trop jeunes. L’âge de recrutement avait été fixé initialement à la tranche 25-35 ans, et l’âge médian des candidats retenus baissa de 28 à 25 ans entre 1959 et 1969. Mais la diversité demeura forte, tout au long des années soixante. Dans les lignes qui suivent trois « itinéraires » vers le métier – pour reprendre une formule des intéressés – sont retracés. S’ils représentent les configurations les plus courantes, ils n’épuisent pas la diversité des profils de ceux qui devinrent directeurs22.
La rupture : les candidats âgés
16Plus d’un directeur sur quatre devenait directeur de MJC à l’âge de trente ans ou plus, proportion qui dépassait même le tiers des effectifs au début des années soixante. Ces candidats avaient, le plus souvent, une importante expérience militante, dans des cadres extrêmement variés, car la FFMJC tenait à accueillir des hommes et des femmes venus d’horizons idéologiques divers. L’entrée dans le métier prenait pour eux la forme d’une reconversion professionnelle et d’une rupture avec le milieu antérieur, ainsi qu’avec un enracinement que reflétait la participation de beaucoup d’entre eux à des associations culturelles locales. Pour certains, le retour en métropole après une vie passée en Algérie créait les conditions de la rupture, choisie ou forcée. C’était le cas des directeurs de MJ, de responsables de centres sociaux d’Algérie, entrés dans le métier, au tournant des années soixante. Pour d’autres, les conditions de la rupture avec la carrière antérieure ne se laissent pas deviner à la lecture des dossiers. Ainsi, cet agent d’assurances, titulaire du certificat d’études primaires qui avait gravi les échelons grâce à des cours par correspondance, ou cet autre, employé depuis l’âge de 16 ans dans une chaîne de magasin à succursales multiples devenu chef de préparation des commandes. Dans le dossier du deuxième, figure cette mention d’un délégué régional : « Par bien des aspects, il me rappelle Cacérès23. » Dans les deux cas, on note, outre un important militantisme d’éducation populaire, des parcours d’autodidactes, avec des cours par correspondance liés à la formation professionnelle, mais qui ont pu développer l’aspiration à autre chose, comme chez cet ouvrier biscuitier puis mécanicien à la Verrerie de Reims, qui devint directeur à 43 ans24. Sans doute, des informations supplémentaires permet-traient-elles de déceler une promotion sociale bloquée, ou la volonté d’échapper à un carcan professionnel, comme dans cette lettre de recommandation pour un ouvrier, membre actif d’une Université populaire que l’on incite à présenter sa candidature, car « des suppressions de postes sont en vue, et d’autre part, parce qu’il lui devient pénible dans son travail de supporter la conversation de supérieurs bardés de titres, mais cuirassés d’inculture, voire de la plus pure bêtise (opinion personnelle)25 ».
17Proches de ces candidats, on comptait quelques instituteurs titulaires, fort peu nombreux dans l’ensemble à intégrer les cadres fédéraux (2,5 % des directeurs recrutés), car les maîtres intéressés par l’éducation populaire se tournaient plus volontiers vers la Ligue de l’enseignement. L’autre raison tenait à ce qu’à la différence de leurs collègues qui devenaient professeurs de collège, ceux qui présentaient le concours de directeur de MJC devaient subir une année de formation en région parisienne, avant une affectation souvent fort éloignée de la résidence d’origine. Gérard Kolpak, devenu stagiaire à 32 ans en 1963 était l’un d’entre eux. Instituteur puis professeur d’éducation physique en CEG à Chauvigny (Vienne), père de quatre enfants, il s’occupait de nombreuses activités sportives et culturelles (ciné-club) et il avait créé de surcroît une section du PSU. Victime de la tuberculose, il partit alors en sanatorium. Là, il devint délégué des malades et il prit part aux activités culturelles organisées pour les pensionnaires, en compagnie d’un collègue, qui avait été détaché pour organiser les loisirs des malades et qui s’apprêtait à entrer en formation de directeur de MJC. Après quelques mois d’hésitation, Gérard Kolpak présenta sa candidature26. Les « sanas » par la coupure qu’ils créaient avec le milieu habituel, par les rencontres avec d’autres individus réunis par la solidarité de la maladie furent des lieux propices aux remises en cause et il est vraisemblable que le séjour a facilité ici la rupture avec la profession et l’enracinement local27.
18Ce premier type de directeur ayant passé le cap de la trentaine avait les faveurs des responsables : maturité, expérience sociale étaient à leurs yeux des qualités essentielles pour le métier. « Candidat-type pour nous : sécurité, acquis à la cause de l’éducation populaire », notaient-ils à propos de l’agent d’assurances évoqué plus haut28.
À la recherche d’une voie
19Les étudiants étaient ceux des candidats-directeurs qui s’opposaient le plus nettement au premier type qui vient d’être décrit : jeunesse, absence d’expérience professionnelle, faible expérience militante, limitée pour l’essentiel aux MJC. Compte-tenu de l’allongement de la scolarité au cours des années soixante, ils prirent de l’importance mais la fédération s’efforça de limiter strictement le nombre de candidats sans « vécu professionnel ». Proches d’eux, mais plus âgés et déjà entrés dans la vie active, un nombre important d’enseignants non titulaires, d’éducateurs et surtout d’employés, certains ayant exercé deux de ces métiers, pendant quelques mois ou années. Leur niveau scolaire était de « niveau secondaire », sans diplôme, enrichi d’une participation aux mouvements de jeunesse surtout dans le cas des anciens éducateurs. Beaucoup étaient à la recherche « d’autre chose », d’une certaine stabilité professionnelle, comme le déclarait l’un d’entre eux à qui l’on demandait les raisons qui le poussaient à quitter l’enseignement, où il exerçait les fonctions d’instituteur suppléant depuis trois ans : « Ne possédant que mon premier bac, je ne peux espérer une titularisation que dans environ 4 ans29. »
20Ces directeurs, « à la recherche de leur voie » étaient de tous ceux qui suscitaient le plus la méfiance du jury :
« Le recrutement est mauvais : la masse de laissés pour compte, d’instables, de pseudo-intellectuels, de mal orientés au départ est très forte […] Notre recrutement à 25 ans est très préjudiciable au choix, les meilleurs ont depuis longtemps un travail. D’où la nécessité de trouver quelque chose permettant à des jeunes d’attendre de 18 à 25 ans en gagnant leur vie et en ayant une certaine sécurité d’emploi30. »
21Le thème de l’animateur « raté » connut un succès parallèle à celui de l’animateur « accoucheur de la modernité sociale » qui fleurissait dans les années soixante. Il en constituait le pendant logique et les directeurs de MJC se souviennent encore des propos prêtés à François Missoffe, (« le saint ou le raté »). Même chez des personnes mieux intentionnées, l’ambition des objectifs fixés à l’animation et, donc, à l’animateur ne pouvaient que susciter des attentes démesurées vis-à-vis des candidats, et, en retour, provoquer de la déception. Outre qu’il était difficile de réunir dans un même individu toutes les qualités supposées nécessaires pour devenir un bon animateur, la « faiblesse » du recrutement, en clair, le choix par défaut de certains candidats, tenait à l’âge élevé fixé initialement, qui n’était pas compensé par la prise en compte de l’ancienneté professionnelle dans le salaire d’embauche31. La création d’une catégorie appelée suppléants, c’est-à-dire des auxiliaires qui ne pouvaient présenter le concours pour des questions d’âge ou qui n’y avaient pas été reçus, répondait au besoin de fournir des emplois temporaires à de futurs directeurs. Ces directeurs suppléants étaient ensuite présentés à nouveau au concours ou licenciés s’ils ne faisaient pas l’affaire. La parenté avec l’auxiliariat de l’Éducation nationale était très forte, allant même jusqu’au sigle, puisqu’en 1966, ils furent transformés en AE, non pas adjoints d’enseignement, mais adjoints éducatifs.
22Sans doute la « vocation » de certains candidats n’était-elle pas celle dont les responsables auraient rêvé. La fédération avait, cependant, assez d’expérience en matière d’animation professionnelle depuis plus de vingt ans, pour savoir que le métier de directeur de MJC était aussi un métier qui s’apprenait et que des individus y étant venus « par hasard » pouvaient faire leur. Après tout, certains des directeurs de la première génération étaient devenus directeurs « par hasard » et étaient demeurés dans la profession32.
La promotion ouvrière et technicienne
23Avec cette troisième forme d’arrivée dans le métier, on touche à un des points sensibles de l’imaginaire des directeurs, celui des candidats « issus du monde du travail », entendons les anciens ouvriers ou techniciens. Loin d’être majoritaires, comme cela a parfois été affirmé, ceux-ci formaient, toutefois, un groupe relativement homogène qui constituait environ 15 % du corps professionnel. Un itinéraire individuel permettra de le présenter.
24Patrik Paupy est né en 1943 à Antony, non loin de Châtillon-sous-Bagneux où son grand-père était ouvrier à l’usine Nord-Aviation. Son père travaillait dans une imprimerie. Après l’école primaire, il intégra l’école de l’usine Nord-Aviation, d’où il sortit avec un brevet professionnel de tourneur, complété quelque temps après par un CAP de dessinateur industriel. Il ne se sentait pas véritablement militant, mais il avait sa carte de la CGT et il encadrait les colonies de vacances du comité d’entreprise. L’usine lui pesait. Il songeait à préparer le concours de PET (professeur de l’enseignement technique), lorsqu’un de ses camarades devint directeur de Maison de jeunes. Après beaucoup d’hésitations, et malgré les très fortes réticences de son père et de son grand-père, il présenta sa candidature. Quelques mois plus tard, il prenait son premier poste de directeur, sans formation, à l’âge de 23 ans33.
25Comme bon nombre d’ouvriers et techniciens recrutés, Patrik Paupy appartenait à une élite ouvrière, travaillant dans la grande industrie, souvent de pointe. Il était diplômé (2 CAP, 1 BP) et exerçait le métier de dessinateur industriel, ce qui était fréquent : 24 directeurs avaient exercé cette profession, dont 14 en dernier, lorsqu’il présentèrent le concours, soit le double des instituteurs titulaires. Dessinateur, il avait déjà quitté le bleu pour la blouse. Cela constituait une incontestable promotion, et expliquait l’opposition familiale à son choix de devenir directeur de MJC, profession inconnue. L’alternative envisagée était le professorat de l’enseignement technique, qui constituait une voie plus classique de sortie de la condition ouvrière. Il était, enfin, fils aîné d’un ouvrier qualifié appartenait à la « génération singulière » qui a marqué l’apogée des ouvriers français34. En dépit de son jeune âge, il partageait, avec les autres directeurs ouvriers ou techniciens, une socialisation ouvrière, « usinarde », qui le distinguait des étudiants et de la majorité des employés, plus marqués par l’instabilité professionnelle. Cette expérience expliquait, sans doute, quelques-unes des belles réussites de ces directeurs. La sélection était cependant rude : de toutes les catégories professionnelles, ce furent les directeurs suppléants ouvriers d’origine qui accédèrent le moins au stage et demeurèrent adjoint éducatif. Sur un plan financier, l’entrée dans la carrière de directeur de MJC n’entraînait pas nécessairement pour eux un gain, bien au contraire. Cette élite ouvrière et technicienne avait des salaires qui dépassaient ceux des directeurs de MJC débutants, ce qui n’était pas le cas d’employés ou d’enseignants auxiliaires. En revanche, en terme de statut social, la promotion était incontestable, puisqu’elle leur permettait d’accéder, jeunes, au statut de cadre moyen, non sans susciter parfois un malaise, lié à la rupture avec le milieu d’origine. Dans des MJC attachées à la promotion populaire, la candidature de ces jeunes directeurs suscitait à la fois beaucoup d’attention, et de méfiance chez des responsables fédéraux qui redoutaient les effets de l’autodidaxie.
D’autres directeurs : les semi-permanents
26À côté des directeurs permanents, on trouvait des directeurs bénévoles pour les MJC de petite importance. Les « meilleurs » d’entre eux35 pouvaient intégrer la catégorie des indemnisés, encore appelés directeurs semi-permanents qui recevaient une modeste indemnité trimestrielle, en reconnaissance du travail effectué.
27Ces directeurs semi-permanents étaient pour quelques-uns d’entre eux des militants ouvriers (anciens jocistes, militants du MLO, de la CGT…) auxquels il faudrait ajouter, dans les petites communes, quelques commerçants et artisans que leur position sociale désignait pour assurer les fonctions de ce qui, parfois, pouvait s’apparenter à la présidence d’un comité des fêtes. Mais la majorité des indemnisés était formée par des enseignants. C’était la conséquence à la fois de la disponibilité que laisse la profession, mais aussi des compétences réelles ou supposées en matière éducative. On ne rencontrait que très peu de professeurs du secondaire. Peut-être ces enseignants avaient-ils peur de « familiariser avec leurs élèves », comme le notait le directeur de Romorantin en 196736. La majorité des adhérents étaient, en effet, en âge d’être scolarisés dans le secondaire. Surtout, les professeurs exerçaient d’abord dans des agglomérations de taille moyenne ou supérieure, dans lesquelles les MJC étaient dotées, d’emblée, de directeurs permanents. Mais l’explication reste insuffisante. La raison principale de l’absence des enseignants du second degré parmi les directeurs indemnisés est qu’ils trouvaient à s’investir dans d’autres activités, jugées plus « culturelles », y compris au sein des MJC, comme en témoigne la part qu’ils prenaient dans l’animation des ciné-clubs des Maisons. On serait tenté d’ajouter que l’insistance mise dans les statuts des MJC sur la gestion cadrait mal avec le mépris cultivé par le secondaire pour ce qui s’apparente à l’administration. On rencontrait davantage d’enseignants des centres d’apprentissage, des CET et, dans une moindre mesure, des lycées techniques, auxquels il faudrait ajouter des conseillers d’orientation, des surveillants généraux et surtout les moniteurs d’éducation physique. Marginalisés au sein du monde enseignant, tant sur le plan du nombre, que sur celui du prestige, ils trouvaient dans les MJC un lieu où mettre en valeur leurs compétences : activités de plein-air, ateliers de bricolage, mais aussi activités culturelles. La proximité dans les salles de classe avec des élèves d’origine plus modeste, un enseignement conçu comme un projet de promotion collective ouvrière, prédisposaient peut-être aussi au militantisme d’éducation populaire. Enfin, cette catégorie des directeurs semi-permanents comptait des instituteurs pour qui le statut avait été créé dans l’après-guerre. Leur nombre allait en diminuant, conséquence de la fermeture des petites écoles rurales, du départ des instituteurs ruraux pour les chefs-lieux de cantons ou les grandes villes37. À cela, il fallait ajouter la féminisation grandissante de la profession qui s’accompagnait d’un recrutement dans des catégories moins populaires. Enfin, les années soixante voyaient s’amenuiser le rôle social de l’instituteur, conséquence des facteurs déjà évoqués et de la scolarisation prolongée. Toutefois, un département comptait encore dans les années soixante un grand nombre d’instituteurs, le Tarn, qui regroupait le plus grand effectif de MJC avec directeurs semi-permanents.
Les instituteurs-directeurs du Tarn
28Les véritables semi-permanents, c’étaient eux. Pour beaucoup, l’engagement remontait à l’après-guerre. La majorité appartenait aux générations immédiatement nées après la Grande Guerre. Ils achevaient leur formation à l’École normale au moment des loisirs encadrés du Front Populaire, certains avaient combattu dans les rangs de la Résistance et tous avaient connu le grand élan d’éducation populaire de la Libération qui fut particulièrement fort dans le Tarn38. Des « postes à œuvres » furent créés pour les maîtres. En échange d’un engagement auprès d’un mouvement d’éducation populaire, les instituteurs recevaient de menus avantages, en particulier une certaine possibilité de choix pour les affectations. Robert Fareng, l’homme qui créa la majorité des MJC du Sud, à l’époque où il était délégué régional, était instituteur d’origine, ce qui lui permit d’intervenir en faveur des MJC39. La FFMJC puisait, ici, dans ce qu’un ministre de l’Instruction publique de la fin du xixe siècle appelait « ce budget souple et inépuisable : la bonne volonté et le désintéressement des maîtres40 ».
29Ces instituteurs cumulaient la direction de la MJC avec sa présidence, mais aussi le poste de secrétaire de mairie, parfois celui de maire. Ils assuraient également des cours postscolaires d’agriculture, parfois la présidence des sociétés sportives. Pour résumer : des instituteurs à l’ancienne. Leur action se distinguait peu de celle que menaient leurs collègues dans les amicales laïques ou des foyers ruraux dont le nombre atteignait la centaine dans le Tarn en 1960. Comme de nombreuses fédérations des œuvres laïques, les MJC du Tarn se réunissaient une fois par an, dans une commune, pour le Rassemblement des MJC du Tarn : tournois sportifs, spectacles, défilés dans les rues, il ne manquait rien à cette « excellente fête laïque41 ». La proximité avec les œuvres périscolaires ne pouvait donc que déboucher sur la concurrence, qui nécessitait parfois un arbitre. Tout naturellement c’était vers les autorités académiques que l’on se tournait : on restait en famille. Un instituteur, directeur de MJC en tirait les conséquences et précisait que « ce n’est ni à la FOL, ni à la fédération des MJC de choisir. Seuls peuvent dicter l’avenir l’instituteur local d’abord, le Maire ensuite42 ». Belle définition du rôle et de la place d’un instituteur dans une commune rurale !
30Le responsables de la FFMJC se méfiaient de la tendance qu’auraient eue les instituteurs responsables bénévoles des Maisons à attacher trop peu d’importance à la vie associative, conçue selon les canons fédéraux. Dans la Marne, où quelques MJC étaient implantées dans des communes rurales, le délégué régional Michel Mayer notait : « Les petites MJC ne vivent souvent que grâce à l’instituteur du coin et si l’animation est souvent très bonne, les réunions régulières du CA sont rares43. » Mais en contrepartie, on pratiquait dans le Tarn, un véritable développement communautaire, même si on utilisait rarement le terme, laïcité oblige : coopérative d’achat de matériel agricole, douches collectives. Enfin, les activités culturelles y étaient nettement plus développées que dans d’autres Maisons rurales. Les MJC du Tarn étaient regroupées dans une fédération départementale qui était l’une des plus anciennes et surtout la plus vivante44. Ici, il ne s’agissait pas d’une vague coquille administrative destinée à recueillir les maigres fonds du conseil général et présidée par une personnalité en vue. La fédération était particulièrement active et le nombre élevé de Maisons lui permettait par exemple d’effectuer de petites tournées. Mais plutôt que Fédération départementale des MJC, la « fédé » aurait dû s’appeler fédération des directeurs semi-permanents. En effet, la plupart des Maisons étaient présidées par leur directeur instituteur. Les réunions de la « fédé » avaient d’ailleurs lieu le jeudi, jour de congé des maîtres. Elles étaient prolongées par un de ces « gueuletons » dont le pays a le secret, et qui était l’indice d’une sociabilité forte, entre pairs. On était ici très loin de l’ascétisme militant qui imprégnait le militant d’éducation populaire des années soixante. La fédération agissait aussi comme un syndicat de défense des directeurs indemnisés et des petites Maisons rurales. De ce point de vue, le regard que les gens du Tarn jetaient sur les débats nationaux est instructif. On les devine aisément socialistes et il se faisaient surtout les défenseurs d’une laïcité sourcilleuse, plus proche des positions de la Ligue de l’enseignement que de la laïcité des MJC. Si Castres est bien la patrie de Jaurès, c’est aussi la ville dont Émile Combes fréquenta le séminaire… Une formule peut résumer la position des Tarnais sur la question : la laïcité des MJC, la fameuse laïcité ouverte, « pour être ouverte, ne saurait être éventrée » concluaient-ils45.
31Pourtant la voix des MJC du Tarn dans les instances nationales se faisait de plus en plus faible, à mesure que la FFMJC grandissait, que le poids des directeurs permanents s’accroissait et que celui des semi-permanents s’amenuisait, dans l’indifférence générale. Un détail en apparence anodin révélait la marginalisation des semi-permanents en général, et de ceux du Tarn en particulier. En 1961, le calendrier des commissions paritaires fut modifié. Elles se tinrent désormais le plus souvent le lundi ou le vendredi pour tenir compte des intérêts des directeurs permanents et non plus le jeudi, jour de congé des maîtres. Une page se tournait. On comprend alors d’autant mieux l’opposition de la fédération du Tarn au FONJEP dès 1962. Ses membres y voyaient un signe de plus du recul de l’Éducation nationale : « La culture Populaire, déclarent-ils, doit être assurée par l’Éducation nationale. Elle doit être un service public dont les bases restent encore à définir (recrutement, diplômes, etc.)46. » Ce qui signifie concrètement qu’elle devait être assurée par des instituteurs, ou par des fonctionnaires de statut équivalent, et qu’elle ne devait pas échapper au monde primaire. Ce n’était pourtant pas le sens de l’évolution en cours dans les MJC, où le rôle des semi-permanents déclinait au profit de directeurs professionnels qui formaient une véritable corporation.
Un corps ?
32Dès les années cinquante, les documents officiels de la FFMJC mentionnaient le « corps des directeurs permanents », dénomination reprise dans les publications syndicales et par les témoins aujourd’hui. Le terme de « corps » ne manque pas d’intriguer, lorsqu’on connaît la réticence des animateurs envers toute forme d’organisation, assimilée à un embrigadement. Il intrigue d’autant plus, dans le cas des directeurs de MJC, qu’il coexistait avec des pratiques professionnelles très variées et même des définitions divergentes du métier. C’est ce paradoxe qu’il convient d’éclairer, en se penchant d’abord sur la formation des directeurs.
La formation des directeurs permanents
33L’inauguration en novembre 1959 du premier stage de directeurs de MJC, à l’INEP de Marly-le-Roi, marquait le début des formations de longue durée dans le secteur de l’éducation populaire en France. L’organisation générale, avec la vie communautaire en internat, s’inspirait d’une tradition qui, dans le domaine des mouvements de jeunesse, remontait aux années vingt, Uriage constituant cependant le moment véritablement fondateur47. Les esquisses pour une formation d’éducateurs populaires élaborées au cours des années cinquante faisaient d’ailleurs explicitement référence à l’ouvrage Vers le style du xxe siècle48. Concrètement, le premier stage dura 36 semaines, et s’acheva par une période d’encadrement de groupes étrangers, d’une durée d’un mois. L’enseignement alternait : cours, conférences-débats et travaux pratiques, ainsi que de nombreuses visites et une veillée technique un soir sur deux. Les thèmes traités peuvent être sommairement classés en quatre catégories : psycho-pédagogie, techniques d’éducation populaire (entraînement mental, étude du milieu, cercles d’études…), information économique et sociale, formation artistique. L’encadrement était assuré par les instructeurs nationaux d’éducation populaire, des animateurs ou des militants d’éducation populaire (ceux de Peuple et Culture pour l’entraînement mental, Paul-Henry Chombart de Lauwe pour les enquêtes), et enfin par les délégués de la FFMJC, sous la direction de Lucien Trichaud. Deux voyages d’études à l’étranger complétèrent cette formation qui s’acheva par un jury de sortie en juillet 1960.
34L’architecture d’ensemble de la formation fut maintenue au cours des quinze stages qui se déroulèrent jusqu’en 1969. Sur le plan des contenus, elle évolua dans le sens d’une plus grande attention portée à la formation administrative, ce qui se fit au détriment de la formation artistique. L’objectif était de familiariser les futurs directeurs à la gestion des équipements construits dans le cadre des lois-programmes. Cette tendance culmina en 1965-66, où la partie consacrée aux « études fédérales » (assurances, règlements fédéraux, gestion…) fut particulièrement importante. En 1967-68, nouvelle inflexion : on accorda, cette fois-ci, une plus grande attention à la psycho-sociologie, dans le cadre d’une réforme qui modifiait aussi les procédures de recrutement. Les difficultés rencontrées par certains directeurs paraissent avoir été à l’origine de cette nouvelle orientation. Jamais cependant, il n’y eut passage brutal d’une orientation à une autre, mais un lent infléchissement.
35Il n’est pas difficile de reconnaître dans chacune des orientations successives de la formation, trois figures professionnelles possibles pour les directeurs : celle de l’éducateur populaire maîtrisant des techniques artistiques et pédagogiques, celle du gestionnaire d’équipement et enfin celle de l’animateur maîtrisant des techniques relationnelles. Aucun choix tranché ne fut fait en faveur de l’une d’entre elles. Le sociologue Michel Amiot qui participa à la formation des directeurs relevait l’éclectisme qui prévalait : « L’avalanche de qualificatifs qui servent à préciser les fonctions de l’animateur culturel qu’est le directeur d’une MJC, cache mal l’absence d’une définition ferme et d’une orientation précise à donner à la formation des cadres49. » Ce jugement peut paraître sévère. Il sous-estimait l’urgence à laquelle était confrontée la FFMJC de répondre à des besoins très variés. Selon les postes où ils étaient affectés, les directeurs étaient amenés à exercer les trois fonctions d’éducateur populaire, de gestionnaire ou d’animateur, à des degrés divers. Il n’en demeurait pas moins que la FFMJC n’avait pas établi de doctrine pour la formation de ses animateurs. De l’après-guerre au début des années soixante, ses responsables, et surtout ses directeurs, avaient tiré une partie de leur dynamisme de leur capacité à faire leurs des techniques pédagogiques variées, sans tenir compte de leurs origines idéologiques. Or, ce qui pouvait être force un temps, se transformait en faiblesse si l’on ne transmettait pas aux nouveaux directeurs une définition a minima de leurs fonctions, en dehors de règles administratives et de considérations qui oscillaient en permanence entre des réflexions « philosophiques » très générales et des descriptions de tâches concrètes élémentaires : inscription des usagers, fermeture et ouverture de la MJC50…
36La mise en place du DECEP (Diplôme de conseiller d’éducation populaire), à partir de 1965, amplifia le phénomène. L’ambition des programmes était, pour le moins, vaste. Selon la très bonne formule de Jean-Marie Mignon, ils visaient à former « un honnête homme social » doté de connaissances dans les domaines les plus variés51. Ils visaient aussi à combler les lacunes culturelles des candidats « autodidactes ». Concrètement, la mise en place de cette réforme eut pour effet de réduire la part de la formation artistique, et de développer l’aspect scolaire – au mauvais sens du terme – d’une formation destinée à des adultes. L’introduction de l’examen fut donc mal acceptée par une majorité de directeurs, surtout parmi les anciens, à qui on refusa l’équivalence du diplôme. Quant à la valeur de la formation reçue au cours de l’année de stage, les avis des directeurs, trente à quarante ans plus tard, divergent : de l’absence de tout intérêt à des avis élogieux. Tous évoquent l’importance qu’eut la vie en commun qui créa des amitiés durables, ainsi que des oppositions politiques ou syndicales tout aussi durables. Tous insistent sur le rôle du stage pratique effectué auprès d’un directeur ancien. Beaucoup, à ce sujet, ont cette formule : « c’est lui qui m’a formé », parlant du collègue « chez qui » (la formule, là encore, est intéressante), ils avaient effectué leur stage pratique de deux à trois mois. C’était, en effet, sur le terrain, sous la forme d’un apprentissage, d’un compagnonnage que se faisait l’essentiel de la formation à un métier, qui avait la particularité de s’inventer ou de se transformer à mesure que les directeurs l’exerçaient. Il faut voir là l’une des origines d’une forme de « basisme » qui est un trait marquant de l’identité des directeurs : un refus de la théorie qui peut aller, dans certains cas, jusqu’à une forme d’anti-intellectualisme, voire d’hostilité à la pédagogie, comme s’il fallait éprouver le métier pour l’apprendre. Le trait n’était sans doute pas propre aux directeurs de MJC parmi les animateurs, mais il était particulièrement accentué.
Une population relativement stable
37À l’issue du stage et de l’examen de sortie (« le jury »), le directeur devait rester trois années au service à la FFMJC, en contrepartie de la formation et de la rémunération reçues pendant son année à Marly-le-Roi. Pour la fédération et le haut-commissariat qui avait approuvé et financé la mise en place des stages, cet engagement permettait de garantir une stabilité et de rentabiliser une formation relativement onéreuse. La procédure se révéla efficace, puisque 76,8 % des directeurs recrutés avant le 1er mars 1964 et reçus au jury de stage étaient demeurés au service de la FFMJC à la date du 1er janvier 1969, soit au-delà de la durée minimale imposée. À la même époque, plus du quart des directeurs (27,9 %) avaient même plus de cinq ans d’ancienneté. Parmi ceux-ci, 22 étaient en 1969 depuis plus de dix ans au service de la FFMJC. À ce groupe, il fallait ajouter les 15 anciens directeurs devenus délégués régionaux ou fédéraux, dont l’entrée à la fédération remontait, pour beaucoup, aux origines, c’est-à-dire à près d’un quart de siècle, en 1969. Comme les générations plus récentes de directeurs, ces derniers étaient d’origines variées, avec cependant pour les plus anciens, recrutés avant 1950, une forte minorité d’instituteurs (8) et secondairement, d’anciens permanents des mouvements de jeunesse (4). Ces directeurs qui, dans le contexte des difficultés de l’après-guerre et des années cinquante, avaient précédé dans le métier les nouveaux directeurs constituaient des références pour ces derniers. Ils l’étaient d’autant plus que l’apprentissage auprès d’un ancien tenait un très grand rôle. Georges Bilbille à la Maison pour Tous Mouffetard, Marc Malet aux Marquisats à Annecy, Marcel Sala à Narbonne, Guy Bastien à Boulogne-Billancourt, Joseph Teulon à Lézignan Corbières, Jean Destrée à Nancy, Claude Dade-Brenjot, plus jeune mais ayant déjà une forte ancienneté, à Colombes, étaient des « figures » qui marquèrent les promotions de stagiaires des années soixante. L’idéal d’éducation populaire qui animait les premières générations put ainsi se transmettre aux nouvelles.
38Le choix fait par une majorité de directeurs de demeurer dans les MJC au-delà de la période d’engagement initiale de trois ans apportait la preuve qu’ils comptaient faire de leur métier autre chose qu’une simple occupation temporaire, et ce au moment où François Missoffe estimait que la profession d’animateur n’existait pas et qu’en conséquence la durée d’emploi devait être la plus brève possible. Les propos du ministre furent donc considérés comme des attaques inacceptables, d’autant plus qu’ils mettaient en cause un métier pratiqué par certains depuis une vingtaine d’années et reconnu par un statut qui était unique dans le monde de l’éducation populaire.
Du statut au corps
Des para-fonctionnaires ?
39À métier nouveau, statut nouveau ? Sans doute, mais en l’espèce, était-il nécessaire d’innover ? Tout concourait, dans l’après-guerre, à rapprocher les directeurs de MJC des instituteurs. La République des Jeunes relevait d’une direction du ministère de l’Éducation nationale, la personnalité d’Albert Léger, la présence d’instituteurs parmi les premiers directeurs ne pouvaient que faciliter un rapprochement entre les deux statuts. Si la Maison des jeunes était à la IVe République, ce que la maison d’école avait été à la IIIe, pourquoi les éducateurs populaires n’auraient-ils pas été les nouveaux instituteurs de la République ?
40Il n’est pas certain que les premiers directeurs aient connu l’histoire des maîtres du primaire. Pourtant, c’est un peu cette histoire, qu’ils allaient revivre. En 1945-1946, il ne s’agissait plus d’échapper à la tutelle du maire et du curé, comme les maîtres d’école des années 1860, mais de ne plus être dans la dépendance des conseils d’administration locaux des Maisons de jeunes. Aussi, le premier combat que menèrent les directeurs fut-il de devenir des employés de la fédération. Cela signifiait, inévitablement, la mise au point, sinon d’un statut, du moins d’un contrat unique, national, dont la première version remonte à mai 1947. Par modifications successives, il déboucha sur un contrat collectif qui concernait l’ensemble du personnel de la FFMJC52. C’est, paradoxalement, en annexe que résidait l’essentiel de ce contrat : « Les directeurs sont comparables aux instituteurs cumulant un enseignement d’au moins 6 heures sur les matières essentielles du programme dans un cours complémentaire, avec la direction d’une école53. » Les appointements, et non le traitement, car il ne s’agissait pas de fonctionnaires, étaient donc ceux d’instituteurs des cours complémentaires, auxquels on accordait aussi un « logement normal et convenable ». À cela, s’ajoutait une prime égale à 5 % du salaire de base par période de cinq ans de présence à la FFMJC.
41L’assimilation des directeurs aux instituteurs directeurs d’école avait permis de créer une carrière de directeur, sans qu’à l’origine on y ait prêté grande attention : il avait simplement suffi de suivre les indices et la progression de carrière des instituteurs. Il y avait là une originalité remarquable, si l’on songe aux oppositions que suscitait l’idée de carrière d’animateur. L’assimilation aux fonctionnaires et la volonté de stricte définition d’un statut n’empêchaient nullement le maintien d’exigences « militantes », en clair, l’acceptation de conditions moins satisfaisantes qu’un emploi « normal ». Mais, parce que leurs salaires étaient versés par l’État, parce qu’ils étaient assimilés aux instituteurs, les directeurs ont eu beaucoup moins que d’autres animateurs, de difficultés à se situer sur le terrain de la revendication salariale. Leurs salaires, loin d’être « mirobolants », n’étaient, à leurs yeux, que la reconnaissance de la dignité de leur métier, de la dignité du service public de l’éducation populaire que la FFMJC entendait mettre en place. L’exigence militante passait par l’acceptation d’horaires lourds et atypiques. La fédération rappelait d’ailleurs que même en dehors de ses heures de travail, le directeur devait se considérer comme un militant d’éducation populaire.
42Le caractère de para-fonctionnaire des directeurs tenait également à ce que, salariés du secteur privé, ils étaient titularisés avec l’accord de l’État. Leur procédure de titularisation mérite qu’on s’y arrête, car « établie » en 1948, elle ne varia pas jusqu’au début des années soixante-dix. Un décret interministériel de 1948 stipulait que la titularisation était prononcée par le conseil d’administration fédéral, avec l’approbation du gouvernement représenté par le ministre de l’Éducation nationale54. Elle advenait après un an de présence dans la fédération, en cas d’avis favorable du conseil d’administration de la MJC où le directeur était affecté. L’État ne faisait que confirmer les délibérations du conseil d’administration fédéral, par un arrêté qui conférait à la décision un aspect officiel. Sur un strict plan juridique, la procédure n’avait pas de sens, mais l’État avait maintenu cette clause de titularisation qui lui permettait de conserver un droit de regard sur le recrutement et la formation des directeurs. L’examen des archives révèle que la FFMJC avait abusivement étendu à l’ensemble de son personnel l’effet d’un décret interministériel qui ne concernait que les seuls fonctionnaires détachés auprès d’elle, selon une procédure banale55. Que l’extension ait été volontaire ou non, elle avait fini par acquérir force de loi pour les responsables de la FFMJC. Elle renforçait la légitimité de la fédération et donnait à ses directeurs un statut de quasi-fonctionnaires, légitimités par la « titularisation ».
43Avant l’approbation par le gouvernement, dans les départements, l’inspecteur de la Jeunesse avait procédé à une inspection du stagiaire et établi un rapport dont l’avis devait être favorable, tout comme ceux rendus par le délégué régional et le conseil d’administration de la MJC concernée. Les élus de la Maison étaient, en effet, amenés à se prononcer sur l’année effectuée par le directeur. De même, la nomination d’un directeur dans une MJC était soumise à l’approbation du CA concerné. Ces dispositions devaient garantir le contrôle des adhérents sur les directeurs. Elles constituaient l’un des éléments du fonctionnement démocratique des institutions fédérales. Élus, représentants des membres associés, représentants de l’État et enfin, représentants des directeurs devaient collaborer à la gestion des MJC et de leur fédération, selon le principe de la cogestion, élément central de « l’idéologie », mais aussi du fonctionnement des MJC. Dans le domaine des relations avec le personnel, la cogestion signifiait que les directeurs étaient représentés au sein du conseil d’administration fédéral. Ils étaient aussi associés à la gestion de leur carrière et des mutations. La parenté avec les enseignants était, là encore, évidente et, comme pour les carrières enseignantes, celles des directeurs étaient gérées dans le cadre de commissions paritaires avec les syndicats de directeurs, dont la puissance singularisait, une nouvelle fois, les directeurs de MJC parmi les animateurs.
Un syndicalisme ancien et puissant
44Jusqu’en 1962, seule la section FEN-CGT des directeurs de MJC représentait le personnel fédéral. Fondée en 1946, par Albert Léger lui-même, elle regroupait l’ensemble du personnel, délégués compris, jusqu’à la démission du fondateur en 1949, et l’exclusion des autres délégués en 1954. Au moment de la crise syndicale de 1948, les directeurs étaient restés à la « petite » FEN-CGT qui regroupait des instituteurs proches du Parti communiste, mais aussi les éducateurs populaires des CEMEA, des auberges de jeunesse ou de Peuple et Culture56. Albert Léger regretta son enfant, qui n’était pas semblable au syndicat d’instituteurs qu’il avait connu en tant qu’inspecteur primaire57. Après une phase de vives tensions entre 1949 et 1951, liées à des conflits avec des directeurs d’extrême gauche, les relations entre le syndicat et l’exécutif fédéral se pacifièrent. En 1960, le bulletin de liaison entre directeurs tenait encore davantage de la feuille d’amicale que du journal syndical. La direction de la FEN-CGT était assurée depuis 1958, par Daniel Billard. Ancien prêtre-ouvrier, responsable local de la CGT dans le bâtiment, au cours de sa période missionnaire, le secrétaire syndical était également membre du PCF. La présence, en plus du secrétaire général, d’un certain nombre de sympathisants communistes au sein de la section syndicale, n’empêchait toutefois pas qu’un large éventail de sensibilités politiques y fût aussi représenté. Les recrutements importants de directeurs dont les effectifs doublèrent entre 1959 et 1962 changèrent la donne, d’autant plus qu’au même moment, la stratégie syndicale évolua. Dans le contexte des derniers mois de la Guerre d’Algérie, la neutralité de plusieurs directeurs de gauche fut mise en cause par des municipalités et leurs collègues directeurs jugèrent que la fédération ne les avait pas suffisamment défendus. D’autres incidents opposèrent la CGT à la délégation générale accusée de chercher à tout prix à ne pas déplaire au pouvoir. Lucien Trichaud, nouveau délégué général depuis le départ d’Albert Léger, était mis en cause, d’autant plus que son anticommunisme était connu et que sa nomination avait été interprétée par certains, comme un signe d’allégeance au pouvoir gaulliste. Ce durcissement de l’attitude de la CGT était aussi à peu près contemporain de la définition par la PCF de sa stratégie vis-à-vis de la FFMJC, qu’il entendait préserver de l’influence du gouvernement.
45Dans ce contexte, une scission syndicale intervint en juin 1962. Un directeur nouvellement recruté, Georges Vérité, militant SFIO, annonçait la création d’un « syndicat respectueux des statuts des MJC qui en assure la Laïcité58 ». Peu après, ce nouveau syndicat adhérait à la Fédération de l’éducation nationale. Pour la FEN-CGT, qui sera désormais désignée dans ces lignes sous le terme CGT, il s’agissait de la réplique dans les MJC, quatorze ans plus tard, de la scission de 1948. Mais la nouvelle FEN ne parvint jamais à limiter l’influence de la CGT. Plusieurs des anciens instituteurs, instigateurs de la scission syndicale, avaient une ancienneté importante et devinrent délégués, privant la FEN d’une direction expérimentée. À cela s’ajouta une attitude ambiguë, lors du vote décisif sur le FONJEP en 1964 : la FEN avait déposé une motion commune avec la CGT refusant le FONJEP, mais s’était abstenue lors du vote au CA qui avait suivi. La CGT put ironiser à bon compte59. La FEN était de plus victime de la politique d’unité d’action entre les deux centrales FEN et CGT, et contrainte d’accepter des actions communes avec une CGT qui proposait constamment la réunification. Mieux implantée, la CGT était capable de mobiliser rapidement des militants parisiens susceptibles de se rendre au siège fédéral et surtout auprès des stagiaires : l’année de formation était, en effet, un moment d’intense socialisation syndicale, dont l’importance n’avait pas échappé à ses responsables. Le rôle de syndicat de service que jouait la CGT depuis les origines ne pouvait que renforcer son influence : à mesure que l’administration fédérale devenait de plus en plus lourde et bureaucratique, passé 1965, le syndicat se comportait en service parallèle d’information beaucoup plus efficace et rapide que les canaux officiels. D’une façon générale, les structures centralisées de la FFMJC se prêtaient bien à leur investissement par la CGT.
46Les sympathisants et les membres du PCF tenaient le bureau syndical, même s’ils étaient loin d’être les seuls à y figurer : Georges Bilbille, Jean Laurain ou Jacques Asseray appartenaient à différentes sensibilités de la gauche non communiste. Pour d’autres directeurs, la syndicalisation à la CGT fut aussi une voie privilégiée d’accès au militantisme communiste, selon un processus classique. La CFDT tenta bien de s’implanter, à partir de 1965, grâce à des directeurs venus du monde social et des foyers de jeunes travailleurs, mais sa clientèle « naturelle », les militants d’origine chrétienne, nombreux parmi les directeurs, lui avait été prise par la CGT qui pratiquait la politique de la main tendue et même par la FEN, implantée plus tôt que la CFDT : ceux qui refusaient un syndicat sous influence communiste y avaient trouvé refuge. Jusqu’en 1969, les élections des représentants du personnel donnèrent régulièrement, une majorité absolue à la CGT, non seulement par rapport aux suffrages exprimés, mais aussi par rapport aux inscrits, sauf en 1968. Cette influence durable de la CGT a contribué à renforcer « une exception MJC » dans un univers d’animateurs et travailleurs sociaux largement acquis à la CFDT60.
Le syndicalisme, creuset de l’identité des directeurs
47Au début des années soixante, il était inconcevable pour un directeur d’afficher ouvertement des convictions politiques, sauf peut-être en région parisienne61. Le contrat collectif ne l’interdisait pourtant pas, à condition de ne pas porter atteinte aux intérêts de la MJC. Cependant, la pression locale et les conseils de prudence de la fédération se conjuguaient pour dissuader d’afficher ouvertement ses opinions. Il en allait de même dans le domaine de la vie privée : le directeur se devait d’être le plus discret possible. En 1962, dans une grande ville de l’ouest de la France, un directeur dut être muté par la fédération après avoir quitté sa femme62. Aussi, les directeurs isolés dans leur MJC étaient-ils très attachés à leur statut national garant, selon eux, de leur totale indépendance vis-à-vis des conditions locales. Leur opposition au FONJEP trouvait là son origine. Ils craignaient qu’une prise en charge à 50 % de leur salaire par les communes n’entraîne un contrôle des municipalités sur leur travail. À partir de 1966, la politique très hostile de François Missoffe vis-à-vis de la FFMJC eut pour effet de placer les directeurs en première ligne : ils entendaient défendre leurs intérêts professionnels menacés par le refus opposé par le ministère à une sensible amélioration des carrières. Les attaques répétées du ministre, les menaces de faillite de la FFMJC début 1968, renforçaient l’influence de la CGT. Aussi se posait-elle en défenseur des intérêts globaux de la fédération et des MJC, mettant en cause l’attitude trop peu combative de l’exécutif fédéral face à un pouvoir clairement hostile. Le point décisif vint surtout de ce que la CGT, à laquelle une majorité absolue des directeurs donnait ses voix, réussit à incarner une identité collective de ces derniers. Les définitions du métier proposées par l’exécutif fédéral étaient floues, parfois contradictoires. Fait aggravant pour le personnel, elles émanaient toutes de Lucien Trichaud, délégué général, qui rédigeait les textes de « doctrine » de la fédération. Elles ne dépassaient jamais le stade de grandes proclamations humanistes, qui apparaissaient désuètes et bien peu consistantes. Une vague tentative pour définir le métier comme celui d’un travailleur social suscita une opposition radicale de la part de la CGT, qui y voyait le risque d’un glissement vers l’assistanat et concrètement un passage de la tutelle de la Jeunesse et Sports à celle du ministère de la Population63. La FEN, référence enseignante oblige, y était hostile, elle aussi.
48Le modèle implicite du directeur, depuis les origines, avait été l’instituteur. Or, il ne convenait plus à la majorité des jeunes directeurs, d’autant que la figure de l’instituteur connaissait un déclin accéléré. Le fonctionnement tatillon des organes fédéraux, le contrôle de la hiérarchie inspiré par le modèle primaire, irritaient profondément. Et surtout, la neutralité de l’instituteur ne pouvait convenir à des individus soucieux d’engagement. Certains étaient déjà des militants à leur entrée dans le métier, d’autres l’étaient devenus. Tous revendiquaient leur statut de salariés, mais aussi celui de militants de la culture, de l’éducation populaire. La CGT inscrivait l’action menée par les Maisons des jeunes et de la culture dans le mouvement ouvrier, dans une tradition progressiste. Concrètement, ses responsables mettaient en avant le « directeur-éducateur populaire », se voulant fidèles en cela, à l’esprit de la République des jeunes, contre l’animateur, sa version dépolitisée. L’attachement au terme « directeur », en pleine période de succès des pédagogies non directives, trouvait là son origine.
Conclusion
49Peut-on, au final, évoquer une identité professionnelle des directeurs de MJC ? L’attachement au statut national, le vote majoritaire en faveur de la CGT qui défendait la figure de l’éducateur populaire, sont autant d’indices qui manifestaient un sentiment d’appartenance à une profession de directeur. Le passage par le stage de formation avait contribué à développer cette conscience, tout comme les attaques de François Missoffe à partir de 1966 soudèrent les directeurs. L’identité de ces derniers se fondait sur le triple refus de la figure du travailleur social, de l’animateur et de l’instituteur. Pour autant, l’existence d’une profession suppose un relatif consensus sur la manière de l’exercer. Or, du fait de l’apprentissage du métier sur le tas et surtout de la diversité des contextes locaux où le métier était exercé, dans la solitude le plus souvent, ce consensus ne pouvait pas être total, même si beaucoup de pratiques étaient communes. Aussi, plus que d’une identité professionnelle, faut-il parler d’une conscience de corps des directeurs de MJC qui contribuait à les distinguer des autres animateurs. Ce trait original expliquait les accusations de corporatisme portées à leur encontre, à la fin des années soixante. Celles-ci étaient partiellement injustes. Les directeurs voyaient dans la défense de leurs intérêts un combat mené au nom de l’éducation populaire dans son ensemble. Celle-ci exigeait des professionnels convenablement rémunérés et des équipements de qualité, nous allons y revenir. Les directeurs se percevaient donc comme une avant-garde, rejoignant en cela les responsables de l’exécutif fédéral et les membres élus du conseil d’administration qui étaient persuadés que « la formule MJC » anticipait l’avenir. Ils se faisaient aussi les gardiens d’une conception militante de la culture populaire, par delà leurs divergences syndicales et politiques : tous se refusaient à limiter leur activité à celle de pourvoyeurs de distractions.
Notes de bas de page
1 Rapport de stage de dir. à la MJC d’Annonay début 1960. Dos. pers. AFF.
2 Ces dossiers ont été très largement détruits.
3 Dos. pers., FRAG Grenoble.
4 Rapport de dir., arch. FRMJC Ile-de-France n° 57.
5 Rapport, dos. pers., AFF.
6 Budget-temps : document où un individu enregistre ses différentes activités et leur durée.
7 Le métier de directeur de MJC, document réalisé par les stagiaires 1967/68A.
8 Chiffre tiré de « Le directeur de MJC… » Réf. cit. André Bardagot à Chambéry ou Marc Malet à Annecy vivaient au cœur de la MJC dans les années cinquante : domicile et lieu de travail confondus.
9 Dossier de titularisation de directeur, CAC 19790805/6.
10 Dominique Philippe se souvient de ses dimanches d’enfant qui consistaient, avec ses frères et sœurs et leur mère, à mettre leurs habits du dimanche – nous sommes dans une famille ouvrière – et à aller voir travailler leur père à la MJC. Entretien.
11 Jacques Ion, Jean-Paul Tricart, Les travailleurs sociaux, La Découverte, 1984, p. 57.
12 Montage d’extraits de rapports d’inspecteurs Jeunesse et Sports, CAC 19790805/6 et 7.
13 Film réalisé par la FFMJC en 1965. Voir la conclusion du chapitre 2.
14 Rapport de titularisation de directeur, CAC 19790805/6.
15 6 cas de licenciement ou départ forcé pour affaires de « mœurs ».
16 Cf Bulletin du syndicat FEN-CGT des directeurs de MJC, après 1966.
17 Armand Buisson, délégué en charge de la formation. AFF Dossier For 1.
18 Rapport de directeur de MJC, arch. Lucien Trichaud, AUN.
19 Citation d’un directeur in « Analyse des rapports de directeurs pour 1963 », AFF 9.
20 D’après nos calculs qui reposent sur l’exploitation des dossiers et du fichier du personnel.
21 Réunion de la commission Formation, 2d trim. ? 1967, AFF, Paris. On appréciera le « nos MJC » formulé par une commission où ne siégeaient que des hommes…
22 Nous avons mené une étude prosopographique des directeurs qu’il n’était pas envisageable de publier dans cet ouvrage. Nous renvoyons à notre thèse, chap. 6.
23 Dossier de personnel, AFF et FRMJC Alsace, Schiltigheim.
24 Dossier de directeur, arch. FRMJC Champagne-Ardennes, Reims.
25 Avis d’un instituteur sur la candidature, dossier de person, AFF.
26 Dossier de Gérard Kolpak, AFF, et entretiens.
27 On ne tirera aucune conclusion abusive, vu la petitesse de l’échantillon des instituteurs, mais la moitié des instituteurs titulaires étaient passés par le « sana » avant d’entrer en formation de directeurs.
28 Jury de recrutement, juin 1962. AFF.
29 Dossier de personnel, arch. FRAG, Grenoble.
30 Rapport de délégué Sud-Est 1964/65, AFF 9.
31 Sauf pour les fonctionnaires en détachement.
32 C’est la remarque que fait Marc Malet, qui se l’applique à lui-même pour commencer. Entretien.
33 Dossier Patrik Paupy, FRAL Lyon et entretiens.
34 Gérard Noiriel, Les ouvriers dans la société française xixe-xxe siècle, Seuil, 1986, p. 195-236.
35 Les documents fédéraux les présentaient ainsi.
36 Le président de la MJC était malgré tout un professeur du lycée de la ville en 1967. Remarque de M. Camuzat in Dossier pers, AFF.
37 Nous avons pu l’observer à propos de petites MJC du Cantal qui disparaissaient avec le départ de leur jeune instituteur.
38 Voir à ce sujet les actes du colloque de Castres en 1998 ainsi que la vidéo « Notre histoire » CHVS, Castres, arch. de la FDMJC du Tarn, Castres.
39 « Rapport sur les MJC du Sud-Ouest », 1948, fonds Robert Fareng, arch. FRMJC Languedoc-Roussillon, Narbonne.
40 Cité par Jean-Paul Martin, « Histoire de l’éducation populaire et de ses représentations », in L’Éducation populaire : un pari pour la démocratie, Documents de l’INEP, nouvelle série n° 6, Marly-le-Roi, 1986, p 19.
41 CA FDMJC, 5 nov. 1964, arch. FDMJC Tarn, Castres.
42 Réunion des directeurs, 24 janv. 1963, Archives FDMJC, Castres.
43 Rapport de Michel Mayer pour 1967, AFF 782.
44 Elle aimait à se définir comme « l’enfant terrible de la FFMJC ». Voir Pas à pas, n° 103, mai 1960, p. 21-22.
45 Entretien avec Simon Barathieu, que la formule avait frappé, au début des années soixante.
46 PV réunion des directeurs et CA de la FDMJC 9 mai 1963 et 5 mai 1964, arch. FDMJC, Castres.
47 Nicolas Palluau, « L’émergence du stage comme méthode de formation (1918-1940) », colloque PAJEP « Histoire des cadres de jeunesse et d’éducation populaire », 2003, à paraître en 2008 à la Documentation française et Bernard Comte, Uriage, une utopie combattante, l’École des cadres d’Uriage 1940-42, Fayard, 1991, 639 p.
48 Gilbert Gadoffre, Vers le Style du xxe siècle, Seuil, 1945. Voir : Albert Léger ? et Jean Le Veugle vers 1955, Esquisses d’un plan de formation, AFF, vrac années 50.
49 Michel Amiot, Michel Freitag, Rapport sur l’étude de l’administration centrale du ministère de la Jeunesse et des Sports, EPHE VIe section, Paris, 1968, ronéo, t. II, p. 87.
50 Michel Simonot étudiant les définitions de l’animation socio-culturelle au début de la décennie suivante note cette même perpétuelle ambivalence. Michel Simonot, Les animateurs socio-culturels, étude d’une aspiration à une activité sociale, PUF-Publications de l’Université de Rouen, 1974, p. 28 et 50. Cette étude, réalisée au moment de la crise de la FFMJC ne prend pas en compte les directeurs de MJC.
51 Jean-Marie Mignon, La lente naissance d’une profession : les animateurs de 1944 à 1988, thèse d’histoire (dir. Pierre Guillaume), Univ. de Bordeaux III, 1998, p. 100.
52 Contrat collectif du personnel de la FFMJC, version du 26/11/ 1952, AFF 1.
53 Ibid. Annexe I : « Définition et assimilation. »
54 Décret interministériel n° 48.764 du 24 avril 1948.
55 Toute association qui employait des fonctionnaires détachés devait bénéficier d’un décret de ce type, en vertu de l’article 99, 3e paragraphe du Statut général de la Fonction publique de 1946. Le caractère abusif de l’assimilation n’a été dénoncé par le secrétariat d’État qu’en 1970 : Bulletin de presse du SEJSL, n° 250, 19 janv. 1970.
56 Les instituteurs quittèrent la FEN-CGT sur demande du PCF en 1954 pour rejoindre la FEN.
57 Entretien d’Albert Léger avec Franck Lepage, in La République des Jeunes, 1944-1994, FFMJC, 1996, p. 39-65.
58 Lettre-appel de Georges Vérité, 17 mai 1962, carton FEN Autonome, AFF 8.
59 Le rapport moral syndical de Mâcon juin 1965 essayait (difficilement) de justifier cette position. AFF 7.
60 Jacques Ion, Jean-Paul Tricart, Les travailleurs sociaux, op. cit., p. 91-93, qui relèvent une autre exception chez les animateurs des organismes liés à la Ligue de l’enseignement (rôle de la FEN et CGT).
61 Entretien avec Simon Barathieu.
62 Dossier de directeur, AFF.
63 Cette discussion s’engageait dans le cadre du FONJEP, dont le but était de recueillir des fonds de la Jeunesse et Sports, mais aussi du ministère de la Population (actuelles Affaires sociales).
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