1 Les désordres populaires, les initiatives des sociétés révolutionnaires et les dangers extérieurs accentuent cette ambition. La centralisation et l’étatisation sont aussi une voie vers le retour à l’ordre.

2 Le texte, plutôt étonnant pour un pays doté de la devise E Pluribus Unum, est de Jay. Federalist, n° 2, p. 5-6. Il aurait tout aussi bien pu être écrit en France.

3 Il ne le sera réellement et définitivement qu’en 1818.

4 Sur la chance de l’Amérique qui n’a pas eu à subir le « joug général de l’autorité politique », M. Gauchet, La Condition politique, p. 341 et p. 383. En revanche, elle a bel et bien dû subir les contraintes de la naissance, même si celles-ci furent moins pesantes que celles de la France.

5 En anglais, je dirais “dissenting culture”. Disons que l’acceptation néerlandaise de la dissidence (religieuse, tout d’abord) – et donc de la dissension – est à la base de sa culture. Aux Pays-Bas, ceux qui pensent différemment ne sont pas vus comme des ennemis irréductibles, mais comme des gens qui pensent autrement. Or, durant la révolution, on les a vus devenir pour le moins des « ennemis occasionnels ».

6 Et d’autant plus que le stadhouder, considéré depuis plus longtemps comme motif premier de la discorde, s’était exilé.

7 Chantal Mouffe dirait qu’ils ont découvert la dimension antagoniste du politique, et ce à leur grand désappointement. “Deliberative Democracy or Agonistic Pluralism ?”, Social Research, 66, 3, 1999, p. 37-50.

8 La politique directoriale pourrait se lire aussi comme une entreprise pour rendre à la France non seulement sa sécurité, mais encore sa respectabilité et son prestige : notamment par sa politique de spoliation des chefs-d’œuvre de l’humanité. Voir le discours du directoire exécutif du 14 brumaire an IV, Le Moniteur, 26, p. 386.

9 Après Waterloo, il en ira autrement. Les Pays-Bas rejettent en bloc toutes les institutions étrangères et se flattent de tout reconstruire, conformément au « génie national » – ce qui ne veut pas dire que ne subsistent des emprunts étrangers, on l’a vu.

10 Sur les frustrations vécues dans le présent et le mythe de l’âge d’or à venir, M. Levinger et P.F. Lytle, “Myth and Mobilisation : the triadic structure of nationalist rhetoric”, Nations and Nationalism, 7, 2001, p. 175-194.

11 R. Monnier, « Républicanisme et Révolution française », French Historical Studies, 26, 1, 2003, p. 95-117 et K.M. Baker, “Transformations of Classical Republicanism in Eighteenth Century France”, The Journal of Modern History, 73, 2001, p. 32-53. Pour Baker, le langage républicain sous l’Ancien Régime est oppositionnel. Ce n’est pas un modèle à imiter, mais un diagnostic critique. Cela se peut, mais la création de la république américaine met fin à cet état de chose. Elle démontre qu’une république moderne est possible et elle devient elle-même un modèle.

12 D.T. Rodgers, “Republicanism : the career of a concept”, Journal of American History, n° 1, 1992, p. 36 et Isaac, op. cit., p. 359 et l’article cité de Kloppenberg.

13 C’est ce qu’avoue encore en 1807 John Adams. Cité par Rodgers, op. cit., p. 37.

14 Ce sont là les vertus prônées par la Pennsylvanie. Le Massachusetts y ajoutait la piété ; la Virginie, la vertu.

15 Robespierre pardonnait les vices privés – alcoolisme, par exemple – si le citoyen faisait preuve de vertu civique. Mais il incriminait le (vrai) peuple, qui se levait pour du café, du sucre ou du savon. A. Jourdan, “Robespierre and revolutionary heroism”, in C. Haydon et W. Doyle, Robespierre, Cambridge, 1999, p. 54-74.

16 L’idée d’une double identité est de J. Isaac – article cité. De la 4^e sansculottide de l’an II à la fin du Directoire, les discussions à la tribune sont légion sur l’urgence à mettre en place des institutions politiques et morales, à ranimer le commerce et l’industrie, à raviver les arts utiles, à rétablir le crédit public, etc., mais aussi à servir la république et la cause sacrée de la liberté et de l’égalité. Entre autres, Le Moniteur (vol. 22 à 29) et les Proclamations ministérielles de Neufchâteau et de Quinette (AN F 21-527 et AN F 17-1232).

17 Cf. A. Jourdan, « Le Premier Empire : un nouveau pacte social ? », Cités 20, 2004, p. 51-64.

18 Le pacte du 2 décembre est malgré tout moins républicain, car Napoléon en a modifié le texte. Cf. A. Jourdan, op. cit. Notons encore qu’en 1814, le projet constitutionnel du Sénat veut imposer un pacte réciproque à Louis XVIII qui comporte les mêmes exigences. Sur ce texte, J. Thiry, Le Sénat de Napoléon, Paris, 1949, p. 309-331 et, en 1815, le corps législatif réitère et exige des garanties politiques et un système représentatif dans les mêmes termes qu’en 1804. Cf. A. Jourdan, “The First Empire in the context of the Age of Révolutions. A contest between two national representations”, à paraître dans Napoleon and European Culture, (éd. M. Broers).

19 W. Velema, Republicans, p. 201-213. Nos arguments diffèrent quelque peu de ceux de Velema, mais nos conclusions se rejoignent.

20 G. Wood, The Radicalism of the American Revolution, p. 365-367. De fait, on pourrait s’interroger pour savoir s’ils s’en prennent à la république ou à la démocratie – ou bien s’ils les confondent dans leur jugement négatif. Sur les réalités de la démocratie américaine, l’ambassadeur de Hollande Van Polanen est plus que négatif. L. van Oudheusden, “De ‘Woelige menigte’ aan de macht. Waarschuwingen van een Nederlandse gezant in Amerika, 1795-1802”, Geschiedenis Magazine, n° 4, 2006, p. 33-37.

21 Louis avait tendance à agir comme un véritable roi constitutionnel : respectueux du serment qu’il avait prêté, car dépourvu de véritable légitimité, il pensait la mériter en faisant le plus de bien possible à « son » peuple. Napoléon avait d’autres idées sur le sujet. Cf. A. Jourdan, L’Empire de Napoléon, Paris, 2000.

22 Les quatre types seraient les suivants : emprunt volontaire (dislocation et relocation) rejet (hyper-différence) ; parallélisme (crisscross diffusion) ; et influences tierces – nationales ou étrangères.

23 Le terme est de Gordon Wood, The Radicalism of the American Revolution, p. 218.

24 À ce sujet, « Les Tableaux historiques de la Révolution française en Hollande », article cité.

25 De même, il faut accepter l’idée de J.M. Blaut que toute communauté possède une capacité de création et d’inventivité. D’un apport certain dans l’étude des transferts, la théorie diffusionniste revue et corrigée en tient compte. Pour les divers concepts, qui nous ont inspirés mais que nous n’avons pas repris tels quels, J.M. Blaut, “Diffusionism : A Uniformitarian Critique”, Annals of the Association of American Geographers, vol. 77, n° 1, 1987, p. 30-47.

26 On réfère bien souvent à la Grande Révolution anglaise et aux textes fondateurs des radicaux britanniques. Fort bien, mais le voyage en Hollande a une portée aussi vaste : là les voyageurs voient la république en action, comme on disait à l’époque. Cf. M. van Strien-Chardonneau, Le voyage de Hollande. Ou J. Israël, Les Lumières radicales. Pour une vue plus ample et plus nuancée, mon article, “The Alien Origins of the French Revolution : American, Scottish, Genevan and Dutch Influences”, Proceedings WSFH, Albuquerque Conference, 35, 2007.

27 Howard Brown (op. cit.) n’a donc pas tort de parler d’autoritarisme libéral à ce propos, mais il focalise trop sur l’autoritarisme et la répression au détriment du républicanisme moderne – qui accepte donc le commerce, l’individualisme, la civilisation et la modernité, sans renoncer pour autant au patriotisme et à une participation certes limitée, mais réelle du peuple.

28 Ce qui ne sera pas une raison pour émanciper les femmes et les noirs, mais ce qui les amène à moderniser le républicanisme antique.

29 Alliée énergique et puissante, mais sans danger pour la France en raison de ses superficie et démographie restreintes. Inversement, les agents de séjour en Italie avertissent le Directoire de ne pas la réunir en une république une et indivisible sous peine de créer un État rival de la Grande Nation (AN AF III 71).

30 On peut y voir un héritage de la culture britannique, où il en va de même, mais c’est aussi évidemment une conséquence du fédéralisme, que l’on retrouve aux Pays-Bas. M. Gauchet les mentionne également, La Condition politique, p. 383.

31 Non seulement en ce qui concerne les droits dits sociaux qui se maintiennent jusqu’en 1801, mais pour ce qui est de l’éducation des grands et des petits – laquelle va dans une direction égalitaire.

32 Guillaume I^er, roi des Pays-Bas réunis de 1815 à 1830 n’est pas au sens strict le premier roi des Pays-Bas, puisque Louis Bonaparte l’avait précédé de 1806 à 1810, mais lui se disait roi de Hollande. Cf. le recueil d’actes sous notre direction, Louis Bonaparte, roi de Hollande, à paraître chez Nouveau Monde Éditions.

33 Autre cas de figure que ce transfert inversé, qui fait que ce qui était national est interprété par la suite comme étant justement non-national. Ce serait là une occurrence saugrenue de l’hyperdifférence : la réalité nationale étant si peu conforme aux représentations qu’on en a, elle est nécessairement étrangère. Sur ces concepts, Cf. S. Chabot et J.-W. Duyvendak, “Globalization and Transnational Diffusion between social movements…”, Theory and Society, 31, VI, 2002, p. 706.

34 N’oublions pas la terreur blanche, violente, irrationnelle, vengeresse qui ensanglante nombre de départements en 1815. Ici aussi, il y a un retour du refoulé et une intensité punitive égale aux traumatismes vécus soi-même.