Chapitre II. L’option en faveur des MJC 1959-1965
p. 47-73
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Texte intégral
1« Option » : c’est ainsi qu’en 1963, le haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports définissait son attitude à l’égard des MJC et de leur fédération depuis cinq ans1. Le terme décrivait bien ce que fut la politique de l’État à leur endroit. Soucieux de lancer une politique plus ambitieuse en faveur de la jeunesse inorganisée, mais ne pouvant, ni ne souhaitant contourner les organisations de jeunesse, le haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports Maurice Herzog accorda des moyens importants à ces dernières, appelées à agir en concertation ou cogestion avec les services du haut-commissariat. À ce jeu, la FFMJC fut la grande bénéficiaire, d’autant plus que les Maisons de jeunes apparaissaient comme la solution de l’heure.
L’heure des Maisons des jeunes et de la culture (1959- 1961)
2Les sept années que Maurice Herzog a passées à la tête de l’administration de la Jeunesse et des Sports entre la fin de l’année 1958 et 1965 ont marqué durablement ces deux secteurs : la part de la Jeunesse et Sports dans le budget de l’État passa de 0,24 % à 0,64 %2. L’action menée rompait ainsi avec la relative atonie des gouvernements de la IVe République. Maurice Herzog s’efforça d’associer les milieux de jeunesse à l’action menée. Aussi, ces sept ans, demeurent-ils pour beaucoup comme l’époque d’un certain âge d’or, malgré la défiance initiale des milieux de jeunesse, FFMJC comprise, qui globalement n’étaient guère favorables au régime né en 1958.
Sursaut des associations de jeunesse et d’éducation populaire
3Dans les semaines qui avaient suivi l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle, les mouvements de jeunesse s’étaient alarmés devant les mesures prises en Algérie en direction de la jeunesse. Ils s’inquiétaient, plus généralement, des projets prêtés à l’exécutif, de créer de nouvelles structures ministérielles pour prendre en charge les questions de jeunesse. Le 8 août, 37 organisations aussi bien laïques (Ligue de l’enseignement) que confessionnelles (les diverses jeunesse chrétiennes, protestantes et juives, les Scouts de France), ainsi que des syndicats (SGEN, SNI, UNEF) – à la seule exception des jeunesses politiques – réalisaient pour la première fois leur unité. Elles publiaient un manifeste où elles refusaient toute création d’organismes tels que « ministère de la Jeunesse » ou « commissariat à la Jeunesse3 ». La mobilisation déboucha sur la création d’un groupement de fait – non déclaré – le GEROJEP (Groupe d’étude et de rencontre des organisations de jeunesse et d’éducation populaire), qui entendait lutter contre les tentatives d’immixtion du « pouvoir personnel » dans le domaine de la jeunesse.
4Dans le cabinet formé le 9 juin 1958, la tutelle officieuse des questions de jeunesse était revenue à André Malraux. Ministre délégué à la présidence du conseil, sans attributions, l’écrivain devait contribuer au rayonnement français et servir de porte-parole au Général. Il envisageait de créer une nouvelle structure pour les questions de jeunesse, indépendante de l’Éducation nationale4. Il paraît peu probable toutefois qu’il ait réfléchi à un programme concret5. Pour des raisons diverses, qui tenaient peut-être à la mobilisation des organisations de jeunesse mais surtout à l’opposition de l’Éducation nationale, le ministère de la jeunesse ne vit pas le jour, au grand dam de « certains, Soustelle, Malraux, Lefranc qui prirent très mal la chose » selon les milieux de jeunesse6. Un décret du 27 septembre 1958 ne créait qu’un haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports, sous la double tutelle du ministère de l’Éducation nationale et d’André Malraux. Ce dernier nommait, le même jour, haut-commissaire un grand alpiniste dont les mains mutilées, « exemple de courage pour la jeunesse française », l’avaient ému7. Il s’agissait du vainqueur de l’Annapurna en 1950, Maurice Herzog.
5La lettre par laquelle le général de Gaulle définissait les objectifs qu’il fixait au haut-commissaire porte la trace du décalage entre les ambitions et le possible. Le Général évoquait un vaste dessein, puisqu’il s’agissait de « faire prendre conscience aux jeunes Français de la vocation de la France ». Les réalisations ne pouvaient cependant être que nécessairement plus limitées : « J’approuve, précisait-il à Maurice Herzog, les propositions dont vous m’avez exposé les grandes lignes, relatives au développement des activités de plein air. » Le général recommandait aussi, il est vrai, « les rassemblements de jeunes dans les lieux historiques et les visites de grandes réalisations nationales8 ». Ces recommandations se concrétisèrent par des bourses de voyages, des sessions « Connaissance de la France », ainsi que des opérations comme celle d’Hassi-Messaoud en juillet 1959, où l’on envoya des centaines de jeunes admirer les réalisations de la France en Algérie, ce que les mouvements de jeunesse taxèrent de propagande9. Cependant, l’ensemble de ces initiatives ne touchèrent qu’un nombre assez limité de jeunes et, si l’on met à part la création de l’OFAJ (Office franco-allemand de la jeunesse), l’essentiel de l’action du haut-commissariat sur le volet jeunesse fut bien consacré à des activités socio-éducatives, en relation avec les organisations de jeunesse.
La dynamique Herzog
6La Jeunesse et Sports n’avait donc pas accédé au statut de ministère, ni même à celui de secrétariat d’État. Le haut-commissariat prenait la suite de la DGJS (direction générale de la Jeunesse et des Sports), ce qui revient à écrire que Maurice Herzog, assumait les fonctions de Gaston Roux l’inamovible directeur de la Jeunesse et des Sports au sein de l’Éducation nationale de 1946 à 195810. Le haut-commissaire disposait cependant d’atouts nouveaux par rapport à son prédécesseur, même s’il demeurait officiellement sous la tutelle de l’Éducation nationale : il était assisté d’un cabinet, préparait son budget et bénéficiait d’une délégation de pouvoir de son ministre de tutelle11. Il bénéficiait surtout de son aura personnelle qui faisait de lui un personnage public, à la différence du directeur dont il prenait la succession. Enfin le général de Gaulle lui laissait une grande latitude dans un domaine auquel il n’entendait rien12. D’autre part, nouvel atout, Maurice Herzog cumulait ses fonctions de haut-commissaire avec celles de secrétaire du haut-comité à la Jeunesse de France et d’Outre-mer qui prenait la suite du haut-comité créé par Edgar Faure en 1955. Il s’agissait d’une instance de concertation entre les pouvoirs publics et les milieux intéressés par les questions de jeunesse. Ce comité qui avait été placé sous le présidence nominale du Président du conseil n’avait pas dépassé, depuis 1955, le stade des grandes déclarations d’intentions, tout comme les commissions Jeunesse créées à la même date auprès des ministères, sur le modèle de la commission Armées-jeunesse, qui remontait à 1953 et était la seule à avoir fonctionné régulièrement13. Ces instances avaient eu surtout pour effet de renforcer les prétentions des mouvements de jeunesse à représenter l’ensemble des jeunes auprès du gouvernement.
7En décembre, le haut-commissaire donna quelques gages aux mouvements de jeunesse en déclarant que la jeunesse « faisait partie intégrante de la nation », manière implicite de récuser les accusations de totalitarisme, mais il se refusait à reconnaître le GEROJEP dont il ne mentionnait même pas l’existence. Il annonçait aussi une hausse de 50 % des moyens à destination de l’éducation populaire et de 75 % en ce qui concernait la jeunesse. Pour l’ensemble du secteur de la Jeunesse et des Sports, la hausse, considérable pourtant, n’était que de 30 %, l’éducation physique et les sports recevant 20 % de moyens supplémentaires. Le sport n’était, aux yeux de Maurice Herzog, qu’un élément d’une politique globale de la jeunesse14. Quarante ans d’évolution du secteur de la jeunesse et des sports ont abouti à un renversement des priorités et à une marginalisation de la « Jeunesse » que la récente et éphémère instauration d’un ministère des Sports (mai 2002-mars 2004) pourrait illustrer. Sur le plan budgétaire, il en allait, en effet, tout autrement : l’éducation physique représentait l’essentiel des dépenses car elle était liée à l’obligation scolaire. Aussi, une hausse de 20 % du budget de l’Éducation physique et des sports était-elle beaucoup plus coûteuse, qu’une augmentation de 75 % des ressources allouées au secteur Jeunesse. Mais devant l’agitation des mouvements de jeunesse, l’augmentation des interventions en direction de la jeunesse pouvait se révéler aussi efficace et peut-être davantage.
8Les mesures budgétaires ne suffirent pas à désarmer la méfiance des mouvements, d’autant plus que la lenteur de la mise en place effective des structures du haut-commissariat, définitivement installées en mars 1959 seulement, laissait libre cours aux rumeurs15. Toutefois des rapprochements se faisaient peu à peu, au gré des rencontres provoquées par le haut-commissaire avec les responsables des différentes organisations de jeunesse. La réalité du changement de climat peut être perçue à travers les réactions d’un rassemblement de mouvements très marqués à droite : le CNELAJ (Centre national d’études et de liaisons des organisations de jeunesse16), un « contre-GEROJEP » fondé par quelques associations groupées autour des jeunes de l’UNC (Union nationale des combattants). Si aucun mouvement important, à l’exception relative des Scouts d’Europe, ne figurait parmi ses membres, son influence sur le monde politique, par le biais de l’UNC, ne pouvait être totalement négligeable. Son bureau dénonçait l’attitude conciliante de l’organisation communiste FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail) à l’égard du haut-commissaire et s’inquiétait des propos que celle-ci prêtait à Maurice Herzog concernant le rôle de l’armée. Le CNELAJ lançait même une véritable mise en garde contre les tentatives faites « pour couper le Haut-Commissariat du Premier ministre et du ministère des Affaires culturelles et pour le placer sous la tutelle unique de certains fonctionnaires de l’Éducation nationale17 ». Cette déclaration fait comprendre les contraintes étroites, dictées en partie par « le compromis de 1958 », dans lesquelles était enfermée l’action de Maurice Herzog18. Dans le secteur qui était le sien, il devait, à la fois, rassurer les milieux de la Jeunesse, où le nouveau pouvoir disposait – a priori – de peu d’alliés naturels, tout en donnant des gages aux franges les plus conservatrices, promptes à dénoncer l’abandon, face aux milieux gauchisants et à l’Éducation nationale, symbole de l’ancien régime. Tout au long des années qu’il passa au haut-commissariat, il lui fallut subir les soupçons de la frange dure de la majorité 19 en ce qui concernait l’action en direction de la jeunesse. Cependant, l’hostilité de la droite « dure » qui, au premier abord, était un inconvénient pouvait aussi se transformer en atout vis-à-vis des mouvements de jeunesse, pour lesquels Herzog pouvait apparaître comme un rempart contre les tentations de certains.
Un contexte favorable à la FFMJC
9La FFMJC qui avait été une des organisations à l’origine du GEROJEP partageait la méfiance initiale vis-à-vis du haut-commissariat. Son président, André Philip, bien qu’en bons termes personnels avec le Général, était hostile aux conditions de son retour au pouvoir. Fin 1958, la décision prise par Maurice Herzog d’accorder un complément de subvention de 5 millions de francs, alors que la FFMJC accusait un nouveau déficit, avait été interprétée comme un geste positif mais n’avait pas suffi à dissiper toute méfiance. En revanche, la désignation de Robert Brichet comme sous-directeur de l’Éducation populaire était favorablement interprétée. La Jeunesse accédait enfin au rang de sous-direction, ce qui la mettait à égalité avec les Sports. D’autre part, outre sa compétence reconnue, Robert Brichet présentait l’avantage de n’être pas lié au monde laïque, à la différence des responsables de l’ancienne DGJS. La fin de la IVe République, l’éloignement relatif du haut-commissariat de la rue de Grenelle et la perte d’influence de la Ligue de l’enseignement ne pouvaient avoir que des conséquences positives pour la FFMJC qui incarnait la « nouvelle laïcité » et qui avait souffert d’un certain ostracisme sous le régime précédent. Pour expliquer l’amélioration progressive du climat, on tiendra compte également de la personnalité du directeur de cabinet de Maurice Herzog. Jeune énarque nommé par André Malraux le même jour que le haut-commissaire, Olivier Philip était le fils aîné du président de la FFMJC20. Il joua un rôle très important auprès de Herzog dont l’expérience administrative était modeste. On ne peut certes confondre Philip père et le fils, dont les opinions politiques divergeaient sans doute. Tous deux étaient, d’autre part, trop respectueux de leurs fonctions pour confondre les rôles. Mais leur proximité facilita la politique des petits pas de la FFMJC en direction de Maurice Herzog. L’attitude de la FFMJC, plus précisément de l’exécutif fédéral, consista au printemps 1959, tout en maintenant une prudence de principe dans le cadre du GEROJEP, à proposer des éléments concrets aux services du haut-commissariat, afin d’engager des discussions.
10Maurice Herzog entendait mettre en œuvre une politique globale en faveur des « inorganisés » et les Maisons des jeunes constituaient l’un des éléments de cette politique21. Le fait que la FFMJC fût la première association à émarger à son budget ne pouvait que la faire figurer en tête des priorités. D’autre part, des élections municipales avaient lieu en ce printemps 1959, et dans quelques villes, la question des Maisons de jeunes et des centres culturels avait été évoquée au cours de la campagne22. Maurice Herzog multiplia, à partir du mois de mars, les signes favorables. Il effectua des visites dans plusieurs MJC de la région parisienne, qui n’avaient jamais eu pareil honneur. Il réaffirma la polyvalence des MJC, en les dispensant de créer des structures spécifiques pour la pratique d’activités, en particulier sportives23. Maurice Herzog était, en effet, très favorable à l’intégration du sport parmi les autres activités, pour la jeunesse inorganisée. Le haut-commissaire prit enfin une autre mesure symbolique. Il demanda aux inspecteurs de la Jeunesse et des Sports d’exiger des directeurs de MJC la remise effective de leur dossier de fin d’année. Il répondait là, à une demande expresse de la FFMJC. Le monde associatif, habituellement, se plaint des contraintes bureaucratiques que fait peser sur lui une administration tatillonne. Dans le cas présent, c’était l’exact contraire et Albert Léger relevait avec satisfaction la décision du haut-commissaire car elle avait valeur de reconnaissance du caractère institutionnel de la fédération, donc de sa légitimité, tant recherchée.
11De façon plus concrète, en avril, le haut-commissaire invita la FFMJC à lui présenter un projet d’extension24. Maurice Herzog reçut alors André Philip, en compagnie de Pierre Mauroy, secrétaire général de la Fédération Léo Lagrange, pour leur signifier qu’il n’entendait mener aucune politique d’embrigadement vis-à-vis des jeunes et surtout qu’il souhaitait une collaboration avec les organisations de jeunesse25. Une ère nouvelle allait s’ouvrir et les associations devaient y avoir toute leur part. Ce discours surprit mais séduit. Les responsables de la FFMJC, tout en conservant une prudence de principe, étaient sensibles au dynamisme d’Herzog. A l’issue d’une nouvel l’entretien avec le haut-commissaire, Lucien Trichaud allait jusqu’à affirmer à ses collègues : « Il faut une collaboration amicale entre Herzog et nous26. » Toutefois, si le discours du haut-commissaire était une chose, les projets de son administration en étaient une autre. La vieille hostilité de certains fonctionnaires à l’égard d’une fédération perçue comme une menace pour les services extérieurs de la Jeunesse et des sports n’avait pas entièrement disparu. Des indiscrétions laissaient supposer que des membres de l’administration misaient encore sur une suppression pure et simple de la fédération. Albert Léger manifestait ses craintes : « Au 34 rue de Châteaudun, j’ai toujours peur qu’un croc-en-jambes nous fiche par terre27. » Il visait certains fonctionnaires proches des milieux laïques, avec lesquels il était en conflit depuis son arrivée à la tête de la fédération28.
12Ce ne fut que début juillet, que ces craintes furent dissipées : le sous-directeur de l’Éducation populaire avait définitivement arrêté sa position vis-à-vis des MJC et tranché en leur faveur. Le montant de la subvention allouée passait à 118,1 millions de francs pour l’année 1959 en cours, avec des prévisions pour 1960 à 136 millions. Le haut-commissariat autorisait la FFMJC à recruter 15 nouveaux directeurs au 1er octobre 1959 : les effectifs augmentaient ainsi d’un tiers. Trois nouveaux postes de délégués étaient accordés. Bien loin de supprimer la fédération, comme le souhaitaient depuis longtemps certains fonctionnaires, le haut-commissariat lui donnait donc les moyens de se développer. Au total, la subvention pour 1959 était en hausse de 57,4 % par rapport à celle de 1958 et son montant avait presque doublé par rapport à celui des années 1956 et 1957. Enfin, le principe d’un stage de longue durée pour les directeurs était posé. Pour la première fois, une association d’éducation populaire allait disposer d’une formation véritable pour des animateurs professionnels. À la mi-juillet la FFMJC recevait un virement de 75 millions de francs, la mettant, selon son secrétaire général, « pour la première fois de son existence dans la possibilité de faire face à tous ses engagements jusqu’à la fin de l’année29 ». Pour une fédération au bord de la faillite quelques mois plus tôt, le changement était radical.
Après l’été des blousons noirs, l’appel de Maurice Herzog
13Pendant l’été, la presse s’empara du thème des « blousons noirs ». Des voix s’étant élevées jusque dans les colonnes du Monde pour réclamer une réaction des pouvoirs publics, Maurice Herzog se chargeait le 9 septembre de transmettre la parole gouvernementale, en accordant un entretien à ce journal30. Le caractère solennel de l’intervention apparaît dans le lapsus du quotidien qui titrait en première page, « Interview de M. Maurice Herzog », mais intitulait la suite, page 6, « Une déclaration de M. Herzog ». Les trois sous-titres de la une résumaient les propos du haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports.
« – L’une des chances de la France est de posséder une jeunesse exceptionnelle.
– Les véritables “blousons noirs” existent, mais ils sont peu nombreux.
– Un programme en voie d’élaboration prévoit notamment la multiplication des “Maisons de jeunes”31. »
14Maurice Herzog minimisait l’importance du phénomène des blousons noirs, « exagéré par certains journaux ». Peu des « blousons noirs » étaient de véritables délinquants. Il ne proposait donc « pas de sanction », mais des « remèdes », qui tenaient dans un programme en sept points. La plupart d’entre eux demeuraient assez vagues et la rédaction du Monde ne s’y était d’ailleurs pas trompée : elle avait mis en valeur le point le plus concret, « la multiplication des Maisons de jeunes ». Le haut-commissaire incitait les maires à prendre de larges initiatives dans ce domaine en faisant les propositions jugées par eux les plus adéquates. « [Il] subventionner[ait] au maximum, dans le cadre de ses possibilités, leurs efforts. » Maurice Herzog mentionnait également les foyers Léo-Lagrange et les foyers de quartiers, les clubs de prévention. Toutefois, le haut-commissaire et Le Monde utilisaient le terme générique « Maisons de jeunes » pour désigner, en fait, les seules MJC, puisque l’effectif des « Maisons de jeunes » indiqué était celui des MJC affiliées. Cet amalgame entre « Maison de jeunes » et MJC, souvent réitéré, ne pouvait que profiter à la fédération des « Maisons de jeunes » et, lui conférer, pour le grand public et de nombreux élus, un caractère officiel. Dans les jours qui suivirent l’article du Monde, la FFMJC reçut un nombre considérable de demandes d’informations, émanant de municipalités et de particuliers32. Dès l’automne 1959, elle faisait face à un afflux de demandes d’adhésion33. Les 9 et 10 décembre, un important colloque organisé par le haut-commissariat réunissait architectes, représentants des constructeurs, organisations de jeunesse et sociologues à l’INEP (Institut national de l’éducation populaire) de Marly-le-Roi, autour du thème : « Activités éducatives et équipement des nouveaux ensembles résidentiels34. »
15Les manifestations des blousons noirs de l’été 1959 ne furent donc pas directement à l’origine des mesures que prit Maurice Herzog en faveur des MJC. La hausse des subventions et la création d’un stage pour les directeurs avaient été décidées avant le déferlement, sinon dans les rues, du moins dans les colonnes des journaux, de « bandes de jeunes ». Ces mesures découlaient de la volonté du haut-commissaire de mener une politique ambitieuse dans le domaine des loisirs de la jeunesse inorganisée. L’actualité et le sens aigu de la communication de Maurice Herzog leur conférèrent, à la rentrée, une importance beaucoup plus grande que celle qu’elles auraient pu avoir, s’il n’y avait pas eu l’été des blousons noirs. Pouvait-on alors parler d’une rupture dans les rapports entre la FFMJC et sa tutelle en cet automne 1959 ? Les responsables fédéraux avaient le sentiment qu’une époque nouvelle s’ouvrait. Ils espéraient que le développement de la fédération, freiné depuis ses origines par des conditions hostiles, allait enfin pouvoir se réaliser. L’importance des moyens accordés, le stage des directeurs, l’appel lancé aux maires constituaient des nouveautés très importantes. Pour autant, la fédération était-elle parvenue à la « nationalisation sans étatisation », objectif fixé en 1958 et réaffirmé en mai 195935 ? Concrètement, cette « nationalisation » aurait supposé l’inscription d’une ligne au budget de la Jeunesse et des Sports pour assurer un traitement régulier des directeurs permanents. La FFMJC eut, un temps, l’espoir d’aboutir, en juin 1959. Mais le chef du bureau de l’éducation populaire, Christiane Guillaume mit son veto36. Elle se refusait à créer un précédent en faveur de la FFMJC car d’autres associations comme les foyers Léo Lagrange et les Francas n’auraient pas manqué de revendiquer le même avantage37.
16La conclusion s’impose donc d’elle même : la prudence administrative avait prévalu, ce qui signifiait donc que la continuité l’emportait. La FFMJC bénéficiait, certes, d’un accroissement sensible de ses moyens, mais dans un cadre de subvention resté identique. Or, elle souffrait moins d’un problème de financement que de trésorerie. Ce que l’on peut exprimer autrement : pour elle, la régularité du versement des subventions était aussi importante que leur montant. L’essentiel de ses dépenses était constitué par des salaires, versés mensuellement. En cas de retard, comme cela était courant en début et fin d’année (budgétaire), la FFMJC devait emprunter pour payer ses salariés. À l’inverse, une rentrée anticipée, comme dans l’exemple évoqué plus haut en juillet 1959, lui permettait de placer une partie des sommes qui rapportait des intérêts. Mais cela ne donnait cependant aucune garantie pour le futur.
Maisons des jeunes et Maisons de la culture
17La division du travail entre le secteur des Affaires culturelles, devenu celui de la Culture, et le secteur de la Jeunesse et Sports a acquis, depuis 40 ans, une telle force d’évidence qu’on éprouve quelques difficultés à imaginer que la tutelle des MJC ait pu, un temps, poser problème. Mais, si l’on analyse la naissance du ministère des Affaires culturelles comme « un coup politique en forme d’innovation institutionnelle […] un bricolage politico-administratif où les opportunités de la conjoncture ont joué un rôle prépondérant38 », on saisit mieux pourquoi la question des rapports entre « éducation populaire » et « culture » – pour utiliser un terme anachronique – s’est posée pendant quelques mois. Le nouveau ministère dut s’inventer un champ de compétence : il capta en partie et détourna l’héritage de l’éducation populaire, pour reprendre les analyses de Geneviève Poujol, Françoise Tétard et Philippe Urfalino39.
Maisons de la culture versus MJC
18La mise en place administrative du ministère des Affaires culturelles fut encore plus longue que celle du haut-commissariat, puisque son organisation ne fut précisée qu’à la fin de juillet 195940. Pour l’essentiel le ministère fut constitué à partir d’éléments divers issus de l’Éducation nationale (Beaux-Arts, Arts et Lettres, Archives…) et de l’Industrie et du Commerce (Centre national de la cinématographie). Du nouveau haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports, André Malraux avait reçu les « services culturels ». À ce titre, il exerçait une tutelle complète ou partagée avec le haut-commissariat sur des associations d’éducation populaire, à la suite d’un partage du secteur associatif41. Si cette mesure avait inquiété les organisations de jeunesse qui voyaient dans le rapprochement avec les Affaires culturelles le risque d’une « culture orientée42 », elle n’eut pas de conséquences pratiques43. Elle indiquait toutefois la volonté des services de Malraux de « s’assurer la tutelle des associations d’éducation populaire pour en faire les relais de sa politique de démocratisation culturelle44 ». La gestation des Maisons de la culture le prouve : les administrateurs des Affaires culturelles définirent leur projet, en partie par rapport aux Maisons des jeunes et de la culture. Philippe Urfalino a distingué trois naissances successives du projet des Maisons de la culture. La première esquisse correspond au « rêve » de Pierre-Aimé Touchard, en 195945. La Maison, conçue pour une sous-préfecture de 10 000 habitants, était articulée autour du théâtre et des rapports entre le monde des professionnels et celui des amateurs. Le cadre choisi, une petite cité, devait permettre à la Maison de la culture de jouer un rôle communautaire, par l’accueil des sociétés culturelles locales. Quant au public privilégié, il s’agissait de la jeunesse. La parenté avec les MJC était relativement forte, même si, à la différence d’autres institutions d’éducation populaire, le théâtre n’y avait pas, jusqu’alors, joué un rôle important. Les deux institutions se trouvaient, donc, dans une situation de proximité concurrentielle46.
19Afin d’asseoir l’institution qu’il entendait développer, le ministère des Affaires culturelles demanda, en janvier 1960, à la fédération des Maisons des jeunes et de la culture, de retirer le C de MJC, afin de clairement distinguer Maisons des jeunes et Maisons de la culture. La FFMJC fit connaître son opposition absolue47. Au début de l’été suivant, Albert Léger signalait que les Affaires culturelles avaient finalement renoncé à leur prétention. Cette précision confirme la thèse de Philippe Urfalino qui voit dans l’arrivée de Pierre Moinot à la tête de la future direction du théâtre un tournant et l’amorce d’une deuxième étape du projet48. Les objectifs assignés aux Maisons de la culture restaient ceux d’une éducation populaire, mais sur une nouvelle base, insistant, à la fois, sur la confrontation avec l’œuvre, qui s’opposait à la médiation pédagogique, et sur la qualité artistique : les amateurs « ne sont plus accueillis qu’au titre de la qualité de leurs activités et non à celui de leur enracinement local ou de leur représentativité49 ». La MJC ne constituait donc plus un concurrent, mais un organisme complémentaire. Latroisième et dernière étape correspondit à l’arrivée d’Émile Biasini à la tête de la direction du Théâtre, de la Musique et de l’Action culturelle en octobre 1961, dans un contexte budgétaire difficile qui ne permettait pas la réalisation des Maisons envisagées. Aussi le haut fonctionnaire opta-t-il pour « l’exemplarité différenciatrice », afin d’éviter « un visage [qui] pouvait prêter à des ressemblances avec celui des Maisons des jeunes et de la culture50 ». Cela passait, à la fois, par l’éviction des associations d’amateurs, par une exigence de qualité artistique renforcée et par le choix d’une structure lourde. Les MJC ne devenaient, au mieux, qu’un lieu de préparation du public de la Maison de la culture, situé tout en bas d’une échelle dont la Maison de la culture occupait le sommet. La coexistence ne se posait donc plus en termes de rivalité, mais d’ignorance réciproque.
Compromis et éloignement
20La politique des Maisons de la culture fut perçue avec une certaine inquiétude, même si dans un premier temps la FFMJC crut possible une collaboration entre Maison de la culture et MJC51. Les responsables redoutèrent toutefois rapidement les effets d’une rivalité, d’autant plus qu’à Firminy (Loire), un projet initialement prévu comme une MJC fut, fin 1960, transformé en Maison de la culture. Devant les incertitudes que faisaient planer les projets successifs des Maisons de la culture, la FFMJC offrit au ministère des Affaires culturelles de siéger au titre de membre de droit au sein de son conseil d’administration, ce qui ne fut accepté qu’avec retard et n’eut aucune conséquence pratique. Les rapports fédéraux dénonçaient en 1960, la spécialisation des Maisons de la culture qui allait à l’encontre de la volonté de polyvalence des MJC :
« Mettre les jambes sur un stade, le cœur dans une MJC et la tête dans une Maison de la culture, c’est risquer de former des êtres incomplets et déséquilibrés. […] Dans les villages et les petites villes, le ministère des Affaires culturelles peut considérer que chaque MJC est à sa disposition ; dans les grandes villes, au contraire, la division du travail social qui opère naturellement pourrait peut-être justifier une différenciation entre MJC d’un côté et Maison de la culture d’un autre, […] un peu comme l’Université au regard des établissements primaires et secondaires52. »
21La FFMJC relativisait le clivage :
« Les Maisons de la culture s’adressent peut-être à une élite. Peut-être sont-elles par rapport à nous ce qu’est l’enseignement supérieur par rapport aux autres enseignements comme le dit M. Biasini. Mais dans les villes moyennes, la MJC est en réalité la Maison de la culture53. »
22Explicitement, les MJC reconnaissaient la place seconde qui leur était faite sur l’échelle de la légitimité culturelle. L’affaire avait d’autant plus de portée que la FFMJC devait aussi faire face, en ce tout début des années soixante, à un autre projet de « centre culturel » élaboré dans le cadre de la FNCCC (Fédération des centres culturels communaux) fondée à l’initiative de Michel Durafour. Pour résumer, à grands traits, les objectifs de la FNCCC, on dira que celle-ci entendait promouvoir une « politique culturelle » qui aurait eu pour légitimité, à la fois, le cadre municipal et les corps intermédiaires que constituent les sociétés culturelles locales. Au projet malrucien d’une politique culturelle fondée sur un contact direct entre les citoyens et la culture, conforme au projet gaullien de contournement des corps intermédiaires, la FNCCC opposait un « parlement culturel », qui tirait sa légitimité de son caractère représentatif. Au-delà d’aspects techniques, c’était une querelle de légitimité qui opposait la FNCCC au ministère des Affaires culturelles. De nombreux directeurs de MJC et des membres du conseil d’administration fédéral assistèrent à la réunion de Saint-Étienne, où fut lancée la FNCCC. Mais en décembre 1960, Albert Léger précisait aux membres du bureau fédéral que le ministère des Affaires culturelles ne participait pas à l’initiative de la FNCCC, car « il craint (comme nous) une emprise municipale excessive54 ». La peur de l’influence municipale, sur la vie culturelle était un trait de l’idéologie fédérale et faisait l’objet d’un très fort consensus. André Philip eut fréquemment l’occasion de rappeler le danger des offices culturels municipaux55. En ce sens, il pouvait exister une certaine parenté entre l’idéal des MJC et une conception gaullienne de l’État central rempart contre toute immixtion partisane. La crainte des interventions locales était aussi nette chez Maurice Herzog que chez son collègue Malraux. Il s’opposa « tacitement mais fermement et résolument à toute représentation de l’Association des Maires de France au sein du haut-comité à la Jeunesse », comme le déplorait l’AMF (Association des maires de France56). Sans doute, cette crainte s’expliquait-elle par une « philosophie » de l’État. Elle avait aussi des raisons plus concrètes : l’interventionnisme municipal en matière de culture et de jeunesse était beaucoup plus développé à gauche, qu’au centre ou à droite. On se rappellera également que si l’UNR disposa d’une majorité confortable après les législatives de novembre 1958 et surtout de novembre 1962, ses conquêtes municipales étaient restées limitées en mars 1959.
Indépendance à l’égard des municipalités
23À propos de la neutralité locale, les divergences entre gouvernement et FFMJC étaient, malgré tout, de taille : pour la fédération, la neutralisation des influences municipales se faisait, certes, par un contrôle extérieur – celui de l’inspecteur de la Jeunesse et Sports et celui du délégué de la FFMJC qui garantissaient la laïcité –, mais surtout par un contrôle démocratique interne à l’association locale. Celui-ci était exercé par les représentants élus par les adhérents dont les suffrages étaient toujours supérieurs à ceux des autres membres du conseil d’administration : ils disposaient de la majorité absolue. Dans les villes enfin, où la présence d’un directeur professionnel de MJC avait toujours été revendiquée par la fédération, l’indépendance de la MJC était garantie par une disposition très importante : le directeur n’était salarié, ni de l’association MJC, ni de la municipalité, mais par la fédération qui le mettait à disposition de la MJC, grâce à des crédits entièrement versés par l’État. Le haut-commissariat versait en effet à la FFMJC, pour chaque poste, une subvention correspondant à la rémunération du directeur et aux charges sociales afférentes. Grâce à ce système de mise à disposition, association et professionnels étaient ainsi soustraits aux pressions locales, ce qui était pour la fédération la première condition du développement de la vie associative et d’une action éducative de qualité. Les directeurs professionnels et les élus fédéraux attachaient un très grand prix à ce principe, qui faisait l’une des plus grandes originalités des MJC : il permettait une neutralisation « par le haut » de l’influence locale.
Un premier essor
24La FFMJC était en pointe parmi les mouvements qui faisaient confiance, a priori, à Maurice Herzog. Cependant, cela ne signifiait nullement qu’un chèque en blanc lui était accordé, surtout par la base. La FFMJC fut, avec les Scouts de France et les Éclaireurs, l’organisme d’éducation populaire qui participa le plus activement à l’enquête lancée par le GEROJEP auprès des militants de retour d’Algérie en novembre 1959, bien que son délégué général se soit montré très prudent à la commission Armées-Jeunesse, au moment de l’affaire des sursis à la rentrée 195957. De même, lors de l’assemblée générale de Chambéry en juin 1960, des représentants de MJC bousculèrent l’ordre du jour afin d’évoquer la question algérienne qui n’était pas mentionnée dans le rapport moral. L’affaire eut suffisamment d’éclat pour que Combat s’en fît l’écho58. Mais l’exécutif fédéral adressa aussitôt au journal un prière d’insérer dans lequel il était précisé que la FFMJC avait « étudié » la question algérienne, mais qu’elle n’avait « pas pris position59 ». Il ne fallait, en effet, laisser aucune prise à toute accusation de partialité. Cette méfiance n’était pas sans fondement : en octobre, la police perquisitionnait au siège fédéral, à la recherche de tracts appelant à l’insoumission, incident rapidement clos. Le même mois, le collectif Armée-Nation accusait Paul Jansen « d’être allé chercher des consignes d’agitation à Moscou », ce qui entraîna une protestation de députés gaullistes auprès de Michel Debré. Le délégué général-adjoint avait, en effet, participé au Festival mondial de la jeunesse organisé par la FMJD (Fédération mondiale de la Jeunesse démocratique), organisation para-communiste. La FFMJC en était membre depuis l’origine, tout comme elle adhérait à la WAY (World Assembly of Youth) réputée pro-américaine60. La FFMJC n’envoyait jamais de délégation au festival mondial de la jeunesse, mais un observateur qu’elle prenait toujours garde de ne pas choisir parmi ses membres suspects de sympathie communiste61.
25Il est vraisemblable, au total, que les accusations diverses portées contre les mouvements d’éducation populaire par la droite dure profitèrent au haut-commissaire qui put apparaître comme le défenseur de l’autonomie des mouvements. Sa tâche était d’autant plus facile que la résistance opposée par les mouvements était assez limitée, il est vrai. La nature même du GEROJEP imposait des limites étroites à la solidarité de ses membres : groupement très lâche d’associations aux idéologies variées, sa présidence était assurée, pour deux mois, par chacun des mouvements à tour de rôle. La prise de décision y était nécessairement lente. De plus, la relance de la guerre scolaire depuis la loi Debré de décembre 1959, avait aggravé les dissensions entre la majorité des membres et le SNI et la FEN, soupçonnés de vouloir enrôler le GEROJEP dans une cause qui n’était pas la sienne62. Beaucoup plus sérieuses étaient les attaques gouvernementales contre l’UNEF, à la suite de sa reprise des contacts avec l’UGEMA (Union générale des étudiants musulmans d’Algérie) et de son appel à des négociations avec le FLN. Devant les menaces gouvernementales de suppression des subventions, le GEROJEP se solidarisa, non sans mal, avec son membre attaqué. Certains, dont les Scouts de France préférèrent une manifestation de solidarité plus discrète parle biais du CFMJ (Conseil français des mouvements de jeunesse). À la fédération des Maisons des jeunes et de la culture, le conseil d’administration appuyait la motion du CFMJ, mais le bureau fédéral opta pour l’initiative du GEROJEP qui soutenait l’UNEF et lançait un appel pour la paix. Sans doute comme le regrettait Marcel Néouze, secrétaire général adjoint, cette démarche avait-elle un caractère « platonique » et la déclaration était-elle « bien anodine » : lancer « un appel à l’opinion pour que soit trouvée par l’application loyale de la politique d’autodétermination une solution rapide au conflit » n’était pas faire preuve d’une audace exceptionnelle en juin 1960, pas plus que de souhaiter « voir cesser la guerre qui oppose deux jeunesses et compromet de plus en plus la réconciliation nécessaire, quelle que soit la situation future de l’Algérie63 ». Jusqu’à la fin de la Guerre d’Algérie, le haut-commissaire réussit à obtenir qu’aucune condamnation officielle du conflit n’émane du haut-comité à la Jeunesse, conformément au souhait du gouvernement64.
L’équipement avant l’animation (1961-1965)
26Signe du succès des MJC, la fédération entreprenait, fin 1961, une démarche pour garantir les droits de la fédération sur le titre « Maison des jeunes et de la culture », utilisé frauduleusement par certaines associations. En deux ans, le nombre des associations affiliées s’était accru de 70 unités, soit autant qu’au cours des neuf années antérieures, d’où une pénurie de directeurs, les stagiaires formés à Marly-le-Roi n’étant pas en nombre suffisant65. La pénurie de personnel allait encore s’aggraver lorsque le haut-commissariat réussit à faire voter, par le Parlement, une loi-programme qui allait multiplier les équipements, alors que les moyens de financer des postes d’animateurs n’étaient pas réunis. Le béton précédait les hommes, ce qui allait avoir de fâcheuses conséquences.
La première loi-programme d’équipement
27La grande affaire du début de l’année 1961, pour le secteur de la jeunesse, fut le vote de la Loi de programme d’équipement sportif et socio-éducatif66. Tirant parti de la confiance que lui accordait le général de Gaulle, Maurice Herzog réussit à « vaincre ou, du moins, à convaincre cet Annapurna administratif qui se situe quelque part rue de Grenelle67 » et surtout à imposer, contre les services des Finances, une exemption de la règle de l’annualité budgétaire. Le haut-commissaire sut exploiter le désarroi qui suivit les médiocres prestations françaises aux Jeux olympiques de Rome pour convaincre le chef de l’État d’appuyer son projet d’une loi de rattrapage dans le domaine de l’équipement sportif -et, très secondairement, dans le domaine de l’équipement socio-éducatif. En effet, même si Maurice Herzog se défendit de l’accusation selon laquelle « les équipements socio-éducatifs [avaient] été rajoutés, à la dernière minute, à un vieux projet d’équipement sportif », ce dernier se taillait la part du lion avec près de 60 % (58,9 %) des crédits pour 1961-196568. Dans ses principes, la loi ne rompait pas avec la logique qui prévalait jusqu’alors : l’État subventionnait à hauteur de 50 % la construction d’équipements par les collectivités locales, essentiellement les communes69. Les principales nouveautés venaient de la simplification des procédures d’examen des projets et des circuits d’attribution des subventions70. Enfin l’inscription des sommes pour 4 ans 71 garantissait un certain degré de réalisation.
28Quelques semaines avant le vote de la loi qui ne faisait plus aucun doute, Maurice Herzog assista, en personne, à l’assemblée générale de la FFMJC à Vincennes. Cette dernière n’avait pas connu pareil honneur depuis 1948. André Philip définit, à cette occasion, l’idéal éducatif des MJC : celui d’un humanisme moderne. Il exposa, d’autre part, sa conception des relations entre l’État et la FFMJC qui préfiguraient l’évolution vers une nouvelle organisation sociale.
« Nous allons vers une société contractuellement organisée, librement organisée par ses associations et engageant avec l’administration de l’État le dialogue nécessaire sur l’ensemble de tous les plans ; de façon à accomplir une œuvre où chacun participe à l’élaboration et où dans l’exécution une convention est conclue, signée définissant les responsabilités de chaque groupe et lui faisant confiance pour la réalisation de la portion de tâches qui lui a été confiée. C’est cette conception, que nous voyons maintenant se généraliser fort heureusement dans le pays, qui depuis quinze ans nous a inspirés dans l’action en faveur de l’éducation populaire72. »
Une fédération reconnue
29La rentrée 1961 constitua un tournant dans l’histoire de l’exécutif fédéral : Albert Léger dut brutalement cesser ses fonctions de délégué général, atteint à 62 ans par une grave maladie. L’homme qui avait construit la fédération depuis quinze ans laissait la place à Lucien Trichaud, en charge jusqu’alors du service culturel. Il est difficile d’imaginer personnalités plus différentes que celles d’Albert Léger et de son successeur. Seule, leur appartenance commune au corps des instituteurs, par-delà leur vingt et une années de différence, pouvait éventuellement les réunir. Alors qu’il était enseignant au cours complémentaire de Pont-Saint-Esprit (Ardèche), Lucien Trichaud avait fondé, dans l’immédiat après-guerre, une MJC qui connut un grand rayonnement. Il devint rapidement directeur permanent à Lyon, avant de rejoindre en 1953 le siège fédéral pour y prendre les responsabilités du secteur culturel. Brillant, grand séducteur, poète, l’homme excellait dans l’art de brosser de vastes synthèses73. Doué d’une grande force de travail, il possédait, de plus, un sens aigu des relations publiques grâce auquel il assurait à la FFMJC des relais dans des milieux très variés. Ses collègues, sous le charme et agacés à la fois, observaient cette stratégie qui mêlait intimement relations personnelles et intérêts fédéraux. Cette politique s’appliquait d’abord vis-à-vis des fonctionnaires du haut-commissariat, non sans susciter certaines craintes de la part de la hiérarchie, comme le révèle cette correspondance de Jean Le Veugle annexée en marge d’une lettre officielle. Après avoir remercié Lucien Trichaud pour une invitation à un colloque Le Veugle précisait que
« la hiérarchie rappelle dans une lettre jointe que si les rapports personnels avec les membres de l’administration sont souhaitables et même indispensables, en de nombreuses circonstances, il est nécessaire que leurs actions de représentation soient voulues et coordonnées par l’autorité dont ils relèvent74 ».
30Toute l’ambivalence dans les « milieux de jeunesse » des relations entre fonctionnaires-militants et militants-fonctionnaires associatifs apparaît ici. La proximité des deux mondes trouvait sa source dans une origine sociale souvent proche (beaucoup d’instituteurs) et l’appartenance à une même génération. Ces hommes et femmes nés entre 1914 et 1925, particulièrement dans l’immédiat après-guerre, faisaient partie des classes d’âge peu nombreuses qui avaient vu les mouvements de jeunesse, le scoutisme en particulier, prendre leur véritable essor. Ils avaient eu un peu moins de vingt ans au moment du Front populaire, avaient participé à l’aventure des Auberges de la jeunesse, pour les plus âgés, à celle des « loisirs dirigés », pour les plus jeunes ; ils avaient vu parfois la seconde guerre interrompre leurs études. Ils étaient nombreux à avoir rejoint les réseaux de résistance. Atteignant la quarantaine en ce début des années soixante, ils formaient le premier groupe de « professionnels » de la jeunesse : inspecteurs de la Jeunesse et Sports, animateurs des différents mouvements, qui, s’ils étaient loin de tous disposer d’un statut, se consacraient à temps plein à l’éducation populaire. Beaucoup vivaient dans le souvenir du grand espoir déçu de la Libération. La figure de Jean Guéhenno rassemblait aussi bien les héritiers de la direction des Mouvements de jeunesse, que les hommes des associations d’éducation populaire dont la période 1944-1946 avait marqué un premier essor, vite retombé.
31Avec Lucien Trichaud comme délégué général, la FFMJC renforça fortement son caractère d’institution semi-officielle. Elle lança de nombreuses initiatives en direction des élus locaux et des journalistes. Ses responsables prirent une part importante, parfois prépondérante dans les différentes commissions locales et nationales du Plan d’équipement socio-éducatif. Le haut-commissariat multiplia les marques de reconnaissance symbolique à son égard, confiant par exemple la formation d’animateurs étrangers ou l’accueil de délégations officielles à la FFMJC, qui disposait d’un petit organisme spécialisé, le BAR (Bureau Accueil Rencontre), subventionné par les Affaires étrangères. Sur le fond, la fédération des MJC pouvait apparaître comme une forme d’administration parallèle, chargée de mettre en œuvre une politique en direction de la jeunesse inorganisée : l’État subventionnait le fonctionnement de la fédération et les salaires les directeurs, la fédération assurait les relations avec les Maisons de base et les municipalités.
Une fédération hégémonique ?
32À partir de 1961-1962, un large consensus prévalait en faveur des MJC. Certains appuis étaient anciens, comme, par exemple, celui de l’UNEF qui avait adopté la résolution incitant les assemblées locales d’étudiants « à s’intéresser et à siéger au CA des MJC » dès 195875. À mesure que celles-ci se multipliaient, les soutiens s’élargissaient : des associations de parents d’élèves76, des mouvements d’éducation comme l’Ecole des parents77, la Vie Nouvelle78, une association d’élus comme l’ADELS (Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale79), des architectes80. Même le Grand Orient de France, pourtant peu suspect de sympathie envers la « nouvelle » laïcité, appelait en 1962 au développement des MJC pour lutter contre l’influence cléricale81. Cette unanimité devenait même gênante pour la FFMJC, qui, dans le dernier exemple cité, dut préciser que « les MJC n’étaient pas un instrument contre l’Eglise, mais qu’elles étaient ouvertes à tous les hommes de bonne volonté82 ». C’était pour la fédération un exercice inhabituel : les attaques venaient d’habitude plutôt du côté laïque. La prise de position du Grand Orient signalait une évolution en cours des laïques. Les critiques de la Ligue de l’enseignement, dont les positions officielles restaient aussi tranchées, étaient beaucoup moins vives depuis 1959. Il n’y avait plus d’attaques systématiques comme sous la IVe République : c’était le signe d’un désarroi. L’avènement du nouveau régime avait, en effet, déstabilisé ses positions, même si elle restait une puissance considérable, comme le prouvait la lutte contre la loi Debré de 1959.
33Le concert dominant en faveur des MJC et le silence relatif du monde laïque ne parvenaient, cependant, pas à faire taire certaines critiques, minoritaires mais fermes. En juin 1960, l’assemblée générale fédérale de Chambéry avait relevé que « quelques-uns ont qualifiés [les MJC] de monopolistes. La tendance monopoliste consiste à vouloir imposer à tous son programme et ses méthodes et surtout son idéologie. Mais c’est une erreur de taxer de monopoliste une institution qui se veut ouverte à tous83 ». La défense était toute trouvée et n’évolua pas, au moins jusqu’en 1967, lorsque la FFMJC réalisa que le vide s’était fait autour d’elle. Il s’agissait de rappeler de grands principes : toutes les tendances, tous les mouvements pouvaient statutairement obtenir un siège de membre associé dans les instances des MJC. Ceux-ci ne perdaient donc pas leur spécificité à entrer dans les MJC, bien au contraire : ils y gagnaient une tribune. Démonstration implacable. Il n’y entrait nul cynisme, ni mauvaise foi. On mesure simplement la force de la croyance en la toute-puissance des statuts et des institutions, largement partagée dans l’appareil fédéral, mais aussi par les militants de base. Ces derniers avaient, il est vrai, de bonnes raisons de croire en la valeur de la « formule MJC ». Le succès était patent et la réunion, dans une même association, des tendances diverses allait dans le sens de l’histoire, du moins dans celui des évolutions sociales des années soixante. Leur réelle ouverture à des courants tant pédagogiques qu’idéologiques variés avait permis l’accumulation d’un capital d’expériences, qui faisait l’admiration de certains et qui tranchait dans l’univers assez cloisonné de l’éducation populaire. Simplement, adhérents et exécutif fédéral se trouvaient dans la position des nations favorables au libre-échange en matière commerciale : le système favorisait, sans doute, l’intérêt général, mais en premier lieu, les intérêts des plus forts ; en l’occurrence, ceux des MJC, portées par le plan d’équipement et la professionnalisation de l’encadrement.
Ajisme et MJC
34Les critiques les plus sévères vinrent de l’extrême gauche non communiste, en particulier des libertaires, nombreux parmi les militants des auberges. Emile Copfermann fut leur porte-parole le plus véhément, dans La génération des blousons noirs et dans ses articles de Tribune socialiste84. Les MJC étaient, selon lui, l’exemple typique des institutions qui dépolitisaient la jeunesse, en détournant sa capacité révolutionnaire à « secouer la quiétude85 » au profit d’activités techniques sagement organisées par des para-fonctionnaires dans une perspective neutraliste. Plus grave, la FFMJC jouait pleinement le jeu du pouvoir gaulliste en acceptant, pire en devançant, les demandes gaullistes de cogestion qui ne visaient qu’à neutraliser les mouvements de jeunesse86. On retrouvait une argumentation proche dans le Bulletin de la FUAJ (Fédération unie des auberges de jeunesse) :
« Les MJC sont en fait une formule de loisirs créée, organisée et animée “par des adultes pour les jeunes”. Différence essentielle avec l’ajisme né d’initiatives de base, visant à une organisation des loisirs “par les jeunes pour les jeunes”. […] En ce sens, elles sont bien insérées, bien intégrées dans la société actuelle, et correspondent si bien aux désirs et aux objectifs des autorités établies qu’elles ne sont presque jamais en conflit avec elles, bien au contraire. Celles-ci voient assez naturellement dans cette formule, un instrument pour occuper, « pacifier » les jeunes, en faire des “citoyens conscients” bien intégrés, eux aussi dans la société, où ils restent des hommes à “responsabilités limitées” comme ils le sont déjà à la MJC87. »
35Ces critiques s’inscrivaient dans l’histoire du mouvement des auberges de jeunesse. Depuis l’origine, mais avec une vigueur renforcée dans l’après-guerre, le mouvement se divisait entre partisans d’une « tendance » à l’institutionnalisation et « ajistes » favorables au combat politique, à l’autogestion des jeunes, perspective dans laquelle se plaçait Copfermann. L’histoire mouvementée des auberges dans l’après-guerre, s’explique, en partie, par les combats entre ces deux options88. Contrairement à une idée souvent reprise, les MJC ne s’inscrivaient pas dans la continuité de l’histoire des auberges, mais bien plus en rupture avec celle-ci, en particulier avec l’ajisme. L’opposition entre l’esprit nomade des auberges, et l’esprit sédentaire des MJC n’expliquait pas tout. L’étude des pratiques pédagogiques le montrera. Sur le fond, il est bien difficile de mesurer l’écho qu’eurent les critiques d’Émile Copfermann. Sans doute fut-il réduit, en dehors des auberges. Claude Bourdet, lui-même, qui préfaça La génération des blousons noirs se fit, en tant qu’élu de Paris, le défenseur des MJC, même s’il en percevait les limites.
La voix des mouvements de jeunesse
36La crainte de voir la diversité des mouvements de jeunesse s’étioler au profit d’organismes neutralistes largement subventionnés par l’État, se manifestait également dans des courants politiques fort éloignés de l’extrême-gauche. À l’Assemblée nationale, les mouvements disposaient de relais parmi les parlementaires, anciens membres des Eclaireurs et surtout des Scouts de France. Charles Bosson, André Diligent (MRP), rappelèrent l’intérêt qu’il y avait à ne pas négliger des mouvements comme la JOC ou la JAC au profit des institutions89 ; l’abbé Laudrin (UNR) dénonçait le coût excessif pour les finances publiques des MJC et de la Ligue de l’enseignement90. Le député gaulliste du Morbihan était le plus fervent défenseur des œuvres catholiques.
37Cependant, quelles qu’aient été les réticences des mouvements face à l’expansion des MJC, l’ampleur du phénomène, accrue depuis 1962 par les premiers effets de la loi de programme, les condamnait à un dilemme que résumait fort bien le représentant du Conseil protestant de la Jeunesse au conseil d’administration fédéral, très favorable aux MJC. Celui-ci mettait en valeur l’alternative qui se posait aux Foyers de l’Alliance (protestants) :
« De Rouen, de Bordeaux, de Lyon nous arrivent simultanément des demandes de renseignements, de conseils de la part de foyers ou d’alliances de base afin de définir les possibilités d’une collaboration entre les jeunes protestants et les MJC. Comment se pose le problème ? a) Nécessité de rencontrer d’autres jeunes, d’être dans le monde. b) Mais aussi désir de conserver l’autonomie spirituelle qui est la marque de la jeunesse protestante91. »
La stratégie du PCF
38Le PCF était, lui aussi, traversé par la tension entre l’encadrement dans des structures qui lui étaient propres et l’entrée de ses militants dans les MJC. Mais, il s’agissait pour lui, à la différence des protestants, de préserver les deux types de structures :
« Certains nous reprochent de vouloir imprimer aux Maisons de jeunes situées dans des localités dirigées par des communistes une activité communiste. C’est mal connaître nos intentions que de formuler une pareille opinion. S’il en était ainsi, la Maison des jeunes faillirait à sa mission de rassemblement des jeunes de toutes opinions et gênerait la présence et l’activité indispensable de la Jeunesse communiste, sans pour autant remplacer celle-ci92. »
39Membre fondateur de la FFMJC, par l’intermédiaire de l’UJRF (Union de la jeunesse républicaine de France) devenue Jeunesse communiste, le PCF avait fait preuve d’un réel désintérêt à l’égard de la FFMJC. Le nouveau contexte de croissance l’incitait à établir une stratégie. En novembre 1961, le secrétariat du comité central du PCF élabora une circulaire destinée aux dirigeants des sections qui définissait ce que devait être la politique des militants envers les MJC et leur fédération93. Comme les autres formations politiques, le PC y prenait position en faveur de la construction d’un grand nombre de Maisons de jeunes, car « la possession d’un lieu qui lui appart [enait était] une exigence très grande de la jeunesse ». Toutefois le comité central craignait de voir une partie de la jeunesse embrigadée par les forces réactionnaires. Certes, le réformisme spontané du projet d’éducation populaire – éduquer pour transformer la société – était condamnable. Plus grave : la perspective purement communale de la démocratie prônée par la FFMJC pouvait détourner les masses des grands enjeux. Malgré tout, en dépit de ces travers, pour le PCF, « la MJC p [ouvait] éveiller l’esprit critique […] et conduire les jeunes à une participation active aux côtés de leurs aînés aux changements qui s’opér[aient], comme l’[avaient] prouvé les exemples de la guerre d’Algérie ou des échanges internationaux94 ». L’intégration des jeunes et des adultes que préconisait le projet MJC était analysée de manière positive, tout comme l’ouverture culturelle qu’elle permettait : « Même si son orientation d’ensemble ne nous convient pas, la FFMJC ne peut être en raison de sa nature et de sa structure, comparée à d’autres associations de jeunesse ouvertement hostiles à notre politique95. »
40Ainsi les MJC étaient des organisations de masse au sein desquelles les militants devaient tenir leur rôle habituel : obtenir, par leur travail, des résultats qui leur permettent de se faire élire dans les conseils d’administration. Les Maisons étaient autant de positions à prendre : d’une part, en militant pour leur création et, d’autre part, en exigeant des crédits plus importants auprès des pouvoirs publics. À cette action revendicative classique, les militants devaient ajouter un second axe en faveur d’une plus large participation des usagers à la gestion, à partir de 16 ans. Concrètement, cette seconde direction d’action se traduisit par une demande d’abaissement de l’âge de la majorité fédérale96. L’effort devait, dorénavant, porter sur la masse des adhérents ordinaires, et non pas sur les mouvements dont la Jeunesse communiste, membre de droit de certaines Maisons. Cette tactique avait, selon la circulaire, prouvé son inefficacité, devant l’incapacité des mouvements à collaborer, et, surtout face au refus des adhérents des Maisons. La rupture préconisée s’inscrivait aussi dans un changement d’attitude à l’égard de la JC, à une époque de grave crise interne avec cette organisation. « L’énoncé de ces tâches montre que ce ne peut être le mouvement de la jeunesse communiste qui les mène à bien, comme certains camarades persistent à le croire, mais que seul le Parti est à même de pouvoir les aborder97. »
41Cette stratégie, à la base, s’inscrivait dans le combat plus large que le PCF devait mener au sein de la FFMJC, « où depuis le pouvoir personnel, on ne peut plus simplement qualifier l’orientation officielle de relativement positive ou de réformiste […] Cette orientation est pro-gaulliste98 ». Le financement des postes d’éducateurs allait fournir un terrain de lutte.
De la co-gestion au FONJEP
42L’heureuse époque de Maurice Herzog, telle qu’elle demeure dans le souvenir quelque peu embelli des acteurs fut tout entière placée sous le signe de la « cogestion ou cogestion99 ». Selon son promoteur, cette cogestion visait à :
« Offrir aux représentants des Associations de jeunesse et à ceux de l’État un point de rencontre en vue de réaliser des entreprises efficaces. [Mais, précisait-il] il ne peut s’agir que de tâches non assumées jusqu’alors par les Mouvements de jeunesse. Il ne saurait y avoir substitution de moyens, c’est seulement un complément pour des tâches dépassant le cadre de chaque Association100. »
43Cette vision fut partagée a posteriori par de nombreux responsables des mouvements, même parmi ceux qui étaient, à l’origine, hostiles à cette politique. Il n’est pas interdit pourtant d’y voir, avec le sociologue Michel Amiot, un moyen inventé par la haut-commissariat pour dépasser le problème suivant :
« Comment initier une politique générale de la jeunesse, étant admis que l’État n’en a pas les moyens administratifs et que cette politique est aux mains d’associations divisées, trop faibles pour mener la politique d’envergure voulue par l’État, trop fortes pour que l’État se passe de leur collaboration ou échappe à leurs pressions101 ? »
44On peut enfin y discerner – et ce n’est pas contradictoire avec ce qui précède – une méthode administrative qui permettait de répartir, en limitant les conflits, les subventions qui constituaient le principal mode d’intervention du haut-commissariat. C’était l’opinion de Pierre Mauroy, président de la Fédération Léo Lagrange, l’un des plus précoces appuis de Maurice Herzog, lorsqu’il déclarait :
« Des contacts avec les pouvoirs publics, nous sommes obligés d’en avoir et les plus rebelles n’échappent pas à la règle. Il y a les antichambres, il y a les bureaux ; il est beaucoup plus sympathique d’être autour d’une table, de discuter ensemble, d’autant que nous avons l’élaboration, la gestion et le contrôle de nos réalisations102. »
45À la FFMJC, le terme cogestion est tellement important qu’il sert à résumer l’idéologie fédérale. On en revendique « l’invention » dans le domaine de l’éducation populaire, ce qui est excessif, mais aussi la pratique depuis les origines, ce qui l’est beaucoup moins. L’administration de la Jeunesse et Sports a, en effet, toujours participé au conseil fédéral. Mais la FFMJC salariant des directeurs professionnels avait depuis ses débuts eu recours aux financements publics et revendiqué l’établissement de liens contractuels avec l’État. Comme d’autres associations, elle avait été associée aux premières initiatives de cogestion lancées par le haut-commissaire, à partir de 1959, en particulier, au sein de COGEDEP (association de Co-gestion pour les déplacements éducatifs des jeunes103).
46Au printemps 1962, il était acquis qu’une phase d’expansion de l’équipement socio-éducatif avait commencé et que son rythme s’annonçait élevé, à la mesure des besoins qu’on prédisait immenses. La loi-programme d’équipement stimulait les initiatives locales. L’exécutif fédéral s’inquiétait surtout de ne pas pouvoir faire face à la croissance. Albert Léger, dans l’un de ses derniers courriers en tant que délégué général, l’avait exprimé, sans détour un an auparavant : « Le danger est que des municipalités risquent de créer des postes sans nous104. » La mise au point du plan d’équipement n’avait, en effet, pas été suivie immédiatement d’une programmation de crédits destinés à rétribuer les animateurs chargés de gérer les locaux. Pourtant, les expériences prouvaient que le bénévolat ou l’improvisation ne suffisaient pas. De plus, l’ampleur de certains projets nécessitait la présence permanente de plusieurs professionnels dès l’ouverture de l’équipement. Maurice Herzog avait pourtant rassuré les parlementaires, lors de la discussion de la loi de programme : le financement des éducateurs serait prévu. Cependant, il était resté très évasif sur la forme que devait prendre ce financement. Il avait dû, également, apaiser les craintes de ces mêmes parlementaires sur un autre point. Certains s’inquiétaient, en effet, du sort réservé à la nécessaire diversité éducative des mouvements. Ils craignaient de voir un modèle pédagogique s’imposer à la faveur de la professionnalisation que beaucoup refusaient.
47La FFMJC employait ses 117 directeurs en poste, au printemps 1962, grâce aux subventions du haut-commissariat, selon un protocole de mars 1950, tacitement renouvelé en 1952 et 1959 : le haut-commissariat autorisait la FFMJC à ouvrir des postes dont « le besoin était caractérisé » et s’engageait à lui fournir, en contrepartie, les subventions nécessaires au paiement des éducateurs qui étaient recrutés avec son contrôle. Cependant, chaque année, le paiement des directeurs restait suspendu aux décisions de la commission de subventions. Au cours des années cinquante, le nombre des postes autorisés était resté stable. À partir de 1959, il avait été multiplié par deux et demi, toujours dans ce « cadre » de subvention non modifié. Deux moyens auxiliaires de financement des postes s’étaient légèrement développés : la mise à disposition d’instituteurs – six en 1962 – et les fonds locaux que, dans le vocabulaire des finances publiques, on dénomme fonds de concours105. Ces fonds pouvaient provenir de ressources propres de la MJC, tirées d’un restaurant communautaire, ou d’une entreprise locale, comme dans la région des mines de potasse en Alsace depuis 1947. Cette source de financement prit de l’importance à partir de 1961, grâce à une extension de la procédure à destination des communes, qui ne pouvaient attendre l’ouverture officielle d’un poste de directeur rémunéré intégralement par les subventions de l’État (appelé poste à 100 %). Jusqu’au début de l’année 1962, le haut-commissaire et son entourage immédiat espéraient pouvoir financer les postes d’animateurs sur leurs crédits. Le ton changea en mai, lorsque le délégué général Lucien Trichaud, évoqua, devant le bureau fédéral et le conseil d’administration, « l’intérêt de la création d’une caisse de coopération qui permettrait de faire face aux nombreuses créations de postes réclamées par les instances locales106 ». Il s’agissait de la première évocation du futur FONJEP.
La création du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP)
48De l’avis de tous les témoins, Lucien Trichaud fut bien le père de ce nouvel organisme de cogestion107. Il reste, toutefois, que la genèse du FONJEP, fut longue – près de deux ans – et que le délégué général dut l’imposer, à la fois, à certaines organisations de jeunesse, et surtout à sa propre fédération. La fédération des MJC, principale bénéficiaire du dispositif, mit plus de deux ans à entrer officiellement au FONJEP, dont la présidence était pourtant assurée par son propre délégué général. Le paradoxe disparaît si l’on considère l’idéal qu’espéraient encore atteindre, en 1962, la fédération : la convention entre l’État et la FFMJC qui aurait permis un financement régulier pour les postes d’éducateurs sur le budget du haut-commissariat. Or, la mise en place du fonds signifiait, pour la fédération, l’ajournement de ce rêve de « nationalisation sans étatisation ».
49Lucien Trichaud lia, d’emblée, la question du financement des postes d’éducateurs à celle du statut des animateurs, alors en discussion dans les milieux de l’éducation populaire. Nous employons, à dessein, les termes d’éducateurs populaires et d’animateurs comme synonymes, car, en ce début des années soixante, ils étaient utilisés indifféremment. Au sein du haut-comité de la Jeunesse, les responsables des organisations de jeunesse et d’éducation populaire réfléchissaient au financement des postes d’animateurs, en général, et pas uniquement de ceux affectés à un équipement, comme les MJC. Toutefois leurs réflexions évoquaient surtout des principes et assez peu les détails techniques. Lucien Trichaud élabora, dans le cours de l’automne 1962, un projet qui visait à permettre l’utilisation généralisée de fonds de concours, dans la logique de ce que la FFMJC pratiquait, à petite échelle, depuis une quinzaine d’années. Dans ses grandes lignes, le projet consistait à créer un organisme chargé de recevoir tant de l’État que des communes et du budget social de la nation (Allocations familiales essentiellement) des fonds destinés à assurer le traitement des éducateurs. Lucien Trichaud envisageait cette solution comme provisoire, en attendant la création de la ligne budgétaire par le Parlement. Il est vraisemblable qu’il escomptait, à l’origine, en faire un moyen de pression sur les députés, afin d’obtenir l’inscription au budget. Il suscita, dans ce but, la création d’un groupe de parlementaires intéressés par les questions socio-culturelles. Beaucoup d’entre eux étaient également maires et s’ils souhaitaient tous la multiplication des postes d’animateurs, ils désiraient, tout autant, que cela coûte le moins possible aux finances communales.
50Cette proposition de Lucien Trichaud avait des conséquences fondamentales. Elle fut, pour l’essentiel, reprise dans le projet confié, en novembre 1963, à l’inspecteur Vessigault au sein du secrétariat d’État qui avait succédé au haut-commissariat en juin108. La suite de la procédure fut complexe, dans ses détails, mais simple, dans son résultat : la décision de création du FONJEP, dans des formes quasi identiques à celles proposées par Lucien Trichaud était prise. Après diverses négociations portant sur le montant de la part de l’État, où furent associés des membres du haut-comité, le FONJEP était finalement créé le 31 janvier 1964. Le conseil d’administration de la FFMJC autorisa le délégué à y participer, mais il réservait temporairement l’adhésion de la FFMJC, ce qui n’empêcha pas Lucien Trichaud d’en assurer, à titre personnel, la présidence.
51Le rôle joué par le délégué général dans la mise en place du FONJEP, le fait aussi que cet organisme servait, avant toute chose, les intérêts de la FFMJC, accentuèrent les critiques au sujet de la place quelque peu encombrante occupée par cette dernière. Certains murmuraient même qu’elle était devenue un « secrétariat d’État-bis ». L’examen des subventions versées aux associations nationales d’éducation populaire révèlent que les grands bénéficiaires des années Herzog étaient les mouvements de jeunesse et les organismes d’éducation populaire, porteurs de la « nouvelle laïcité » de l’après-guerre : Fédération nationale Léo Lagrange qui jouait le jeu de la cogestion, Peuple et Culture et surtout FFMJC qui recevait, à elle seule, la moitié des sommes versées au titre du chapitre 43-52 (Éducation populaire) et près du quart de l’ensemble des subventions versées par la Jeunesse et Sports sur le volet « Jeunesse » (chap. 43-54) de son action109. Globalement, la FFMJC percevait le quart de l’ensemble des sommes versées au secteur Jeunesse. Si l’on veut bien considérer qu’en vertu du principe, qui remontait à la Libération, de la non-intervention directe de l’État auprès des jeunes, l’essentiel de l’action de la Jeunesse et des Sports se faisait sous forme de subventions, on mesure l’importance prise par les MJC. Rapportée aux subventions que la FFMJC recevait sous la IVe République, la somme de 6 378 232 F qu’elle reçut en 1966 était considérable. La même année 1966, la décentralisation théâtrale, secteur plus « légitime », recevait une somme comparable : 6 745 000 F110. La FFMJC rémunérait avec ces subventions 300 directeurs de MJC et une trentaine de personnels d’administration et d’encadrement. Exprimée en euros 2006, la somme versée à la FFMJC par l’État représenterait un peu plus de 7 millions d’euros (7 297 782), ce qui permet de relativiser quelque peu son importance. Elle n’apparaissait élevée qu’en regard des sommes modestes affectées à la Jeunesse.
52Dès 1963, la Cour des Comptes avait pourtant dénoncé la part excessive prise par la FFMJC dans les subventions et critiqué l’importance des financements d’origine publique dans les recettes de la FFMJC. Voici les « éclaircissements » – c’est le terme officiel – fournis par le haut commissariat, en réponse :
« Cet organisme [FFMJC] assure un véritable service public. Il répond à un impérieux besoin d’encadrement de la jeunesse inorganisée exposée aux dangers de désœuvrement ; c’est un service de prévention contre la délinquance, particulièrement menaçante. Depuis 1959, le Haut commissariat a pris une option en faveur de la FFMJC en lui accordant une importante subvention dont les 4/5 environ sont consacrés au paiement de directeurs permanents, condition nécessaire au fonctionnement des MJC111. »
53Toutefois, la hausse des subventions ne pouvait se poursuivre au-delà d’un certain seuil et l’opposition du ministère des Finances à toute forme de financement pluriannuel de frais de personnel, conduisait donc à opérer un transfert partiel des charges vers les communes. Celles-ci allaient désormais devoir rémunérer 50 % du coût total des postes, au lieu de disposer, pour leur MJC, de la mise à disposition d’un directeur rémunéré intégralement sur des subventions d’État. C’était précisément ce que refusaient les directeurs de MJC et une partie des élus.
54L’adhésion au FONJEP fut soumise aux représentants des MJC, à l’assemblée générale de Châteauroux, en mai 1964. Lucien Trichaud dut d’abord gagner, non sans mal, l’accord de ses collègues délégués, car ces derniers redoutaient de s’engager dans un processus qui risquait d’ajourner une prise en charge des postes par l’État. Ils n’étaient pas favorables non plus au paiement des directeurs en partie sur des fonds locaux, y voyant un risque de perte de liberté pour les éducateurs et les MJC. Cependant, devant le risque de paralysie de la fédération, les délégués se rangèrent à l’avis du chef de l’exécutif fédéral. Les directeurs étaient, pour leur part, résolument hostiles au FONJEP et les difficultés que rencontraient certains collègues avec les autorités locales renforçaient leur crainte. Ils firent donc campagne contre le FONJEP dans leurs Maisons et lors des débats à Châteauroux, qui furent les plus animés qu’ait connus la fédération depuis les années cinquante. Devant un vote qui ne permettait pas de trancher, le conseil d’administration décida l’adhésion temporaire pour un an, décision qui fut contestée par les représentants des directeurs112. Lors de l’assemblée générale suivante, à Lyon, en juin 1965, l’adhésion fut acquise. La croissance pouvait donc se poursuivre, même s’il était clair que la perspective d’une prise en charge des postes de directeurs par l’Éducation nationale s’éloignait.
La FFMJC en 1965
55En juin 1965, la FFMJC célébrait avec un certain faste son XXe anniversaire à Lyon. Une seconde loi-programme d’équipement pour 1966-1970 allait être votée dans les semaines suivantes. Le secrétariat d’État avait octroyé, pour les manifestations du XXe anniversaire, une subvention exceptionnelle et une aide pour la réalisation d’un film d’animation destiné à la propagande des MJC, Histoire de 3 messieurs. Ce petit film de 18 minutes mêlait dessin animé et séquences tournées dans des MJC, sur une idée originale et un scénario de Lucien Trichaud, dont on reconnaissait les traits dans le personnage du délégué régional qui rencontrait un inspecteur de la Jeunesse et Sports ressemblant fort à Maurice Herzog. Le film dégageait un optimisme assez satisfait. Il présentait de manière humoristique la création d’une MJC, à l’initiative de trois individus : un ouvrier, un employé et un patron qui empruntaient le même bus et vivaient dans le même immeuble… certes à des étages différents. Devant ce triomphe de la bonne volonté… grâce au soutien de la Jeunesse et Sports et de la FFMJC, certains directeurs communistes hurlèrent à la collaboration de classe 113…
56Les autres documents réalisés pour l’occasion, un numéro de la Documentation française et surtout un timbre-poste édité en 1965, témoignaient aussi de la reconnaissance officielle, tant recherchée par l’exécutif fédéral114. L’avenir était radieux : au 31 décembre 1965, la fédération comptait 539 Maisons affiliées, soit presque trois fois plus qu’à l’automne 1959, lorsque avait débuté la grande croissance115. Et nombreux étaient les responsables qui pouvaient partager l’optimisme lyrique des dernières paroles de Histoire de 3 messieurs :
« Tous animés d’un même élan et soutenus par ces pionniers qui, de discussion en discussion, feront naître une, deux, trois, dix, cent, cinq cents Maisons… »
Notes de bas de page
1 JORF, Documents administratifs, 1964, p. 299.
2 Olivier Le Noé, Socio-histoire des politiques sportives (1940-1975), genèse d’un groupe de spécialistes de l’administration d’État des activités sportives et structuration du service public du sport, thèse Paris 1, 2000, p. 253.
3 Manifeste du 8 août 1958, GEROJEP, arch. FRAG, Grenoble.
4 Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « André Malraux, ministre délégué à la présidence du conseil », in De Gaulle et Malraux, Plon, 1987, p. 163.
5 Ibid.
6 Rapport d’activité pour 1958, AG Colmar mai 1959, annexe E, AFF 697.
7 De Gaulle et Malraux…, op. cit. p. 198.
8 « Lettre à Maurice Herzog », 25 oct. 1958, in Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets, juin 1958- décembre 1960, Plon, p. 1985, p. 122. Je remercie Philippe Oulmont, de la Fondation de Gaulle, d’avoir attiré mon attention sur cette lettre.
9 Ludivine Bantigny, Le plus bel âge ? Jeunes, institutions et pouvoirs en France des années 1950 au début des années 1960, thèse IEP de Paris, 2003, en particulier p. 500 et sq.
10 Gaston Roux, officier venu du sport militaire, membre des cabinets Léo Lagrange.
11 Olivier Le Noé, Socio-histoire…, op. cit., p. 479.
12 Sur ce point voir le témoignage éclairant de Maurice Herzog, ibid…
13 Intervention de Ludivine Bantigny au colloque PAJEP « Cadres de jeunesse », nov. 2003. À paraître.
14 Olivier Philip insiste sur les liens étroits entre politique du sport et politique de la jeunesse : l’une n’était pas concevable sans l’autre. Entretien.
15 Sur la lenteur de la mise en place des structures, Jean-Luc Martin, La politique…, op. cit. p. 53.
16 Centre national d’études et de liaison des associations de jeunesse qui aurait été fondé en août 1958 et dont la déclaration date du 12/12/1958. Son siège se trouvait à l’UNC.
17 Extraits du bureau du CNELAJ du 18 mars 1959, arch. FRAG Grenoble.
18 Serge Berstein, Nouvelle Histoire de la France contemporaine, 18, Seuil, 1989, p. 11.
19 Cette expression imprécise désigne aussi bien les activistes Algérie française jusqu’à l’autodétermination, que, par la suite, les franges les plus conservatrices de l’UNR.
20 Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « André Malraux, ministre délégué… », op. cit. p. 156, et Olivier Le Noé, Socio-histoire…, op. cit. p. 481.
21 Entretien avec Olivier Philip.
22 Rapport moral pour AG de Colmar mai 1959, AFF 697.
23 Note du Ht commissaire aux recteurs et IA du 19/3/1959. Elle fait référence à la circulaire du 4/7/1948. AFF.
24 Par une lettre du 8 avr. 1959 plusieurs fois mentionnée mais qui ne figure ni dans les archives de la FFMJC ni dans celles du haut-commissariat.
25 Entretien avec Olivier Philip, qui souligne que cette entrevue marqua un tournant. Elle eut lieu sans doute en avril.
26 CR intégral BF 6/5/1959, AFF Rencontre du 4 mai 1959.
27 CR intégral BF 6/5/1959, AFF.
28 Le détachement d’Albert Léger à la FFMJC était perçue par certains de ses anciens collègues comme une trahison du monde laïque dont il était issu.
29 Lettre de remerciements à M. Herzog 16/7/1959 AN CAC 19790592/1.
30 Docteur Escoffier-Lambotte, Le Monde, 29 et surtout 30 juil. 1959, ainsi que 3 sept.
31 Le Monde, 9/9/1959, p. 1.
32 Entretien avec Paul Jansen.
33 Plus de 50 sollicitations de la part de communes avaient été enregistrées début décembre 1959. BF 7/12/1959. AFF Boîte année 1959.
34 Haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports, Activités éducatives et équipement des nouveaux ensembles résidentiels, p. 1961, 143 p.
35 Rapport moral pour l’AG de Colmar, 17 mai 1959, AFF 697.
36 Sur Christiane Guillaume : DBMEPAC.
37 AN CAC 19790592/1, en particulier note de chef du 5e bureau en date 16/6/1959.
38 Vincent Dubois, La politique culturelle, genèse d’une catégorie d’intervention publique, Belin, 1999, p. 148 et 155.
39 Geneviève Poujol, « Un nouveau projet : l’action culturelle », et Françoise Tétard, « L’éducation populaire : l’histoire d’un rattachement manqué », Philippe Urfalino, « Les Maisons de la culture contre l’éducation populaire », in Geneviève Poujol (dir.), L’Éducation Populaire au tournant des années 60 : État, mouvements, sciences sociales, INJEP, Marly-le-Roi, 1993, et Philippe Urfalino, L’invention de la politique culturelle, la Documentation française, p. 1996, 361 p.
40 Voir tableau chronologique in Vincent Dubois, op. cit., p. 164.
41 Par décret du 3 février 1959.
42 Conférence du GEROJEP, 11/3/1959, arch FRAG, Grenoble.
43 Françoise Tétard, « L’éducation populaire… », réf. cit.
44 Philippe Urfalino, L’invention, op. cit., p. 67.
45 Figure de l’histoire du théâtre, Pierre-Aimé Touchard était inspecteur général à la direction des Arts et Lettres en 1959. Notice in DBMEPAC. Philippe Urfalino se fonde sur un article de Pierre-Aimé Touchard paru dans la revue Signes en sept. 1959.
46 Combat qui en juin 1960 consacra une série à « Où en est la culture populaire ? » critiquait « les travaux de la rue de Valois » et écrivait que « l’une des premières mesures envisagées est l’établissement de Maisons de la culture qui reprennent en grande partie l’ancien programme des MJC (devenues simplement des Maisons de jeunes) avec l’ambition de le mener cette fois à bien ».
47 BF 3/2/1960 AFF 691.
48 Pierre Moinot entouré de Michel de Saint Denis, Jean Rouvet et Pierre-Aimé Touchard.
49 Philippe Urfalino, L’invention, op. cit., p. 67.
50 Ibid.
51 BF 7/12/1960, AFF, Paris, 691.
52 Rapport moral, AG Chambéry juin 1960, AFF 697.
53 Rapport moral, AG Nancy 1963, AFF 698.
54 BF 7/12/1960, AFF, 691. C’est nous qui soulignons.
55 Exemples : rapport moral AG Chambéry juin 1960 et CA 26/9/1965.
56 Rapport de la 5e commission de l’AMF, Pas à Pas, n° 93, avril 1959, p. 5.
57 Cette enquête réalisée en collaboration avec le Centre de sociologie urbaine de Chombart de Lauwe ne fut finalement ni achevée ni publiée. « De jeunes militants dans le contingent, l’enquête des organisations de jeunesse 1959-60 », in Jean-Pierre Rioux (dir.), La Guerre d’Algérie et les Français, Fayard, 1990, p. 86-98. Sur les sursis, Ludivine Bantigny, Le plus bel âge…, op. cit., p. 615-621.
58 Combat, 8 juin 1960.
59 Dossier AG Chambéry, juin 1960, AFF 698.
60 La FMJD théoriquement neutre à l’origine fut, dès le début de la Guerre froide, sous la coupe des communistes. Joël Kotek, La jeune garde : entre KGB et CIA, la jeunesse mondiale, enjeu des relations internationales, 1917-1989, Seuil, 1998, 413 p.
61 CA 30/10/1960, AFF 701.
62 Note d’Albert Léger, 26/2/1960, AFF 711.
63 Ibid. Les MJ correspondantes d’Algérie disparurent avec l’indépendance. Celle de Bône fut victime d’un attentat de l’OAS en 1961. Les liens avec ces Maisons qui n’étaient pas des MJC de plein exercice avaient toujours été réduits. Cependant les communiqués de l’UNEF dans l’affaire de l’UGEMA furent transmis aux MJC de base pour leur information (17/6/1960).
64 Entretien avec Olivier Philip.
65 Les effectifs de MJC figurent en annexe.
66 Loi de programme n° 61-806 du 28/7/1961, JORF/LD/29/07/1961, p. 6889.
67 Roland Nungesser, député UNR, JORF/DP/AN/17/5/1961 p. 804.
68 L’accusation avait été portée par Marcelle Devaud, maire UNR de Colombes, lors du débat à l’Assemblée. op. cit. p. 815. Chiffres données par Maurice Herzog lors du même débat p. 818.
69 Petite innovation cependant : des organisations privées pouvaient, elles aussi, être subventionnées. Cf article 2 de la Loi 61/806 du 28/7/1961. Cette disposition fut vraisemblablement accordée pour satisfaire les revendications des œuvres, surtout catholiques.
70 Pour plus de détails, voir Olivier Le Noé, Socio-histoire…, op. cit., p. 293 et 304-308.
71 L’année budgétaire 1961 était en cours au moment du vote de la loi.
72 Allocution d’André Philip lors de AG fédérale de Vincennes, 27/5/1961. AFF 698.
73 Auteur de nombreux ouvrages de poésie, mais aussi d’une Histoire de l’Éducation populaire en Europe, Éditions ouvrières, 2 volumes parus en 1968 et 1969.
74 Lettre en date du 24/11/1964, AFF, Paris, 458. Jean Le Veugle, fut une importante figure de l’administration de la Jeunesse et Sports, après avoir été le directeur du Centre d’Éducation populaire des Marquisats à Annecy à la Libération, DBMEPAC, p. 233-234.
75 Résolution du 47e congrès de l’UNEF, reproduite in Pas à Pas, n° 88, déc. 1958, p. 12.
76 APELC (Association des parents d’élèves de lycée collège, PEEP), in La voix des parents, avril-mai 1960. Voir aussi Femmes d’aujourd’hui, n° 853, 7 sep. 1961, p. 22-23/40.
77 Voir Le groupe familial et L’école des parents, par exemple n° 3 janvier 1963.
78 Le n° 31 de Vers la Vie nouvelle relate l’expérience de ses membres à la MJC de Pau.
79 Fondée par Roger Beaunez, présidée par la suite par Michel Rocard, elle publiait Les Cahiers de l’ADELS dont le n° 43 de déc. 1963 fut entièrement consacré aux MJC.
80 Jean Peccoux, « Les MJC vues par un architecte », Carnets du praticien de l’économie, 1961.
81 Si l’on en croit Nation socialiste, sept. 1962. Périodique fondé par le communiste dissident Auguste Lecoeur.
82 Lucien Trichaud, « À qui sont les MJC ? », Pas à Pas, n° 127, oct. 1962.
83 Rapport moral AG de Chambéry, AFF 697.
84 Émile Copfermann, La génération des blousons noirs, problèmes de la jeunesse française, François Maspéro, p. 1962, 227 p. [rééd. La Découverte 2003]. Émile Copfermann (1931-1999), notice in DBMEPAC. Tribune socialiste était l’hebdomadaire du PSU.
85 Préface de Claude Bourdet, ibid, cit. p. 22. L’expression est d’Emmanuel Mounier.
86 Ibid p. 130-133 et 148-150.
87 Jean Ribes, in Bulletin de la FUAJ (automne 1961), cité in Bulletin de liaison et d’information de la FFMJC, n° 4, janv. 1962. Le président de la FUAJ se refusa à reprendre cette analyse.
88 Voir l’histoire « engagée » de Claude Dufrasne, Une page oubliée de l’histoire de l’éducation : le mouvement ajiste, Paris, 1993, 150 p. En particulier p. 20-25 et 50 sq.
89 Interventions de Charles Bosson 9/5/1961, JORF/DP/AN p. 725, André Diligent p. 781.
90 Intervention de H. Laudrin 9/5/1961, op. cit. p. 703.
91 Rapport de Henri Heinemann, juin 1962, AFF 713. C’est nous soulignons.
92 Nous nous appuyons sur la circulaire adressée par la Fédération du Loiret du PCF aux directions de sections 18 mai 1962, Archives MJC des Murlins, Orléans. Si cette circulaire concernait, en théorie, toutes les Maisons de jeunes, elle est entièrement consacrée aux MJC.
93 Ibid.
94 On peut supposer que cette allusion vise la participation, à titre d’observateur, de la FFMJC aux différents festivals organisés par UMJD (l’organisation internationale de la jeunesse communiste).
95 Circulaire PCF.
96 Lettre d’André Thomazo à André Philip 8/12/1961, BF, AFF 713.
97 Ibidem.
98 Ibid.
99 Pour reprendre l’orthographe initiale, contractée par la suite.
100 Maurice Herzog cité par Françoise Tétard, La cogestion promue, op. cit., p. 66-67.
101 Michel Amiot « La Jeunesse et les Sports », in Georges Langrod (dir.), La consultation dans l’administration contemporaine, Cujas, p. 1972, p. 290-91. Michel Amiot à l’époque détaché à l’INEP fut associé à l’histoire de la FFMJC, dont, avec d’autres, il forma les directeurs.
102 PV de CA COGEDEP, 25/9/1959, cité par Françoise Tétard, La cogestion…, op. cit., p. 68.
103 Ibid.
104 Lettre au bureau fédéral 18/7/1961. AFF 1390.
105 « Fonds versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de l’État à des dépenses d’intérêt public », Raymond Muzellec, Finances publiques, 8e éd., Sirey, 1993, p. 230.
106 BF12/5/1962 et CA 13/5/1962, AFF 691 et 701.
107 C’est aussi l’avis de Françoise Tétard in Le FONJEP, une cogestion aux multiples visages, FONJEP-INJEP, Marly-le-Roi, 1996, 168 p.
108 Note confidentielle aux délégués. Réunion d’équipe, 15/11/1963. arch. FRAG Grenoble.
109 Nous nous appuyons sur la reconstitution des subventions que nous avons effectué à partir des Listes des associations régies par la loi du 1er juil. 1901 ayant reçu directement sur le plan national au cours de l’année une subvention (Archives économiques et financières de Savigny-le-Temple).
110 Pascale Goetschel, Renouveau et décentralisation du théâtre 1945-1981, PUF, 2004, p. 258.
111 JORF, Documents administratifs, 1964, p. 299.
112 CA 17/5/1964 AFF 701et BF 19/6/1964 AFF 318.
113 Entretien avec Simon Barathieu.
114 « Les MJC », La Documentation française illustrée, avril 1965, n° 206.
115 Voir tableau des effectifs de MJC en annexe.
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