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Les MJC

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Laurent Besse

Première partie. Des Maisons pour les jeunes 1959-1965

Chapitre IV. Jeunes et adultes

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Géographique :

France

Texte intégral

  • 1 « Les paroles d’un précurseur : Léo Lagrange » (Discours radiodiffusé du 10 juin 1936), in Jeuness (...)

« Une salle aménagée par les usagers eux-mêmes, gérée par eux, […] tout cela constituant l’embryon d’une propriété collective destinée à la joie commune. Au club, on viendra d’abord pour lire, pour se distraire, pour jouer, pour réunir la chorale, pour préparer une fête, pour organiser la sortie du dimanche ou les vacances heureuses. On y viendra, ensuite, pour échanger, sans contraintes, les fruits des expériences différentes. Le mineur et l’artisan, le maçon et l’employé, l’instituteur et le paysan, sentiront ainsi peu à peu, plus profonde au-delà de la diversité des techniques, l’unité du travail humain. […] Mais le club serait détourné de son rôle et mériterait un rapide échec s’il devenait une sorte de patronage pour adultes1. »

1Léo Lagrange avait prononcé ces paroles célèbres en 1936. Les Maisons des jeunes et de la culture auraient pu les reprendre à leur compte. Seul le public visé différait quelque peu, puisque là où « le ministre des auberges » mettait l’accent sur « l’unité du travail humain », les responsables des MJC visaient la jeunesse. Celle-ci formait dans les années soixante le public « naturel » et parfois exclusif des Maisons, dont la pédagogie était centrée sur les 15-25 ans. Comme Léo Lagrange avant eux, les responsables des MJC récusaient le modèle du patronage, synonyme d’activités futiles, infantilisantes, sous la tutelle d’un prêtre ou d’un instituteur. Pourtant, les points de départ des MJC et des patronages présentaient quelques similitudes : proposer dans un premier temps des activités sportives et de loisirs afin d’engager une action éducative.

Des activités pour les jeunes

Ping-pong, judo, photographie

2Sous le titre « principes », la brochure Comment créer une MJC proposait aux promoteurs locaux des Maisons, quelques lignes d’action en matière éducative :

  • Partir du loisir simple pour parvenir au loisir éducatif et à l’activité créatrice, au moins pour un noyau permanent de jeunes.
  • Ne pas doubler ce qui existe déjà dans la localité.
  • 2 Comment créer une MJC, édit. 1966, FFMJC, Paris, p. 23.

Il y a donc lieu de prévoir, d’une part, des activités permanentes, attractives et faciles qui serviront de « fonds commun » comme ping-pong, tir, jeux extérieurs et intérieurs, salle de lecture, radio, disques, bar privé, etc., et d’autre part, des activités périodiques et plus éducatives comme cercles d’études, cinéma, art dramatique, dessin, atelier, cours divers, etc.2.

3Les Maisons offraient un mélange d’activités banales et d’autres moins répandues, qu’on peut découvrir grâce aux statistiques fédérales qui, année par année, dressaient un bilan des pratiques. Les statuts faisaient obligation aux MJC de transmettre un dossier de fin d’année, qui comportait des statistiques détaillées, afin de mettre en œuvre le « contrôle des résultats » préconisé par Peuple et Culture, dans une volonté d’améliorer la connaissance rationnelle des techniques pédagogiques.

  • 3 Statistiques de fonctionnement 1965, AFF, pour les chiffres qui suivent.
  • 4 « Un foyer culturel de petite ville », Correspondance municipale, n° 71, oct. 1966, p. 10-11.

4Le ping-pong était roi : 79 % des MJC le proposaient en 1965, la plupart du temps hors pratique de compétition3. La vie d’une MJC ne pouvait se concevoir sans les tables, autour desquelles se nouaient amitié, groupes éphémères et conflits (voir p. viii du cahier iconographique). Ce sport correspondait parfaitement au type de pratique occasionnelle, spontanée, sans obligation préalable de former un groupe que recherchaient des jeunes « inorganisés » au foyer de la MJC. Son pendant était le baby-foot. Différence importante cependant : ce dernier était aussi proposé par les cafés, avec lesquels les Maisons étaient en concurrence. Près de la moitié d’entre elles proposaient d’ailleurs un mini-bar sans alcool. Venait ensuite le volley-ball, offert par une MJC sur deux (49,8 %). Ce sport avait été à l’origine largement développé par le YMCA américain (Union chrétienne des jeunes gens) qui le répandit, par ses réseaux dans le monde. Les MJC reprenaient et amplifiaient donc une tradition. Plus original, était l’essor du judo et des arts martiaux qu’elles contribuèrent à promouvoir : plus d’une Maison sur trois, dont deux sur trois en ville, le proposaient. Il ne s’agissait plus là simplement, d’une activité épisodique, mais d’une pratique régulière qui nécessitait des moniteurs et un local doté d’un minimum d’aménagements. Sport, le judo, se veut aussi méthode éducative. Les archives ne comportent pourtant aucun écho de la querelle qui divisa le judo français des années cinquante et soixante entre partisans du « judo-éthique » et partisans de la pratique sportive, qui finirent par l’emporter. Notons, ici, que le couple judo-ping-pong, si typique des MJC de l’époque, fut dans de multiples localités, le signe d’une neutralisation progressive des antagonismes entre laïques et confessionnels, comme à Redon où, jusqu’alors, deux blocs rivaux organisés autour de l’Athletic-Club-Redonnais (gauche laïque) et du Patronage Saint-Conwoïon (droite cléricale) se faisaient face. Chacun était doté de son club de football, de sa section de basket et de sa colonie de vacances. Première brèche dans le monopole : « Une section de judo se lança prudemment, ainsi qu’une section de ping-pong », indépendamment des deux organisations rivales4.

  • 5 Compte-rendu de réunions délégués du 3-5 jan. 1967, arch. FRAG Grenoble.
  • 6 Rappelé par une circulaire aux recteurs et IA du 19/3/1959.
  • 7 Entretien avec Robert Colombiès et www.narbonnevolleyball.org
  • 8 Voir Rapport moral pour l’AG fédérale de Metz, 1953, CAC 19790582/1.
  • 9 Rapport de directeur, AFF.

5Le développement du judo dans les MJC fut tel qu’il entraîna des tensions avec la Fédération française qui exigeait que les Maisons créent des clubs spécialisés5. La FFMJC proposait la simple affiliation de la section judo à la fédération, en vertu du privilège juridique qui avait été confirmé en 1959 : reconnues organismes de jeunesse polyvalents, les Maisons étaient dispensées de créer des associations spécialisées pour la pratique sportive6. Toutefois, dans les cas où la pratique visait la compétition, les MJC devaient alors entrer dans une fédération spécialisée, ou dans le réseau UFOLEP. Peu de clubs de compétition sont cependant issus des MJC, comme le club de volley de Narbonne né en 1963 à la MJC, dont il fut membre jusqu’en 2000, au moment de son accession à l’élite professionnelle de ce sport7. Pour autant, les préventions à l’égard du « sport commercial », ou du sport de compétition, présentes dans les rapports moraux du début des années cinquante s’étaient réduites au cours de la décennie suivante8. Dans l’ensemble, les sports « établis » étaient peu présents dans les MJC : le cyclisme dans 8 d’entre elles, le rugby dans 12, ce qui était bien peu quand on songe à la quarantaine de MJC que comptait le seul département du Tarn, et encore aux nombreuses Maisons de l’Aude, deux terres d’ovalie. Encore s’agissait-il parfois de rugby à 13, comme à Lézignan-Corbières, où ne se pratiquait traditionnellement que le jeu à 159. Même le basket, né dans les patronages comme le volley-ball, ne comptait de pratiquants que dans un cinquième des Maisons, tout comme le football, présent uniquement dans les MJC de village. Dans les nombreuses petites villes et villages, où la fondation de la MJC s’inscrivait dans une logique de rationalisation de la vie associative, beaucoup de sociétés participèrent, nous l’avons vu, à la MJC, parfois même y fusionnèrent. Mais le sport fit globalement exception.

  • 10 Source : http ://clbck.free.fr/histoire.htm

6Les MJC excellèrent surtout dans la mise en place d’activités sportives de pleine nature : ski (40,1 %), alpinisme (18,6 %), spéléologie (16,6 %), kayak (15,1 %). Leur géographie facilitait cette orientation : beaucoup de Maisons étaient proches des sommets alpins, jurassiens ou vosgiens. Le départ matinal en bus pour les pistes, le samedi, par joyeuses bandes, faisait partie de la vie des Maisons (voir p. i du cahier iconographique). Spéléologie et kayak, peu développés jusqu’alors, en dehors de quelques cercles étroits, connurent leur essor, grâce aux MJC, dans de nombreuses villes. Ainsi, le club de canoë-kayak de Chambéry, l’un des plus titrés, est né en 1959 comme section de la MJC de la ville10. Plus rares, la plongée sous-marine et l’équitation se développèrent à la fin de la décennie. Si modestes fussent-ils, les locaux, le véhicule parfois, dont disposaient les MJC étaient fort appréciés par les jeunes associations. Aussi, les Maisons des jeunes jouèrent-elles souvent leur rôle de pépinières pour de nouvelles activités.

  • 11 Jean-Baptiste Glorieux, entretien et www.chez.com/mjcvoiron/mjc40ans
  • 12 Règlement du camp à Malaga, 1965, arch. MJC Voiron.

7Les activités de plein-air trouvaient leur aboutissement dans les camps, fréquemment proposés pendant la période estivale. Préparation du voyage, vie au grand-air, vie collective surtout, avec ses inévitables conflits, mais aussi son apprentissage de l’autodiscipline, les camps fixes ou itinérants étaient un des grands moments de la vie de la MJC. À Voiron, où l’on aimait à citer un proverbe arabe, qui affirmait qu’« un voyageur solitaire est un diable », leur réussite se mesurait à l’affluence et à l’éloignement grandissant des destinations : Bretagne en 1961, avec une poignée de jeunes, Corse l’année suivante, puis Pays basque, puis première incursion hors de France en 1964 en Hollande, l’année suivante une véritable expédition, avec 90 participants à Malaga, puis en Yougoslavie en 196611. Les camps avaient leurs rituels : la veillée, la tenue d’un journal collectif, le retour avec la restitution sous forme d’exposition ou de montages, ce qui était l’occasion de pratiquer la photographie. Le règlement du camp de la MJC de Voiron pour Malaga précisait : « Le transistor est une source de querelles constantes, en revanche l’appareil photo est vivement souhaité12. »

  • 13 Christian Hermelin, Les montages sonores et visuels, Éditions ouvrières, 1967, p. 25.
  • 14 Isabelle Mazel « Les radio-amateurs », Cahiers de l’animation, n° 12, 1996, p. 3-18, confirme que (...)
  • 15 Conversation avec M. K (devenu sur le tard directeur de MJC). Adolescence dans le quartier lyonnai (...)
  • 16 Pierre Giolitto, Histoire de la jeunesse sous Vichy, Perrin, 1991, p. 479.

8Chaque MJC proposait aussi son lot d’activités manuelles ou culturelles, pratiquées dans le cadre d’ateliers. Aux traditionnelles poterie, peinture, et reliure qui semblaient en perte de vitesse relative, s’ajoutaient divers ateliers de bricolage ou de mécanique, et surtout de la photographie. Toute MJC se devait de posséder un labo-photo. Un spécialiste relevait que la pratique du développement photo s’était considérablement répandue grâce aux Maisons de jeunes, alors qu’elle était, auparavant, réservée à des amateurs fortunés13. Moins commune, l’activité de radio-amateur était proposée par 61 MJC sur les 279 qui renvoyèrent le questionnaire en 1965. Compte tenu du coût du matériel, ce pourcentage de 21,6 % était important. L’aéromodélisme complétait ce tableau de loisirs techniques, dont les vertus n’étaient pas minces : l’obtention des différents brevets de radio nécessitait l’acquisition de connaissances sérieuses en physique, particulièrement en électricité14. En ville, l’offre d’activités était vaste. Certains se souviennent de l’enthousiasme que suscita l’ouverture de la MJC de leur quartier et de leur émerveillement devant le choix qui s’offrait à eux15 : des dizaines d’activités pour les plus importantes MJC urbaines. Cependant, c’est dans le monde rural que la nouveauté était la plus grande, en dépit d’une offre nécessairement plus réduite. Signe de l’unification grandissante des jeunesses sous l’effet de la scolarisation, les activités proposées par les MJC étaient perçues comme légitimes. Plus personne ne songeait à dénoncer « un exemple de fainéantise organisée » pour gens des villes, comme le faisaient les jeunes ruraux sous l’Occupation16. Au contraire, les habitants des campagne s’inquiétaient de leur retard sur les villes. Sans doute cette volonté d’imiter les usages urbains n’empêchait-elle pas la survivance de formes de sociabilité ancienne, comme le montre Pascal Dibie à propos de son village bourguignon :

  • 17 Pascal Dibie, Le village retrouvé, La Tour d’Aigues, L’Aube, 2de édition, 1995, p. 43-44

« Lancé par deux jeunes, déjà un peu « vieux », le Foyer des jeunes créé en 1967 rallia aisément le suffrage des « catholiques » et, finalement de presque tout le village. […] Il nous sortait quand même quelquefois de cette demi-torpeur, de cet ennui originel échelonné de cuites et de castagnes. Il permettait de se retrouver entre “jeunes” et “aînés” et “Anciens” du village, au cours de soirées, de bal, de séances de ball-trap17. »

9D’une façon générale, l’activité de loisir organisé avait atteint un statut légitime.

De l’activité à l’autonomie

10Les activités en atelier étaient, plus encore que les activités sportives, perçues par les responsables comme des prétextes, des préalables. La socialisation était leur objectif véritable, d’où la méfiance manifestée envers la « pratique de l’activité pour elle-même », ce qu’un rapport moral ancien exprimait en ces termes lyriques :

  • 18 Rapport moral pour l’AG de Metz, 1953.

« Parfois le souci de la préférence technique l’emporte sur celui de l’éducation. La section devient un petit atelier d’art authentique, se replie sur elle-même et ignore le reste de la Maison. On ne se sert plus d’argile pour faire des hommes, on se sert des hommes pour faire des vases. […] L’Isolement est chez nous le péché le plus grave. L’individu isolé n’a pas place à la MJC ; l’activité isolée dévie18. »

  • 19 Les jeunes et les adultes, analyse des résultats 1965, 1966, p. 13. Les moto-clubs qui existaient (...)
  • 20 Sans compter les polémiques avec les photographes locaux qui protestaient contre la concurrence dé (...)
  • 21 « Le civisme et les jeunes, auto-éducation civique et sens communautaire », complément au Rapport (...)

11Ski et photographie étaient régulièrement condamnés en raison de l’individualisme de leurs pratiquants, accusés de ne fréquenter la MJC que pour la sortie de ski ou l’accès au labo-photo19. Les Maisons se posèrent donc la question de maintenir ou non le libre-accès au laboratoire, en dehors des heures de pratiques collectives au sein du club20. Implicitement, un classement était établi entre les « bonnes activités » et les autres, entre celles qui favorisaient l’intégration de l’individu au groupe et celles qui relevaient d’une simple pratique individuelle d’adhérents à la recherche de prestations bon marché. On comprend mieux, dès lors, la position ambiguë des pratiques musicales. Les chorales étaient vivement recommandées. Elles constituaient même le modèle de « la bonne activité ». Le groupe vocal réputé de la MJC de Poitiers, les Compagnons de la Claire Fontaine, était régulièrement présenté comme un modèle d’éducation civique car il favorisait une pratique collective, inter-âges, entre milieux sociaux variés21. Les pratiques instrumentales individuelles restaient réduites : çà et là, des cours de guitare, de flûte, de solfège (dans 49 MJC sur 279 en 1965, soit 17,6 %), mais ces activités venaient loin derrière d’autres. Plusieurs facteurs étaient ici à prendre en compte, dont en premier lieu, l’abondance des cours de musique proposés par d’autres structures. Il ne faut pas oublier non plus un détail prosaïque : la promiscuité qui régnait dans beaucoup de Maisons n’était pas de nature à favoriser la pratique de la musique, malgré la définition dans les MJC de zone de bruit et de zone de silence. Mais la véritable raison tenait au caractère nécessairement individualiste de l’apprentissage musical, au moins dans une première phase : la musique était perçue comme une fin en soi, qui s’accordait mal avec la volonté de promouvoir des activités collectives, dont le contenu technique ou artistique ne devait pas primer sur l’essentiel qui demeurait la dimension éducative ou morale. Cette orientation devait marquer pour longtemps les MJC.

  • 22 Rapport de direction, MJC Mourenx, dos. person., AFF, Paris.

12L’activité ne valait donc qu’en fonction d’un « au-delà » de l’activité ; d’un « en deçà » aussi. Les animateurs attachaient, en effet, un grand prix à « l’émergence des besoins » et d’abord, à la proposition d’activités par les jeunes. En théorie du moins, car la réalité pouvait être assez singulièrement différente et « certains adhérents attendaient la Providence, qui se présentait bien souvent sous les traits du directeur22 ». Les jeunes, soucieux de lancer une activité nouvelle devaient convaincre les responsables de la valeur de celle-ci, recruter d’autres pratiquants, trouver un local, et surtout des fonds, puis enfin « animer » l’activité et faire preuve de qualités pédagogiques. Ainsi, les initiateurs d’une activité-modélisme devaient d’abord recruter un nombre minimal de pratiquants, s’engager devant les élus à garantir leur présence, justifier l’intérêt d’acheter un minimum de matériel, obtenir un horaire dans un planning parfois chargé, un local, un lieu pour stocker leurs réalisations… Tout cela peut paraître bien trivial. Mais n’est-ce pas le propre de toute activité éducative, lorsqu’il s’agit de dépasser le stade des grandes déclarations pour s’engager dans une action concrète ?

  • 23 Voir Les jeunes et les adultes, analyse des résultats 1966, p. 35.
  • 24 Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ?, Seuil, 1962, p. 27-29.

13Le cadre théorique qui servait à justifier cette pratique des activités était, pour les responsables les plus militants, celui de la sociologie du loisir de Joffre Dumazedier, largement diffusée dans les milieux d’éducation populaire. L’activité, quelle qu’ait été sa nature devait faire appel à la responsabilité de l’individu et lui permettre d’exprimer ses capacités, de réaliser ses virtualités23. On retrouvait, là, les trois D (Délassement, Divertissement, Développement), en particulier le dernier, le développement dont « l’importance pour la culture populaire est capitale ». Il s’agissait de « rompre avec les automatismes de la pensée et de la vie quotidienne », mais aussi, dès le plus jeune âge, de « créer des formes nouvelles d’apprentissage (learning) volontaire tout au long de la vie24 ». Cependant, ce cadre théorique recouvrait surtout des pratiques anciennes qu’il contribuait à transformer. Les militants avaient capitalisé une expérience faite d’héritages successifs où l’on trouvait aussi bien trace des premiers ciné-clubs des années vingt, que des loisirs encadrés du Front populaire, ou encore que de l’aviation en modèle réduit du temps de Vichy.

Les MJC à la rencontre de leur public

14Les MJC des années soixante méritaient bien leur diminutif de Maisons de jeunes. L’affirmation peut sembler banale. Elle ne l’est pourtant pas, si l’on considère que la FFMJC a toujours refusé ce qualificatif réducteur et prôné l’ouverture aux « adultes » en repoussant toute limite d’âge supérieure pour l’entrée dans les MJC.

Tableau 2. – Fréquentation par âge en 1962 et 1965 (usagers adhérents).

Tableau 2. – Fréquentation par âge en 1962 et 1965 (usagers adhérents).

Source : Statistiques de fonctionnement pour 1962 (52 165 adhérents, 177 MJC) et pour 1965 (101 146 adhérents, 279 MJC).

15La classe d’âge 14-21 ans regroupait, à elle seule, environ la moitié des usagers (55,6 % en 1965). Complétée par la catégorie « jeunes adultes » 22-25 ans, les « jeunes » formaient plus des deux-tiers des effectifs. Ces chiffres ne peuvent être utilisés qu’à titre indicatif, bien qu’ils portent sur des effectifs élevés. Les statistiques fédérales ne distinguaient pas entre les MJC rurales et les MJC urbaines. Or la fréquentation n’y était pas la même. Les enfants étaient davantage présents dans les MJC rurales, surtout, lorsque ces dernières prenaient la suite d’une association antérieure. En ville, les enfants étaient plus rares, sauf pour « les jeudis éducatifs ». La classe d’âge 14-21 ans formait en milieu urbain le plus souvent les deux-tiers au moins des effectifs et surtout le noyau de la fréquentation. Les adhérents plus âgés ne venaient, en effet, qu’assez épisodiquement, pour pratiquer une activité précise, à la différence des jeunes qui faisaient parfois de la Maison leur second domicile.

  • 25 Décision du CM du 18/2/1970 : http ://conflansmjc.free.fr/histoire.htm

16Les statistiques du tableau reprennent les catégories d’âge construites, à la fin des années quarante, par la FFMJC selon des critères juridiques. Elles prenaient donc en compte la fin de la scolarité obligatoire (14 ans), la majorité (21 ans), ainsi que l’âge de 18 ans qui permettait de participer à l’assemblée générale d’une association, mais non d’être élu au conseil d’administration. La catégorie 14-17 ans ne présentait aucune homogénéité et regroupait des publics très différents : les 16-17 ans qui formaient la catégorie la plus importante et les 14-15 ans, peu nombreux dans les Maisons. Si la majorité des Maisons admettaient les jeunes à partir de 14 ans, certaines posaient des conditions plus restrictives. Ainsi, à Conflans-Sainte-Honorine en 1970, date pourtant tardive, le conseil de Maison prenait « la décision d’ouvrir la MJC aux moins de 16 ans, pour certaines activités et sur proposition des responsables de ces activités25 ». Aussi le « vrai » public des MJC était-il constitué par des jeunes de 16 à 21 ans. Ces derniers disposaient d’une autonomie que leurs familles n’accordaient pas aux plus jeunes, doublée d’une indépendance financière, au moins partielle pour les jeunes travailleurs. Quant à la limite de 21 ans, elle reflétait l’importance que jouait encore le service militaire dans la vie des jeunes des années soixante, étudiants mis à part. Le retour du « service » marquait la fin de la jeunesse et la fin de la fréquentation régulière de la MJC, comme le déploraient les rapports des Maisons.

Les gars : des Maisons de garçons

  • 26 Sondage IFOP (nov. 1966) publié in Jeunes d’aujourd’hui, d’après le rapport d’enquête du ministère (...)
  • 27 Jeunes d’aujourd’hui…, op. cit., p. 177.

17Les chiffres sont suffisamment concordants et constants pour ne souffrir aucune contestation : les filles furent toujours minoritaires dans les MJC des années soixante ; elles ne représentaient que le tiers des effectifs. Sur ce plan, le langage était le fidèle reflet de la réalité : si les responsables, les directeurs et les jeunes parlaient pour désigner le public des Maisons, « des gars », ce n’était pas sans raison. Cette faible participation des filles était confirmée par les sondages qui révélaient cette moindre propension des filles à vivre leurs loisirs dans un cadre collectif, surtout si celui-ci prenait une forme organisée. Les sondages mettaient en valeur le contrôle plus strict exercé par les familles sur les soirées des jeunes filles26. Cette différence était sensible dans la fréquentation des MJC. En semaine, l’assistance était presque exclusivement masculine, lorsque les garçons se retrouvaient, en soirée, au foyer. En fin de semaine, le public était davantage mélangé. Un sondage IFOP du début de l’année 1966 mettait en valeur la « tendance grégaire » (sic) plus forte chez les garçons : 64 % d’entre eux, contre 44 % déclaraient passer leurs moments de liberté au sein d’un groupe d’amis27.

  • 28 Anne-Marie Sohn, Âge tendre et tête de bois, histoire des jeunes des années 1960, Hachette, 2001, (...)
  • 29 Exemple : Morsang-sur-Orge en 1966/67. Dossier de directeur, FRAL Lyon.
  • 30 Pas à pas, nouvelle série, n° 29/30, 2e-3e trim. 1975, p. 20.

18Dans l’après-guerre les MJC urbaines étaient souvent dédoublées : une Maison masculine et une Maison féminine, comme à Romans. Dans cette ville, la Maison féminine fusionna avec son homologue masculine en 1959, à l’occasion d’un transfert de locaux. Les autres MJC féminines avaient déjà disparu à cette date, par suite des économies réalisées dans beaucoup de Maisons, de leur désaffection par les filles et de l’évolution générale des mœurs. Pour autant, la « spécificité » féminine continuait à être prise en compte : tous les équipements comportaient leur pièce féminine, parfois appelée foyer féminin et destinée à abriter les cours de travaux ménagers ou de cuisine, généralement subventionnés par les Caisses d’allocations familiales. Au fur et à mesure que les années passaient, ces cours étaient de plus en plus délaissés par les adhérentes. L’évolution était parallèle à celle que connaissaient alors les cours dispensés dans ces domaines par les établissements scolaires28. Sans que ce soit une priorité absolue, les responsables locaux se souciaient d’ouvrir le plus possible les locaux aux jeunes filles. Ils oscillèrent entre deux attitudes. L’une consistait à leur offrir des activités « féminines », en particulier dans le domaine sportif : le basket et, dans une moindre mesure, le volley-ball furent privilégiés. Plus rarement, la coiffure, destinée à celles qui refusaient les activités29. À Dieuze, petite ville de Lorraine, on réservait un jour sur deux, aux filles, dans l’espoir de les amener à la MJC30. L’autre attitude consistait à essayer de les convaincre de participer aux activités dont elles étaient jusqu’alors exclues, ou dont elles s’excluaient elles-mêmes. Ces invitations pouvaient prendre une forme moralisante, comme cet appel aux jeunes filles, lancé en 1960, par la MJC de Besançon-centre :

  • 31 Pas à pas, 103, mai 1960, p. 15.

« Autant de jeunes filles que de garçons inscrits sur les listes de la MJC… Mais pour l’activité “surprise partie” : 110 filles contre 90 garçons. Au cercle d’études civiques et économiques : 5 filles, 40 garçons. Lors d’une rencontre “Elle et lui” consacrée à la rentabilité de l’électro-ménager : 7 filles contre 20 garçons. Croyez-vous donc, Mesdemoiselles, que toilette, sex-appeal et flirt soient les seuls moyens pour construire un avenir ? […] Il sera bien temps de pleurer au bout de 2 ou 3 ans de mariage, quand votre mari, lassé de votre ignorance, de votre incapacité à comprendre ses problèmes […] ira retrouver sans vous ses copains, avec qui il pourra avoir des échanges de point de vue intéressants31. »

19Outre le moralisme daté, ces propos reflètent une méfiance envers les jeunes filles, perçues comme moins militantes que les garçons. Ce trait était renforcé ici par la forte composante jeunes travailleurs de la MJC de Besançon. Très orientée, en ce début des années soixante, vers l’éducation économique et sociale, cette Maison valorisait une conception engagée de l’idéal MJC. Cependant ce préjugé était largement partagé par les militants d’éducation populaire. En 1966, l’un d’entre eux, futur Premier ministre de gauche, se livrait devant des journalistes à une petite démonstration, probante selon lui :

  • 32 Collectivités jeunesse, n° 1, 1966, p. 4.

« Pierre Mauroy approuve un responsable de [la fédération] Léo Lagrange qui se plaint du manque de combativité des femmes. Une jeune fille entre alors dans le bureau et Mauroy fait l’expérience. Il demande à la jeune fille si elle accepte de représenter la fédération à telle commission. Un éclat de rire cachant une hésitation et une certaine timidité lui répond et m’incite à accréditer la thèse de Mauroy32. »

  • 33 À propos de la mixité et de la co-éducation, Clio, Histoire, femmes et sociétés, n° 18, 2003.

20Plus banalement, la présence des jeunes filles dans les MJC posait le problème des rapports entre garçons et filles pendant le loisir33.

Flirt et éducation sexuelle

  • 34 Fabienne Casta-Rosaz, Histoire du flirt, les jeux de l’innocence et de la perversité 1870-1968, Gr (...)

21Les années soixante virent le triomphe du flirt qui se généralisait comme mode d’initiation amoureuse34. En dépit de la hausse des effectifs, les établissements scolaires ne furent guère touchés par « le problème » : la plupart n’étaient pas encore mixtes et les temps de liberté des jeunes dans les lycées étaient réduits. Il ne pouvait en aller de même dans les MJC. Incontestablement le flirt posait problème aux éducateurs.

  • 35 Rapport de stage à la MJC de Paris Charonne, 1964, dos. pers., AFF. Paris.

« Après le baby foot, il semble que le flirt soit l’activité la plus prisée des jeunes et, en ce domaine, l’architecture de la Maison est un terrain complice : accès non protégé à tous les étages, coins et recoins, escaliers sombres, la surveillance est très difficile. Les filles semblent peu farouches et changent très volontiers d’amis. Aussi faut-il exercer une surveillance parfois draconienne pour que les ébats amoureux ne soient pas trop indécents, aux yeux des plus jeunes, qui, si ce climat persistait auraient tendance à faire mieux que leurs aînés, aux yeux des pensionnaires de l’hébergement, d’autre part, souvent des étrangers, qui en sont quelque peu ébahis35. »

  • 36 Exemples : Le flirt à la MJC de Lézignan Corbières, Pas à Pas n° 100, déc. 1959, encart p. vii. L’ (...)

22Beaucoup de Maisons prirent des mesures pour limiter le flirt, allant parfois jusqu’à interdire l’accès aux récidivistes. Les MJC auraient-elles été, pour autant, le lieu d’un moralisme sévère, contrastant avec la liberté de mœurs qui fut celle, trente ans plus tôt, des auberges de la jeunesse, lieux d’une mixité sulfureuse aux yeux de beaucoup ? Dans cette comparaison avec les auberges, il faut prendre garde à deux phénomènes. D’une part, l’âge des adhérents était sensiblement plus bas dans les MJC que dans les AJ. D’autre part, les auberges étaient situées généralement dans des lieux isolés et n’avaient pas, à la différence des MJC, à lutter pour maintenir leur réputation auprès des élus et de la population du quartier. Fidèles à une logique d’éducation, les Maisons proposèrent des débats, des discussions sur le flirt ou des thèmes proches, comme « l’amitié fille-garçon36 ». En 1964, la MJC de la Madeleine (Nord) prit l’initiative d’un « Contact Flirt » publié dans Pas à pas et destiné à interpeller les lecteurs de toute la France. L’article, qui était un appel à réaction, concluait son « étude » (sic) ainsi :

  • 37 « Une enquête sur le flirt ! réalisée par la MJ de la Madeleine », Pas à pas, n° 149, déc. 1964, p (...)

« Peut-on éviter le flirt ? Certainement. Il faut pour cela chercher à avoir une conduite plus adulte. Or pour cela, il faut être maître de ses impulsions, savoir résister à une tendance pour faire ce que décident la réflexion et la volonté37. »

23Six mois plus tard, une lectrice répondait en ces termes à l’appel :

  • 38 Monique Pros, « Réponse à la MJC de la Madeleine sur le flirt », Pas à pas, n° 156, sept. 1965, p. (...)

« Un garçon n’arrive pas vierge au mariage. Il faut donc bien qu’il y ait des filles qui… car il n’y a pas que les p… Un garçon ne doit pas être vierge au mariage. Ce sont des “principes”. Tandis qu’une fille, elle, doit l’être. C’est absolument illogique. […] Ce n’est pas pour excuser les jeunes qui ont des relations sexuelles mais pour me rendre compte de ce qu’ils peuvent penser. Avant d’être le désir d’avoir de l’expérience, le flirt est d’abord le désir de n’être plus seul, de partager ses ambitions, ses rêves, demander des conseils. Dans le flirt, même pour ceux qui savent flirter (c’est-à-dire qu’ils sont conscients de la nécessité de leur rencontre), il y a un petit espoir au fond du cœur et même peut-être celui du mariage. On se sait protégé. Cela remplace souvent la tendresse que l’on n’a pas à la maison. Le flirt peut épanouir. Il n’y a donc aucune raison pour que la fille se réserve pour le mariage et dépérisse alors que le garçon serait libertin. Sérieusement, il faut avoir vraiment du caractère pour ne flirter que lorsqu’on sent que c’est « ça », que c’est le bon, celui qui nous amènera au mariage38. »

  • 39 Anne-Marie Sohn donne un chiffre éloquent à propos de l’enquête sur la jeunesse de 1966 : 4 dossie (...)

24Cette lettre est intéressante à de multiples points de vue, en particulier, par ses contradictions, et surtout, son refus affiché de la double morale, celle qui tolérait la sexualité hors-mariage pour les garçons mais la refusait aux filles. La défense de la liberté sexuelle pour les filles par une fille, dans une lettre signée, en 1965 était exceptionnelle39. Encore cette correspondante dont l’âge n’était pas précisé, prenait-elle une position d’extériorité par rapport « aux jeunes qui avaient des relations sexuelles ». Cette attitude était typique de la parole « jeune » des années soixante, particulièrement parmi la frange éduquée et militante à laquelle appartenait, sans aucun doute, l’auteur de la lettre : on parlait des « jeunes », dont on prenait soin de s’exclure pour tenir un discours semi-réprobateur, mais compréhensif sur les « autres ». La lettre rappelle que le mot flirt avait pris, depuis longtemps déjà, un sens large et qu’il servait à regrouper des pratiques fort variées, allant jusqu’au rapport sexuel complet. L’auteur de la lettre concluait, in fine, sur une note conforme à la morale et « euphémisait » le flirt, ramené à une recherche de sécurité affective.

  • 40 Exemples : Débat à Annonay en 1964, dans différentes MJC lyonnaises entre 1965 et 1968, à Fougères (...)
  • 41 Voir Bulletin de liaison des cercles et écoles de parent, n° 2, 1956, p. 3.
  • 42 Le planning familial fit preuve d’une grande prudence avec les jeunes : Marie-Françoise Lévy, « Le (...)

25Le choix de publier, sur une pleine page, cette lettre dans la revue fédérale indiquait de la part des rédacteurs une volonté d’être attentifs aux problèmes de leur époque, tout en donnant une image « rassurante » du flirt. Il révélait, en même temps, une certaine tolérance vis-à-vis de l’affirmation d’une liberté sexuelle pour les jeunes. Cette prise de position peut, a posteriori, sembler aller de soi. Replacée dans le contexte de l’époque et dans celui d’une revue éducative, elle devient plus audacieuse. Et de fait, les MJC eurent, en matière d’éducation sexuelle, une attitude plutôt novatrice : existants, dès le début des années soixante, des cours ou des cycles d’éducation sexuelle furent courants dans les MJC après 196540. Les Maisons comptèrent parmi les premières associations à offrir aux jeunes ce type d’information en dehors des milieux étudiants. L’expression éducation sexuelle pouvait, certes, recouvrir des contenus variés, selon qu’il s’agissaitde causeries dans le cadre de l’École des parents, avec laquelle la FFMJC avait de longue date établi une collaboration41, ou de conférences par les membres les plus militants du Planning familial. Il faut noter que la fédération incita les MJC à nouer des relations, dès 1963, avec cet organisme, dont la simple évocation paralysait beaucoup de monde. Cette éducation sexuelle se donnait pour fin une sexualité « responsable », dans le cadre du couple dont la valorisation atteignait alors son apogée : même les plus avancés des propagandistes de la « vérité sexuelle » n’osaient sortir de ce cadre42.

26Les choix des MJC en matière d’éducation sexuelle étaient donc relativement audacieux pour l’époque. Comment alors concilier cette attitude avec la réprobation qui entourait le flirt ? La première réponse est de l’ordre de l’évidence : il s’agissait, dans un premier cas, de principes, alors que dans le cas du flirt, il s’agissait de comportements. L’explication reste cependant insuffisante. Ce qui perturbait les éducateurs dans le flirt, c’était bien son immoralité, mais non au sens d’atteinte aux mœurs. La « gratuité » du flirt gênait, et plus encore, la part d’affirmation d’individualisme irréductible qu’il contenait. Ce qu’un journal local, citant deux directeurs, mettait bien en valeur :

  • 43 « Enquête sur les MJC », Le Dauphiné libéré, 22 mai 1965.

« La MJ, disait Madeleine directrice de Grenoble Teisseire, c’est, avant tout, un cadre de vie collective. C’est pourquoi avec le conseil de Maison nous avons décidé d’interdire le flirt à l’intérieur de nos locaux : le flirt nuit à la vie collective. Déclaration que ne contredit pas celle du directeur d’Annecy : Nous sommes la 1re agence matrimoniale du département43 ! »

  • 44 Jean Baudrillard, De la séduction, Galilée, 1979, 258 p. Voir Fabienne Costa-Rosaz, Histoire du fl (...)
  • 45 Titre d’un chapitre d’Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 65.
  • 46 Rapport de stage à la MJC de Paris Charonne, 1964, référence cit.

27Sans doute, peut-on trouver dans cette attitude dissemblable vis-à-vis de l’éducation sexuelle et du flirt, matière à illustrer la théorie de Jean Baudrillard selon laquelle, c’est la séduction, et non le sexe, qui est subversif44. Sans doute aussi, la réprobation qui entourait le flirt pourrait-elle confirmer que le militantisme des mouvements de jeunesse reposait sur le refoulement sexuel. Immoral, le flirt l’était surtout parce qu’il mettait en cause la vie collective et affirmait une sociabilité juvénile dont l’existence perturbait les éducateurs. En cela, il était bien un des « signes extérieurs de la jeunesse45 ». Cependant, les responsables, comme face à d’autres manifestations de cette nouvelle sociabilité, réaffirmaient certes les principes, mais se montraient tolérants dans les faits. Pour reprendre les propos du premier directeur cité, on « veillait à ce que les ébats ne soient pas trop indécents46 ».

La danse

  • 47 Le Robert signale son apparition vers 1965.

28Le flirt avait partie liée avec la danse. Toutes les MJC offraient des bals, sauteries, surprise-parties, surboums, puis lorsque le mot apparut, vers le milieu de la décennie des boums47. Elles contribuèrent à répandre le modèle de la surprise-partie, jusque-là pratiquée à domicile dans des milieux favorisés. Différence non négligeable toutefois : la surprise-partie supposait un tri des invités, qui ne pouvait avoir lieu dans l’espace semi-public qu’était la MJC. Cependant, les gêneurs pouvaient être écartés et, souvent, les surprises-parties semblent avoir été réservées aux seuls inscrits à cette « activité ». Les responsables de l’activité surprise-partie disposaient donc d’une forme de pouvoir arbitraire qui explique, sans doute, bien des tensions. En fait, les boums des MJC relevaient d’un genre intermédiaire entre la surprise-partie et le bal de jeunes ou la boîte de nuit qui se répandait alors en province : moins fermée que la première, la boum de MJC en partageait la musique exclusivement jeune, mais restait beaucoup plus accessible pour les moins âgés ou ceux dont les familles étaient suspicieuses. Elle était, en effet, surveillée par un directeur et se déroulait dans un lieu connu, souvent l’après-midi. Les MJC proposaient aussi des bals mais, selon un calendrier fixe, à la différence des boums : bal de rentrée, du nouvel an… ouverts aux adultes, surtout s’il s’agissait de bals des sociétés, comme dans les petites villes. C’était l’occasion de récolter des subsides pour la Maison, ce qui ne semble pas avoir été le cas des boums.

  • 48 Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 124.
  • 49 Celle, par exemple, des Jeunesses agricoles chrétiennes à leurs origines qui cherchaient à moralis (...)
  • 50 Marie-Thérèse Delanoue et alii. Rapport sur la situation et les difficultés d’animation au lendema (...)

29Directeurs et responsables élus des MJC adoptaient parfois une attitude franchement réprobatrice, allant jusqu’à les interdire. Ils pouvaient être appuyés, en cela, par la frange la plus militante des jeunes. Le grand nombre de boums mentionnées laisse cependant penser que, dans l’ensemble, les responsables adoptèrent une attitude conciliatrice. En cela, elles étaient un bon indice du niveau de tolérance ou d’ajustement auquel on parvenait au sein des Maisons, comme le montre l’exemple cité par Anne-Marie Sohn : des jeunes d’une MJC de Dijon avaient tant protesté que le directeur avait fini par diviser la salle qui servait pour les boums en divers boxes pour permettre davantage d’intimité48. D’autres, à l’inverse cherchaient à canaliser ou à moraliser la danse, reprenant une tradition ancienne49. Parfois, l’activité « danse moderne » participait de cet esprit : « fondée sur une progression, elle visait la qualité50 », c’est-à-dire l’apprentissage d’une technique, de la régularité, la découverte musicale… Elle visait donc à transformer une pratique spontanée en « activité ». Sans grand succès, semble t-il.

  • 51 Michel Amiot in Les jeunes et les adultes 1965, op. cit., p. 11.
  • 52 Anne-Marie Thiesse in Alain Corbin, L’avènement des loisirs 1850-1960, Aubier, 1995, p. 311.
  • 53 Ibid.
  • 54 Exemple : lors des rencontres inter-MJC du Tremblay en 1964, les MJC de Sarcelles, Courbevoie et P (...)
  • 55 Ce qui n’enlève rien à certains aspects moralisateurs, ni à l’identification du populaire à la « t (...)

30Les activités de danses folkloriques s’inscrivaient dans la même démarche. Elles étaient si largement répandues dans les Maisons, qu’elles suscitaient l’étonnement des observateurs51. Ces danses étaient pourtant pratiquées depuis longtemps par les associations de jeunesse et d’éducation populaire. Elles avaient été favorisées par des militants de gauche, dans l’avant-guerre, en particulier à la Ligue de l’enseignement, où l’on avait réfléchi à leur utilisation éducative. Mais cette promotion du folklore avait été également le fait de nostalgiques de l’Ancien régime, et l’on connaît le rôle que le folklore joua sous Vichy52. Le maintien et même le développement des activités folkloriques, dans l’après-guerre et au-delà, témoignent de leur succès auprès d’un large public. Il amène également à s’interroger sur la permanence de certains traits de l’éducation populaire, comme la recherche d’une hypothétique culture populaire authentique, d’une « culture modèle53 ». Il témoigne sans doute également d’une forme de nostalgie rurale et signale des aspects régressifs, sinon réactionnaires dans les projets d’éducation populaire. C’est, en tous cas, la signification qu’on est tenté aujourd’hui d’accorder à ce « folklorisme ». Reste qu’il convient toutefois, pour l’après-guerre, de s’interroger sur les formes de folklore qui étaient effectivement promues : plus qu’un folklore identitaire, c’est un folklore ouvert sur le monde qui prévalait dans les MJC des années cinquante et soixante. De ce point de vue, on peut noter une différence très nette entre les MJC rurales et les MJC urbaines. Si dans les premières, les activités pouvaient, parfois, faire référence à un répertoire local, ce n’était jamais le cas en ville. Les groupes interprétaient, le plus souvent, des danses de différentes origines : danses russes avec l’ensemble Karapiet à la MJC de Courbevoie, danses grecques, allemandes, catalanes54… La perspective se voulait internationaliste, à la manière des reportages qu’on trouvait dans Pas à pas ou dans le Courrier de l’UNESCO qui visaient à promouvoir la connaissance des civilisations, dans un esprit d’humanisme qui peut apparaître démodé aujourd’hui. L’esprit n’était pourtant pas bien éloigné des volontés actuelles de métissage culturel. Il était fort éloigné de la promotion d’un idéal réactionnaire, ou même nostalgique55.

  • 56 Marie-Thérèse Delanoue et alii, Rapport…, réf. cit.

31Le succès du folklore tenait à sa capacité de regrouper des jeunes, plutôt proches de la vingtaine, et des adultes et enfin de proposer une activité collective et surtout mixte, ce qui n’était pas si courant : en dépit de quelques progrès, les MJC restaient des lieux masculins. Cependant, plus personne ne songeait à remettre en cause la mixité, perçue comme un facteur de pacification générale des mœurs, en particulier masculines : « Les garçons – notaient des directeurs – ne se permettent que ce que permettent les filles56. »

Quels jeunes pour les MJC ?

  • 57 Parmi les exceptions : Aix en Provence qui doit se défaire de son image de « foyer étudiant ». Voi (...)

32La fréquentation des Maisons des jeunes et de la culture reflétait les transformations en cours parmi les jeunes. La proportion des « étudiants » c’est-à-dire des jeunes scolarisés progressait régulièrement : de 37 % en 1962, elle atteignait 44 % trois ans plus tard. Les étudiants, au sens restrictif du terme, étaient peu nombreux : absents dans les villes moyennes dépourvues d’universités, ils avaient dans les grandes villes des lieux de sociabilité spécifique qui les éloignaient des MJC57. Pour 1965, les statistiques indiquaient les éléments suivants, à prendre avec prudence :

Tableau 3. – Origine sociale des adhérents des MJC en 1962 et 1965.

Tableau 3. – Origine sociale des adhérents des MJC en 1962 et 1965.

Source : Statistiques de fonctionnement pour 1962 et 1965, AFF. La catégorie « divers » regroupait les femmes au foyer, les sans-emploi, et ceux qui auraient dû figurer dans une catégorie « origine non connue ».

  • 58 Rapport de stage, 1966, AFF, Paris.

33Le public des MJC était socialement diversifié et comprenait, en dehors des « étudiants », des ouvriers et des employés. Toutefois, il va sans dire que la composition, dans chacune des MJC, variait selon que l’on se trouvait à la Maison de Terville, créée à l’initiative de la société sidérurgique Lorraine-Escaut, de Saint-Germain-en-Laye ou encore à celle de Paris Bièvre, située boulevard Blanqui et fondée par des hauts fonctionnaires, médecins, universitaires qui habitaient un ensemble résidentiel. Cette MJC proposait comme thème de débats pour les jeunes en 1966 : « Les études de droit et leurs débouchés » et « Antoine et Cléopâtre58 ». L’idéal fixé par les responsables fédéraux, par les fondateurs des Maisons était, bien évidemment, celui d’un brassage des jeunes d’origines variées, des « manuels et des intellectuels », des « étudiants et des ouvriers ». Parions aussi qu’il s’agissait du désir, du rêve vague des jeunes eux-mêmes, toutes catégories sociales confondues. Reste que de l’idéal abstrait à la coexistence concrète, au sein d’un même équipement, il y avait un pas qu’il était difficile de franchir, comme le prouve l’histoire des équipements.

MJC et sociabilité juvénile

34Naissance, crise d’adolescence, endormissement, renaissance… Les responsables, bénévoles ou professionnels des MJC décrivaient l’évolution de leur Maison selon des cycles de vie. L’évolution de leurs associations n’était pas toujours, il est vrai, linéaire. L’enthousiasme de l’ouverture s’accompagnait d’inscriptions en masse, suivies parfois d’une chute tout aussi forte des effectifs, parfois aussi d’une fermeture de la Maison. Les premières années de certaines MJC furent chaotiques. Ici, le départ des initiateurs pour le service militaire ou l’université, là, les conflits entre associations, ailleurs, le manque de bonne volonté, passés les premiers mois, mettaient la Maison en péril. C’étaient là les écueils habituels de toute aventure collective, mais les Maisons butèrent plus souvent sur « les problèmes des bandes » ou « les problèmes du foyer » : la présence de jeunes qui refusaient d’entrer dans les activités, ou qui gênaient la vie de la Maison. Les plus beaux schémas se heurtaient alors à la dure réalité juvénile.

  • 59 Voir à ce sujet les analyses d’Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 85-100.
  • 60 Pas à pas, n° 151, mars 1965, p. 24-28, proposa un article « Construisez vous-même votre guitare é (...)
  • 61 Rapport de stage, MJC St-Egrève, 1967, dos. person. FRAG, Grenoble.

35La difficulté d’intégration des orchestres spontanés de jeunes était un exemple des difficultés auxquelles devaient faire face les MJC. La musique était, en effet, au cœur de l’identité « jeune » des années soixante : le « yé-yé » puis, dans une moindre mesure, la « pop », furent des facteurs d’unité générationnelle, face « aux croulants59 ». De multiples groupes d’imitateurs des « idoles » se formèrent. Dans leur recherche d’un lieu pour répéter, certains franchirent les portes des MJC, non sans mal : beaucoup de responsables manifestaient leurs réticences devant la faible qualité de cette musique. Au mieux, il ne pouvait, pour eux, s’agir que d’un préalable à une initiation musicale plus sérieuse60. Or celle-ci s’opposait au caractère spontané des pratiques des jeunes, où se manifestait une grande instabilité. Créations et séparations de groupes se succédaient à un rythme rapide. Parfois, le groupe tentait de monnayer ses prestations. Plus souvent, les orchestres fuyaient la Maison. Venus à la recherche d’un lieu pour répéter, d’un lieu pour vivre aussi en bandes, entre garçons et filles, les jeunes « yé-yés » refusaient les contraintes imposées par la vie de la Maison, comme le constatait amèrement un jeune directeur qui s’était efforcé d’intégrer un orchestre dans sa MJC de la banlieue grenobloise : « Au bout de quelques jours, le matériel avait discrètement quitté la Maison. Il semblerait, après avoir rencontré plusieurs membres du groupe, qu’il se soit dissous. Mais est-ce la vraie raison61 ? »

36Tel était le dilemme auquel étaient confrontés les responsables des MJC qui devaient prendre appui sur la sociabilité naturelle des jeunes, pour l’orienter vers des pratiques conformes à leur idéal éducatif : engagement, autonomie, respect mutuel… Si leurs exigences étaient trop grandes, ils risquaient de les faire fuir. Si, à l’inverse, ils cédaient trop aux tendances spontanées, leur action était réduite à néant. La barrière ou le niveau… Éternel dilemme auquel est confrontée toute action éducative.

MJC et bandes

  • 62 Françoise Tétard, « Le phénomène blousons noirs en France fin années 50-début années 1960 », in (...)
  • 63 Entretien avec Élisabeth Vandermoere.
  • 64 Pas à pas et dos. pers. de X.
  • 65 Exemple : Blois. Entretien avec Gérard Kolpak et rapport directeur, 1961, FRMJC Lorraine, Nancy.
  • 66 Rapport de directeur, dos. pers. FRMJC IDF, Paris, boîte 57.
  • 67 Seule structure administrative avant la mise en place de l’association MJC : un comité de gestion (...)

37Les assauts des bandes, « des blousons noirs » pour reprendre la terminologie qui connut son apogée entre 1959 et 196662 furent typiques de la première moitié des années soixante, surtout dans les MJC des plus grandes villes : à Paris Charonne (XXe), Maurice Ravel (XIIe), Lyon États-Unis, Nancy Haut-du-Lièvre, dans l’agglomération lilloise63 ou encore à Reims Maison-Blanche, ou Rennes Cleunay en 196364. Des MJC de villes moyennes furent aussi touchées par le phénomène65. Passées les années 1965-66, la mention de blousons noirs devint plus rares. Était-ce là le signe d’une évolution de la déviance juvénile ? Ou de ses modes d’appréhension par les éducateurs ? La raréfaction des allusions aux bandes, dans les archives, après 1965-66, nous paraît constituer, surtout, l’indice de la « stabilisation » des équipements. Dans les grandes villes ou les villes moyenne, ceux-ci furent ouverts, pour l’essentiel, au cours de la première moitié de la décennie. Aussi, si des bandes perduraient après le milieu des années soixante, avaient-elles trouvé d’autres cibles que les équipements neufs. Surtout, les responsables des Maisons avaient appris, à leurs dépens, la vulnérabilité des équipements. En milieu urbain, l’espoir d’une animation prise en charge par les jeunes eux-mêmes, sans intervention de responsables adultes ne résista pas longtemps à la confrontation à la réalité. L’animateur, professionnel de préférence, et formé à sa tâche, devenait indispensable. Même dans une petite ville comme Altkirch, les autorités s’étaient inquiétées de voir des jeunes qui « livrés à eux-mêmes au sein de la MJC, avaient transformé la Maison en lieu de rendez-vous, où les soldats tenaient une grande place », présence d’une garnison oblige66. Elles avaient fermé la MJC, avant l’arrivée d’un directeur. Certaines erreurs commises dans des MJC parisiennes, comme à Charonne, rappellent les défaillances de fonctionnement des MJC à leurs débuts. Pendant près d’une année, ce vaste équipement avait fonctionné sans structure associative, mais surtout sans animateur67. L’arrivée de deux directeurs, en septembre 1963 s’accompagna de vives tensions avec les jeunes qui avaient développé leur sociabilité « spontanée » :

  • 68 Rapport de stage à la MJC Paris Charonne, jan. 1964, dos. person. AFF.

« Les usagers, ayant envahi la MJC dès son ouverture, n’acceptaient que très difficilement une discipline intérieure : pas de luttes, respect du matériel, respect des affaires des autres, tenue générale à améliorer, obligation de la carte d’adhérent. Il a été nécessaire de demander à certains jeunes de ne pas revenir : jeunes qui volaient, brisaient ou s’opposaient par tout moyen à l’influence de l’éducateur sur l’adolescent qui fréquente la MJ68. »

  • 69 Propos rapporté dans son rapport par Jean-Claude Leroyer, dos. person. FRAG, Grenoble.

38Contre les tendances « naturelles » des jeunes, les directeurs entendaient développer une action éducative qui s’accompagnait le plus souvent de la fermeture de fait de l’équipement à ceux qui refusaient les règles. À Toulouse Empalot, le président de la MJC se justifiait, en ces termes : « Nous avions à choisir entre la liberté de quelques jeunes qui en abusaient systématiquement et la confiance de tout un quartier : nous avons choisi la confiance69. » Ce qu’un autre directeur exprimait ainsi :

  • 70 Rapport de stage à la MJC de Lyon États-Unis, 1963, dos. person. AFF, Paris.

« Les bandes éliminées, il faut contrôler discrètement les usagers, vérifier les cartes, ce qui demande la présence assidue du personnel éducatif aux heures de pointe, dans les lieux de fréquentation (foyer, couloirs). Le travail consiste donc, une fois la connaissance des jeunes faite, à distinguer, parmi eux, celui qui vient pour pratiquer une activité de celui qui ne cherche qu’une occasion de chahut. Ce dernier, après des avertissements amicaux se trouvera placé devant l’alternative suivante : ou participer à une activité ou ne plus se présenter à la MJ70. »

  • 71 La FFMJC, comme d’autres associations, reçut de la Régie Renault un lot de 4 CV détériorées.

39Lorsque les « durs » demeuraient dans la Maison, leur intégration se faisait par la pratique d’activités sportives, comme la boxe, la lutte, ou encore les loisirs de plein-air : spéléologie, kayak… D’autres éducateurs proposaient des travaux manuels, en particulier de mécanique, avec des ateliers pour réparer les deux roues, les 4 CV ou plus rarement du karting, dont le coût restait prohibitif pour les MJC71. Ces tentatives n’allaient pas sans mauvaise conscience chez les directeurs, comme le prouve la réflexion de l’un d’entre eux, qui s’était chargé de labande dite des « vieux-États », à Lyon États-Unis :

  • 72 Rapport de stage à la MJC Lyon États-Unis, 1962, dos. person. AFF, Paris.

« J’ai contribué en amenant les tôliers, les ajusteurs et autres à l’atelier, à recréer dans la Maison la même structure sociale que dans la société. Je n’ai pas lieu d’en être fier. Prendre un balai est certes profitable aux intellectuels mais pas aux balayeurs72. »

40Globalement, ces tentatives d’intégration « des durs » ne donnaient que des résultats modestes. L’insistance avec laquelle certains rapports mettaient en avant les réussites, conformes aux canons pédagogiques, doit rendre méfiant quant à l’étendue des succès :

  • 73 Rapport de stage, MJC parisienne, 1964. Dos. person. AFF, Paris.

« Il s’est produit à l’échelon des bandes une dislocation. Le chef de bande, dans la Maison, perd un peu de son emprise sur ses acolytes qui souvent préfèrent la vie de la communauté dans le foyer… Ainsi des jeunes sont venus s’inscrire seuls, en cachette de leurs copains, afin d’échapper à la bande signe d’une dissociation, d’une recherche d’un autre climat, plus stable peut-être. Peu à peu, l’atmosphère de la MJ change, elle progresse vers la sociabilité73. »

  • 74 Rapport de stage, 1964, dos. person., AFF.
  • 75 Exemples : Caen le Calvaire Saint-Pierre où un directeur affirmait qu’il était « impossible de pro (...)
  • 76 Référence de 1965, égarée, figurant dans un dossier de directeur, FRMJC Ile de France ou AFF, Pari (...)

41Ceux-ci tenaient à la personnalité d’un directeur, d’un animateur, parfois aussi d’un groupe de jeunes. Un départ, « un incident » suffisaient à remettre en cause un fragile équilibre. « L’allergie aux activités74 », pour utiliser la formule d’un directeur avait vite fait de reprendre le dessus. Différents cas de figure étaient alors possibles. Première configuration, relativement rare : la MJC était abandonnée « aux durs » et orientait son action vers des méthodes proches de celles des éducateurs de rue, avec un travail par petits groupes, la pratique d’activités physiques et la tolérance de certaines formes de déviance75. Deuxième cas de figure, peu courant lui aussi : la fermeture totale du foyer et l’accès de la Maison réservé aux seuls jeunes qui entraient dans la logique d’activités régulières, à horaires fixes et à contenu déterminé. Restait le cas le plus fréquent : les jeunes allergiques aux activités étaient tolérés dans le foyer où ils trouvaient éventuellement avec les baby-foot, tables de ping-pong, flippers parfois, de quoi s’occuper, tandis que les autres jeunes s’intégraient, c’est-à-dire participaient aux activités. La vie de la MJC reposait donc sur la coexistence, plus exactement la juxtaposition, de deux types de publics, l’un jouant le jeu des activités, l’autre le refusant, sans perturber trop gravement le fonctionnement de la Maison. Inutile d’ajouter que cette coexistence était, par nature, instable et que les tensions étaient vives entre « snobs » et « pirates », pour reprendre la terminologie utilisée par les jeunes à la MJC de Corbeil-Essonnes76. De nombreux « glandeurs » – une expression qui apparut au cours des années soixante – s’excluaient progressivement d’eux-mêmes de la Maison, laissant libre place dans le foyer aux autres jeunes.

Quels objectifs pour les MJC ?

42« Les durs », « les blousons noirs », les « glandeurs » : autant d’expressions qui désignaient des jeunes de milieu populaire, généralement entrés dans la vie active, que les MJC parvenaient mal à intégrer, à la différence des « lycéens », qui formaient la masse sans cesse croissante des adhérents. L’idéal proclamé du brassage des publics était sérieusement malmené, et ce, dès le milieu des années soixante. Les rapports des directeurs en témoignaient de manière éloquente et parfois douloureuse. Le rôle attribué aux Maisons était donc mis en question. Quels étaient, en effet, les objectifs fixés aux MJC ? S’agissait-il de prévenir la délinquance ? D’offrir, aux jeunes qui le souhaitaient, des activités socialisantes ? De fournir une éducation communautaire, « un civisme pour notre temps » ? Ou encore de permettre un complément culturel après le temps de l’école obligatoire ?

  • 77 L’Écho-Liberté, 19/11/1964, cité par Claude Canard Volland « La MJC de Lyon Monplaisir 1961-1977 » (...)
  • 78 Françoise Tétard, La co-gestion promue par Maurice Herzog : un modèle ?, rapport de recherche FNDV (...)
  • 79 Ibid. Dès 1962 cependant, la fédération présentait des difficultés de fonctionnement.
  • 80 Jeunes d’aujourd’hui…, op. cit., p. 297, indiquait un effectif de 78 en 1966.
  • 81 En 1961-62 et 1962-63. Vincent Peyre et Françoise Tétard, Des éducateurs dans la rue, histoire de (...)
  • 82 Pas à pas, et Rapport de stage de Jean-Claude Leroyer, réf. citée.

43Dans l’esprit du grand public, comme dans celui des élus locaux, les Maisons des jeunes étaient bien destinées à prévenir l’apparition des « blousons noirs ». Beaucoup auraient repris à leur compte les propos de Louis Pradel, maire de Lyon, qui avait « construit des MJC pour sortir les gosses de la rue, pour qu’ils ne deviennent pas des blousons noirs et qu’ils aient d’autres activités que de casser [ses] becs de gaz77 ». Le moment choisi par Maurice Herzog pour lancer son appel aux maires, à la fin de « l’été des blousons noirs », avait contribué à accréditer cette idée. Le haut-commissaire se voulait, en effet, « le ministre de toute la jeunesse » et affirmait que « l’écart [était] faible entre la jeunesse dite normale et la jeunesse dite en danger moral78 ». Les MJC avaient, toutefois, pour fonction d’agir en amont de la délinquance, c’est-à-dire d’agir sur les jeunes « sains » afin d’éviter qu’ils ne deviennent des « blousons noirs ». Pour les jeunes « en danger », « pré-délinquants », Maurice Herzog préconisait le développement des Clubs de prévention. Il avait, pour cela, incité ces clubs à se regrouper dans une fédération agréée auprès de la Jeunesse et Sports en octobre 195979. Deux institutions de prise en charge différentes existaient donc en parallèle. Elles s’enracinaient dans deux traditions : l’une proche des milieux judiciaires et philanthropiques, l’autre des milieux éducatifs. Les MJC connurent un développement beaucoup plus rapide que celui des Clubs de prévention, avec lesquels une collaboration était prévue80. Pendant deux années, la FFMJC a ainsi formé, à son stage de Marlyle-Roi, des directeurs de clubs de prévention81. Localement aussi, des actions communes furent menées, comme à Rennes ou, plus difficilement, dans des MJC parisiennes82. Cependant, dès 1964-1965, les responsables sur le terrain pouvaient faire le constat que cette collaboration était difficile. Ils remarquaient surtout que les MJC parvenaient difficilement à intégrer « les jeunes à problèmes ». Au même moment, les Clubs et équipes de prévention retournaient sous la tutelle du ministère de la Santé. Seuls, les jeunes « normaux » relevaient désormais de la Jeunesse et Sports et donc des MJC.

44Il est intéressant de constater le parallélisme entre l’évolution institutionnelle et les transformations sur le terrain. Vu d’en haut, du côté des administrations parisiennes, on serait tenté de ne voir dans la difficulté à faire collaborer Clubs de prévention et MJC que les effets d’une guerre institutionnelle. Toutefois, l’examen de ce qui se passait « en bas », sur le terrain, incite à relativiser ce poids des logiques purement administratives. Les acteurs locaux, certes s’inscrivaient eux aussi dans une tradition, une histoire ; mais ils s’efforcèrent de promouvoir une action globale, concertée, d’autant plus que, pour les élus locaux la logique de l’équipement primait, quelle que fût sa finalité. Or, dès le milieu des années soixante, les faits prouvaient que, sauf exception, deux approches bien distinctes s’imposaient et que la collaboration était difficile entre elles. L’idéal d’un équipement global, s’adressant à tous les publics, rêve des élus locaux, était malmené.

  • 83 Le Monde, « Un colloque sur le développement culturel », 7 nov. 1964.

45Les responsables des MJC n’avaient certes jamais prétendu s’attaquer au problème de la délinquance juvénile. Ils étaient trop sensibles, le président André Philip en tête, aux dangers de ce qu’ils appelaient le paternalisme. Il furent bien cependant, confrontés à la délinquance dans les équipements. Bien plus grave, plus douloureux surtout, fut pour eux le constat de la difficile cohabitation des publics au sein des équipements, même une fois les bandes exclues : les MJC recrutaient d’abord des lycéens et une frange plus réduite de jeunes travailleurs, surtout si l’on considérait les grandes agglomérations et parmi les travailleurs, les ouvriers. Dès 1964, Le Monde rapportait les propos tenus lors du Colloque de Bourges, par un responsable de la Ville de Paris qui relevait les difficultés éprouvées par les Maisons à mêler les publics83. Les responsables fédéraux réagirent vivement à ces propos et s’inquiétèrent de la politique du quotidien à leur égard. Pourtant, « sur le terrain », certains directeurs et responsables bénévoles faisaient part de leurs difficultés face à l’ampleur des problèmes qu’ils avaient à affronter.

Un projet civique : de l’usager au conseiller de Maison

  • 84 Expression d’un directeur. dos. pers. J. L. D., arch. FRAG, Grenoble.

46Vues sous l’angle où elles ont été présentées jusqu’ici, les MJC n’étaient guère plus que des patronages d’un genre nouveau que les responsables des Maisons dénonçaient comme dérive possible de leur projet mal compris. Mais l’objectif de la Maison était justement de « sublimer ces motivations de base84 » pour faire participer l’individu, de façon graduelle, à l’émergence d’une communauté.

Usagers et adhérents

  • 85 Le plus critique étant Émile Copferman, nous l’avons vu (voir supra p. 65).
  • 86 Claude Dufrasne (dir.), Aspects de la jeunesse…, op. cit. p. 289.

47Les Maisons étaient ouvertes à tous, sans limitation d’âge, ni obligation d’adhérer à l’association. Un nombre important de jeunes fréquentaient le foyer de la MJC, sans aucune forme d’inscription. Cependant, cette pratique trouvait ses limites, ne serait-ce que lorsque des incidents se produisaient avec des bandes. L’autre limite tenait aux exigences légales. La pratique des activités nécessitait une assurance qui était comprise dans l’adhésion à la MJC. Cette adhésion modique – 10 F en moyenne à la fin de la décennie – valait pour toutes les activités, sauf exception décidée par le conseil de Maison. Les responsables insistaient sur la différence de motivation qui guidait les jeunes vers la MJC ou vers le mouvement de jeunesse. Dans ce dernier cas, c’était selon eux la défense d’un idéal de vie qui poussait à l’adhésion. À l’inverse, les jeunes qui ne voulaient pas se laisser enfermer dans un seul cadre, qui étaient à la recherche de camaraderie franchissaient les portes de la MJC. Beaucoup de militants des mouvements de jeunesse utilisaient d’ailleurs ces mêmes arguments, mais en les retournant contre les MJC, pour dénoncer leur absence d’idéal éducatif85. On comprend dès lors, l’emploi opposé qui était fait du terme usager dans les deux cas. Pour les mouvements de jeunesse, la notion « d’usager » était soit, proscrite, soit au mieux perçue comme une dérive, que l’évolution des comportements de la jeunesse rendait cependant difficilement évitable. En 1950, les auberges de la jeunesse avaient ainsi créé une « carte d’isolé » pour ceux qui souhaitaient bénéficier des prestations des auberges, sans obligation militante en contrepartie86. Les MJC revendiquèrent toujours au contraire la notion d’usager, qui figurait officiellement, dès l’origine, dans leurs statuts et qui était le corollaire de l’affirmation de la MJC comme service public. Toute Maison rendait un service et avait donc des usagers.

  • 87 Claude Dufrasne, Étude…, op. cit., p. 79-82.

48Au-delà de l’affirmation rituelle de l’opposition entre mouvement et institution, entre militants et usagers, on peut toutefois se demander si les motivations qui amenaient des jeunes à la MJC étaient si différentes de celles qui les conduisaient vers un mouvement de jeunesse. Claude Dufrasne, étudiant les mouvements de jeunesse, examinait « les raisons de l’adhésion » et s’efforçait d’établir les motivations des jeunes. Or, à toutes les époques, le principal motif était, dans plus de 50 % des cas, la rencontre de camarades87. Ce premier constat conduisait l’auteur à transformer sa question initiale et à se demander non plus pourquoi le jeune venait dans un mouvement, mais pourquoi il y restait. Dans la majorité des cas encore, les réponses mettaient en valeur « le climat », « l’atmosphère générale ». Les préoccupations idéologiques explicites n’étaient donc pas primordiales : il n’y avait donc pas une différence de nature entre la démarche du jeune qui allait à la rencontre d’un mouvement de jeunesse et la démarche de celui qui entrait dans une MJC : tous deux étaient à la recherche d’une forme de sociabilité. Sous cet aspect, la différence canonique entre mouvement et institution perdait singulièrement de sa consistance.

  • 88 Ibid.
  • 89 Les dossiers de directeurs des années soixante-dix regorgent de lettres de recommandations ou d’ap (...)

49Il est même possible d’aller plus loin : la démarche pédagogique des MJC ne s’opposait pas à celle des mouvements. Elle en demeurait assez proche. Certes, chaque mouvement de jeunesse mettait en avant la spécificité irréductible de son modèle éducatif. Mais, au-delà de chaque idéal pédagogique, bien des points communs apparaissaient : la prise en compte volontaire ou forcée de la sociabilité juvénile, l’initiation progressive, l’objectif d’intégration à une communauté qui devait, en même temps, permettre l’affirmation de l’autonomie du sujet. Ajoutons aussi l’émergence d’élites. Tous ces éléments figuraient dans la démarche pédagogique des MJC qui s’inscrivaient, donc, davantage dans le prolongement des mouvements de jeunesse que dans une logique de rupture avec eux : les MJC s’efforçaient d’étendre leur modèle pédagogique à l’ensemble des jeunes, par l’ouverture à tous du foyer ou des activités. Sans doute, les MJC à l’image de « certains mouvements s’efforçaient-elles d’ouvrir plus largement leurs portes en donnant plus et en demandant moins aux jeunes88 ». Mais l’objectif final restait bien de transformer l’usager en adhérent, puis, à un degré supérieur, en « militant MJC », voire en « pur produit MJC », selon l’expression utilisée pour désigner les jeunes directeurs issus du militantisme au sein des Maisons89. La différence était non de nature, mais de degré. C’est ce processus conduisant de l’usager au militant MJC qu’il faut maintenant étudier.

De l’activité au conseil de Maison

50Au départ de toute démarche pédagogique dans la MJC : les activités, y compris les activités informelles qui pouvaient se développer dans le foyer. Outre leur valeur intrinsèque tant pour l’individu que pour la collectivité, elles avaient, sur un plan fonctionnel, vocation à faire apparaître les leaders, ceux qui par leurs qualités, leur charisme allaient émerger de la masse des adhérents pour l’animer et l’aider à se transformer en communauté. Ces leaders devaient s’organiser en conseil de Maison, institution qui représente l’aspect le plus original de la pédagogie des MJC.

  • 90 Entretien avec Paul Jansen et Jean-Claude Leroyer, Les adhérents de la MJ de Romans dans la résist (...)
  • 91 Claude Dufrasne, Une page oubliée de l’histoire de l’éducation : le mouvement ajiste, 1993, p. 23.

51Sur ses origines, nous ne savons guère de choses précises. Pendant l’Occupation, Paul Jansen en avait mis un en place dans sa MJ de Romans90. D’autre part, l’idée d’un conseil communautaire, destiné à permettre l’initiation des jeunes aux responsabilités, n’était ni nouvelle, ni très originale. Ce qui l’était davantage, c’était de généraliser la formule et de l’intégrer à l’ensemble institutionnel que constituait une MJC. Le principe en avait été posé en 1948, mais ne fut étendu que progressivement. Albert Léger et Paul Jansen jouèrent un grand rôle dans leur établissement, comme dans toutes les constructions institutionnelles fédérales. Ce conseil avait différentes fonctions. La plus évidente était celle que ses concepteurs lui attribuaient : permettre le « self-government » des jeunes. À l’origine, le CM avait aussi pour rôle de permettre aux représentants des mouvements d’être associés à la marche des MJC, en particulier à la gestion des salles mises à leur disposition. Étant donné la marginalisation des mouvements au sein des Maisons, cette fonction, essentielle dans la genèse du dispositif, avait perdu sa raison d’être. La dernière fonction du CM n’a jamais, à notre connaissance, été revendiquée par les concepteurs de manière explicite. Elle a pourtant été un des facteurs décisifs de sa mise en place. Il ne fait aucun doute, en effet, que cette création répondait aussi à la volonté d’éviter que ne se reproduise dans les MJC, l’expérience de l’ajisme au sein des auberges de la jeunesse. Pour résumer très schématiquement : l’ajisme, perçu parfois comme une forme d’anticipation de l’autogestion, était apparu à partir de 1935, lorsque de jeunes militants revendiquèrent la gestion des auberges par les adhérents, dans un contexte d’affirmation de valeurs libertaires. Le conflit prit la forme d’une opposition entre ajistes, jeunes utilisateurs, et les conseils d’administration composés de notables accusés par les jeunes de paternalisme91. S’il ne se réduisait pas à une question générationnelle, il n’en demeurait pas moins fortement marqué par cette optique. Or, Albert Léger, et les autres responsables étaient de trop bons connaisseurs de l’histoire de l’éducation populaire pour ne pas avoir pris en compte ce précédent.

  • 92 Voir Notes et règlements de la FFMJC, Paris, FFMJC.

52Le conseil de Maison, « conseil d’administration pour les jeunes », était-il donc destiné à éviter les conflits, en particulier les conflits des générations entre jeunes usagers et membres des conseils d’administration ? Cette interprétation, qui avait cours dans les milieux des auberges de jeunesse, était superficielle et partiellement injuste. Ni Albert Léger, ni André Philip ne niaient le caractère nécessairement conflictuel des institutions démocratiques. Le CM était bien plus destiné à orienter les inévitables antagonismes afin d’en faire un instrument d’éducation et de favoriser un équilibre des pouvoirs. Aussi, une disposition statutaire impliquait-elle qu’un tiers des membres élus du conseil d’administration soit choisi parmi les membres du conseil de Maison, afin de permettre, à la fois, la confrontation entre jeunes usagers et conseil d’administration, et le mélange des âges92. L’objectif était de favoriser la présence des jeunes adhérents au CA, mais aussi, en retour, de mêler les âges au sein du CM. En effet, la loi de 1901 sur les associations stipulait que seuls les membres de plus de 18 ans avaient le droit d’y siéger. Un CM devait donc comporter un nombre suffisant de conseillers de plus de 18 ans pour pouvoir remplir les conditions statutaires, ce qui supposait, le plus souvent, que des majeurs se fassent accepter des plus jeunes, la réciproque étant aussi vraie.

53On retrouvait ainsi au niveau de la Maison le souci de la balance ou de l’équilibre des pouvoirs, qui était l’un des traits marquants de la fédération. Il était résumé sous le terme cogestion, qui, avant de servir à désigner les relations entre le personnel salarié et la fédération, ou encore entre les pouvoirs publics et la fédération, définissait les rapports, au cœur de la MJC, entre ses différentes composantes : membres de droit (municipalité, Jeunesse et Sports, délégué régional) membres associés, représentants des adhérents (majoritaires au sein du CA) et jeunes du conseil de Maison.

  • 93 Exemple Tourcoing les Orions en 1967. Rapport sur les CM des MJC du Nord, dos. pers. arch FRMJC Il (...)
  • 94 Les jeunes et les adultes… 1966, op. cit., p. 61.

54Concrètement, le conseil de Maison, après avoir rédigé son règlement intérieur et celui de la Maison, avait vocation à gérer le planning des activités, à assurer des permanences en l’absence du directeur, à permettre la réalisation de manifestations communes aux différentes sections de la MJC, à s’occuper de l’information dans la Maison, ainsi que de la propagande à l’extérieur. La rédaction du journal de la MJC relevait typiquement de sa compétence, tout comme l’organisation des fêtes. Plus rarement, le CM pouvait avoir un budget à gérer93 : « Même une crise financière est éducative » notait un document fédéral94. Enfin, ses attributions comportaient toujours l’admission des nouveaux membres. Cette dernière fonction signifiait surtout que le CM se prononçait sur les exclusions, à l’occasion desquelles certains membres faisaient l’expérience de la prise de responsabilité et de ses conséquences. Les conseillers avaient enfin obligation de rendre des comptes aux usagers. Si le conseil devait toujours comporter un président, sa structuration interne était laissée au choix de ses membres. Chaque année enfin, le CM adressait son rapport au siège fédéral, par l’intermédiaire du délégué régional. Cette procédure devait être l’occasion de faire le point sur les difficultés et progrès de l’année écoulée. Pour la fédération, ce document servait au contrôle des résultats. Une publication « Les jeunes et les adultes » en analysait les grandes tendances et fournissait, en retour, exemples et recommandations aux MJC. Afin de stimuler l’ardeur des conseillers de Maison, des bourses de voyages récompensaient les meilleurs rapports.

  • 95 Notes et règlements…, op. cit., p. 50.
  • 96 Les conseils… en 1964, op. cit., p. 24.-25.
  • 97 Notes et règlements…, op. cit.
  • 98 Albert Léger in Pas à pas, n° 100, déc. 1959, p. 9.
  • 99 Les conseils de Maison, brochure, retirage de janv. 1960 et Jeunes et adulte, édit. 1964, p. 7.

55Ce « self-government » des jeunes était encadré, puisque, précisaient les instructions, « ses décisions – ou du moins les plus importantes – […] étant soumises à l’approbation du directeur et du CA, les tentatives par trop téméraires seraient bloquées par des veto95 ». Le directeur avait, de plus, le pouvoir, en accord avec le CA et le délégué régional, de dissoudre un conseil de Maison en cas de troubles graves. Cette procédure ne restait pas uniquement théorique : la brochure « Les Jeunes et les adultes » relevait pour 1963 le cas de la MJC de N… (vraisemblablement Nancy Haut-du-Lièvre), où deux conseils de Maison successifs furent dissous, dans un contexte de prise de la Maison par des bandes96. Précisons aussi qu’en période de création de la MJC, les responsables pouvaient être choisis par le directeur97. La liberté encadrée, le côté « enfant sage » du conseil de Maison peuvent faire sourire. Le formalisme, la pédagogie du rapport et de la circulaire aussi. On aurait tort cependant de sous-estimer l’audace du CM et les valeurs pédagogiques de la formule : les responsabilités qui étaient accordées aux jeunes dans ce cadre, dépassaient largement ce qui leur était permis dans le monde scolaire (et ce qui l’est encore aux lycéens), sans parler de la condition des jeunes travailleurs. Par rapport aux mouvements de jeunesse, au scoutisme en particulier, dont il était alors à la mode de dénoncer « les jeux stériles », le conseil de Maison présentait l’avantage de reposer sur le fonctionnement concret d’une MJC. Il donnait aux jeunes « des responsabilités à leur échelle98 » : « La liberté ne se prêche pas : elle s’acquiert par l’exercice », affirmaient les documents fédéraux99.

  • 100 Les jeunes et les adultes… en 1965, op. cit., p. 28.
  • 101 Les jeunes et les adultes… 1966, op. cit., p. 54.

56L’histoire des CM telle qu’on peut l’appréhender à travers les archives se révèle fort diverse. Sans doute les échecs ou semi-échecs furent-ils plus nombreux que les franches réussites : l’un des mérites des documents fédéraux était de ne pas les taire. Plus encore que les autres activités des MJC, ces conseils souffrirent de l’instabilité de la jeunesse : les effets des départs au service militaire ou à l’université étaient exacerbés. Nombreux furent les CM à connaître le sort de celui de Mérignac, en 1964, où quatre conseils se succédèrent en un an et où, relevait un responsable fédéral, « on était tout content que le troisième ait tenu six mois comme un ministère de la IIIe République100 ». La nécessité de consigner un compte-rendu des réunions dans un registre était lourde et vite décourageante. Dans un certain nombre de MJC, la disposition statutaire qui exigeait que le tiers des membres élus au CA soient issus du CM, n’était pas respectée, ou alors, elle était détournée, le CM se transformant pour l’occasion en conseil où siégeaient des responsables adultes d’activités. À l’inverse, la MJC de Romans Robert Martin était citée en exemple, avec 14 jeunes adultes représentant le CM au conseil d’administration sur un total de 24 membres, dont 7 siégeaient en plus au bureau. Ce modèle était sans doute difficilement imitable. Ici, l’une des clés de la réussite était la présence d’un foyer de jeunes travailleurs qui offrait une clientèle toute trouvée pour le CM. Parmi les autres facteurs de cette réussite figurait surtout l’ancienneté de la MJC qui permettait un renouvellement progressif des conseillers, évitant les ruptures, lors des passages de témoins, si préjudiciables à la vie de toute structure élue. Plus encore que parmi les simples adhérents des MJC, les garçons dominaient : une présidence assurée par une fille était un événement si rare qu’il était relevé101. D’autre part, la tenue générale des rapports de fin d’année laisse deviner une rédaction par des étudiants fréquentant les universités ou les classes terminales des lycées qui formaient la masse des responsables des CM, surtout à la fin de la période. Pourtant les salariés n’étaient pas absents des conseils : employés, mais aussi ouvriers, techniciens, plus âgés que les scolaires (autour de la vingtaine).

  • 102 Stages d’Annecy ou de Lyon en nov. 1963 (arch. FRAG) et Le Progrès (édit. Annecy) 27 et 29/11/1963

57Pour former les conseillers de Maison, la FFMJC avait recours à la formule des congés-cadres de jeunesse qui offrait à des jeunes engagés dans la vie active, la possibilité d’obtenir une semaine de congé pour participer à un stage auprès d’instructeurs dans les domaines du théâtre, de l’animation de réunion ou encore de la photographie. La formule fut surtout pratiquée dans le Sud-est102. Dans les régions où le nombre des MJC était suffisamment important, des week-ends de formation réunissaient parfois les responsables des conseils de Maisons, comme lors des rencontres du Tremblay en région parisienne.

  • 103 Beaux exemples dans Pas à pas n° 148, nov. 1964.
  • 104 Esprit venait de publier un numéro spécial sur le temps des copains.
  • 105 Pas à pas, n° 148, nov. 1964, p. 24.
  • 106 Jean-François Sirinelli, Les baby-boomers, une génération 1945-1969, Fayard, 2003, p. 98-106.

58Quelles étaient les motivations des jeunes qui participaient à des rencontres comme celles-ci, et plus généralement à la vie des CM ? D’abord le goût du débat, de la discussion sérieuse entre individus partageant les mêmes valeurs ; le goût de la prise de parole, de la posture militante103, mais aussi, le goût de l’échange, de la joyeuse improvisation pour l’hébergement et la restauration. Le goût enfin de la collectivité, le plaisir d’être ensemble, mais hors de l’anonymat qui pouvait être celui des grandes MJC. Au Tremblay, en mai 1964, des spectacles complétaient la rencontre : à ceux proposés par les MJC, s’ajoutait la présence de Francesca Solleville et de Pierre Debauche. Le « clou » de la rencontre fut un débat avec Jean-Marie Domenach et divers responsables de journaux de jeunes autour du thème des copains et du yé-yé104. La discussion tourna autour de l’importance du « yé-yétisme » dont les participants estimaient que Jean-Marie Domenach exagérait l’importance : la jeunesse restait, selon eux, concernée par les « vrais problèmes », par opposition aux futilités du yé-yé, dont les participants estimaient cependant qu’il « correspondait au besoin des jeunes de se singulariser105 ». On retrouvait, dans ce débat, cette situation d’extériorité tolérante par rapport aux « jeunes », c’est-à-dire aux « autres », ceux qui ne se reconnaissaient pas dans le modèle que voulaient incarner les jeunes des CM, celui d’une jeunesse militante, soucieuse de loisirs de qualité que la chanson à texte, celle de Francesca Solleville ou d’autres, symbolisait. En cela, ces jeunes étaient proches des générations antérieures qui fréquentaient les mouvements de jeunesse. Compte tenu de la date du débat, il était vraisemblable aussi que les jeunes présents appartenaient aux générations immédiatement antérieures à celle du baby-boom, extérieures à la nouvelle culture jeune, qui s’épanouissait avec leurs cadets106.

  • 107 Voir les pages d’Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 279 sq.

59Ils s’en distinguaient cependant sur un point : la recherche de « l’adulte proche », de « l’adulte compréhensif » quête qui, plus que le seul conflit de générations, permet de comprendre les rapports entre jeunes et adultes au cours des années soixante107. Les mouvements de jeunesse reposaient sur l’auto-éducation entre jeunes, par classe d’âge. La pédagogie en œuvre dans les MJC reprenait, pour une part, cet héritage pour le fonctionnement des activités. Cependant, elle s’en distinguait en intégrant des adultes dans le fonctionnement des Maisons, dans la confrontation entre CM et CA. D’autre part, de nombreuses MJC avaient organisé, au début des années soixante, des cycles en collaboration avec l’École des parents. Le plus souvent il s’agissait de conférences faites par des médecins ou des psychologues. Parents et « enfants » étaient réunis séparément, avant une assemblée plénière où tous se retrouvaient. Plus rarement, ces cycles prenaient la forme d’une réalisation, souvent un montage audio-visuel, ayant pour thème les rapports familiaux. Si ces manifestations rencontrèrent du succès auprès des parents, leur influence sur les jeunes est impossible à évaluer. On peut imaginer sans peine qu’elle fut réduite, en tous les cas bien plus faible que les médiations mises en œuvre par les directeurs lorsqu’ils jouaient les intermédiaires entre jeunes et parents.

  • 108 Rapport de directeur publié comme modèle en 1967. arch. Lucien Trichaud, AUN.
  • 109 Exemples : ville moyenne de Bretagne 1964-65 où le conflit avec la directrice semble avoir pris un (...)
  • 110 Les jeunes et les adultes 1966…, op. cit., chap. 6, p. 265-297.

60« Les relations d’un directeur de MJC avec les usagers vont de la poignée de main à la conversation intime », notait l’un d’entre eux108. Beaucoup de directeurs répugnaient à ce rôle de médiateurs avec les parents, mais ils étaient bien contraints et forcés de l’assumer, lorsque des jeunes se tournaient vers eux. Les archives comportent très peu d’éléments sur cet aspect de leur travail : Pudeur ? Sentiment que ces choses allaient de soi ? Ou, au contraire, difficultés à assumer un rôle délicat en période de transformations des relations parents-enfants ? Les directeurs préféraient assumer ce rôle sur un autre mode : celui du « leader », qui par sa personnalité et son action parvient à asseoir une « autorité naturelle » sur le groupe et se donne implicitement en modèle : l’adulte « différent », « compréhensif ». Ce type de relations se développait surtout avec les membres du conseil de Maison sur lesquels le directeur s’appuyait pour faire vivre sa MJC. Cela pouvait parfois entraîner des conflits : pour les prévenir, une médiation avait été prévue par les statuts fédéraux, ce qui n’empêchait toutefois pas, dans certains cas, des crises graves109. À l’inverse, certains directeurs étaient parfois accusés de profiter de leur influence sur « leur » conseil de Maison pour le « monter » contre le conseil d’administration. Le plus souvent cependant, ces relations reposaient sur une réelle complicité entre les jeunes du CM et le directeur. Devenir membre du conseil c’était aussi une manière d’approcher davantage le directeur si bien que les autorités fédérales mettaient en garde contre « le culte de la personnalité » ou le fait de « jouer au grand copain110 ». Cette complicité était fondée sur une connivence masculine, mais aussi sur l’identification des jeunes à cet « adulte proche », différent des parents et des enseignants. On le tutoyait et on l’appelait par son prénom ou son surnom, mais il était par sa personnalité, ses connaissances techniques, son engagement militant aussi, un modèle de vie.

Conclusion

61L’essor des MJC à partir de 1959 aurait-il reposé sur un quiproquo ? Les maires souhaitaient construire des équipements pour lutter contre les blousons noirs, dans une visée préventive. Le haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports favorisa le développement des MJC. Il ne définit cependant aucune orientation pédagogique, laissant à la FFMJC le soin de le faire. Or le projet pédagogique de la fédération n’avait jamais été destiné aux prédélinquants, mais à tous les jeunes, dans un premier temps, puis à plus long terme, à l’ensemble de la population. De là donc, un quiproquo que la confrontation avec la réalité aurait dévoilé dès le milieu des années soixante ?

  • 111 François Dubet, La galère : jeunes en survie, Seuil, 3e édition, 1995, p. 400 sq.
  • 112 Voir l’article du Monde, « L’aide aux équipes d’amitié », 20 déc. 1960, p. 10.

62Cette interprétation serait un contresens. S’il est vrai que les municipalités imaginaient des équipements pour lutter contre les blousons noirs et que la FFMJC n’a jamais prétendu s’intéresser à ce problème spécifique, tous les acteurs, au niveau national comme au niveau local, partageaient un même optimisme intégrateur qui leur faisait croire à la disparition inéluctable de la marginalité juvénile : développer les Maisons, offrir des activités variées à tous, démocratiser la culture allait résoudre les problèmes111. Seuls les spécialistes de la prévention manifestaient un certain scepticisme112. La confrontation avec la réalité juvénile, en particulier dans les nouveaux quartiers des plus grandes villes, montra les limites de cette action. Dès le milieu de la décennie, des indices prouvaient que les MJC parvenaient mal à intégrer « les durs », mais aussi une frange importante des jeunes travailleurs. Leur évident succès numérique s’accompagnait insensiblement d’une restriction de leurs ambitions premières.

  • 113 Formule récurrente, titre d’un éditorial de Pas à pas, n° 130, jan. 1963.

63Si l’on adopte maintenant le point de vue des jeunes, que représentaient les MJC pour ceux qui les fréquentaient ? Pour certains, un lieu où tuer le temps au foyer, entre baby-foot, télé et sorties à mobylette. Pour beaucoup, un lieu où pratiquer des activités diverses, variées, sans contraintes trop fortes : un espace d’autonomie tolérée, entre jeunes, qui présentait de plus l’avantage d’être légitime, aux yeux des parents. Les MJC jouaient ainsi un grand rôle dans la diffusion du ping-pong, du judo, du ski, de kayak et plus encore des techniques photo ou cinéma. Elles participaient donc à une démocratisation des « activités de loisir ». Pour d’autres enfin, les moins nombreux mais les plus actifs, elles étaient un lieu d’engagement. Certains s’étaient battus pour obtenir la création de « leur » Maison. Un plus grand nombre participait aux conseils de Maison, où ils s’initiaient à l’action collective, à la gestion commune d’un lieu, d’un budget parfois, et où plus simplement ils éprouvaient la joie d’être ensemble. Pour ceux-là, le sentiment d’appartenance à la MJC, voire aux MJC en général, était fort, bien loin de l’appartenance vague qui était celle de la majorité des adhérents, ou usagers pour reprendre la terminologie fédérale. Sans doute, la MJC était-elle bien, pour ces membres actifs des conseils de Maison, « le banc d’essai des citoyens », revendiquée par la fédération113.

Notes

1 « Les paroles d’un précurseur : Léo Lagrange » (Discours radiodiffusé du 10 juin 1936), in Jeunesse et éducation populaire, brochure FFMJC, vers 1950, AFF Paris.

2 Comment créer une MJC, édit. 1966, FFMJC, Paris, p. 23.

3 Statistiques de fonctionnement 1965, AFF, pour les chiffres qui suivent.

4 « Un foyer culturel de petite ville », Correspondance municipale, n° 71, oct. 1966, p. 10-11.

5 Compte-rendu de réunions délégués du 3-5 jan. 1967, arch. FRAG Grenoble.

6 Rappelé par une circulaire aux recteurs et IA du 19/3/1959.

7 Entretien avec Robert Colombiès et www.narbonnevolleyball.org

8 Voir Rapport moral pour l’AG fédérale de Metz, 1953, CAC 19790582/1.

9 Rapport de directeur, AFF.

10 Source : http ://clbck.free.fr/histoire.htm

11 Jean-Baptiste Glorieux, entretien et www.chez.com/mjcvoiron/mjc40ans

12 Règlement du camp à Malaga, 1965, arch. MJC Voiron.

13 Christian Hermelin, Les montages sonores et visuels, Éditions ouvrières, 1967, p. 25.

14 Isabelle Mazel « Les radio-amateurs », Cahiers de l’animation, n° 12, 1996, p. 3-18, confirme que de nombreux clubs de radio-amateurs appartenaient à des MJC.

15 Conversation avec M. K (devenu sur le tard directeur de MJC). Adolescence dans le quartier lyonnais où fut ouvert en 1961 la MJC Laennec Mermoz.

16 Pierre Giolitto, Histoire de la jeunesse sous Vichy, Perrin, 1991, p. 479.

17 Pascal Dibie, Le village retrouvé, La Tour d’Aigues, L’Aube, 2de édition, 1995, p. 43-44

18 Rapport moral pour l’AG de Metz, 1953.

19 Les jeunes et les adultes, analyse des résultats 1965, 1966, p. 13. Les moto-clubs qui existaient dans certaines MJC à la fin des années cinquante avaient mauvaise réputation pour les mêmes raisons.

20 Sans compter les polémiques avec les photographes locaux qui protestaient contre la concurrence déloyale. Voir Pas à pas n° 112, mars 1961, p. 20.

21 « Le civisme et les jeunes, auto-éducation civique et sens communautaire », complément au Rapport moral 1963, p. 74-81.

22 Rapport de direction, MJC Mourenx, dos. person., AFF, Paris.

23 Voir Les jeunes et les adultes, analyse des résultats 1966, p. 35.

24 Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ?, Seuil, 1962, p. 27-29.

25 Décision du CM du 18/2/1970 : http ://conflansmjc.free.fr/histoire.htm

26 Sondage IFOP (nov. 1966) publié in Jeunes d’aujourd’hui, d’après le rapport d’enquête du ministère de la Jeunesse et des Sports, 1967, la Documentation française, p. 174-175 et 179.

27 Jeunes d’aujourd’hui…, op. cit., p. 177.

28 Anne-Marie Sohn, Âge tendre et tête de bois, histoire des jeunes des années 1960, Hachette, 2001, p. 51.

29 Exemple : Morsang-sur-Orge en 1966/67. Dossier de directeur, FRAL Lyon.

30 Pas à pas, nouvelle série, n° 29/30, 2e-3e trim. 1975, p. 20.

31 Pas à pas, 103, mai 1960, p. 15.

32 Collectivités jeunesse, n° 1, 1966, p. 4.

33 À propos de la mixité et de la co-éducation, Clio, Histoire, femmes et sociétés, n° 18, 2003.

34 Fabienne Casta-Rosaz, Histoire du flirt, les jeux de l’innocence et de la perversité 1870-1968, Grasset, 2000, 279-328, et surtout Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., chap. 3, p. 121-163.

35 Rapport de stage à la MJC de Paris Charonne, 1964, dos. pers., AFF. Paris.

36 Exemples : Le flirt à la MJC de Lézignan Corbières, Pas à Pas n° 100, déc. 1959, encart p. vii. L’amitié « fille-garçon » à Palaiseau 1962, rapport IG Adenis CAC 19820784/3, Les relations garçons filles (avec un médecin) à la MJ de Lyon Perrache, Pas à pas, n° 172, mars 1967.

37 « Une enquête sur le flirt ! réalisée par la MJ de la Madeleine », Pas à pas, n° 149, déc. 1964, p. 24-25.

38 Monique Pros, « Réponse à la MJC de la Madeleine sur le flirt », Pas à pas, n° 156, sept. 1965, p. 18.

39 Anne-Marie Sohn donne un chiffre éloquent à propos de l’enquête sur la jeunesse de 1966 : 4 dossiers abordent la question, dont « un seul sans détour ». Et encore s’agit-il d’une enquête collective et anonyme. Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 152.

40 Exemples : Débat à Annonay en 1964, dans différentes MJC lyonnaises entre 1965 et 1968, à Fougères 1967, cycle sur plusieurs semaines à Épernay fin 1967 (voir rapport d’activités 1967/68, AFF Paris). Plus surprenant un débat sexualité et avortement à la MJC de Lyon Montchat le 8 mars 1968, arch. FRAL Lyon.

41 Voir Bulletin de liaison des cercles et écoles de parent, n° 2, 1956, p. 3.

42 Le planning familial fit preuve d’une grande prudence avec les jeunes : Marie-Françoise Lévy, « Le Mouvement français pour le planning familial et les jeunes », Vingtième siècle, revue d’histoire, n° 75, juil.-sept. 2002, p. 75-84.

43 « Enquête sur les MJC », Le Dauphiné libéré, 22 mai 1965.

44 Jean Baudrillard, De la séduction, Galilée, 1979, 258 p. Voir Fabienne Costa-Rosaz, Histoire du flirt…, op. cit., p. 303-304.

45 Titre d’un chapitre d’Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 65.

46 Rapport de stage à la MJC de Paris Charonne, 1964, référence cit.

47 Le Robert signale son apparition vers 1965.

48 Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 124.

49 Celle, par exemple, des Jeunesses agricoles chrétiennes à leurs origines qui cherchaient à moraliser le bal.

50 Marie-Thérèse Delanoue et alii. Rapport sur la situation et les difficultés d’animation au lendemain des mois de mai et de juin 1968, AFF 9.

51 Michel Amiot in Les jeunes et les adultes 1965, op. cit., p. 11.

52 Anne-Marie Thiesse in Alain Corbin, L’avènement des loisirs 1850-1960, Aubier, 1995, p. 311.

53 Ibid.

54 Exemple : lors des rencontres inter-MJC du Tremblay en 1964, les MJC de Sarcelles, Courbevoie et Paris Brancion présentèrent des danses d’Israël (NB : Sarcelles donc sans doute une composante identitaire), Yougoslavie, Allemagne et Italie. Pas à pas, nov. 1964, p. 27.

55 Ce qui n’enlève rien à certains aspects moralisateurs, ni à l’identification du populaire à la « tradition » et à « l’authentique ».

56 Marie-Thérèse Delanoue et alii, Rapport…, réf. cit.

57 Parmi les exceptions : Aix en Provence qui doit se défaire de son image de « foyer étudiant ». Voir Rapport de titularisation de J. N. (fév. 1964), CAC 19790805/6. L’Association générale des étudiants locale avait joué un rôle dans la création de cette Maison.

58 Rapport de stage, 1966, AFF, Paris.

59 Voir à ce sujet les analyses d’Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 85-100.

60 Pas à pas, n° 151, mars 1965, p. 24-28, proposa un article « Construisez vous-même votre guitare électrique pour moins de 80 F ! », mais on peut douter, vu le ton très ironique, qu’il ait déclenché l’enthousiasme.

61 Rapport de stage, MJC St-Egrève, 1967, dos. person. FRAG, Grenoble.

62 Françoise Tétard, « Le phénomène blousons noirs en France fin années 50-début années 1960 », in Révoltes et sociétés, Histoire au présent, 1989, t. II, p. 205 à 214.

63 Entretien avec Élisabeth Vandermoere.

64 Pas à pas et dos. pers. de X.

65 Exemple : Blois. Entretien avec Gérard Kolpak et rapport directeur, 1961, FRMJC Lorraine, Nancy.

66 Rapport de directeur, dos. pers. FRMJC IDF, Paris, boîte 57.

67 Seule structure administrative avant la mise en place de l’association MJC : un comité de gestion composé de représentants de la Ville et de responsables d’associations du quartier.

68 Rapport de stage à la MJC Paris Charonne, jan. 1964, dos. person. AFF.

69 Propos rapporté dans son rapport par Jean-Claude Leroyer, dos. person. FRAG, Grenoble.

70 Rapport de stage à la MJC de Lyon États-Unis, 1963, dos. person. AFF, Paris.

71 La FFMJC, comme d’autres associations, reçut de la Régie Renault un lot de 4 CV détériorées.

72 Rapport de stage à la MJC Lyon États-Unis, 1962, dos. person. AFF, Paris.

73 Rapport de stage, MJC parisienne, 1964. Dos. person. AFF, Paris.

74 Rapport de stage, 1964, dos. person., AFF.

75 Exemples : Caen le Calvaire Saint-Pierre où un directeur affirmait qu’il était « impossible de proposer une MJC classique », dos. person., AFF, Paris. Autres cas : Lyon Gerland, mais il s’agissait là d’une vieille MJC donc « stabilisée ». Le Foyer Santaine à Cannes la Bocca, où le directeur devait faire avec un public de jeunes vivant de petits vols et de la prostitution. Dos person., FRAG, Grenoble et AFF. Paris.

76 Référence de 1965, égarée, figurant dans un dossier de directeur, FRMJC Ile de France ou AFF, Paris.

77 L’Écho-Liberté, 19/11/1964, cité par Claude Canard Volland « La MJC de Lyon Monplaisir 1961-1977 » TER Sciences de l’éducation, Lyon 2, 1977, p. 12.

78 Françoise Tétard, La co-gestion promue par Maurice Herzog : un modèle ?, rapport de recherche FNDVA, Mémoire et racines, Paris, dactyl., juin 1998, p. 35-39.

79 Ibid. Dès 1962 cependant, la fédération présentait des difficultés de fonctionnement.

80 Jeunes d’aujourd’hui…, op. cit., p. 297, indiquait un effectif de 78 en 1966.

81 En 1961-62 et 1962-63. Vincent Peyre et Françoise Tétard, Des éducateurs dans la rue, histoire de la prévention spécialisée, La Découverte, 2006.

82 Pas à pas, et Rapport de stage de Jean-Claude Leroyer, réf. citée.

83 Le Monde, « Un colloque sur le développement culturel », 7 nov. 1964.

84 Expression d’un directeur. dos. pers. J. L. D., arch. FRAG, Grenoble.

85 Le plus critique étant Émile Copferman, nous l’avons vu (voir supra p. 65).

86 Claude Dufrasne (dir.), Aspects de la jeunesse…, op. cit. p. 289.

87 Claude Dufrasne, Étude…, op. cit., p. 79-82.

88 Ibid.

89 Les dossiers de directeurs des années soixante-dix regorgent de lettres de recommandations ou d’appréciations où figuraient ces mentions.

90 Entretien avec Paul Jansen et Jean-Claude Leroyer, Les adhérents de la MJ de Romans dans la résistance 1942-1944, Romans, MJC, 1991, p. 24.

91 Claude Dufrasne, Une page oubliée de l’histoire de l’éducation : le mouvement ajiste, 1993, p. 23.

92 Voir Notes et règlements de la FFMJC, Paris, FFMJC.

93 Exemple Tourcoing les Orions en 1967. Rapport sur les CM des MJC du Nord, dos. pers. arch FRMJC Ile de France, boîte 65.

94 Les jeunes et les adultes… 1966, op. cit., p. 61.

95 Notes et règlements…, op. cit., p. 50.

96 Les conseils… en 1964, op. cit., p. 24.-25.

97 Notes et règlements…, op. cit.

98 Albert Léger in Pas à pas, n° 100, déc. 1959, p. 9.

99 Les conseils de Maison, brochure, retirage de janv. 1960 et Jeunes et adulte, édit. 1964, p. 7.

100 Les jeunes et les adultes… en 1965, op. cit., p. 28.

101 Les jeunes et les adultes… 1966, op. cit., p. 54.

102 Stages d’Annecy ou de Lyon en nov. 1963 (arch. FRAG) et Le Progrès (édit. Annecy) 27 et 29/11/1963.

103 Beaux exemples dans Pas à pas n° 148, nov. 1964.

104 Esprit venait de publier un numéro spécial sur le temps des copains.

105 Pas à pas, n° 148, nov. 1964, p. 24.

106 Jean-François Sirinelli, Les baby-boomers, une génération 1945-1969, Fayard, 2003, p. 98-106.

107 Voir les pages d’Anne-Marie Sohn, Âge tendre…, op. cit., p. 279 sq.

108 Rapport de directeur publié comme modèle en 1967. arch. Lucien Trichaud, AUN.

109 Exemples : ville moyenne de Bretagne 1964-65 où le conflit avec la directrice semble avoir pris une tournure misogyne ou encore Le Havre et Angoulême. Dossiers des directeurs concernés.

110 Les jeunes et les adultes 1966…, op. cit., chap. 6, p. 265-297.

111 François Dubet, La galère : jeunes en survie, Seuil, 3e édition, 1995, p. 400 sq.

112 Voir l’article du Monde, « L’aide aux équipes d’amitié », 20 déc. 1960, p. 10.

113 Formule récurrente, titre d’un éditorial de Pas à pas, n° 130, jan. 1963.

Table des illustrations

Titre Tableau 2. – Fréquentation par âge en 1962 et 1965 (usagers adhérents).
Légende Source : Statistiques de fonctionnement pour 1962 (52 165 adhérents, 177 MJC) et pour 1965 (101 146 adhérents, 279 MJC).
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Titre Tableau 3. – Origine sociale des adhérents des MJC en 1962 et 1965.
Légende Source : Statistiques de fonctionnement pour 1962 et 1965, AFF. La catégorie « divers » regroupait les femmes au foyer, les sans-emploi, et ceux qui auraient dû figurer dans une catégorie « origine non connue ».
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